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Monsieur le Président, je prends la parole pour m'opposer au projet de loi à l'étape de la troisième lecture. Je le fais après m'être interrogé en toute conscience parce que j'estime que les députés doivent prendre au sérieux la question du terrorisme. Or, la question demeure: le projet de loi S-7 est-il la meilleure façon de contrer la menace terroriste?
Dans le discours que j'ai fait à l'étape de la deuxième lecture, j'ai parlé des liens entre les événements du 11 septembre 2001 et ma famille. Ce jour-là, ma mère a pris un vol en partance de Washington et un bon ami de mon partenaire a pris en vol en partance de Boston. Ma mère a été chanceuse: plus tard, en soirée, elle était en sécurité à Denver, au sol. Par contre, l'ami de mon partenaire n'a pas été aussi chanceux: il a pris le mauvais vol en partance de Boston. Nous avons dû informer ses parents, en Indonésie, que leur fils était à bord du deuxième appareil qui s'est écrasé contre une des tours à New York.
Dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, je n'ai pas parlé de mon travail à l'étranger pour défendre les droits de la personne. J'ai déjà travaillé dans des pays où la menace terroriste était constante. J'ai travaillé sur le terrain au Timor-Oriental, à l'île d'Amboine, en Indonésie, et en Afghanistan. À tous ces endroits, les bombardements étaient un risque constant et, bien souvent, une réalité concrète. J'ai vu des collectivités de désagréger à cause de la violence terroriste. Je me souviens encore du jour où mon partenaire et moi étions à l'île d'Ambon pour travailler à un projet de consolidation de la paix entre les Chrétiens et les Musulmans. Ce jour-là, le marché a été bombardé. De nos locaux, on pouvait voir la fumée s'élever du marché. Mon partenaire était justement censé y être au moment de l'explosion, mais, heureusement, il était en retard.
Par conséquent, je comprends ce que représente la menace terroriste et j'ai toujours adopté une position claire et sans équivoque contre le terrorisme. J'ai toujours dit qu'aucune excuse ne pouvait justifier le recours à la violence contre des civils et je crois fermement que la loi doit être appliquée dans toute sa rigueur contre les individus qui commettent des actes terroristes. Je suis persuadé que nous devons prendre des mesures qui nous protègent contre le terrorisme, mais je crois aussi qu'il nous incombe de préserver la primauté du droit et de respecter les libertés et les droits fondamentaux. Autrement, qu'allons-nous protéger au juste? Comme plusieurs de mes collègues l'ont déjà dit, il s'agit véritablement d'une question d'équilibre. Comment protéger la société tout en préservant ses valeurs les plus fondamentales?
Dans mon intervention à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi, j'ai parlé non seulement de mon expérience personnelle, mais aussi de l'expulsion des Canadiens d'origine japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale, un événement malheureux. Rétrospectivement, il est très clair que la peur, et rien d'autre, nous a poussés à bafouer les droits d'un groupe minoritaire au pays en ayant recours à la Loi sur les mesures de guerre. À l'époque, la majorité des Canadiens étaient d'avis que l'application de cette loi était nécessaire pour préserver leurs droits, et ce, malgré l'absence de preuves à cet effet à ce moment-là ou plus tard. Permettez-moi de souligner de nouveau qu'aucun Canadien d'origine japonaise n'a été accusé, et encore moins condamné, d'avoir collaboré avec l'ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, la panique et la peur nous ont poussés à déraciner toute une communauté et à bouleverser la vie de milliers de Canadiens uniquement en raison de leurs origines. Je crains que nous commettions le même genre d'erreurs si, dans un moment de panique, nous adoptons des mesures qui nous amèneraient à cibler certaines communautés à cause de leurs origines.
C'est là le dilemme. Comment pouvons-nous assurer la sécurité des collectivités sans bafouer les droits qui sont le fondement même d'une société libre et tolérante? Qu'est-ce qui, selon moi, constitue une menace pour les droits dans le projet de loi ? Qu'est-ce qui, d'après le NPD, pose problème dans le projet de loi S-7? Cette mesure législative présente deux problèmes importants et un problème connexe.
Les deux problèmes importants sont les investigations et la détention préventive, qui sont contraires aux droits fondamentaux que protège notre système judiciaire. Qu'on les considère à travers le prisme de nos traditions judiciaires britanniques, de notre propre Charte des droits et libertés ou des obligations juridiques du Canada au titre de pactes internationaux, ces deux mesures porteraient atteinte à nos valeurs fondamentales. Les investigations anéantissent les protections fondamentales contre le fait de s'incriminer soi-même qui sont intégrées à notre système depuis 300 ans, et la détention préventive violerait le principe voulant qu'une personne ne soit sanctionnée que pour un méfait précis. Le projet de loi permettrait d'incarcérer une personne pendant un maximum d'un an même si elle n'a jamais été accusée et encore moins condamnée au criminel. De plus, comme l'ont révélé les délibérations du comité, le gouvernement a voulu que les dispositions relatives à la détention préventive soient d'une portée très vaste, au point même de viser des gens simplement en contact avec l'auteur éventuel d'un acte terroriste ou l'ayant aidé par inadvertance. En droit canadien, l'intention est un élément inhérent à la notion d'acte criminel, mais elle n'a jamais encore constitué un crime en soi. Par conséquent, j'estime que ces deux mesures sont excessives et qu'elles menacent nos valeurs et nos droits fondamentaux.
À l'étape de l'étude en comité, les néo-démocrates ont fait ressortir les failles les plus graves du projet de loi et proposé 18 amendements afin de régler les problèmes les plus flagrants. Cependant, comme d'habitude, les conservateurs n'ont rien voulu entendre. Comme nous l'avons vu à maintes reprises, les conservateurs ne sont pas réellement disposés à considérer des amendements raisonnables proposés lors des travaux des comités, même si les ministres affirment le contraire lorsqu'ils présentent un projet de loi. Dans le cas du projet de loi , ils ont même rejeté une proposition qui visait simplement à protéger les droits des enfants afin d'éviter que ceux-ci ne soient soumis à une investigation ou à la détention préventive. Les conservateurs n'étaient même pas prêts à accepter cette proposition d'amendement concernant les droits des enfants.
À l'autre bout de la Chambre, le troisième parti, qui a initialement présenté ces deux mesures en 2001, a non seulement négligé de proposer le moindre amendement, mais il a également refusé d'appuyer les propositions d'amendement du NPD. Le projet de loi est donc revenu à la Chambre pour la troisième lecture, sans proposition d'amendement.
L'argument des conservateurs en faveur du projet de loi , quand ils se donnent la peine de présenter un argument — et je souligne que nous ne voyons pas de députés conservateurs prendre la parole pour tenter de convaincre l'opposition ou la population que cette mesure est effectivement nécessaire — leur argument, donc, est que, si le projet de loi n'est pas adopté, nous ne serons pas à l'abri du terrorisme et qu'il faut des investigations, des détentions préventives et de nouvelles mesures pour qu'il soit illégal d'aller à l'étranger dans le but de commettre un acte terroriste.
Cet argument invoquant la nécessité de cette mesure ne tient pas, pour plusieurs raisons. D'abord, il est facile de constater qu'à l'époque où les investigations et la détention préventive étaient en vigueur, elles n'ont jamais été utilisées. Si ces mesures étaient nécessaires, comme on le dit, pour nous protéger du terrorisme, pourquoi n'y a-t-on pas eu recours? Comment expliquer l'absence d'exemples démontrant qu'elles ont contribué à notre sécurité?
La deuxième chose qui me fait dire que l'argument de la nécessité ne tient pas est le bilan de la GRC, qui a pu arrêter les personnes mêlées à ces affaires de terrorisme et les faire inculper et ce, en l'absence de ces pouvoirs extrêmes. J'en prends pour exemple l'affaire Khawaja, celle des 18 personnes arrêtées à Toronto et même les arrestations d'hier. Si ces pouvoirs sont absolument nécessaires, comment la police a-t-elle pu réaliser autant de progrès dans la lutte contre le terrorisme au cours des 12 dernières années? Si, pendant 12 ans, nous avons, comme on le voit, marqué des progrès dans la lutte contre le terrorisme sans ces pouvoirs, qu'est-ce qui permet de croire que nous en avons maintenant besoin? Je n'ai entendu personne, en face, démontrer, d'une manière ou d'une autre, qu'il faut adopter le projet de loi maintenant pour assurer notre sécurité.
Bien entendu, pour ce qui est d'aller à l'étranger pour participer à des actes terroristes, un examen attentif de la loi en vigueur révèle que c'est déjà illégal. Par conséquent, qu'est-ce que le projet de loi donnerait de plus? Je ne comprends vraiment pas la raison d'être de cette nouvelle disposition.
Si les mesures proposées dans le projet de loi ne sont ni efficaces, ni nécessaires, est-ce que nous nous retrouvons alors impuissants devant le terrorisme, comme l'insistance des conservateurs concernant l'adoption de ce projet de loi semble l'indiquer? La coïncidence entre le moment choisi pour présenter de nouveau ce projet de loi et celui de l'annonce des arrestations réalisées hier en lien avec des actes de terrorisme me semble pour le moins suspecte, faute d'un meilleur terme. Cette coïncidence me semble trop parfaite. Il me semble que les conservateurs essaient de profiter d'un climat de peur pour faire progresser l'adoption de ce projet de loi. Je me reporte encore une fois aux Canadiens d'origine japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale. La peur nous avait alors poussés à poser des gestes qui ont détruit toute une communauté canadienne. Il a fallu de nombreuses années pour la rebâtir, et tout ça uniquement à cause de la peur.
Je crains que, afin d'inciter les gens à ne pas poser les questions qui s'imposent au sujet de cette mesure législative, les conservateurs n'aient recours à ce même climat de peur dans la foulée de l'attentat à la bombe du marathon de Boston et de l'excellent travail des policiers qui ont porté des accusations contre ceux qui, grâce à leurs liens avec Al-Qaïda, souhaitaient faire dérailler un train de VIA Rail.
J'ai été très fier que la Chambre condamne à l'unanimité ce tragique attentat à la bombe à Boston, mais je suis un peu moins fier du moment choisi pour présenter à nouveau le projet de loi , soit quelques jours après cet attentat.
Au moment de l'attentat, j'ai dit qu'il ne faudrait pas tirer de conclusions trop hâtives. Je maintiens qu'il est probablement trop tôt pour tirer des conclusions définitives concernant la façon dont les États-Unis devraient réagir à ce qui s'est produit à Boston. Il faut prendre des précautions raisonnables à la suite d'actes de terrorisme, mais il faut également découvrir ce qui s'est réellement produit afin de pouvoir déterminer les mesures appropriées à prendre.
Je crois toutefois qu'il est possible de tirer rapidement une leçon de la tragédie de Boston: lorsque les policiers disposent de ressources suffisantes, ils peuvent obtenir des résultats avec une rapidité remarquable, et avec les moyens habituels, sans avoir recours à des pouvoirs juridiques extraordinaires qui menacent les libertés civiles.
La triste réalité, c'est que le gouvernement faillit à la tâche au chapitre des ressources dans la lutte quotidienne contre le terrorisme. Sans me lancer dans une longue liste de réductions budgétaires dans tous les domaines, allant du maintien de l'ordre à la protection civile, permettez-moi de citer deux faits. Je crois qu'ils sont très importants lorsqu'il s'agit de la lutte contre le terrorisme.
Les conservateurs sont en train de couper 325 postes d'agents de première ligne et 100 postes d'agents du renseignement à l'Agence des services frontaliers. Ce sont assurément de bonnes nouvelles pour les trafiquants d'armes et de drogue et, presque certainement, pour d'éventuels terroristes. En réduisant les ressources et les activités de renseignement de première ligne, nous augmentons en fait les risques d'actes terroristes. Ce n'est pas une question de législation. Cest une question de ressources destinées au travail d'enquête et d'application de la loi, qui doit être réalisé au début du processus, comme le travail que la GRC a effectué pour en venir aux accusations qu'elle a portées hier.
Je le répète, il y a des cyniques qui croient que les conservateurs ont présenté le projet de loi simplement pour des raisons politiques et pour renforcer l'appui de leur base électorale. Il y a des cyniques, dont je fais partie dans ce cas, qui croient que les conservateurs profitent du contexte actuel, où peu de gens se font poser les questions difficiles sur les moyens d'assurer la sécurité de nos collectivités sans bafouer les droits qui en sont les fondements.
Quand les néo-démocrates ont tenté d'aborder cette question fondamentale lors des débats à la Chambre, je me suis franchement demandé si les libéraux et les conservateurs se donnaient seulement la peine d'écouter. S'il est si évident que ce projet de loi est nécessaire, pourquoi les conservateurs ont-ils refusé de tenir un débat sérieux à son sujet?
Au contraire, à ma connaissance, un seul député conservateur a pris la parole à l'étape de la troisième lecture. Après les interventions des députés de l'opposition, il est difficile de prendre leurs questions au sérieux, car leurs observations ne sont guère plus que des slogans.
Hier après-midi, ici à la Chambre, j'ai entendu le député de et Winnipeg répondre au discours de l'un de mes collègues en lui parlant des politiques des néo-démocrates qui dorlotent les voyous et les terroristes.
J'ai mentionné ce député par le nom de sa circonscription seulement, même s'il est ministre. J'ai agi de la sorte parce que je pense que ces observations ne favorisent pas le débat sur le fond de la question, et parce que je considère qu'elles ne sont pas dignes d'un ministre du gouvernement canadien.
La réaction de nombreux conservateurs à propos de cette importante question m'a déçu, mais celle des libéraux m'a laissé perplexe. Voilà le jadis fier Parti libéral, qui se plaît à réclamer la paternité de la Charte des droits et libertés. Reconnaissant la menace que constituaient les dispositions principales qui reviennent dans le projet de loi , les libéraux avaient initialement ajouté une disposition de caducité.
Mais voilà que, dans le débat d'aujourd'hui, il fait presque le travail du gouvernement en s'exprimant en faveur du projet de loi , et plus particulièrement en faveur des mêmes dispositions qui étaient visées par une disposition de caducité dans la première Loi antiterroriste. Il se bat aujourd'hui pour ramener ces dispositions, mais en omettant désormais de parler de caducité.
En 2007, peu avant le moment où les dispositions relatives à l'engagement assorti de conditions et aux investigations devaient tomber en caducité, les députés ont été appelés à voter sur leur renouvellement; les libéraux avaient alors voté du même côté que les néo-démocrates, c'est-à-dire pour leur suppression. Mais aujourd'hui, en 2013, les voilà qui défendent ce nouveau projet de loi avec encore plus d'enthousiasme que les conservateurs eux-mêmes, nous rappelant du coup que les idées qui s'y trouvent et qui, selon moi, violent nos libertés fondamentales, nous avaient d'abord été proposées par eux, en 2001.
Mon temps de parole achève sans doute, alors je vais commencer à songer à conclure mon allocution. Ce matin, je ne m'exprime pas dans l'espoir de faire entendre raison aux conservateurs ou aux libéraux. Selon moi, ils n'ont pas dû être nombreux à soumettre ces menaces contre nos libertés fondamentales à la même analyse introspective à laquelle nous nous sommes prêtés de ce côté-ci de la Chambre. Je me console un tant soit peu en me disant qu'au fond d'eux-mêmes, la plupart des conservateurs agissent probablement de bonne foi et sont sans doute convaincus que les mesures à l'étude contribueront à assurer notre sécurité.
J'aimerais seulement qu'un conservateur — un seul — nous prouve, avec des faits, que les investigations et la détention préventive, ou engagement assorti de conditions, comme on doit l'appeler, constitueront un rempart efficace contre le terrorisme. J'attends encore le premier député qui pourra en faire la démonstration et nous fournir des faits pour prouver ce qu'il avance.
Selon moi, ces mesures ne contribueront en rien à notre sécurité et exposeront au contraire à un risque bien réel la société libre qu'elles sont censées protéger.
Quand je repense à la manière dont j'ai vécu les attentats du 11 septembre, qui m'ont marqué tout particulièrement, tout comme les nombreux autres Canadiens qui ont alors perdu des amis ou des proches, je me demande contre quoi ces attentats étaient dirigés précisément. Selon moi, ils visaient une société libre qui avait fait siennes les valeurs de tolérance et de diversité et qui protège les droits fondamentaux de tous ceux qui en font partie.
Je repense aux fois où je me suis retrouvé en zone de conflit, aux bombardements qui ponctuaient notre quotidien, aux villes et aux villages déchirés par ce qui, au bout du compte, nous apparaissait comme des peccadilles par rapport aux pertes subies par tous ces gens. Je repense aux moments où nous savions qui était derrière ces attaques et les supposés motifs pour lesquels ils agissaient de la sorte. Nous ne comprenions pas comment ces gens pouvaient commettre des actes d'une telle violence contre leurs amis et voisins pour des motifs qui se révèlent si manifestement triviaux, quand on prend une seconde pour y penser.
Au lieu d'adopter des mesures susceptibles de miner les droits fondamentaux au Canada et des mesures dont l'efficacité n'a pas été prouvée, nous devrions renforcer nos programmes de renseignement et d'application de la loi de manière à accroître et à protéger la primauté du droit de même que le respect des droits.
Compte tenu de l'expérience que j'ai acquise auprès des commissions de police et en tant que conseiller municipal ayant travaillé avec les forces policières, je sais que la grande majorité des policiers tiennent à la primauté du droit et sont déterminés à respecter les droits. Je sais qu'ils aimeraient avoir les ressources nécessaires pour protéger la population contre le terrorisme. Une fois de plus, je tiens à souligner que l'aspect qui me préoccupe le plus en ce qui concerne le terrorisme n'est pas l'absence de dispositions législatives ou de pouvoirs législatifs, mais bien le fait que le gouvernement conservateur ne semble pas avoir la volonté d'offrir aux agents de première ligne et aux services de renseignement de première ligne les ressources dont ils ont besoin pour accomplir le long et pénible travail nous protégeant du terrorisme.
Tout cela est conforme à l'approche globale adoptée par les conservateurs en ce qui a trait à la criminalité. Ainsi, ils pensent que la solution consiste à élaborer plus de mesures législatives, à criminaliser un plus grand nombre d'actes et à alourdir les peines. Cela dit, pour ce qui est du maintien de l'ordre au quotidien, nous savons que si nous sommes en sécurité, c'est parce que des agents de première ligne assurent l'application des lois et parce que des représentants des services sociaux aident les gens à réintégrer leur milieu.
Lorsque les gens tireront des conclusions de ce qui s'est produit au marathon de Boston, je crois que leur constat sera que la principale protection d'une société libre est sa capacité de faire place à la diversité et de la tolérer, sa capacité de respecter les droits de tous, sa capacité de protéger la liberté d'expression, et le fait qu'elle respecte les traditions juridiques fondamentales, qui prévoient qu'une personne ne doit pas se retrouver en prison si elle n'a pas commis un acte criminel déterminé et qu'on ne peut pas forcer une personne à participer à une investigation et de témoigner contre elle-même.
Lorsque nous viendrons à de telles conclusions, nous constaterons qu'au lieu de nous appuyer dans la lutte contre le terrorisme, le projet de loi minera les valeurs que nous avions l'intention de protéger lorsque nous avons fondé notre pays, présenté la Charte des droits et libertés et signé les conventions internationales.
Je vais terminer mon discours d'aujourd'hui en lançant un ultime appel aux conservateurs et aux libéraux, même si je sais qu'il ne sera pas entendu. Pensez une fois de plus à ce qui est le plus important pour notre pays, le Canada: notre tolérance, notre diversité, la primauté du droit et le respect des droits fondamentaux.
Pour ces raisons, je voterai contre le projet de loi à l'étape de la troisième lecture.
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Monsieur le Président, comme plusieurs de mes collègues, je vais débuter en dénonçant les raisons pour lesquelles ce projet de loi est débatu aujourd'hui.
Le projet de loi , aurait pu être ramené à la Chambre depuis un bon bout de temps. Si le gouvernement croyait vraiment que ce projet de loi était si essentiel à la sécurité des Canadiens et des Canadiennes, il aurait pu décider d'en débattre il y a longtemps. Si ce gouvernement croit vraiment que ce projet de loi est si essentiel et ne l'a pas mis au calendrier avant hier, il est alors négligeant.
Toutefois, je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense surtout que le gouvernement a décidé d'utiliser les événements des derniers jours, afin de rallier l'opinion publique. C'est également l'opinion de l'équipe éditoriale du Globe and Mail.
Mettons les choses au clair. Comme tous mes collègues néo-démocrates, ainsi que tous mes collègues de la Chambre, je dénonce le terrorisme. Pour citer l'ancien secrétaire général des Nations-Unies Kofi Annan, les actes de terrorisme ne peuvent jamais se justifier, quelle que soit la raison que l'on puisse faire valoir. Je dénonce l'attentat de Boston et j'ai dénoncé le 11 septembre. Je dénonce quotidiennement les attentats à la bombe qui ont lieu un peu partout sur Terre. Je tiens d'ailleurs à profiter de cette tribune pour féliciter tous les membres des forces de l'ordre qui ont participé de près ou de loin à l'enquête qui a mené aux arrestations d'hier. Chapeau!
Beaucoup de mes proches ont été touchés par le terrorisme. Que ce soit durant la guerre d'Algérie ou à cause de l'armée islamique dans les années 1990, mes proches ont vécu dans la peur. J'en ai retenu une chose: ce sont toujours les civils qui paient le prix de cette violence insensée.
J'ai également vécu l'expérience d'être sous les bombes lors de mon passage au Croissant rouge en tant que médecin volontaire, lors de la première guerre du Golfe. J'ai donc une connaissance des effets du terrorisme et de ses dangers. Je suis donc fière d'être debout à la Chambre et de m'opposer à ce projet de loi.
Je m'y oppose pour plusieurs raisons. La première, et non la moindre, est que je crois à l'État de droit. Ce projet de loi, dans l'état actuel, contrevient aux libertés civiles et aux droits de la personne les plus fondamentaux. Je veux éviter à tout prix des attentats au Canada, mais je veux également éviter les arrestations arbitraires et les abus que l'on voit dans les États policiers.
Nous avons déjà, au Canada, des lois qui punissent les crimes de terreur et qui donnent aux forces de l'ordre des outils afin d'assurer la sécurité du pays. Dans Le Devoir de ce matin, il y a une belle citation de Nathalie Des Rosiers, l'avocate principale de l'Association canadienne des libertés civiles. En faisant référence au cas des Canadiens impliqués dans le siège du site gazier d'In Amenas, en Algérie, elle a déclaré ceci:
Si les policiers avaient eu de la preuve, ils auraient fait quelque chose ! Il y a beaucoup de dispositions dans le Code criminel pour les arrêter.
Me Denis Barrette, porte-parole pour la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles tenait un discours similaire en 2011:
On sait que ces dispositions pourraient donner lieu à une utilisation qui, selon nous, serait abusive. Je pense ici au cas d'Air India. Nous croyons que les Canadiens seront mieux servis et protégés en ayant recours aux dispositions usuelles du Code criminel plutôt qu'à des dispositions inutiles. L'utilisation de pouvoir arbitraire et d'un rabaissement du niveau de preuve ne peut pas remplacer le travail du policier fait selon les règles [...]
Nous voulons, au NPD, voir un équilibre entre la sécurité et les droits et libertés des individus. Le NPD a proposé plusieurs amendements au projet de loi, afin d'aller chercher cet équilibre. Le gouvernement les a tous rejetés. Pourtant, ils me semblent très raisonnables.
Les membres du comité auraient eu l'embarras du choix s'ils avaient voulu en adopter un seul dans un signe de bonne volonté, ce qu'ils n'ont évidemment pas fait, puisque mes collègues avaient proposé 18 amendements. Je vais en citer quelques-uns afin que les Canadiens et les Canadiennes puissent juger par eux-mêmes de l'obstination et de l'obsession de ce gouvernement conservateur à avoir raison sur tout et à se croire infaillible.
En voici quelques-uns: ajouter un examen d'un éventuel protocole de coopération entre les agences par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, afin de s'assurer de l'efficacité du respect des droits protégés par la loi avant que les infractions liées au fait de quitter le pays ne prennent effet; établir le droit à une aide légale financée par le gouvernement fédéral si la personne doit se présenter à des audiences d'enquête; ajouter un examen exhaustif sur la mise en oeuvre des recommandations de la commission Arar par le gouvernement au sujet de la reddition de comptes et des mécanismes de surveillance, en portant une attention particulière à la surveillance et aux activités entre les agences; inclure l'avis de la Commission canadienne des droits de la personne sur les questions relatives au profilage et à la discrimination raciale entourant le projet de loi .
Vraiment? Je ne croyais pas qu'il était possible d'être contre la vertu! Ce ne sont que quelques exemples d'amendements que le NPD a proposés, mais sans succès. Ils ont tous été rejetés par les députés de ce gouvernement, un par un. Je tiens également à souligner que ni les conservateurs ni les libéraux n'ont même daigné apporter des amendements à ce projet de loi.
Les mesures contenues dans ce projet de loi avaient été suggérées en 2001 à la suite des attentats du 11 septembre. Ces mesures sont arrivées à expiration en 2007. Elles ne sont donc plus en vigueur depuis presque cinq ans. Et lorsqu'elles étaient en vigueur, elles ont été utilisées un gros total de zéro fois. Zéro, zero, sifr, none, nada, never!
Je vais citer les propos tenus en 2010 par Reid Morden, l'ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, au sujet de certaines mesures:
[...] je dois admettre que je pense qu'elles n'auraient jamais dû être implantées et qu'elles se sont retrouvées dans la loi en raison des gestes impulsifs pris par le gouvernement après les événements du 11 septembre.
Il a également ajouté:
Les policiers et les forces de sécurité ont des pouvoirs tout à fait suffisants pour mener leur travail à bien. Ils n'ont pas besoin qu'on leur accorde plus de pouvoirs.
Au NPD, nous allons continuer à nous battre pour cet équilibre entre les droits et libertés des citoyens et la sécurité des individus. Nous croyons que les dispositions proposées dans ce projet de loi n'amènent aucune protection supplémentaire à qui que ce soit dans ce pays. Je me permets de rappeler que ce projet de loi est dans son état actuel parce que le gouvernement a refusé les 18 amendements que nous avons proposés en comité afin d'établir un équilibre entre la sécurité et les droits et libertés. Ce projet de loi ne peut donc pas recevoir mon appui.
En plus, le projet de loi a perdu certaines des protections supplémentaires que l'on retrouvait dans la loi de 2001. Un éditorial du Ottawa Citizen publié ce matin, intitulé « No need for new laws », partage plusieurs de nos inquiétudes. Je cite l'éditorial en question:
[Traduction]
L'idée que l'État puisse arrêter et détenir une personne qui n'a commis aucun acte criminel va à l'encontre des valeurs fondamentales de notre société.
[Français]
En tenant compte de tout cela, non seulement je vais m'opposer à ce projet de loi, mais je vais le faire avec fierté et la tête haute.
:
Monsieur le Président, voici un projet de loi qui mérite qu'on étudie son objectif et qu'on examine le passé.
Von Clausewitz, dans son livre De la guerre, définissait la guerre comme « un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté. » Quelle est la volonté des terroristes? Elle est bien simple. Ils veulent nous obliger à renoncer à nos droits, à notre liberté de presse et à notre droit démocratique d'élire nos dirigeants. Voilà l'objectif des terroristes. Notre réponse doit être un renforcement de ces valeurs, et absolument pas leur amputation. Voilà tout le problème.
La présente situation me fait penser à un éleveur de poulets qui les verrait être décimés par un renard et qui prendrait la décision de punir les poulets au lieu de prendre en chasse le renard. On doit combattre le terrorisme. Pour cela, notre meilleure arme, la plus solide et la plus fiable, c'est la démocratie.
Nous avons une force policière structurée et capable de défendre démocratiquement notre société contre les actes de terrorisme. Elle y parvient parfaitement. À l'heure actuelle, le Canada n'a pas connu d'actes de terrorisme parce qu'avant même qu'ils ne soient commis, nos forces policières sont parfaitement parvenues à les empêcher avec les lois actuelles. La démocratie, c'est précisément ce dont on parle aujourd'hui.
Winston Churchill disait que la démocratie était le pire des systèmes politiques, à l'exception de tous les autres. Cela veut dire qu'il n'y en a pas d'autres. C'est notre système. Nous devons le défendre. Nous l'apprécions et nous haïssons le terrorisme.
C'est un adversaire sournois et traître qui nous attaque et auquel le Canada doit réagir de façon appropriée: on arrête les terroristes et on les juge en fonction de nos lois, pas des leurs.
Cette situation est particulièrement controversée. On voit que la loi est tombée en désuétude en 2007, il y a six ans. Pendant ces six années, elle n'a pas été en vigueur et elle ne l'a jamais été depuis 2001. On a constaté qu'il n'y a eu aucune audience d'investigation et aucune situation où on a eu besoin de recourir à un engagement assorti de conditions. Cela en dit long sur l'efficacité de cette loi.
J'ai la désagréable impression qu'on utilise cette loi parce que, sur le plan médiatique, des éléments créent une certaine insécurité relativement à la population. Ce n'est pas sécurisant de constater que des jeunes ont été recrutés dans la région de Toronto pour participer à des actes de terrorisme en Algérie. Ce n'est pas sécurisant de découvrir que des gens qui se trouvaient au Canada se préparaient à commettre un attentat terroriste contre un train de VIA Rail transportant des passagers. C'est de la terreur pure.
Il est raisonnable qu'une population ait peur. Par contre, il est particulièrement déraisonnable de voir un gouvernement qui amplifie et utilise cette peur pour se donner des pouvoirs allant à l'encontre de cette même population. Il agresse sa propre population parce qu'il y a des terroristes. C'est cela, de la terreur. C'est aussi une forme de terrorisme d'utiliser la terreur naturelle des gens pour se donner un pouvoir à leur encontre en leur retirant leurs droits.
Le secrétaire parlementaire a parlé de l'amendement du NPD concernant le fait de servir dans une armée étrangère qui occupe illégalement un autre pays. Un des objectifs de ce projet de loi vise à interdire à quelqu'un de quitter le Canada pour servir dans une organisation étrangère.
Prenons l'exemple de trois cas. Un jeune Syrien retourne dans son pays d'origine pour servir dans l'armée syrienne contre les rebelles. Est-ce un terroriste?
Un jeune Canadien va faire son service militaire en Israël dans les territoires occupés. Est-ce un terroriste? Un jeune Somalien retourne chez lui pour participer à une guerre religieuse à l'encontre de ce qu'il appelle « les infidèles ». Est-ce un terroriste?
La définition du terrorisme ne se fera non pas en fonction des actes commis, mais plutôt en fonction des personnes envers qui ces actes sont commis. Est-ce des gens que l'on trouve insignifiants? Ils peuvent alors commettre ces actes ou non. Nous déterminerons qui est terroriste et qui ne l'est pas selon notre jugement et nos valeurs sur le plan international. Pourtant, ils feront tous les trois très exactement la même chose, c'est-à-dire utiliser la violence pour contraindre des populations à obéir à leurs ordres. Voilà une situation qui mériterait d'être clarifiée. Elle ne l'a pas été dans cette loi, et elle ne le sera pas, car les conservateurs ne le veulent pas.
Ce n'est pas pour rien que le NPD s'oppose à ce projet de loi. Il s'agit d'une loi inefficace. Elle ne combat pas le terrorisme, elle combat les droits civiques de la population canadienne. Encore une fois, les conservateurs utilisent la technique manichéenne: si vous n'êtes pas pour nous, vous êtes contre nous. Il s'agit d'un discours, d'une loi de George W. Bush, le vaincu, le loser. Le gouvernement a pris un loser comme modèle. Cela en dit long sur ce qu'est ce gouvernement, soit un beau ramassis de losers, de gens qui, au lieu de combattre le terrorisme efficacement en augmentant les ressources de la police et en effectuant des ententes internationales d'échange de renseignements, réduisent les budgets de la police, se rétractent sur eux-même et considèrent que tous les autres pays sont des ennemis avec lesquels il ne faut surtout pas parler. Ils nous disent qu'on n'a pas le choix et que nous devons sacrifier nos droits pour qu'ils aient les moyens de combattre les terroristes. Heureusement, nos policiers n'ont pas besoin de ce gouvernement. Nos policiers parviennent à le faire malgré ce gouvernement qui leur nuit en les privant des ressources nécessaires et de l'accès aux renseignements.
Le projet de loi viole donc les libertés civiques et les droits de la personne, particulièrement le droit de garder le silence et le droit de ne pas être emprisonné sans avoir droit à un procès équitable. Selon l'esprit de ces droits, le poids de l'État ne devrait jamais être utilisé contre un individu dans le but de l'obliger à témoigner contre lui-même. Pourtant, le projet de loi S-7 est devant nous. Ce n'est pas pour rien qu'en 2001, la première mouture avait demandé un certain temps d'application. Il s'agissait d'une protection pour s'assurer que cette violation de nos droits ne conduirait pas à une perte définitive de ces droits. En 2007, la loi est tombée en désuétude. Le lendemain matin, je peux garantir que les terroristes ne se promenaient pas dans les rues en semant la terreur. En 2007, nous n'avons pas eu ce problème.
En effet, il y a absence d'équilibre entre la sécurité et les droits fondamentaux que cette loi viole. On rapporte le cas de M. Arar, déporté en Syrie pour y être torturé. C'est la démonstration même de la bêtise la plus absolue. Tout le monde l'a reconnu, et malheureusement, on n'a pas appris les leçons. Il ne nous servait à rien d'envoyer cet homme se faire torturer. Il n'était pas un terroriste. Le problème est que, de l'aveu même du secrétaire parlementaire, cette loi est tellement large qu'elle peut être appliquée à des gens qui ne sont absolument pas soupçonnés de terrorisme.
Le NPD est contre le terrorisme. Nous sommes tellement contre le terrorisme que nous sommes contre les conservateurs. Ce sont eux qui inventent des peurs et qui les amplifient pour pénaliser les citoyens canadiens parce qu'ils ont des droits et qu'ils les utilisent.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi , qui vise à modifier le régime antiterroriste du Canada, dans le but notamment de remettre en vigueur les dispositions permettant les arrestations préventives et les investigations. Comme les députés le savent, ces dispositions ont expiré en 2007 et ont fait l'objet d'observations de ma part à de nombreuses occasions, aux Communes et dans des écrits, depuis le dépôt de la version originale de la Loi antiterroriste, le projet de loi , en 2001.
Il va sans dire que ce sont les événements horribles du 11 septembre 2001 qui ont provoqué le débat auquel nous prenons part aujourd'hui. Ces événements ont été qualifiés à l'époque de tournant à partir duquel le monde entier allait changer. Le gouvernement libéral du moment a inclus les dispositions sur les arrestations préventives et les investigations dans la Loi antiterroriste, qui comptait aussi d'autres dispositions. Peu de temps après le dépôt à la Chambre du projet de loi C-36 dans sa forme originale, j'ai pris la parole dans cette enceinte pour soulever 10 objections concernant le non-respect des libertés civiles dans ce projet de loi, y compris dans les dispositions sur la détention préventive et les investigations. J'ai explicité mon point de vue sur cette question dans une série d'articles et j'ai recommandé que les dispositions en question ne s'appliquent que pendant trois ans, durée qui a par la suite été augmentée jusqu'à cinq ans. Au bout de cette période, un examen parlementaire complet de ces dispositions aurait lieu pour déterminer s'il fallait les renouveler ou non. Le gouvernement était d'accord. Voyant qu'on avait inclus une disposition de caducité et qu'on avait tenu compte de la plupart de mes objections, c'est-à-dire huit sur dix, j'ai décidé de me prononcer pour l'adoption du projet de loi.
Malheureusement, en 2007, date à laquelle les dispositions qui arrivaient à expiration devaient être reconduites par une motion parlementaire, les comités de la Chambre et du Sénat saisis de la question n’avaient pas encore terminé leur examen de la Loi antiterroriste, suite à de nombreux retards causés, entre autres, par la dissolution du Parlement en 2004 et 2006. Cela n’a pas empêché le gouvernement conservateur de proposer de reconduire ces dispositions sans tenir compte des remarques de ces comités parlementaires, de sorte que les députés n’ont pas été informés des résultats de l’application desdites dispositions. Cela a donné lieu à des échanges très politisés et très partisans, où fusaient les insultes et les slogans à l’emporte-pièce, alors qu’il aurait fallu avoir un vrai débat sur les mérites de la politique proposée, politique que des gens raisonnables réfutent et ont le droit de réfuter. Je regrette en l’occurrence les propos tenus par des ministres de l’époque, qui accusaient notre parti de faire preuve de laxisme à l’égard du terrorisme alors que nous réclamions simplement un débat sur ces dispositions, d’autant plus que c’était un gouvernement libéral qui avait proposé le projet de loi au départ.
Aujourd’hui, le projet de loi prévoit que les dispositions concernant l’arrestation préventive et les investigations seront à nouveau assujetties à un réexamen quinquennal, ce que j’approuve en espérant que, si le projet de loi est adopté, les comités qui en seront saisis disposeront du temps et des ressources nécessaires pour faire un examen approfondi desdites dispositions pendant les cinq prochaines années, et que ce soit fait bien avant qu’on ait un autre débat sur leur reconduction. J’estime que, lorsque le Parlement doit prendre une décision qui concerne la sécurité et les droits de tous les Canadiens, il faut que le débat soit raisonné, approfondi et fondé sur des preuves, et que ce ne soit pas un expédient politique décidé à la va-vite.
Ce qu’il faut avant tout, c’est trouver un juste équilibre entre, d’une part, la nécessité de lutter contre le terrorisme et de tenir les Canadiens à l’abri de toute menace ou attaque terroriste, et, d’autre part, la nécessité de protéger nos libertés individuelles telles qu’elles sont consacrées dans la Charte. Ce ne sont pas deux objectifs incompatibles. En fait, pour être efficace, une stratégie antiterroriste doit considérer la sécurité et les droits non pas comme des concepts rivaux — si on en privilégie un, c’est au détriment de l’autre — mais comme des valeurs intrinsèquement liées.
Permettez-moi de passer en revue un certain nombre de principes de base à cet égard. Premièrement, le terrorisme en soi doit être considéré comme une atteinte à la sécurité d’une démocratie comme le Canada et comme une atteinte à nos valeurs fondamentales, notamment notre droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Par conséquent, on peut affirmer qu’une loi et une stratégie antiterroristes doivent se traduire par la promotion et la protection de la sécurité de la démocratie et des droits fondamentaux au sens le plus profond des termes. Parallèlement, l’application et l’exécution d’une loi antiterroriste doivent toujours respecter l’état de droit et doivent toujours respecter les principes de la Charte. La torture, par exemple, ne doit jamais être tolérée. Elles doivent aussi toujours respecter nos obligations juridiques internationales.
Deuxièmement, nous ne parlons pas ici d’une affaire pénale nationale, mais bien d’un enjeu international. Comme l’ont dit les tribunaux et d’autres personnes, il ne s’agit pas de délinquants ordinaires, mais bien d’une menace terroriste transnationale.
Cela m’amène au troisième principe, qui a été énoncé par la Cour suprême elle-même. Je veux parler du principe contextuel selon lequel il faut replacer ces questions dans leur contexte réel, plutôt que de les examiner dans l’absolu. Il ne faut pas oublier non plus que la législation antiterroriste du Canada est étroitement liée au droit pénal international, aux traités juridiques internationaux et aux principes juridiques généralement acceptés par la communauté des nations. Par exemple, l’alinéa 11g) de la Charte dispose que la rétroactivité ne s’applique pas lorsque l’infraction « n’avait pas de caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations ». Elle reconnaît par conséquent que le droit pénal international est parfois différent du droit interne d’un pays.
Il faut également tenir en compte des mandats de sécurité de l’ONU, des ententes bilatérales et multilatérales, et cetera. En particulier, la résolution 1373 du Conseil de sécurité, adoptée à la suite des attentats du 11 septembre, demande à tous les États de prendre « des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme ». Notre législation antiterroriste doit répondre à cette demande, ne serait-ce que parce que nous ne réussirons pas à définir correctement ces situations dans nos mesures antiterroristes si nous les prenons hors de leur contexte, sans tenir compte des circonstances et des précédents internationaux, sans prendre en compte le principe contextuel, comme l’a dit la Cour suprême.
Cela dit, il ne fait aucun doute que la menace terroriste transnationale est bien réelle et que le Canada n’est pas épargné, comme l’ont montré de récents événements, que ce soit à Boston ou l’attentat manqué au Canada. On sait que des Canadiens ont été impliqués dans des attaques terroristes à l’étranger, pas plus tard que le mois dernier, en Algérie, l’an dernier en Bulgarie, et il y a tout juste deux jours, une personne a été arrêtée en Bulgarie. C’est précisément la raison pour laquelle le projet de loi érige en infraction le fait de quitter ou d’essayer de quitter le Canada pour participer à des activités terroristes. N’oublions pas non plus que des Canadiens ont péri dans des attentats terroristes, notamment ceux du 11 septembre et d’autres plus tard.
Par conséquent, la protection des libertés civiles doit aller de pair avec la protection de l’ensemble des droits humains, et nous devons prendre des mesures concrètes et décisives pour prévenir les attaques terroristes. Permettez-moi de citer ici deux anciens juges de la Cour suprême, l’honorable Frank Iacobucci et l’honorable Louise Arbour, laquelle a aussi présidé le Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU pendant plusieurs années; selon eux, la Constitution n’est pas un pacte suicidaire et « le défi que les démocraties sont appelées à relever dans la lutte contre le terrorisme n’est pas de savoir si elles doivent réagir, mais plutôt comment elles doivent le faire ».
L’arrestation préventive et les investigations peuvent être des mesures efficaces, limitées et licites pour lutter contre le terrorisme. En fait, la Cour suprême a dit des investigations qu’elles ne violent ni la Constitution, ni les droits garantis par la Charte en matière d’auto-incrimination puisque les preuves obtenues dans le cadre de ces investigations ne peuvent pas être utilisées contre la personne sauf en cas de parjure. De plus, ces dispositions existent déjà dans des lois canadiennes, comme la Loi sur les coroners et la Loi sur les enquêtes, entre autres.
S’agissant des arrestations préventives, ce n’est pas là non plus un nouveau principe ou une nouvelle politique. L'arrestation préventive est en fait le recours à un engagement de ne pas troubler l’ordre public, tel que prévu à l’article 810 du Code criminel, pour protéger une personne contre des actes de violence, comme la violence conjugale, la violence sexuelle et le crime organisé, et on élargit aujourd’hui ce concept aux activités de terrorisme présumées.
En outre, les arrestations préventives et les investigations que propose le projet de loi cherchent à respecter les droits individuels et collectifs des Canadiens au moyen de protections et de principes de transparence. À cet égard, il importe de souligner que le projet de loi prévoit trois mesures de protection, que j'ai participé à mettre en place. Les mesures de protection ont été mentionnées et nous devons souligner qu'il y a une exigence administrative d'obtention du consentement du procureur général et, par conséquent, une surveillance objective à cet égard, de même qu'une surveillance parlementaire et l'obligation, pour les deux ministres fédéraux concernés, de présenter un rapport annuel dans lequel, en vertu du projet de loi S-7, ils sont tenus non seulement de détailler la fréquence à laquelle les dispositions sont employées, mais également de justifier leur prolongation.
Par ailleurs, les investigations font l'objet d'une surveillance judiciaire. En effet, en cas d'arrestation, l'individu doit comparaître devant un juge, en général dans les 24 heures suivant son arrestation, contrairement à ce qui est prévu aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs.
Malgré ces protections, je comprends pourquoi certains députés, probablement au sein de tous les partis, demeurent hésitants à l'égard des mesures proposées. Il s'agit effectivement de dispositions extraordinaires, quoique pour lutter contre des menaces extraordinaires.
Toutefois, je ne partage pas l'opinion exprimée par certains à la Chambre selon laquelle, étant donné que les dispositions — et cet argument a encore été invoqué dans le présent débat — ont rarement été utilisées, elles ne sont plus nécessaires. En fait, leur faible utilisation prouve tout autant qu'elles ne sont pas utilisées abusivement, qu'elles constituent réellement des mesures de dernier...
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Monsieur le Président, c'est un honneur de prendre la parole au nom des gens de Surrey-Nord, que je représente. J'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi , qui vise à rétablir des mesures de lutte contre le terrorisme qui étaient prévues dans la Loi antiterroriste mais qui sont devenues caduques.
Il est honteux qu'on ait profité de l'attentat à la bombe du marathon de Boston pour promouvoir ce projet de loi. Le gouvernement exploite la peur du public pour réaliser son programme législatif. Il est révoltant de se servir de la souffrance et du deuil des Américains pour faire adopter un projet de loi qui priverait carrément certaines personnes de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés civiles.
Le projet de loi ne porte pas sur la prévention du terrorisme. Nous avons déjà un système de justice complet et suffisamment de lois pour protéger la population contre les actes de terrorisme, et nous pouvons compter sur divers organismes compétents pour faciliter l'application de ces lois. Le projet de loi porte plutôt fondamentalement atteinte à nos droits et libertés.
Le projet de loi rétablit les dispositions de la Loi antiterroriste qui sont devenues caduques et qui avaient d'ailleurs été formulées à la suite d'un autre événement horrible et déterminant: les actes terroristes du 11 septembre 2001. Ces dispositions étaient assujetties à une disposition de caducité et ont maintenant cessé de s'appliquer. Elles permettaient les audiences d'investigation et la détention préventive et autorisaient les juges à divulguer des renseignements au sujet d'un procès ou des personnes traduites en justice. Même à première vue, il est évident que les droits de la personne sont gravement violés et que les libertés civiles sont en péril.
« Droits de la personne » est une expression souvent galvaudée en tant que concept abstrait. Cependant, il est essentiel, dans le cadre du présent débat, d'examiner ce que sont en réalité les droits de la personne. La codification des droits de la personne a été entreprise au cours du XVIIIe siècle, lors de l'adoption de la Déclaration française des droits de l'homme et de la Déclaration d'indépendance américaine. Ces documents furent conçus pour limiter ce que l'État peut imposer à ses citoyens.
En gros, les droits de la personne prescrivent les libertés qui sont conférées aux citoyens d'un État donné et les fonctions que l'État doit exercer pour le compte de ses citoyens. Les États ont l'obligation de protéger et de respecter les droits de la personne dont jouissent leurs citoyens. Le gouvernement ne devrait pas prendre ce devoir à la légère. Nous avons pris des engagements sur la scène internationale qui confirment notre ferme volonté de protéger nos citoyens contre les violations des droits de la personne.
En 1976, le Canada a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. En vertu de ce traité sur les droits de la personne, le gouvernement a l'obligation de protéger la liberté des personnes qui se trouvent à l'intérieur des frontières du pays. Cela signifie explicitement que personne ne devrait faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire.
Chose intéressante, pendant les travaux du Comité de la sécurité publique, on s'est rendu compte que le libellé du projet de loi permettrait l'arrestation de personnes qui ne sont pas soupçonnées d'activités terroristes. Lors de consultations ultérieures menées auprès des secrétaires parlementaires, on a confirmé que c'était bel et bien l'intention du gouvernement. En effet, le gouvernement a l'intention d'exposer tous les Canadiens à la possibilité d'une détention préventive, plutôt que seulement ceux qui pourraient commettre des actes terroristes. Imaginez les ressources et les coûts associés à l'arrestation ou à la détention de personnes, peu importe s'il existe des motifs de croire qu'elles sont susceptibles de commettre des activités criminelles.
À l'origine, la Loi antiterroriste visait à moderniser les dispositions législatives canadiennes en la matière. Afin de répondre aux normes du Conseil de sécurité des Nations Unies, nous devons tenir compte du fait que le Canada doit aussi se conformer aux normes internationales relatives aux droits de la personne. Évidemment, le terrorisme a des conséquences directes sur les droits de la personne dont jouissent les Canadiens. Il enfreint plus particulièrement le principe de la vie, de la liberté et de la sécurité d'une personne.
Dans les médias, on décrit le terrorisme comme étant le contraire de la liberté. Bien qu'il ne s'agisse pas simplement de concepts binaires, si la liberté et le terrorisme sont quelque peu polarisés, comment peut-on décrire les limites que le gouvernement propose d'imposer au principe de la liberté?
Voici un extrait du préambule du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies:
[...] l'idéal de l'être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de [ses droits de la personne] [...] aussi bien que de ses droits civils et politiques [...]
Le projet de loi propose-t-il des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits de la personne? Ce semble être tout le contraire. Le gouvernement conservateur fait appel à la peur pour nous brimer dans nos libertés et nos droits.
Aucun député ne soutient qu'il ne faut pas s'attaquer au terrorisme. Le terrorisme est un problème épouvantable qui frappe la fierté nationale en plein coeur et effrite les assises des États. L'attentat survenu la semaine dernière au marathon de Boston était horrifiant. En toute solidarité avec mes collègues, je condamne ces attaques et j'offre nos condoléances et nos hommages sincères aux victimes et à leurs proches.
Le projet de loi porte sur une question hautement controversée. Il faut concilier judicieusement sécurité nationale et droits de la personne individuels. Or, le Canada le fait déjà puisque notre Code criminel propose tous les outils nécessaires pour enquêter sur les individus impliqués dans des activités terroristes ou faisant éventuellement planer une menace terroriste sur notre sécurité nationale. Il a déjà été démontré que les dispositions proposées dans le projet de loi sont inutiles et inefficaces. Elles n'ont d'ailleurs été invoquées qu'une seule fois, au cours d'une situation que les avocats et les militants des droits de la personne ont qualifiée de fiasco total et lamentable.
Au lieu d'investir dans une procédure qui se solde par des fiascos, le gouvernement devrait investir dans nos organismes éprouvés, comme la GRC, qui, hier encore, a d'ailleurs annoncé avoir déjoué un complot terroriste sur notre territoire. Deux suspects ont été arrêtés. La GRC a su gérer la situation sans avoir besoin des dispositions prévues dans le projet de loi . Ses agents ont été efficaces, ont agi rapidement et ont pu remplir leurs fonctions sans porter atteinte aux droits de la personne des Canadiens.
Nous sommes reconnaissants à la GRC de son travail, qu'il importe de souligner. Il faut investir de manière à soutenir les organismes de ce genre, qui sont en mesure d'agir efficacement dans les limites du système judiciaire canadien actuel.
Des outils fort utiles qui auraient dû être intégrés au projet de loi sur la lutte contre le terrorisme auraient pu jouer un rôle névralgique dans la lutte contre le terrorisme tout en préservant l'intégrité des valeurs canadiennes que sont la liberté et les droits. Il faudrait favoriser la coopération entre les organismes afin de tenir compte des multiples dimensions du terrorisme...
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Monsieur le Président, aujourd'hui, je suis fière de joindre ma voix à celles de mes collègues néo-démocrates dans le débat sur le projet de loi et, comme eux, de m'opposer à ce projet de loi.
J'aimerais commencer ce débat en décriant le contexte dans lequel il se passe. Nous sommes très peu nombreux à interagir à la Chambre, et il s'agit principalement des néo-démocrates. Or nous savons très bien comment nos interventions seront dépeintes à l'extérieur de la Chambre, auprès des citoyens canadiens.
Le débat qui se tient aujourd'hui est important, mais, malheureusement, il a aussi tendance à être polarisé. C'est cette polarisation dont les conservateurs vont finalement abuser pour dépeindre les néo-démocrates comme des gens ne se préoccupant pas de la sécurité des citoyens canadiens et ne voulant pas prendre des mesures pour assurer leur sécurité. Je tiens à dire que ce n'est pas du tout le cas. Plusieurs de mes collègues l'ont déjà mentionné à la Chambre, la sécurité publique et la protection de nos frontières, de nos concitoyens et de nos concitoyennes sont des sujets extrêmement importants pour le NPD. Toutefois, nous tenons aussi à mettre en perspective la question des droits et libertés fondamentaux que nous accordons à nos concitoyens qui respectent la loi et qui adhèrent aux valeurs fondamentales de notre pays. Il est très important de mettre cela en avant dans ce débat, dès le départ. En effet, je serais vraiment désolée d'entendre des questions venant de mes collègues conservateurs mettant en doute notre dévouement à la cause de la sécurité publique et de la protection de nos concitoyens.
Nous savons tous dans quel contexte le projet de loi nous est présenté. Il avait déjà été déposé au Sénat en février 2012, et il était de retour à la Chambre depuis décembre, mais aucune action n'avait été faite par les conservateurs. Ils auraient pu présenter ce projet de loi beaucoup plus rapidement à la Chambre si cet enjeu leur tenait vraiment à coeur. Or on se retrouve plutôt avec une nouvelle démarche partisane venant du Parti conservateur, qui réagit à un climat de terreur et aux événements tragiques de Boston.
On s'entend tous sur cette question. Ce sont des événements qu'on aimerait ne jamais voir arriver, que ce soit ici, au Canada, ou dans d'autres pays. Ce qui s'est passé à Boston nous a brisé le coeur à tous et nous a énormément chagrinés. Au-delà de la partisanerie, le NPD a joint sa voix à celle de tous les autres partis de la Chambre pour condamner ces attaques et pour offrir ses condoléances et son soutien aux gens qui ont été affectés. C'est dans cet esprit que nous participons au débat.
En effet, nous sommes préoccupés par les enjeux soulevés à la suite de l'attaque subie à Boston et d'autres attaques terroristes, qu'elles aient été déjouées ou qu'elles aient eu lieu ailleurs dans le monde, et il faut apporter des réflexions importantes à la Chambre, c'est certain. Toutefois, il ne faut pas non plus se laisser aller à des dérives partisanes, ou encore se laisser prendre par la panique et oublier les droits fondamentaux et les libertés qu'on accorde chez nous à nos concitoyens.
Le projet de loi est une récente mesure dans une série de mesures antiterroristes qui ont été présentées à la Chambre depuis 2001. Encore là, des lois avaient été adoptées, à l'époque, en réaction à un événement qui a été traumatisant pour tous, aux États-Unis, au Canada et partout dans le monde. On a tenté de présenter une réponse législative rapide aux problèmes ciblés à la suite des attentats de septembre 2001.
Les projets de loi présentés à l'époque avaient pour objectif de mettre à jour les lois canadiennes pour répondre à des normes internationales, notamment celles du Conseil de sécurité des Nations Unies. Toutefois, au fil des débats, on s'est rendu compte, à l'époque, qu'il y avait des éléments extrêmement controversés dans la législation présentée. D'ailleurs, à l'époque, on avait restreint la durée de certaines dispositions des projets de loi présentés.
Au fil du temps, et jusqu'en 2007, on s'est rendu compte que ces dispositions controversées de la loi n'avaient pas lieu d'être, car elles n'avaient été utilisées qu'une fois seulement et, malheureusement, les résultats n'avaient pas été ceux qu'espéraient les citoyens. On se rend donc compte qu'en fait, on n'avait pas besoin d'un grand nombre de ces dispositions, qui sont venues à échéance en 2007. De plus, celles qui sont encore utiles et qui servent directement à nos forces policières sont toujours en vigueur aujourd'hui.
Pour ces raisons, le NPD s'oppose au projet de loi . Le gouvernement tente de réintroduire des mesures antiterroristes excessivement controversées qui contreviennent aux libertés civiles et aux droits de la personne et qui ont été franchement inutiles et inefficaces par le passé. Je ne vois pas pourquoi elles ne le seraient plus aujourd'hui. Cette semaine, nous avons eu une belle preuve de toute l'efficacité du cadre législatif actuel grâce au complot terroriste qui a été déjoué, lundi. Tout le monde en a entendu parler. Nos forces policières ont été excessivement efficaces et ont réussi à intercepter deux individus qui cherchaient à porter atteinte à des citoyens utilisant les services de VIA Rail.
Si un tel événement tragique avait eu lieu, cela aurait été épouvantable et on aurait dû réviser notre législation. Toutefois, nous avons vu que, à la suite d'une enquête d'un an qui a exigé la collaboration de diverses organisations canadiennes et américaines, les agents de la GRC ont été en mesure d'intercepter des gens qui planifiaient cet attentat terroriste avant que l'on soit confronté à quelconque perte de vie humaine. Cela démontre que les lois en vigueur actuellement sont efficaces et offrent déjà à nos forces policières et frontalières toutes les ressources dont elles ont besoin pour mener leur travail à bien et assurer la sécurité des citoyens qui demeurent ici, au Canada. Elles n'ont pas eu besoin de quelconque mesure supplémentaire autre que ce qui était déjà prévu. Elles n'ont pas dû faire usage de ces choses. Aujourd'hui, cela nous démontre l'inutilité des mesures qui avaient été adoptées en panique à la suite des attentats de 2001.
Les principaux problèmes que le NPD peut voir dans le cadre du projet de loi se retrouvent, entre autres, dans les dispositions qui amenderaient le Code criminel pour autoriser les audiences d'investigation et l'imposition d'un engagement assorti de conditions pour des cas de détention préventive où les individus refusent d'accepter des conditions ou ne les respectent pas.
Pour ce qui est des audiences d'investigation, on peut convoquer des gens à tout moment pour les forcer à révéler toute l'information qu'ils ont en leur possession sur différentes choses, même si, à la limite, cela peut les incriminer. Généralement, ce qui sera dit dans ce type d'audience ne peut pas être utilisé contre les personnes qui divulguent l'information. Il n'en demeure pas moins qu'on n'est pas clairs sur certains points. Entre autres, cette information pourrait-elle être utilisée pour entreprendre des procédures de déportation ou encore d'extradition contre les personnes qui divulgueraient l'information?
Nous sommes devant un problème assez grave contenu dans la législation et nous sommes encore confrontés à des zones grises. Nous n'avons pas d'explications. Les amendements que le NPD a tenté d'apporter en comité pour résoudre ce problème ont simplement été rejetés du revers de la main, comme la majorité des amendements que le NPD a déposé devant tous les comités auxquels j'ai eu la chance d'assister. Nous sommes donc dans une situation connue, mais cette mauvaise habitude et les dogmes partisans des conservateurs les ont empêchés de défendre les droits et libertés des citoyens canadiens. Il s'agit d'un problème majeur.
Il s'agit de la même chose pour ce qui est de l'engagement assorti de conditions. On peut, si on suspecte certaines personnes d'être associées à des terroristes, les soumettre à différentes conditions pour les laisser circuler au Canada. Si les personnes refusent, elles peuvent être emprisonnées jusqu'à 12 mois, sans preuve, sur la base de soupçons. Il s'agit d'un problème majeur.
J'entends les libéraux dire qu'ils appuieront le projet de loi parce qu'ils espèrent que les conservateurs seront flexibles en comité. J'apprécie leur optimisme, mais ce n'est pas ce que l'expérience nous a démontré. Malheureusement, le comité résultera en un nouveau projet de loi qui portera atteinte aux droits et libertés civiles des citoyens canadiens.
Voilà pourquoi le NPD s'oppose fièrement au projet de loi. Ce n'est pas parce que nous voulons encourager les terroristes ou que nous ne voulons pas les mettre en prison ou les empêcher de prendre des vies humaines. C'est plutôt parce que nous avons une grande conscience des libertés données à nos citoyens et que nous voulons tout faire pour les préserver.
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Monsieur le Président, j'ai l'honneur de me lever à la Chambre pour discuter du projet de loi , et je le fais avec enthousiasme.
À l'étape de la troisième lecture, le NPD s'oppose au projet de loi. En effet, nous croyons que c'est un moyen inefficace de combattre le terrorisme. De plus, le projet de loi porte également atteinte de façon inutile et malvenue à toutes nos libertés civiles.
La circonscription que je représente est située près des États-Unis et touche le Vermont, entre autres. Je suis particulièrement inquiet du manque de sécurité dont ce gouvernement se fait le champion. J'appuie à 100 % le député de et la députée de . Selon eux, c'est un leurre que de se faire passer pour des champions, alors qu'ils font des coupes à qui mieux mieux dans le budget de la sécurité publique. D'ailleurs, ces coupes s'élèvent à 687,9 millions de dollars jusqu'en 2015.
L'Agence des services frontaliers du Canada est victime de compressions de 143 millions de dollars, ce qui affectera 325 emplois directs dans les postes frontaliers du pays. Le service de renseignements de l'ASFC a été durement touché. En effet, en raison des coupes budgétaires, il a perdu 100 postes et 19 unités de chiens renifleurs. Le Service canadien du renseignement de sécurité a également connu des coupes de 24,5 millions de dollars. La GRC, quant à elle, a été soumise à des compressions de 195,2 millions de dollars.
Le budget de 2013 ne fait qu'accentuer cet état de fait, puisqu'il y aura une réduction des dépenses de 29,8 % entre 2012 et 2013, et ce, jusqu'en 2014.
Le budget de 2013 n'a donc rien fait pour combler l'incapacité du gouvernement conservateur de protéger adéquatement les citoyens. De plus, celui-ci n'a pas renouvelé le Programme conjoint de protection civile. Le budget n'a pas renouvelé le Fonds de recrutement de policiers, et ce, en dépit des demandes répétées des provinces, qui désirent que les policiers de première ligne, c'est-à-dire ceux qui sont à même de prévenir le terrorisme et d'arrêter les terroristes, obtiennent l'assistance continue du gouvernement fédéral.
Il y a également eu une baisse de 20,3 millions de dollars dans la lutte contre la criminalité, ce qui représente une diminution de 2,4 millions de dollars pour la sécurité nationale.
Le ministère a lui-même déclaré que l'infrastructure du Centre des opérations du gouvernement pourrait être incapable de soutenir une intervention coordonnée s'il se produisait un événement de grande envergure. Je vais arrêter d'énumérer les coupes effectuées par le gouvernement, parce qu'il y en a trop et que je ne sais plus comment continuer.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que le projet de loi S-7 viole les libertés civiles et les droits de la personne, particulièrement le droit de garder le silence et le droit de ne pas être emprisonné sans avoir d'abord eu un procès équitable. Selon l'esprit de ces droits, le poids de l'État ne devrait jamais être utilisé contre un individu dans le but de l'obliger à témoigner contre lui-même.
Nous croyons également que le Code criminel contient les dispositions nécessaires pour enquêter sur les personnes qui se livrent à des activités criminelles et pour détenir quiconque pourrait présenter une menace immédiate aux Canadiens. Le fait que ces dispositions n'aient jamais été utilisées entre 2001 et 2007 en est la preuve.
Notre opposition est ancrée dans la croyance que les mesures sont inefficaces et inutiles. Nous croyons que notre position traduit des valeurs chères aux Canadiens. Il y a une absence d'équilibre entre la sécurité, qui est absolument nécessaire, et les droits fondamentaux. Il y a plus de protection dans la version de 2001.
Au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, nous avons tenté de bonifier le projet de loi en proposant 18 amendements: ni un, ni deux ni trois mais 18 amendements. Les libéraux et les conservateurs n'en ont présenté aucun, zéro.
Le projet de loi veut appliquer une peine d'emprisonnement pour une période allant jusqu'à 12 mois et imposer des conditions de libération strictes aux individus n'ayant été accusés d'aucun acte criminel.
Nous croyons, au contraire, aux valeurs fondamentales de notre système judiciaire. Le fait que les dispositions n'aient été invoquées qu'une seule fois et sans succès illustre que la police possède les outils nécessaires pour combattre le terrorisme en utilisant les procédures existantes, sans le risque que pose ce projet de loi à nos libertés civiles. Les dispositions de ce projet de loi pourraient être invoquées pour cibler des individus, par exemple, participant à des activités telles que des manifestations ou des actes de dissidence qui n'ont rien à voir avec une définition raisonnable du terrorisme.
Nous avons proposé plusieurs amendements. Voici quelques exemples des amendements qu'on a apportés et qui ont été rejetés du revers de la main, soit parce qu'on a décidé qu'ils étaient hors de la portée du projet de loi, sans aucune motivation, rejetés carrément, soit parce qu'ils nécessitaient la sanction royale.
D'abord, nous souhaitions l'ajout d'un examen d'un éventuel protocole de coopération entre les agences par le CSARS afin de s'assurer de l'efficacité du respect des droits protégés par la loi avant que les infractions liées au fait de quitter le pays ne prennent effet.
Ensuite, nous voulions nous assurer également que les témoignages recueillis lors des audiences d'enquête ne peuvent être utilisés contre un individu dans les procédures d'extradition et de déportation, et non seulement lors des procédures pénales. Là encore, on a jugé cela hors de la portée du projet de loi.
Puis, nous voulions établir le droit à une aide légale financée par le gouvernement fédéral si la personne doit se présenter à des audiences d'enquête. On a dit que ça nécessitait un amendement financier du comité de la Chambre.
Finalement, nous voulions nous assurer que les rapports annuels comprennent des renseignements détaillés sur tous les changements à la loi, aux politiques ou à la pratique quant aux renseignements de sortie ou quant aux contrôles de sortie. On a jugé que c'était hors de la portée du projet de loi. Ils ont tous été rejetés, de façon systématique.
Je voudrais maintenant entretenir la Chambre du fait que plusieurs témoins du comité ont appuyé sans réserve notre position. Mme Carmen Cheung, avocate à la British Columbia Civil Liberties Association, a dit:
[...] nous sommons les membres du comité à ne pas accroître davantage les pouvoirs dont jouissent nos organismes de sécurité nationale tant que nous n'aurons pas établi de mécanismes de reddition de comptes et d'examen adéquats et efficaces. Il nous semble essentiel de nous doter de mécanismes de surveillance forts et robustes non seulement pour protéger les droits de la personne et les libertés civiles, mais pour assurer l'efficacité de nos politiques et de nos pratiques en matière de sécurité nationale.
En conclusion, le Nouveau parti démocratique croit que l'on doit s'attarder sérieusement à la question du terrorisme, certes, mais en préservant le respect des droits et libertés. Le projet de loi menace la primauté du droit et les droits de la personne, nonobstant les protections supplémentaires que l'on retrouve dans la version de 2001 qui ont été peu à peu éliminées.
Encore une fois, tous les amendements pour renforcer la primauté du droit et les droits de la personne ont été rejetés par les conservateurs, qu'ils n'intéressent pas du tout. Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à ce projet de loi en troisième lecture.
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Monsieur le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais dire que nous avons été outrés et choqués par les événements qui se sont produits à Boston, et nous offrons toutes nos sympathies aux familles.
Dans nos société démocratiques, nous ne pouvons accepter l'usage de la violence à des fins politiques, quelles qu'elles soient, et nous la dénonçons fortement.
À la suite de l'attaque du World Trade Center, le 11 septembre 2001, les gouvernements américain et canadien ont été pris de panique et ont cru bon instaurer rapidement une série de mesures visant à améliorer et à renforcer la lutte contre le terrorisme. Parmi ces mesures, il y avait le projet de loi . Quelques clauses à l'intérieur de cette loi ont été adoptées de façon temporaire, c'est-à-dire qu'elles ont été appliquées pour une première période de 5 ans afin de voir si elles étaient nécessaires et efficaces. Nous voyons aujourd'hui la tentative, par l'entremise de ce projet de loi , d'inscrire ces clauses dans la loi de manière permanente.
Quand j'ai lu les notes de Denis Barrette de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles au sujet du projet de loi , j'ai été frappé par ses commentaires concernant la détention préventive. Ce terme a fait renaître en moi de douloureux souvenirs de la crise d'Octobre de 1970. Au Québec, nous avons vécu le terrorisme. Je me souviens des casernes de militaires qui explosaient, de la mort d'un sergent en particulier, de la bombe à la Bourse de Montréal et des bombes dans les boîtes aux lettres. Les gouvernements de l'époque ont jugé bon de suspendre les libertés civiles pour imposer, à tort ou à raison, la Loi sur les mesures de guerre. J'étais jeune à cette époque. J'avais 14 ans et j'allais à la polyvalente.
Dans mon quartier de bungalows, nous avons vu débarquer une quarantaine de militaires armés jusqu'aux dents. Les militaires faisaient le tour des maisons et allaient frapper aux portes pour nous parler de choses que nous ignorions. Ils nous demandaient si nous connaissions des gens liés au Front de libération du Québec. Ils avaient des portraits-robots dessinés. À cette époque, nous n'avions pas les photographies et tout le matériel numérique d'aujourd'hui. Ces militaires nous montraient des portraits-robots de barbus avec des cheveux longs, qui pouvaient ressembler à nos voisins. Ils nous demandaient si nous connaissions ces gens ou si nous les avions vus. Ils sont allés chez mon voisin, qui avait une barbe et des cheveux longs, et ils l'ont embarqué. Il ressemblait à l'individu du portrait-robot. Avait-il des liens avec le FLQ? Personne ne le savait. Les gens de mon quartier connaissait le gars, parce qu'il travaillait dans un café. Des jeunes y allaient, j'imagine qu'ils fumaient peut-être certaines substances illicites à l'époque, mais à notre connaissance, il n'était pas un terroriste, et il s'avère qu'il n'en était pas un non plus.
À la suite de l'application de la Loi sur les mesures de guerre, ils ont fait 36 000 perquisitions sans mandat et ont arrêté 457 personnes. Ils appelaient cela des « arrestations préventives ». Or c'est exactement ce qu'on retrouve dans le présent projet de loi. Quand un gouvernement panique, il fait des arrestations préventives. Quand j'ai lu dans les notes qu'il y aurait des arrestations préventives, je me suis dit que nous devions maintenir nos lois actuelles, puisque les policiers disposent présentement de suffisamment de lois. Nous l'avons vu, hier, par l'arrestation de deux présumés terroristes, Jaser et Esseghaier. Ils n'ont pas besoin de faire des arrestations préventives, d'amener des gens aux postes de police, de les questionner, d'attendre de voir ce qu'ils répondent et de les mettre en prison s'ils ne répondent pas ce à quoi on s'attend d'eux Nous avons vécu cette période d'arrestations préventives au Québec, et a-t-elle abouti à quelque chose?
Combien de ces 457 personnes arrêtées de façon préventive ont été traduites devant les tribunaux pour avoir effectivement appartenu à un mouvement terroriste? On se pose la question. La Commission Keable enquêté là-dessus. On a eu plus ou moins des réponses. Il y a eu la Commission MacDonald, qui a été bloquée par la Cour suprême du Canada, parce que les commissions provinciales n'ont pas le droit d'enquêter sur les activités de la GRC.
Un jour, peut-être, quand les documents seront rendus publics, nous connaîtrons les tenants et les aboutissants de toute cette période sombre et noire de l'histoire du Canada et du Québec. Toutefois, pour l'instant, la suppression des libertés civiles qu'on a connue à cette époque s'est avérée injustifiable et n'a pas porté fruit. Plusieurs prétendent même aujourd'hui que, quand ces mesures ont été mises en place, les pouvoirs policiers savaient déjà où étaient les ravisseurs de James Cross et de Pierre Laporte. De là vient notre attachement fondamental à certaines dispositions qui font en sorte qu'on ne peut pas être arrêté sans connaître la raison de son arrestation, qu'on a le droit de garder silence, qu'on a le droit d'avoir un avocat et que le poids de l'État ne devrait jamais être utilisé contre un individu dans le but de l'obliger à témoigner contre lui-même.
En conclusion, je me permettrai de lire l'intervention de M. Barrette dont je parlais tout à l'heure. Je vais la lire dans son intégralité, au bénéfice de ceux qui nous regardent et de ceux qui croient encore à la nécessité de maintenir les libertés civiles en dépit de la montée du terrorisme. En effet, ce dernier nous fait parfois oublier nos principes fondamentaux qui font en sorte qu'on veut vivre et demeurer dans une société démocratique et libre. Le terrorisme aura réussi son entreprise quand il aura réussi à limiter nos libertés civiles, parce que c'est l'objectif du terrorisme.
Pour la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et la Ligue des droits et libertés, les clauses concernant les investigations judiciaires et les arrestations préventives ayant pour objet d'imposer des engagements assortis de conditions sont dangereuses et trompeuses.
Les débats du Parlement sur cette question doivent s'appuyer sur un examen rationnel et éclairé de la Loi antiterroriste, une loi adoptée à la hâte après les événements du 11 septembre 2001, dans un climat, on s'en souvient, de peur et sous une très grande pression de la part de États-Unis.
Au moment où on se parle, quelle est donc la véritable nécessité objective de ces deux dispositions? Depuis leur adoption en 2001 jusqu'à leur abrogation en 2007, le seul cas d'application est resté lié à l'affaire Air India qui, comme on le sait tous, a résulté en un fiasco total et triste. En 2007 et aujourd'hui, des enquêtes policières ont réussi à démanteler des complots terroristes, en n'ayant recours à aucune des dispositions discutées ici. C'est clair. On réussit à prévenir des attaques terroristes avec le dispositif légal dont on jouit présentement. Nul n'est besoin de limiter davantage les droits individuels et collectifs.
D'ailleurs, depuis 2001, soit depuis 10 ans, parmi les enquêtes ayant mené à des accusations ou à des condamnations, aucune n'a nécessité l'utilisation de ces pouvoirs extraordinaires, qu'il s'agisse de l'affaire des 18 de Toronto ou, plus récemment, des quatre personnes de la région de Toronto et, même, hier, des deux personnes qui visaient à faire dérailler un train de VIA Rail. On sait que ces dispositions pourraient donner lieu à une utilisation qui, selon nous, serait abusive. Je pense au cas d'Air India. Nous croyons que les Canadiens seront mieux servis et protégés en ayant recours aux dispositions usuelles du Code criminel plutôt qu'à ces dispositions inutiles.
L'utilisation de pouvoirs arbitraires et le rabaissement du niveau de la preuve ne peuvent pas remplacer le travail des policiers fait selon la règle de l'art. Tenons-nous-le pour dit.
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Monsieur le Président, le projet de loi est le dernier-né d'une longue saga commencée dans la foulée du 11 septembre et des réflexes législatifs qui en ont découlé. Le projet de loi antiterroriste déposé en 2001 avait constitué la première salve à la suite des horreurs vues à New York et qu'on craint depuis ailleurs.
Le but était évidemment de répondre à cette menace pour se protéger ici, au Canada, mais aussi pour répondre à nos obligations internationales, imposées notamment en haut lieu, à l'ONU.
Certaines dispositions de cette loi antiterroriste ont représenté des modifications aux textes de loi existants: le Code criminel, la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
D'autres changements ont été plus importants. Il y avait surtout des changements sans précédent dans le droit canadien. Ceux qui étaient à la Chambre lors des attentats de 2001 pourront peut-être témoigner que cette loi a été adoptée dans la hâte et sans toute la considération nécessaire.
Devant l'angoisse et l'inconnu, le Parlement a offert une réponse musclée et réflexive. Ce n'est donc pas pour rien que ces propositions, faites dans l'urgence du moment, ont été soumises à des « clauses crépusculaires ». On me pardonnera cette expression, pourtant si jolie, que d'ennuyeux personnages ont bannie en tant qu'anglicisme au profit de la très morne « disposition de temporarisation ».
Ces « clauses crépusculaires », donc, ont assuré que ces mesures plus controversées restaient des mesures temporaires. C'est d'ailleurs mieux ainsi. On parle ici des articles concernant l'arrêt préventif et les techniques d'interrogation.
Si on avait voulu prolonger ces mesures, si on les avait trouvées utiles ou pertinentes ou si on nous avait rapporté qu'elles avaient prévenu une catastrophe autrement inévitable, on aurait eu l'occasion de les maintenir en place et de les rendre permanentes.
Cela exigeait une résolution des deux Chambres. Une telle résolution a été présentée et rejetée. Les parlementaires ont eu la sagesse de reconnaître que maintenir de telles mesures n'avait rien de pertinent.
Les deux Chambres ont aussi fait chacune leurs devoirs sur ces mesures. Chacune a étudié en son temps les dispositions les plus délicates de la Loi antiterroriste de 2001. À la Chambre basse, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a fait son examen de la Loi antiterroriste, particulièrement sur les audiences d'investigation et les engagement assortis de conditions en octobre 2006. Dans l'autre lieu, les sénateurs ont rendu un rapport pertinemment nommé « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels ».
Malgré tout ce remue-ménage, ces dispositions questionnables, liberticides et heureusement temporaires ont pris fin tel que prévu, à la brunante, si on me permet l'expression, en 2007.
Or, depuis, on a essayé de nous servir à nouveau ce plat pourtant désormais bien froid: le projet de loi en 2008, le projet de loi en 2009 et le projet de loi en 2010.
Chaque fois, la conclusion est pareille: les outils actuellement à la disposition de l'État pour combattre le terrorisme suffisent.
De telles mesures n'avaient pas lieu d'être, même en 2001, et n'ont pas davantage lieu d'être aujourd'hui.
Or ces mesures dont on débat aujourd'hui n'ont rien d'anodin. Parmi les objectifs du projet de loi , je retiens particulièrement les dispositions qui réintroduisent dans la loi canadienne le phénomène des audiences d'investigation qui permettent à un agent de la paix de demander à un juge provincial d'ordonner la parution d'individus devant un juge s'ils sont soupçonnés de détenir des informations sur d'éventuels actes terroristes. Une telle mesure oblige l'individu à se présenter à des interrogatoires et à répondre aux questions des enquêteurs.
Une autre mesure importante qu'on fait passer en vitesse devant la Chambre aujourd'hui est l'engagement assorti de conditions qui inclut la détention préventive et qui fait qu'un agent de la paix pourra arrêter un individu sans mandat s'il croit que c'est nécessaire pour éviter une attaque terroriste. L'individu est par la suite amené devant un juge, le plus tôt possible précise-t-on pour ne pas trop préciser, et peut se voir ainsi imposer des conditions, voire se faire emprisonner pour une période maximale de 12 mois.
Ce sont des mesures très contraignantes sur le plan des droits de la personne. On pourrait dire aussi qu'elles sont très inquiétantes et que cela mérite surtout qu'on s'attarde longuement à l'équilibre entre l'avantage réel pour la sécurité publique et son coût imputé aux citoyens, un coût qui se traduit indéniablement par une restriction des droits fondamentaux. Il s'agit d'abord des droits des principaux concernés, c'est vrai, mais ultimement, il s'agit forcément de ceux de tous les citoyens.
Le dramaturge Henry Becque écrivait que la liberté et la santé se ressemblent, et qu'on n'en connaît le prix que lorsqu'elles nous manquent.
Je m'inquiète vivement du timing de ce débat d'aujourd'hui, du fait que le gouvernement a choisi de devancer le débat compte tenu de l'actualité. Comme cela a été dit plus tôt, la Loi antiterroriste de 2001 a été adoptée avec une hâte qui ne devrait pas caractériser les débats sur la législation nationale.
Aujourd'hui, on dirait qu'on tente de recréer les mêmes conditions d'angoisse et de panique pour faire adopter à la va-vite un projet de loi ayant des implications très importantes pour les libertés.
Les gens de ma circonscription, Longueuil—Pierre-Boucher, veulent vivre dans la sécurité, cela va de soi. Mais ils tiennent aussi et surtout aux droits qui sont ceux de chaque citoyen. Nombre d'entre eux vont se demander si c'est le bon moment de débattre des mesures du projet de loi , alors que le monde se remet des attaques horrifiantes, cruelles et gratuites qui ont lieu la semaine dernière au marathon de Boston.
On n'a pas besoin d'un supplément d'émotions pour débattre de ce projet de loi. Au contraire, on a besoin de recul, de réflexion et de considération calme et pondérée.
Le geste du gouvernement de devancer le débat n'a rien de sage à mes yeux. J'insiste sur le mot « sage ».
Au lendemain de telles attaques, et avec l'actualité qu'on connaît ici, au Canada, est-il bien sage de réécrire nos lois et de redéfinir nos libertés fondamentales?
C'est peut-être l'opportunisme habituel, typiquement grossier et de mauvais goût, qu'on connaît de ce gouvernement.
De notre côté, nous sommes convaincus que ce projet de loi est contraire aux valeurs fondamentales des Canadiens et à celles qui sous-tendent notre système judiciaire.
Ces mesures visent, sans ambiguïté et sans ambages, à circonscrire les libertés civiles et les droits fondamentaux des citoyens canadiens.
Parmi ces droits se trouvent des éléments de base de notre système judiciaire que nous tenions pour acquis: le droit de garder le silence, le droit à un procès juste et équitable ou encore celui d'être considéré innocent jusqu'à preuve du contraire.
Les principes de notre droit, qui puisent leur source dans des coutumes et des traditions juridiques plusieurs fois centenaires, dressent, au profit des individus, des droits qui ne sont pas malléables.
Si la mouture proposée aujourd'hui comporte quelques offrandes censées nous rassurer parce qu'elles sont sous forme de protections supplémentaires, ces propositions restent, dans l'ensemble, très peu convaincantes.
De plus, on s'oppose aussi à ces mesures sur le simple fait de leur bilan. En effet, ce sont des moyens inefficaces sur les principes.
Ultimement, nous croyons fermement que le Code criminel est un outil tout à fait suffisant pour enquêter sur ces personnes douteuses qui s'adonnent à des projets louches ou qui auraient pour but de menacer le public. Ce sont des actes criminels et le Code criminel est conçu pour cela.
À preuve, les dispositions élaborées en 2001 et qui ont fait l'objet d'une « clause crépusculaire » en 2007 n'ont jamais été utilisées. Ces mesures ont causé un inconfort dès leur conception, en 2001, en raison de leur caractère liberticide.
Un ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, M. Reid Morden, a affirmé en 2010, concernant les deux mesures que j'ai évoquées plus tôt:
[Traduction]
[...] j'avoue que je n'ai jamais pensé qu'il convenait de les inclure au départ [...]
[Français]
Il évoque le sentiment que ces dispositions se sont glissées presque par erreur dans la loi.
[Traduction]
mais le fait est qu'elles sont passées dans la loi dans le contexte de l'après-11 septembre où le gouvernement cherchait à prendre rapidement des mesures… Il me semblait qu'on avait en quelque sorte détourné notre système judiciaire de sa véritable finalité.
[Français]
Il insiste donc pour dire que les forces de l'ordre ont déjà les pouvoirs nécessaires pour faire leur travail. Elles n'ont pas besoin de pouvoirs supplémentaires. Il conclut en disant:
[Traduction]
Je regrette donc d'apprendre que le gouvernement a décidé de réintroduire ces mesures.
[Français]
De toute évidence, ces mesures ont causé des malaises dans les forces de l'ordre qui ont eu la bonne idée de ne pas s'en prévaloir dans le cadre de leurs enquêtes.
Qu'on nous explique franchement pourquoi ces mesures seraient utiles aujourd'hui, alors qu'elles ne l'ont pas été dans les mois suivants le 11 septembre et que même les personnes qui sont appelées à les mettre en application n'en veulent pas.
Enfin, si certains droits sont menacés, tous les droits sont menacés. Très peu d'entre eux empêchent que, dans l'avenir, des citoyens ou des personnes feront l'objet d'accusations bidon, en vertu des dispositions de ce projet de loi, pour des activités n'ayant aucun lien avec le terrorisme. Des activités peuvent être considérées « subversives » ou « dissidentes », autant de mots glissants qui peuvent s'appliquer à des activités menées pacifiquement dans un contexte démocratique.
De toutes parts, des défenseurs des libertés fondamentales viennent nous dire que ces mesures ne sont pas utiles et que le prix à payer, que les citoyens paieront de leurs droits, n'est pas un prix juste pour l'avantage promis. Ces mesures ne sont pas réclamées et ne sont pas nécessaires.
On l'a vu il y a quelques années lorsque des menaces d'attentats spectaculaires ont été déjoués. On l'a vu encore hier, lorsque les admirables professionnels de la sécurité publique ont arrêté deux suspects qui voulaient, semble-t-il, perturber le cours de la vie de simples citoyens et leur faire des torts inimaginables.
À ce moment de l'histoire où le terrorisme est devenu un fait d'actualité, il est essentiel qu'on résiste. Résister au terrorisme, c'est se protéger, se prémunir et se défendre. C'est sécuriser nos trains, nos aéroports, nos lieux publics et nos lieux de rassemblement.
Toutefois, c'est aussi refuser, en tant que société, communautés et citoyens, de se laisser défigurer par le terrorisme, de se laisser manipuler ou de modifier nos comportements et nos modes de vie. C'est précisément ce qu'il ne faut pas faire.
Il ne faut pas se laisser terrifier par le terrorisme. Et surtout, résister au terrorisme, c'est s'assurer que la démocratie et les libertés de chacun, ici, chez nous, ne seront jamais menacées par de tels individus et par leur violence.
Comme il ne me reste que quelques secondes, je me dois d'évoquer mon étonnement devant l'incohérence du Parti libéral qui a jugé utile d'adopter ces « clauses crépusculaires » en 2001 et qui, aujourd'hui, ne propose aucun amendement en ce sens. C'est inexplicable.
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Monsieur le Président, je suis heureux de parler de cet important projet de loi. On ne peut pas vraiment parler d'un débat, puisque les députés des autres partis sont pour la plupart restés silencieux. Toutefois, étant un néo-démocrate qui vit à proximité de la frontière, je crois qu'il est important de parler de certains aspects du projet de loi qui toucheraient les Canadiens.
Tout d'abord, je tiens à rendre hommage aux familles et aux victimes de la ville de Boston, qui ont dû faire face à un crime horrible qui concerne non seulement ces personnes, mais toutes les sociétés libres. Il est triste de voir de tels événements se produire. Nos pensées et nos prières accompagnent ces personnes qui font de leur mieux pour que la vie reprenne son cours.
Je me souviendrai toujours de ce qui s'est passé le 11 septembre. J'étais alors coordonnateur jeunesse au conseil multiculturel. Huit jeunes Canadiens qui avaient fait de mauvais choix et n'allaient pas dans le droit chemin participaient au programme. Il y avait également neuf ou dix jeunes qui étaient arrivés au Canada au cours des derniers mois ou l'année précédente et qui avaient de la difficulté à s'adapter à la culture et à la société canadiennes. Je travaillais donc avec eux dans le cadre du programme. Nous avions aussi mis en place des programmes de lutte contre le racisme, de volleyball et de basketball. Nous faisions beaucoup d'intégration dans les écoles et aidions de diverses façons ceux ayant été identifiés comme des jeunes à risque. Nous avions un bon programme, car son taux de réussite était de 90 %; ces jeunes reprenaient le chemin de l'école ou recommençaient à travailler après avoir terminé le programme.
Je le mentionne parce que j'étais à mon bureau et que j'ai vu le deuxième avion foncer dans la tour en ce 11 septembre. Je n'oublierai jamais le moment où j'ai dû aller annoncer aux élèves ce qui venait de se passer, car je savais que cet acte terroriste atroce allait changer pour toujours notre avenir à tous et qu'il allait modifier non seulement notre perception du monde, mais également nos échanges avec le reste du monde. Les conséquences de cet événement à la frontière en sont la preuve. Des tonnes de camions faisaient la file, et la frontière a pratiquement été fermée. Les files sur la 401 allaient jusqu'à London, en Ontario. La situation était telle qu'on a commencé à distribuer des couches et à placer des toilettes portatives le long des routes, car il y avait trop de gens pris dans leur véhicule.
Les camions n'avaient nulle part où aller. À ce moment, environ 10 000 camions traversaient chaque jour la frontière, que ce soit par le pont Ambassador, par le tunnel Windsor-Detroit ou à bord du traversier transportant des matières dangereuses.
Ce drame a eu des conséquences subséquemment dans les politiques adoptées. On a beaucoup mis l'accent sur la militarisation. À certains égards, on s'est particulièrement acharné contre les libertés civiles, jusqu'à en faire une obsession ayant des effets néfastes dans nos vies.
Le projet de loi constitue l'un de ces effets néfastes. C'est un projet de loi qui, à l'origine, a été présenté à la Chambre. Les États-Unis ont adopté ce qu'on appelle le Patriot Act, qui contrevient aux libertés civiles dans ce pays et qui a été énergiquement combattu par les associations de défense des libertés civiles et d'autres gens aux États-Unis.
Avant le projet de loi , nous avons eu droit à la version originale du certificat de sécurité, que l'on cherche maintenant à modifier de manière à rendre la loi encore plus sévère, même si nous n'avons jamais eu besoin de telles dispositions, comme nous avons pu le constater lorsqu'elles sont devenues caduques comme le prévoit la loi elle-même.
Je voudrais féliciter et remercier les hommes et les femmes qui se sont acquittés de leurs responsabilités et ont su nous éviter un attentat contre un train de VIA Rail. Ils méritent des félicitations pour leur travail acharné. C'est un exemple qui montre que nous disposons de lois, dans ce pays, qui peuvent être très efficaces pour combattre le terrorisme et les autres crimes de cette nature.
Il est important que nous parlions un peu de la militarisation de la frontière et du changement d'attitude qui mine notre économie et nos interactions avec le monde. J'en ai été témoin à la frontière.
Rappelons-nous l'attentat d'Oklahoma City. Deux musulmans aperçus dans une voiture étaient les suspects au départ. Par la suite, il s'est avéré que le principal responsable de cet attentat était Timothy McVeigh, un chrétien de race blanche faisant partie de la milice du Michigan.
Si je le mentionne, c'est que nous avons assisté à beaucoup de profilage racial et ethnique à la frontière, et beaucoup de gens en ont été victimes. Je rappelle souvent aux Étatsuniens, en particulier lorsque je suis à Detroit, que des milliers de médecins et d'infirmières traversent la frontière tous les jours pour sauver les vies des citoyens des États-Unis dans leurs hôpitaux et grâce à d'autres services.
Ce n'est pas facile. À certains moments, lorsque d'autres attentats terroristes ont été commis, le profilage a visé des groupes en particulier. Ce sont tantôt les Pakistanais, tantôt les Somaliens qui en ont été victimes, tous mis dans le même panier. C'était injuste.
En fait, la mise en oeuvre du programme US-VISIT a été l'un des principaux changements dont j'ai été témoin. Le gouvernement canadien actuel et les gouvernements précédents ne se sont pas opposés à ce que les États-Unis établissent différentes catégories de citoyens canadiens. Quand cela a commencé, j'étais à Washington, à l'ambassade. Nous avons appris que les États-Unis allaient établir une liste de cinq nations et que les personnes nées dans ces pays devraient fournir leur photo et leurs empreintes digitales, même si elles étaient devenues citoyennes canadiennes.
La première liste a été publiée, ce qui a eu pour effet de créer différentes catégories de citoyens canadiens. Que les gens en question aient quitté leur pays d'origine quand ils étaient très jeunes ou plus âgés, cela ne faisait aucune différence: ils étaient considérés comme des Canadiens de classe inférieure. J'ai demandé à l'ambassadeur de l'époque si nous allions contester cette pratique, et il m'a répondu que non. Aucun premier ministre n'a contesté cette pratique depuis. Ces différentes catégories de citoyens canadiens existent encore à ce jour, ce qui n'est pas une façon adéquate de procéder.
Lorsqu'on parle d'identité et de protection de la vie privée, il faut se rappeler qu'il est déjà arrivé que des mesures de ce genre soient employées contre des personnes dont l'innocence a été prouvée par la suite. J'aimerais mentionner un cas en particulier, celui de Maher Arar, dont nous avons souvent parlé à la Chambre.
Maher Arar est un citoyen canadien qui a été détenu non pas par un seul, mais bien par deux des principaux organismes d'application de la loi en Amérique du Nord, soit la GRC et le FBI. Il a été envoyé à l'extérieur du pays et terrorisé. Cette expérience horrible a eu des répercussions sur lui, sur sa vie et sur sa famille. J'ai d'ailleurs rencontré sa famille, et leur désespoir faisait peine à voir. Ce qui s'est passé, au fond, c'est que parmi toutes les personnes qui auraient pu intervenir pendant cette période étrange, personne n'a pensé à prendre sa défense. Nous avions le devoir de le défendre. Nous avons découvert par la suite que les preuves n'étaient pas valables. Nous avons découvert pendant l'enquête qu'elles étaient tellement inadéquates que Maher Arar a reçu des indemnités. Mais sa vie ne sera plus jamais la même.
L'un des points que je trouve préoccupants dans le projet de loi , c'est qu'il permettrait une détention pouvant aller jusqu'à 12 mois. C'est donc dire qu'une personne pourrait être coupée pendant longtemps de sa famille, de ses amis, de sa famille élargie et de la vie qu'elle est en train de bâtir au Canada. Imaginez qu'on sorte quelqu'un du marché du travail pendant 12 mois. Comment pourra-t-il ensuite retrouver ce qu'il avait avant son départ?
Même si la personne est blanchie, les gens qui les côtoient, leurs amis, leurs proches, leurs connaissances et leurs voisins, resteront craintifs ou se demanderont s'ils doivent croire ce qui a été raconté. Ils ne comprendront pas vraiment pourquoi la personne a été détenue et, si elle est relâchée, ils se demanderont si elle représente encore une menace.
Je m'inquiète de ce processus spécial ainsi que de la stigmatisation dont ces personnes seront victimes, parce qu'il va de soi que ces gens seront traités différemment au Canada. Pourquoi? Parce que nous instaurons une loi spéciale, une super loi, pour ainsi dire, qui est censée lutter contre le terrorisme. La vie personnelle de ces gens et de leurs proches sera chamboulée, et ils en subiront les conséquences pendant fort longtemps.
Il est paradoxal que, d'une part, nous débattions de cette mesure législative, laquelle porte grandement atteinte à certains droits individuels — et je tiens à rappeler que nous tenons vraiment à lutter contre le terrorisme — et que, d'autre part, le gouvernement sabre dans des programmes qui pourrait se révéler très utile dans la lutte contre le terrorisme. J'aimerais parler de la question de la sécurité à la frontière.
Je sais qu'il ne me reste qu'une minute, mais je tiens à souligner que plus de 100 enquêteurs de l'Agence des services frontaliers du Canada et d'autres agents ont perdu ou perdront leur emploi. En plus, on a dit aux agents de ne rien faire s'ils trouvent des armes à feu ou de la drogue à destination des États-Unis ou s'ils savent qu'un acte criminel y sera commis si aucun enquêteur n'est présent. De telles activités favorisent l'entrée au Canada d'armes à feu, d'argent ou d'autres types d'armes.
Je ne peux pas appuyer le projet de loi : il va beaucoup trop loin. Les lois en vigueur pourraient déjà nous permettre de rendre notre société plus sûre.
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Monsieur le Président, c'est décevant de voir un vieux fantôme du passé revenir nous hanter.
Toutes ces idées avaient été lancées à la hâte, par opportunisme politique, à la suite des événements du 11 septembre. Aujourd'hui, elles sont reprises dans une version encore plus dangereuse, toujours dans un contexte d'opportunisme politique. C'est fait seulement pour avoir l'air de faire quelque chose. Ceux qui les appuient veulent simplement avoir l'air d'être du côté de ceux qui veulent avoir l'air de faire quelque chose.
Bien que les députés de l'autre côté de la Chambre nous accusent d'être soft on crime et font état de toutes sortes d'élucubrations semblables, je suis sincèrement convaincu, tout comme le sont mes collègues, que le fait de tuer des gens innocents au hasard ne peut jamais être justifié. Cela ne peut même pas être justifié d'une façon stratégique, dans une stratégie militaire. Ça ne se justifie d'aucune façon.
Avant de combattre un ennemi, il faut l'identifier. Les terroristes ne sont pas une armée organisée qui possède un quartier général, des troupes et de l'équipement. On ne peut même pas les identifier grâce à leurs caractéristiques physiques.
Prenons l'exemple des deux terroristes du marathon de Boston. L'image que ces jeunes hommes projette est celle de charmants jeunes hommes. Ils auraient pu être nos enfants. Dans une foule, il n'existe aucune façon de les différencier des autres. Toutefois, après la commission du crime, on peut les identifier comme transportant potentiellement des bombes. En marchant dans la rue, la plupart des gens ne les reconnaîtraient pas et penseraient que ce sont deux jeunes Américains ordinaires.
Cela prouve qu'il faut centrer les ressources sur l'identification adéquate des jeunes qui dérivent et qui sont potentiellement dangereux. Cela prend plus de ressources policières et plus de renseignements. Les policiers doivent avoir un budget pour les dépenses liées aux voyages qu'ils doivent quelquefois effectuer dans les régions éloignées pour identifier où sont les centres de recrutement et d'entraînement des groupes qui les supportent.
De plus, il y a tout un travail à faire pour que des plans de bombes diffusés dans Internet ne se retrouvent pas entre les mains de n'importe qui.
Des erreurs, on en a vues, historiquement. Par exemple, lors de la Seconde Guerre mondiale, les Canadiens d'origine japonaise ont tous été enfermés dans des camps, et ce, pendant toute la durée de la guerre. Rétrospectivement, on se rend compte que si les alliés ont réussi à vaincre les Japonais, c'est à cause du travail des Japonais d'origine canadienne et des Japonais d'origine américaine, qui ont réussi à briser les codes secrets de la marine japonaise. C'est ce qui a permis les grandes victoires alliées.
Le résultat final est que des entrepreneurs, des pêcheurs et des gens qui avaient des entreprises prospères sur la côte se sont retrouvés ruinés dans des petits villages à l'intérieur du pays. Leur vie a été complètement brisée. Des années plus tard, ils ont eu droit à des excuses, mais leur vie était quand même ruinée.
Quand on pense à la position des libéraux, le débat nous permet une chose, spécialement à nous qui sommes du Québec, soit de reconnaître nos bons vieux libéraux et les libéraux de 2001, qui avaient adopté cette insanité.
C'est certain qu'ils ne peuvent pas trop critiquer parce que c'est d'eux que vient le fondement de cette théorie. « So much pour la Charte », comme on dit en langage familier.
Pour ce qui est des arrestations d'hier, on peut se réjouir seulement d'une chose, c'est que les policiers qui ont arrêté ces deux terroristes n'aient pas encore été mis à pied en raison des coupes aveugles du gouvernement.
Effectivement, s'il avait fallu qu'ils ne soient pas là, dans quelques mois, on serait peut-être en train de parler de l'attentat du train de Toronto. Cela aurait causé une hécatombe. Grâce au travail des policiers et à l'application des lois existantes, on a sûrement évité un drame.
La réponse à tout cela, ce n'est pas d'adopter un projet de loi qui permettra d'arrêter n'importe qui, c'est d'arrêter les compressions que le gouvernement fait dans toutes les ressources des forces policières au pays.
On a beaucoup d'exemples sur le plan international. C'est comme un hasard que les deux terroristes de Boston sont d'origine tchétchènes. Les Russes ont toujours eu une technique particulière. Durant les années 1930, toute la population tchétchène a été déportée en Sibérie. Ces gens sont revenus des années plus tard, complètement détruits et sans ressources. Le tiers d'entre eux sont morts en exil. Ils ne sont jamais redevenus des citoyens russes à part entière.
Cela a occasionné toutes sortes de troubles qui ont mené à de la guerre civile et à des actions terroristes. Cela n'excuse pas davantage le fait de tuer des gens au hasard, mais cela explique un peu les racines du problème.
Durant les deux récentes guerres en Tchétchénie, l'armée russe ne faisait pas d'interrogatoires ou de détentions temporaires. Elle faisait des exécutions préventives. Tout ce que cela a réussi à faire, c'est envenimer le problème. Aussitôt qu'on fait des compromis quant aux droits de la personne, c'est la société qui recule.
Dans le cas de Maher Arar, sa vie a été gâchée, comme celle de sa famille. Même si les erreurs ont été identifiées et que son innocence a été reconnue, il vit encore avec ce fardeau. En effet, il y a deux mois, il portait encore un bracelet électronique à la cheville et il ne pouvait pas entrer dans l'édifice de la Confédération parce que sa photo sur l'écran de l'ordinateur était entourée d'une bordure rouge. Combien cela prendra-t-il de temps avant qu'il puisse redevenir un citoyen canadien, avec les mêmes droits que tout le monde?
Tout ce qu'on fait d'arbitraire, on finit toujours par le regretter. Il commence à être temps que le gouvernement se mette à réfléchir et investisse vraiment des ressources pour arrêter cela. Moi, j'ai vraiment peur que quelqu'un, comme les terroristes qui voulaient faire dérailler le train, réussisse quelque part au Canada. Or ce n'est pas avec un projet de loi aussi stupide que cela va cesser. C'est avec des ressources mises au bon endroit et avec de la coordination entre tous les services qu'on réussira à identifier les criminels et qu'on évitera cela.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer au projet de loi . Avant de commencer mon discours, j'aimerais offrir mes condoléances aux familles et aux victimes à Boston. Je sais que tous les députés à la Chambre, peu importe leur allégeance politique ou le siège qu'ils occupent dans cette enceinte, condamnent cette attaque odieuse.
Je vais maintenant entrer dans le vif du sujet. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui modifierait le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada ainsi que la Loi sur la protection de l'information dans le but précis de lutter contre le terrorisme. Cela dit, à mon avis et de l'avis de nombreux groupes qui ont témoigné au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, le projet de loi n'offre aucune protection contre le terrorisme et les restrictions qu'il impose en ce qui concerne les libertés civiles sont tout simplement inacceptables.
L'élément principal de cette mesure législative est une modification au Code criminel, qui autorise les audiences d'investigation et impose des engagements assortis de conditions. Il autorise également la détention préventive lorsqu'une personne refuse d'accepter les conditions d'un engagement assorti de conditions ou ne les respecte pas.
En termes non juridiques, qu'est-ce que cela signifie pour les Canadiens? En fait, la première partie signifie que n'importe quel agent de la paix, comme un policier ou un officier des Forces canadiennes, peut demander à un juge d'une cour provinciale d'ordonner à toute personne qui pourrait — et j'insiste sur le mot « pourrait » — disposer de renseignements relatifs à un acte terroriste de comparaître devant un juge.
Si un juge d'une instance provinciale émet une telle ordonnance, la personne visée doit se soumettre à un interrogatoire, répondre à toutes les questions qui lui sont posées et apporter tout objet lié à l'ordonnance du juge.
Les audiences peuvent porter sur des activités criminelles passées, ou en cours, ou sur de futures activités criminelles présumées. Le projet de loi prévoit que l'investigation vise à recueillir des renseignements, non à poursuivre les gens. Ainsi, on ne peut utiliser les réponses données pendant l'investigation pour intenter subséquemment des poursuites criminelles contre la personne interrogée, sauf en cas de parjure ou de preuves contradictoires pendant l'investigation.
D'autres procédures judiciaires non pénales, comme l'extradition ou l'expulsion, ne sont pas expressément abordées dans le projet de loi. La comparution peut donc malgré tout pénaliser certaines personnes.
La deuxième partie, concernant l'engagement assorti de conditions, signifie essentiellement qu'un agent de la paix peut arrêter une personne sans mandat s'il considère cette arrestation nécessaire pour empêcher une attaque terroriste. La personne arrêtée doit comparaître devant un juge dans les 24 heures suivant sa mise en détention, ou le plus tôt possible, afin de démontrer la nécessité de prolonger la détention. L'agent de la paix doit ensuite demander à un juge de la Cour provinciale d'ordonner que la personne comparaisse devant un tribunal afin de déterminer si celle-ci doit se voir imposer un engagement assorti de conditions, c'est-à-dire l'obligation légale de respecter certaines conditions. Le projet de loi ne précise pas l'étendue des conditions qu'un juge peut imposer, mais il indique clairement que celui-ci peut notamment interdire la possession d'une arme à feu, d'une arbalète ou de munitions.
Les personnes qui refusent de respecter les conditions associées à leur engagement peuvent être emprisonnées pour un maximum de 12 mois. Comme cet emprisonnement ne fait pas suite à une déclaration de culpabilité, on le qualifie de détention préventive. Donc, en imposant de telles conditions, les autorités peuvent emprisonner n'importe quel Canadien pour une période maximale de 12 mois, sans qu'il y ait un procès, ni même une inculpation.
J'entends beaucoup de gens me répondre: « Cela ne me concerne pas. Je suis un honnête citoyen. Ce projet de loi vise uniquement les gens qui se livrent à des activités terroristes. » Mais ces gens ont tort. Premièrement, s'il existe suffisamment de preuves qu'une personne visée par un engagement assorti de conditions prévoit se livrer à des activités terroristes, une accusation criminelle peut être portée contre elle.
Selon le paragraphe 83.18(2) du Code criminel, quiconque participe à des activités en vue de commettre un attentat terroriste commet un crime, que l'attentat ait été commis ou non. Et selon le paragraphe 83.18(1), aider un groupe terroriste à commettre un attentat est également un crime.
Donc, s'il existe des preuves permettant de démontrer au-delà de tout doute raisonnable qu'une personne favorise ou planifie des activités terroristes, elle peut être inculpée en vertu de ces dispositions du Code criminel.
« Même à cela, ajoutent mes contradicteurs, il doit y avoir des motifs de soupçonner la personne d'être impliquée dans des activités terroristes. Je ne serais jamais concerné par de telles dispositions. »
Eh bien, cet argument relève d'une vision étroite des choses pour deux raisons.
Premièrement, de manière générale, il convient de se souvenir du poème attribué au pasteur allemand Martin Niemöller. Il en existe de nombreuses variantes, mais les derniers vers sont assez universels: « Puis ils sont venus me chercher, et il ne restait personne pour protester ». Si nous sacrifions sans protester les libertés civiles des autres, ne soyons pas surpris si, un jour, on commence à nous enlever les nôtres.
Deuxièmement, de manière plus précise, le projet de loi est formulé de telle sorte que nous voyons poindre l'érosion de nos libertés civiles. Au cours de l'examen article par article du projet de loi, le Comité de la sécurité publique s'est aperçu que le gouvernement avait intentionnellement formulé la disposition sur l'engagement assorti de conditions de telle sorte qu'une personne qui n'est pas elle-même soupçonnée d'activités terroristes puisse être soumise à de telles conditions. C'est le NPD qui s'en est aperçu et qui a proposé d'amender cette disposition pour que seuls les participants potentiels à des activités terroristes puissent être visés.
Le NPD s'oppose radicalement à l'imposition d'engagements assortis de conditions, mais nous trouvions que cet amendement aurait au moins pour effet d'empêcher l'imposition d'un engagement assorti de conditions à des personnes non soupçonnées d'être mêlées à des activités terroristes. C'est un abus grave que nous estimions certainement non intentionnel de la part des conservateurs.
Toutefois, il semble que nous avions tort de penser que c'était une erreur et non une attaque dirigée contre les libertés civiles des Canadiens. Une secrétaire parlementaire a dit au comité que les conservateurs n'appuieraient pas l'amendement parce que le libellé du projet de loi visait précisément à ratisser large pour inclure des personnes qui ne sont pas soupçonnées elles-mêmes de vouloir participer à des activités terroristes.
Au Comité de la sécurité publique, les conservateurs ont admis qu'ils présentaient une mesure législative pour pouvoir imposer des conditions ou emprisonner jusqu'à 12 mois des personnes non impliquées dans des activités terroristes sous le couvert d'un projet de loi visant à lutter contre le terrorisme. Pire encore, les conservateurs récupèrent maintenant les événements survenus à Boston la semaine dernière pour faire adopter à la hâte cette attaque contre les libertés civiles.
Malheureusement, le terrorisme pose une réelle menace dans bien des pays, y compris le nôtre, mais le projet de loi ne ferait rien pour protéger le Canada du terrorisme. Lorsque les dispositions sur les investigations, l'engagement assorti de conditions et la détention préventive étaient en vigueur, de 2001 à 2007, elles n'ont pas été utilisées une seule fois. Or, durant cette période, la GRC a réussi à déjouer un complot en Ontario. Son intervention a mené à l'arrestation de 18 individus à Toronto.
La GRC a encore réussi à contrecarrer une attaque terroriste, cette semaine, sans ces dispositions à la Big Brother. Légaliser la détention, par le gouvernement, de personnes sans preuve qu'elles préparent des attaques est, au mieux, inutile et, fort probablement, bien pire.
Je ne suis pas le seul à condamner le projet de loi . Je donne le mot de la fin à M. Paul Calarco de l'Association du Barreau canadien:
Il ne fait aucun doute que pour protéger la société, il est essentiel de prévenir les actes terroristes. Pour cela, il faut des lois efficaces, mais aussi des lois qui respectent nos traditions juridiques. Malheureusement, ce projet de loi n'atteint pas ces deux objectifs.
Je recommande vivement à la Chambre de rejeter cette mesure législative.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me lever aujourd'hui pour discuter du projet de loi .
Ce projet de loi émane du Sénat, une Chambre de non-élus. Cette loi va modifier le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur la protection de l'information.
Je suis contre le projet de loi devant nous aujourd'hui. Je vais brièvement expliquer mon raisonnement. On se rappellera que les événements du 11 septembre 2001 ont incité la Chambre des communes à adopter une loi sur le terrorisme. C'était la Loi antiterroriste. Elle a été proposée et adoptée de façon assez rapide. On était sous l'effet de l'émotion et de la volonté de trouver des solutions et des pistes rapides pour régler un problème appréhendé, le terrorisme, non seulement au Canada, mais à l'étranger aussi.
Plusieurs éléments de ce projet de loi n'ont finalement abouti à rien. Avec le temps, on a vu qu'on était peut-être allé trop loin dans les modifications apportées à nos droits fondamentaux, enchâssés notamment dans la Charte des droits et libertés. On en a tiré des leçons. En 2007, cette loi n'a pas été renouvelée, justement parce qu'on a vu que plusieurs éléments n'avaient plus leur place au Canada. En fait, ils n'avaient jamais eu leur place au Canada. Dans le temps, on a constaté qu'il n'y avait eu aucune audience d'investigation et qu'aucune situation n'avait eu besoin de recourir à un engagement assorti de conditions.
Le projet de loi devant nous touche directement aux droits fondamentaux, qu'on trouve précieux au Canada. On y parle notamment de détention préventive de 72 heures sans que la personne soit accusée de quoi que ce soit. On parle aussi d'un emprisonnement qui pourrait aller jusqu'à 12 mois si une personne refusait de témoigner. C'est une attaque assez importante contre les droits fondamentaux du Canada. Il faut se demander quel raisonnement peut justifier une telle attaque contre un droit fondamental dans une société libre et démocratique. Selon moi, il n'y a aucune justification.
Par exemple, dans le cas des audiences d'investigation, un agent de la paix peut, avec le consentement préalable du procureur général, demander à un juge provincial d'ordonner la parution devant un juge de tout individu qui pourrait détenir des informations concernant un acte de terrorisme. On voit immédiatement qu'on ne peut acquiescer à ce projet de loi. Un agent de la paix peut forcer n'importe qui à se présenter devant un juge pour se justifier ou pour témoigner. Or, au Canada, même si le droit de ne pas témoigner est un droit fondamental, il y aura des conséquences si la personne exerce ce droit. En effet, elle pourra être détenue, et même emprisonnée, pendant 12 mois, simplement pour avoir refusé de témoigner. C'est une attaque fondamentale et il faut vraiment se demander si cela se justifie.
On l'a vu dans la Charte des droits et libertés, on peut faire abstraction de certains droits, si cela se justifie. Toutefois, selon le principe utilisé par la Cour suprême à maintes reprises, il faut que cela se justifie dans une société libre et démocratique. Je rappelle que l'affaire Oakes a créé des critères assez clairs pour ce qui est de ce qui pourrait justifier la réduction des droits fondamentaux au Canada. À mon avis, le projet de loi devant nous ne passe pas ce test.
Il y a plusieurs éléments, dont l'arrestation préventive. On voit rarement cela dans une société libre et démocratique. On accuse certains pays de faire des arrestations préventives injustifiées et le Canada s'apprête à agir comme certains pays qu'on critique souvent. Il faut vraiment, encore une fois, se demander sur quel raisonnement cela repose.
Un agent de la paix peut arrêter un individu sans mandat s'il croit que cela est nécessaire pour éviter une attaque terroriste. Sur quoi se base-t-il? Sur quoi se fonde-t-il? Comment la personne peut-elle même se défendre dans de telles circonstances?
On présumera que les gens au Canada vont dire qu'ils n'ont pas à s'inquiéter, que cela ne les concerne pas. Or on comprend que si un agent de la paix est lui-même convaincu qu'un acte se fera, s'il présume un acte, la personne sera mal prise pour se défendre contre une absence de preuve. Il n'y a pas de preuve sur laquelle on peut se défendre puisque la preuve n'est pas là. C'est une simple appréhension. Dans ce cas, on ne peut pas justifier le fait qu'un agent de la paix ait un pouvoir aussi considérable et aussi conséquent.
L'article 495 du Code criminel octroit déjà des pouvoirs à l'agent de la paix:
(1) Un agent de la paix peut arrêter sans mandat:
a) une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel;
b) une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle;
c) une personne contre laquelle, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, un mandat d’arrestation ou un mandat de dépôt, rédigé selon une formule relative aux mandats et reproduite à la partie XXVIII, est exécutoire dans les limites de la juridiction territoriale dans laquelle est trouvée cette personne.
Par la suite, on peut constater que ce pouvoir est assujetti à certaines conditions. On a donc déjà un article du Code criminel qui octroit le pouvoir en question à l'agent de la paix.
Il faut se demander pourquoi on veut octroyer encore plus de pouvoirs, et même le pouvoir de détenir un individu pendant une période de 12 mois pour le simple fait qu'il a refusé de témoigner. C'est un droit qui est accordé, entre autres, par la Charte des droits et libertés. C'est aller trop loin.
Le présent projet de loi aurait bénéficié d'un débat en comité. Il aurait bénéficié de plusieurs amendements que le NPD a mis en avant. Or ils ont tous été rejetés par le gouvernement conservateur.
Un comité parlementaire sert à ventiler et à donner la chance aux témoins et aux experts de présenter leurs commentaires sur les projets de loi. Les députés peuvent ainsi bénéficier des connaissances de ces gens pour modifier le projet de loi.
Parmi les témoignages entendus, il y a eu entre autres celui de M. Denis Barrette, membre de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles. Selon lui, lors de l'adoption de la Loi antiterroriste en 2001, on n'a pas fait la preuve qu'on avait besoin de diminuer les protections octroyées par la Charte des droits et libertés.
On a vu que les 18 de Toronto ont été arrêtés en l'absence de la loi qui a pris fin en 2007. On a vu que les présumés terroristes qui voulaient attaquer un train de VIA Rail ont été arrêtés par la GRC et d'autres agences de sécurité au Canada, avant-hier, et encore là, en l'absence d'un projet de loi tel que celui qu'on a devant nous.
Le projet de loi n'a pas sa place. Il faut comprendre que ce qu'on devrait faire au Canada, c'est bonifier les agences de sécurité qu'on a aujourd'hui, leur donner les moyens avec lesquels elles pourraient défendre nos intérêts. Je pense par exemple au budget de 2013. On va couper dans les services de sécurité aérienne au Canada, alors que dans le même temps on parle d'un problème de terrorisme. On va réduire le budget de la sécurité aérienne, surtout dans les aéroports des régions éloignées comme la mienne. Les petits aéroports pourraient perdre leurs services de sécurité.
Il faut vraiment se poser la question. Si on veut vraiment protéger les Canadiens et le monde entier avec nos éléments de sécurité au Canada, il faudrait les bonifier avec les moyens qui s'imposent. Selon moi, un budget suffisant pour protéger les services de protection aérienne au Canada est obligatoire et ne devrait même pas être sujet à débat. Malheureusement, le budget va couper dans ces services.
Selon ce qu'on voit ici, on est en train d'aller dans la mauvaise direction en enlevant des droits aux Canadiens, alors qu'on devrait leur donner les moyens de bien se défendre.
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Monsieur le Président, tous mes collègues de ce côté-ci de la Chambre ont bien exprimé leur opposition à ce projet de loi. Toutefois, je suis déçu de constater que, toute la journée, les députés de l'autre côté de la Chambre étaient à peine sept ou huit à écouter les arguments exposés par mes honorables collègues, relativement à toutes les aberrations que comporte le projet de loi.
Il faut se rappeler que tout provient du projet de loi C-36, déposé en 2001, à la suite des événements qui ont eu cours aux États-Unis. À partir de cette date, une politique internationale a été élaborée et le Canada ne fait que la suivre, malheureusement.
En fait, le Canada ne devrait même pas être concerné, parce que le tout a été fait en raison des politiques étrangères de nos voisins du Sud. En réalité, le Canada n'a jamais vraiment été exposé à ce type de contraintes. La politique étrangère du Canada a toujours été juste, particulièrement en ce qui a trait à la non-ingérence du Canada dans les politiques étrangères des autres nations. Pour le dire simplement, le Canada n'a aucun ennemi.
Par contre, à la suite de ces événements, le gouvernement de l'époque a considéré important de se doter d'une loi antiterroriste, laquelle a effectivement été mise en avant. Toutefois, on constate qu'elle n'a servi à rien du tout, parce que nous ne sommes pas dans cette situation.
Mes honorables collègues de ce côté-ci de la Chambre ont exprimé le fait qu'on n'a pas vraiment eu besoin d'imposer toutes ces contraintes à tous les citoyens, et ce, malgré toutes les démarches qui ont été faites dans le but d'améliorer la résolution et de revenir avec la résolution rejetée en 2007.
Le fait de donner des pouvoirs à certains agents de la paix — tels les policiers et les militaires — pour ramener de simples citoyens soupçonnés de commettre des actes de terrorisme est une aberration vraiment insensée.
D'ailleurs, tout le monde sait que le régime légal canadien comprend déjà des mesures qui visent à prévenir ce type d'actions contraires à tout bon sens de l'humanité. Le moyen efficace de lutter contre cela est de doter nos systèmes de sécurité publique des fonds nécessaires. Par contre, dans le budget de l'année passée et même dans celui de cette année, on a tendance à effectuer des coupes dans ces fonds, ce qui est aberrant. Ainsi, l'illogisme provient des deux côtés de la Chambre. Il provient des libéraux, qui ne saisissent pas la présente occasion d'envoyer un message clair aux conservateurs, afin de réellement protéger la sécurité publique sans compromettre les droits fondamentaux.
On doit se rappeler que le budget de 2012 a apporté d'importantes réductions de près de 687 millions de dollars, et l'Agence des services frontaliers du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité en ont subi les principales conséquences.
Ces deux agences, qui ont une certaine latitude et qui ont le pouvoir d'agir afin de détecter des actes potentiellement dangereux pour les citoyens canadiens, n'ont toutefois pas de pouvoir sur la politique étrangère de ce pays, qui n'est pas vraiment exposé à une menace terroriste réelle.
Un agent de la paix peut soumettre un citoyen à un interrogatoire, s'il le soupçonne de quelque chose d'anormal, soit pour des motifs culturels, raciaux ou religieux. Il le forcera à se présenter devant un tribunal, devant le juge, afin de justifier certains agissements ou certaines choses que l'agent de la paix considère anormales. D'une certaine manière, les lois protégeant les droits civils des citoyens sont bafouées en raison de ce type d'agressions.
Les députés néo-démocrates s'opposent au projet de loi , parce qu'il n'a pas de raison d'être. Premièrement, ce projet de loi cherche à amender le Code criminel. À notre avis, ce dernier est correct dans sa forme actuelle, sauf qu'on pourrait y apporter certaines améliorations. D'ailleurs, plusieurs des amendements suggérés en comité ont été rejetés rapidement par la majorité des libéraux et des conservateurs.
Ce projet de loi vise également à amender la Loi sur la preuve au Canada. Des renseignements potentiellement sensibles concernant le procès d'un accusé pourraient alors être divulgués, ce qui constitue selon moi une atteinte flagrante aux droits de la personne.
En outre, le projet de loi veut amender le Code criminel pour créer de nouvelles infractions. Toutefois, on ne peut pas déterminer à l'avance si une personne qui a quitté le pays ou qui a essayé de le faire commettra un acte terroriste. Il s'agit de questions subjectives liées à la méfiance et à des croyances aberrantes.
Je constate l'arrivée de plusieurs collègues de l'autre côté de la Chambre, mais ils ne semblent pas vraiment intéressés à écouter ce que nous avons à dire au sujet de ce projet de loi. En réalité, ils devraient en quelque sorte admettre qu'ils ne sont pas sur la bonne voie.
Comme je le disais, et je le répéterai encore, le facteur clé dont on doit ici tenir compte, ce sont les compressions budgétaires qu'on fait subir aux agences chargées de la sécurité publique. J'espère que les députés qui arrivent actuellement à la Chambre comprendront exactement ce que nous voulons dire, et j'espère qu'ils apporteront des corrections au projet de loi avant que ce dernier ne soit mis aux voix dans les prochaines minutes ou les prochains jours, afin de véritablement s'y opposer.
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Monsieur le Président, nous parlons de terrorisme depuis quelques jours. Il ne fait aucun doute que tous les députés souhaitent faire tout ce qu'ils peuvent pour mettre les Canadiens à l'abri du terrorisme. Quiconque prétendrait le contraire aurait tort.
Nous avons tous été dégoûtés par ce qui s'est produit à Boston la semaine dernière. Je me rendais à Washington à ce moment, et j'ai constaté une hausse des mesures de sécurité dans cette ville. Bien des gens étaient préoccupés et bouleversés par les événements à Boston et se demandaient s'il y aurait des répercussions dans cette ville. Nous sommes en fait tous préoccupés par cette possibilité.
Le projet de loi ne permettrait pas d'accomplir ce que prétend le gouvernement. Le fait qu'il ait soudainement été présenté à la Chambre cette semaine, prenant tout le monde par surprise, nous préoccupe beaucoup.
En 2006, ces dispositions faisaient partie de la Loi antiterroriste qui était entrée en vigueur en 2001. Après la terrible tragédie survenue cette année-là, les parlementaires avaient jugé important de faire en sorte que nos lois soient conformes aux normes internationales, et c'est pourquoi nous avions inclus les dispositions qui se trouvent dans le projet de loi .
À l'époque, le projet de loi contenait une disposition de caducité. En 2006, les députés ont voté contre la prolongation de cette disposition, car aucune des dispositions maintenant contenues dans le projet de loi n'a jamais été utilisée. La police, le SCRS et d'autres organisations au pays ont été capables d'assurer notre sécurité sans avoir recours aux dispositions qui font maintenant partie du projet de loi S-7.
Le gouvernement conservateur a attendu sept ans avant de présenter ce projet de loi. Il était inscrit au Feuilleton depuis des mois, et le gouvernement ne semblait pas juger utile de le faire passer à l'étape suivante. C'est parce que les autorités l'avait informé que ce n'était pas nécessaire et que ce projet de loi bafouerait inutilement les droits et les libertés civiles des Canadiens, ce qui pourrait être dommageable et, en toute honnêteté, inquiétant. Ce n'est pas nécessaire.
Tout comme d'autres Canadiens, nous sommes d'avis que si cette mesure législative a soudainement été inscrite à l'ordre du jour cette semaine, c'est uniquement à des fins politiques partisanes. Il est indéniable que le gouvernement est conscient de l'importance de ce qui s'est produit à Boston. Le gouvernement doit sûrement reconnaître qu'il ne faut pas jouer à des jeux politiques avec un tel événement, pas plus qu'il ne faudrait jouer à des jeux politiques avec les libertés civiles et les droits de la personne des Canadiens.
Les députés néo-démocrates ont pris la parole et exprimé leurs objections au projet de loi et d'autres le feront aussi. Les députés dans le coin là-bas vont appuyer le projet de loi parce que ce sont eux qui l'ont présenté à l'origine et qu'ils l'estiment suffisamment opportun pour l'adopter.
Voici ce que j'aimerais que le gouvernement fasse. Si le gouvernement souhaite réellement lutter contre les menaces terroristes, il doit restaurer les 143 millions de dollars qu'il prévoit retrancher du budget de l'Agence des services frontaliers du Canada. Ainsi, nous aurions les ressources voulues à la frontière pour déceler adéquatement les personnes susceptibles de vouloir causer du tort aux Canadiens et aux biens canadiens.
J'aimerais que le gouvernement annule les réductions de 24,5 millions de dollars qu'il a prévues appliquer d'ici 2015 au budget du Service canadien du renseignement de sécurité. Le budget de l'inspecteur général du Service canadien du renseignement de sécurité a été éliminé en 2012. La GRC s'est vue imposer des réductions de 195,2 millions de dollars.
Si nous n'avons pas les effectifs sur le terrain, et si nous ne disposons pas des spécialistes requis pour enquêter sur les menaces terroristes, comment pouvons-nous prétendre être sérieux? Il est clair qu'il ne suffit pas de présenter un mauvais projet de loi et de prétendre que nous avons réglé la question, que tout le monde est en sécurité. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.
Les Canadiens savent qu'à la frontière, il y aura moins d'agents de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité pour assurer leur protection et faire le travail qui s'impose, notamment repérer les criminels et mener les enquêtes nécessaires. C'est à cela qu'il faut consacrer notre argent et nos ressources.
Si les députés d'en face veulent réellement lutter contre le terrorisme, je les invite à rétablir les investissements dans les ressources de sorte que nous ayons sur le terrain des gens capables d'accomplir le travail voulu pour garder les Canadiens en sécurité. Le projet de loi ne fait pas cela. Voilà pourquoi mes collègues et moi sommes vigoureusement contre cette mesure législative et pourquoi nous nous y opposerons.