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Monsieur le Président, je soulève la question de privilège pour attirer votre attention sur des activités qui, à mon avis, constituent un outrage à la Chambre.
Le mardi 14 février, j'ai présenté le projet de loi . Dans les jours qui ont suivi, j'ai reçu beaucoup de messages de la part des Canadiens au sujet de cette mesure législative; certains étaient en faveur; d'autres, contre. Certains messages étaient même de nature humoristique. Cependant, quelques-uns étaient très menaçants, et je m'en trouve offusqué. C'est pourquoi j'interviens à la Chambre afin de tenter de déterminer mes droits en tant que parlementaire.
Le vendredi 17 février, je vous ai envoyé une lettre à votre bureau pour vous informer que les médias avaient révélé que le compte vikileaks30 sur Twitter était lié au système informatique de la Chambre des communes.
Le fait que des ressources de la Chambre des communes semblent avoir été utilisées afin de tenter de salir anonymement ma réputation et de m'empêcher de m'acquitter de mes responsabilités en tant que député constitue, à mon avis, un outrage à la Chambre. Je ne m'oppose pas à une attaque ouverte à la Chambre où tout le monde peut voir d'où vient l'attaque. Cependant, ce qui me dérange grandement, c'est que les ressources de la Chambre soient utilisées pour s'en prendre secrètement à un député.
J'attendrai le résultat de votre enquête à ce sujet. Je me réserve le droit de soumettre d'autres arguments à la lumière de vos conclusions.
Deuxièmement, des vidéos diffusés sur Internet les 18, 22 et 25 février derniers contenaient diverses allégations sur ma vie privée et même des menaces précises, toutes clairement en lien avec le fait que je parraine le projet de loi .
Je continuerai de faire mon devoir et de m'acquitter de mes responsabilités relativement à cette mesure législative, notamment en présentant une motion visant son renvoi au comité, où on pourra en débattre et en discuter ouvertement.
Il n'en demeure pas moins que les gestes et les menaces dont il est question dans ces vidéos constituent, de la part des créateurs de ces vidéos, une tentative d'intimidation à mon endroit relativement aux travaux du Parlement. De plus, le fait que ces vidéos contenaient des menaces visant à m'intimider dans l'exercice de mes fonctions en tant que député de constitue selon moi un outrage à la Chambre.
Troisièmement, j'aimerais souligner l'existence d'une campagne visant à inonder mon bureau d'appels, de courriels et de fax. Cette campagne empêche les membres de mon personnel de répondre aux besoins des habitants de Provencher, et je soutiens qu'il s'agit là d'un outrage à la Chambre. Des personnes qui ont des besoins réels et légitimes n'ont pu joindre leur député en temps opportun.
Comme vous le savez, la présidence a régulièrement réaffirmé que les députés avaient le droit de servir leurs électeurs en étant libres de toute intimidation, obstruction ou ingérence. En 1973, le Président Lamoureux a déclaré qu'il n'hésitait pas à réaffirmer que le privilège parlementaire comprend le droit pour un député de s'acquitter de ses fonctions de représentant élu sans avoir à subir aucune menace ou tentative d'intimidation.
Monsieur le Président, les débats sont importants à la Chambre. Ils peuvent parfois être vigoureux, voire enflammés. Je suis représentant élu depuis 1995. On m'a accolé bien des épithètes depuis ce temps et, bien qu'elles fussent parfois de mauvais goût, je les ai acceptées comme faisant partie de mon travail. Toutefois, les attaques en ligne lancées contre ma famille et moi dépassent les bornes.
Le public jugera de ces attaques personnelles déplacées à l'endroit d'un député, concernant sa vie privée. Cette affaire devrait préoccuper tous les parlementaires. Les députés doivent pouvoir jouir de la liberté de représenter efficacement leurs électeurs à la Chambre.
Je crois comprendre que le leader du gouvernement à la Chambre ou le leader parlementaire adjoint souhaitent présenter des arguments plus détaillés en lien avec cette question de privilège.
Si vous concluez qu'il y a à première vue matière à question de privilège, je suis disposé à présenter la motion qui s'impose.
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Monsieur le Président, j'ai une autre observation concernant la question de privilège soulevée par le député de il y a quelques minutes. Mes propos porteront uniquement sur la question de privilège concernant le groupe Anonymous et non sur l'affaire vikileaks, que nous venons de tirer au clair.
Comme je viens de l'indiquer, j'interviens pour signaler au Président d'autres arguments concernant la question de privilège. Le député a fait valoir à la Chambre qu'il y a eu atteinte à son droit, comme parlementaire, d'être protégé contre l'obstruction, l'ingérence, l'intimidation et la brutalité. Plus précisément, on a porté atteinte à son droit à la protection contre l'intimidation dans le cadre des délibérations du Parlement, ce qui est l'équivalent d'un outrage.
En plus, je signale un deuxième outrage associé à l'obstruction et à l'ingérence dont a été victime le député de . Celui-ci a en effet été accusé d'avoir fait preuve de népotisme et de s'être livré à des activités criminelles.
On trouve la définition classique du privilège parlementaire à la page 75 de la 23e édition de l'ouvrage d'Erskine May, Treatise on The Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament. On peut lire ceci:
Le privilège parlementaire est la somme des droits particuliers à chaque Chambre, collectivement, […] et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s’acquitter de leurs fonctions. Ces droits dépassent ceux dont sont investis d’autres organismes ou particuliers.
On trouve une définition plus concise du privilège dans une décision du Président Lamoureux, publiée à la page 5338 des Débats du 29 avril 1971, dans laquelle il disait ceci:
À mon avis, le privilège parlementaire ne va pas beaucoup au-delà du droit de libre parole à la Chambre et du droit d’un député de s’acquitter de ses fonctions à la Chambre en tant que représentant aux Communes.
Le commentaire 93 à la page 26 de la 6e édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne dit:
On convient généralement que toute menace faite à un député, ou toute tentative d'influencer son vote ou son comportement, constitue une atteinte aux privilèges de la Chambre.
Le commentaire 99 à la page 27 du même ouvrage ajoute:
Il va de soi que des menaces directement adressées à un député en vue d'influencer son comportement à la Chambre constituent des atteintes au privilège.
Bien que certains aspects de cette question aient été éprouvés au fil du temps, d'autres sont nouveaux et méritent que l'on s'y attarde. Les premières affaires relevant du privilège parlementaire à avoir été traitées au Canada concernent les menaces et la façon d'y réagir. À la page 207 de la deuxième édition du Privilège parlementaire au Canada de Joseph Maingot, il est question d'un incident qui s'est produit en 1758, à la suite duquel la Chambre d'assemblée de la Nouvelle-Écosse a poursuivi une personne qui avait menacé un député.
Même si le cadre régissant les privilèges parlementaires est devenu beaucoup plus rigide, notamment avec l'adoption des lois de la common law au fil des siècles et même de la Constitution, il reste néanmoins assez souple pour s'adapter et s'appliquer à un environnement en constante évolution, comme à la télédiffusion des délibérations, tel qu'il est indiqué à la page 63 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition.
Voici ce qu'on lit à la page 235 du Maingot :
On peut codifier le privilège, mais pas l’outrage, car de nouvelles formes d'obstruction apparaissent constamment et le Parlement doit pouvoir exercer sa compétence pénale pour s’en protéger. La liste des infractions punissables comme outrages au Parlement n’est pas exhaustive.
Cela s'applique aux nouveaux aspects, à savoir— dans le cas qui nous intéresse — aux publications sur Internet, plus particulièrement la publication de vidéos sur le site Web YouTube. En effet, les vidéos publiées sur ce site Web par le groupe Anonymous, sont accompagnées de commentaires qui, à mon avis, sont des menaces, parfois même du chantage. Le but de ces commentaires est d'inciter le à prendre certaines mesures à l'égard du projet de loi qu'il a présenté et qu'il parraine.
Avant de poursuivre mon exposé, je veux que ce soit bien clair que, dans le cadre de la question dont nous sommes saisis aujourd'hui, mon but n'est pas de débattre de l'expression libre et démocratique ni de la critiquer.
À la page 245 du Maingot se trouve une définition claire des limites à prendre en considération. Voici ce qu'on y lit:
Toutes les entraves au privilège de la liberté de parole des députés, comme la publication d’articles et autres formes de déclarations publiques, ne constituent pas des atteintes au privilège, bien qu’elles puissent influencer l’attitude des députés dans leur travail parlementaire. Par conséquent, tous les actes émanant d’un organisme extérieur et susceptibles d’influencer l’activité parlementaire d’un député ne doivent donc pas être considérés comme des atteintes au privilège, même s’ils visent à faire pression sur le député pour qu’il intervienne dans le sens souhaité. Cependant, toute manœuvre visant à entraver ou à influencer l’action parlementaire d’un député par des moyens abusifs peut constituer une atteinte au privilège. C’est en fonction des faits de l’espèce qu’on détermine ce qui constitue un moyen de pression inadmissible.
Dans sa vidéo du 18 février, Anonymous a déclaré ce qui suit à l'intention de mon collègue: « Vous allez mettre un terme à vos efforts [...] immédiatement. Sinon, [...] non seulement vous serez la cible de moqueries, mais vous allez aussi perdre votre emploi et serez honni ».
Toujours au sujet de mon collègue, on laisse aussi entendre dans la vidéo « qu'on risque de trouver de nombreux squelettes dans son placard. Certaines affaires ont déjà été exposées au grand jour, et il ne fait aucun doute dans notre esprit qu'il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg ». Plus loin dans la vidéo, on indique qu'on ne lui permettra pas « de conserver des secrets ».
La vidéo du 18 février contient aussi des menaces à l'endroit de tous les députés: « Que ceci serve d'avertissement à tous les politiciens [...] Nous n'accepterons pas vos décisions. Rien ne sert de courir. Rien ne sert de se cacher. »
Après avoir divulgué des renseignements personnels sur le député et certains de ses proches, Anonymous pose, pour la forme, la question suivante dans une vidéo subséquente diffusée le 22 février:
Avons-nous réussi à attirer votre attention? Comment se sent-on quand des inconnus possèdent des renseignements sur sa famille, sans qu'on ait le moindre contrôle sur les personnes qui décideront de les rendre publics ou sur la façon dont ils seront utilisés? [...] Soyons clairs: il ne s'agit que d'un échantillon des renseignements auxquels nous avons accès. Ce n'est qu'un début.
Plus loin dans la vidéo, on profère une autre menace contre l'ensemble des députés de la Chambre. Je présume qu'en intervenant comme je le fais aujourd'hui, je suis directement visé par la menace suivante: « Au reste du Parlement: vous auriez tout intérêt à faire attention à ce que vous dites au sujet d'Anonymous. »
Dans la vidéo la plus récente, celle du 25 février, une autre menace est proférée à l'endroit du député de : « Vous disposez de sept jours pour réfléchir aux crimes que vous avez commis dans votre vie personnelle et politique. À l'expiration de ce délai, la population canadienne sera dégoûtée d'apprendre à quel point vous êtes dénué de scrupules et corrompu. »
Je parlerai tantôt des déclarations fausses et trompeuses qui ont été faites pour calomnier le député. On peut s'attendre à ce qu'il y en ait d'autres.
Dans la vidéo rendue publique la fin de semaine dernière, une autre menace a été proférée à l'endroit de tous les députés:
Quant à tous les autres qui appuient le projet de loi C-30, n'allez surtout pas croire que vous êtes intouchables. Anonymous a reçu de l'information selon laquelle un grand nombre d'entre vous avez trempé dans des scandales politiques et personnels [...] Que les sept prochains jours servent de période de réflexion à l'ensemble des députés qui siègent à la Chambre des communes. Demandez-vous si vous pouvez vous permettre d'être encore éclaboussés par des scandales.
En résumé, ces extraits ne sont pas que de simples paroles d'intimidation ou des menaces. Bien franchement, il s'agit de chantage.
Dans une décision rendue le 19 septembre 1973 et rapportée à la page 6709 des Débats, le Président Lamoureux a déclaré ce qui suit:
[...] je n'hésite pas à réaffirmer que le privilège parlementaire comprend le droit pour un député de s'acquitter de ses fonctions de représentant élu sans avoir à subir aucune menace ou tentative d'intimidation.
Pour sa part, le Président Bosley a affirmé le 16 mai 1986, comme le rapportent les Débats à la page 13362, qu'une atteinte aux privilèges ne peut pas être hypothétique, mais qu'elle doit s'être produite.
Quant au Président Parent, il a déclaré le 24 mars 1994, comme on peut le lire à la page 2706 des Débats:
Des menaces de chantage ou d'intimidation auprès d'un député ne doivent jamais être prises à la légère. Dans de tels cas, l'essence même de la liberté d'expression est minée ou perd toute sa signification. Sans cette garantie, aucun député ne peut remplir ses fonctions comme il se doit.
Dans le cas dont il s'agissait, on n'a pas constaté d'atteinte aux privilèges de prime abord parce que les menaces étaient liées à un appel alors en instance devant la Cour d'appel de l'Ontario.
À la page 143 d'Erskine May, il est dit que « la Chambre poursuivra quiconque empêche les députés de s'acquitter de leurs obligations envers la Chambre ou de participer à ses délibérations ».
D'ailleurs, monsieur le Président, la décision que vous avez vous-même rendue le 13 décembre 2011 et qui se trouve à la page 4396 des Débats était elle aussi centrée sur la question de savoir s'il y a eu ingérence dans l'exercice des fonctions parlementaires du député, ce qui m'amène à me demander si ces menaces découlent de « délibérations du Parlement ». Le cas qui nous occupe aujourd'hui découle du projet de loi , qui a été déposé récemment et qui est inscrit au Feuilleton comme ordre du jour. Aux pages 91 et 92 de l'O'Brien-Bosc, on trouve deux définitions de l'expression « délibérations du Parlement » données par Erskine May à la lumière de la Parliamentary Privileges Act de 1987 de l'Australie. Voici ce que dit May:
Un simple député participe aux délibérations d'ordinaire en prononçant un discours, mais aussi en intervenant officiellement de diverses façons reconnues, par exemple en votant, en donnant avis d'une motion, et ainsi de suite, ou en présentant une pétition ou un rapport de comité, et la plupart de ces actes prennent la place d'un discours et permettent de gagner du temps.
La définition législative australienne comporte l'expression suivante: « tous les mots prononcés et les actes effectués dans le cadre des activités d'une Chambre, ou pour les buts ou pour une fin connexes ».
On peut lire ce qui suit à la page 84 du Maingot:
Étant donné que deux des éléments constitutifs du Parlement, à savoir la Chambre des communes et le Sénat, ont été établis pour procéder à l'adoption des lois, les événements qui accompagnent nécessairement cette adoption font partie des « délibérations du Parlement ».
La présentation et le parrainage d'un projet de loi ne peuvent pas se rapprocher plus du processus d'adoption d'une loi. Par conséquent, je dirais que les menaces et les accusations se rapportent très clairement aux travaux du Parlement.
Je me reporte à l'Australie parce que la question dont nous sommes saisis est traitée de façon semblable dans les pays du Commonwealth, notamment en ce qui concerne les menaces généralisées à l'égard de tous les députés.
Le 4 mai 1993, le Président Sibraa du Sénat australien a rendu une décision, qu'on peut lire à la page 19 du hansard, sur deux questions de privilège. Il a dit ce qui suit à propos d'une de ces deux questions:
L'essence de la question soulevée par le sénateur Walters, c'est qu'une personne a prétendument menacé de publier certains renseignements sur des députés de l'opposition si ceux-ci adoptaient une certaine politique en matière de vidéos réservées aux adultes.
Dans le 33e rapport du Comité des privilèges, publié subséquemment en décembre 1993, les menaces dont a parlé le sénateur Walters sont décrites ainsi: premièrement, il s'agirait de révéler des pratiques de personnalités libérales si leur parti adoptait ce qu'il prétend être un document ayant fait l'objet d'une fuite et prévoyant des mesures de répression de l'industrie du sexe; deuxièmement, il s'agirait d'une accusation en ce qui concerne la possible diffusion d'une bande vidéo montrant un membre de la coalition dans une boutique érotique.
Le Président a rendu la décision suivante:
L'allégation d'outrage au Parlement contenue dans la question soulevée par le sénateur Walters tiendrait au fait qu'on a tenté d'influencer la conduite des sénateurs au moyen de menaces. C'est là un outrage au Parlement bien connu […]
La prétendue menace visait de façon générale les députés de l'opposition et non une personne en particulier, mais il est clairement établi qu'une menace à l'endroit de députés qui ne sont pas nommés, d'un groupe ou d'une catégorie de députés ou des députés en général, peut constituer un outrage autant qu'une menace à l'endroit de députés en particulier.
La prétendue menace, telle que formulée, visait de façon générale les députés de l'opposition du Parlement et n'établissait pas de distinction entre les députés et les sénateurs. Si une telle menace était formulée, on pourrait considérer qu'elle vise les sénateurs ainsi que les députés de la Chambre des représentants, surtout en raison du fait que les sénateurs peuvent participer, et participeront probablement, à l'élaboration de toute politique régissant les vidéos destinées aux adultes.
L'élaboration d'une telle politique par un groupe de sénateurs s'inscrit clairement dans le cadre de leurs fonctions et de leur conduite en tant que sénateurs […] Une menace telle que celle dont il est question peut évidemment gêner de façon considérable les sénateurs dans l'exercice de leurs fonctions.
Après avoir entendu les arguments et les preuves, le comité a conclu, d'après les renseignements détaillés obtenus, que l'incident « n'a pas eu pour effet ou tendance de gêner de façon considérable les sénateurs dans l'exercice de leurs fonctions », même s'il a jugé que les gestes posés par les responsables étaient déplacés et insultants » et le reflet d'un comportement « cavalier et peu professionnel ».
Je me dois d'aborder la question de l'identité ou de la source des menaces et de la capacité à porter une accusation spécifique. Le commentaire 99 à la page 26 de Beauchesne indique que:
Il va de soi que des menaces directement adressées à un député en vue d'influencer son comportement à la Chambre constituent des atteintes au privilège. Ces menaces n'en suscitent pas moins de graves problèmes pour la Chambre. Comme elles sont souvent anonymes, il lui est difficile de mener à leur égard une enquête satisfaisante.
Dans sa décision rendue le 19 septembre 1973, le Président Lamoureux a conclu, à la page 6709 des Débats, que l'affaire soulevée par un député ne constituait pas, à première vue, une question de privilège puisque le député ignorait l'identité de la personne avec qui il avait un entretien téléphonique, entretien qui donna lieu à la plainte.
Toutefois, le fait de ne pas connaître l'identité de la personne responsable de l'atteinte au privilège n'a pas empêché le Président Milliken de faire la déclaration suivante dans le cadre de la décision qu'il a rendue le 15 octobre 2001 et qui se trouve à la page 6085 des Débats:
Il y a un organe qui est bien équipé pour mener de telles enquêtes, soit le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, dont le redoutable président est tout à fait capable de soutirer des renseignements aux témoins qui comparaissent devant le comité, avec l'aide des membres compétents de ce comité de la Chambre.
Je ne doute pas que le député d' soit un enquêteur encore plus redoutable que son prédécesseur d'il y a 11 ans. Je crois que le même principe concernant le rôle du comité s'applique aujourd'hui, c'est-à-dire que toute question restée sans réponse peut y être résolue.
Quant à savoir comment on pourrait aller au fond des choses, j'ai certaines idées, tout comme d'autres personnes, je crois. Cependant, je crois surtout que la question devrait être soumise à un comité pour éclaircir cette approche, entendre des experts pertinents, et décider ce qu'on fera ensuite.
Monsieur le Président, je vous renvoie à la décision prise le 6 octobre 2005 par votre prédécesseur immédiat, que l'on trouve à la page 8473 des Débats. Le Président s'était penché sur un nouvel enjeu lié aux nouvelles dispositions législatives et dispositions du Règlement ayant trait au commissaire à l'éthique, ainsi qu'à la conduite du mandataire à l'égard d'une enquête menée sur le député de Calgary-Est.
Dans ces circonstances, le Président Milliken était prêt à admettre qu'il y avait, à première vue, atteinte aux privilèges du député, « afin de donner à la Chambre l’occasion de se prononcer sur la façon dont elle souhaite procéder dans cette situation très délicate ».
Dans sa décision du 21 mars 1978, à la page 3975, le Président Jerome posait la question suivante:
À priori, s'agit-il d'une atteinte aux privilèges?
[...] ou, plus simplement, la plainte du député est-elle justifiable? Si le Président a le moindre doute, il devrait laisser à la Chambre le soin de trancher la question.
Le Président Lamoureux a également affirmé qu'il fallait accorder le bénéfice du doute aux députés le 24 octobre 1966, à la page 9004 des Débats, et le 27 mars 1969, à la page 853 des Journaux.
Dans les circonstances actuelles, je crois qu'il faut adopter la même ligne de conduite.
Avant de terminer, je veux me pencher brièvement sur un autre aspect de l'argument d'outrage à la Chambre, à savoir que le tort injuste causé à la réputation d'un député peut constituer un cas d'obstruction.
Dans sa vidéo du 22 février, Anonymous insinue, sur un ton sarcastique, que le député de s'est rendu coupable de népotisme à l'égard d'un employé d'un sénateur.
Le 25 février, un message affirme: « Il est bien connu que vous vous êtes livrés à des activités criminelles pour faire avancer votre carrière politique, comme vous l'avez fait en 1999. »
Je tiens à préciser que le député n'a été reconnu coupable d'aucun crime.
Ces déclarations sont non seulement trompeuses, mais elles sont également fausses et peuvent seulement être perçues comme une tentative pour porter atteinte à la réputation de mon honorable collègue.
Dans sa décision du 5 mai 1987, à la page 5766 des Débats, le Président Fraser affirme:
Tout acte susceptible d’empêcher un député ou une députée de s’acquitter de ses devoirs et d’exercer ses fonctions porte atteinte à ses privilèges. Il est évident qu’en ternissant injustement la réputation d’un député, on risque de l’empêcher de faire son travail. Normalement, un député qui estime avoir été victime de diffamation a le même recours que n’importe quel autre citoyen; il peut intenter des poursuites en diffamation devant les tribunaux avec la possibilité de réclamer des dommages pour le tort qui lui a éventuellement été causé. Par contre, il ne peut pas avoir recours à de telles poursuites si la diffamation s’est produite à la Chambre.
Le Président Milliken a pris plusieurs décisions concernant les atteintes à la réputation des députés, y compris des décisions concernant les envois postaux d'un député à destination des électeurs d'une autre circonscription ainsi que la décision concernant des propos tenus par le commissaire à l'éthique.
Compte tenu de l'entorse à l'avis du Président Fraser et compte tenu surtout du lien indissociable entre les accusations et les menaces contenues dans la vidéo publiée par Anonymous, je pense que la présidence a des arguments supplémentaires pour considérer de prime abord qu'il y a atteinte au privilège parlementaire.
Pour terminer, je dirais que la présidence doit se prononcer au sujet du comportement de personnes qui, bien qu'elles puissent avoir des objections légitimes concernant des mesures étudiées par le Parlement, expriment leur opposition et projettent d'agir de manière totalement abjecte.
L'extorsion et le chantage ne sauraient faire partie des arguments légitimes dans un débat. Proférer des menaces contre des députés pour leur forcer la main lors d'un vote n'est pas compatible avec le discours politique canadien. C'est inacceptable, c'est épouvantable et ça dépasse les bornes. C'est un outrage à la Chambre.
Autrefois, le privilège parlementaire avait pour but de soustraire les députés à toute ingérence de la Couronne. Par la suite le privilège a été élargi pour soustraire les députés à toute ingérence, quelle qu'en soit la source.
L'institution que nous représentons ne peut pas tolérer qu'un tel comportement irresponsable soit autorisé sans restriction. Il faudrait premièrement que le Président juge que, de prime abord, il y a atteinte au privilège parlementaire, de telle sorte que le député de puisse présenter sa motion en vue de renvoyer la question à un comité, où il sera possible de faire enquête et d'analyser les faits afin que la Chambre puisse réagir à un tel comportement dans ce cas et à l'avenir.