CHPC Rapport du Comité
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EXAMEN DE L’INDUSTRIE CANADIENNE DE LA MUSIQUE PAR LE RAPPORT COMPLÉMENTAIRE LIBÉRAL Stéphane Dion Au nom du Caucus libéral, j’affirme qu’à quelques exceptions près, lesquelles touchent cependant des aspects importants, j’appuie le rapport du Comité et souhaite que le gouvernement y donne suite. Le rapport ne répond pas à toutes les questions. Par exemple, il n’aborde pas les inquiétudes soulevées par les témoins concernant l’impact de la Loi sur le droit d’auteur (2012) sur l’industrie de la musique, notamment sur les auteurs, compositeurs, interprètes et autres ayants droit. Il s’agit là d’une question complexe qui devra être étudiée en 2016, dans le cadre de la révision quinquennale prévue à l’article 92 de la Loi. Bien que le rapport ne soit pas parfait, il est indéniable que sa mise en œuvre améliorerait grandement les conditions de production et de diffusion de la musique au Canada. C’est pourquoi je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont pris le temps de partager leurs points de vue avec le Comité, soit en y comparaissant soit en lui faisant parvenir un mémoire. Je remercie aussi le personnel du Parlement, pour son appui remarquable et j'ai le plaisir de souligner la cordialité qui a prévalu entre les membres du Comité. Au total, le Caucus libéral propose trois correctifs et deux ajouts :
Je vais reprendre un à un ces cinq aspects, en en soulignant la pertinence pour une meilleure politique fédérale de la musique. 1. Meilleur soutien à la Commission du droit d’auteur Dans sa première recommandation, le soutien que le Comité propose d'accorder à la Commission du droit d’auteur est insuffisant. Cette recommandation 1 se lit comme suit : « Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine le temps que prend la Commission du droit d’auteur du Canada avant de rendre une décision, et ce, avant la tenue de l’examen de la Loi sur le droit d’auteur de manière à ce que les changements potentiels puissent être étudiés par la Commission du droit d’auteur du Canada le plus tôt possible. » Cette recommandation soulève un problème réel, que plusieurs intervenants ont mentionné. De nombreuses décisions sont rendues dans des délais déraisonnables. Les ayants droit doivent souvent attendre plusieurs années avant d’être rétribués, surtout en ce qui touche les dossiers reliés à la diffusion de la musique sur les plateformes numériques. Il se crée alors un climat d’incertitude qui nuit au lancement de nouvelles plateformes de distribution numérique au Canada, réduisant d’autant plus l’accès des Canadiens à l’expression musicale. Cette recommandation 1 a deux failles. Premièrement, elle ignore le principal enjeu soulevé par de nombreux intervenants : un manque apparent de ressources. La Commission du droit d’auteur du Canada semble débordée par le volume et la complexité des cas à traiter. La Commission fait face à une somme de travail considérable et elle doit notamment analyser de complexes et volumineux rapports d’experts portant sur des points juridiques, économiques et technologiques. Bien qu’il ne s’agisse pas que d’un problème de ressources et qu’il faille aussi examiner les façons de faire de la Commission, il est clair qu’une étude sérieuse des moyens dont dispose la Commission doit aussi faire partie de la recommandation du Comité. Deuxièmement, cette recommandation ne souligne pas l’urgence d’agir. Au contraire, elle se contente de suggérer qu’une consultation suffira pour les années à venir et que les changements concrets devront attendre après 2017, année où doit avoir lieu la révision de la Loi sur le droit d’auteur. En fait, le gouvernement et la Commission peuvent très bien opérer un redressement dans les mois qui viennent, pour peu qu’ils s’y mettent dès maintenant. Aussi, pour s’assurer que la Commission du droit d’auteur du Canada ait rapidement les moyens de s’acquitter adéquatement de son mandat : Il est recommandé qu’en vertu de l’article 66.8[1] de la Loi sur le droit d’auteur (2012), le Gouvernement du Canada procède à des consultations avec la Commission du droit d’auteur dans les meilleurs délais, dans le but d’analyser les raisons pour lesquelles les décisions de la Commission sont si tardives, notamment dans l’environnement numérique, et d’établir, avec elle, le niveau de financement adéquat à l’exécution de son mandat. 2. Non à la création d’une nouvelle entité pour gérer les fonds destinés aux producteurs de musique La recommandation 8 du Comité se lit comme suit : « Le Comité recommande que la gestion du volet « Entrepreneurs de la musique » du Fonds de la musique du Canada soit transférée du ministère du Patrimoine canadien à une nouvelle organisation de tierce partie fondée sur le modèle de FACTOR et Musicaction. » Le Caucus libéral ne peut pas appuyer cette recommandation qui n’a fait l’objet d’aucune intervention des experts du secteur de la musique qui ont témoigné durant l’étude du Comité, ni d’aucune question de la part des membres de ce dernier. L’objectif de cette recommandation est tout à fait obscur et les conséquences possibles pour les clients actuels du programme n’ont fait l’objet d’aucune évaluation. Si l’objectif est d'économiser des coûts d’opération, il est loin d’être acquis que la création d’une nouvelle entité soit le moyen d’y parvenir. Elle risque plutôt de nécessiter des frais additionnels : locaux, personnel, etc. De plus, il faudrait créer non pas une mais deux entités, l’une anglophone et l’autre francophone, si l’on veut suivre le modèle FACTOR-Musicaction. Si l’objectif du gouvernement est de mieux servir une clientèle précise, tel que les entrepreneurs indépendants, encore aurait-il fallu la consulter au préalable. De toute façon, les volets « Entrepreneurs de la musique » et « Initiatives collectives » ne se prêtent pas à une telle action ciblée car il englobe une vaste clientèle : maisons de disque, éditeurs de musique et organismes nationaux. Pour ces raisons, le gouvernement ne devrait pas donner suite à la recommandation 8. 3. Non à la publicité gouvernementale aux frais des contribuables canadiens La recommandation 9 du Comité se lit comme suit : « Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien veille à ce que le grand public et les prestataires de FACTOR et Musicaction soient conscients que le financement de ces organisations est fait au nom du gouvernement du Canada. » Cette recommandation n’a pas sa place dans un rapport dont le but est d’établir une meilleure politique de la musique au Canada. D’ailleurs, nul témoin n’en a fait mention au cours des travaux du Comité. Si le gouvernement est en mal de visibilité, il devrait laisser le ministère du Patrimoine et FACTOR/Musicaction s'occuper eux-mêmes de la question. Chose certaine, il ne faut pas encourager le gouvernement actuel à augmenter ses budgets de publicité politique, lesquels sont déjà gonflés par rapport aux sommes investies pour répondre aux besoins de la population canadienne. L’argent des contribuables canadiens est déjà trop gaspillé aux fins de l'auto-glorification du présent gouvernement. De plus, la recommandation est inexacte. Elle donne l’impression que tout le financement de FACTOR-Musicaction provient des goussets du gouvernement fédéral, alors qu’en fait le secteur privé y contribue pour une large part. Enfin, il ne faut pas suggérer que des organismes autonomes comme FACTOR-Musicaction agissent « au nom du gouvernement du Canada » du simple fait qu’ils sont en partie financés par lui. Pour ces raisons, le gouvernement ne devrait pas donner suite à la recommandation 9. 4. Mieux appuyer la formation en entrepreneurship des artistes et des créateurs Le Comité a entendu un véritable appel à l’aide, lancé par de nombreux intervenants. Ils nous ont expliqué qu’un auteur, un compositeur, un interprète, si virtuoses soient-ils, n’ont pas forcément les compétences requises pour gérer leur carrière et vivre de leur art, surtout dans un environnement aussi difficile que celui du numérique. De plus en plus, l’artiste doit se faire producteur, promoteur et gestionnaire. Les représentants de la Société professionnelle des auteurs-compositeurs du Québec (SPAC), de l’Alliance nationale de l’industrie musicale, de la Canadian Independent Recording Artists Association (CIRAA) et de MforMontreal ont spécifiquement attiré l’attention du Comité sur l’importance de donner aux créateurs et aux interprètes une connaissance et une formation adéquate pour la gestion de leurs affaires comme entrepreneurs indépendants. Certes, la recommandation 7 du Rapport du Comité propose que le Fonds de la musique du Canada soit adapté aux changements de l’industrie. Mais cette recommandation est d’ordre général, alors que l’enjeu de la formation exige une attention toute spéciale. Il faut que le gouvernement se penche sur le besoin pressant et vital de développer des programmes qui offriront aux artistes une meilleure formation en entrepreneurship. Aussi :
5. Mieux appuyer les tournées au Canada et à l’étranger De nombreux témoins ont souligné que dans le nouveau contexte créé par la diffusion numérique, il est plus important que jamais pour les musiciens canadiens de se produire en tournée, au pays comme à l’étranger. En l’état, le Rapport du Comité est silencieux sur cet enjeu clé. La tournée est un levier essentiel pour un nombre incalculable de musiciens. L’artiste en bénéficie, mais aussi son public et l’économie en général. Au-delà des revenus provenant des concerts et des festivals de musique, les artistes canadiens contribuent à la vitalité économique des salles de spectacle, des stades, des bars et des restaurants dans le pays tout entier. Plusieurs suggestions ont été mises de l’avant pour une aide fédérale plus efficace, ce qui comprend l’augmentation des budgets d’appui à la tournée qui sont actuellement disponibles auprès des divers organismes de financement. De plus, il a été souligné que le gouvernement fédéral devrait agir de concert avec les autres intervenants plutôt que faire cavalier seul. Aussi :
Conclusion Fruit d’une vaste et profonde consultation, le Rapport du Comité permanent du Patrimoine canadien doit être examiné avec attention par le gouvernement. Le Caucus libéral y souscrit, mais propose cinq correctifs ou ajouts essentiels. Il faut beaucoup mieux appuyer la Commission du droit d’auteur dans son mandat; il ne faut pas créer de nouvelles entités bureaucratiques sans raisons valables ni consultations; il faut éviter les gaspillages de fonds publics à des fins d'autopromotion politique; il faut mieux appuyer la formation des musiciens en entrepreneurship; enfin, il faut développer une aide plus efficace pour les tournées nationales et internationales des musiciens canadiens. Le Rapport ainsi amendé, s’il est mis en œuvre, favorisera la création et la diffusion de la musique au Canada et aidera nos artisans de la musique à surmonter les défis de l’ère du numérique. Ainsi, le gouvernement du Canada pourra plus solidement épauler une industrie qui est importante non seulement pour notre culture mais aussi pour notre économie et notre rayonnement international comme nation. Nous invitons donc fortement le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre du Rapport du Comité et du Rapport complémentaire du Caucus libéral. *** [1] 66.8 À la demande du ministre, la Commission effectue toute étude touchant ses attributions. |