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FAAE Rapport du Comité

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LA RECONNAISSANCE DES RÉFUGIÉS JUIFS DU MOYEN-ORIENT ET DE L’AFRIQUE DU NORD

Aperçu

En mai 2013, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (« le Comité ») s’est penché sur l’expérience historique des réfugiés juifs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord[1]. Dans le cadre de cette étude, le Comité a entendu des représentants de Justice pour les Juifs originaires des pays arabes, du Centre consultatif des relations juives et israéliennes et de Jews Indigenous to the Middle East and North Africa, ainsi que l’ex-président de la Communauté sépharade unifiée du Québec. Enfin, deux personnes, à titre individuel, ont raconté devant le Comité leur expérience personnelle en Irak.

Lors de ces audiences, les intervenants ont renseigné le Comité sur la discrimination et les épreuves qu’ont vécues les Juifs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au 20e siècle. Cette discrimination, exercée contre leurs populations juives par les gouvernements de la région, s’est surtout manifestée lors des grandes crises du conflit israélo-arabe, particulièrement les guerres de 1948–1949 et de 1967. Il en a résulté que presque tous les Juifs d’Algérie, d’Égypte, d’Irak, du Liban, de la Lybie, du Maroc, de la Syrie, de la Tunisie et du Yémen ont fini par partir, alors qu’ils étaient établis au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis des siècles.

Les intervenants ont dit au Comité que l’expérience de ces réfugiés juifs devait être reconnue, et que cette reconnaissance est dans une large mesure absente des discussions internationales sur les événements survenus au Moyen-Orient depuis la fin du mandat britannique en Palestine. Or, selon les témoins, l’expérience des réfugiés juifs fait partie intégrante de l’histoire de la région. Et beaucoup des intervenants ont fait valoir que la question, en plus d’être importante sur le plan historique, a sa place dans le processus actuel de règlement du conflit au Moyen‑Orient. Le Comité partage ces opinions, comme le présent rapport l’explique.

Le Comité tient à souligner que la reconnaissance de l’expérience des réfugiés juifs n’amoindrit en rien la réalité des réfugiés palestiniens, ni ne lui fait concurrence.

Les pages suivantes résument l’étude à laquelle a procédé le Comité, et se terminent par des recommandations adressées au gouvernement du Canada.

Deux populations de réfugiés

Au 20e siècle, les conflits armés entraînent directement et indirectement le déplacement d’un grand nombre de réfugiés au Moyen-Orient. Les deux événements les plus importants à cet égard sont les deux grandes guerres régionales. La première guerre israélo-arabe, en 1948–1949, éclate après l’effondrement du plan de partage de l’ONU, qui prévoit la partition de la Palestine mandataire en un État juif et un État arabe. En réponse à la déclaration de l’établissement d’Israël en mai 1948, les armées de l’Égypte, d’Irak, du Liban, de la Syrie et de la Transjordanie attaquent le nouvel État. La guerre se termine par l’armistice de 1949, qui délimite la « ligne verte ». Le deuxième grand événement est la guerre de 1967 qui oppose Israël à l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. L’État juif remporte une victoire rapide et décisive, et prend le contrôle de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ces deux territoires, peuplés de nombreux Palestiniens, étaient jusque-là administrés par la Jordanie et l’Égypte respectivement.

L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a déclaré que, au 1er janvier 2013, il y avait quelque 4,9 millions de réfugiés palestiniens inscrits. Environ un tiers vivent dans des camps en Jordanie, au Liban, en Syrie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Au sens de la définition opérationnelle utilisée par l’UNRWA, « les réfugiés de Palestine sont les personnes qui avaient leur lieu de résidence normal en Palestine entre juin 1946 et mai 1948 et qui ont perdu leur foyer et leur moyen de subsistance en conséquence du conflit israélo-arabe de 1948. Les services de l’UNRWA sont offerts à toutes les personnes qui vivent dans son secteur d’opération et qui satisfont à cette définition, qui sont inscrites auprès de l’Office et qui ont besoin d’assistance. Les descendants des réfugiés palestiniens de la première vague sont aussi admissibles à titre de réfugiés inscrits[2]. »

L’un des principaux messages communiqués au Comité lors des audiences est que le conflit israélo‑arabe a créé deux populations de réfugiés : des réfugiés palestiniens, mais aussi des réfugiés juifs. Des communautés juives florissantes existaient au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis quelque 2 500 ans, mais la quasi-totalité de leurs membres ont quitté la région depuis 1948. Comme Sylvain Abitbol, coprésident de Justice pour les Juifs originaires des pays arabes, l’a dit au Comité : « Même au Maroc, dans toute sa tolérance, il ne reste aujourd'hui que 3 000 Juifs sur une population d'environ 265 000 en 1948[3] ». Stanley Urman, vice-président exécutif de l’organisme, a fourni au Comité des statistiques sur le déplacement des populations juives du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord depuis 1948. Elles sont présentées dans le Tableau 1 ci-dessous.

Tableau 1 : Population juive du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, de 1948 à 2012

 

1948

1958

1968

1976

2012 (est.)

Aden

8 000

800

0

0

0

Algérie

140 000

130 000

1 500

1 000

0

Égypte

75 000

40 000

2 500

400

75

Irak

135 000

6 000

2 500

350

50

Liban

5 000

6 000

3 000

400

40

Libye

38 000

3 750

500

40

0

Maroc

265 000

200 000

50 000

18 000

3 000

Syrie

30 000

5 000

4 000

4 500

~50

Tunisie

105 000

80 000

10 000

7 000

1 000

Yémen

55 000

3 500

500

500

100

Total

856 000

475 050

76 000

32 190

4 315

Source des données : Stanley A. Urman, « Déplacement de Juifs de pays arabes, 1948 à 2012 », dans Réfugiés du Moyen-Orient : Le traitement différent des Palestiniens et des Juifs, présenté au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, Chambre des communes, 2 mai 2013, p. 5.

Les habitants juifs de ces pays ont été poussés à partir par la discrimination, l’intimidation et la peur. M. Urman a dit au comité que, dans la région, les juifs et les chrétiens étaient depuis toujours « considérés comme des “dhimmi”, à savoir une minorité privilégiée, mais néanmoins des citoyens de seconde classe ». Cependant :

La situation des Juifs a beaucoup empiré en 1948, dans la mesure où quasiment tous les pays arabes ont déclaré la guerre ou ont soutenu la guerre contre Israël. Les Juifs ont été déracinés de leur pays de résidence ou sont devenus des otages politiques du conflit israélo-arabe.
Dans quasiment tous les cas, alors que les Juifs étaient forcés de fuir, les biens individuels et collectifs ont été saisis ou confisqués, sans aucun dédommagement accordé par les gouvernements arabes impliqués[4]

Dans son mémoire écrit au Comité, M. Urman a estimé à six milliards de dollars les pertes individuelles encourues par les réfugiés juifs[5].

M. Abitbol a expliqué que ce déplacement et les mesures qui l’ont causé « ne se sont pas produit[s] spontanément ou dans le vide ». Comme il l’a dit au Comité :

Le 17 février 1948, le Comité politique de la Ligue arabe, qui comprend l'Égypte, l'Irak, le Liban, l'Arabie Saoudite, la Syrie, la Jordanie et le Yémen, a adopté un projet de loi en sept points sur le traitement des Juifs dans les pays arabes.
Le projet de loi comportait sept dispositions incluant ceci: pour le Juif, de s'inscrire comme membre de l'État de la minorité juive de la Palestine, c'est-à-dire que les Juifs deviennent des citoyens d'un pays ennemi, soit Israël; que les comptes bancaires juifs soient gelés; que l'utilisation de ces fonds gelés serve à financer la guerre des pays arabes contre Israël; que des Juifs soient mis en prison pour activités sionistes. Les Juifs devaient prouver que leurs activités étaient antisionistes et devaient déclarer leur volonté de rejoindre les armées arabes qui étaient en guerre contre Israël […]
Ces mesures et d'autres ont rendu la vie des Juifs dans les pays arabes tout simplement intenable[6]...

M. Urman a donné plusieurs exemples précis de pratiques discriminatoires, parfois appuyées sur des lois injustes. Par exemple, le code de la nationalité, adopté par l’Égypte le 26 mai 1926, prévoyait :

qu'une personne née en Égypte n'[avait] droit à la nationalité égyptienne que si son père appartenait, par sa race, à la majorité de la population d'un pays dont la langue est l'arabe ou dont la religion est l'Islam. Cette disposition a, au milieu des années 1950, servi de prétexte officiel pour expulser bon nombre de Juifs d'Égypte[7].

M. David Bensoussan, ex-président de la Communauté sépharade unifiée du Québec, a parlé au Comité d’autres « mesures anti-juives », dont la « privation du droit de vote des Juifs de Libye en 1951 ». De nombreux autres incidents ont eu lieu, dont « des pogroms à Djérada, au Maroc, en 1948, à Damas et Alep en 1948, à Benghazi et Tripoli en 1948, à Bahreïn en 1949, en Égypte en 1952, en Libye et en Tunisie en 1967[8] ».

Shimon Fogel, président-directeur général du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, a cité la correspondance échangée à cette époque entre les diplomates canadiens et le gouvernement du Canada. Par exemple, il a rappelé que, « en mars 1952, le gouvernement du Canada a reçu des rapports selon lesquels Israël avait accueilli plus de 300 000 juifs des pays arabes, dont 120 000 de l'Irak, et 50 000 du Yémen[9] ». M. Fogel a aussi indiqué que le ministère des Affaires extérieures a reçu en 1956 une communication diplomatique qui décrivait la situation des Juifs d’Égypte. Ces derniers, s’ils n’avaient pas de deuxième citoyenneté, avaient été rendus apatrides par le code sur la nationalité de 1926. Ils ont donc « dû choisir entre l'exode ou le camp de concentration[10] ».

Le Comité a aussi entendu des témoignages personnels sur cette période. Regina Bublil Waldman, présidente de Jews Indigenous to the Middle East and North Africa, a raconté l’expérience de sa famille en Libye, où elle a grandi dans les années 1950 : « Les membres de ma communauté ne pouvaient pas quitter le pays. On nous refusait la citoyenneté, et nous ne pouvions pas avoir de passeport. On nous refusait le droit de nous déplacer, mais nous devions vivre dans un environnement extrêmement antisémite[11]. » Après la guerre de 1967, dans une atmosphère d’émeutes et d’intimidation contre la population juive locale, les Juifs ont été expulsés de la Libye, et tous leurs biens confisqués, sur ordre du gouvernement. « On nous expulsait du pays où nos familles avaient vécu pendant plus de 2 000 ans. » La famille de Mme Waldman, qui a dû partir avec presque rien, sinon « une valise et l'équivalent de 25 $ par personne », atteindra finalement l’Italie. Plus tard admise comme réfugiée aux États-Unis, Mme Waldman a ajouté qu’à sa naissance, en 1948, « la communauté juive de Tripoli représentait près de 30 % de la population totale de la ville ». Aujourd’hui, elle a « complètement disparu[12] ».

Ont aussi comparu Gladys Daoud et Lisette Shashoua, deux Canadiennes originaires d’Irak. Mme Daoud, adolescente, vivait à Bagdad lorsque la Guerre des Six Jours a éclaté en 1967. Dans le sillage du conflit, le « gouvernement [irakien] a mis en œuvre un plan d'isolement total et d'asphyxie économique » de la population juive. Alors qu’elle avait été acceptée comme étudiante à l’Université de Bagdad et à une université américaine, son admission à l’Université de Bagdad a été « retirée », et on a « refusé de [lui] délivrer un passeport pour étudier à l’étranger ». Les comptes bancaires de sa famille ont été « gelés », et leur propriété « confisquée ». De plus, il leur était « interdit de quitter Bagdad ». La situation est devenue « tellement désespérée » que la famille de Mme Daoud n’a eu d’autre choix que de s’enfuir, ce qu’elle a fait en 1971.

Mme Shashoua, de même, a parlé des mesures de représailles prises par le gouvernement de l’Irak contre les commerces, les commerçants, les travailleurs et les étudiants juifs après la guerre de 1967. Les Juifs, y compris sa famille, ont été dépouillés de leurs avoirs. « En 1968, les arrestations aléatoires se sont intensifiées. Les hommes se faisaient torturer et ils étaient forcés d'avouer qu'ils étaient des espions ». En janvier 1969, au terme de « procès à la noix », 14 hommes ont été pendus; 10 d’entre eux étaient juifs et avaient été accusés d’espionnage pour Israël. « Imaginez toute la terreur qui s'est emparée de notre vie quotidienne après cette horrible journée[13] », a dit Mme Shashoua. Mme Daoud a abondé dans le même sens : « Ils ont été pendus sur la place publique, et la population a reçu une journée de congé et a été invitée à se réunir et danser en célébration sous les corps pendus. J'ai toujours des cauchemars où je retourne à Bagdad et je revis l'angoisse de cette époque[14]. » Mme Shashoua aussi a dû fuir l’Irak, et ce n’est qu’après de nombreuses années que ses parents l’ont retrouvée au Canada.

Selon M. Bensoussan, le long conflit israélo-arabe, avec la discrimination et l’intimidation antisémites qu’il a suscitées, s’est soldé au bas mot par l’état de fait suivant : « [L]a présence millénaire de Juifs dans les pays arabo-musulmans s'est pratiquement atrophiée en une génération pour s'exiler sous d'autres cieux[15] ». M. Urman a quant à lui informé le Comité que « quelque deux tiers, soit près de 650 000 Juifs, ont immigré en Israël, alors qu'environ le tiers, soit plus de 200 000 Juifs, ont trouvé refuge dans des pays autres qu'Israël, y compris le Canada[16] ».

Le besoin de reconnaissance

Le Comité s’est fait dire à de nombreuses reprises qu’il fallait que l’expérience des réfugiés juifs du Moyen‑Orient et de l’Afrique du Nord soit reconnue. Or, selon les témoins, cette expérience est passée sous silence dans la plupart des chroniques historiques de cette période. Pour M. Urman, la question des réfugiés juifs est particulièrement ignorée aux Nations Unies :

[E]n ce qui concerne les résolutions de l'ONU de 1949 à 2009, il y a eu un total de 1 088 résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale sur toutes les questions imaginables portant sur le Moyen‑Orient. Cent soixante-douze résolutions ont porté précisément sur les réfugiés palestiniens.
Il n'y a jamais eu de résolution du Conseil de sécurité ni aucune résolution de l'Assemblée générale qui porte précisément sur la question des réfugiés juifs ni encore aucune résolution sur d'autres sujets qui mentionnent même la question des réfugiés juifs des pays arabes…[17]

Le Congrès juif mondial a écrit au Comité que « cette lecture incomplète de l’histoire ne rend pas justice aux victimes de ce douloureux conflit, et n’apportera pas de résolution à leurs souffrances[18] ». Lors de sa comparution, M. Urman a mentionné « qu'il ne s'agit pas fondamentalement d'une question d'argent; il s'agit fondamentalement d'une reconnaissance de l'injustice historique envers une population de réfugiés[19] ». Selon M. Fogel, il s’agit « de compléter le tableau historique, sans visée révisionniste[20] ». La reconnaissance est d’autant plus importante que le passé peut être le présage du présent. Comme Mme Daoud l’a dit au Comité :

J'entends tous les jours dire que les chrétiens, qui sont maintenant une minorité dans tous les pays arabes, se trouvent dans une situation aussi désespérée que celle que nous avons connue. En fait, ils disaient toujours qu'après le samedi vient le dimanche.
[…]
Alors, l'histoire se répète, et la communauté internationale doit maintenant agir. C'est ce qui se produit[21].

C’est donc dire qu’une lecture complète et exacte de l’histoire est essentielle à l’éducation du public et à la compréhension de l’actualité internationale.

Plusieurs témoins ont recommandé, de diverses façons, que cette reconnaissance soit intégrée à la politique du Canada, notamment en ce qui concerne le processus de paix au Moyen-Orient.

M. Fogel a prôné « la reconnaissance officielle des réfugiés juifs dans la politique étrangère canadienne[22] ». M. Abitbol a recommandé « que dans tous les débats canadiens sur le Moyen‑Orient, toute référence explicite à la résolution requise du problème des réfugiés palestiniens soit accompagnée d'une référence explicite aux droits des réfugiés juifs des pays arabes[23] ». Pour M. Fogel, le Canada devrait « affirmer dans notre politique officielle qu'un réfugié est un réfugié, peu importe son origine ethnique ou sa confession ». En tant que président du Groupe de travail multilatéral sur les réfugiés, créé dans le sillage de la Conférence de Madrid sur la paix au Moyen-Orient, en 1991, « le Canada est dans une position unique qui lui permet de faire connaître la situation des réfugiés juifs et de s'assurer que toutes les parties qui tentent de favoriser une paix durable en tiennent compte comme il se doit[24] ».

Des témoins ont insisté pour dire que la reconnaissance des réfugiés juifs ne doit pas se faire au détriment des droits et des revendications des réfugiés palestiniens. M. Fogel a expliqué au Comité que, lorsque le Canada a assumé la présidence du Groupe de travail sur les réfugiés, les parties ont décidé de s’attacher surtout « à fournir une aide matérielle aux réfugiés palestiniens de sorte qu'ils puissent eux aussi tirer profit des dividendes de la paix à mesure que la situation évoluait […][25] ». Pour diverses raisons, un grand nombre de réfugiés palestiniens vivaient dans des camps à l’époque de la Conférence de Madrid, en 1991; comme indiqué précédemment, cette situation continue aujourd’hui. Par contraste, après 1948 les réfugiés juifs ont pu s’installer en Israël ou trouver un autre pays d’accueil, comme le Canada. Mais pour M. Fogel, ces issues divergentes n’empêchent pas qu’il faudra reconnaître, dans tout règlement définitif du conflit israélo-arabe, que celui-ci a suscité non pas une mais deux populations de réfugiés :

[…] je pense que nous serons tous d'accord, les réfugiés palestiniens sont aux prises avec de graves problèmes auxquels il faut prêter attention aujourd'hui afin d'améliorer concrètement leur qualité de vie.
Ce n'est que lorsque nous arrivons au point où nous commençons véritablement à nous pencher sur ce à quoi ressemblerait un règlement global que nous dressons une liste de tous les problèmes en suspens auxquels il faut prêter attention. Selon nous, l'attention portée aux revendications des réfugiés juifs des pays arabes commence, et pourrait se terminer, par une reconnaissance officielle[26] […]

David Matas, conseiller juridique de Justice pour les Juifs originaires des pays arabes, a expliqué au Comité que les accords bilatéraux conclus par Israël avec l’Égypte en 1978 et en 1979, et avec la Jordanie en 1994, ainsi que l’entente de 1993 et de 1995 entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (dans le cadre des Accords d’Oslo), employaient un libellé « générique » pour désigner les réfugiés[27]. Et — c’est peut-être plus important encore du point de vue multilatéral — la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée après la guerre de 1967 et habituellement considérée comme structure de base du processus de paix au Moyen-Orient, affirme la nécessité « de réaliser un juste règlement du problème des réfugiés[28] ». Pour les témoins, cette résolution ne fait donc pas de distinction entre les populations de réfugiés.

M. Matas a affirmé devant le Comité que les réfugiés juifs ont « droit à réparation » en cas de violation de leurs droits. Il a ajouté que « le Canada doit appuyer le principe selon lequel, dans les négociations de paix au Moyen-Orient, tous les réfugiés doivent être traités avec équité et justice[29] ». Cependant, comme il l’a écrit dans son mémoire au Comité, « il y a une distinction entre le fait de reconnaître un droit et sa violation et le fait d’accorder des réparations [...] [S]’agissant des réparations, les possibilités sont multiples » : commissions de vérité et de réconciliation, création de « chaires dans les grandes universités pour promouvoir et préserver la riche tradition sépharade et son héritage », établissement de « fondations pour protéger et préserver les sites saints dans les pays arabes », et indemnisation. Mais pour M. Matas, « les mesures [de réparation] seront, en définitive, décidées par les parties directement engagées dans les négociations[30] ». M. Fogel a abondé dans le même sens : « Je ne voudrais pas prétendre que nous pouvons élaborer ou définir une manière d'obtenir une solution satisfaisante. La contribution que nous pouvons faire, c'est de mettre fin au conflit, de faire en sorte que tous les intervenants aient le sentiment d'avoir été pris en considération, reconnus et validés[31]. »

Recommandations

Après examen des témoignages et des mémoires reçus, le Comité adresse les recommandations suivantes au gouvernement du Canada :

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada reconnaisse officiellement l’expérience des réfugiés juifs qui ont été déplacés des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord après 1948.

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage les parties directement engagées dans les négociations à tenir compte de toutes les populations de réfugiés dans le cadre de toute résolution juste et complète des conflits israélo-palestinien et israélo-arabe.




[1]              Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE), Procès-verbal, 1re session, 41e législature, 5 mars 2013.

[2]              Voir : Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche‑Orient (UNRWA), « Palestine refugees ». Pour les données statistiques, voir : UNRWA, « In Figures, as of 1 January 2013 », janvier 2013. L’UNRWA signale que son « mandat contemporain est de fournir des services d’aide, de développement et de protection aux réfugiés de la Palestine et aux personnes déplacées par les hostilités de 1967 dans les théâtres des opérations : la Jordanie, le Liban, la République arabe syrienne, la Cisjordanie et la bande de Gaza ». Voir : UNRWA, « Frequently asked questions ». [traduction]

[3]              FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013.

[4]              Ibid.

[5]              Stanley A. Urman, « Réfugiés du Moyen-Orient : Le traitement différent des Palestiniens et des Juifs », présenté au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, Chambre des communes, 2 mai 2013, p. 16.

[6]              FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013.

[7]              Ibid.

[8]              Ibid.

[9]              FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 mai 2013.

[10]           Ibid.

[11]           Ibid.

[12]           Ibid.

[13]           Ibid.

[14]           Ibid.

[15]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013.

[16]           Ibid.

[17]           Ibid.

[18]           Ronald S. Lauder, président, Congrès juif mondial, lettre au président du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes, datée du 17 mai 2013.

[19]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013.

[20]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 mai 2013.

[21]           Ibid.

[22]           Ibid.

[23]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013.

[24]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 mai 2013.

[25]           Ibid.

[26]           Ibid.

[27]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013.

[28]           Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, alinéa 2b).

[29]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 2 mai 2013.

[30]           David Matas, « Droits et recours des réfugiés juifs originaires des pays arabes », mémoire au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, 2 mai 2013, Ottawa, p. 7-8.

[31]           FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 7 mai 2013.