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FAAE Rapport du Comité

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LES CONSÉQUENCES DU GÉNOCIDE RWANDAIS –
ÉTUDE DU PROBLÈME DES ENFANTS NÉS DE VIOLS COMMIS PENDANT LE GÉNOCIDE

INTRODUCTION

Durant la 2e session de la 41e législature, le Sous‑comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Sous‑comité) s’est penché sur les conséquences du génocide rwandais de 1994, et plus particulièrement sur les problèmes auxquels sont confrontés les enfants issus de viols commis pendant le génocide[1]. Le Sous-comité a entendu plusieurs témoins, notamment des survivants du génocide établis maintenant au Canada et des Canadiens ayant travaillé au Rwanda. À la lumière des témoignages qu’il a recueillis et de l’information du domaine public, le Sous‑comité a convenu de faire rapport des constatations et recommandations suivantes au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.

La présente étude se fonde sur la précédente étude du Sous-comité portant sur le recours aux violences sexuelles dans les conflits et les crises[2]. Dans son rapport sur cette étude, intitulé « Une arme de guerre : Le viol et les violences sexuelles contre les femmes en République démocratique du Congo – Comment le Canada peut se mobiliser et mettre fin à l’impunité », le Sous-comité fait état des conséquences des sévices sexuels, qui « ont pour effet de détruire des vies, de diviser les communautés et d’aggraver la destruction laissée par les guerres, les catastrophes naturelles et les troubles civils[3] ». Ce rapport présentait une étude de cas sur les violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC), où le viol comme arme de guerre aurait servi à démoraliser et à terroriser la population, en plus d’être utilisé comme forme de nettoyage ethnique[4]. À l’époque de cette étude, le Sous-comité avait entendu des témoignages selon lesquels l’instabilité et le conflit qui faisait rage dans l’est de la RDC étaient directement liés, après la fin du génocide de 1994, à l’afflux de Rwandais dont beaucoup étaient impliqués dans la planification et la perpétration du génocide[5].

Le lien entre le conflit dans l’est de la RDC et le génocide rwandais, ainsi que le vingtième anniversaire du génocide, ont donné au Sous-comité une occasion opportune d’approfondir son étude sur les violences sexuelles en période de conflit, en se concentrant cette fois‑ci sur les sévices sexuels pratiqués durant le génocide rwandais et sur leurs effets sur les survivants. Le Sous‑comité connaît les conséquences à long terme du génocide sur les Rwandais et a conscience des souffrances indicibles qu’éprouvent encore beaucoup d’entre eux à cause des traumatismes qu’ils ont subis. L’étude du Sous‑comité et le présent rapport accordent une attention toute particulière à un groupe qui a souffert énormément, mais qui a reçu peu d’attention – les quelque 20 000 enfants ou plus issus de viols commis pendant le génocide[6]. Il est important de souligner que nous ne sommes pas certains de l’exactitude de cette estimation. Comme l’a déclaré au Sous‑comité Glenda Pisko-Dubienski, directrice internationale des opérations pour le Rwanda d’HOPEthiopia et travaillant actuellement comme thérapeute au Rwanda, nous ne connaîtrons peut-être jamais le nombre exact de ces enfants, « parce que la plupart des femmes … [qui ont été violées pendant le génocide] n’en parlent toujours pas[7] ». Ces enfants, qui sont aujourd’hui de jeunes adultes de 19 ou 20 ans, sont confrontés à de nombreuses difficultés, alors qu’ils entrent dans l’âge adulte et cherchent à participer activement à la vie sociale, politique et économique de leur pays.

Tout au long de son étude, le Sous‑comité a recueilli des témoignages sur les défis singuliers que doit relever le Rwanda depuis la fin du génocide[8]. Le Sous‑comité reconnaît la complexité de la situation dans laquelle se trouve le gouvernement du Rwanda dans ses efforts de réconciliation nationale et de renforcement de son système de gouvernance. Le Sous‑comité entend tirer les leçons de l’expérience rwandaise après le génocide et attirer l’attention sur le sort des survivantes des violences sexuelles perpétrées durant ce génocide et des enfants issus des viols commis à l’époque. Dans bien des cas, ces enfants – tout comme leurs mères – ont vu leur santé physique et mentale gravement compromise à cause des circonstances dans lesquelles ils ont été conçus, et n’ont pas eu les mêmes chances d’accès que d’autres à la formation professionnelle et aux études postsecondaires.

Pour commencer, le présent rapport évoque brièvement le génocide rwandais et les 20 années qui ont suivi, au cours desquelles le Rwanda s’est efforcé de se remettre de cette tragédie. Ensuite, le rapport examine la situation actuelle des rescapés et des victimes du génocide, notamment les problèmes particuliers des enfants nés de viols commis durant le génocide, que le gouvernement rwandais ne reconnaît pas officiellement comme étant des victimes ou des survivants. Enfin, le rapport expose les conclusions du Sous‑comité et ses recommandations au gouvernement du Canada.


[1]        Chambre des communes, Sous-comité des droits internationaux de la personne [SDIR], Procès-verbal, 2e session, 41e législature, 8 avril 2014. Précision importante : dans le présent rapport le terme « enfants » est employé pour désigner les personnes issues de viols perpétrés durant le génocide. Ces personnes, qui sont maintenant des adultes âgés de 19 ou 20 ans, ne sont plus des enfants au sens du droit international. Ce rapport porte sur la situation des enfants issus de « viols commis pendant le génocide rwandais », ce qui comprend tous les enfants nés de viols qui sont des actes constitutifs de génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre.

                Selon l’article II de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le génocide s’entend de certains actes, dont « l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». Dans l’affaire Procureur c. Akayesu, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a conclu que les viols étaient bien constitutifs de génocide parce que « [l]a violence sexuelle faisait partie intégrante du processus de destruction particulièrement dirigé contre les femmes Tutsies et ayant contribué de manière spécifique à leur anéantissement et à celui du groupe tutsi considéré comme tel… destruction de son moral, de la volonté de vivre de ses membres, et de leurs vies elles-mêmes ». (Jugement, Chambre de première instance, 2 septembre 1998, par. 731-732). Selon le Statut du TPIR, le viol est aussi punissable à titre de crime contre l’humanité lorsqu’il est commis « dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse » (Statut du TPIR, art. 3g) ainsi que 3c), f), h) et i)). Le viol est aussi punissable au TPIR s’il se qualifie comme crime de guerre et qu’il a été commis dans un contexte ayant un lien avec le conflit armé entre les forces gouvernementales du Rwanda et le Front patriotique rwandais (Statut du TPIR, art. 4e)).

[2]        Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, Une arme de guerre : Le viol et les violences sexuelles contre les femmes en République démocratique du Congo – Comment le Canada peut se mobiliser et mettre fin à l’impunité, Quatrième rapport, 2e session, 41e législature, mai 2014 [Rapport du SDIR sur les violences sexuelles en RDC]. Le Sous-comité a aussi adopté, le 27 mai 2014, une motion condamnant l’usage généralisé et systématique du viol et d’autres formes de violences sexuelles comme armes de guerre par tous les belligérants en Syrie (SDIR, Procès‑verbal, 27 mai 2014).

[3]        Rapport du SDIR sur les violences sexuelles en RDC, p. xv.

[4]        Ibid., p. 24 et 25.

[5]        Ibid., p. 15 à 22.

[6]        SDIR, Témoignages, réunion no 44, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014 (Jacques Rwirangira, vice-président, Page-Rwanda); SDIR, Témoignages, réunion no51, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015 (Sue Montgomery, journaliste, Montreal Gazette). Sue Montgomery, « Rwanda: Families born of rape », Montreal Gazette, 27 mars 2014 [en anglais seulement].

[7]        SDIR, Témoignages, réunion no 47, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014 (Glenda Pisko-Dubienski, directrice internationale des opérations, Rwanda, HOPEthiopia). Voir aussi SDIR, Témoignages, réunion no 44, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014 (Jacques Rwirangira).

[8]        SDIR, Témoignages, ibid. (Rwirangira); SDIR, Témoignages, ibid. (Pisko-Dubienski); SDIR, Témoignages, réunion no 50, 2e session, 41e législature, 11 décembre 2014 (Jean‑Bosco Iyakaremye, membre, Association Humura, à titre personnel).