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FAAE Rapport du Comité

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SOUTIEN CONSTANT ACCORDÉ PAR LE CANADA AUX RESCAPÉS DU GÉNOCIDE RWANDAIS

Le Sous‑comité a recueilli des témoignages au sujet des nombreux efforts humanitaires qu’a déployés le Canada et de toute l’aide qu’il a fournie au Rwanda après le génocide, ainsi qu’à propos des leçons tirées de cette expérience. Leslie Norton, directrice générale de la Direction de l’assistance humanitaire internationale au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD), a informé le Sous‑comité que « le génocide rwandais a eu une incidence profonde sur la façon dont le Canada et la communauté internationale offrent de l’aide humanitaire aujourd’hui et sur les mesures que nous prenons pour protéger les populations touchées par une crise, y compris les femmes et les filles[47] ». D’autres représentants du MAECD ont également indiqué que le Canada était à l’avant-garde des initiatives en la matière[48].

Les leçons tirées du génocide rwandais – notamment la nécessité de prendre des mesures spéciales pour protéger les femmes et les filles contre la violence sexiste en période de conflit armé – ont guidé le Canada dans sa mise en œuvre de la Résolution 1325 et des résolutions connexes du Conseil de sécurité des Nations Unies portant sur les femmes, la paix et la sécurité[49]. Ces enseignements ont aussi influencé l’engagement soutenu du Canada à favoriser la participation pleine et entière des femmes dans les efforts de maintien et de promotion de la paix et de la sécurité dans le monde[50]. Le Canada a aussi appuyé la création et le travail du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui avait pour mandat de « juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994[51] ».

Le Canada est devenu un important partenaire de développement bilatéral du Rwanda au lendemain du génocide. Pendant de nombreuses années, le Canada a fourni à ce pays de l’aide dans plusieurs domaines, dont celui des soins de la santé, et aussi pour régler des questions judiciaires relatives à la réconciliation ou des problèmes liés à l’utilisation des terres et au régime foncier – ce qui a été essentiel pour que le Rwanda se remette progressivement du génocide[52]. Dernièrement, le gouvernement du Canada a réduit son aide internationale bilatérale à ce pays, « car le gouvernement a décidé de cibler son aide humanitaire sur un nombre moindre de partenaires[53] ». Actuellement, le Canada contribue à des programmes régionaux qui incluent une composante rwandaise[54]. Les représentants du MAECD ont parlé au Sous‑comité de deux initiatives particulières, qui sont toutes deux destinées à venir en aide aux victimes de violences sexuelles en période de conflit. La première est mise en œuvre par une organisation non gouvernementale canadienne – le Centre d’étude et de coopération internationale; il s’agit d’« un projet régional visant à mieux protéger les filles et les femmes au Rwanda, en RDC et au Burundi contre les séquelles physiques et psychosociales de la violence sexuelle[55] ». La deuxième prend la forme d’une participation à un projet de la Banque mondiale « touchant la sexospécificité et offrant de l’aide technique aux programmes nationaux de désarmement, démobilisation et réintégration des anciens combattants au Rwanda, en RDC, au Burundi et en Ouganda[56] ».

Le génocide rwandais a eu des effets sur les politiques intérieure et étrangère du Canada. Par exemple, les représentants du MAECD ont attiré l’attention du Sous‑comité sur le fait qu’en 1999, la Loi sur l’extradition et d’autres mesures législatives ont été modifiées dans le but de permettre l’extradition de personnes accusées afin de les déférer devant le TPIR pour qu’elles y soient jugées[57]. En 2000, la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre a été adoptée pour permettre la tenue, au Canada, de procès pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité[58]. Par la suite, une personne a été déclarée coupable, une autre a été acquittée et au moins une autre a été extradée au Rwanda afin d’y subir un procès pour des crimes liés au génocide[59].

Comme l’a souligné M. Rwirangira en 2004, le Parlement du Canada a déclaré le 7 avril « Journée de commémoration des victimes du génocide rwandais », et à la suite d’une résolution adoptée à l’unanimité, en 2008, cette date a été proclamée « Jour de réflexion sur la prévention du génocide[60] ».

Le Sous‑comité a recueilli des témoignages concernant les problèmes sociaux, économiques et de santé mentale auxquels sont confrontés les rescapés du génocide qui se sont réinstallés au Canada, ainsi que des propositions de mesures supplémentaires à prendre pour soutenir ces personnes. MM. Rwirangira et Gashirabake ont indiqué tous les deux que les traumatismes psychologiques accablent souvent les survivants qui immigrent au Canada[61]. M. Iyakaremye et Mme Montgomery ont pour leur part laissé entendre que ces nouveaux arrivants continuent d’éprouver des troubles psychologiques et qu’ils ne reçoivent peut-être pas l’aide nécessaire[62].

M. Rwirangira a insisté sur la nécessité d’offrir aux femmes et aux enfants victimes de violences sexuelles infligées pendant le génocide des environnements sécuritaires dans lesquels ils obtiendront le soutien requis et où on répondra à leurs besoins psychologiques et sociaux[63]. Bien que les organisations de la diaspora aient tenté de combler ces besoins, M. Iyakaremye a évoqué les difficultés de son association à collecter des fonds auprès des membres de la diaspora pour venir en aide aux orphelins et autres rescapés du génocide rwandais.

A. Les observations du Sous‑comité

Le Sous‑comité salue l’engagement du Canada dans sa lutte à l’échelle internationale contre les violences sexuelles pratiquées pendant les conflits et les génocides, ainsi que les efforts qu’il déploie pour une plus grande participation des femmes aux initiatives de création et de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Ces efforts doivent se poursuivre.

Par ailleurs, le Sous‑comité est d’avis que les épreuves qu’endurent actuellement les enfants issus de viols commis pendant le génocide rwandais illustrent les lacunes importantes dans les mesures prises en réaction aux violences sexuelles massives. Le Sous‑comité fait valoir que les programmes et l’aide – qu’ils soient fournis par des acteurs internationaux, gouvernementaux ou non gouvernementaux – doivent cibler à la fois les victimes survivantes de sévices sexuels et leurs enfants, en offrant un appui spécifique et spécialisé aux enfants issus de viols. Des initiatives conçues pour répondre aux besoins de ces enfants particulièrement vulnérables sont nécessaires afin d’atténuer les effets transgénérationnels des violences sexuelles massives. Elles sont aussi essentielles à la promotion de l’égalité et du développement économique et, enfin, à l’avènement de sociétés plus pacifiques et prospères dans les pays affectés. De l’avis du Sous‑comité, le gouvernement du Canada est bien placé pour jouer un rôle prépondérant à ce chapitre.

Le Sous‑comité reconnaît l’importance des programmes du gouvernement canadien mis en œuvre pour contrer les violences sexuelles liées au conflit dans la région des Grands Lacs, en Afrique centrale. Il prend note, comme le faisait observer M. Iyakaremye, que « dans la mesure où [le Canada n’accorde] aucune aide » expressément pour le Rwanda, il lui est difficile de convaincre le gouvernement de ce pays d’étendre l’aide qu’il accorde aux rescapés du génocide aux enfants issus de viols commis pendant ce génocide[64].

Enfin, le Sous‑comité a été impressionné par tout ce que font les organisations non gouvernementales pour aider les survivants du génocide rwandais, les enfants nés de viols perpétrés durant le génocide et toutes les victimes de conflits et de crises dans le monde. En particulier, le Sous-comité considère que les partenariats entre la communauté rwandaise établie au Canada et les organisations non gouvernementales actives au Rwanda d’une part, et les établissements d’enseignement et les spécialistes en santé mentale canadiens d’autre part, mériteraient d’être explorés de manière plus approfondie. Le Sous-comité est d’avis que ce genre de partenariat est susceptible d’améliorer le sort des enfants issus de viols perpétrés durant le génocide et de leur permettre de jouir davantage de leurs droits de la personne. Si de tels partenariats portent leurs fruits, ils pourraient servir de modèles à des programmes futurs appliqués dans d’autres régions où sont pratiquées les violences sexuelles à grande échelle.


[47]      SDIR, Témoignages, réunion no 42, 2e session, 41e législature, 4 novembre 2014 (Leslie Norton, directrice générale, Direction de l’assistance humanitaire internationale, MAECD).

[48]      SDIR, Témoignages, réunion no 42, 2e session, 41e législature, 4 novembre 2014 (Kenneth Neufeld).

[49]      Jusqu’à présent, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies portant sur les femmes, la paix et la sécurité sont : 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013) et 2122 (2013). La RCSNU 1325 « [demande] aux États membres et au système des Nations Unies de mieux prévenir la violence, y compris la violence sexuelle; d’encourager la participation et la représentation active et concrète des femmes et des groupes locaux de femmes aux activités de paix et de sécurité; de protéger les droits des femmes et des filles; et de promouvoir et de garantir l’accès égal des femmes à l’aide humanitaire et à l’aide au développement ainsi qu’à la justice. » (SDIR, rapport sur les violences sexuelles en RDC, p. 49, citant SDIR, Témoignages, réunion no 36, 3e session, 40e législature, 2 décembre 2010 (Elissa Golberg, directrice générale, Secrétariat du groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, MAECD)).

[50]      SDIR, Témoignages, réunion no 42, 2e session, 41e législature, 4 novembre 2014 (Kenneth Neufeld).

[51]      RCSNU 955 (1994); SDIR, Témoignages, ibid. (Neufeld).

[52]      SDIR, Témoignages, ibid. (Neufeld).

[53]      SDIR, Témoignages, ibid.

[54]      SDIR, Témoignages, ibid. Voir aussi SDIR, rapport sur les violences sexuelles en RDC, p. 51-56.

[55]      SDIR, Témoignages, ibid. (Neufeld).

[56]      SDIR, Témoignages, ibid.

[59]      Désiré Munyaneza a été déclaré coupable le 22 mai 2009 pour sa participation au génocide rwandais, R. c. Munyaneza, 2009 QCCS 2201. Jacques Mungwarere a été acquitté le 7 mai 2013 des accusations de génocide et de crimes contre l’humanité, R. c. Jacques Mungwarere, 2013 ONCS 4594. Léon Mugesera a été extradé après une décision de la Cour fédérale du 25 janvier 2012, Mugesera c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2012 CF 100.

[60]      SDIR, Témoignages, réunion no 44, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014 (Jacques Rwirangira); Chambre des communes, Débats, 3e session, 37e législature, 24 février 2004 (1500) (l’hon. Don Boudria, Glengarry–Prescott–Russell, libéral); Chambre des communes, Débats, 2e session, 39e législature, 7 avril 2008 (1510) (l’hon. Irwin Cotler, Mont‑Royal, libéral).

[61]      SDIR, Témoignages, ibid. (Rwirangira); SDIR, Témoignages, réunion no 48, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014 (Moses Gashirabake).

[62]      SDIR, Témoignages, réunion no 50, 2e session, 41e législature, 11 décembre 2014 (Jean‑Bosco Iyakaremye); SDIR, Témoignages, réunion no 51, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015 (Sue Montgomery).

[63]      SDIR, Témoignages, réunion no 44, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014 (Jacques Rwirangira).

[64]      SDIR, Témoignages, réunion no 50, 2e session, 41e législature, 11 décembre 2014 (Jean‑Bosco Iyakaremye).