Passer au contenu

FINA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 3 : RÉGIME CANADIEN DE LUTTE CONTRE LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ ET LE FINANCEMENT DES ACTIVITÉS TERRORISTES

Diverses questions liées au régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes ont été présentées lors des témoignages et dans les mémoires : ses objectifs et son fonctionnement, son fondement international, les examens nationaux et les améliorations proposées à l’efficacité ainsi que la protection des renseignements personnels.

A. Objectifs et fonctionnement

L’un des témoins entendus – le ministère de la Finance – a limité son intervention aux objectifs et au fonctionnement du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Selon lui, l’objectif global du régime – dont le cadre est établi par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes – est de protéger l’intégrité du système financier du Canada et d’assurer la sécurité des Canadiens. Il a indiqué que le régime, qui mobilise 11 ministères et organismes fédéraux, se veut un complément au travail effectué par les organismes d’application de la Loi et du renseignement.

Le ministère des Finances a mentionné que 70 millions de dollars étaient alloués chaque année au ministère des Finances, au CANAFE, au ministère de la Justice, au Service des poursuites pénales du Canada, à la GRC, à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), au SCRS et à l’Agence du revenu du Canada (ARC) à l’appui de leurs activités dans le cadre du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il a aussi nommé les autres organismes et ministères fédéraux partenaires du régime, mais qui ne reçoivent pas de financement réservé aux activités exercées dans le cadre du régime, soit : le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), Sécurité publique Canada et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD).

Selon le ministère des Finances, le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes s’articule autour de trois piliers indépendants : la coordination des politiques, la prévention du recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes, et la perturbation du recyclage de ces produits et du financement de ces activités. En ce qui concerne le premier pilier, il affirme que la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes exige des entités déclarantes, dont les institutions financières et les intermédiaires financiers, qu’elles identifient leurs clients, tiennent des dossiers, déclarent au CANAFE les opérations financières douteuses, les importants mouvements transfrontaliers d’espèces et certaines autres opérations visées par règlement, et disposent d’un programme de conformité interne pour assurer la communication de ces déclarations.

En outre, le ministère des Finances a indiqué que le deuxième pilier relevait de la responsabilité des entités déclarantes, du CANAFE et du BSIF. Il a fait observer que le CANAFE reçoit et analyse les déclarations sur les opérations financières provenant des entités déclarantes et communique les renseignements financiers pertinents qui s’y trouvent à certains organismes d’application de la Loi et du renseignement.

Selon la description faite par le ministère des Finances, le dernier pilier est celui des enquêtes menées par le SCRS, l’ASFC, la GRC et l’ARC, qui s’appuient sur les renseignements fournis par le CANAFE; quant aux poursuites, elles sont intentées par le Service des poursuites pénales du Canada. Il a aussi indiqué que le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes compte sur un processus d’inscription des entités terroristes, dirigé par Sécurité publique Canada et le MAECD, qui permet de geler les actifs des terroristes conformément à l’article 83.01 du Code criminel et de la Loi sur les Nations Unies.

B. Fondement international

De nombreux témoins ont parlé des organismes internationaux qui luttent contre le financement des activités terroristes. Le Royal United Services Institute a expliqué que la politique de lutte contre le financement de ces activités, de nature multilatérale, est établie par le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), dont le Canada est membre, et repose sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans son mémoire présenté au Comité, M. Yee-Kuang Heng déclare que le GAFI utilise l’approche fondée sur le risque pour formuler ses recommandations, car l’approche fondée sur les règles serait limitée par les ressources diversifiées des pays en matière de mise en œuvre et d’application des règles de lutte contre le financement des activités terroristes.

Le ministère des Finances et l’ARC ont insisté sur le fait que le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes correspond aux normes du GAFI. Le ministère des Finances a aussi fait observer que le Canada, comme d’autres pays, utilise l’approche fondée sur le risque pour évaluer et combattre les menaces de financement des activités terroristes. Le ministère des Finances a indiqué que, comparativement aux pays ayant un régime de lutte contre le financement des activités terroristes moins efficace, la menace de financement des activités terroristes n’est pas aussi grande au Canada. Il a également mentionné que le régime canadien fera l’objet d’une évaluation du GAFI à l’automne 2015.

Le réseau Egmont Group of Financial Intelligence Units a fait valoir que les saisies de biens et les déclarations de culpabilité pour financement des activités terroristes sont rares dans bien des pays et que les exigences en matière de déclaration de telles activités ne sont pas efficaces partout. Selon lui, il serait possible de mieux dépister le financement des activités terroristes et de l’empêcher grâce à certaines mesures : mieux comprendre les types de renseignements financiers, collaborer avec le secteur privé pour connaître les risques du financement des activités terroristes, aider les entités déclarantes à présenter leurs déclarations au CANAFE et collaborer avec la GRC pour suivre la trace des fonds susceptibles de servir à commettre des actes de terrorisme.

Lorsqu’elle a avancé que le GAFI n’est pas aussi efficace qu’il le devrait, Mme Christine Duhaime a proposé deux choses : qu’il soit dirigé par la même personne pendant une période beaucoup plus longue, plutôt que d’avoir un nouveau dirigeant chaque année, et qu’un organisme distinct soit créé pour s’occuper de la lutte contre le financement des activités terroristes.

Le Royal United Services Institute a donné à entendre que la nature changeante des événements géopolitiques exigeait une réévaluation constante des lois portant sur la lutte contre le financement des activités terroristes.

C. Examens nationaux et améliorations proposées à l’efficacité

Des témoins ont parlé de certains examens de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et du CANAFE. À titre d’exemple, le ministère des Finances a indiqué que la Loi venait de faire l’objet d’un examen par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et que le rapport du Comité, publié en mars 2013, contenait des recommandations visant à augmenter le rendement du CANAFE, à améliorer la communication de renseignement et à établir une portée adéquate pour le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il a affirmé que la Loi avait été modifiée pour faire suite à ces recommandations. L’Association des banquiers canadiens a demandé qu’une tierce partie examine le régime.

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a précisé que le CANAFE ne dispose d’aucun organisme de surveillance chargé d’examiner ses activités pour veiller à ce qu’elles demeurent légales, raisonnables et nécessaires. Il a fait observer que l’examen bisannuel du CANAFE sur la protection de la vie privée avait permis de découvrir que certains renseignements qui lui avaient été fournis ne concernaient pas le recyclage des produits de la criminalité ou le financement des activités terroristes et que le Centre conservait des données qui ne relevaient pas de son mandat. À titre d’exemple, il a indiqué que les institutions financières utilisaient des critères discrétionnaires fondés sur l’origine ethnique ou l’âge de la personne pour établir si une opération était douteuse, ce qui aurait pu amener le CANAFE à utiliser des critères discriminatoires dans l’analyse des rapports d’opérations douteuses qui en découlent.

L’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a recommandé de créer – comme l’a demandé la Commission d’enquête sur l’affaire Maher Arar – un mécanisme d’examen pour les organismes de sécurité nationale, dont le CANAFE. Selon elle, il faudrait examiner le mandat, l’efficacité et le rôle du CANAFE. Elle a mentionné la rareté des informations pour évaluer dans quelle mesure le régime canadien de lutte contre le financement des activités terroristes atteint ses objectifs; cela dit, selon les informations disponibles, il semble qu’il y ait moins de financement d’activités terroristes qu’on pensait ou que le régime n’est pas particulièrement efficace pour contrer le financement des activités terroristes.

De plus, l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique fait observer que le rapport de 2013 du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada en arrivent aux mêmes conclusions au sujet de l’efficacité du CANAFE. Elle préconise l’élaboration de politiques fondées sur des faits lorsqu’il est question de la surveillance du CANAFE par le gouvernement. Tant le représentant de MNP S.E.N.C.R.L., s.r.l. que celui du Clement Advisory Group affirment que le CANAFE devrait faire l’objet d’un contrôle plus poussé.

Mme Christine Duhaime, témoignant à titre personnel, a suggéré que le Canada joue un rôle de leadership dans la lutte contre le financement des activités terroristes, peut-être en créant un centre d’excellence ou un centre de lutte contre la criminalité financière afin de faciliter la communication de renseignements et le dialogue entre les secteurs public et privé et d’examiner des problèmes comme le terrorisme numérique. Le Royal United Services Institute est favorable à un partenariat public-privé plus large et à la communication de renseignements entre les autorités et les banques en ce qui concerne le financement des activités terroristes.

M. Anthony Amicelle, témoignant à titre personnel, a donné à entendre que l’approche fondée sur le risque du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes est incompatible avec la notion de risque des institutions financières, puisque pour ces dernières le risque pour la réputation l’emporte sur le risque de financement des activités terroristes. Il a expliqué que la notion de risque liée au financement des activités terroristes est différente pour chaque membre du régime, ce qui peut mener les institutions financières à déclarer plus de renseignements et compliquer la tâche des unités du renseignement financier qui analysent ces renseignements. À son avis, les pratiques de gestion du risque de chaque membre du régime devraient faire l’objet d’un examen.

D. Protection des renseignements personnels

Des témoins ont parlé de certains aspects de la protection des renseignements personnels dans le cadre du régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Le ministère des Finances a insisté sur le fait que le régime respecte la répartition constitutionnelle des pouvoirs, la Charte canadienne des droits et libertés et le droit à la vie privée des Canadiens. Il a de plus indiqué que les questions de protection de la vie privée sont prises en compte lors des examens quinquennaux de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Selon le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, la Loi devrait établir des normes claires et raisonnables pour régir la collecte, la communication, l’utilisation et la conservation des renseignements personnels, et il devrait y avoir des mécanismes d’examen indépendants et efficaces pour assurer le respect de ces normes, dont les tribunaux.

En ce qui concerne l’accès aux renseignements personnels, et leur communication, le CANAFE affirme qu’il n’a pas accès aux comptes bancaires des Canadiens et qu’il ne permet pas aux organismes d’application de la Loi ou au SCRS d’accéder aux bases de données contenant les renseignements recueillis. Il communique les renseignements aux organismes locaux d’application de la Loi, à la GRC ou au SCRS seulement si ces renseignements peuvent s’avérer utiles à une enquête et à des poursuites pour des infractions de recyclage de produits de la criminalité, de financement d’activités terroristes ou en matière de sécurité nationale.

L’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a constaté que la surabondance de déclarations des opérations douteuses fait en sorte que le CANAFE reçoit trop de renseignements et a aussi donné à entendre qu’il serait plus économique de les laisser dans la base de données du CANAFE plutôt que de les en retirer. À son avis, il faudrait recueillir des renseignements importants et précis sur les opérations douteuses. Elle a fait valoir que les gouvernements doivent faire scrupuleusement attention à la manière dont ils déterminent et identifient les personnes à risque en ce qui concerne le recyclage des produits de la criminalité ou le risque de terrorisme et à ceux à qui ils communiquent des renseignements personnels, car la communication de renseignements pourrait devenir un problème sur le plan de la sécurité.

M. John Hunter, témoignant à titre personnel, a donné à entendre que tout projet de loi visant à empêcher le financement des activités terroristes devrait respecter le secret professionnel de l’avocat comme la Cour suprême du Canada l’a établi en ce qui concerne les obligations de l’avocat envers son client et ses obligations sous le régime de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et que les organismes de réglementation de la profession juridique peuvent jouer un rôle de collaboration pour empêcher le financement de ces activités.