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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 036 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 novembre 2014

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Chers collègues, la séances est ouverte. Il s'agit de la 36e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, et nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-2.
    Nos deux heures seront consacrées à l'audition de témoins. Pendant la première heure, nous accueillons Dean Wilson, ancien demandeur; David Berner, directeur exécutif, Drug Prevention Network of Canada, qui témoignera par vidéoconférence depuis Vancouver; et l'inspecteur Scott Thompson, chef de commandement du district 1, Division des opérations, au Service de police de la Ville de Vancouver.
    Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au nom des membres du comité.
    Chers collègues, notre deuxième heure avec les témoins sera écourtée par la sonnerie. Je vous en informe à l'avance afin que vous puissiez vous préparer en conséquence.
    Nous allons passer aux activités prévues pendant la première heure.
    Messieurs, prenez place. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Comme le temps nous presse, je surveillerai bien le temps. Si vous pouvez être plus bref, nous vous en serions reconnaissants.
    Monsieur Wilson, je vous cède la parole.
    Merci. Je suis un peu nerveux. La dernière fois que je me suis trouvé vêtu ainsi devant des gens comme vous, les derniers mots que j'ai entendus ont été : « coupable des accusations portées ».
    Je vous suis reconnaissant d’avoir la chance de témoigner au sujet du projet de loi C-2, mais je suis aussi perplexe. Je croyais que l’arrêt de la Cour suprême du Canada du 30 septembre 2011 avait mis un point final à la question des sites d’injection supervisée. En effet, la Cour suprême a tranché : les sites d’injection supervisée sont légaux et constitutionnels. J’imagine que l’actuel gouvernement estime qu’il peut contourner la décision des plus hautes instances du pays et que, parce que la voie juridique est désormais fermée, il peut maintenant assujettir ces sites à une réglementation qui les mènera à cesser leurs activités.
    Il n’y a qu’à lire les trois jugements, celui de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, celui de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et celui de la Cour suprême du Canada, pour sentir l’esprit avec lequel les tribunaux ont encadré la question des sites d’injection supervisée dans les lois du Canada. Ce que ces jugements précisent, c’est que les sites d’injection supervisée relèvent du domaine médical et devraient être traités en ce sens.
    Je sais que le gouvernement conservateur ne voit pas d’un bon oeil les décisions des tribunaux et qu’il veut fermer les sites d’injection supervisée, en indiquant qu’il préfère de loin appuyer le traitement des toxicomanes avant toute initiative de réduction des méfaits. Voilà qui est incroyablement trompeur, car le gouvernement n’appuie pas non plus les programmes de traitement. En effet, d’après un rapport du Bureau du vérificateur général publié en 2002, 95 cents de chaque dollar que le gouvernement dépense pour contrer le problème des drogues illicites vont à l’application de la loi, ce qui ne laisse que 5 cents pour tous les autres aspects de la question, y compris le traitement. Je ne qualifierais pas cela de soutien. En fait, j’y vois plutôt un manque d’intérêt de la part du gouvernement fédéral à l’égard de ses citoyens les plus défavorisés.
    Je suis conscient que les toxicomanes semblent être devenus les nouveaux parias pour qui les seules issues possibles sont la prison ou le cimetière. Toutefois, d’après mon expérience personnelle, je crois que chacun d’entre nous compte.
    Je suis âgé de 58 ans et sobre depuis 5 ans. Auparavant, j’étais un polytoxicomane itinérant accroché à l’héroïne et à la cocaïne. Je recevais l’appui de bien peu de gens, même si j’étais un défenseur bien connu de la rationalisation entourant le problème de la drogue, un sujet qui a été documenté dans le documentaire Fix: The Story of an Addicted City, qui a par ailleurs remporté un prix Génie.
    Je sais que ce qui suit va sembler contraire à la logique, mais c’est la relation qui s’est tissée avec le personnel médical d’Insite qui m’a permis de faire le premier pas, à savoir de me désintoxiquer. J’ai rechuté à quelques reprises, mais, grâce à ma persévérance et à celle du personnel d’Insite, je mène aujourd’hui une vie normale. Voilà qui prouve que tout le monde peut changer.
    C’est ce changement que tout le monde du quartier Downtown Eastside de Vancouver veut vraiment. Il ne s’agit pas d’un endroit où on consomme allègrement quelques joints le vendredi soir. Les rues du quartier sont remplies de gens qui ont vécu des traumatismes incroyables et qui ne cherchent qu’à s’en sortir.
    Je me rappelle une jeune fille de 19 ans que j’ai rencontrée à Insite. Elle m’a dit que c’était son anniversaire. Je lui ai souhaité un bon anniversaire, mais elle m’a répondu que, en fait, les anniversaires sont pour elle très tristes. Je lui en ai demandé la raison. Elle m’a répondu sans détour que le jour de son dixième anniversaire, son père lui a fait subir des relations sexuelles avec ses trois oncles. J’étais sans voix. Comment quiconque peut faire face à cela ou se rétablir d’un acte aussi horrible? Ce n’est là qu’une des nombreuses histoires du quartier Downtown Eastside de Vancouver. Je me fiche de ce qu’on peut en dire : cette jeune fille mérite tous les traitements nécessaires, y compris les injections supervisées.
    Parfois, je me demande si les détracteurs de notre centre connaissent vraiment la pleine portée du travail que nous y accomplissons. À mon sens, la façon dont nous avons nommé nos sites, au Canada et en Europe, leur porte préjudice : « salles de consommation de drogues », en Europe, et « sites d’injection supervisée » au Canada. Voilà des appellations très descriptives, mais elles ne rendent compte que d’une partie des services qu’on y offre.
    Au Canada, à Insite, notre modèle ressemble aux « Drogenhaus » allemands, qui sont des centres de traitement à étages multiples où l’intensité du traitement s’élève à mesure que l’on monte d’étage.
    Au premier étage, à Insite, nous avons une salle d’injection supervisée, mais aussi une salle de « relaxation », où il est possible d’observer les gens avant et après l’injection, ainsi qu’une salle de santé où le personnel infirmier trie les usagers. On compte également deux membres du personnel qui circulent parmi les usagers et qui tentent de les mettre en lien avec les services dont ils pourraient avoir besoin.
    J’ai vu ces membres du personnel obtenir un logement pour des gens, les convaincre de se faire soigner et, dans un cas, aller jusqu’à remettre un billet d’autocar à un usager pour qu’il puisse retourner chez lui. Au sujet de ce dernier, nous savons que l’histoire s’est conclue sur une note heureuse.
    Au deuxième étage, on trouve un centre de désintoxication. Pour un gouvernement qui croit uniquement au traitement, il est ironique que ce soit le site d’injection supervisée Insite qui ait, à ma connaissance, ouvert le premier centre de désintoxication à Vancouver depuis des décennies.
    Toutefois, c’est le troisième étage qui est névralgique. On y a installé une unité de logement de transition. Permettez-moi de vous expliquer de quoi il s’agit.
(1535)
    La plupart des gens parviennent à se désintoxiquer en 7 à 10 jours, mais la plupart des centres de traitement de longue durée exigent une sobriété de 30 jours avant d’admettre qui que ce soit en leurs murs. Nous étions donc confrontés à un écart de 20 jours, au cours duquel quiconque sortait du centre de désintoxication se voyait contraint de retourner dans le même environnement qui avait mené à la nécessité d’une désintoxication. L’unité de logement de transition permet de demeurer dans un milieu de traitement jusqu’à l’admission dans un centre de traitement de longue durée. La possibilité de faire le pont entre ces trois semaines d’écart est à mes yeux le service le plus important, tout juste après l’intervention initiale, essentielle, que constitue le service d’injection supervisée. La somme de ces efforts donne des résultats qui ont été documentés dans de nombreuses revues scientifiques.
    Quant à la science qui sous-tend les sites d’injection supervisée, je pourrais citer ad nauseam des documents scientifiques et médicaux qui appuient Insite. En fait, on dénombre plus de 60 documents publiés qui lui sont favorables, et je n’en ai pas encore trouvé aucun qui n’appuie pas le travail qu’on y accomplit.
    Dans le cadre des travaux concernant le projet de loi C-2, on cite le président de l’Association canadienne des policiers, Tom Stamatakis, qui aurait dit que, d’après son expérience, les sites d’injection supervisée « entraînent une augmentation du comportement et de l’agitation de nature criminelle ». Aucune donnée scientifique n’appuie cette affirmation. En fait, des documents publiés tant au Canada qu’en Europe laissent entendre tout le contraire. Encore une fois, ce que je vais affirmer semblera peut-être contraire à la logique, mais je crois que les rapports qui se tissent entre les toxicomanes et le personnel d’Iniste jouent un rôle important. Ce qui suit est purement anecdotique, mais j’ai constaté une renaissance spectaculaire chez ceux qui fréquentent Inisite. Un peu comme s’ils prenaient conscience qu’ils comptent véritablement aux yeux de quelqu’un. Cette prise de conscience les motive à vouloir prendre soin d’eux-mêmes. Voilà certainement la première étape qui les mène à reprendre leur vie en main.
    Pour aider les communautés aux prises avec des problèmes liés à la toxicomanie, le gouvernement devrait à mon avis leur apporter son soutien et non leur mettre des bâtons dans les roues. Les sites d’injection supervisée ne sont pas l’unique réponse, mais ils ont certainement un rôle à jouer pour venir en aide aux toxicomanes itinérants. Les sites d’injection supervisée constituent un traitement de premier recours, et nous devrions tout faire pour reproduire les réussites d’Insite.
    Nous n’appuyons pas l’établissement de tels sites si toutes les mesures de soutien ne sont pas en place. De plus, nous croyons fermement qu’il s’agit d’un problème d’ordre médical et qu’il faut le considérer comme tel. Si l’application de la loi doit faire partie de chaque discussion dans le dossier de la drogue, elle ne devrait pas toutefois avoir plus de poids que les autres volets du dossier. Par ailleurs, nous devrions profiter de cette discussion pour parler du soutien des protocoles de traitement plus classiques : nous avons besoin de plus de centres de désintoxication, de logements de transition et de centres de traitement de longue durée.
    Voilà qui m’amène à parler d’un autre dilemme. Pourquoi le gouvernement met-il de côté la loi et la science dans ce dossier? Est-ce uniquement en raison de l’aspect moral de la question? Si c’est le cas, le gouvernement est, une fois de plus, dans le tort. Plus de 2 millions d’injections ont eu lieu à Insite, dont 4 000 ont entraîné une surdose nécessitant une intervention médicale, et pourtant aucune vie n’a été perdue. Voilà qui dément l’argument du projet de loi C-2 selon lequel une seule vie est sauvée par année.
    Cela me donne à penser que c’est bien plus moi qui peux donner des leçons de morale. Je choisis d’aider les plus marginalisés de notre société. La seule comparaison qui me vient à l’esprit, ce sont les lépreux de l’époque biblique. Eux aussi étaient rejetés par leurs communautés. Toutefois, comme à cette époque, certains choisissent aujourd’hui de les aider. Pour conclure, je vous laisserai sur cette réflexion : si Jésus était vivant aujourd’hui, il aurait certainement été favorable aux sites d’injection supervisée.
    Merci.
(1540)
    Merci beaucoup, monsieur Wilson. Nous vous sommes reconnaissants de vos commentaires.
    Nous passons maintenant à M. Berner. Allez-y, s'il vous plaît.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, le Drug Prevention Network of Canada est heureux d'appuyer le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, également appelée la Loi sur le respect des collectivités.
    Les sites d'injection supposément « sécuritaires », véritables carrefours de comportements illicites et antisociaux, ne seront pas les bienvenus dans les quartiers si ces activités sont tout simplement imposées aux citoyens. Le moins que nous puissions faire sur le plan démocratique, c’est demander aux promoteurs de cette expérimentation ratée et aberrante de répondre à certaines questions sérieuses avant de construire leur empire au détriment de l’intégrité locale. Nous félicitons donc l'administration actuelle d’avoir pris cette initiative.
    Examinons certains éléments du projet de loi et les véritables preuves, plutôt que des études douteuses présentées par ceux-là mêmes qui ont fondé Insite.
    Par exemple, le rapport sur les programmes de réduction des méfaits et sur Insite que le British Columbia Centre for Excellence in HIV/AIDS a publié l'été dernier n'a rien de scientifique; il s’agit plutôt d'un effort de relations publiques. Les auteurs Julio Montaner, Thomas Kerr et Evan Wood ont produit une bonne vingtaine d’articles sur l'utilisation d'Insite. Ils ont reçu plus de 18 millions de dollars en fonds publics ces dernières années et, comme on pouvait s’y attendre, ils se vantent du grand nombre de toxicomanes qui ont entrepris un traitement. Or, les preuves convaincantes manquent à l’appel et sont même inexistantes.
    La campagne actuelle fait état de réductions importantes du nombre de surdoses. Pourtant, le rapport Selected Vital Statistics and Health Status Indicators du gouvernement de la Colombie-Britannique montre que le nombre de décès par surdose dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver a augmenté chaque année, à une exception près, depuis l'ouverture du site en 2003.
    De plus, le comité consultatif sur les sites d'injection du gouvernement fédéral soutient que seuls 5 % des toxicomanes fréquentent le site d'injection, et que 3 % ont été renvoyés en traitement. Je présume que c'est terriblement élevé. Aussi, rien n’indique que le taux de criminalité ait baissé depuis l’ouverture du site, pas plus que la prévalence du SIDA et de l'hépatite C.
    Les allégations sur la réussite d’Insite publiées en 2011 dans la réputée revue médicale britannique The Lancet ont été réfutées, dans une réponse de 15 pages abondamment documentée, par des spécialistes en toxicomanie de l'Australie, des États-Unis et du Canada, ainsi que par un ancien agent de la police de Vancouver qui a travaillé pendant des années dans le quartier Downtown Eastside.
    Voici ce que dit M. Garth Davies, professeur agrégé de l’Université Simon-Fraser, dans le rapport A Critical Evaluation of the Effects of Safe Injection Facilities de l’Institute on Global Drug Policy :
Une série de lacunes remettent en question la méthodologie et les analyses employées dans ces études, notamment l'absence de données de référence, le manque de clarté conceptuelle et opérationnelle, l’inadéquation des critères d'évaluation, l’absence de contrôles statistiques, l’absence de conceptions longitudinales, et l'omission des variations au site même. Aucune des répercussions attribuées aux fonds spéciaux d’investissement ne peut donc être confirmée sans équivoque.
    Mesdames et messieurs, voici exactement ce qui est arrivé. Les trois bons médecins travaillaient à l'origine sur le VIH-sida, et ils ont fait quelque chose de curieux, parce que cela a eu une conséquence inattendue. Ils ont réglé le problème du VIH-sida d'une façon merveilleuse, et leurs travaux sont remarquables, mais ils se sont ainsi retrouvés au chômage, alors ils se sont tournés vers la toxicomanie en utilisant le même modèle pour obtenir de l'argent et pour appuyer leurs dires, etc. C'est la bonne vieille recette journalistique qui dit qu'il faut suivre l'argent.
    Il y a quelques mois, j'ai soupé avec un ancien employé d’Insite, qui disait être parti parce qu'il trouvait que l'endroit était mauvais. Je lui ai répondu que j'étais d'accord, mais je lui ai demandé pourquoi il trouvait l'endroit mauvais. Il m'a répondu qu'il avait vu des soi-disant chercheurs interviewer le même toxicomane à cinq reprises. Il a été témoin de cela à plusieurs reprises. Il a aussi vu des soi-disant chercheurs interviewer un toxicomane quelques minutes après une injection. Je vous demanderais donc à tous de vous rendre à l'hôpital après la réunion pour interviewer quelqu'un dans le coma. Vous aurez alors une bonne idée du genre d'interview que cela peut donner.
    M. Colin Mangham, qui siège à notre conseil d'administration, est un chercheur dans ce domaine depuis 1979. Selon lui :
La proposition d’Insite a été rédigée par les personnes mêmes qui en font l’évaluation, ce qui constitue manifestement un conflit d'intérêts. Toute évaluation sérieuse doit être réalisée de façon indépendante. Les quatre critiques ou examens externes des évaluations d’Insite ont mis en lumière des exagérations grossières et des signes d’interprétations tendancieuses. Qu’elles portent sur le désordre public, les décès par surdose, l’accès aux traitements, le contrôle des virus transmis par le sérum ou quoi que ce soit d'autre, toutes les preuves sont faibles ou inexistantes, et sont loin d’appuyer les allégations de réussite. Tout porte à croire qu’un programme a été mis en place avant même l’ouverture d’Insite, programme que les responsables ont poursuivi en altérant ou en exagérant les résultats chaque fois que nécessaire.
(1545)
    Examinons le projet de loi C-2 : au paragraphe 56.1(3), on dit que le ministre examine une demande s'il a reçu : « a) des preuves scientifiques des effets bénéfiques sur la santé ». À notre avis, il n'existe aucune preuve légitime qui soit claire, honnête et indépendante. Bien au contraire, rien n'a changé. L'idée même qu’on pense aider les toxicomanes de quelque manière que ce soit en leur fournissant un endroit pour se piquer démontre une profonde méconnaissance du fonctionnement de la dépendance.
    Je vais vous dire très simplement et clairement ce qu'il en est. Que veut un toxicomane? Un toxicomane en veut toujours plus. Il ne veut pas plus de billets de spectacle. Il ne veut pas plus d'enfants. Il ne veut pas plus de bicyclettes ou de leçons de violon. Il veut plus de drogue. C'est ce qu'il veut. Même si un toxicomane se fait une injection sous la supervision d'une infirmière, il retournera dans la ruelle deux heures plus tard pour faire ce qu'il fait toujours. Pourquoi? La vie d’un toxicomane, ce n'est pas seulement un quart de gramme d'une poudre blanche inerte, c'est une culture et un mode de vie.
    Pour en revenir aux critères, à l'alinéa 56.1(3)b)(iii), on dit que le ministre examine une demande s'il a reçu : « des renseignements sur l’accès […] à des services […] de traitement de la toxicomanie ». Oh, si seulement c'était le cas. En raison du travail que je fais, je connais tous les centres de traitement de la Colombie-Britannique et la plupart de ceux du Canada, et je vais vous livrer ma version passionnée des faits, après le témoignage passionné de M. Wilson, soit que je n'ai jamais entendu un seul dire qu’Insite lui avait renvoyé un client. Pas un seul. Ils n'ont pas de noms à donner, parce que cela n'est jamais arrivé. Je connais tous les responsables de centres de traitement et ils vous diront tous qu'ils n'ont jamais accueilli un seul patient provenant d'Insite.
    Vous voyez, Insite ne s'intéresse pas au rétablissement. Les bons médecins qui l'ont créé n’y croient pas. Ils pensent que l'abstinence est utopique. Les autorités sanitaires provinciales n'appuient pas le rétablissement par abstinence, et ce sont eux qui murmurent aux oreilles du ministre provincial de la Santé. Toutes ces personnes veulent donner gratuitement aux toxicomanes des seringues, des pipes à crack, de l'héroïne, de la méthadone, des leçons sur la fabrication du vin pour les alcooliques, et des endroits confortables pour se piquer. Insite est tout simplement le symbole d'une philosophie obscure laissant entendre aux toxicomanes qu'ils sont irrécupérables. Le centre veut donc les maintenir calmes et prie pour qu'ils arrêtent de pénétrer par effraction dans les voitures et les condos des citoyens. Vous pouvez voir à quel point cette méthode arrogante et malencontreuse fonctionne; elle est loin d'améliorer le sort des toxicomanes et des collectivités.
    Mesdames et messieurs, la triste vérité est la suivante : dans ma province, les pauvres ont accès à Insite et à la méthadone, alors que les riches ont leurs cliniques privées. Il se trouve que je travaille justement dans une de ces riches cliniques de traitement privées.
    Puis à l'alinéa 56.1(3)i)(iii) : « la présence de déchets liés aux drogues jetés de manière inadéquate ». J'ai une amie qui est propriétaire d’un immeuble commercial dans le quartier Downtown Eastside. Elle veut gérer son entreprise et implore la Ville de Vancouver depuis deux ans d’enlever de la ruelle derrière sa propriété les boîtes bleues conçues pour les seringues. Or, la Ville refuse, car c'est l'endroit où les toxicomanes doivent jeter leurs aiguilles.
    Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais je n'ai jamais rencontré un toxicomane qui mérite un prix pour l'entretien des lieux. Mon amie qui est propriétaire de cet édifice commercial et qui s'efforce de gérer son entreprise trouve tout autour de sa propriété des aiguilles et des déchets humains. Demandez aux collectivités si elles sont prêtes pour cela et si elles sont prêtes à accueillir cette sorte de folie, et demandez aux bons médecins qui ont fait valoir cette idée saugrenue de fonder un de leurs centres à côté de chez eux.
    Avant de conclure mon exposé, j’aimerais brièvement commenter deux réponses de l'opposition à la Chambre. L'honorable Judy Sgro, députée libérale de York-Ouest, a dit que « Le centre d'injection supervisée à Vancouver est la seule initiative qui ait porté ses fruits jusqu'à maintenant, quoique de façon limitée ». Elle a tout à fait raison. Ce qu'elle a vu est très limité. J'encourage la députée à se rendre dans n'importe quelle ville au Canada pour voir comment fonctionnent les centaines d'excellents programmes de traitement ou de prévention que nous avons — il en faudrait plus, mais nous en avons de nombreux —, alors si c'est tout ce qu'elle a vu, c'est tout ce qu'elle a vu.
    L'honorable Libby Davies, députée néodémocrate de Vancouver-Est...
(1550)
    Monsieur Berner, je suis désolé, mais vous avez dépassé le temps alloué pour votre déclaration préliminaire. Dans vos réponses, ou dans vos discussions avec Mme Davis, vous pourrez faire valoir votre point. Nous devons toutefois passer au troisième témoin.
    Monsieur Thompson, vous avez 10 minutes.
     Bonjour, mesdames et messieurs les députés. Je vous remercie de me permettre de témoigner au nom du chef de police Jim Chu du Service de police de Vancouver.
    Pour ce qui est de mon expérience de travail, j'en suis à ma 34e année de carrière au sein des services de police. Je travaille actuellement pour le Service de police de Vancouver et je travaillais auparavant pour la Gendarmerie royale du Canada. En 2003, j'ai fait partie de l'équipe de projet du Vancouver Coastal Health sur le site d'injection supervisé, ou SIS. En 2003, j'ai aussi été l'auteur du plan opérationnel et d'intervention du Service de police de Vancouver, ou SPV, pour le SIS. J'ai aussi préparé la trousse d'information sur le SIS pour les membres du SPV et le personnel du Vancouver Coastal Health. J'étais sur le terrain dans le quartier Downtown Eastside pendant la première année d'activités du site d'injection supervisé.
    Actuellement, je suis responsable du district nord-ouest de Vancouver, qui englobe la partie ouest du centre-ville, le quartier des spectacles et le Centre du Dr Peter.
    Pour le SPV, l'histoire du SIS débute au début 2002. Philip Owen était alors maire et président du Conseil de police de Vancouver. Le SPV a examiné la question avec les gestionnaires et la direction et en est venu à deux conclusions. Premièrement, nous sommes des experts en sécurité publique et non en santé ou en recherche médicale, et nous devons donc commenter ou appuyer avec prudence, le cas échéant, toute initiative ou recherche en santé publique. Deuxièmement, nous devons être à la table des discussions, que nous soyons pour ou contre l'implantation d'un SIS.
    Comme vous le savez, à la fin 2002, Larry Campbell, aujourd'hui sénateur Campbell, a été élu maire de Vancouver. Le principal enjeu de cette élection était le SIS; le maire Campbell et d'autres intervenants ont, par la suite, fait de ce projet une réalité.
    Lorsqu'une exemption a été demandée en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour des fins de recherches médicales au SIS, Santé Canada a demandé au SPV quelle était sa position. Nous avons répondu que si un toxicomane ne commet pas d'actes répréhensibles, illégaux, dangereux ou violents dans la rue, ou ne fait pas l'objet d'un mandat d'arrestation, il est peu probable que la police de Vancouver lui interdise l'accès au SIS.
    Tout juste avant l'ouverture du SIS, le plan opérationnel du SPV précisait que les policiers ont un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu'il est question de possession ou de consommation de drogues à Vancouver. Ce pouvoir leur permet, par exemple, de procéder à la saisie de la drogue ou encore à l'arrestation et à l'inculpation de la personne, et appartient uniquement au policier qui travaille dans la rue. De plus, lorsqu'un consommateur de drogues injectables est pris sur le fait dans un rayon équivalent à quatre pâtés de maisons du SIS, on recommande à nos membres de diriger le toxicomane vers le SIS afin de lui éviter d'avoir à traiter à nouveau avec la police.
    Notre trousse d'information pour le personnel du SIS, et plus tard notre politique antidrogue, indiquait simplement que toutes les initiatives en matière de santé doivent être fondamentalement légales.
    J'estime qu'au cours des 11 dernières années, les membres du SPV se sont acquittés de leurs tâches de façon exemplaire en ce qui concerne le SIS, ce qui reflète les traditions les plus nobles d'un service de police neutre, impartial et professionnel au sein d'une société libre et démocratique.
    Cela m'amène à vous parler de la position du Service de police de Vancouver et des messages importants que je dois vous transmettre aujourd'hui.
    Premièrement, le SPV est du même avis que l'Association canadienne des chefs de police qui affirme que les drogues illégales sont néfastes. La forte incidence de la dépendance aux drogues illicites à Vancouver contribue à un taux anormalement élevé de crimes contre les biens. Lorsque le SIS a ouvert ses portes, le SPV s'est prononcé en faveur de toute mesure légale susceptible d'atténuer le problème de la drogue dans le quartier Dowtown Eastside. Nous avons affirmé publiquement à ce moment que nous appuyions le SIS comme projet de recherche, et nous avons toujours entretenu de bonnes relations avec le personnel du centre par la suite.
    Le mandat et principal intérêt du SPV à l'égard du SIS ont toujours été, et demeurent encore aujourd'hui, liés à la sécurité publique, et non à la santé publique. À titre de service de police, notre position est donc qu'il serait inapproprié pour nous de commenter les mérites du SIS du point de vue médical.
    Ce que nos dix années d'expérience nous ont appris, par contre, c'est que tout nouveau service de santé — qu'il s'agisse d'un centre d'injection, d'une clinique médicale, d'un centre de soins ou de logements supervisés — doit nécessairement pouvoir compter sur l'appui des autorités municipales, de la communatué et de la police. Notre expérience de travail auprès des intervenants en santé publique, en soins médicaux et en toxicomanie, et plus récemment en santé mentale, nous a aussi appris que les services de santé et les services de police devraient travailler ensemble pour établir des partenariats qui amélioreraient la prestation des services de santé, de même que la sécurité publique.
    Par ailleurs, nous ne pouvons pas dire si le taux de criminalité a augmenté ou diminué depuis l'ouverture du SIS. Le SIS est situé dans un quartiter où le taux de crimes violents très élevé est le fruit de nombreux facteurs, dont aucun n'a de lien direct avec lui. Les crimes contre les biens dans le quartier sont liés à la toxicomanie, mais nous ne pouvons établir de lien direct avec le SIS.
(1555)
    Lorsqu'ils nous en ont fait la demande, nous avons aussi fourni aux services de police d'autres villes de l'information sur nos plans opérationnels concernant le SIS. Nous sommes conscients, toutefois, que chaque ville, village ou collectivité a sa propre histoire et que celle de la ville de Vancouver peut être très différente.
    En terminant, le Service de police de Vancouver ne participera pas activement au débat sur les mérites médicaux d'un site d'injection supervisé, en particulier lorsqu'il s'agit d'autres villes ou administartions au Canada.
    Merci.
    Très bien. Merci beaucoup, monsieur Thompson, et merci à nos autres témoins.
    Nous allons passer aux questions, qui dureront tout d'abord sept minutes.
    Monsieur Falk, allez-y.
    J'aimerais commencer par remercier les témoins de leurs exposés.
    Monsieur Wilson, j'aimerais vous poser quelques questions.
    Quels sont vos liens avec Insite? Y travaillez-vous?
    Non. J'étais l'un des demandeurs dans les trois causes devant les tribunaux. J'étais simplement un toxicomane qui faisait partie du Vancouver Area Network of Drug Users, une sorte d'entité politique... qui essaie d'améliorer nos vies. Nous travaillons très fort notamment pour obtenir plus de traitements.
    Les autorités de la Ville de Vancouver m'ont envoyé à Francfort, en Allemagne, pour examiner les six centres qui s'y trouvaient. À mon retour, j'ai trouvé que c'était une bonne idée, tant et aussi longtemps que les autres formes de soutien sont en place.
    J'ai utilisé les services d'Insite, et contrairement à ce qu'a dit M. Berner, et j'étais... De nombreux toxicomanes sont passés d'Insite au Maple Ridge Treatment Centre. Je suis sobre depuis cinq ans et c'est grâce à eux.
    Je tiens à vous féliciter de vos cinq années de sobriété.
    Merci beaucoup, monsieur. J'en suis très fier.
    Vous avez raison de l'être.
    Vous avez parlé de mon grand ami Jésus à la fin de votre exposé, et vous avez semblé dire que vous saviez ce qu'il ferait. Je n'ai pas l'audace de faire une affirmation de ce genre, mais je sais pour avoir lu les Écritures que Jésus n'a jamais condamné les gens qui menaient des activités illégales, jamais. Il a rencontré les lépreux. Il a rencontré les fraudeurs fiscaux. Il a rencontré des femmes adultères. Son message a toujours été : Va, et ne pèche plus, n'est-ce pas?
(1600)
    Oui, monsieur.
    D'accord. Je ne vois donc rien dans les Écritures qui pourrait soutenir votre affirmation. Mais peu importe, je vais vous lire quelque chose.
    Premièrement, je vais faire un commentaire général. Je suis un peu déçu de certains exposés aujourd'hui, dans lesquels les gens se disent pour ou contre les mérites d'Insite. Je ne pense pas que ce soit le but de la réunion aujourd'hui. Nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-2, qui porte sur le respect et la protection des collectivités.
    La Cour suprême du Canada a rendu sa décision sur les sites d'injection supervisée comme Insite. Elle a confirmé que le ministre avait le pouvoir discrétionnaire d'accorder des exemptions mais a précisé que ses décisions devaient respecter la Charte canadienne des droits et libertés et tenir compte de la santé et de la sécurité publiques. Elle a énuméré les facteurs que le ministre doit prendre en considération au moment d'évaluer une demande, notamment « l'incidence d'un tel centre sur le taux de criminalité, les conditions locales indiquant qu'un centre d'injection supervisée répond à un besoin, la structure réglementaire en place permettant d'encadrer le centre, les ressources disponibles pour voir à l'entretien du centre et les expressions d'appui ou d'opposition de la communauté.  »
    Monsieur Wilson, la question que je veux vous poser est la suivante : est-il raisonnable de la part du gouvernement d'exiger que la communauté donne son avis sur les projets de création d'un site d'injection, étant donné en particulier que la Cour suprême a précisé dans sa décision que le ministre doit prendre en considération cet élément?
    Je pense qu'il est très important que la communauté ait son mot à dire, et notre communauté s'est prononcée.
    Nous avons 12 000 toxicomanes ici. Je peux vous l'affirmer, monsieur, aucun d'entre eux ne veut consommer ou pécher en consommant des drogues. Ils veulent tous se faire traiter, mais ils ne peuvent pas le faire, parce que le gouvernement n'investit pas suffisamment dans les traitements.
    Nous avons 12 000 toxicomanes dans le centre-ville de Vancouver, et nous avons 42 lits de désintoxication, monsieur. Comment fait-on pour régler ce problème? Que peut-on faire?
    D'autres témoins nous ont dit qu'il y avait des centres de traitement en place.
     Ma question était très simple. Est-il raisonnable de la part du gouvernement de demander l'avis de la communauté? Vous avez dit que cela l'était.
    Je pense que c'est très important.
    C'est juste.
    Monsieur Berner, j'aimerais vous poser une question aussi. Vous semblez appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle, même si vous n'avez pas vraiment parlé du projet de loi comme tel, qui vise à faire en sorte que les communautés puissent être consultées de différentes façons, avant qu'une demande soit présentée au ministre. Seriez-vous d'accord avec cela?
    Tout à fait. J'ai cité des éléments du projet de loi. C'est pourquoi je les ai cités. Je pense que les communautés doivent être consultées.
    Monsieur Falk, vous avez un problème ici dont vous n'êtes sans doute pas au courant. Les autorités sanitaires et de nombreux professionnels de la santé sont très arrogants. Ils vous diront d'aller de l'avant et de consulter la communauté, mais que ce sont eux les médecins et qu'ils savent mieux que quiconque ce qu'il en est.
    J'appuie le projet de loi et j'appuie l'idée que vous... Si Abbotsford, Laval ou tout autre ville au Canada veut ouvrir un centre de ce genre, donnons-lui un peu d'information et voyons si les habitants veulent d'un endroit du genre à deux pas de chez eux. À mon avis, 99 % des gens nous répondront d'aller nous faire voir et ils auront raison de le faire.
    Merci, monsieur Berner.
    Inspecteur Thompson, est-ce que vous trouvez que les 27 critères contenus dans le projet de loi que le ministre doit prendre en considération au moment d'accorder une exemption sont raisonnables?
    Je vais répondre à la lumière de discussions que j'ai eues par le passé avec d'autres services de police, et d'autres défenseurs — je vais les appeler ainsi — dans des villes partout au pays. Une des premières questions à se poser c'est toujours de savoir si les autorités locales appuient l'arrivée d'un service d'injection. D'après mon expérience, je pense essentiellement que sans cet appui, qui est fondamental en démocratie, la mise sur pied du centre sera très difficile.
    En ce qui a trait au projet de loi, je pense qu'il faut avoir l'avis de la communauté et l'avis de la police. Tout cela est très raisonnable, car en bout de ligne, comme je l'ai mentionné, il s'agit en quelque sorte d'une décision politique au niveau local. À Vancouver, il faut se rappeler qu'en 2002, nous avions trois partis municipaux aux élections, et les trois partis appuyaient le SIS. Le parti qui a remporté les élections était celui qui l'appuyait le plus vigoureusement, mais les trois partis appuyaient l'idée.
    Encore une fois, les électeurs de Vancouver à ce moment ne choisissaient pas — et le taux de participation avait été très élevé — un camp ou l'autre. Tous les partis appuyaient l'ouverture d'un tel centre.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Thompson.
    Nous passons maintenant à Mme Davies. Vous avez sept minutes.
    Dean, j'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue à Ottawa. Je suis très heureuse que nous ayons avec nous un habitant du quartier Downtown Eastside. Les années que vous avez passées à suivre ces causes et à travailler au sein du VANDU ont fait de vous en quelque sorte un héros dans notre communauté. Je sais que le tout a été très difficile pour vous personnellement par bout, mais vous n'avez jamais lâché prise. Je tenais donc à vous dire à quel point je suis fière du travail que vous avez accompli et de votre présence parmi nous aujoud'hui.
(1605)
    Merci. Je suis heureux d'être encore en vie pour être ici avec vous.
    Ce n'est pas un sujet nécessairement facile, comme vous avez pu le constater. Je suis profondément désolée que vous ayez eu à écouter les propos de M. Berner, sa façon de diaboliser les toxicomanes et Insite avec toute cette information...
    J'entends les commentaires de David depuis des années.
    Je suis d'accord avec M. Falk sur un point, à savoir que nous sommes ici pour parler du projet de loi C-2 et déterminer s'il répond aux critères établis par la Cour suprême du Canada.
    Je me souviens que vous étiez à la Cour suprême du Canada lorsque la décision a été rendue. Vous êtes impliqué dans le dossier depuis fort longtemps. Comme vous avez suivi le dossier de très près, une question que je me pose... Laissons de côté toutes les études. Comme vous le dites, il y a un nombre incroyable d'études qui appuient Insite, mais de toute évidence, certaines personnes ne croiront jamais toutes les preuves qu'elles ont devant eux. Au bout du compte, vous possédez beaucoup d'expérience directe et pas seulement de la procédure. Vous savez tout ce que nous avons fait à Vancouver. Il y a eu beaucoup de consultations publiques et parfois il était très difficile...
    J'y ai consacré sept ans de ma vie.
    C'était très difficile et il y avait beaucoup d'opposition. Je dirais que maintenant, dans l'ensemble, la plupart des gens appuient Insite et qu'ils voient le centre comme une partie de la solution...
    M. Dean Wilson : C'est exact.
    Mme Libby Davies : ...et non comme une partie du problème.
    En sachant ce que nous avons dû traverser la première fois, croyez-vous qu'il sera possible avec ce projet de loi de mettre en place un autre site d'injection sûr au Canada? Que pensez-vous de la démarche qui y est prévue?
    Eh bien, je trouve cela très intéressant. J'aimerais simplement mentionner qu'il y a une semaine, j'étais à un souper-rendez-vous, et tout à coup, je vois entrer le juge Pitfield, celui-là même qui a rendu la toute première décision à la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Il est le plus conservateur des juges de la Colombie-Britannique. Il s'est assis à côté de moi. Je lui ai dit : « Monsieur le juge », et il m'a répondu en riant « Monsieur Wilson ». Je lui ai alors posé la question suivante : « Quand avez-vous décidé qu'il s'agissait d'une question fondée? » Il m'a demandé si je me souvenais de la première heure du procès lorsqu'il avait demandé aux opposants si c'était une question médicale et ils tournaient autour du pot. Il leur a demandé à nouveau « Est-ce une question médicale? » Ils ont répondu oui. Il savait dès ce moment que les deux autres journées n'y changeraient rien.
    Je pense que le projet de loi C-2 multipliera les intervenants et qu'ils seront trop nombreux à pouvoir faire échouer un projet pour un caprice découlant d'un jugement moral. Je ne pense pas que ce soit juste. Neuf juges de la Cour suprême — un jugement unanime — ont statué qu'il s'agissait d'une question médicale et qu'elle devait être traitée comme telle. Cela était conforme aux lois canadiennes.
    Les gens qui se trouvent dans l'édifice n'enfreignent aucune loi canadienne. Si tout un chacun peut donner son opinion sans avoir vraiment un intérêt... Si vous vous rendez dans une ville où il y a de nombreux toxicomanes, vous constaterez que les gens veulent une solution. Je dis donc que les sites d'injection supervisée sont un premier pas pour régler le problème. Ils ne permettront pas de tout régler. En fait, l'injection que la personne reçoit, c'est probablement les premiers 20 ou 30 minutes qui vont changer sa vie. Il y a encore beaucoup à faire par la suite, mais si on ne peut pas lui donner ces 20 premières minutes, où va-t-elle aller?
    J'ai parfois l'impression que des gens pensent qu'Insite est né de nulle part, mais en fait, il y avait déjà une procédure prévue dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui autorisait le ministre à accorder une exemption. Ce n'est pas comme s'il y avait un vide. Il y avait déjà une procédure qui existait...
    Tout à fait.
    ... et Insite a dû la suivre.
    L'exemption pour Insite vient d'être renouvelée, ce qui est bien; je ne sais pas pour combien d'années. D'après vous, si Insite avait été assujetti à ce projet de loi, quelles auraient été les chances que sa demande soit approuvée? Si on tient compte des 26 critères, et d'autres aussi si le service existe déjà, en plus des principes, quelles auraient été les chances que la demande soit approuvée?
    Elles auraient été aussi nulles que les chances de survie des quatre toxicomanes qui sont décédés la semaine dernière à Vancouver et qui auraient pu utiliser Insite.
    Merci.
    Est-ce qu'il me reste un peu de temps?
    Oui, il vous reste un peu moins de deux minutes.
    D'accord.
    Monsieur Thompson, je suis tombée sur un article paru dans The Province il y a quelque temps dans lequel le Service de police de Vancouver mettait en garde les toxicomanes contre des drogues très dangereuses vendues dans la rue et leur conseillait de se rendre à Insite. Malheureusement, nous avons souvent été mal informés par des représentants des services de police qui sont venus témoigner au comité, et c'est pourquoi je veux vous demander s'il arrive souvent au Service de police de Vancouver et à ses agents qui sont sur le terrain d'encourager des toxicomanes à utiliser Insite et, lorsqu'il se passe des choses particulièrement terribles dans la rue, de publier un avis pour encourager les toxicomanes à se rendre à Insite? Est-ce fréquent?
(1610)
    Oui. Nous travaillons en très étroite collaboration avec Insite. Honnêtement, dans cette dernière crise — une enquête est encore en cours à ce sujet — nous avons certainement travaillé avec Insite pour faire passer le message dans la rue concernant la mauvaise drogue. C’était un élément crucial de notre stratégie de communication. Nous pouvons transmettre le message en passant par les médias, mais est-ce que ces personnes très marginalisées de la population vont entendre l’avertissement dans les médias? Il est plus probable qu’elles vont l’entendre de quelqu’un qui travaille à Insite et qu’elles auront peut-être plus tendance à y prêter attention.
    Alors oui, Insite est un élément crucial de toute stratégie que nous mettons en œuvre.
    D’accord.
    Nous allons maintenant passer à M. Carmichael, s’il vous plaît. Vous disposez de sept minutes, monsieur.
    Je remercie nos témoins d’aujourd’hui.
    Monsieur Wilson, je vais m’adresser à vous en premier.
    Vous avez commencé par mentionner que vous étiez très nerveux. Félicitations. Vous avez fait votre exposé. Bravo.
    Merci.
    Je vous félicite aussi du fait que vous êtes sobre depuis cinq ans.
    Merci, monsieur.
     J’aimerais vous poser une question. Compte tenu du fait que le projet de loi C-2 met tellement d’accent sur le processus de consultation pour savoir si les gens sont d’accord avec le fait d’établir un centre de consommation, un site d’injection, dans leur collectivité, à votre avis, faut-il tenir compte des points de vue des gens de la collectivité dans le processus de demande d’établissement de ces sites d’injection?
    Qu’entendez-vous par « collectivité »?
    Quelqu’un a parlé d’Abbotsford. Disons qu’un groupe va à Abbotsford, et cherche une façon d’établir un centre similaire à Insite dans la collectivité d’Abbotsford. Est-ce que la collectivité, est-ce que les familles, les gens qui vivent dans les quartiers où le groupe souhaite construire le centre, devraient pouvoir exprimer leur point de vue à ce sujet?
    Bien sûr. Toutefois, à mon avis, les points de vue de toutes ces personnes ne devraient pas avoir plus de poids que ceux des médecins ou des policiers.
    Non. Je comprends ce que vous dites concernant le milieu médical. Cependant, dans le cadre du processus de consultation, est-ce que les familles, les gens de la collectivité qui hériteront de cette nouvelle installation, devraient avoir la possibilité d’accepter ou de rejeter le projet en se fondant sur les critères établis?
    Vous me posez une question très difficile, monsieur. D’abord, ces gens ne sont peut-être pas bien informés et ensuite, compte tenu de la manière dont les toxicomanes sont diabolisés dans les médias — comme c’est le cas dans les programmes de David Berner qui passent à la télévision chaque semaine —, nous n’aurions aucune chance. Nous sommes diabolisés dans les médias et nous ne pouvons rien faire sur ce plan. La plupart des gens dans les collectivités pensent que nous sommes des personnes horribles, et que tout ce que nous voulons faire, c’est de cambrioler leurs maisons et tout le reste.
    Si c’est de cette collectivité que vous parlez, je dis non. À moins que les gens soient sensibilisés…
    Je parle de la collectivité en général. Tout le monde doit pouvoir exprimer son point de vue. Si vous venez dans ma ville ou dans la ville de quelqu’un d’autre en vue d’établir ce…
    Oui, la collectivité devrait avoir…
    … et nous devons écouter tous les différents points de vue.
    Oui, tous les points de vue…
    Quelqu’un doit trancher et dire oui ou non, en se fondant sur ce qui a été dit.
    D’accord. Oui, la collectivité devrait pouvoir se prononcer. Oui, monsieur.
    Parfait. Cela dit, monsieur Berner, la semaine dernière, nous avons entendu des témoins parler tout particulièrement du quartier qui entoure Insite, qui comprend plusieurs pâtés de maisons. Ils ont parlé de la présence de déchets liés aux drogues jetés de manière inadéquate. Nous avons entendu dire que le quartier qui est essentiellement centré à quelques pâtés de la maison Insite attire le commerce de la drogue.
     Quand nous parlons des critères à partir desquels la ministre devra prendre la décision d’établir ou non un de ces centres, d’après vous, est-ce que les exigences relatives aux renseignements qui doivent être fournis à la ministre de la Santé sont trop draconiennes? Ou alors, atteignent-elles un juste équilibre pour veiller à ce que l’on consulte la collectivité de façon adéquate? Je pense aux témoignages que nous avons déjà entendus, que vous avez probablement lus. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
(1615)
    Je ne pense pas qu’elles soient trop draconiennes. Je pense qu’il faudrait fignoler quelques détails mineurs, comme le fait que, si quelqu’un va travailler dans un site, il faut s’assurer qu’il n’a pas eu de démêlés avec la police depuis 10 ans. Je pense que c’est trop draconien, parce que, souvent les personnes les mieux qualifiées pour travailler avec des toxicomanes sont celles qui sont sobres depuis trois mois, six mois ou… J’ai déjà embauché un type de la Californie, et j’ai été contraint d’obtenir une permission spéciale du gouvernement conservateur de l’époque pour le faire venir au Canada.
    Non, à mon avis, elles ne sont pas trop draconiennes. Par contre, laissez-moi vous dire quelque chose au sujet de mon témoignage. Des gens ici disent que je diabolise les toxicomanes, mais a), j’ai créé le premier centre de traitement au Canada en 1967 et b), je travaille auprès des toxicomanes toutes les semaines. J’ai des gens qui viennent pleurer dans mes bras et je les aide à surmonter leurs traumatismes. Je ne diabolise pas les toxicomanes. J’ai aidé des milliers de toxicomanes à sortir de leurs dépendances et à devenir sobres. Il est très facile pour les Libby Davies et les Dean Wilson du monde de dire « Oh oui, c’est simplement un gars qui diabolise les toxicomanes ». C’est affreux.
    Monsieur Berner, je n’ai pas beaucoup de temps, et je ne veux pas alimenter la confrontation pour qu’elle soit pire qu’elle ne l’est déjà.
    D’après vous, est-ce que les 27 critères prévus s’alignent adéquatement sur ceux dont la Cour suprême a établis comme étant les critères dont il faudrait prendre en compte?
    Je pense que oui. Je les ai lus très attentivement. Je crois qu’ils sont tout à fait raisonnables.
    D’accord. Merci beaucoup.
    Vous demandez…
    D’accord?
    Oui, c’est seulement que.... Nous disposons d’un temps limité.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste une minute et demie, monsieur.
    Monsieur Thompson, je vais m’adresser à vous pendant une minute et demie.
    Si une collectivité rejetait à l’unanimité une proposition d’établir un site d’injection, comment proposeriez-vous que la ministre réagisse à cela?
    Comme je l’ai dit plus tôt, je pense que, à certains niveaux, tout dépend réellement de l’appui de l’administration municipale. Insite n’aurait jamais vu le jour si cela n’avait pas été de l’appui du conseil municipal et du maire, tant de l’administration précédente que de l’administration suivante du maire Campbell.
    Honnêtement, à certains niveaux, si un projet est rejeté par la collectivité et qu’il ne bénéficie pas de l’appui de l’administration municipale, il serait très difficile de le mettre en œuvre, parce qu’il faut réellement... Ce qui est arrivé à Vancouver, c’est que les citoyens ont accepté le fait que, pour bien des raisons, il vaudrait la peine de faire un essai et de voir ce qu’un tel site donnerait. Encore une fois, il est toujours important d’obtenir l’appui des gens de la collectivité.
    J’ai une dernière question pour vous, monsieur Thompson.
    D’après vous, est-ce que les critères qu’on propose, les 27 critères, s’alignent adéquatement sur ceux dont la Cour suprême a établi comme étant les critères dont il faudrait prendre en compte?
    La seule chose qui m’inquiète, c’est que je me demande si nous mettons la barre trop haute. De toute évidence, il s’agit de critères importants, mais est-ce que la barre a été mise si haute qu’il sera très difficile d’ouvrir quelque centre que ce soit?
    Au cours des dernières années, au Service de police de la ville de Vancouver, nous avons également mis beaucoup d’accent sur la santé mentale et les établissements de soins psychiatriques, notamment des logements subventionnés. Il faut mettre en place un processus de consultation à ce sujet, mais, en définitive, à certains niveaux, s’il existe un problème de santé publique d’ordre médical, parfois il faut prendre des décisions difficiles, tant au sujet des gens de l’endroit qu’au sujet des gens des régions environnantes. Une partie de notre rôle en tant que policiers consiste à aider les gens et à travailler ensemble pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité publique qui peuvent être occasionnées par l’ouverture d’un tel site dans n’importe quel endroit. Encore une fois, ce qui me…
    Merci beaucoup, monsieur Thompson. Merci, monsieur Carmichael.
    Je vous cède maintenant la parole, madame Fry.
    Dean, vous avez très bien fait. Je tiens à vous féliciter du travail que vous accomplissez pour faire connaître votre situation et pour vous assurer que tous ceux qui vous voient sachent qu’il est possible pour quelqu’un de bénéficier d’un site d’injection sécuritaire.
    Oui, c’est possible. Vous vous souvenez de moi, il y a 15 ans.
    Bien sûr.
    N’importe quelle personne qui m’a vu à cette époque et qui me voit maintenant…
    Oui, en effet.
    Je pense que c’est une bonne idée de se pencher sur le projet de loi même, pour déterminer s’il est convenable ou non, ou s’il va trop loin. Il ne va pas trop loin. La décision de la Cour suprême dit que « le ministre doit se demander si le refus d’une exemption porterait atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes autrement qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Le ministre doit toujours établir un juste équilibre entre les droits garantis par la Charte, et l’article 7 de la Charte, avec d’autres facteurs comme celui de décider si les répercussions d’une telle installation sur les taux de criminalité… et, à mon avis, il est absolument approprié pour les policiers de fournir certains renseignements à ce sujet.
    Est-ce que les conditions locales montrent qu’un tel site d’injection supervisé est nécessaire? Il s’agit d’une décision concernant la santé publique, qui tient compte notamment des risques du VIH/sida et de l’hépatite C, tout comme la police pourrait parler de criminalité. Du côté de la structure réglementaire qui est en place pour appuyer l’installation, tout est beau. La Cour suprême en parle. Les ressources disponibles pour assurer son entretien viennent du ministre provincial de la Santé et de la municipalité. Essentiellement, on demande si de tels systèmes de soutien sont en place. Et, bien sûr, il y a l’appui de la collectivité.
    Il existe environ 5 éléments. Je les vois comme étant 5 critères, pas 26 ou 27 critères. Si le ministre provincial de la Santé sait qu’il a tout cela, c’est à lui à le dire et à aller de l’avant, notamment pour embaucher les gens qui feront le travail.
    Je sais que vous n’êtes pas en désaccord avec ces cinq facteurs, mais croyez-vous réellement qu’ils sont trop interventionnistes et qu’ils vont trop loin?
(1620)
    Je vais répéter ce que l'inspecteur Scott Thompson vient de dire. On place la barre si haut que cela ne se fera jamais. Si vous lisez le jugement de la Cour suprême, vous verrez que ces exigences étaient formulées selon un cadre. La cour a statué que notre droit à la santé doit être mis en équilibre avec les lois du Canada. Si vous alliez au quartier centre-est et que vous voyiez ces 4 000 à 12 000 toxicomanes, peu importe le chiffre, vous vous diriez: « Mon Dieu, on a besoin du centre d'injection supervisée, parce que cette situation est déplorable et elle se détériore de jour en jour. » Comme Scott l'a dit, les forces de l'ordre collaborent avec nous là-bas.
    Selon moi, le nouveau projet de loi C-2 imposera des exigences si rigoureuses que nous ne serons jamais en mesure d'offrir ce service à d'autres collectivités. Ce n'est pas la solution dans toutes les villes, mais dans certains endroits, c'est bien le cas. Je connais un endroit à Toronto où on en aurait besoin. Je connais un autre endroit à Montréal où un tel service pourrait s'imposer. Ce ne sont là que deux villes que j'ai visitées. Je ne sais pas si Abbotsford en a besoin pour l'instant, mais pour des villes comme Toronto et Montréal où il y a certains quartiers, je suis sûr que les gens locaux diraient: « Oui, essayons quelque chose, parce que toutes les autres solutions n'ont pas fonctionné. »
    Je pense qu'il y a eu beaucoup de consultations publiques. Après tout, j'étais là.
    Exactement.
    À l'époque, j'étais la ministre chargée précisément du quartier centre-est, et c'est ainsi que j'ai appris la nouvelle.
    Monsieur Berner, vous avez parlé du conflit d'intérêts dans lequel se trouvent certains médecins, le Dr Montaner et les autres qui ont réalisé ce projet. Pensez-vous qu'il y a un conflit d'intérêts lorsque le jour même où la ministre a présenté ce projet de loi, son parti a envoyé une lettre de collecte de fonds à ses partisans pour les informer que ce projet de loi visait à empêcher les toxicomanes de traîner dans leur quartier? Trouvez-vous qu'il s'agit d'un conflit d'intérêts?
    Aussi, vous avez dit que vous dirigez un centre de traitement. Il s'agit d'un centre de traitement privé, ce qui signifie que vous faites de l'argent. Croyez-vous qu'il y a un conflit d'intérêts, puisque le centre Insite pourrait encourager les gouvernements à installer des centres de traitement publics plutôt que privés? Pensez-vous qu'il s'agit là de conflits d'intérêts? Vous semblez en savoir long sur les conflits d'intérêts, monsieur Berner.
     Permettez-moi de répondre à votre deuxième question en premier.
    Je ne dirige pas de centre de traitement privé. Je travaille à un centre de traitement privé, et je connais bon nombre des centres de traitement sans but lucratif, avec lesquels je collabore d'ailleurs souvent. Ce n'est pas un conflit d'intérêts. Mon objectif, c'est d'appuyer la prévention et le traitement.
    Pour ce qui est de votre première question, je ne suis pas prêt à participer à vos tactiques politiques, madame Fry; vous vous débrouillez bien.
    Je regrette que vous ne puissiez pas répondre à cette question. Vous semblez vous y connaître en matière de conflits d'intérêts.
    Dans ce cas-là, j'aimerais vous parler du service de police de Vancouver, parce que je crois que les policiers envoient les gens à Insite dès qu'ils trouvent un problème de drogue dans les rues.
    Quand je suis allée en Suisse et en Allemagne pour visiter certains des sites qui ont été créés là-bas, nous avons accompagné les policiers durant leurs patrouilles dans les rues, et ils ont fait la même chose. Dès qu'ils trouvaient un vrai problème susceptible de nuire aux toxicomanes dans les rues ou aux utilisateurs, surtout en ce qui concerne les drogues intraveineuses, ils les envoyaient immédiatement à ces centres d'injection supervisée. Je pense que c'est une façon d'essayer de réduire les torts causés aux personnes.
    En tout cas, je tiens à vous féliciter de ce que vous dites avoir fait, parce que je trouve qu'il est vraiment important que la police soit là non seulement pour mettre la main sur les criminels, mais aussi pour protéger les gens. C'est une source de protection vraiment solide.
    Je sais que vous êtes quelque peu d'accord avec moi pour dire que la liste de critères est si contraignante que personne ne serait en mesure de les remplir. Pouvez-vous me dire un peu de quoi avait l'air le milieu de la drogue à Vancouver et me parler de la situation actuelle dans cette petite bulle?
(1625)
    Je regrette, mais votre temps est écoulé. Nous aurons à demander une réponse plus tard.
    Nous passons maintenant à Mme Doré Lefebvre.
    J'en suis désolée, Scott.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Wilson, vous pouvez prendre votre temps pour placer votre écouteur parce que je vais commencer par M. Thompson.
    J'ai une brève question à vous poser. Je proviens de la région de Montréal. Les organismes communautaires, conjointement avec le Service de police de la Ville de Montréal, le maire de la Ville et le gouvernement du Québec ont rendu public un rapport en 2011 intitulé Rapport de l’étude de faisabilité sur l’implantation d’une offre régionale de services d’injection supervisée à Montréal. Tous ont été consultés et tous étaient d'avis qu'il faut s'assurer d'avoir des sites d'injection supervisée à Montréal. Cela s'inscrit entre autres dans le cadre du plan d'action en itinérance de la Ville de Montréal.
    Avez-vous entendu parler du projet d'implantation de sites d'injection supervisée à Montréal? Si vous le connaissez, que pensez-vous de ce projet?

[Traduction]

    Pour vous dire franchement, je n'aime pas me prononcer là-dessus, parce que je ne connais pas les détails. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous sommes réticents à faire des observations, parce que chaque ville, petite ou grande, a ses propres problèmes et préoccupations. Nous connaissons vraiment la situation à Vancouver. Nous n'aimons pas nous prononcer sur d'autres villes et sur les solutions qu'elles ont adoptées parce que, bien franchement, c'est à elles — en l'occurrence, c'est à Montréal — de prendre leurs propres décisions et de mettre en oeuvre leur propre processus.
    Elles peuvent nous poser des questions. J'ai certainement communiqué à la police de Montréal nos plans opérationnels et policiers de 2013 sur les services d'injection supervisée afin de l'aider, espérons-le, si jamais la ville décide d'emprunter cette voie, à fournir des services de sécurité publique près d'un site particulier.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Thompson.
    Monsieur Wilson, je vous remercie beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Je vous félicite pour vos cinq ans de sobriété. C'est un véritable plaisir de vous recevoir.
    Avez-vous des commentaires à formuler sur le fait que le Service de police de la Ville de Montréal, le maire, le gouvernement du Québec et les organismes régionaux se sont entendus pour qu'il y ait des sites d'injection supervisée à Montréal? Que pensez-vous de cette situation?

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord. J'ai en fait travaillé avec Cactus, le groupe de personnes chargées de l'enquête. Je suppose que le gouvernement lui a demandé d'être l'organisme de premier plan à Montréal. Je suis allé à Montréal à maintes reprises et j'ai travaillé avec Cactus. Vous savez, il suffit de se rendre jusqu'à la rue St-Hubert pour s'apercevoir que ce serait une place idéale où installer un centre d'injection supervisée, et je pense que ces gens font ce qui s'impose. Je crois également que l'une des solutions qu'ils envisagent, soit l'unité mobile, est une très bonne idée. Ainsi, si une région était du coup envahie par un problème de drogue, on pourrait se rendre là-bas et appliquer une mesure provisoire sur-le-champ, pendant qu'on met en place d'autres services connexes.
    Il est vraiment important d'amener les gens à participer à ce niveau-là. Les gens dans les rues sont tellement paranoïaques. C'est drôle; ils ont changé d'avis au sujet de la police à Vancouver grâce à des gens comme Scott Thompson et son équipe, mais ils entretiennent une paranoïa à l'égard de la police, du gouvernement et de tout le reste, parce qu'ils s'imaginent qu'on cherche seulement à les mettre en prison ou peu importe. Voilà pourquoi ces gens ne veulent pas qu'on les aide, d'où la très grande difficulté à les rejoindre. Une unité mobile, selon moi, serait une excellente façon d'amener les gens à participer à l'aspect médical de leur toxicomanie.
    Il m'a fallu 30 ans pour franchir les portes et me dire enfin: « Je peux faire ça; j'ai besoin d'aide. » J'ai essayé bien d'autres fois et, d'habitude, il y avait un délai d'attente de deux ou trois semaines. Entretemps, mes circonstances avaient changé et, vous savez, j'étais parti.
     Selon moi, ce que font la ville de Montréal et le gouvernement du Québec dans son ensemble, c'est vraiment une bonne idée.
(1630)
    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

     Merci. Je vais vous poser rapidement une autre question.
    À Montréal, 68 % des utilisateurs de drogues ont l'hépatite C. Pensez-vous que ces personnes pourraient bénéficier de ce genre de service, qu'il soit mobile ou établi à un endroit?

[Traduction]

    Oui, je fais moi-même partie de ces 68 % qui ont l'hépatite C. En fait, j'ai gagné la loterie du VIH, comme je me plais à l'appeler. Mais oui, une des caractéristiques de l'hépatite C par rapport au VIH, c'est que la maladie dure plus longuement, qu'elle est plus chronique, ce qui entraîne des coûts pour le gouvernement... Si on pense que le VIH est un vrai danger pour la santé, attendez que l'hépatite C se mette à toucher les quartiers. Ce virus voyage d'une collectivité à l'autre beaucoup plus rapidement que le VIH. Ce sera une catastrophe sur le plan de la santé. Par contre, si nous avions une unité mobile ou quelque chose de ce genre, nous pourrions commencer à apprendre à ces gens comment faire face à la maladie.
    Merci beaucoup, monsieur Wilson.
    Nous remercions infiniment nos témoins d'aujourd'hui, M. Wilson, M. Thompson et M. Berner, d'avoir été des nôtres. Vous êtes libres de partir maintenant.
    Avant de suspendre la séance pour permettre aux autres témoins de s'installer, j'aimerais signaler aux membres du comité que j'ai reçu une déclaration et quelques renseignements de suivi de la part de Mme Landolt, mais les documents n'ont pas été traduits. Ils sont ici, en ma possession, et ils resteront là jusqu'à ce qu'ils soient traduits ou jusqu'à ce que je reçoive des précisions.
    Sur ce, nous allons suspendre brièvement la séance, le temps de permettre aux autres témoins de prendre place.

(1635)
    Chers collègues, nous allons reprendre nos travaux. C'est la deuxième partie de notre réunion, mais ce sera un peu moins qu'une heure. Nous nous excusons pour ce léger retard. Nous avons eu des difficultés avec la vidéoconférence, mais nous avons réussi à établir la connexion et notre séance est maintenant diffusée en direct.
    Au nom du comité, j'aimerais inviter les témoins à faire une brève déclaration d'une durée maximale de 10 minutes ou, espérons-le, moins. Ensuite, nous passerons à la période des questions.
    Pour cette deuxième heure, nous accueillons Adrienne Smith, avocate de la santé et de la politique des drogues au sein de la Pivot Legal Society. Nous recevons également Barry Lebow, fondateur de la Society of Accredited Senior Agents.
    Se joint aussi à nous, par vidéoconférence depuis Vancouver, Donald MacPherson, directeur exécutif de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues.
    Le temps nous presse, mais comment ai-je pu oublier M. Tom Stamatakis, de l'Association canadienne des policiers? Bienvenue.
    Nous allons vous entendre dans l'ordre dans lequel je vous ai présentés. C'est donc Adrienne Smith qui commence.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.
    D'entrée de jeu, je tiens à dire qu'il s'agit d'un mauvais projet de loi. Du point de vue juridique, le projet de loi est une réponse hyperbolique à une question de droit subtile. Il ne résistera probablement pas à un examen sur le plan constitutionnel et il ouvre la porte à une contestation judiciaire coûteuse et inutile en vertu de la Charte.
    En tant que représentante de la Pivot Legal Society, une organisation qui utilise le droit pour s'attaquer aux causes fondamentales de la pauvreté et de l'exclusion sociale au Canada, j'estime que le projet de loi restreint l'accès à un service de santé éprouvé, ce qui aura pour conséquence d'exposer certains des Canadiens les plus vulnérables à des souffrances inutiles.
    J'aimerais utiliser une partie de mon temps pour corriger quelque chose que la ministre de la Santé a dit lundi. Elle a parlé de la nécessité du projet de loi, et elle a dit que le projet de loi C-2 s'imposait en raison de la décision de la Cour suprême du Canada. Malgré tout le respect que je lui dois, la ministre se trompe.
    Je propose de passer en revue brièvement la décision de la Cour suprême du Canada pour montrer que le projet de loi C-2 s'éloigne considérablement des directives de la cour et pour présenter certaines des conséquences de l'entrée en vigueur du projet de loi.
    Je ne crois pas que le comité ait besoin de précisions au sujet de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, mais je dois dire qu'il s'agit d'une loi pénale d'ordre général. Les exemptions aux termes de l'article 56 suspendent le champ d'action de cette loi dans certaines circonstances, et c'est grâce à une telle exemption que le centre Insite existe à l'heure actuelle. Aux termes d'une exemption prévue à l'article 56, l'application de la loi est suspendue.
(1640)

[Français]

     Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile vous a parlé la semaine dernière de 101 endroits où les consommateurs de drogues pouvaient agir illégalement. Or, contrairement à ce qu'il a dit, en termes techniques, la loi est suspendue et non pas transgressée.

[Traduction]

    Cet article a fait l'objet d'un arrêt de la Cour suprême du Canada: l'arrêt PHS c. Canada. On y trouve un certain nombre de conclusions très claires: que les services d'injection supervisée sont des soins de santé; que les utilisateurs de drogues injectables s'exposent à des préjudices en raison de leur maladie, préjudices qui se rapportent à leurs droits garantis par la Charte; et que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, comme nous l'avons entendu à maintes reprises, a un double objectif: protéger la santé et la sécurité publiques. De plus, la ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire dans les limites de la Charte, et elle doit établir un juste équilibre entre ces deux objectifs.
    Dans le contexte d'Insite — et c'est là l'objet de la décision PHS —, lorsqu'il n'y a aucune preuve de menace pour la sécurité publique, les exemptions doivent être accordées en règle générale, presque par présomption. Pour s'assurer que son pouvoir discrétionnaire n'entraîne pas de décisions arbitraires, la ministre doit tenir compte, le cas échéant, de cinq facteurs permissifs, ayant une portée très étroite. C'est tout ce qui est requis.
    Le projet de loi C-2 s'en écarte considérablement. Au lieu de respecter l'exigence, établie par la cour, selon laquelle les exemptions doivent être accordées en règle générale, le projet de loi repose sur la présomption que les exemptions seront refusées. Le projet de loi fait fi de l'exigence selon laquelle, aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, il faut établir un juste équilibre entre la santé et la sécurité publiques, car les services d'injection supervisée sont considérés comme une question étroite de sécurité publique, et ce, de façon tout à fait négative. De plus, le projet de loi crée 26 critères impossibles à partir des 5 facteurs permissifs établis par la cour, ce qui aura pour conséquence de limiter la disponibilité de ce service de santé nécessaire.
    En tout respect, le projet de loi C-2 répond davantage à l'aversion du gouvernement fédéral pour ce genre de service de santé qu'aux critères établis par la cour. Les résultats de cette mesure sont problématiques et inconstitutionnels. Le projet de loi C-2 aura pour effet de faire échouer le processus de demande, de compliquer la tâche des fournisseurs de soins de santé, de restreindre l'accès aux services d'injection supervisée et de réduire les probabilités que d'autres centres soient approuvés à l'avenir.
    Pour les raisons qui sont exposées dans le mémoire que je vous ai remis et que les gens à la maison peuvent télécharger sur le site web du Parlement, le projet de loi s'attaque de front à un certain nombre d'autres dispositions constitutionnelles qui représentent le fondement juridique de notre pays.
    C'est important pour deux raisons. Il y a deux séries de conséquences qui découleront de ce projet de loi, la première étant d'ordre juridique. Le projet de loi C-2 ne résistera pas à un examen sur le plan constitutionnel. Il ouvrira la porte à une contestation longue et inutile fondée sur la Charte et à une longue série de litiges sur une question de droit qui est déjà établie, et le tout se fera selon un cadre législatif qui est sans doute pire que celui dénoncé par la Cour suprême du Canada. Si la décision concernant Insite reposait sur la question de savoir comment une initiative destinée à empêcher l'accès à des services d'injection supervisée brime les droits des toxicomanes garantis par la Charte, il est difficile de comprendre pourquoi ce ne serait pas exactement la même chose dans ce cas-ci.
    Le deuxième résultat du projet de loi C-2 sur le plan de la santé publique est sans contredit plus important. L'adoption du projet de loi C-2 aura des conséquences dévastatrices et inadmissibles pour les Canadiens les plus vulnérables, qui sont des membres de nos collectivités. Les obstacles créés par ce projet de loi à l'accessibilité de soins de santé qui sauvent des vies permettent à une crise déchirante de la santé publique de perdurer pour des motifs d'ordre public et exposent les patients et les collectivités à des risques d'infection, de souffrance et de décès.
    J'habite à trois coins de rue d'Insite dans le quartier centre-est de Vancouver. Au cours de la fin de semaine de l'Action de grâce, pendant que des Canadiens en meilleure santé étaient assis à table, en train de manger de la dinde, des trafiquants de drogue vendaient dans les rues un opioïde, appelé fentanyl, et disaient qu'il s'agissait d'héroïne. Il est difficile de différencier les deux, mais le fentanyl est beaucoup plus puissant que l'héroïne.
     En conséquence, le lundi, jour de l'Action de grâce, 10 personnes ont fait une surdose; la veille, le dimanche, il y a eu 16 cas de surdose, et 5 autres le surlendemain. Tous ces cas ont eu lieu au centre Insite. Parmi les personnes qui ont fait une surdose à Insite, aucune n'est morte. Malheureusement, d'autres ont perdu la vie. Je crois comprendre qu'il y a eu deux décès: une jeune femme et un homme du nom de Tony Snakeskin. Mon collègue, M. Wilson, m'informe qu'en fait, il y en a eu quatre. Ces gens sont morts parce qu'ils étaient seuls et qu'ils n'avaient pas accès à des soins médicaux.
    Cette question touche non seulement Vancouver, mais aussi l'ensemble des collectivités canadiennes. Au cours de l'été 2014, l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a enquêté sur 83 surdoses, dont 25 se sont avérées mortelles. Dans d'autres quartiers du pays, des milliers de personnes sont décédées et d'innombrables autres mourront sans accès à des services d'injection supervisée qui, de l'avis de la cour, sont nécessaires.
    Pour conclure, je dirai que le projet de loi C-2 va à l'encontre de ce que la cour a ordonné. Ce projet de loi est inconstitutionnel, et il laissera mourir des gens.
(1645)

[Français]

     Comme je viens de le mentionner en anglais, la ministre de la Santé vous a dit que l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society vous oblige à adopter ce projet de loi. Je vous dirai avec respect qu'elle n'a pas raison.
    Ce que la décision indique, c'est que les droits des consommateurs de drogues sont protégés par la Charte et que la ministre doit accorder une exemption pour permettre qu'il y ait des sites de consommation supervisée.
    Le projet de loi C-2 pourrait entraîner des poursuites judiciaires inutiles, car ce gouvernement ne peut supporter que ce genre de soins existe. En attendant, nos voisines et nos voisins perdront la vie. C'est inconstitutionnel et on ne peut pas cautionner une telle chose.

[Traduction]

    Le projet de loi stipule tacitement que le gouvernement fédéral n'attache aucune importance à la vie des personnes qui consomment de la drogue et dont ce service pourrait sauver la vie.
    Voilà donc ce que je propose en réponse à votre question.
    Merci beaucoup, madame Smith.
    Nous entendrons maintenant M. Lebow.
    Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, j'ai le rôle aujourd'hui de vous parler de dépréciation et des stigmates du point de vue du secteur immobilier.
    Je m'appelle Barry Lebow et je viens de Toronto. Je suis un professionnel en immobilier depuis 1968. J'en suis à ma 47e année dans ce secteur. Je vais m'abstenir de vous énumérer mes antécédents et mes réalisations et me contenterai de vous dire que j'ai témoigné à plus de 500 procès un peu partout au Canada et aux États-Unis. Un grand pourcentage de ces procès étaient des affaires concernant la dépréciation et les stigmates dans le secteur immobilier au cours des années où j'étais évaluateur. Étant donné qu'environ 10 % des causes qui se rendent devant les tribunaux et que la majorité sont réglés à l'amiable, j'ai probablement rédigé des milliers de rapports qui se sont retrouvés devant des tribunaux de partout dans le monde. Il y a quelques années, la section de Toronto de l'Institut canadien de l'immeuble m'a décerné le Certificat pour service méritoire. J'ai obtenu 14 désignations dans le domaine de l'immobilier, et 4 dans le domaine de l'évaluation. J'ai pris ma retraite de la profession d'évaluateur membre de l'Institut canadien des évaluations, que j'ai exercée à temps plein pendant 30 ans.
    À l'heure actuelle, je passe le plus clair de mon temps à travailler avec des agents principaux au Canada. Je suis le fondateur de l'Accredited Senior Agent Designation Program pour les Canadiens, qui compte maintenant plus de 3 000 membres d'un bout à l'autre du pays.
    Au cours de ma carrière d'évaluateur, l'urée-formaldéhyde a été interdite au Canada dans les années 1980, en vertu de la Loi sur les produits dangereux. Mais quel est le rapport avec le sujet à l'étude? Entre 80 000 et 100 000 maisons au Canada ont été isolées à la MIUF, et la majorité des gens paniquaient parce qu'ils pensaient que leur maison allait perdre de la valeur. Les tribunaux ont conclu, surtout au Québec, qu'aucune donnée scientifique ne prouve que la MIUF peut causer des problèmes de santé, mais allez dire cela aux propriétaires de maisons isolées à la MIUF. Ils croient ce qu'ils entendent. Les acheteurs aussi.
    Au début — et c'est ainsi que j'ai commencé à travailler dans ce secteur —, j'ai dû collaborer avec la SCHL en tant que conseiller pour évaluer les pertes de valeur des maisons isolées à l'urée-formaldéhyde et l'effet des stigmates, et ce, même si les gens avaient retiré l'isolant. Les maisons ont fini par se vendre. J'ai retracé des milliers de maisons du sud de l'Ontario, et j'ai finalement travaillé sur environ un millier de dossiers mettant en cause l'urée-formaldéhyde, dont environ 70 ont été entendus par différentes cours de la province de l'Ontario.
    Je m'étais trouvé une nouvelle vocation: les stigmates. Par défaut, les stigmates sont essentiellement théoriques. C'est simple. C'est une dépréciation qui subsiste après qu'un problème soit réglé. Je dis toujours que je suis probablement le chef de file en la matière au Canada, car personne d'autre ne veut se spécialiser dans ce genre de secteur. J'ai participé à des conférences et à des affaires concernant l'amiante, des hydrocarbures et des contaminations de toutes sortes, des suicides, des meurtres et même des maisons hantées. J'enseigne un cours intitulé « La vente de la maison hantée ou l'incidence des stigmates sur le bien immobilier », dans lequel j'explique aux agents d'immeubles ce qu'ils doivent divulguer aux acheteurs.
    Vous vous demandez peut-être ce qu'une maison hantée a à voir avec le dossier à l'étude. L'une des causes les plus célèbres en Amérique du Nord était celle du fantôme de Nyack. C'est une affaire très fascinante car une personne a acheté une maison et on ne lui a pas dit qu'elle était apparemment la maison la plus hantée aux États-Unis. L'acheteur a amené l'affaire en cour et n'a pas eu gain de cause. Il n'était pas satisfait de cette décision. Il a porté l'affaire devant la Cour suprême de l'État de New York, qui a décrété que les maisons hantées existent puisque les gens veulent croire qu'elles existent.
    Cette décision nous a amenés à examiner en quoi consistent les stigmates dans le secteur immobilier. Bill Mundy, un professeur bien connu dans l'État de Washington, a dit un jour que les stigmates n'ont pas besoin d'être réels pour se matérialiser. C'est aussi simple que cela. C'est une question de perception.
    Lorsque j'étais enfant, Ralph Nader a publié un livre intitulé Unsafe at Any Speed. Il a dit que la Corvair était le véhicule le plus dangereux en Amérique du Nord. On a enquêté pendant plusieurs années. À la fin, on a conclu que cette marque n'était pas plus ni moins sécuritaire que n'importe quelle autre voiture. Lorsque cette nouvelle est parue dans les journaux, elle se trouvait entre les notices nécrologiques et les bandes dessinées puisque ce n'était pas une nouvelle sensationnelle.
(1650)
    Je peux vous parler de toutes sortes de choses. À Toronto, où je vis, je n'ai qu'à mentionner une intersection particulière, et les gens diront qu'elle est bien connue pour son taux de criminalité, alors que je sais que c'est un quartier où des familles vivent paisiblement.
    Les gens ont des perceptions. J'étudie le sujet depuis trois décennies, alors je sais qu'il y a différentes perceptions. Elles diffèrent selon les classes. Plus la classe économique d'un quartier est modeste, plus le bouche-à-oreille aura une incidence. Les gens croient ce qu'ils entendent. Vous allez vous heurter à un problème avec les centres d'injection supervisée: où allez-vous les placer? Le hic, c'est que les gens y verront des problèmes. La réalité et la perception des gens sont deux choses différentes. Le public croira ce qu'il entend. Le bouche-à-oreille fera son oeuvre.
    Prenons les stigmates. Les gens ont peur parce que la valeur des propriétés au pays est considérable. Elle n'a jamais été aussi élevée. Les gens ne veulent pas que quoi que ce soit diminue la valeur de leur propriété, qu'il s'agisse de propriétaires de commerce dans une plaza ou n'importe qui d'autre. Ils diront « pas dans ma cour ».
    Pour terminer, je voulais dire qu'en Ontario, on a l'article 21 de la Loi de 2002 sur le courtage commercial et immobilier qui porte sur les « faits importants » à divulguer. L'agent immobilier est tenu de divulguer tout ce qu'il sait au sujet d'une propriété, y compris ce qui se trouve à proximité. Nous avons un problème avec ce projet de loi. La règle n'est pas définie, mais le pire, c'est qu'aucun délai de prescription n'est fixé en Ontario. Ces renseignements doivent être divulgués pour toujours.
    Je tiens à répéter une chose. Comme je l'ai dit, la perception de la dépréciation ou des stigmates n'a pas à être réelle pour se matérialiser.
    Sur ce , je suis à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Lebow.
    Nous allons maintenant entendre M. MacPherson, s'il vous plaît.
    Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant le comité aujourd'hui sur un enjeu aussi important pour les Canadiens, surtout pour ceux qui souffrent de problèmes de toxicomanie et de santé mentale graves.
    Dans notre mémoire, que nous avons élaboré en collaboration avec le Réseau juridique canadien VIH-sida, nous avons soulevé bon nombre des avantages qu'offrent les services d'injection supervisée dans le monde entier ainsi que nos préoccupations concernant le projet de loi C-2 dans sa forme actuelle. À l'instar d'autres témoins qui ont comparu devant vous, nous avons fait valoir que les services visés par le projet de loi C-2 sont fondés sur des données probantes, existent depuis près de 30 ans dans certains pays et font partie d'une approche exhaustive pour mettre au point des systèmes de soins pour les gens en marge de la société qui ont de graves problèmes de toxicomanie.
    Je travaille depuis de nombreuses années dans le domaine des politiques en matière de drogues et j'ai participé à la vaste discussion publique qui a eu lieu à Vancouver, en Colombie-Britannique, au cours des 20 dernières années en vue d'élaborer des mesures efficaces pour lutter contre les problèmes de drogue au pays. Durant mes 22 années de carrière en tant qu'employé à la ville de Vancouver, j'ai été coordonnateur des politiques en matière de drogues pendant 10 ans, si bien que je ne connais que trop bien les défis auxquels se heurtent les municipalités et les autorités sanitaires locales qui essaient de faire ce qui s'impose, c'est-à-dire mettre en place un système de soins exhaustif pour les toxicomanes dans les collectivités. Citons notamment des établissements de traitement de la toxicomanie, des unités de désintoxication, des programmes de traitement progressif à la méthadone, des projets de logements supervisés destinés aux personnes atteintes de problèmes de toxicomanie et de problèmes de santé mentale, des projets d'échange de seringues, d'autres types de programmes de développement social et des services de consommation supervisée.
    En raison des préjugés associés à la consommation de drogues illicites, la mise en oeuvre à l'échelle locale de chacun de ces services constitue un défi pour les municipalités et les autorités sanitaires. Il faut beaucoup de temps, d'énergie, de dévouement et de ressources pour mettre en place ces services et offrir l'aide dont les gens ont cruellement besoin. Croyez-moi, ce ne sont pas les processus publics qui manquent dans les municipalités pour trouver l'endroit où les services que j'ai mentionnés seront offerts.
    Le projet de loi C-2 imposera un fardeau supplémentaire énorme aux localités, ce qui empêchera sûrement la mise en oeuvre de nouveaux services de consommation supervisée là où ils pourraient être utiles partout au pays. Les 26 renseignements requis avant qu'une demande puisse même être envisagée ne seraient pas requis pour tout autre type de service de santé. Le projet de loi C-2 retardera énormément l'intervention des localités pour faire face à des réalités qui sont souvent urgentes associées aux drogues illicites non réglementées. Prenons l'exemple récent des surdoses de fentanyl à Vancouver que mon collègue a mentionné, où les policiers de Vancouver, et c'est tout à leur honneur, exhortaient les gens à se rendre au centre Insite pour tenter de prévenir les décès par surdose. Trente et une surdoses sont survenues au centre Insite au cours de la fin de semaine de l'Action de grâce, dont aucune n'a été fatale. C'est un outil auquel d'autres localités n'ont pas accès pour l'instant.
    Nous déplorons que ce projet de loi ne sera pas renvoyé au Comité permanent de la santé. Après tout, le but premier des services de consommation supervisée est d'intervenir en cas d'urgence pour la santé publique lorsque des citoyens vulnérables présentent des risques élevés de subir les conséquences graves et parfois fatales dues à la consommation de drogues injectables. Les services de consommation peuvent atténuer ce risque, notamment en améliorant la santé et la sécurité des collectivités où ils peuvent être situés à des endroits appropriés. Tenir une audience devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale seulement ne semble pas être suffisant pour évaluer la complexité des problèmes sanitaires et sociaux associés à ce genre de services. En effet, les services de consommation supervisée sont en soi une approche équilibrée pour s'attaquer aux problèmes de sécurité publique et de maintien de l'ordre dans les collectivités.
    J'aimerais également souligner le large fossé entre les témoignages de nos collègues du domaine de la santé et ceux du maintien de l'ordre. Les divergences d'opinion entre les dirigeants de ces deux secteurs dans nos collectivités nous préoccupent et semblent être énormes, étant donné que nous avons entendu pratiquement toutes les associations professionnelles de la santé, dont l'Association médicale canadienne, l'Association canadienne des infirmières et infirmiers en sidologie, la Vancouver Coastal Health Authority et le Bureau de la santé publique de Toronto. Elles sont toutes d'avis que le projet de loi C-2 est très problématique à bien des égards.
    Pour ce qui est du maintien de l'ordre, malgré toutes les preuves fournies par les projets de services de consommation supervisée existants, de façon générale, on ne semble pas vouloir envisager un projet pilote pour mettre à l'essai les différents modèles dans différentes localités. En dépit de toutes les preuves recueillies depuis 30 ans quant aux effets positifs des services de consommation intégrés aux systèmes de soins en Europe, à Vancouver, à Sydney, en Australie, on semble s'opposer fermement à des projets pilotes de la sorte au nom des chefs de police.
    Nous pensons que cette divergence d'opinions entre ces deux services publics essentiels est déplorable, puisque nous sommes convaincus que les services de soins de santé et d'application de la loi au pays partagent l'objectif visant à bâtir des collectivités saines et sûres pour tous les citoyens canadiens, y compris ceux qui consomment de la drogue.
(1655)
    Alors que nous préconisons dans notre mémoire la sécurité publique aux dépens de la santé publique, ces audiences en étant un exemple parfait, le projet de loi va à l'encontre de la décision de la cour visant à établir un équilibre entre la sécurité publique et la santé publique.
    En rendant la mise en oeuvre des services de consommation supervisée encore plus difficile, le projet de loi C-2 fait fi de la déclaration de la Cour suprême du Canada voulant que ces services soient essentiels aux groupes les plus vulnérables de la société qui consomment de la drogue, et que le fait d'empêcher l'accès à ces services viole les droits de la personne.
    Pour reprendre les paroles du médecin hygiéniste en chef de la Vancouver Coastal Health Authority, le projet de loi C-2 sous sa forme actuelle bloquera les exemptions, empêchera la prestation de services médicaux qui sauvent des vies à certains de nos citoyens les plus marginalisés de la société et entraînera des décès et des maladies graves tout à fait évitables. Le cas échéant, nous estimons qu'il contredit clairement l'esprit de la décision de la Cour suprême sur le centre Insite.
    En faisant en sorte qu'il soit plus difficile d'ouvrir des services de consommation au Canada, on ne respecte clairement pas l'engagement du gouvernement visant à s'attaquer aux problèmes de santé mentale graves également. Ces services ciblent les personnes marginalisées qui consomment de la drogue. Au Canada, le pourcentage de sans-abri qui ont été diagnostiqués comme souffrant de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie est de 86 %, et le pourcentage de sans-abri souffrant des deux est de 75 %. Bon nombre de ceux qui consomment des drogues injectables bénéficieront grandement des services de professionnels de la santé, de travailleurs sociaux et de professionnels de traitement de la toxicomanie en participant à un programme exhaustif de consommation supervisée.
    Au centre Insite de Vancouver, 65 % des participants ont reçu un diagnostic de maladie mentale. Compte tenu de ces statistiques, ériger des obstacles à la mise en oeuvre de services de consommation supervisée va à l'encontre de l'engagement pris par le gouvernement envers les personnes atteintes de maladie mentale au Canada. On pourrait s'attendre à ce que le gouvernement veuille faciliter l'élaboration d'un outil plus axé sur des données probantes dans la boîte à outils pour contribuer à s'attaquer aux problèmes de santé mentale et de toxicomanie au pays.
    Dans le cadre d'un examen systématique des sites d'injection rendu public la semaine dernière, quatre chercheurs français et un chercheur suisse ont passé en revue 75 articles pertinents. Ils ont dégagé les constatations suivantes. Toutes les études ont conclu que les services d'injection supervisée étaient efficaces pour attirer les personnes les plus marginalisées de la société qui utilisent des drogues par injection, promouvoir des conditions d'injection plus sécuritaires, améliorer l'accès aux soins de santé primaires et réduire la fréquence des surdoses. Ils n'ont pas conclu que les services d'injection supervisée augmentaient la consommation de drogues par injection, le trafic de drogue ou la criminalité dans les environs. Il a été établi que les services d'injection supervisée sont associés à une réduction des cas d'injections de drogue et de seringues abandonnées dans des lieux publics.
    Je vais terminer mes remarques en rappelant au comité que la question des services de consommation supervisée a été mise de l'avant après une décennie catastrophique en matière de santé et de sécurité publique qu'ont connues Vancouver et la Colombie-Britannique dans les années 1990. Des milliers de personnes ont perdu la vie et de nombreuses autres sont tombées malades durant cette période. Une épidémie de surdoses, de VIH, d'hépatite C et de consommation de drogues injectables a assailli le centre-ville de Vancouver. À l'époque, Michael O'Shaughnessy, le directeur du Centre d'excellence de la Colombie-Britannique en matière de VIH-sida, parlait de « politiques publiques fatales » pour qualifier les politiques municipales, provinciales et fédérales dans les secteurs de l'aide sociale, du logement, de la santé publique et de la toxicomanie, ainsi que le manque de financement pour les programmes sociaux et de santé, les pratiques d'application de la loi et les autres facteurs qui ont contribué à créer involontairement des conditions propices à une épidémie de VIH parmi les consommateurs de drogues injectables à Vancouver.
    En Colombie-Britannique, tout le temps qu'on a passé à essayer de corriger ces politiques publiques fatales a donné certains résultats fructueux. Si le projet de loi C-2 est mis en oeuvre dans sa forme actuelle, pour nos organisations, ce serait certainement un pas en arrière, où l'on élabore encore une autre politique publique fatale qui aura clairement pour effet de refuser l'accès aux citoyens marginalisés et souvent gravement malades et leurs collectivités à des services de santé qui sauvent indubitablement des vies.
    Merci beaucoup.
(1700)
    Merci, monsieur MacPherson.
    Nous allons maintenant entendre M. Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers.
    Bonjour, monsieur le président, bonjour, chers membres du comité. Je vous remercie de m’avoir invité à m’entretenir avec vous cet après-midi dans le cadre de votre étude continue du projet de loi C-2.
    Comme vous l’avez mentionné et comme la plupart d’entre vous l’ont appris au cours de mes comparutions précédentes devant votre comité, j’ai le privilège d’occuper actuellement le poste de président de l’Association canadienne des policiers, une organisation qui représente plus de 54 000 membres du personnel policier de première ligne, dont des civils et des agents assermentés des quatre coins du pays.
    Ma déclaration préliminaire d’aujourd’hui sera brève. Cependant, j’ai suivi attentivement les témoignages apportés par les autres personnes qui comparaissent devant le comité, et j’ai remarqué que l’expression « fondé sur des données probantes » est employée très fréquemment. Par conséquent, j’aimerais aujourd’hui vous faire part des observations suivantes qui devraient vous donner une idée de mon expérience dans le domaine et de la raison pour laquelle je me réjouis particulièrement d’avoir l’occasion de vous faire cet exposé aujourd’hui.
    Pendant 25 ans, j’ai été membre du Service de police de Vancouver. À l’heure actuelle, outre les fonctions que j’exerce à l’ACP, je suis président du syndicat des policiers de Vancouver, la ville où se trouve le seul site de consommation supervisée du Canada. Je crois que je pourrai vous communiquer aujourd’hui un point de vue important, fondé sur une expérience personnelle, qui explique la raison pour laquelle on devrait prendre en considération la sécurité publique lorsqu’on discute de sites de consommation supervisée.
    Du point de vue des services policiers de première ligne, le projet de loi C-2 est une importante mesure législative que notre association appuie de tout coeur. Nous croyons qu’elle trouve un équilibre approprié entre la nécessité de protéger la santé des collectivités et celle de prendre en compte les craintes très réelles qui ont été exprimées par tous les niveaux d’application de la loi et certains membres de la collectivité à propos des sites de consommation supervisée.
    Je sais que votre comité a entendu des détracteurs de la mesure législative qui ont déclaré craindre que les conditions imposées par le projet de loi soient coûteuses et difficiles à remplir pour les organisations qui cherchent à ouvrir de nouveaux sites. En ma qualité d’agent de police, je comprends un peu ce qu’ils veulent dire lorsqu’ils affirment que les formalités administratives et les cadres réglementaires peuvent être difficiles et parfois même pratiquement impossibles à respecter. Cependant, je peux dire que c’est l’environnement dans lequel les responsables de l’application de la loi travaillent quotidiennement. Nous n’avons pas la possibilité de tourner les coins ronds ou de choisir la voie de la facilité. Nos efforts doivent être méticuleux pour être jugés acceptables par les juges, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les intervenants de la collectivité ainsi que la multitude d’organismes qui surveillent constamment les services de police. Je ne crois pas qu’on exige trop des gens qui souhaitent travailler avec des drogues illicites et dangereuses en leur demandant de respecter cette même norme.
    Je ne souhaite pas particulièrement utiliser ma comparution d’aujourd’hui comme tremplin pour débattre de nouveau des mérites et des inconvénients des sites de consommation supervisée, et j’admets certainement que les partisans de ces sites sont des défenseurs passionnés des intérêts des toxicomanes qui croient sincèrement au bien-fondé de ces sites. Cependant, en tant qu’agent de police qui a patrouillé dans le Downtown Eastside, je peux vous dire qu’avant de songer à ouvrir de nouveaux sites, il faut absolument prendre en considération les coûts importants liés à la sécurité publique qu’ils occasionnent.
    Le fait est que les drogues consommées dans ces lieux sont des substances illégales. Ces personnes ne visitent pas leur pharmacien local pour se procurer leur drogue de prédilection. L’achat de leur drogue découle d’un acte criminel. Compte tenu de la zone grise qu’Insite crée dans le Downtown Eastside, on demande à nos agents d’user abondamment de leur pouvoir discrétionnaire dans leurs efforts de surveillance, mais les trafiquants de drogue sont prêts à tirer parti autant que possible de ce pouvoir discrétionnaire et désireux de le faire.
    En outre, la triste vérité, c’est que les gens qui consomment ces drogues ne retirent pas de l’argent de leurs REER, ne vendent pas leurs options d’achat d’actions et n’utilisent pas leurs revenus discrétionnaires pour acheter leurs drogues illicites. Pour se procurer les ressources dont ils ont besoin pour acheter ces drogues, ils ont recours à des mesures désespérées qui, la plupart du temps, sont de nature criminelle. Cela entraîne une hausse du nombre de vols, d’agressions et d’activités de prostitution enregistrés dans les environs du site, et, parfois, des tentatives d’injection de drogues.
    Tout cela a un coût. Très peu d’observateurs impartiaux qui déambuleraient dans le Downtown Eastside de Vancouver affirmeraient, après avoir simplement vu le site, qu’Insite est un succès retentissant. En revanche, je ne prétends certainement pas que tout dans le voisinage serait merveilleux sans la présence d’Insite; ce qu’on y observe est malheureusement une conséquence inévitable du maintien d’Insite.
    Cela ne veut pas dire pour autant que nous devrions tourner le dos aux toxicomanes. Il me serait impossible d’énumérer toutes les initiatives mises en oeuvre par les services de police et d’autres organismes des quatre coins du pays pour s’attaquer au problème de la consommation de drogues. Je suis fermement convaincu que nous pouvons nous appuyer sur les programmes qui ont donné de bons résultats, mais, si la portée et les activités de ces initiatives de lutte contre la drogue varient énormément, ce qui demeure constant, c’est le fait que la sécurité du public n’est jamais compromise et que la protection des membres les plus vulnérables de nos collectivités est toujours prioritaire.
    Malheureusement, le débat concernant Insite et d’autres sites de consommation supervisée proposés est devenu très animé et, dans un certain nombre de cas, très personnel. J’ai été ciblé par des attaques de la part de gens qui n’aiment pas que je défende les intérêts des membres de mon association qui s’élèvent contre ces sites. Bien que je m’efforce d’envisager le débat de leur point de vue, j’espère qu’aujourd’hui, ils essaieront de l’envisager du mien. J’ai marché dans les rues du Downtown Eastside, et je parle régulièrement aux agents de police à qui l’on confie la tâche difficile et dangereuse de surveiller régulièrement ce quartier. Je peux affirmer sans aucun doute que, bien que des études puissent vanter les bienfaits pour la santé engendrés par les sites de consommation supervisée, ces mêmes études sous-estiment toujours les coûts liés à la sécurité publique qu’ils occasionnent.
    À notre avis, le projet de loi C-2 est une réaction raisonnable à la décision rendue par la Cour suprême du Canada qui autorise Insite à poursuivre ses activités.
(1705)
    La mesure législative proposée n’exclut pas la possibilité que de nouveaux sites de consommation supervisée soient ouverts, mais elle établit une norme adéquatement élevée à satisfaire avant d’ouvrir ces sites. La mesure législative exige que l’on consulte un certain nombre d’intervenants, dont les forces de l’ordre, et notre association se réjouit des mesures que le gouvernement a prises à cet égard.
    J’aimerais conclure en suggérant un amendement à apporter à la mesure législative. Le paragraphe 56.1(3) proposé décrit les conditions de consultation qui doivent être remplies avant que le ministre autorise l’ouverture de tout nouveau site de consommation supervisée. L’alinéa 56.1(3)e) proposé indique qu’il faut obtenir une lettre du chef du corps policier chargé de la prestation de services de police dans la municipalité où le site serait établi.
    Bien que ce soit une excellente première étape, je crois que la mesure législative devrait aller plus loin. Par exemple, la loi elle-même devrait désigner le président du syndicat des services de police locaux ou le représentant des relations de travail à titre d’intervenant clé du processus.
    S’il faut que les dirigeants des services de police jouent un rôle dans la détermination des conditions à remplir avant d’ouvrir tout site de consommation supervisée, le fait est que les titulaires de nombreux postes de cadres supérieurs au sein des services de police sont nommés par une commission de police qui est souvent assujettie aux politiques locales, quelles qu’elles soient. Dans bon nombre de provinces ou de territoires du Canada, le titulaire du poste de chef de police est nommé par la commission de police, qui est dominée par des nominations politiques à l’échelle provinciale ou municipale. En revanche, le président de l’association locale est élu uniquement par les civils et les agents assermentés de première ligne qui composent les services de police. Ses opinions sont façonnées par celles des gens qu’il représente, et il est libre de communiquer ses opinions au ministre.
    Cette petite modification mise à part, l’Association canadienne des policiers est heureuse d’appuyer le projet de loi C-2, parce que nous croyons que les préoccupations liées à la sécurité publique doivent être prises en considération, au même titre que les inquiétudes sur le plan de la santé communautaire, avant d’envisager d’ouvrir des sites consommation supervisée.
    Je vous remercie de nouveau de l’occasion que vous m’avez donnée de comparaître aujourd’hui. En outre, je vous remercie au nom de mes collègues qui ont été en mesure de témoigner la semaine dernière relativement à la mesure législative proposée. Je me réjouis à la perspective de répondre à toutes les questions que vous pourriez souhaiter poser.
(1710)
    Je remercie infiniment tous nos témoins d’aujourd’hui.
    Compte tenu de l’imminence du déclenchement de la sonnerie, je vous cède la parole, madame Ablonczy. Vous disposez de cinq ou six minutes.
    Je vous remercie tous de votre présence.
    Le comité a déjà entendu un grand nombre de témoignages et des opinions très tranchées, dont certaines se contredisent directement. Par conséquent, nous sympathisons un peu avec le ministre qui cherche à départir les mérites d’un certain site d’injection supervisée proposé. La semaine dernière, nous avons entendu l’Association des policiers d’Ottawa et l’Association des policiers de Toronto. Au cours de leurs témoignages, ils ont mentionné que « les sites d'injection supervisée perpétuent et encouragent la consommation de drogues dures et dommageables. » Ils ont ajouté que:
La création de sites d'injection entraîne la concentration du trafic de drogue. Les trafiquants auront tendance à ne transporter qu'une quantité de drogue suffisante pour faire de petites, mais fréquentes transactions. S'ils se font arrêter par la police, ces trafiquants réclameront l'immunité en misant sur la présomption de possession licite à l'intérieur de la frontière connue d'une zone située à proximité d'un site d'injection supervisée.
    Ils indiquent que les sites d’injection supervisée entraînent « une augmentation de la criminalité ». Ils énumèrent certains des crimes qui les préoccupent et affirment que les sites « contribuent à la dégradation du tissu social et de l'économie et entraînent une augmentation de la victimisation dans les collectivités où ils se situent ».
    Je pourrais poursuivre, mais je ne le ferai pas. Monsieur Stamatakis, je vous demande simplement de m’indiquer si ces observations coïncident avec les constatations de votre propre étude et vos observations personnelles, ou si vous avez quelque chose de différent à dire.
    Ces constatations concordent grandement avec mes propres observations et l’expérience de mes membres. J’ai mentionné plus tôt l’incroyable mesure dans laquelle les agents de police qui travaillent dans le Downtown Eastside exercent quotidiennement leur pouvoir discrétionnaire dans le cadre de l’application de la loi. Cette application de la loi est liée à la façon de composer avec les toxicomanes et les trafiquants qui exploitent ces toxicomanes, etc.
    Selon moi, le problème sous-jacent tient essentiellement au fait que la toxicomanie crée de nombreuses difficultés sur le plan de la sécurité publique que doivent régler les collectivités et leurs forces de l’ordre. Je n’attribuerais pas nécessairement tous ces problèmes à l’existence d’Insite ou d’un site de consommation sécuritaire, mais ces endroits créent un épicentre pour les activités de ce genre et les difficultés qui surviennent. Je pense que si l’on examine l’histoire de Vancouver en remontant jusqu’en 2003, l’année où Insite a été établi, et que l’on compare la situation en 2003 à celle d’aujourd’hui, j’aurais du mal à vous décrire clairement les avantages liés à l’existence d’Insite dans le Downtown Eastside.
    Monsieur Lebow, je crois comprendre, d’après votre témoignage, que vous avez le sentiment que certaines de ces descriptions sont simplement un moyen de discréditer un tel quartier, que le danger est plus apparent que réel. Je crois comprendre, monsieur, que vous ne vous opposeriez pas à ce qu’un site d’injection supervisée ouvre ses portes à côté de l’endroit où vous et votre famille vivez.
(1715)
    … ni à côté de mon magasin ou de mon bureau.
    Pensez-vous que certains de vos voisins ou de vos collègues d'affaires, établis près de votre entreprise, auraient une impression différente à ce sujet?
    Non. La perception du public — le bouche-à-oreille — est trop puissante. Toutes les études des préjugés…
    Vous ne pensez pas que leur opinion différerait de la vôtre à ce sujet?
    Pas lorsqu'il est question de leur propre valeur. Non, pas s'ils possèdent des propriétés.
    Personne dans votre quartier ne verrait d'objections à ce qu'un site d'injection supervisée ouvre ses portes à côté?
    Oh, ils s'élèveraient bien entendu contre cela. Je suis désolé, je vous avais mal comprise.
    Pensez-vous qu'on devrait tenir compte de leur opinion, ou seulement de la vôtre?
    Non. Leur opinion importe énormément.
    Le projet de loi permet à un ministre de recueillir des points de vue et des renseignements provenant d'un vaste éventail de personnes et d'organisations qui seraient touchées par une telle implantation. Cela vous pose-t-il un problème?
    Non, pas du tout.
    Le processus de collecte d'opinions et de renseignements, prévu par le projet de loi, est un élément que le ministre recherche. Monsieur MacPherson, voyez-vous des obstacles ou des objections liés à la consultation de groupes, de personnes et d'autorités qui devront composer avec des sites de ce genre?
    Ce dont le projet de loi C-2 ne tient pas compte, c'est le grand nombre de consultations qui ont lieu à l'échelle municipale, dans le cadre des audiences organisées par le conseil responsable de l'octroi des permis d'aménagement, et le processus de notification des résidents qui s'enclenche lorsqu'un nouvel usage est envisagé, que ce soit un centre de désintoxication, un centre d'injection ou un service de police. La collectivité est consultée à propos de tous ces projets. Un nombre incroyable d'efforts sont déployés à l'échelle locale.
    La séance du comité sera écourtée aujourd'hui en raison du déclenchement de la sonnerie.
    Au nom de tous les membres du comité, nous remercions nos témoins d'être venus ici aujourd'hui. Nous vous remercions de vos témoignages. Soyez prudents dans vos déplacements.
    La séance est levée.
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