Que a) la Chambre reconnaisse que (i) la Cour suprême du Canada a déterminé que l’interdiction à l'aide médicale à mourir viole l’article 7 de la Charte des droits et libertés, selon laquelle « chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale », (ii) la Cour suprême a suspendu la mise en oeuvre de sa décision pour 12 mois, (iii) les élections fédérales et l'ajournement d'été prévus restreignent les jours de séance restants en 2015, (iv) les Canadiens s’attendent à ce que les parlementaires prennent le leadership dans ce dossier et y contribuent de manière réfléchie et posée, (v) une discussion non partisane, posée et efficace a eu lieu sur cette question à l’Assemblée nationale du Québec, (vi) le Parlement est tenu de répondre à la décision de la Cour suprême; b) un comité spécial soit créé pour examiner la décision de la Cour suprême; que le comité consulte des spécialistes et des Canadiens et formule des recommandations concernant un cadre législatif conforme à la Constitution, à la Charte des droits et libertés et aux priorités des Canadiens; que le comité soit composé de 12 membres, dont sept membres du parti gouvernemental, quatre membres de l’Opposition officielle et un membre du Parti libéral, pourvu que le président soit issu du parti gouvernemental; qu’en plus du président, un vice-président provienne de chaque parti de l’opposition; que le comité dispose de tous les pouvoirs que le Règlement confère aux comités permanents, en plus du pouvoir de voyager, accompagné du personnel nécessaire, à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, sujet à l’autorisation habituelle de la Chambre; que les membres siégeant à ce comité soient inscrits sur une liste que le whip de chacun des partis déposera auprès de la Greffière de la Chambre, au plus tard le 11 mars 2015; que le quorum du comité soit fixé à sept membres pour toutes les délibérations à condition qu’au moins un membre de l’opposition et un membre du parti gouvernemental soient présents; que les membres de ce comité puissent, à l’occasion et si besoin est, se faire remplacer conformément à l'article 114(2) du Règlement; que le comité fasse rapport au plus tard le 31 juillet 2015, entendu que, si le comité présente son rapport au cours de la période d’ajournement de la Chambre, lorsque ce rapport est déposé auprès de la Greffière, ledit rapport soit réputé avoir été présenté à la Chambre.
-- Monsieur le Président, aujourd'hui, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Plus tôt ce mois-ci, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement historique invalidant la prohibition de l'aide médicale à mourir. Sa décision était non seulement unanime, elle était sans équivoque. La Cour suprême a ainsi déterminé qu'en ce qui concerne les adultes capables voués à d’intolérables souffrances causées par des problèmes de santé graves et irrémédiables, la prohibition actuelle prévue dans le Code criminel porte atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d'une manière non conforme aux principes de justice fondamentale.
[Français]
La cour s'est prononcée. C'est maintenant à nous, en tant que législateurs, d'agir.
La mort, et toutes les façons dont elle touche nos vies, n'est pas un sujet dont il est facile de discuter. Au cours des dernières semaines, j'ai eu plusieurs conversations délicates avec ceux qui applaudissent à la décision de la cour ainsi qu'avec ceux qui la condamnent,. Même si le processus pour arriver à une nouvelle mesure législative peut être difficile et même s'il peut rendre certaines personnes mal à l'aise, il est de notre responsabilité de le faire. Nous sommes ici pour être la voix de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Nous devons engager les débats, peu importe leur difficulté. Nous devons prendre des décisions difficiles, et les Canadiens en sont conscients.
La Cour suprême, comprenant peut-être la nature conflictuelle de ce processus, a judicieusement fixé une échéance. Elle nous a donné un an pour rédiger la mesure législative sur l'aide médicale à mourir. Dans le contexte d'une question aussi profondément personnelle et controversée, une année est à peine suffisante. Nous ne parlons pas ici d'un amendement insignifiant à une loi mineure. Lorsque la province de Québec a décidé de commencer à écrire ses propres lois sur l'aide médicale à mourir, quatre ans et demi se sont écoulés entre la création d'un nouveau comité composé de représentants multipartites et l'adoption d'une mesure législative. Pendant ces quatre ans et demi, une année complète a été consacrée à des audiences et à des consultations publiques, ainsi qu'au dépôt et au débat des amendements.
[Traduction]
Le processus a pris quatre ans et demi à l'Assemblée nationale du Québec, y compris une année complète de consultations et de débats. La Cour suprême nous a donné 12 mois, ce qui est un délai raisonnable. Cependant, à cause de l'ajournement d'été et des élections à l'automne, les parlementaires disposent d'à peine 12 semaines de séance pour s'occuper de cette question. Nous pouvons y parvenir, mais il n'y a pas de temps à perdre.
Aujourd'hui, nous présentons une motion qui demande à la Chambre des communes d'agir immédiatement. Nous demandons que:
[...] un comité spécial soit créé pour examiner la décision de la Cour suprême; que le comité consulte des spécialistes et des Canadiens et formule des recommandations concernant un cadre législatif conforme à la Constitution, à la Charte des droits et libertés et aux priorités des Canadiens [...]
Comme le député de l'a signalé, la décision de la Cour suprême nous a tracé clairement la voie à suivre pour agir rapidement, mais judicieusement. Il n'y a aucun avantage à retarder le débat. En effet, étant donné l'échéance fixée par la Cour suprême, ces consultations doivent commencer immédiatement, si la Chambre souhaite aborder la question avant les prochaines élections.
[Français]
Lorsque j'ai questionné le à ce sujet, la semaine dernière, il a dit à la Chambre des communes que l'aide médicale à mourir est un dossier sensible pour de nombreux Canadiens et que les convictions profondes sont exprimées des deux côtés. Ce jugement est juste. Ma conviction est profonde. Elle est fondée sur mon expérience personnelle, celle où j'ai accompagné mon père pendant les derniers moments de sa vie. Je sais que nous devons respecter les libertés et les choix de la population, tout en nous assurant qu'en tant que société, nous protégeons les plus vulnérables d'entre nous.
Je crois que la Cour suprême a pris la bonne décision et que nos lois doivent être conformes au jugement, car il s'agit de la bonne chose à faire. Toutefois, cela est mon opinion. Il nous faut entendre ce qu'ont à dire les autres.
La semaine dernière, le lui-même a signalé son accord. Il a dit que nous « tiendrons de vastes consultations relativement à tous les points de vue liés à cette question difficile. » Aujourd'hui, nous pouvons commencer à tenir cette promesse.
[Traduction]
L'expérience du Québec nous donne l'assurance qu'il est possible de débattre de cette question de manière respectueuse et responsable. Elle nous rappelle que, lorsque les partis politiques mettent de côté leurs divergences pour le bien public, cela peut encourager la coopération. Un consensus peut être atteint, même sur une question aussi complexe et délicate que les soins de fin de vie.
Si nous ne faisons rien, si nous n'entamons pas bientôt ce débat national important, le Canada ne disposera pas de lois pour gouverner l'aide médicale à mourir. Ce type de vide législatif n'est dans l'intérêt de personne: pas les gens qui souffrent, ni les membres de leur famille qui s'inquiètent pour eux, ni les médecins compatissants qui les soignent.
Il y avait un élément constant dans toutes les contestations judiciaires qui ont mené à la décision de la Cour suprême: personne ne voulait enfreindre la loi. Ce que ces gens demandaient — et ce que la Cour suprême nous oblige maintenant à présenter — est une loi qui énonce les restrictions concernant l'aide médicale offerte aux Canadiens qui souhaitent mourir dans la dignité.
[Français]
La décision de la cour s'applique aux adultes sains d'esprit dont les souffrances sont intolérables et persistantes et qui ont clairement donné leur consentement à l'aide médicale à mourir. Même dans les limites de ces dispositions, comme l'a fait remarqué le , les Canadiens ont des opinions divergentes. Ils ont des valeurs bien ancrées. Que ces valeurs reposent sur des convictions religieuses, des expériences personnelles ou une expertise professionnelle, ces voix méritent d'être entendues. Pour que nous puissions poursuivre une discussion respectueuse et responsable sur cette importante question, nous devons avoir suffisamment de temps pour entendre les Canadiens et être à l'écoute des gens concernés par cette mesure législative, de leurs familles et des spécialistes médicaux et juridiques. Une partie de ces décisions nécessite que nous abordions franchement la qualité des soins déjà offerts. Les Canadiens qui souffrent se sentent-ils adéquatement soutenus par leur communauté? Ont-ils un accès équitable aux soins palliatifs de qualité?
[Traduction]
Nous devons tenir une discussion à l'échelle nationale sur le droit de mourir dans la dignité, une discussion qui portera notamment sur la question de la prestation de soins empreints de compassion et de respect pour ceux qui souffrent à la fin de leur vie.
La cour a fixé un délai. Nous avons le devoir de le prendre au sérieux, d'agir rapidement, mais de manière réfléchie, et d'assumer nos responsabilités communes en tant que législateurs. J'invite tous les députés à songer à cette responsabilité aujourd'hui et à appuyer la motion ainsi que la démarche qui y est proposée. La cour s'est prononcée; le Canada et les Canadiens attendent notre réaction.
:
Monsieur le Président, je prends la parole au sujet de la motion du Parti libéral visant à créer un comité multipartite pour examiner la question de l'aide médicale à mourir à la suite de la récente décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt
Carter c. Canada.
L'aide médicale à mourir est un sujet très personnel qui soulève les passions. Cela ne fait aucun doute. Trop souvent, lorsque des enjeux touchent des valeurs très chères aux Canadiens, ils servent de moyens pour semer la division politique. Toutefois, les Canadiens méritent une réponse de la Chambre quant à la teneur de la décision judiciaire rendue par la Cour suprême.
Il faut préciser dès le départ que ceci n'est pas un débat sur ce qui est bien ou mal pour une personne en fin de vie. De telles décisions dépendent souvent des convictions religieuses ou morales de la personne. Cependant, pour le Parlement, il s'agit de déterminer le rôle approprié du gouvernement en vertu de la loi fondamentale du Canada, à savoir la Constitution.
Notre pays est une démocratie, mais une démocratie constitutionnelle. Le pouvoir législatif est assujetti aux limites juridiques qui protègent les minorités et les individus contre la tyrannie de la majorité. Ces limites sont enchâssées dans la Charte des droits et libertés, et il incombe au pouvoir judiciaire de les interpréter.
Sur la question de l'étendue des mesures que le gouvernement peut prendre pour limiter les droits des Canadiens relativement à l'aide médicale à mourir, la Cour suprême du Canada vient de nous fournir un avis clair et unanime. La disposition du Code criminel interdisant aux médecins d'aider un patient à mourir empiète de manière injustifiable sur le droit des Canadiens à la vie, à la liberté et à la sécurité de leur personne. La Cour suprême a pris sa décision après avoir interprété rationnellement la loi, à la lumière de la preuve et des meilleurs arguments qui lui ont été soumis. Et l'unanimité des juges de la Cour suprême ajoute du poids à leurs conclusions.
Ces conclusions ne sont pas que de simples opinions. Elles sont le fruit d'une analyse juridique objective et d'un examen judicieux de la jurisprudence constitutionnelle canadienne. On compare souvent la Constitution du Canada à un arbre vivant. Quiconque pense que nous sommes en présence d'un exemple d'activisme judiciaire devrait lire l'arrêt Carter c. Canada. Il ou elle verra que cet ajout à la jurisprudence canadienne y est profondément enraciné.
Dans sa décision, la Cour suprême indique clairement que les législateurs ne peuvent pas empêcher les adultes capables affectés de problèmes de santé prolongés, intolérables et irrémédiables de faire le choix de mourir dans la dignité.
Cette décision est lourde de sens. La Cour suprême a décidé qu'interdire aux médecins d'aider les gens à mourir était une violation de tous les éléments de l'article 7 de la Charte concernant la vie, la liberté et la sécurité de la personne. La Cour suprême dit plus précisément que cette interdiction a pour effet de priver des Canadiens du droit à la vie en forçant certaines personnes à se suicider précocement de peur de ne pouvoir le faire plus tard à cause de leur incapacité. L'interdiction a pour effet de violer le droit des Canadiens à la liberté en les privant du droit de prendre des décisions relatives à leur intégrité corporelle et aux soins médicaux. Elle a pour effet de priver les Canadiens du droit à la sécurité de leur personne en les obligeant à subir des souffrances intolérables.
La Cour suprême est d'avis que ces violations sont injustifiées. Compte tenu des dispositions de la Constitution, l'interdiction de l'aide médicale à mourir a un effet sans aucune commune mesure avec sa raison d'être, car elle affecte inutilement les personnes qui ne sont pas soumises à la contrainte, mais qui sont affaiblies. C'est pourquoi la Cour suprême juge que l'interdiction de l'aide médicale à mourir est nulle et non avenue dans le cas d'une personne remplissant les deux conditions suivantes: premièrement, la personne est un adulte capable qui consent clairement à mourir; deuxièmement, la personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
La fin de semaine dernière, j'étais à Charlottetown, où j'ai eu le plaisir de discuter avec des concitoyens que je représente dans cette enceinte. Ils se réjouissaient de l'arrêt de la Cour suprême du Canada. À l'instar de beaucoup d'autres Canadiens, il leur est arrivé d'accompagner des malades souffrants en phase terminale. À l'instar de beaucoup d'autres Canadiens, ils ont eu la douleur de voir des proches privés de toute dignité en fin de vie. Bon nombre d'entre eux avaient du mal à retenir leurs larmes en me racontant ce qu'ils ont vécu au chevet d'une personne brisée par la souffrance. Ces conversations montrent que le gouvernement doit absolument ouvrir un débat en profondeur sur l'aide médicale à mourir.
L'Association médicale canadienne appuie la décision unanime de la Cour suprême du Canada, mais elle réclame que les lois protègent les médecins qui, pour des motifs moraux ou religieux, ne peuvent pas aider un patient à mourir. L'association veut qu'on précise comment le consentement sera établi, quels garde-fous seront appliqués et de quelle manière un patient pourra réclamer une aide.
Les médecins veulent aider les patients à toutes les étapes de leur vie, jusqu'à leur mort. La Chambre des communes a le devoir de leur donner des directives. Elle ne doit pas se défiler.
Certaines personnes redoutent que l'arrêt de la Cour suprême entraîne involontairement des dérives, voire la victimisation de groupes vulnérables. C'est justement pour éviter toute dérive que le Conseil des Canadiens avec déficiences réclame des garanties législatives destinées à protéger les personnes vulnérables et à éviter qu'on se désintéresse des stratégies de fin de vie et des soins palliatifs qui sont actuellement offerts.
Je tiens d'ailleurs à souligner que, selon moi, les soins palliatifs et les autres stratégies de fin de vie ne perdront pas de leur importance dans la foulée de l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Les Canadiens continueront à avoir accès à toutes les options en matière de soins en fin de vie, qui comprendront désormais l'aide médicale à mourir, comme l'exige la Constitution.
Les députés et la Chambre se nuiraient beaucoup s'ils ne prêtaient pas une oreille attentive aux craintes soulevées par l'Association médicale canadienne et le Conseil des Canadiens avec déficiences. Le point de vue de ces organismes et de bien d'autres explique pourquoi le Parti libéral estime qu'il faut charger un comité d'entendre des témoins, de relever leurs inquiétudes et les solutions qu'ils proposent, et de présenter un rapport rigoureux à la Chambre. Comment réussirons-nous à régler les problèmes soulevés si nous ne cherchons pas à mieux les comprendre?
La Cour suprême du Canada a été claire: il est nécessaire de créer un régime permissif qui respecte les droits garantis par la Charte et qui protège aussi les droits des populations vulnérables et la liberté de conscience des médecins. Pourquoi le gouvernement voudrait-il alors attendre avant de se pencher sur les meilleures façons de protéger les Canadiens tout en respectant leurs droits constitutionnels?
Je sais que certains députés d'en face n'ont pas toujours bien considéré la Charte et les juges chargés d'en interpréter les dispositions. Ce n'est pas étonnant, car les projets de loi du gouvernement et les mesures qu'il a prises ont souvent été déclarés inconstitutionnels par les tribunaux. Je n'ai pas besoin de rappeler la série de revers qu'il a subis. J'invite donc le gouvernement à profiter de l'occasion pour revoir sa façon de considérer la Constitution canadienne.
La Cour suprême du Canada nous donne jusqu'au 5 février 2016 pour décider de l'encadrement de l'aide médicale à mourir avant qu'elle ne devienne légale au Canada. Il est de notre devoir, en qualité de représentants élus, de donner à cette question le respect, le temps et la réflexion qu'elle mérite. Il pourrait être utile de se pencher sur le travail qu'a fait l'Assemblée nationale du Québec et le projet de loi 52, et le comité parlementaire devrait les prendre en considération. Nous devons bien faire les choses.
Je le répète, ce n'est pas une question personnelle de morale ou de religion et cela ne devrait pas l'être. C'est une question qui relève des droits constitutionnels dans une société libre et du pouvoir limité du corps législatif. Le Parti libéral demande à la Chambre de laisser de côté les partis pris politiques et d'appuyer sa motion.
La Cour suprême du Canada a demandé à la Chambre d'indiquer la voie à suivre pour l'aide médicale à mourir. Les personnes malades et en fin de vie demandent à la Chambre de leur donner toutes les options et de respecter leurs droits et leurs libertés en vertu de la Charte. Les médecins demandent à la Chambre des directives qui respectent la liberté de conscience de chacun.
Les Canadiens nous demandent de mettre de côté nos allégeances partisanes et d'étudier ensemble cette décision historique. Donc, est-ce que mes collègues à la Chambre sont prêts à mettre de côté leurs divisions politiques, même temporairement, pour respecter le pouvoir judiciaire de notre système de gouvernement et discuter de cette importante question?
:
Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat d'aujourd'hui, qui vise à donner suite à la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada au sujet de l'aide médicale à mourir.
L'aide médicale à mourir, un enjeu d'une grande complexité, suscite toute une gamme d'émotions et de réactions très vives, qui dépendent en grande partie de l'expérience de chacun. C'est avant tout une question personnelle, qui transcende les facteurs démographiques, politiques ou religieux.
Comme l'a mentionné plus tôt le chef libéral et député de , son propre point de vue repose sur ce qu'il a vécu auprès de son père mourant. Nous avons tous vécu des expériences semblables, je crois. Personnellement, je pense par exemple aux derniers jours de mes parents, d'autres membres de la famille et de bons amis. Je crois que tous les Canadiens ont vu un de leurs proches aux prises avec une fin de vie difficile. Nous avons tous une opinion à ce sujet. Selon moi, il sera important de mener une vaste consultation auprès des Canadiens, puisque chacun a un point de vue très personnel sur la question.
La question de l'aide médicale à mourir nous forcera à reconnaître que nous mourrons tous un jour et que nous pourrions être confrontés à des souffrances qui pourraient nous amener à demander de l'aide et du soutien à d'autres personnes. C'est une réalité incontournable de l'expérience humaine.
J'aimerais assurer à tous les députés que notre gouvernement comprend fort bien la gravité des défis qui nous attendent. Nous nous opposerons à la motion, car nous avons l'intention de lancer bientôt des consultations constructives avec les Canadiens et les principaux intervenants pour pouvoir connaître tous les points de vue sur cette question épineuse.
Il sera impératif pour les Canadiens de saisir aussi la nature complexe et difficile de ces questions pour lesquelles il n'existe pas de réponses simples. Nous ferons en sorte qu'au cours des mois qui viennent, les Canadiens comprennent les subtilités des questions à l'étude ainsi que la gamme d'options de soins de santé qui s'offrent actuellement aux personnes en fin de vie. Une personne peut notamment refuser de recevoir des traitements ou mettre fin aux traitements qu'elle reçoit déjà, même si cela peut entraîner sa mort. Nombre de Canadiens ignorent peut-être que c'est leur droit. Nombre d'entre eux semblent croire que c'est grâce à l'aide médicale à mourir qu'ils auront maintenant le droit de refuser la prolongation des soins en fin de vie. Nous devons faire en sorte que tout le monde comprenne ce qu'ils peuvent déjà faire légalement pour ne pas confondre ces mesures avec l'aide médicale à mourir.
Pour être plus précis, nous sommes ici aujourd'hui parce que le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada a conclu que les dispositions du Code criminel sur l'aide médicale à mourir sont contraires à la Charte des droits et libertés. Ce faisant, la Cour a annulé la décision qu'elle avait rendue en 1993, il y a un peu plus de 20 ans, dans l'affaire Rodriguez. Cette fois, la Cour suprême a jugé que l'interdiction privait certaines personnes de leur droit à la liberté et à la sécurité, droit qui protège le choix et l'autonomie à l'égard de décisions fondamentales touchant son propre corps. Elle a aussi conclu que les dispositions privaient certaines personnes du droit à la vie, car elles avaient pour effet de les forcer à mettre fin à leurs jours prématurément de peur de ne pouvoir le faire quand leur souffrance deviendrait insupportable. La Cour suprême a jugé que ces privations n'étaient pas conformes aux principes de la justice fondamentale. La Cour a aussi fait valoir que la Charte reconnaît la valeur de la vie et qu'elle honore le rôle que l'autonomie et la dignité jouent à la fin de cette vie.
La Cour a rendu sa décision après s'être penchée sur le cas des demandeurs, en particulier Gloria Taylor. En 2009, Mme Taylor a appris qu'elle souffrait d'une maladie neurodégénérative fatale, la sclérose latérale amyotrophique, aussi connu sous le nom de SLA, qui entraîne un affaiblissement progressif des muscles. Les patients atteints de la SLA perdent tout d’abord la capacité d’utiliser leurs mains et leurs pieds, puis celle de marcher, de mastiquer, d’avaler, de parler et, finalement, de respirer. La Cour suprême a conclu que Mme Taylor et les personnes dans le même état que cette dernière se trouvaient ainsi devant ce que Mme Taylor a décrit comme le choix cruel entre mettre fin eux-mêmes à leurs jours alors qu’ils sont encore physiquement aptes à le faire, ou renoncer à la possibilité d’exercer un droit de regard sur le moment et la manière de mourir.
La Cour suprême a conclu que la Charte protège le droit des adultes capables d'avoir recours à l'aide médicale à mourir s'ils y consentent clairement et s'ils souffrent de problèmes de santé graves et irrémédiables, y compris une affection, une maladie ou un handicap, lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables. La Cour suprême a donc conclu que deux dispositions du Code criminel sont anticonstitutionnels, soit celle interdisant l'aide au suicide et celle prévoyant que nul ne peut consentir à ce que la mort lui soit infligée. La Cour suprême a conclu que ces dispositions visaient à empêcher une personne vulnérable qui vit un moment de faiblesse de mettre fin à ses jours ou qu'on la force à recourir à cette solution.
Puisque ces lois s'appliquent à tout le monde, la Cour a jugé qu'elles violaient les droits des particuliers qui ne sont pas vulnérables et qui veulent une aide médicale à mourir lorsqu'ils ont une maladie grave ou incurable.
La Cour a en outre confirmé que la compétence du Parlement en matière pénale comprend le pouvoir d'interdire ou de réglementer les traitements médicaux, parce qu'ils sont dangereux. Parallèlement, la Cour a affirmé que le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements provinciaux et les administrations territoriales peuvent légiférer à l'égard de certains aspects de la santé.
La Cour a suspendu pendant 12 mois l'effet juridique de son verdict afin de laisser au Parlement le temps d'élaborer une mesure législative opportune. Pendant cette période, l'aide médicale à mourir reste illégale.
Si la Cour suprême a formulé son jugement à partir du concept de l'aide médicale à mourir, je pense qu'il est important, aux premières étapes de ce débat, de faire la distinction entre le suicide assisté par un médecin et l'euthanasie volontaire. Dans le premier cas, le médecin offre au malade le moyen de mettre fin à sa vie en lui prescrivant par exemple une dose mortelle de médicament, que celui-ci s'administre. Dans le deuxième cas, le médecin entraîne la mort de quelqu'un à sa demande, habituellement par injection mortelle.
Aux yeux de quelqu'un qui subit des souffrances intolérables et souhaite mourir avec l'aide d'un médecin, ces deux méthodes peuvent paraître identiques. Toutefois, aux termes du droit pénal actuel, il s'agit de crimes différents, sanctionnés par des peines différentes.
En vertu de la loi actuelle, l'euthanasie volontaire est considérée comme un meurtre, même si elle est motivée par la compassion ou la pitié et même si la personne visée demande ou consent à mourir. Le meurtre est l'infraction la plus grave dans le droit pénal canadien. Il est passible d'une peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité. Par comparaison, un médecin qui aide une personne à se suicider commet l'infraction d'aide au suicide, qui est passible d'une peine d'incarcération maximale de 14 ans.
Parmi les quelques pays où l'aide médicale à mourir est réglementée, certains autorisent uniquement l'euthanasie, d'autres autorisent uniquement le suicide assisté et d'autres encore autorisent les deux. Les données dont nous disposons montrent que les risques et les conséquences des deux pratiques ne sont pas les mêmes. Il est important de garder à l'esprit les distinctions entre les deux.
La Cour suprême a indiqué clairement que sa décision portait uniquement sur les droits des personnes qui demandent de l'aide pour mourir, et non sur les droits des personnes susceptibles de fournir une telle aide, notamment les médecins. Toutefois, la décision a comme effet, sur le plan juridique, d'exiger que les médecins ne puissent plus être tenus criminellement responsables d'avoir aidé une personne à mourir ou d'en avoir activement causé la mort.
Le fait qu'il serait maintenant légal, dans une certaine mesure, d'aider d'autres personnes à mourir soulève certaines préoccupations. Bon nombre de ces préoccupations ont été invoquées devant les tribunaux, dans l'affaire Carter, et ont servi d'arguments pour justifier la prohibition absolue de ce genre de pratique. Bien que la Cour suprême ait maintenant rejeté les arguments en faveur d'une telle prohibition, il faut tout de même tenir compte des préoccupations et des risques puisque ce sont des considérations importantes et légitimes. En effet, la juge de première instance et la Cour suprême ont clairement dit que ces risques et préoccupations étaient fondés. J'aimerais citer la juge de première instance, qui a dit ce qui suit:
[...] les risques inhérents à l'autorisation de l'aide médicale à mourir peuvent être reconnus et réduits considérablement dans un régime soigneusement conçu, qui impose des limites strictes scrupuleusement surveillées et appliquées.
Il s'agit, à mon avis, d'un passage clé du jugement de première instance. D'ailleurs, la Cour suprême du Canada y fait référence à plusieurs reprises. Il y a de nombreux éléments à retenir dans cet extrait: premièrement, la juge de première instance estime qu'il y a des risques inhérents à l'autorisation de l'aide médicale à mourir, et ce sont les personnes vulnérables qui y seront exposées. Deuxièmement, les risques peuvent être reconnus et réduits considérablement dans un régime soigneusement conçu, qui impose des limites et des mesures de protection strictes. Toutefois, on ne peut éliminer tous les risques. Troisièmement, ces limites et mesures de protection doivent être scrupuleusement mises en oeuvre, surveillées et appliquées.
Ce passage nous aide à comprendre le chemin qui s'étend devant nous. Nous devrons cerner les divers risques pour les personnes vulnérables afin de concevoir un régime doté de limites et de mesures de protection, qui vise à réduire au minimum ces risques. Nous devrons aussi envisager des mécanismes pour que les médecins comprennent bien la loi et sachent comment l'appliquer et pour que les autorités compétentes soient tout aussi vigilantes dans la détection des manquements à la loi et l'imposition de sanctions.
Les tribunaux conviennent que la complaisance ne devra pas être tolérée, que ce soit dans l'élaboration d'une réponse législative ou dans sa mise en oeuvre. À mon avis, nous devrons concevoir ces mécanismes avec beaucoup de prudence. Nous en savons déjà beaucoup au sujet de ces risques. En effet, de nombreux éléments de preuve concernant ces risques ont été présentés aux tribunaux dans le cadre de l'affaire Carter.
Certains risques déjà cernés ont trait aux difficultés qu'ont les médecins à déterminer si la dépression ou des tiers, comme des membres de la famille, exercent une influence sur une personne qui demande qu'on l'aide à mourir. Cette préoccupation est particulièrement vive dans le cas des personnes âgées. Comme nous le savons tous, la maltraitance des aînés constitue un problème croissant. Trop souvent, des gens profitent de la confiance que leur accordent des personnes âgées. Il peut fort bien arriver qu'un enfant adulte laisse entendre à un de ses parents âgés qu'il a eu une vie bien remplie et qu'il n'est pas nécessaire qu'il continue de vivre affaibli ou malade. Des enfants adultes qui ont hâte de toucher l'héritage de leurs parents pourraient fort bien tenter de les convaincre de choisir l'aide médicale à mourir.
En tant qu'avocat, je suis très préoccupé par le risque que des bénéficiaires sans scrupules manipulent des aînés malades ou leur fassent subir des pressions indues. Quiconque exerce le droit au Canada, en particulier le droit testamentaire et successoral, sait cela. Les avocats dans ce domaine voient des situations où des personnes âgées sont la cible de beaucoup de pression pour prendre certaines dispositions testamentaires, en particulier constituer une fiducie testamentaire, ce qui porte le problème à un autre niveau. Nous devons procéder avec grande prudence dans ce domaine. Nous espérons tous que de tels abus ne se produisent jamais, mais notre démarche ne fera que nuire aux personnes vulnérables si nous nions naïvement que cela peut arriver. La véritable question, c'est comment empêcher que cela mène à un décès non désiré.
Une autre préoccupation à considérer, c'est le risque qu'une personne choisisse de mettre fin à ses jours en raison d'un diagnostic ou d'un pronostic erroné. Bien que la médecine soit une science, le diagnostic d'une maladie et le pronostic quand à l'espérance de vie du patient constituent une évaluation médicale difficile. Mon propre père était médecin. Il est maintenant à la retraite, et se trouve à l'hôpital d'Hamilton, en Ontario. Il m'a parlé bien de bien des cas où il avait dû revoir un diagnostic et où des résultats de tests étaient peu concluants. Je me souviens qu'il m'ait raconté, quand j'étais enfant, l'histoire d'un patient qu'il avait à Toronto il y a 40 ans. Un jeune homme s'était blessé en jouant au football à l'école secondaire. Il a passé 21 ans dans le coma. Puis, un beau jour, il s'est réveillé et est sorti de l'hôpital. Sa mère avait passé 21 ans à son chevet. La science évolue constamment. Chaque jour, nous en apprenons davantage au sujet du corps humain et de sa capacité d'autoguérison.
Mon père a terminé ses études en médecine en 1953 et a consacré toute sa carrière à prolonger et à sauver des vies. Je m'inquiète pour les futures générations d'étudiants en médecine. Je me demande comment ils vont composer avec la responsabilité supplémentaire de considérer comment mettre fin à une vie.
La cour a également été saisie d'éléments de preuve montrant que les personnes handicapées courraient des risques particuliers dans le cadre d'un régime trop permissif. Le juge de première instance a accepté les éléments de preuve selon lesquels les personnes handicapées risquent d'être victimes de préjudices dans le milieu médical en raison de préjugés inconscients de la part de certains médecins, qui amènent ceux-ci à présumer que la qualité de vie de ces personnes est inférieure à ce qu'elle est, subjectivement, pour ces dernières. Certains craignent que, si une personne handicapée exprime la volonté de mourir, sa demande soit trop facilement acceptée par son médecin, et qu'on ne consacre pas suffisamment de temps et d'énergie à déterminer ce qui se cache derrière cette demande pour en comprendre les raisons. De façon plus générale, les groupes de défense des droits des personnes handicapées craignent que l'aide médicale à mourir renforce soudainement les stéréotypes et les préjugés sociaux voulant que la vie des personnes handicapées a moins de valeur et est de qualité moindre que celle des autres Canadiens. Bon nombre de personnes handicapées croient qu'une telle supposition est dévalorisante. Nous devons prendre leurs craintes au sérieux.
Comme je l'ai dit auparavant, mon point de vue repose sur l'expérience que j'ai vécue avec ma mère, qui est décédée il y a trois ans. Elle souffrait de la maladie d'Alzheimer, et les cinq dernières années de sa vie n'ont pas été faciles. Elle était confinée à un fauteuil roulant qui était trop grand pour elle. Elle avait besoin d'aide pour s'asseoir dans le fauteuil ou le quitter et pour se mettre au lit et en sortir. Bien des fois, elle ne savait même pas où elle se trouvait, qui elle était ou à qui elle parlait. Toutefois, même lors de la dernière année de sa vie, il y avait certains jours où, de façon tout à fait inattendue, elle faisait des remarques extrêmement pertinentes, savoureuses et perspicaces, des remarques bien à propos, et nous ne savions jamais quand ces moments se produiraient.
Il était difficile pour mon frère, ma soeur et moi de la sortir de la maison de santé où elle résidait pour qu'elle puisse assister à des événements familiaux. Il fallait toute une logistique et des soignants spéciaux, mais chaque moment passé en sa compagnie valait la peine et nous aimerions tous qu'elle soit encore parmi nous aujourd'hui.
Bien sûr, plus généralement, les points de vue divergent chez les personnes handicapées, mais ce sont les préoccupations qu'ont soulevées les grandes organisations nationales et internationales. Il sera primordial d'entendre tous les intervenants au cours de prochains mois, afin que nous puissions mettre au point des mesures et des protections adéquates qui affirment la dignité et la valeur égales et inhérentes de tous les Canadiens, y compris des Canadiens handicapés.
Beaucoup seront probablement d'avis que l'aide médicale à mourir est une question d'ordre privé entre un patient — qui veut vraiment et absolument mourir parce qu'il a une maladie qui lui cause des souffrances insupportables — et son médecin. La question de la légalisation de l'aide médicale à mourir semble être une question d'ordre privé.
Du point de vue d'une personne qui veut vraiment mourir, la question peut paraître relativement simple. Toutefois, comme je l'ai expliqué, d'un point de vue public plus large, il y a beaucoup d'éléments à prendre en considération.
Certaines personnes pourraient choisir l'aide médicale à mourir après avoir mené une vie stimulante et bien remplie, ayant réalisé tous leurs rêves, avec l'appui de leurs proches et de leurs amis. Toutefois, ce n'est pas tout le monde qui a cette chance. D'aucuns pourraient choisir la mort comme option la plus raisonnable parce qu'ils ne sont pas soutenus par leur famille, parce qu'ils sont seuls ou parce qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour rendre leur vie supportable. Si ces personnes demandent à leur médecin de les aider à mourir, comment devrions-nous les traiter?
Selon toute vraisemblance, il existe plusieurs avenues possibles dans ce dossier. Il serait essentiel d'examiner les régimes en vigueur à l'échelle internationale, comme l'ont fait les tribunaux dans l'affaire Carter. À l'heure actuelle, il semble y avoir deux catégories de régimes. Aux États-Unis, trois États — l'Oregon, Washington et le Vermont — ont légalisé le suicide assisté par un médecin en ne permettant la prescription d'une substance mortelle qu'aux malades en phase terminale. En revanche, trois pays d'Europe — la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg — ont légalisé et réglementé l'euthanasie dans le cas de personnes en proie à des souffrances intolérables causées par n'importe quel type de maladie.
Parmi ceux qui obtiennent une aide médicale à mourir dans le cadre de ces programmes, la plupart sont des patients atteints de cancer, qui sont en fin de vie, mais on compte aussi un nombre croissant de personnes atteintes de troubles psychiatriques ou d'autres problèmes de santé non mortels. Il faudra faire des choix difficiles. En tant que société, traiterons-nous différemment la souffrance des personnes mourantes et celle des gens qui pourraient vivre encore longtemps? Prenons-nous toutes les mesures possibles pour soulager la souffrance sous toutes ses formes?
J'aimerais en profiter pour mentionner les soins palliatifs et rendre un hommage particulier aux personnes exceptionnelles, infirmiers et infirmières, médecins et soignants, qui oeuvrent dans ce secteur. Ce sont de véritables anges, et ils méritent notre appui et nos remerciements. Des membres de ma famille ont connu une fin de vie bien plus douce parce qu'ils ont pu bénéficier de soins palliatifs. C'est un aspect dont nous devrons parler pendant le débat. Quand j'ai l'impression de vivre une dure journée au bureau, je pense aux professionnels des soins palliatifs. Que Dieu les protège.
Comment pourrons-nous à la fois poursuivre les initiatives de prévention du suicide et offrir à certaines personnes une aide à mourir? Comment pouvons-nous amener les Canadiens à parler plus volontiers de la mort avec leur médecin et leur famille, et à prévoir les directives qu'il faudra suivre s'ils deviennent un jour incapables d'exprimer leurs souhaits?
L'aide médicale à mourir soulève de nombreuses et importantes inquiétudes dans l'ensemble de la population. Il est en effet question de vie, de mort, de dignité humaine, de souffrances ainsi que de la valeur intrinsèque et de l'égalité de tous les Canadiens, quels que soient leur état médical, leur âge, leurs handicaps physiques et leurs problèmes. Il s'agit de questions très profondes. Le gouvernement s'oppose à la motion parce qu'il s'est engagé à mener sérieusement et efficacement de vastes consultations auprès de la population. Ces consultations prendront un certain temps, et il nous incombe de prendre le temps d'examiner attentivement tous les points de vue et toutes les possibilités qui s'offrent à nous.
Il faut unir nos efforts pour trouver des solutions empreintes de respect et de compassion. La façon dont nous choisirons de conjuguer ces valeurs souvent contradictoires témoignera pendant longtemps du genre de société dans laquelle nous voulons vivre. À mon avis, la structure du comité spécial et le calendrier proposé dans la motion libérale ne nous permettraient pas d'examiner comme il se doit tous les aspects de cette question très grave.
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Monsieur le Président, je voudrais vous signifier que je partagerai le temps dont je dispose avec la députée de .
Il y a des moments dans la vie d'une personne qui sont d'une importance capitale. Il n'y a rien de plus important que ce qui touche à la santé et à nos vies, que tout ce qui touche à la vie des gens que nous représentons. Nous n'aurons probablement pas de débat plus important, autre que le dossier de la sécurité, parce que, encore une fois, cela touche à la vie et aux libertés des gens que nous représentons. Ce dossier-ci est donc extrêmement important.
Assez jeune — le mot « jeune » est relatif, vu le caucus que nous avons —, j'ai été mise brusquement devant la réalité d'expressions que je ne connaissais même pas. Quand j'avais 29 ans, nous avons appris comme cela, de façon brutale, que mon père avait un cancer. Ses jours étaient comptés, et rien ne pourrait le mener plus loin que deux ou trois mois. Même les traitements ne le mèneraient pas à plus de cinq mois. J'ai dû rétroagir face à des principes ou des concepts comme « qualité de vie » et « dignité humaine ». Il n'y a rien de pire dans la vie de quiconque que de faire face d'abord à sa propre mortalité, ensuite à celle des gens qu'il aime. Comment doit-on traiter tout cela? Je pense que notre humanisme doit ressortir en priorité.
J'ai aussi le bonheur d'être Québécoise et d'avoir assisté au processus qui s'est enclenché au Québec dans le contexte de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Une de mes bonnes amies, Maryse Gaudreault, députée de Hull, était députée à l'Assemblée nationale à l'époque où son parti était au pouvoir, et elle a présidé cette commission.
Ce qui m'a fascinée dans ce dossier, c'est que des politiciens de tous horizons ont pu se rassembler autour d'un dossier aussi complexe. Il y avait autant de positions diverses qu'il y avait de personnes autour de la table, mais celles-ci ont su mettre leurs différends de côté pour travailler pour les gens qu'elles représentaient ou, comme diraient les Anglais, for the better good. Ces gens ont fait preuve d'ouverture au cours de ce processus. C'est vrai qu'ils ont pris le temps nécessaire. À cet égard, je rejoins le secrétaire parlementaire: si on veut faire une étude en profondeur de nombreux concepts, peut-être qu'il va falloir songer au temps que nous devrons y consacrer. Cela dit, il ne faut pas attendre à demain, il faut commencer maintenant.
Dans ce contexte, la commission a produit un rapport. Il existe une version anglophone. J'encourage les députés à consulter ce rapport sur le site du gouvernement du Québec en cliquant sur l'onglet de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. C'est un modèle de coopération politique entre politiciens de toutes orientations. Qu'on les appelle comme on voudra, fédéralistes, indépendantistes ou séparatistes, qu'ils soient de gauche, de droite, de centre ou de centre-gauche, ces gens-là se sont assis autour d'une table de façon non partisane pour écouter ce que les Québécois et les Québécoises avaient à leur dire et pour écrire des recommandations.
Cela ne s'est pas arrêté là. En effet, après cela, un comité d'experts a été créé pour essayer de produire un contexte un peu plus légal sur la question. En faisaient partie trois sommités: Me Jean-Pierre Ménard, sommité en matière de droit médical, Me Michelle Giroux et Me Jean-Claude Hébert. Cela s'est poursuivi,et il y a eu une entente à l'effet que, si le prochain gouvernement n'était pas de la couleur du gouvernement qui présidait la commission, ils allaient prendre le relais et poursuivre le processus. Cela ne s'est donc pas terminé lors du changement de gouvernement. La ministre du Parti québécois Véronique Hivon a pris la relais et a continué à mener le dossier et, par la suite, le gouvernement Couillard l'a finalisé.
Cela montre comment un échantillonnage de gens de tous horizons se sont investis dans le dossier. Ils ont pris le temps d'écouter la population et ont tenté d'en arriver à un processus humain et respectueux des droits et des personnes plus à risque pour s'assurer de ne pas faire ce qu'on ne voudrait pas voir faire.
Cela dit, il y a quand même une Constitution canadienne qui a dévolu tout ce qui relève de la santé aux provinces. Cela inclut les soins jusqu'en fin de vie, peu importe le moment où celle-ci se produit.
Je suis très respectueuse du droit du Québec, et je reconnais sans aucune réserve le droit du Québec à faire ce qu'il a fait, comme toute province dans les mêmes circonstances. Nous faisons face à la décision Carter, rendue par la Cour suprême le 6 février et qui a été sans équivoque. Elle traite de l'alinéa 241(b) du Code criminel qui dit que quiconque aide ou encourage quelqu'un à se donner la mort commet un acte criminel. Selon l'article 14 du Code criminel: « Nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée [...] ».
La Cour suprême du Canada a été très claire, et pour reprendre les mots du chef du troisième parti, clear and unanimous guidance. Ce que la Cour suprême du Canada a dit ne peut pas être plus clair. Il faudra donc faire une étude dans un contexte bien précis. La Cour suprême dit sans équivoque:
L’alinéa 241b) et l’art. 14 du Code criminel portent atteinte de manière injustifiée à l’art. 7 de la Charte et sont inopérants dans la mesure [Il faut bien comprendre la décision de la Cour suprême] où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition. La prise d’effet de la déclaration d’invalidité est suspendue pendant 12 mois.
Cela veut dire qu'il n'y a pas 36 scénarios possibles. Cela s'est discuté partout et nous l'avons entendu. En effet, tout le monde parle de trois scénarios possibles et d'un quatrième. Le quatrième scénario serait d'obtenir une prorogation de la Cour suprême parce que nous ne serions pas capables de nous lancer rapidement dans le dossier et de faire ce que nous aurions dû commencer à faire depuis un bout de temps déjà. Au NPD, nous avons commencé à le faire bien avant la décision Carter, sachant fort bien que nous devrions faire face à cette question, même si ce n'était que parce que la population canadienne nous le demandait. J'ai de plus en plus l'impression qu'elle est en avant de nous sur la question.
La Cour suprême du Canada a été claire. Un des trois scénarios possibles, c'est d'utiliser la clause nonobstant. Nous savons que certains collègues conservateurs sont friands de cette clause. J'étais fort aise d'entendre le nous dire qu'il n'était pas question d'utiliser la clause nonobstant. Merci, mon Dieu. Utiliser la clause nonobstant par rapport à la Charte canadienne des droits et les libertés, pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien, cela veut dire que nous savons que nous sommes contraires à la Charte mais que, sachant cela, nous le faisons quand même. Jusqu'à maintenant, nous nous sommes tenus loin de ce genre de clause, tous partis confondus, et j'en suis fort aise.
Le deuxième scénario est de dire qu'il ne se passe rien et que nous n'allons pas demander une prorogation auprès de la Cour suprême du Canada. Alors que se passe-t-il? Un journaliste me posait la question hier. C'est intéressant parce que plus on lit la décision, plus on y voit de choses. En fait, mon opinion, qui vaut ce qu'elle vaut, c'est que l'alinéa 241b) va continuer de s'appliquer, sauf dans le cas où ce serait la prohibition de « l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent [...], donc ce que je mentionnais tout à l'heure. Le scénario de laissez-faire ou de ne rien faire signifierait que ce serait du cas par cas quand ce serait présenté devant les tribunaux.
Le troisième scénario, c'est de prendre le taureau par les cornes et d'apporter des précisions. Il va quand même falloir que les tribunaux sachent ce que signifie « un adulte capable », « un consentement clair à mettre fin à sa vie », « un problème de santé grave et irrémédiable (y compris une affection, une maladie ou un handicap) [qui cause] des souffrances persistantes », et ainsi de suite.
Le caucus néo-démocrate a toutes sortes d'opinions, tout comme la population canadienne. Toutefois, je pense que nous devons écouter les Canadiens, les spécialistes et les gens qui ont un intérêt marqué pour la question afin de bien préciser comment l'alinéa 241b) doit se lire maintenant en vertu de la décision de la Cour suprême, et ce qui serait acceptable comme consentement, comme notion d'adulte, et ainsi de suite. L'idée d'un comité n'est pas mauvaise.
Nous allons appuyer la motion libérale. Par contre, j'ai de sérieux doutes concernant la non- partisanerie du processus, compte tenu de l'historique que nous avons avec le gouvernement en place.
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Monsieur le Président, j'ai l'honneur de me lever aujourd'hui pour m'exprimer sur le suicide assisté et sur la motion du troisième parti à la Chambre.
J'aimerais commencer par faire écho aux propos de tous mes collègues. Je ne vais pas me lancer dans un long débat. C'est un sujet sensible, très polarisé et qui interpelle personnellement les gens, parce qu'on a tous directement ou indirectement vécu une situation tragique où une personne qu'on connaît perd quelqu'un qu'elle aime ou que nous-mêmes perdons ou voyons une personne très proche souffrir. C'est le rôle du Parlement de guider les Canadiens et les Canadiennes dans ce genre de situation, de leur tendre la main en leur disant que nous allons les écouter, de répondre à leurs questions et de faire reculer leur insécurité.
Le débat est nécessaire aujourd'hui, et je remercie mes collègues du Parti libéral d'avoir présenté cette motion. Comme ils le disent, nous sommes devant une décision de la Cour suprême très importante parce que, comme ma collègue de vient de le dire, elle renverse une autre décision, soit la décision Rodriguez. Elle édicte de nouveaux principes par rapport à l'euthanasie et au suicide assisté. Comme parlementaires, il importe que nous tenions compte de cette décision, et surtout que nous écoutions les nombreux Canadiens et Canadiennes, de tous les horizons, qui demandent au gouvernement de faire quelque chose depuis longtemps.
Ma collègue de l'a bien mentionné, mais je peux peut-être répéter certains principes énoncés dans la décision de la cour. Dans sa décision, la cour nous indique que l'alinéa 241b) et l'article 14 du Code criminel violent le droit à la vie, le droit à la sécurité et le droit à la liberté des Canadiens et Canadiennes. Pourquoi? Parce qu'une prohibition générale n'atteint pas l'objectif qui est, il faut le dire, de protéger les personnes vulnérables contre toute incitation ou encouragement à mettre fin à leur vie. La prohibition générale vient violer le droit à la dignité. La Cour suprême parle d'autonomie décisionnelle, de liberté de la personne, de dignité de la personne. Il est important d'admettre et d'épouser ces concepts, et de renvoyer la balle aux Canadiens et Canadiennes pour qu'ils nous disent ce qu'ils en pensent et ce qu'ils attendent de leur Parlement.
C'est dommage que les conservateurs estiment que le fait de consulter les Canadiens est un rôle qui appartient uniquement au gouvernement. C'est faux. Nous sommes tous ici en tant que parlementaires, et c'est le rôle des parlementaires et du Parlement de consulter les Canadiens et les Canadiennes.
En ce qui concerne ce qui a été fait au Québec, j'aimerais féliciter les parlementaires québécois, au nom de tous mes collègues. Ils ont été vraiment capables de faire fi de toute la partisanerie existante en politique pour finalement adopter le projet de loi le 5 juin 2014.
Le processus utilisé au Québec est très intéressant. Il a débuté en 2009. De 2009 à 2014, il y a eu la formulation des principes et un profond questionnement au sujet du suicide assisté par une commission spéciale qui a reçu comme mandat du Parlement d'étudier la question du droit de mourir dans la dignité. Celle-ci a consulté des experts de septembre 2010 à mars 2011.
Par la suite, elle a demandé à des experts juridiques de commenter ses 24 recommandations et de déposer un rapport sur les questions juridiques soulevées. Ce rapport a été déposé au gouvernement le 15 janvier 2013, ainsi qu'à une commission de la santé et des services sociaux.
Les gens de tous les domaines touchés par cette question ont donc été consultés, qu'il s'agisse des experts juridiques ou des professionnels de la santé et des services sociaux. C'est important de le mentionner, car les provinces doivent être impliquées dans le processus, qu'il s'agisse d'un comité spécial ou d'une consultation. Le gouvernement doit comprendre que les provinces sont les premiers acteurs à fournir les soins de santé.
Il est donc extrêmement important que les provinces fassent partie intégrante des consultations du gouvernement. Oui, il faut consulter les Canadiens, les experts juridiques et les professionnels de la santé, mais les provinces sont les premières à livrer des soins de santé. Alors, leur point de vue doit être absolument être entendu par le gouvernement.
Ce n'est pas la première fois qu'un projet de loi traitant du suicide assisté est présenté. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une motion, mais plusieurs projets de loi ont été présentés, dont celui de ma prédécesseure, Mme Francine Lalonde. Celle-ci a été une figure de proue en ce qui concerne la question du suicide assisté. Elle a présenté un projet de loi à plusieurs reprises en vue de modifier le Code criminel. Alors, le Parlement peut aussi s'inspirer des nombreuses initiatives des parlementaires ainsi que des débats qui ont eu lieu au Parlement.
Les gens opposent souvent le suicide assisté aux soins de santé palliatifs ou de fin de vie, alors que les deux vont de pair. Mon collègue de a présenté une motion pour que le gouvernement se penche sur une stratégie pancanadienne en matière de soins palliatifs, de concert avec les territoires et les provinces, visant à améliorer la qualité de vie et la dignité des gens qui sont malheureusement en fin de vie.
Tout cela mérite que nous ayons une discussion extrêmement importante sur le rôle que va jouer le Parlement dans cet enjeu. Les principes fondamentaux de ce débat sont très importants. Il s'agit de liberté, de choix, de dignité et, surtout, de santé et de sécurité. C'est la base même des principes édictés par la Cour suprême dans l'affaire Carter c. Canada.
Il faut travailler à ce que tous les Canadiens et les Canadiennes soient entendus et à ce qu'ils puissent mettre fin à leurs jours de façon digne. L'autonomie décisionnelle est extrêmement importante.
Les provinces doivent être les principaux acteurs consultés par le gouvernement, mais les Canadiens et les Canadiennes doivent surtout sentir que leur gouvernement est à l'écoute et qu'il fera tout en son pouvoir pour respecter la décision de la Cour suprême et pour trouver une solution qui respecte les principes fondamentaux édictés dans l'affaire Carter c. Canada.
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Cette motion est relativement simple. Elle demande qu'un comité spécial soit formé pour demander l'opinion de spécialistes et tenir de vastes consultations auprès du public et des médecins, car il est question d'aide médicale à mourir. La Cour suprême a, en fait, abordé la nature très complexe et controversée de la question de l'aide à mourir. Nous savons que certaines personnes sont anxieuses et inquiètes à l'idée que des personnes vulnérables puissent être victimes d'abus et contraintes de décider de mettre fin à leur vie alors que ce n'est pas nécessaire. La Cour a mis ce point de vue en balance avec l'idée que certaines personnes estiment avoir besoin de mettre fin à leurs jours pour diverses raisons. En raison de la nature très complexe de cette décision et de la perception très controversée des Canadiens, nombre de groupes devraient être consultés. Il est important pour nous de gérer cette controverse dans la sphère publique et aussi de parler aux médecins à qui il reviendra de composer avec la question de l'aide médicale à mourir.
La Cour suprême a été très claire: cette mesure législative doit être équilibrée. Ainsi, elle doit protéger les personnes vulnérables contre toute coercition, entre autres, tout en garantissant le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne pour toute:
[...] personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
C'est particulièrement clair. La Cour suprême affirme que toute loi doit comporter des « [...] garanties adéquatement conçues et appliquées [pouvant] protéger les personnes vulnérables contre les abus et les erreurs ». La Cour suprême a exprimé très clairement qu'il faut établir un équilibre à cet égard. Nous devons discuter de cette question avec la population. Nous devons entendre les témoignages de représentants de divers groupes, de spécialistes et de médecins.
Les tribunaux ont également dit quelque chose de très important. Dans le contexte de la prise de décisions d’ordre médical et du consentement éclairé, les médecins sont entièrement aptes à évaluer tous les critères qui ont été mentionnés par la Cour suprême, soit qu'il doit s'agir d'une personne adulte capable, et ainsi de suite. Ce sont les médecins qui posent un diagnostic au sujet de l'état d'un patient, qui savent à quoi ressemble le pronostic de ce dernier et qui comprennent tous les choix qui s'offrent à lui pour atténuer ses souffrances et qui peuvent l'aider à évaluer les choix en ce qui concerne sa vie. Le patient doit avoir le choix de mettre fin à ses jours. Il est essentiel qu'un médecin évalue la capacité d'un patient qu'il traite.
Lorsque je pratiquais la médecine, je passais beaucoup de temps tous les jours avec mes patients afin de leur expliquer ce dont ils souffraient exactement, de leur exposer les traitements et les interventions possibles et de leur soumettre mon pronostic afin qu'ils puissent eux-mêmes faire un choix. Nous appelons cela le consentement éclairé. Les patients reçoivent l'information nécessaire pour savoir quoi faire, où aller et quelles décisions prendre. Il s'agit tout simplement d'un autre aspect du consentement éclairé, et seuls les médecins peuvent le faire, parce qu'ils savent comment déterminer s'il s'agit d'une personne capable. Les médecins le savent si un patient fait l'objet de contraintes ou s'il est maltraité. Ils peuvent établir si le patient comprend la nature de sa maladie. Les médecins sont en mesure de savoir si la personne va s'en sortir, si elle souffre de douleurs intolérables et s'il y a encore de l'espoir. Ils sont parfaitement capables d'évaluer pareils critères lorsqu'il est question de vie ou de mort.
Certains autres États comme l'Oregon et la Belgique, en Europe, exigent un deuxième avis lorsqu'un patient demande l'aide médicale à mourir. De nombreux médecins proposent à leurs patients d'obtenir l'avis d'un autre médecin afin que ces derniers puissent savoir s'il y a d'autres options, après quoi le patient peut faire son choix.
Je pense qu'il est vraiment important que les médecins puissent faire cela, et je crois que les tribunaux ont affirmé qu'à leur avis, ils le peuvent.
Il faudrait envisager une option qui pour l'instant n'est pas largement accessible dans l'ensemble du pays, mais à laquelle pourraient recourir de nombreux patients en proie à des souffrances intolérables ou dont la condition est sans remède. Il s'agit des soins palliatifs. Ces soins ne sont pas disponibles. Je sais qu'un médecin aimerait pouvoir dire à son patient qu'il a un choix, qu'il peut se rendre dans un centre où il recevra de bons soins palliatifs, pour soulager sa douleur et recevoir les soins qui l'aideront à mourir dans la dignité. Ainsi, les malades auraient un choix, mais ce choix n'est pas possible dans l'ensemble du pays.
Je tiens à souligner que l'Association médicale canadienne et moi-même, en tant que médecin, croyons que les soins palliatifs sont un élément essentiel dans la création d'un programme parallèle qui pourrait nous aider au moment de rédiger la mesure législative, en offrant de réelles options aux patients, leur permettant de donner un consentement éclairé.
Les programmes de prévention du suicide doivent être maintenus, car nous savons que le fait d'être aux prises avec une maladie chronique, débilitante ou incurable entraîne une grave dépression chez de nombreuses personnes. C'est l'un des premiers effets d'un diagnostic de maladie grave ou incurable. Or, une personne dépressive n'est pas vraiment apte à prendre une décision. L'accès à des soins de santé mentale appropriés est une autre option qui n'est actuellement pas offerte aux patients qui reçoivent un diagnostic de maladie grave ou incurable. Si nous voulons agir dans ce dossier, nous devons offrir aux patients un choix véritable. Nous devons donc étendre ces programmes en fonction des besoins.
Nous devons également consulter les médecins au sujet d'un éventuel projet de loi. L'Association médicale canadienne est claire: il faudra donner aux médecins une chance raisonnable de s'exprimer à l'égard de toute mesure législative proposée, car il ne fait aucun doute qu'ils seront appelés à jouer un rôle de premier plan.
Nous savons en outre que l'opinion des médecins eux-mêmes est assez divisée à ce sujet. Les médecins sont déchirés entre deux grandes règles de déontologie. La première veut qu'ils tiennent compte d'abord du mieux-être du patient, ce qui pourrait bien signifier l'aider à mourir dans la dignité; la seconde veut qu'ils évitent de causer un préjudice aux patients, ce qui, selon de nombreux médecins, va à l'encontre de toute aide à mourir.
Par conséquent, il faut établir des mesures de protection claires, à l'instar de tous les autres États qui ont légalisé le suicide assisté par un médecin. On affirme que les médecins qui ne souhaitent pas aider un patient à mourir, pour des raisons morales, religieuses ou autres, ont le devoir éthique et moral de diriger celui-ci vers un médecin qui sera disposé à le faire.
Voilà certaines des raisons pour lesquelles les médecins doivent bénéficier d'une protection s'ils prennent une décision, comme c'est déjà le cas dans le dossier de l'avortement. Si un médecin refuse de pratiquer un avortement pour des raisons morales ou autres, il a le devoir éthique de renvoyer la patiente, si celle-ci le souhaite, à un médecin qui procédera à l'avortement.
Il s'agit de questions très importantes, sur lesquelles il faudra entendre l'avis des médecins au moment d'élaborer la mesure législative. Nous devons examiner les pratiques exemplaires dans d'autres États. C'est un aspect important.
Toutefois, sur le plan de la procédure, c'est très clair. La Chambre ne siégera que pendant 12 autres semaines. Si nous parvenons à convoquer d'emblée un comité chargé de parcourir le pays, d'écouter les Canadiens, de rencontrer des experts et d'entendre l'avis des médecins, nous serons en mesure — après les élections et l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement, peu importe son allégeance politique — de produire un rapport du comité en respectant l'échéance imposée par la Cour suprême.
Le recours à des comités spéciaux n'est pas sans précédent. Il y a eu en effet des comités spéciaux qui se sont penchés respectivement sur le racolage, sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Les comités parlementaires ordinaires ont d'autres rôles à jouer dans leurs fonctions d'examen de la législation et ne pourraient pas se consacrer aux tâches prévues dans ce cas-ci aussi pleinement que pourrait le faire un comité spécial, dont ce serait le seul mandat.
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Monsieur le Président, c’est avec une certaine tristesse que je prends la parole aujourd’hui, pour répondre à certains des propos tenus par des députés ministériels. C’est d’autant plus regrettable que c’était là l’occasion, pour le Parlement, de se montrer sous son meilleur jour. Ce qui est en jeu, c’est la pertinence du Parlement et la diligence qu’il doit démontrer pour donner suite à ce que la Cour suprême du Canada lui demande de faire.
Notre parti espérait que cette motion inciterait le gouvernement à prendre la bonne décision, comme il l’a fait il y a deux ans lorsque nous avons réclamé la constitution d’un comité spécial sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. À l’époque, le ne s’était pas opposé à la mise sur pied d’un tel comité. Aujourd’hui, la Cour suprême nous somme pratiquement de faire quelque chose, et tout d’un coup, les députés ministériels s’y opposent. Si leur stratégie consiste à obtenir un report du délai, je doute que la Cour suprême en accorde un si elle constate que le Parlement ne commence pas à faire ce qu’elle lui a demandé de faire.
Je viens d’une institution dont la devise en latin est non quo sed quomodo: autrement dit, ce qui importe, ce n’est pas tant ce que nous faisons, mais la façon dont nous le faisons. Le moment est venu pour le Parlement et les parlementaires de montrer aux Canadiens qu’ils sont prêts à prendre des décisions de façon transparente, à s’attaquer à des dossiers délicats, en écoutant tous les points de vue, et non pas en ayant une attitude fermée, car les Canadiens auraient alors l’impression que le gouvernement a déjà pris sa décision et que le Parlement n’a pas son mot à dire, et la population encore moins.
Ce débat suscite manifestement de vives réactions, et il est donc important que les Canadiens se rendent compte que nous sommes prêts à nous attaquer à cette question très délicate et à relever le défi que nous a lancé la Cour suprême, à savoir éclaircir la situation et mettre en place les garde-fous qu’elle et tous les Canadiens jugent nécessaires. En qualité de médecins, la députée de et moi-même savons qu’il y a un moment où on ne peut rien prescrire, où il faut écouter. C’est seulement de cette façon que nous pourrons faire les choses correctement.
C’est un travail très sérieux que nous sommes appelés à faire, mais il est très important que les Canadiens comprennent que c’est le Parlement qui a été prié de faire le travail et de consulter les Canadiens. Cela ne serait pas acceptable que le Parlement abdique devant la tâche que lui a confiée la Cour suprême du Canada et qu’il laisse un gouvernement qui a un bilan déplorable en matière de consultation des Canadiens demander à des fonctionnaires d’assister à des séances d’information pour ensuite ne pas écouter leurs comptes rendus. Nous avons la responsabilité d’élaborer un processus très transparent au moyen duquel les Canadiens seront mis au fait des témoignages que nous aurons entendus et sauront que nous les avons écoutés.
Il faut prêter l’oreille aux experts et aux gens concernés. C’est l’occasion pour un régime démocratique entre deux élections de montrer aux Canadiens qu’ils sont entendus et autorisés à participer à l’élaboration d’une politique publique. Comme l’a dit Jane Jacobs, pour avoir une bonne politique, il faut que les décideurs puissent penser aux personnes touchées. Nous devons écouter les gens qui seront visés par ces mesures législatives et bien faire les choses.
Les termes utilisés au paragraphe 127 du jugement, même s’ils sont clairs, comme l’a dit ma collègue, peuvent amener les Canadiens à interpréter de façons bien différentes ce qu’est une « personne adulte capable », ce que signifie « consent clairement », ce que sont des « problèmes de santé graves et irrémédiables » et ce que veut dire « lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition ». Les Canadiens peuvent également se demander ce que nous pouvons faire pour qu’ils ne soient pas intimidés et pour que les personnes vulnérables ne risquent pas de subir des préjudices.
Je n’y vois que le refus du gouvernement de gouverner, de s’attaquer aux sujets difficiles. Il se défile et j’espère qu’il a encore le temps aujourd’hui pour saisir le moyen que lui offrent les libéraux pour montrer que le Parlement fera son travail et que le gouvernement ne se réduit pas à une administration en mode électoral qui refuse de prendre les décisions difficiles.
Il est très clair que le gouvernement pourrait s’y prendre de diverses façons pour traiter cet enjeu: il pourrait, entre autres, élaborer un livre blanc pour procéder à une consultation ou encore préparer un avant-projet de loi. La consultation en ligne dont il parle ne fonctionnera tout simplement pas à moins que les gens comprennent bien les questions en cause et qu’ils sachent qu’ils seront écoutés. Certains députés proposent déjà de demander une prolongation ou de recourir à la disposition de dérogation.
Il ne fait pas de doute que la Cour suprême du Canada a travaillé à l’unisson. Il est temps maintenant que nous, les parlementaires, en fassions autant.
J’ai assisté probablement à plus de 2 000 naissances dans ma carrière de médecin de famille, et je sentais que mon travail était de voir à ce que mes patientes se sentent en sécurité, vivent leur accouchement dans la dignité et à ce que les choses se passent selon les désirs des familles. J’ai assisté à beaucoup moins de décès, mais mon travail était aussi, dans ces cas, de veiller à ce que mes malades soient sereins, à ce qu’ils ne souffrent pas et à ce qu’ils puissent mourir dans la dignité. À la Chambre, nous avons tous nos propres expériences et nous savons tous que nous devons faire mieux.
Il faut que nous ayons ce débat si nous voulons pouvoir régler les autres dossiers en attente, à savoir l’approche à adopter en ce qui concerne les soins palliatifs et de fin de vie, et la gestion de la douleur.
L’article du docteur Chochinov, dans l’édition du mercredi 18 février du Star, explique bien que les médecins ne sont pas suffisamment formés en qui concerne les besoins des patients en fin de vie. L'objectif des soins est souvent mal défini. Dans le contexte de la décision de la Cour Suprême, ces questions deviennent encore plus importantes, et il va falloir que les réponses viennent non seulement des Canadiens mais aussi des écoles de médecine et des associations médicales. Pour que les personnes en fin de vie puissent faire un choix éclairé, il faut qu’elles aient accès à des soins palliatifs optimaux, dans le respect maximal de leur dignité.
Je suis heureuse que ma mère, à la fin de sa vie, ait pu mourir dans la dignité, grâce à une pompe à analgésique qu’elle pouvait contrôler. Dans le cas de mon père, par contre, cela ne devait pas être la fin de sa vie, car il s’était fracturé la hanche. Après des souffrances insupportables, car on lui avait donné des analgésiques insuffisants, il est décédé 72 heures plus tard. Nous ne voulions pas le voir partir. Encore une fois, si nous n’avons pas une stratégie de gestion de la douleur et des soins palliatifs adéquats, nous ne pourrons pas donner aux gens de vrais choix.
Comme les députés le savent, l’Association médicale canadienne réclame des précisions sur la façon dont les tribunaux font la distinction entre l’euthanasie et le suicide assisté par un médecin. Les Canadiens veulent que nous procédions différemment.
Nous savons qu’il nous faut des garde-fous. Le Conseil des Canadiens avec déficiences a plaidé de façon éloquente en faveur de la protection des personnes vulnérables. Nous avons eu l’expérience du VIH-sida, à l’époque où cette maladie était un arrêt de mort. Nous savons que certains de ces malades, dont le médecin avait accepté de les aider à mourir, se sont rendu compte ensuite qu'ils étaient simplement déprimés.
Il y a aussi des jeux de pouvoir. Des familles peuvent en vouloir à un vieillard vulnérable parce qu’elles estiment lui avoir assez donné. Souvent, elles attendent l'héritage, ou bien elles sont tout simplement fatiguées de s'occuper d'eux.
Comme l’a souvent dit le député de , notre société est jugée selon la façon dont elle s’occupe des personnes les plus vulnérables. Nous ne devons pas les laisser pour compte.
Nous pourrions fixer des objectifs. L’Ontario s’est fixé pour objectif d'arriver à ce que 70 % des personnes de plus de 70 ans aient un testament biologique.
Il faut que tout le monde lise Let Me Decide, de Willy Molloy. Nous devons réfléchir sérieusement aux initiatives préconisées par la Société canadienne des médecins spécialistes en soins palliatifs.
Dame Cicely Saunders a dit:
Vous comptez parce que vous êtes, et vous compterez jusqu'au dernier instant. Nous ferons tout notre possible pour vous aider non seulement à mourir en paix, mais à vivre jusqu'à la fin.
Il ne fait aucun doute que les personnes qui souffrent à la fin de leur vie sont très nombreuses. Trop rares sont celles qui s'éteignent paisiblement et dans la dignité. Nous devons répondre aux attentes de la population et nous fonder sur la recherche, l'application des connaissances, les politiques, la volonté politique et les recherches appliquées pour concevoir et mettre en place un processus exemplaire.
Tous les parlementaires doivent se pencher sur cette question. On ne peut pas laisser le gouvernement s'en occuper en cachette. Nous ne pouvons pas non plus proroger encore une fois et mettre la clé dans la porte en espérant qu'il se passera autre chose ou en attendant l'élection du prochain gouvernement.
Nous prions instamment les ministériels de faire ce qui s'impose et de laisser le Parlement faire son travail. La Cour suprême et les Canadiens n'en attendent pas moins de notre part.
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Monsieur le Président, je vous informe que je vais partager mon temps avec le député de .
C'est un privilège de pouvoir parler aujourd'hui de la décision de la Cour suprême du Canada au sujet de l'aide médicale à mourir. Comme nous le savons, les questions liées à la fin de la vie revêtent une grande charge émotive. Toutes les questions qui touchent à la façon dont les membres de nos familles et les êtres qui nous sont chers souhaitent terminer leurs jours ne sauraient être résolues rapidement. Cependant, quiconque a eu à venir en aide à un membre de sa famille qui traversait une période difficile comprendra que ces échanges sont essentiels pour assurer le respect des souhaits des êtres chers et pour veiller à ce que nous puissions tous mourir dans la dignité.
Les récents sondages et la couverture médiatique sur ce sujet nous indiquent en outre qu'il ne s'agit pas d'une question purement théorique. Les Canadiens discutent de cet enjeu à table, et il est important qu'il interpelle tout autant le gouvernement. Malgré les choses qui différencient les Canadiens entre eux — qu'il s'agisse des emplois qu'ils ont eus, du style de vie qu'ils ont adopté ou de leur contribution à la société —, nous avons tous une chose en commun: nous arriverons tous un jour à la fin de notre vie.
Cela dit, étant donné les progrès de la médecine moderne, l'évolution de la pratique médicale et le prolongement de l'espérance de vie, l'aide médicale à mourir s'inscrit désormais dans un nouveau contexte. En effet, par le passé, lorsque les Canadiens mouraient d'une maladie grave ou contagieuse, à la suite d'un accident ou de causes naturelles, c'était souvent à la maison, entourés de leurs proches. Aujourd'hui, ils passent habituellement leurs derniers jours en milieu hospitalier, souvent à la suite d'un combat long et pénible contre une maladie débilitante ou chronique.
À son admission à l'hôpital, la personne qui a besoin de soins palliatifs ou terminaux se retrouve souvent entourée d'une équipe médicale composée d'étrangers qui s'efforcent de lui prodiguer les meilleurs soins possible, même lorsque sa mort est imminente. Dans une telle situation, le patient reçoit des soins fort attentifs sans qu'il soit nécessairement possible d'améliorer son confort jusqu'au bout, ce qui s'avère aussi pénible pour lui que pour ses proches.
Voilà ce qui me ramène à l'arrêt de la Cour suprême. Je cite un extrait de sa conclusion:
[...] ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui [...] consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui [...] est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
Il convient de réfléchir à ces différents aspects, comme l'ont fait certains des députés qui sont déjà intervenus. Si 80 % des gens appuient cette mesure, comme on l'a entendu dire, c'est sûrement parce qu'ils ne comprennent pas toute sa portée. S'ils étaient conscients de sa portée, ils pourraient changer d'idée.
Andrew Coyne l'a d'ailleurs très bien exprimé. Je le cite:
Quand ils pensent à l'aide au suicide, la plupart des gens s'imaginent un adulte en pleine possession de ses facultés, apte à donner son consentement, qui vit une souffrance physique insoutenable et est atteint d'une maladie mortelle en phase terminale; une personne pour qui le suicide vient simplement rapprocher une mort déjà prochaine et inévitable.
Il poursuit:
Tout d'abord, la décision indique clairement que les « souffrances persistantes et intolérables » [...] peuvent être non seulement de nature physique, mais aussi de nature psychologique. Le concept de souffrance psychologique, déjà beaucoup plus difficile à cerner que la souffrance physique, remet aussi en question l'aptitude de la personne à prendre des décisions. La souffrance n'est pas davantage définie. On parle simplement de souffrances qui sont intolérables pour la personne.
Il ajoute ensuite:
Deuxièmement, l'autre critère que prévoit la Cour pour l'exercice de ce droit, soit la notion de « problèmes de santé graves et irrémédiables », n'indique aucunement que les jours de la personne doivent être comptés, ni même que son décès doit être probable.
Bien des gens adoptent ce point de vue quand ils pensent à des personnes en fin de vie. Plusieurs trouvent toutefois préoccupants les commentaires portant sur la souffrance psychologique intolérable. Les associations de défense des handicapés se sont exprimées très éloquemment à ce sujet. Il faut aussi regarder ce qui se passe ailleurs, comme en Belgique, où, si je ne m'abuse, l'aide au suicide est maintenant offerte aux enfants. Tout cela montre que nous devrons faire preuve d'une grande prudence quand nous élaborerons le projet de loi.
Dans ce contexte, il m'apparaît important de décrire les préoccupations que m'inspire la motion à l'étude.
Le principal problème et le plus évident, c'est le calendrier proposé. Le chef du troisième parti vient de nous dire qu'il a fallu quatre ans et demi au Québec pour élaborer sa loi. Il a fallu beaucoup de temps à cette province pour faire les choses correctement. Et il a aussi fallu beaucoup plus d'un an à la Cour suprême du Canada pour invalider l'article visé du Code criminel.
Il faudra mener beaucoup de consultations pour pouvoir élaborer une loi rigoureuse. La députée a parlé du comité spécial sur les femmes et les jeunes filles disparues ou assassinées. Le comité avait été mis sur pied pour 12 mois, mais cette période a dû être prolongée pour qu'il puisse terminer ses travaux. Il faut aussi souligner que cela s'est fait à l'instigation des libéraux, dont la motion a été adoptée à l'unanimité, donc y compris par nous. Toutefois, les libéraux se sont vite rendu compte que la structure du comité spécial présentait un gros défaut. Il fallait que l'Association des femmes autochtones du Canada soit un partenaire à part égale, mais le comité découlant de la motion ne permettait pas aux partenaires importants de prendre part à la discussion.
Les libéraux aiment mentionner cet exemple, mais il faut savoir que le processus proposé comportait d'importantes failles.
L’Association médicale canadienne me semble être un grand absent parmi les partenaires. Or, il me paraît indispensable qu’elle participe activement à l’élaboration de la loi qui découlera du processus.
Voilà ce qui me préoccupe sur le plan de l’échéancier.
Nous savons que, tôt ou tard, un comité sera saisi de la question, mais — et c’est un aspect important — combien de députés, sur les 308 qui siègent au Parlement, seront amenés à en faire partie? Il n’y en aura que 12. Par conséquent, les 308 députés qui composent aujourd’hui le Parlement ont chacun la responsabilité d’en discuter avec des groupes et des personnes de leur circonscription. Chaque député devrait envoyer une lettre au pour lui faire part des consultations qu’il a tenues, faute de quoi, il ne serait pas à la hauteur de la responsabilité qui lui incombe.
Le travail qui nous attend est particulièrement délicat, mais nous devons le faire correctement. La motion dont nous sommes saisis aujourd’hui est, à mon avis, trop limitative à la fois en ce qui concerne l’échéancier et en ce qui concerne la structure envisagée, puisqu’il manque à la table des partenaires indispensables. Nous savons que le comité peut faire de l’excellent travail, mais il ne peut convoquer qu’un nombre limité de témoins, pendant une durée limitée.
Je l'ai dit et je le répète, il faut faire les choses correctement. Nous avons pris des mesures pour les patients atteints de SLA et de cancer terminal, et nous savons qu’il faut faire preuve de compassion à la fois dans ce que nous faisons et dans la façon dont nous le faisons. Nous avons beaucoup à faire, mais très franchement, la motion que les libéraux ont présentée ne va pas nous donner la solution complète que nous recherchons.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer au débat d'aujourd'hui sur la façon de réagir à la décision rendue récemment par la Cour suprême du Canada sur la question de l'aide médicale à mourir.
Le 6 février, la Cour suprême du Canada a conclu que les dispositions du Code criminel sur l'aide médicale à mourir vont à l'encontre de la Charte. La cour a suspendu l'effet juridique de sa décision pour 12 mois afin de donner au Parlement le temps d'y donner suite de façon appropriée.
Le gouvernement s'oppose à la motion parce qu'il est déterminé à entendre tous les points de vue dans ce dossier. Le processus de consultation donnerait aux Canadiens et aux intervenants — comme les médecins, les infirmières, les personnes handicapées et les groupes de défense des droits des patients — l'occasion de faire connaître leur point de vue et leur opinion.
Nous ne pouvons pas minimiser l'importance de la participation de tous les Canadiens à ce débat. Il est à espérer que tous les intervenants travailleront ensemble afin de créer un régime qui répond aux besoins des personnes gravement malades qui veulent mourir pour mettre fin à une douleur intolérable, tout en protégeant les personnes vulnérables et en confirmant notre valeur commune qu'est la dignité et le mérite propres de tout être humain, peu importe son état de santé.
Heureusement, nous ne partons pas de rien. Nous en savons déjà beaucoup sur les risques inhérents à la pratique de l'aide médicale à mourir, sur les types de garanties pouvant atténuer ces risques et sur les moyens à prendre pour contrôler le recours à cette pratique. Une grande partie de nos connaissances sur le sujet faisait partie de la preuve présentée devant les tribunaux dans l'affaire Carter. Je crois qu'il pourrait nous être utile de nous pencher sur certains documents présentés au juge de première instance. Le jugement rendu lors du premier procès regorge d'information utile sur l'application de ces lois, là où elles sont en vigueur.
C'est certainement une question à propos de laquelle les gens peuvent avoir des points de vue différents quant à ce qui est approprié ou acceptable sur le plan social, mais nous devrions nous efforcer de nous entendre sur les faits.
Il y a de nombreuses années, une question importante a été soulevée. On s'est demandé si la légalisation de l'aide médicale à mourir pouvait avoir un effet non souhaité en nuisant aux efforts d'amélioration de la qualité et de la disponibilité des soins palliatifs.
À propos des soins palliatifs, je rappelle aux députés qu'en mai 2014, la Chambre des communes a adopté par une majorité écrasante la motion M-456, qui demandait au gouvernement fédéral d'établir une stratégie pancanadienne sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie.
Dans l’affaire Carter, après examen de la preuve émanant des endroits qui permettent une certaine forme d'aide médicale à mourir, le tribunal a constaté que les soins palliatifs n'y sont pas moins bons; en fait, plus de médecins semblent maintenant mieux comprendre les soins palliatifs que cela était le cas avant la légalisation de l’aide médicale à mourir.
Même si le tribunal n’a pas constaté que ces améliorations étaient attribuables à la légalisation de l’aide médicale à mourir, il est encourageant de savoir que les soins palliatifs peuvent être améliorés en parallèle avec un régime d’aide à mourir. Je crois qu’il sera important de tenir compte de cela dans notre travail à venir.
D’aucuns craignent que la légalisation de l’aide médicale à mourir puisse nuire à la relation entre le médecin et son patient, croyant que certaines personnes pourraient en venir à avoir peur de leur médecin lorsque celui-ci aura le pouvoir d’aider à mettre fin à leur vie.
Comme société, nous devons tenir compte de cette relation dans notre cheminement. Par exemple, le tribunal a constaté qu’une loi future soigneusement conçue et dotée des mesures de protection appropriées ne devrait pas nécessairement détériorer la confiance des patients dans leur médecin ni l’intérêt porté par les médecins au bien-être de leurs patients. En outre, le risque que l’aide médicale à mourir crée des malentendus et de la méfiance peut être contrebalancé par le fait qu’elle pourrait bien également améliorer la confiance parce que la communication sera plus ouverte.
Toutefois, il semble bel et bien que les médecins canadiens n’ont pas tous une conversation aussi franche que nous le voudrions avec leurs patients sur leur pronostic et les options qui s’offrent à eux en fin de vie.
La perspective de légaliser l’aide médicale à mourir nous donne peut-être la possibilité d’aider les médecins à mieux intervenir dans ce domaine, pour le bien de tous les patients, et non pas seulement pour ceux qui demandent une aide pour mourir.
La preuve présentée dans l’affaire Carter a également mis au jour des faits intéressants concernant les raisons pour lesquelles les gens demandent qu’on les aide à mourir. Je crois que la plupart des Canadiens estiment que ceux qui demandent une aide pour mourir endurent des souffrances physiques intolérables. Les médias parlent souvent de cas de gens souffrant de maladies horribles qui les conduisent à une mort douloureuse et débilitante.
Les données recueillies là où les gens peuvent avoir accès à une aide pour mourir révèlent une toute autre réalité. En fait, le contrôle insuffisant de la douleur n’est presque jamais invoqué pour demander de l’aide. Au contraire, presque tous ceux qui ont reçu une aide pour mourir l’avaient demandé parce qu’ils souffraient d’avoir perdu leur autonomie physique, de ne plus avoir la même capacité de participer à des activités qui leur faisaient aimer la vie, de perdre le contrôle de leurs fonctions corporelles et de se sentir un fardeau pour leur famille et parce qu’ils avaient aussi l’impression de perdre leur dignité.
Il y a des gens qui veulent mourir à cause d'une douleur non pas physique, mais émotionnelle et psychologique. Il est important d'en tenir compte si nous voulons offrir de véritables options aux Canadiens en fin de vie.
Les données révèlent que, partout où ces pratiques sont légales, le nombre de personnes qui accèdent à l'aide à mourir est clairement en hausse d'année en année. Même dans des endroits comme l'Oregon, où la loi est en vigueur depuis 1997, le nombre de personnes qui demandent une aide à mourir continue d'augmenter d'année en année.
Les données révèlent un autre fait intéressant au sujet du modèle de l'Oregon. Dans cet État, seul le suicide assisté médical est légal, et cette option n'est offerte qu'aux patients en phase terminale. La loi autorise un médecin à prescrire une dose mortelle de médicament à un patient lorsqu'il y a un motif raisonnable de croire que sa maladie causera son décès dans les six prochains mois.
Les données nous disent que, chaque année, environ un tiers des gens qui reçoivent cette prescription ne l'utilisent pas. Y a-t-il des gens qui obtiennent une prescription mortelle alors que leur volonté de mourir est temporaire où incertaine? Par ailleurs, certains disent que le seul fait d'avoir accès à cette prescription et de pouvoir l'utiliser si jamais leur situation devient insupportable suffit à alléger leur souffrance psychologique au point de pouvoir continuer à vivre.
Les données montrent également que certaines personnes à qui l'on a prescrit une dose mortelle de médicaments meurent plus de deux ans plus tard, même si la loi prévoit qu'une ordonnance de ce type ne peut être délivrée qu'à une personne qui risque vraisemblablement de mourir dans un délai de six mois. Ce fait montre qu'il existe de véritables problèmes en ce qui concerne la capacité d'un médecin de prédire qu'une personne mourra sous peu.
Il serait beaucoup plus difficile pour nous de contester cette décision si nous ne disposions pas de tous ces renseignements. Si nous y avons accès, c'est parce qu'au sein de chaque administration qui réglemente l'aide médicale à mourir, les médecins sont tenus légalement de signaler aux autorités compétentes qu'ils ont aidé une personne à mourir. Dans certains cas, l'autorité compétente est le ministère de la Santé de l'État; dans d'autres cas, il s'agit d'une commission spécialement créée à cette fin. Dans tous les cas, les autorités compétentes doivent recueillir et analyser des données et produire des rapports publics exposant les faits essentiels, notamment les problèmes médicaux dont souffraient les personnes qui ont bénéficié de l'aide médicale à mourir.
Ces données ont une valeur inestimable non seulement pour le Canada, mais aussi pour d'autres pays qui débattent eux aussi de ces questions. Les exigences en matière de déclaration obligent également les intéressés à rendre des comptes, ce qui est tout aussi important. Ce ne sont là que quelques-uns des faits importants dont nous devons tous tenir compte dans le cadre du débat sur cette question.
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Monsieur le Président, tout d'abord, j'indique que je partagerai mon temps de parole avec mon collègue le député de .
Je prends la parole aujourd'hui pour parler de la motion de l'opposition présentée par le chef du Parti libéral du Canada, mon collègue le député de . Cette motion comporte deux dispositions principales, soit: que la Chambre reconnaisse la décision de la Cour suprême visant l'aide médicale à mourir; et qu'un comité spécial de la Chambre soit nommé aussitôt pour consulter les experts et la population canadienne, de façon à présenter un cadre législatif sur lequel pourront être basées les lois encadrant l'aide médicale à mourir.
Le 6 février dernier, nous avons reçu de la plus haute cour du pays une décision historique. La décision indiquait que l'alinéa 241b) du Code criminel du Canada, voulant que quiconque aide ou encourage quelqu'un à se donner la mort commette un acte criminel, et que l'article 14, voulant que nul ne puisse consentir à ce que la mort lui soit infligée, soient désormais invalidés, et ce, 12 mois après la décision du 6 février 2015. Ces mesures violent le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanties à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Mes collègues parlementaires et moi-même avons devant nous un devoir. À notre meilleur, nous écrirons des lois dignes du peuple qui nous a élus. Chacun d'entre nous est conscient de l'émotivité et de la sensibilité soulevées par ce sujet délicat, peu importe notre opinion personnelle. Ce n'est pas seulement une question sensible, c'est aussi une question complexe. Il est très difficile de formuler des paramètres légaux qui pourront s'appliquer à un éventail de scénarios inimaginables. Devant ce défi, par contre, plutôt que de reculer, j'appuie cette motion puisqu'elle incite ce Parlement à le confronter. S'il nous reste maintenant 11 mois pour arriver à la solution, plusieurs obstacles devant nous devront être contournés dans notre horaire parlementaire, dont, bien évidemment, les élections qui interrompront le travail législatif de la Chambre cet automne.
J'invite donc mes collègues à ne pas perdre une seconde, car la tâche devant nous est énorme. Les Canadiens méritent une solution qui protégera leurs droits et représentera leurs valeurs. C'est ce que nous pourrons livrer si nous nous mettons à la tâche maintenant et que nous sommes à notre meilleur. C'est pourquoi nous avons été élus, et c'est ce que les Canadiens méritent.
Le domaine médical est en pleine évolution au Canada. Il suffit de mettre les pieds dans un hôpital pour savoir que le système ressent une pression toujours croissante en raison du vieillissement de la population. Toutes les données s'accordent pour le dire: les Canadiens vivent plus longtemps que jamais, et la génération des baby-boomers a déjà commencé à prendre sa retraite. Cette nouvelle réalité reflète les succès du domaine médical. Cette nouvelle génération de retraités est, tout compte fait, en excellente santé. Si les ailes gériatriques des hôpitaux sont désormais débordées, les têtes grises se font de plus en plus nombreuses dans les salles de loisir et dans les studios de yoga. Le défi du vieillissement de la population est donc le résultat de nos succès. Cela n'en fait pas moins un défi. Une nouvelle génération de personnes âgées se présente. Elles vivront plus longtemps et leurs corps vieilliront différemment en fonction des innovations médicales.
Après avoir constitué la génération éclatante du rock and roll et la plus grande cohorte de travailleurs de notre histoire, ils sont plus nombreux que jamais à nécessiter des soins médicaux aujourd'hui. C'est tout naturel; toutefois, cela indique que la réalité du monde médical, et tout particulièrement des soins de santé pour les personnes âgées, évolue continuellement en fonction des gens qui forment cette génération. Leurs besoins physiologiques ont changé et leurs besoins médicaux aussi. De plus, le vieillissement anticipé de la population entraînera inévitablement une augmentation du nombre de personnes atteintes de cancers, par exemple, et d'autres maladies. C'est dans ce contexte que s'inscrit le débat sur l'aide médicale à mourir et, de façon plus large, sur l'avenir des soins palliatifs au Canada.
Comme c'est le cas de plusieurs de mes collègues et de beaucoup de Canadiens qui ont vécu des situations semblables dans leur vie, la question m'a aussi frappé lors du décès de ma mère. Elle avait été opérée à un pied et la famille lui avait demandé d'accepter cette opération. Des complications sont survenues et le verdict médical était qu'il fallait absolument amputer sa jambe. Devant la souffrance, nous avons dit à notre tendre mère qu'il lui revenait de prendre cette décision. Elle a tout de suite répondu aux médecins qu'elle voulait être enterrée avec ses deux jambes. C'était sa décision de choisir de mettre fin au traitement.
J'ai vécu aussi la même situation avec la grand-mère adoptive de mes enfants, Olyve Pelletier, qui était en dialyse. Peu avant Noël, elle a fait venir mes enfants et toute sa famille pour leur dire qu'elle allait cesser ses traitements de dialyse. Si ces deux personnes qui me sont très chères ont pu faire ce choix, c'était parce que la justice le leur permettait.
J'ai donc compris que ce sont les droits et souhaits des personnes âgées qui doivent diriger nos décisions concernant les soins palliatifs. Nous devons faire de la mort dans la dignité la priorité, tout en limitant la souffrance autant que possible. D'ailleurs, c'est justement l'instruction de la cour.
Le Canada a grandement besoin d'un régime de soins palliatifs de qualité. Le système de santé n'est pas prêt à accueillir l'énorme génération, dont je viens de parler, qui devra éventuellement y avoir recours. Les fissures s'élargissent déjà. Moins de 30 % des aînés canadiens ont présentement accès aux soins dont ils ont besoin. Une nouvelle stratégie, un leadership fédéral et une coopération pancanadienne sont absolument nécessaires si nous voulons continuer à parler fièrement du meilleur système de santé au monde.
Je ne peux m'empêcher, dans cette tâche noble mais imposante, de penser à mon expérience à l'Assemblée nationale du Québec. Il y a quelques années, le débat public avait évolué de façon constante et convaincante au Québec. Comme dans le reste du pays aujourd'hui, les vents soufflaient fortement et depuis un certain temps en faveur de nouvelles mesures entourant et permettant l'aide médicale à mourir. Le premier ministre de l'époque, M. Jean Charest, a mis en place une commission spéciale très semblable à celle demandée par la motion débattue aujourd'hui au Parlement.
En vertu de la Constitution canadienne, le Parlement fédéral a compétence en matière de droit criminel. Selon le Code criminel, l'euthanasie et le suicide assisté sont des actes criminels. Toutefois, il appartient aux provinces d'administrer la justice et d'assurer l'application du droit criminel.
Je rappelle que ce débat a déjà eu lieu à l'Assemblée nationale du Québec. Il s'agissait d'un débat non partisan, et il n'avait pas été question non plus de ligne de parti. Nous demandons que ces mesures soient prises ici.
J'en profite pour féliciter aussi mes ex-collègues de l'Assemblée nationale du Québec, en particulier la présidente de cette commission, Mme Maryse Gaudreault, du Parti libéral du Québec, et Mme Véronique Hivon, du Parti québécois, qui était vice-présidente de cette commission.
Puisque des élections approchent, la Cour suprême nous demande de nous pencher immédiatement sur la question, et c'est ce que cette motion demande.
Je félicite encore une fois le député de et chef du Parti libéral du Canada d'avoir eu le courage de déposer cette motion et de demander à la Chambre de se pencher immédiatement sur cette question.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir m'adresser au Parlement et, bien sûr, au pays, sur cette question.
La Cour suprême du Canada a parlé. D'une façon très impérative et très claire, elle a demandé au Parlement — pas au gouvernement ou à un ministre, mais à tous les parlementaires — de se saisir de cette question et de répondre rapidement aux Canadiens qui attendent des réponses et des directives.
C'est une question extrêmement importante. Nous avons le devoir de répondre. Je comprends, comme nous tous, la complexité de cette question et les inquiétudes qui l'entourent. Il nous incombe toutefois de nous assurer de ne pas simplement remettre cette question à plus tard. La raison est très simple: des gens souffrent. Plus nous tardons à prendre une décision, plus la souffrance de certaines personnes s'accentuera et se prolongera. De plus, on tient en haleine ceux qui souhaitent venir en aide aux gens. Leur capacité d'agir en tant que soignants est limitée par notre inaction. Il nous incombe de ne pas demander un report pendant que nous ne travaillons pas et de ne pas remettre à demain une question qui doit être débattue et tranchée aujourd'hui.
Les députés prennent la parole à la Chambre et lisent des courriels et des lettres provenant de la circonscription qu'ils représentent. Cela nous montre que les Canadiens sont impatients de contribuer. C'est bien, très bien.
Nous devons réagir rapidement, car si nous ne le faisons pas avant les prochaines élections, nous aurons un Parlement pris de court, ce qui imposera de nouvelles prolongations et de nouveaux délais. Ce serait tout à fait injuste.
La Cour suprême comprend parfaitement la nature de notre cycle électoral. Elle comprend parfaitement ce que sont nos responsabilités, et elle nous en a investi.
En même temps, nous avons de la chance. L’Assemblée nationale du Québec a déjà situé le contexte et a mis à la disposition de tous un ensemble d’éléments pouvant servir de point de départ. La chose est importante parce qu’elle signifie qu’il y a des précédents législatifs. Elle nous donne aussi un exemple d’esprit non partisan que nous pouvons, je crois, adopter pour avancer. Je voudrais donc remercier l’Assemblée nationale et la population du Québec pour le cadeau qu’elles ont fait au reste du Canada tandis que nous examinons cette question fort difficile.
Il est également important de parler des principes qui doivent encadrer notre débat sur la question. Les personnes handicapées s’attendent en outre à ce que le Parlement protège leur dignité, les droits que leur confèrent la Charte et leur existence en tant que membres de la société canadienne.
Quelles que soient les décisions que nous prendrons, elles porteront non seulement sur le soulagement des souffrances, mais aussi sur la protection des droits issus de la Charte et sur le maintien de la place qu’occupent les gens dans notre démocratie, place que nous ne devons pas perdre de vue dans ce processus.
Tandis que nous parlons du processus parlementaire, disons que même si « Parlement » a pour racine « parler », le processus parlementaire se fonde aussi sur l’écoute. Nous devons écouter les tribunaux. Nous devons écouter les Canadiens. Après l’avoir fait, nous devons accepter les responsabilités que nous avons prêté le serment d’assumer en passant à l’action. Nous devons agir avec diligence.
Comme je l’ai dit, c’est une question qui définit beaucoup de nos vies. Nous avons entendu des députés des deux côtés de la Chambre parler de l’expérience personnelle qu’ils ont vécue en s’occupant de gens qui arrivaient au terme de leur vie. Nous avons tous eu des expériences de ce genre, moi compris. J’ai vu les souffrances de ma mère dans les derniers jours de sa vie tandis qu’elle essayait de soulager la peine de ses enfants, comme le font toutes les bonnes mères. J’ai pu constater qu’il n’y avait aucun cadre, aucun moyen d’avoir une conversation rationnelle avec nos proches pour régler une crise qui est aujourd’hui présente dans bien trop de foyers.
J’exhorte les députés à ne pas tenir compte des aspects politiques de cette question, à faire abstraction des lacunes d’un système parlementaire qui ne nous donne pas toujours l’espace ou le temps nécessaire pour discuter de ces choses, mais à ouvrir plutôt leurs cœurs et leurs esprits pour écouter ce que disent les gens de cette situation que nous avons maintenant le devoir de régler et à voter en faveur de cette motion. Faisons-en une meilleure motion. Débarrassons-la dans la mesure du possible de tout caractère partisan. Incluons les groupes qui doivent se faire entendre sur cette question. Par-dessus tout, agissons pour mettre fin aux souffrances, pour assurer plus de clarté et pour réagir rapidement à la décision de la Cour suprême.
Ce n’est pas le moment de tergiverser. Ce n’est pas le moment d’essayer de faire un choix entre les valeurs libertaires et les valeurs humanitaires qui interviennent dans ce débat. Écoutons plutôt les Canadiens, écoutons les gens de nos circonscriptions, écoutons en tant que parlementaires pour aboutir à une réponse dont le Canada puisse être fier.
Nous avons une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour agir. Nous disposons d’un ensemble très convaincant d’arguments que nous a présenté la Cour suprême. Nous devons passer à l’action.
J'inviterais tous les députés à appuyer la motion qu'a présentée notre chef aujourd’hui et à avancer ensemble pour régler cette question suivant la manière canadienne, avec compassion et en nous appuyant sur des principes. Par-dessus tout, agissons avec diligence pour mettre fin aux souffrances de ceux qui n’ont d’autre choix que d’attendre notre réponse.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de , avec qui j'ai l'honneur de siéger au comité de la justice. C'est aussi un honneur de le connaître comme ancien agent de la GRC. J'ai énormément de respect pour son opinion sur un certain nombre de questions de justice, et il fait un travail fantastique au sein du comité.
J'ai aussi le plaisir et l'honneur de parler aujourd'hui de la motion de l'opposition du Parti libéral. Pour être honnête, je suis reconnaissant de cette motion. Ces derniers temps, nous avons eu un certain nombre de motions de l'opposition qui portaient moins sur les questions dont les parlementaires auraient intérêt à débattre que celle-ci, qui va droit au but, et j'y suis sensible. Je crois aussi qu'il s'agit d'une question non partisane et que la discussion sur ce sujet particulièrement délicat a été très respectueuse, comme il se doit.
Je vais consacrer la majorité de mon temps de parole aux questions de procédure. À mon avis, il s'agit d'une motion portant sur la procédure relative à une question d'intérêt public. La motion présentée aujourd'hui par les libéraux fournit une orientation en ce qui concerne cette question, une façon de l'aborder. Elle recommande que la question soit étudiée par un comité spécial. Les libéraux ont insisté sur la composition du comité: environ 60 % des membres seraient des conservateurs, 30 %, des néo-démocrates, et 10 %, des libéraux. J'ai parlé plus tôt de la structure des comités permanents, qui comptent maintenant 10 membres. Il est question ici de 12 membres, ce qui correspond à l'ancienne façon de faire. En fait, ce n'est pas important. Cela demeure un pourcentage. La nouvelle structure offrirait une présence accrue au Parti libéral au sein des comités, puisqu'il y aurait deux députés de l'opposition de moins, mais c'est ce que les libéraux ont choisi de présenter aujourd'hui.
C'est pour cette raison que j'estime qu'il ne s'agit pas de la bonne façon de procéder en ce qui concerne cet enjeu très important. Je siège ici depuis neuf ans, et pendant cette période, j'ai été membre de plusieurs comités. Je préside le comité de la justice depuis quelques années déjà. À mon avis, si les députés veulent utiliser le temps dont les comités disposent de la meilleure façon qui soit, ils doivent consacrer celui-ci à l'étude des mesures législatives. C'est à ce moment qu'ils examinent les mots qui ont été couchés sur papier à propos de l'orientation du gouvernement ou d'un député, selon le type de projet de loi dont il est question. Le texte est là, les dispositions devant être étudiées sont là, et tous les changements sont là.
Les députés feront une meilleure utilisation de leur temps s'ils examinent des mesures législatives. J'ai siégé à de nombreux comités qui font des études, et elles sont intéressantes. Parfois, ces études sont utiles, et parfois, elles ne le sont pas. Cette question en particulier doit faire l'objet de vastes consultations avant d'être renvoyée au comité.
La motion présentée aujourd'hui par les libéraux propose la création d'un comité spécial qui ne serait pas chargé d'examiner un projet de loi en tant que tel. Les libéraux souhaitent que ce comité étudie la question et qu'il en fasse rapport au plus tard le 31 juillet. J'imagine que, selon eux, cette étude entraînerait la présentation, après les élections, d'un projet de loi. Compte tenu des résultats de cette étude, qui seraient publiés au plus tard en juillet, nos concitoyens ne sauraient toujours pas quelle position le Parlement souhaite prendre à cet égard. Le comité étudierait les enjeux et pourrait poser des questions. Il se pourrait que le rapport contienne des orientations et des recommandations, mais aucun projet de loi ne découlerait du processus. Évidemment, le Parlement pourrait être saisi d'un certain nombre d'options, notamment le statu quo. C'est l'une des options envisageables.
La motion ne permettrait pas de faire avancer suffisamment le dossier pour que, en juillet prochain, les Canadiens puissent connaître la position du gouvernement et du Parlement du Canada à ce sujet. Si je me fie au libellé de la motion à l'étude aujourd'hui, ce ne serait pas du tout le cas.
Le rapport contiendrait des recommandations, mais aucune étude réalisée par un comité ne peut obliger le gouvernement à faire quoi que ce soit. C'est la norme, qu'il s'agisse d'un comité permanent ou d'un comité spécial. Une étude ne peut pas forcer un gouvernement à faire quoi que ce soit. Même si, Dieu nous en préserve, un nouveau parti arrive au pouvoir après les élections du 19 octobre, l'étude ne pourrait pas contraindre ce gouvernement à prendre quelque mesure que ce soit.
La motion ne transmet pas le message que voudrait transmettre le Parti libéral et j'ai l'impression qu'elle ne donnera pas les résultats qu'il souhaite. Il s'agit d'une approche raisonnable, et je n'essaie pas de dire que ce que font les libéraux est mauvais, mais je ne crois pas que cette motion en particulier réponde aux attentes de la population.
J'aimerais aborder un autre problème. Lorsque j'entends parler de vastes consultations, je pense immédiatement qu'on fait référence à différents groupes. En tant que président de comité, quand je convoque des témoins, j'essaie d'atteindre un certain équilibre. Tous les partis soumettent leurs demandes et, habituellement, nous essayons d'y répondre. On y parvient dans 99 % des cas, mais il arrive aussi qu'on ne puisse pas satisfaire tout le monde. Dans ces cas-là, la liste des témoins est alors proportionnelle à la composition du comité. Environ 50 % des témoins qui comparaissent ont été recommandés par les conservateurs; 40 %, par le NPD, c'est-à-dire l'opposition officielle; et 10 %, par le Parti libéral.
Le bilan du comité de la justice montre que le nombre de témoins proposé par les conservateurs est beaucoup plus faible et représente environ 45 %. Les témoins des autres partis comblent les places restantes. Il est rare que l'on ait à discuter de lois qui traitent de questions de vie ou de mort. Si l'on fait bien les choses, c'est formidable. Si l'on se trompe, habituellement, on peut apporter des changements. Le gouvernement suivant peut aussi changer la politique ou la loi afin de l'améliorer ou de la modifier.
Jusqu'ici, le vote le plus difficile pour moi a été celui sur l'envoi de nos militaires à l'étranger pour régler des conflits, que ce soit en Afghanistan ou, comme c'est le cas maintenant, au Moyen-Orient, parce que nous savons que des Canadiens risquent de perdre la vie. C'est justement de cela qu'il s'agit en l'occurrence, puisqu'on donne à une personne l'option de mettre fin à sa vie.
La consultation avec les Canadiens ne doit pas se limiter aux témoins que nous choisissons d'inviter au comité. Il y a une foule de possibilités. Nous devrions tous être en mesure de mettre à profit les connaissances de ceux que nous considérons comme des experts. Certains experts en la matière ont des opinions différentes dans leur discipline particulière, mais il faut consulter la population de façon plus large.
Selon moi, et je risque d'être partial, cette question devrait être renvoyée au comité de la justice et, au terme d'une vaste consultation au sein du comité, le gouvernement devrait présenter une mesure législative. D'après son bilan, le comité de la justice a effectué un très bon travail dans un certain nombre de dossiers très difficiles, notamment le projet de loi sur la prostitution. Ce dernier ne touchait qu'une petite partie de la population, mais celui dont nous sommes saisis touche tout le monde. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une approche plus large.
Je n'appuie pas la motion d'aujourd'hui, parce que le processus donne la fausse impression que nous aurons une mesure législative d'ici juillet. Le chef du troisième parti, celui qui a proposé la motion d'aujourd'hui, a indiqué que le processus n'aboutira pas à une mesure législative. C'est exactement ce qu'il a dit à la Chambre: il s'agit, selon ses dires, d'une étude, d'une consultation. Nous avons besoin d'une vaste consultation, je n'en disconviens pas. Cependant, je doute que la structure d'un comité spécial de la Chambre des communes constitue le moyen approprié de mener une telle consultation et d'élaborer une mesure législative, qui devrait plutôt être soumise au processus des comités permanents, dans le cadre duquel on inviterait des témoins à parler du projet de loi qui serait élaboré.
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Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat que nous tenons aujourd'hui dans la foulée de l'arrêt
Carter de la Cour suprême, qui a déclaré inconstitutionnelles deux dispositions du Code criminel interdisant l'aide médicale à mourir et qui a donné un an au Parlement, c'est-à-dire jusqu'au 5 février 2016, pour y donner suite.
L'aide médicale à mourir soulève des questions d'ordre éthique, juridique et médical complexes, dont un grand nombre mettent en jeu des intérêts et des valeurs contradictoires, comme la préservation de la vie humaine, l'autonomie individuelle, la protection des personnes et des groupes vulnérables, la dignité humaine et la nécessité de soulager la souffrance. Les décisions concernant la fin de la vie sont très personnelles et délicates pour bien des Canadiens, qui ont des convictions profondes, quelle que soit leur opinion sur la question, et elles ont de vastes implications pour l'ensemble de la société.
À ce stade peu avancé du débat, je crois que l'expérience et les données d'autres pays qui ont mis en place des régimes permissifs en réglementant l'euthanasie, l'aide à mourir ou les deux, sont des sources d'information utiles pour alimenter notre débat, y compris en ce qui a trait aux critères d'admissibilité ou aux garanties procédurales pour protéger les personnes vulnérables d'une mort injustifiée.
Aux États-Unis, par exemple, seuls trois États permettent l'aide médicale à mourir: l'Oregon, depuis 1997, Washington, depuis 2008, et le Vermont, depuis 2013. Leurs régimes législatifs permettent aux malades en phase terminale de mettre fin à leurs jours en s'administrant une dose mortelle d'un médicament prescrit par un médecin, quoique la présence d'un médecin ne soit pas requise durant l'autoadministration du médicament.
Les demandes de ce genre doivent répondre à certains critères: le patient doit être atteint d'une maladie terminale, qui est définie comme « une maladie incurable et irréversible qui, selon un avis médical raisonnable, entraînera la mort dans un délai de six mois »; ce doit être une personne de plus de 18 ans qui est en mesure de prendre des décisions concernant sa santé et de les exprimer; des demandes verbale et écrite doivent être soumises au médecin traitant; enfin, la demande verbale doit être confirmée au moins 15 jours après la première demande.
La loi prévoit aussi des garanties procédurales qui définissent les responsabilités du médecin lorsqu'il donne suite à la demande. Celui-ci doit notamment confirmer que le patient est en phase terminale, que celui-ci peut prendre une décision de son plein gré, qu'on l'a bien informé de son diagnostic, de son pronostic, des possibles risques et des autres possibilités qui s'offrent à lui, hormis le médicament pour mettre fin à ses jours, et que le cas a été soumis à un deuxième médecin, qui devra confirmer le diagnostic et le respect des autres critères.
Le médecin traitant doit aussi adresser à des services de consultation tout patient qui pourrait avoir des troubles psychiatriques ou psychologiques pouvant altérer son jugement.
Dans le régime américain, comme dans tous les régimes permissifs, la loi prévoit que certains aspects doivent faire l'objet d'un rapport. Dans les trois États américains concernés, les médecins qui prescrivent une dose mortelle de médicament doivent en informer les autorités de la santé. Ce processus permet de recueillir des renseignements sur l'application de la loi, de les analyser et d'en faire rapport à la population. Il est indéniable que ces données seront précieuses pour le débat social qui s'amorce au Canada.
Bien que des infractions aient été créés dans l'État de Washington et en Oregon en ce qui concerne la falsification de documents et les pressions susceptibles d'être exercées sur les patients, on n'a instauré aucun mécanisme d'application de la loi qui permette de vérifier que les médecins respectent les règles et les mesures de protection.
Si l'on se tourne vers les régimes européens, qui autorisent à la fois le suicide assisté et l'euthanasie, on remarque qu'il y a de légères différences.
Contrairement à l'approche adoptée dans les États américains, les pays européens, plus particulièrement la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, disposent de lois dont la portée est plus vaste, qui permettent de pratiquer l'euthanasie ou le suicide assisté sur une personne qui endure des souffrances insupportables, physiques ou psychologiques, en raison d'une maladie incurable, et ce, indépendamment de l'imminence de la mort.
Depuis 2002, les patients adultes et les mineurs émancipés belges qui se trouvent dans une « dans une situation médicale sans issue et [font] état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable » peuvent demander à être euthanasiés.
Les patients doivent être conscients et aptes sur le plan juridique au moment de présenter leur demande, qui doit être formulée de manière volontaire, répétée et ne pas résulter d'une pression extérieure. Les garanties procédurales sont semblables à celles prévues dans les trois États américains, mais elle incluent également l'obligation de consulter un psychiatre s'il est vraisemblable que le décès ne surviendra pas dans un proche avenir.
La loi belge a été modifiée en 2014, et elle permet maintenant l'euthanasie d'enfants de n'importe quel âge, s'ils endurent des souffrances constantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées et s'ils risquent de mourir à brève échéance. Dans ces situations très délicates, une demande explicite doit être présentée et les parents doivent accorder leur consentement.
Une fois l'euthanasie pratiquée, les médecins doivent soumettre un rapport détaillé à la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie, un groupe de 16 experts qui établit si l'euthanasie a été pratiquée conformément à la loi et qui rapporte les cas de non-conformité au service des poursuites pénales.
Aux Pays-Bas, bien que l'euthanasie et le suicide assisté soient tous les deux considérés comme des infractions aux termes du code pénal hollandais, la Termination of Life and Assisted Suicide Act est entrée en vigueur en 2002, exemptant de responsabilité criminelle les médecins qui posent ces actes en se conformant aux critères de soins diligents consignés dans la loi. Les critères sont encore plus larges dans ce pays, puisque les patients peuvent demander que l'on mette fin à leurs jours s'ils endurent « [...] des souffrances physiques ou psychologiques insupportables et qu'ils n'ont aucune perspective d'amélioration », et ce, sans égard du temps qu'il leur reste à vivre.
Les adultes aptes et informés sont admissibles à une telle aide, mais aussi les enfants de 12 à 16 ans si les parents acquiescent à leur demande, de même que les mineurs de 16 à 18 ans, pour peu qu'ils en parlent à leurs parents avant de demander l'euthanasie.
Là encore, des comités d'examen régionaux sont chargés de veiller à ce que les médecins se conforment aux critères de soins diligents consignés dans la loi, et de rapporter au service des poursuites pénales les cas de non-conformité à ces mesures de protection.
La plupart des lois européennes permettent aussi l'euthanasie de personnes frappées d'incapacité mentale, comme des patients atteints de démence, quand ils ont rédigé, lorsqu'ils avaient encore leurs capacités mentales, des directives préalables demandant qu'on les euthanasie dans certaines circonstances.
Dans tous les régimes permissifs, les médecins ont le droit de refuser d'aider les malades à mourir ou de les euthaniasier, et c'est ce qu'ils ont fait parfois quand il existait un traitement pouvant alléger les souffrances du patient.
En conclusion, ce ne sont que quelques exemples des multiples dimensions de cette question qui, au cours des prochains mois, devra faire l'objet d'un examen minutieux et de discussions approfondies.
Le gouvernement s'oppose à la motion visant à former un comité parlementaire qui mènera des consultations sur la mise en place d'un cadre législatif et la réponse à la décision Carter, et prévoit plutôt de faire participer les Canadiens, les provinces et les territoires, les membres de la profession médicale et les nombreux groupes touchés à une discussion nationale sur ces enjeux très importants.
C'est un débat qui nous concerne tous, individuellement et collectivement. Il porte sur nos valeurs communes, ainsi que sur notre responsabilité collective, en tant que société, de protéger nos membres les plus vulnérables.
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Monsieur le Président, j'aimerais partager le temps dont je dispose avec mon collègue de .
J'ai le plaisir de parler de ce sujet difficile, car, à mon avis, c'est un sujet extrêmement important, non seulement pour moi, mais pour de nombreux Canadiens.
[Traduction]
Je sais qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un débat portant sur le processus, mais puisque j'ai déjà fait connaître ma position à ce sujet, je vais parler brièvement d'un autre aspect.
[Français]
Je faisais partie de la minorité qui a voté en faveur du projet de loi du Bloc québécois, il y a quelques années. Naturellement, je suis donc en faveur de la décision de la Cour suprême.
[Traduction]
Je crois pouvoir affirmer que j'ai peut-être un petit côté libertarien, car j'ai toujours été en faveur du droit des personnes de faire leurs propres choix, si ceux-ci ne causent pas de tort à d'autres personnes.
J'étais en faveur du droit des couples homosexuels de faire un libre choix en ce qui concerne le mariage, car ce choix n'a absolument aucune répercussion négative sur mon propre mariage. Je suis aussi en faveur du droit des femmes de porter le niqab lors des cérémonies de citoyenneté si cela correspond à leurs croyances religieuses. Je suis en faveur du libre choix des femmes. Je suis en faveur de la décision de la Cour suprême, mais j'aimerais que nous accordions beaucoup d'attention au consentement véritable ainsi qu'à l'expansion de notre système de soins palliatifs lors de sa mise en oeuvre, car plus ce système sera solide, moins il y aura de gens qui feront le choix de mourir.
Je comprends que même si c'est là mon point de vue, le Canada est un pays diversifié. Ma circonscription, Markham, est particulièrement diversifiée. D'ailleurs, selon Statistique Canada, il s'agit de la ville où il y a la plus grande diversité au pays. Je sais que ce ne sont pas tous les Canadiens qui seront d'accord avec moi, et je les respecte. Ils ont droit à leur opinion, que ce soit pour des raisons religieuses ou d'autres raisons.
[Français]
Je suis né au Québec. Jusqu'à présent, j'ai vécu la majeure partie de ma vie au Québec. Je dois donc dire que, en tant qu'ancien Québécois, je suis extrêmement fier de la mesure de l'Assemblée nationale du Québec. Les députés ont vraiment eu le courage d'agir sur cette question difficile; ils ont mis de côté leur partisanerie, et même leur idéologie personnelle; ils ont formé un comité; ils ont entendu de nombreux témoins; et, en fin de compte, ils en sont arrivés à une décision qui n'était pas seulement un consensus, mais une décision unanime.
[Traduction]
Je propose donc à la Chambre et à mes collègues du Parlement canadien de se montrer aussi courageux que les députés provinciaux du Québec. Leur situation comportait plus d'écueils que la nôtre, en fait, puisque leur geste a précédé la décision de la Cour suprême. Pour notre part, nous agissons alors que la Cour suprême a déjà rendu sa décision. Nous pourrons donc bénéficier des paramètres et des lignes directrices déjà tracés.
Les parlementaires fédéraux ont souvent montré une certaine lenteur et une certaine mollesse devant ces questions morales difficiles à trancher, ce qui a laissé un vide législatif. Nous devons assumer nos responsabilités de parlementaires et débattre de ces enjeux difficiles en pensant avant tout aux intérêts des Canadiens, sans nous laisser aveugler par des idéologies personnelles ou partisanes. C'est ce qu'a fait l'Assemblée nationale du Québec. C'est que nous devons être prêts à faire ici, au Parlement du Canada.
Je suis aussi convaincu que nous gagnerions tous à adopter un processus comme celui que propose le Parti libéral, peu importe nos points de vue personnels. Supposons par exemple qu'un groupe s'oppose à la décision de la Cour suprême. Si un comité étudie le dossier et invite des témoins, ce groupe pourra présenter ses arguments en faveur d'une interprétation plus étroite de la loi, et mettre l'accent sur l'importance d'un consentement véritable et la nécessité d'accroître les soins palliatifs. Je serais d'accord avec certains de ces points, comme je l'ai déjà dit.
Ces intervenants pourraient donc présenter leurs observations. Mais s'il n'y a pas d'étude en comité, nous serons aux prises avec un vide législatif dans lequel tout peut arriver, et ceux qui s'opposent à la décision de la Cour suprême pourraient n'avoir aucune influence sur le résultat. De la même manière, les gens qui approuvent la décision de la Cour suprême pourront aussi faire connaître leur point de vue, présenter des arguments et influencer la décision finale.
Le Québec est, dans une certaine mesure, plus homogène que le Canada, alors je ne m'attendrais pas à une décision unanime sur cette question de la part du Parlement fédéral, certainement pas avant les prochaines élections. Cependant, il nous incombe de faire le travail que les Canadiens nous ont confié, de suivre l'exemple de nos homologues du Québec et de laisser de côté nos penchants partisans et nos croyances personnelles pour nous atteler à la tâche ardue d'écouter les Canadiens, d'entendre des témoins, de débattre jusqu'à trouver une solution qui ne plaira pas nécessairement à tout le monde, mais pour laquelle, espérons-le, nous aurons dégagé un vaste consensus à la Chambre.
En somme, les parlementaires fédéraux devraient s'acquitter des tâches pour lesquelles ils ont été élus. Au nom des Canadiens, nous devrions nous pencher sur cette question très délicate dans le même esprit que nos homologues à l'Assemblée nationale du Québec.
:
Monsieur le Président, rarement une motion aura contenu en elle-même à la fois sa raison d'être et sa justification autant que celle qui est sous nos yeux aujourd'hui.
La motion du chef libéral et député de demande qu'un comité spécial de la Chambre des communes soit créé pour examiner la décision unanime de la Cour suprême du 6 février 2015, laquelle a déterminé qu'en certaines circonstances précises, l'interdiction à l'aide médicale à mourir est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. La cour a donné 12 mois au Parlement pour qu'il ajuste le droit à cette réalité. Cela signifie qu'un nouvel encadrement juridique doit être mis en place pour le 6 février 2016 au plus tard, sans quoi l'aide médicale à mourir deviendra légale, sans que les balises et les paramètres nécessaires aient été clarifiés par la loi. Or l'ajournement en été et les élections générales prévues restreignent le temps de séance disponible à seulement 12 semaines d'ici le 6 février 2016.
Les Canadiens s'attendent à ce que les parlementaires assument leur responsabilité de législateurs et mènent cette discussion importante de façon réfléchie et posée, et non dans la précipitation. Il faut donc s'y mettre maintenant. Ce comité de 12 membres, dont sept du parti gouvernemental, quatre de l'opposition officielle et un du Parti libéral, devrait lancer ses travaux dès le mois de mars et faire rapport à la Chambre au plus tard le 31 juillet 2015.
Le comité aura ainsi eu le temps de bien consulter les spécialistes juridiques, médicaux et autres, ainsi que les Canadiens en général. Il aura pu voyager, accompagné du personnel nécessaire à l'intérieur et à l'extérieur du Canada. Il sera en mesure de formuler des recommandations sur la façon dont il faudra donner effet à l'avis de la Cour suprême, en vue d'établir un cadre juridique conforme à la Constitution, à la Charte canadienne des droits et libertés et aux priorités des Canadiens.
Résumons le jugement de la cour: à l'heure actuelle, aux termes de l'alinéa 241b) du Code criminel quiconque aide ou encourage quelqu'un à se donner la mort commet un acte criminel, et selon l'article 14, nulle ne peut consentir à ce que la mort lui soit infligée. Ensemble, ces dispositions prohibent au Canada la prestation de l'aide à mourir.
Ce sont précisément ces dispositions, c'est-à-dire l'alinéa 241b) et l'article 14 du Code criminel qui, selon la Cour suprême, violent l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.
[Traduction]
Selon la cour, les interdictions violent de trois façons l'article 7 de la Charte sans que cela soit justifié. Premièrement, elles violent le droit à la vie en forçant certaines personnes à se suicider prématurément de peur de devenir invalides. Deuxièmement, elles violent le droit à la liberté en privant les personnes du droit de prendre des décisions concernant leurs propres intégrité physique et soins de santé. Troisièmement, elles violent la sécurité d'une personne en laissant les gens endurer des souffrances intolérables.
[Français]
La cour a été très claire à propos de la tâche qui incombe au législateur.
Elle écrit ce qui suit:
Il appartient au Parlement et aux législatures provinciales de répondre, si elles choisissent de le faire, en adoptant une loi compatible avec les paramètres constitutionnels énoncés dans les présents motifs.
La cour décrit ainsi ces paramètres au paragraphe 127:
[...] [l'aide médicale à mourir ne s'applique qu']à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables [...] lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
Les paramètres sont donc là. Il s'agit d'une personne adulte capable clairement consentante et qui est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables causant des souffrances persistantes et intolérables.
La cour assigne aussi aux parlementaires la responsabilité d'établir comment seront conciliés les droits garantis par la Charte aux patients et aux médecins, en considérant la décision du médecin de participer à l'aide à mourir comme relevant de sa conscience.
La cour a clairement spécifié que la tâche d'établir ces paramètres revenait aux deux ordres de gouvernement, puisque tant le Code criminel que la santé sont des compétences constitutionnelles mises en cause.
Les députés fédéraux ont donc leurs responsabilités à assumer. Nous ne pouvons pas nous défiler. Les juges ont fait leur travail, à nous de faire le nôtre, et il faut s'y mettre dès maintenant.
Ce ne sont pas seulement les juges qui nous rappellent à nos responsabilités. L'Association médicale canadienne veut que la loi établisse clairement le cadre légal dans lequel le médecin pourra participer à l'aide médicale à mourir, et cette association insiste sur l'amélioration des soins palliatifs au Canada. Elle l'a encore fait savoir par communiqué aujourd'hui même, en accueillant favorablement la motion du député de . De même, le Conseil des Canadiens avec déficiences veut que la loi établisse de solides balises qui empêcheront les abus. Les Canadiens en général veulent le meilleur cadre législatif possible.
Bien sûr, l'aide médicale à mourir est une question complexe et chargée d'émotivité, mais si les législateurs n'avaient à résoudre que des questions simples, ce serait justement trop simple. C'est notre rôle que de nous pencher sur les questions d'intérêt public, si difficiles soient-elles.
Voilà pourquoi il est incompréhensible que le gouvernement conservateur ait annoncé qu'il allait voter contre la motion du député de . Je demande à mes collègues conservateurs de revoir cette décision. Le gouvernement prétend qu'il préfère s'en remettre à un autre processus de consultation, mais il s'est bien gardé de le définir. Cela ressemble à une dérobade de sa part.
Mais alors pourquoi nos collègues conservateurs manqueraient-ils à ce point de courage? Après tout, le comité spécial que nous demandons pourrait s'appuyer sur un nombre considérable d'études, de réflexions, d'exemples étrangers et d'expertise, dont le travail législatif accompli par notre collègue de ainsi que par des collègues du Sénat.
Surtout, ce comité bénéficierait d'un réservoir inépuisable de bonne volonté de la part des Canadiens. Toutes et tous nous l'appuierons dans cette tâche. Nous pouvons donc y aller avec confiance.
Nous n'avons qu'à regarder le travail accompli par nos collègues de l'Assemblée nationale du Québec. À la suite d'un processus non partisan exemplaire, ils sont parvenus à voter ensemble pour une loi sur l'aide médicale à mourir qui pourrait nous servir de repère pour établir ce qu'il conviendrait de faire dans la compétence fédérale.
[Traduction]
En conclusion, puisque le Parlement ne dispose que de peu de temps pour mettre en oeuvre la décision de la Cour suprême d'annuler l'interdiction visant l'aide médicale à mourir, et afin que soient tenues de vastes consultations auprès des Canadiens et d'experts sur cette question complexe et délicate, la Chambre doit agir de manière responsable en créant immédiatement un comité spécial.
Le comité lancerait immédiatement des consultations auprès des Canadiens et des experts afin d'améliorer les soins en fin de vie, y compris les soins palliatifs, le tout, afin que nous adoptions un cadre législatif conforme à la Charte d'ici le 6 février 2016.
[Français]
Voilà ce que les Canadiens attendent de nous, leurs députés. Voilà ce qu'ils sont en droit d'obtenir de nous. Voilà pourquoi il nous faut voter pour la motion du député de .