(au nom du ministre de la Justice)
propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-26, Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants, dans le cadre du débat à l'étape de la troisième lecture. Il s'agit d'une mesure législative essentielle qui répond à des préoccupations que nous partageons tous, je crois.
Le projet de loi C-26 s'inscrit dans les efforts constamment déployés par le gouvernement pour combattre toutes les formes d'exploitation sexuelle des enfants et dénoncer la gravité de ces crimes odieux et inadmissibles. Le projet de loi est un autre exemple concret de notre détermination à protéger les familles canadiennes, les collectivités, et surtout, les membres les plus vulnérables et les plus précieux de notre société: les enfants.
Nous savons que les enfants sont particulièrement vulnérables aux abus et à l'exploitation de nature sexuelle, et qu'ils sont beaucoup plus susceptibles que les adultes d'être victimes de crimes sexuels. Alors que le nombre de crimes violents est en baisse au pays, il est très inquiétant de constater que le nombre d'infractions sexuelles commises envers des enfants qui sont signalées à la police continue d'augmenter.
En 2013, les forces policières ont fait état de quelque 4 200 cas d'infractions sexuelles envers des enfants, ce qui représente une hausse de 6 % par rapport à l'année précédente. Selon le rapport sur les crimes déclarés par la police que Statistique Canada a publié en juillet 2014, les infractions sexuelles envers les enfants faisaient partie des rares catégories de crimes violents qui ont connu une hausse au Canada en 2013.
Je crois que nous sommes tous d'avis que ces chiffres sont préoccupants. Je tiens à assurer à la Chambre que la troublante réalité derrière ces chiffres est précisément ce que le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants vise à combattre.
[Français]
Une des modifications en matière de droit pénal que propose le projet de loi vise à dissuader la perpétration de ces crimes horribles, en veillant à ce que les délinquants répondent du préjudice qu'ils causent aux enfants ainsi qu'en améliorant notre capacité de surveillance à l'égard de ceux-ci en vue de prévenir la récidive.
Plus précisément, le projet de loi propose d'augmenter les peines minimales obligatoires et les peines maximales prévues pour de nombreuses infractions sexuelles commises envers des enfants.
Par exemple, le projet de loi fera en sorte que toutes les infractions mixtes d'ordre sexuel soient passibles d'un emprisonnement maximal de deux ans moins un jour sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, et de 14 ans sur déclaration de culpabilité par mise en accusation.
[Traduction]
Le projet de loi propose d'augmenter les sanctions associées à la production et à la distribution de pornographie juvénile et de faire en sorte que ces infractions donnent obligatoirement lieu à une procédure de mise en accusation, pour mieux tenir compte de leur gravité. Les infractions liées à la pornographie juvénile peuvent avoir des effets durables et dévastateurs sur les victimes, particulièrement quand des images et des vidéos sont publiés sur Internet. Une fois en ligne, ces images peuvent être diffusées rapidement partout sur la planète et demeurer accessibles pendant des années. Les jeunes victimes sont donc victimisées à chaque clic.
En vertu du projet de loi, si une personne commet une infraction sexuelle contre un enfant alors qu'elle fait l'objet d'une ordonnance de sursis ou bénéficie d'une libération conditionnelle ou d'office, ce sera une circonstance aggravante lors de la détermination de la peine. On souhaite ainsi réduire les risques de récidives de la part de personnes reconnues coupables d'infractions sexuelles contre des enfants.
Le projet de loi augmenterait les peines maximales prévues pour la violation d'une ordonnance d'interdiction, d'une ordonnance de probation ou d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Les Canadiens s'inquiètent à juste titre des déplacements et de la conduite des prédateurs pédophiles connus qui ont été libérés. Il faut resserrer les mesures afin que les ordonnance de surveillance soient respectées et que tout manquement aux conditions entraîne des conséquences appropriées. Ces conditions — par exemple l'interdiction d'avoir des contacts avec une victime, de s'approcher d'une maison précise, d'utiliser des armes ou de consommer de l'alcool ou des drogues — visent à protéger les enfants. En général, les délinquants qui ne respectent pas les conditions imposées risquent davantage de commettre d'autres infractions sexuelles. C'est pourquoi le projet de loi C-26 augmenterait la sanction maximale prévue pour le non-respect des conditions de ces ordonnances; elle passerait de six à 18 mois dans le cas d'une déclaration sommaire de culpabilité, et de deux à quatre ans lorsqu'on procède par mise en accusation.
Le projet de loi montre clairement l'importance primordiale que la société canadienne accorde à la protection des enfants. Il montre aussi clairement que chaque victime compte.
Le projet de loi C-26 modifierait aussi la Loi sur la preuve au Canada afin que les conjoints des personnes accusées soient des témoins habiles à témoigner et contraignables pour le poursuivant dans les affaires en matière de pornographie juvénile. Le témoignage du conjoint de la personne accusée peut être nécessaire dans ces dossiers, notamment quand le matériel pornographique a été trouvé sur un ordinateur personnel.
[Français]
Cependant, les modifications prévues dans le projet de loi ne s'arrêtent pas là. En vue de contrer davantage le risque que présentent les délinquants sexuels à l'égard d'enfants, le projet de loi propose des modifications à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels en vue d'exiger qu'un délinquant sexuel inscrit avise le préposé de tout voyage de sept jours ou plus qu'il effectue au Canada ou à l'étranger, ainsi que des dates et endroits où il séjournera pendant le voyage.
Un fait important est qu'un délinquant sexuel à l'égard d'enfants serait également tenu à ces obligations quelle que soit la durée du voyage effectué.
[Traduction]
Les modifications proposées nous permettraient d'en savoir plus sur les délinquants sexuels, car les responsables du Registre national des délinquants sexuels pourraient désormais communiquer des renseignements à l'Agence des services frontaliers du Canada. En particulier, nous pourrions ainsi intercepter les délinquants et les empêcher de voyager à l'étranger pour commettre des infractions sexuelles contre des enfants.
En outre, le projet de loi créerait une banque de données accessibles au public concernant les délinquants sexuels à risque élevé ayant agressé des enfants et ayant fait l'objet d'un avis public dans une province ou un territoire. Cette banque de données centralisée permettrait aux organismes d'application de loi et au grand public d'avoir plus facilement accès à des renseignements sur les délinquants sexuels à risque élevé ayant agressé des enfants.
Le gouvernement conservateur sait que la question de l'exploitation des enfants n'est pas unidimensionnelle et qu'il faut adopter une approche plurielle ou globale. Les réformes du droit criminel proposées dans le projet de loi C-26 constituent un élément central de notre stratégie d'ensemble, et je suis fier que le gouvernement conservateur ait alloué plus de 10 millions de dollars pour la construction ou l'amélioration de centres d'appui aux enfants afin d'aider les enfants et les jeunes victimes de crimes et de faciliter le rétablissement des victimes qui ont subi de graves traumatismes à cause de pareils crimes odieux.
Le projet de loi vise à protéger les plus vulnérables de notre société, nos enfants, contre l'exploitation en instaurant des mesures conçues pour dissuader et dénoncer les crimes de nature sexuelle dont ils sont victimes.
Grâce aux modifications visant la détermination de la peine prévues dans le projet de loi, des peines consécutives seraient obligatoirement imposées lorsque plusieurs crimes ont été commis et notamment lorsqu'il y aurait plusieurs victimes; les délinquants ne recevraient pas alors ce qu'on qualifie de peine à rabais.
Avant d'exposer précisément ces modifications, je vais expliquer les principes de détermination de la peine qui sont actuellement appliqués en cas d'infractions multiples. J'exposerai ensuite les modifications proposées au régime de détermination de la peine visant les infractions sexuelles contre les enfants.
Le Code criminel prévoit qu'en général, le tribunal a le pouvoir d'imposer une peine d'incarcération devant être purgée consécutivement à toute autre peine que le délinquant est déjà en train de purger ou consécutivement à toute autre peine d'incarcération imposée, elle aussi, par le tribunal, que cette peine soit le résultat du non-paiement d'une amende ou non. Si cette disposition paraît confuse, c'est qu'elle est issue de l'amalgame de plusieurs règles de détermination de la peine qui sont antérieures à la Confédération. De plus, au fil des ans, des modifications législatives sont venues compliquer encore davantage l'énoncé des règles contenues dans le Code criminel.
En plus des règles prescrites par le Code criminel, on trouve, dans la jurisprudence, des lignes directrices sur les critères à appliquer pour déterminer si les peines imposées à un délinquant doivent être purgées consécutivement ou concurremment.
En général, les tribunaux imposent des peines à purger concurremment, c'est-à-dire simultanément, lorsque deux infractions ou plus résultent d'un même acte criminel continu, c'est-à-dire de ce qu'on appelle « les mêmes faits ». En pareil cas, la durée d'incarcération du délinquant correspond à la plus longue des peines qu'il doit purger.
Les infractions multiples ou les déclarations multiples de culpabilité qui découlent de faits distincts donnent généralement lieu à des peines consécutives, c'est-à-dire des peines à purger l'une après l'autre. Le choix d'imposer des peines à purger concurremment pour des infractions découlant des mêmes faits se justifie habituellement par l'idée que l'intention coupable de l'inculpé est la même du début à la fin des faits, par opposition à des infractions criminelles résultant de faits distincts. Cela dit, les tribunaux seront réticents à imposer des peines concurrentes pour des infractions découlant des mêmes faits lorsque cela revient à donner au délinquant la possibilité de commettre des infractions successives en toute impunité, notamment dans le cas où la deuxième infraction est particulièrement grave.
Par exemple, les tribunaux imposeront des peines d'incarcération consécutives pour des infractions données lorsque la première infraction est commise en tentant d'échapper à la police, ce qui constitue la deuxième infraction. Ils imposeront en outre une peine à purger concurremment lorsqu'un délinquant remis en liberté sous caution après une première infraction en commet une seconde. Pour déterminer si des peines seront purgées concurremment ou consécutivement, le juge doit par conséquent enquêter sur les faits dans le but de savoir si les deux infractions sont assez étroitement liées pour justifier des peines concurrentes.
Il est important d'exposer les principes pertinents de détermination de la peine qui entrent en jeu, surtout lorsqu'il est question de peines concurrentes et de peines consécutives. Le Code criminel stipule que le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de peines appropriées visant un ou plusieurs des objectifs suivants: la dénonciation, la dissuasion, l'isolement des délinquants du reste de la société, la réinsertion sociale, la réparation des torts causés aux victimes et la valorisation de la conscience des responsabilités chez les délinquants.
Une peine appropriée est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Le Code criminel prescrit explicitement qu'une peine appropriée doit être axée sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion.
Le dernier élément dont un tribunal doit tenir compte avant de décider si des peines d'emprisonnement imposées seront concurrentes ou consécutives est le principe de totalité.
Conformément à l'alinéa 718.2c) du Code criminel, un tribunal qui impose des peines consécutives doit déterminer si les peines combinées sont excessives de par leur nature ou leur durée. Autrement dit, le principe de totalité exige que les tribunaux déterminent si la totalité de la peine reflète adéquatement la gravité globale du comportement du délinquant. Si le tribunal estime que la peine combinée est excessive, en raison de sa nature ou de sa durée, il peut ordonner que certaines peines soient purgées concurremment plutôt que consécutivement.
Cela dit, lorsque le Code criminel prévoit des peines consécutives obligatoires, un tribunal peut imposer des peines plus courtes pour certaines des infractions ou l'ensemble des infractions, afin que la peine combinée constitue une peine appropriée.
Il en sera ainsi pour les infractions liées à la possession d'explosifs pour une organisation criminelle, à l'utilisation d'une arme à feu pour commettre une infraction, au terrorisme ou aux organisations criminelles.
Dans ces cas, le Code criminel oblige les juges à ordonner que la peine d'emprisonnement liée à ces infractions soit purgée consécutivement aux peines d'emprisonnement prononcées pour d'autres infractions, qu'elles découlent ou non du même événement ou d'une même série d'événements.
Les modifications proposées précisent et codifient les règles entourant l'imposition de peines consécutives et concurrentes, que j'ai mentionnées plus tôt.
Les modifications obligeraient également les tribunaux à imposer, dans certains cas, des peines consécutives aux délinquants qui commettent certaines infractions sexuelles visant les enfants. Cette exigence correspondrait à l'exigence actuelle voulant que l'on impose des peines consécutives pour les infractions que j'ai mentionnées plus tôt, soit celles liées au terrorisme, aux organisations criminelles et à l'utilisation d'une arme à feu.
Plus précisément, le projet de loi propose que les peines pour les infractions liées à la pornographie juvénile soient purgées consécutivement à toute autre peine d'emprisonnement imposée en même temps pour une infraction portant sur un contact sexuel avec un enfant.
Dans les cas où il y a plusieurs victimes, on propose que les peines imposées au même moment pour les infractions sexuelles commises à l'égard de chaque enfant soient purgées l'une après l'autre.
Ces modifications reconnaissent que les tribunaux sont de plus en plus portés à ordonner des peines consécutives lorsqu'une personne est reconnue coupable de possession ou de fabrication de matériel pédopornographique, ainsi que d'agression sexuelle contre un enfant. Elles tiennent compte du caractère odieux des infractions sexuelles commises contre des enfants, particulièrement lorsque du matériel pédopornographique est distribué sur Internet.
De plus, en exigeant que les délinquants coupables d'infractions envers plusieurs victimes servent les peines qui leur sont l'une après l'autre, on évite qu'ils bénéficient d'un « rabais de peines ». Ce changement vaudrait pour les situations où plusieurs infractions sexuelles ont été commises, particulièrement s'il y a plus d'une victime.
Grâce aux modifications proposées, le gouvernement poursuit ses efforts afin de protéger les enfants contre les crimes sexuels, de décrier ces crimes, de dissuader les prédateurs d'enfants et de montrer que chaque jeune victime compte.
Pour terminer, j'invite tous les députés à appuyer ces modifications importantes, qui visent à protéger les membres les plus vulnérables de la société, nos jeunes enfants.
:
Monsieur le Président, je serais portée à commencer mon discours à la Chambre sur le projet de loi par la nouvelle tentative du député de de diaboliser l'opposition officielle et le deuxième parti de l'opposition.
Quand on étudie un projet de loi en matière de justice, qu'il s'agisse du projet de loi ou de n'importe quel autre, j'examine ce que dit le projet de loi. Celui-ci concerne la .
Souvent, mais pas toujours, je reçois aussi de la part du une lettre qui explique un peu le contexte de son projet de loi, et je l'apprécie.
Dans le contexte du projet de loi , l'objectif principal est de dissuader les criminels et de dénoncer les infractions d'ordre sexuel visan les enfants. Je l'examine donc, et je vois si c'est effectivement ce que le projet de loi fait.
Quand je me fais dire à répétition que nous nous préoccupons des délinquants et des criminels plutôt que des victimes, je trouve cela un peu tendancieux et je m'insurge contre ce genre de propos qui n'ajoutent absolument rien au débat.
Pendant l'étude d'un tel projet de loi, il est bien évident que nous parlerons des criminels, puisqu'ils sont l'objet principal du projet de loi. Or parler d'eux ne signifie pas qu'on les aime, ni qu'on les appuie ni qu'on est derrière eux en train de dire « allez, faites-le encore » comme des meneuses de claques. Pas du tout!
Par contre, si le gouvernement me dit qu'il dénoncera des infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants afin de dissuader les criminels, je vais examiner le projet de loi pour voir si c'est effectivement ce qu'il fait.
C'est un peu triste qu'à l'étape de la deuxième lecture, nous ayons eu un bâillon pour ce dossier extrêmement important et complexe, parce qu'en lisant seulement le titre du projet de loi, on constate qu'il touche à beaucoup de lois en même temps. Il introduit un registre particulier pour des délinquants qui pourraient refaire le même genre de gestes avec des qualificatifs un peu plus graves que le registre actuel.
Comme je le mentionnais au qui a bien été mis au courant mais qui n'était peut-être pas la personne ayant directement travaillé au dossier, beaucoup de lois concernant des infractions sexuelles à l'égard des enfants ont été adoptées à la Chambre.
En effet, nous devons nous interroger sur le fait que, de l'admission même du , les infractions ont augmenté de 6 % au cours des deux dernières années seulement. Cela m'inquiète donc toujours un peu, parce que si un des principaux objectifs de la loi est de dissuader les criminels de commettre des crimes et de dénoncer les infractions d'ordre sexuel à l'égard des enfants, il y a peut-être quelques failles. Qu'on ne me dise pas que cela n'existait pas auparavant. Les sentences minimales existaient.
Le projet de loi ne comprend aucune nouvelle sentence minimale ni aucune nouvelle sentence maximale. On n'a fait que les augmenter d'un côté comme de l'autre. On a augmenté les sentences minimales et maximales. Ce genre de sentences ne fonctionnaient donc peut-être pas. Bref, ce sont des analyses que nous aurions pu faire, mais il y a d'abord eu le bâillon à la Chambre, puis nous sommes allés en comité.
J'avoue que j'ai eu un peu peur au début. En effet, nous avions l'impression que les députés qui siégeaient sur les banquettes gouvernementales voulaient travailler très rapidement et tourner beaucoup de coins ronds dans le dossier. Néanmoins, nous avons finalement pu faire entendre — et je l'admets — les témoins que nous voulions entendre.
Je n'ai pas autant de félicitations à faire en ce qui concerne les amendements. Mis à part les amendements du gouvernement, aucun autre amendement n'a été accepté, ce qui est toujours le cas. Je trouve cela regrettable, parce qu'un de nos amendements faisait quand même suite au témoignage très solide d'une spécialiste en criminologie.
Elle nous disait qu'en ce qui concerne le nouveau registre — ou banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé — que le gouvernement veut créer et dont on parle à l'article 29 du projet de loi , les informations qu'on voulait mettre dans ce registre permettraient peut-être d'identifier des victimes. C'est un gouvernement qui se targue d'être du côté des victimes et qui dit que nous sommes les méchants, toujours du côté des criminels.
J'ai présenté un amendement très simple, mais le gouvernement l'a décrété trop compliqué et pas nécessaire, parce que c'était implicite. On m'a enseigné en droit à l'Université d'Ottawa que si c'est clair, on l'énonce, on l'écrit et c'est fait. Laisser cela à l'interprétation des gens, c'est autre chose. Tout ce qu'on demandait, c'est que « les renseignements visés au paragraphe (1) ne doivent en aucun cas permettre d'identifier les victimes ». L'amendement a été rejeté.
Le gouvernement en place a tendance à déposer des tonnes de projets de loi. J'ai parfois l'impression qu'il manque un genre de filon ou une personne qui fait le suivi pour faire en sorte que les différents projets de loi ne soient pas contradictoires les uns avec les autres ou qu'un projet de loi, comme par exemple le projet de loi sur la cyberintimidation, qui a quand même changé beaucoup d'autres lois, ne soit pas touché à certains égards dans le cadre du projet de loi . J'ai parfois l'impression que même le gouvernement perd un peu le contrôle et le nord à ce sujet.
Nous avons donc présenté un amendement tout à fait raisonnable, selon moi, voulant que dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la présente loi et chaque année par la suite, le ministre de la Justice prépare un rapport précisant le nombre de personnes ajoutées à la banque de données, ainsi que les renseignements figurant aux alinéas 5f ) et 5g), soit la précision sur le genre d'infraction. Ces données auraient pu être intéressantes à suivre en ce qui concerne chacune de ces personnes. L'amendement stipulait que le ministre de la Justice serait tenu de déposer le rapport devant chaque Chambre du Parlement, dans les 15 premiers jours de séance de ces dernières, suivant l'élaboration du rapport.
Encore une fois, cela me semblait un amendement raisonnable. Le côté conservateur me donnera probablement encore la même réponse. La réponse des gens du ministère de la Justice et des banquettes conservatrices était que c'est un registre public, comme si je ne le savais pas. Le mot lui-même le dit: étant donné que c'est un registre public, c'est à moi de trouver les informations. Il va falloir que je me promène chaque année, que je fasse le tour du registre et que j'aille chercher les informations. Si le gouvernement était intéressé à faire la promotion de ces choses et de s'assurer que ses projets de loi fonctionnent bien, c'est le genre de travail qui devrait normalement être fait. Il veut nous compliquer la vie; parfait, c'est bon, nous allons mettre cela dans notre pipe et le fumer.
Toutefois, cela étant dit, il aurait été beaucoup plus simple de le faire de la façon que nous le proposions. En même temps, cela aurait pu être utile pour le gouvernement, car il aurait pu trouvé des informations manquantes grâce à ce rapport. Le gouvernement peut bien dire que le 6 % est peut-être dû au fait que les peines minimales n'étaient pas encore assez fortes. De ce côté-ci de la Chambre, nous pensons que c'est plutôt lié au fait que le gouvernement ne dépense pas beaucoup et que, pire encore, il coupe dans les programmes qui fonctionnent très bien et qui ont connu du succès. D'ailleurs, c'est aussi ce que les spécialistes nous ont dit pendant les travaux en comité.
Comme je l'ai déjà dit à la radio et que je l'ai mentionné ici lors du débat à l'étape de la deuxième lecture, un registre, c'est bien beau. Il en existe déjà un. La personne responsable de cela à la GRC est venue nous dire en comité que la GRC le fait déjà. Quand il y a une personne dangereuse qui va dans une communauté, la GRC en informe les gens de la communauté concernée. La GRC n'a pas eu besoin du gouvernement pour assurer la protection du public. Le gouvernement a instauré ce registre en se disant qu'il allait officialiser ce que la GRC faisait déjà.
Une parenthèse: quand nous avons eu la conférence de presse du ministre lors de la présentation du , tous ceux qui ont parlé du projet de loi l'ont fait comme si c'était une finalité en soi et qu'il réglait tous les problèmes de la Terre. Finalement, la sous-commissaire de la GRC a répondu à une question que je lui ai posée en me disant que cela toucherait peut-être à une douzaine de cas annuellement.
Cela ramène les choses à un certain niveau. Le Registre national des délinquants sexuels existe déjà pour toutes les personnes reconnues à ce titre. L'aspect plus « à risque élevé » touche environ une douzaine de personnes. Un fait demeure et cela me surprend que le gouvernement conservateur n'y prête pas plus attention. En effet, plutôt que de se gausser de ce genre de mesures, il devrait davantage s'inquiéter du fait que ces personnes à risque élevée sont dans nos communautés. Cela m'inquiète beaucoup. J'ai parfois l'impression que c'est un gouvernement qui travaille beaucoup plus sur papier, avec des mots, parce que cela joue sur le plan de sa rhétorique d'avoir l'air dur et d'avoir l'air de faire des choses. Toutefois, dans le fin fond, quand on constate les moyens à la disposition autant de la GRC que des corps policiers, pour faire des enquêtes, ce n'est pas le cas. Quand j'entends des corps policiers nous dire qu'étant donné que la priorité est maintenant la lutte contre le terrorisme, il devront mettre de côté certains autres genre de crimes, cela me fait frissonner. Le ministre avait peut-être raison de donner les critères pour imposer une peine. Oui, il y a la réhabilitation, la dissuasion et tout ce qu'on voudra, mais une des principales raisons d'être d'un gouvernement, c'est de s'assurer de la protection de ses citoyens. De mettre plus d'oeufs dans un panier que dans un autre, ce n'est pas nécessairement de la bonne gestion.
Il n'y a pas d'éléments réels. En ce qui concerne les peines minimales — c'est de cela que le député d'en face parlait — je suis de l'école d'un ancien juge de la Cour suprême du Canada qui est venu nous dire, dans le cadre d'un autre dossier du domaine de la justice, que toutes les peines minimales ne sont pas nécessairement inconstitutionnelles. Ce n'est pas un outil qu'on devrait nécessairement privilégié. Tout d'abord, et c'est très important de le souligner, même les témoins venus au comité, que ce soient des victimes ou des gens qui travaillent avec des associations d'appui aux victimes, nous ont dit ce n'était pas les peines minimales qui étaient en jeu. Si, pour le genre d'infraction et la gravité des crimes commis, on va chercher les peines minimales que les conservateurs ont mis dans le projet de loi , il y a un problème quelque part. Par contre, il peut parfois y avoir un cas qui n'a absolument rien à voir avec le style de portrait robot qu'on se fait du genre d'infraction en question. C'est là que le bât blesse. On l'a entendu de la bouche des spécialistes juridiques. Ce n'est pas défendre les criminels que de dire qu'on est contre ce genre d'infraction avec peine minimale.
Le fait est que, dans le fin fond, cette peine minimale ne sera peut-être pas imposée par la cour, parce que la cour, en règle générale, donnera plus que cela, et c'est ce qu'on veut. En ce qui a trait à la loi qui traitait du kidnapping d'enfant, il était clair, selon l'analyse jurisprudentielle qui avait été faite devant le comité, que la moyenne des peines dépassait la peine minimale que le gouvernement conservateur voulait imposer.
Dans le fond, c'est de la frime plus souvent qu'autrement, sauf que dans certains cas, cela peut parfois mener à des résultats bizarres. Cela fait en sorte qu'il y a des contestations constitutionnelles. Avec la contestation constitutionnelle, il suffit d'un seul cas qui est tout croche, qui ne correspond pas au portrait robot de la peine minimale pour que la disposition tombe et qu'on soit ramené ici pour refaire nos travaux. C'est un des problèmes.
Dans le contexte du projet de loi , au Nouveau parti démocratique, c'est clair que nous l'avons appuyé à l'étape de la deuxième lecture. Nous avons fait notre travail sérieusement et nous avons été cherché les compléments d'information dont on avait besoin, même si c'est loin d'être parfait et que ce n'est pas nécessairement le genre de projet de loi que nous présenterions. Je pense que notre analyse serait plus serrée. Oui, il faut punir, mais il faut aussi s'assurer que les personnes qui sortent de prison ne sont pas des dangers publics. Le député libéral mentionnait tantôt le programme des Cercles de changement. Il a été démontré en comité qu'il connu un taux de succès de 70 à 80 %. Qui crache là-dessus, si ce n'est le gouvernement conservateur, parce qu'il ne veut pas parler de ce genre de choses?
Il veut seulement parler des choses qui donnent l'impression qu'il combat les criminels. Or nous sommes tous contre les criminels.
Lorsque je retourne dans mon comté le soir et que je rencontre les gens de Gatineau, puisque je suis une fille de terrain, je leur dis que je suis fière du travail que nous avons fait cette semaine. Dans ce cas-ci, nous avons adopté la Charte des droits des victimes et nous avons travaillé sur un projet de loi contre les prédateurs sexuels. J'aimerais seulement pouvoir y ajouter, ne serait-ce qu'une fois dans ma vie, que je suis convaincue que cela sera utile.
En tout cas, je peux leur dire que j'ai essayé très fort en comité de faire entendre raison au gouvernement, pas pour favoriser les criminels, mais pour m'assurer que le projet de loi passera les tests de constitutionnalité auxquels il sera soumis dans les prochaines années, qu'il s'accorde avec d'autres projets de loi et qu'il atteint ses objectifs.
On dit aider les victimes avec la Charte des droits des victimes, mais de vrais droits doivent leur être accordés, comme je le disais au cours du débat. Le pouvoir de se plaindre ne peut pas être hypothétique. On donne des peines minimales, mais on coupe dans les ressources des policiers, qui attrapent les criminels et les amènent devant la justice. Le système de justice crie famine et il manque de juges et de procureurs de la Couronne. Alors, comment peut-il avoir de l'allure?
Alors, je pleure pour les victimes, parce qu'elles ne seront jamais bien servies. Elles vont toujours avoir cette impression, même dans un, deux ou trois ans. Ce qui m'attriste encore plus, c'est qu'on leur aura promis mer et monde. C'est encore plus décevant que de dire qu'on va régler telle ou telle chose.
En ce qui concerne le registre, les gens de la GRC nous ont dit qu'ils avaient déjà de la difficulté à mettre les casiers judiciaires et les antécédents criminels à jour. Le député de a déposé une pétition plus tôt concernant l'alcool au volant. Moi aussi, je trouve qu'il y a encore beaucoup à faire à cet égard. Lorsqu'on apprend dans les journaux qu'une personne a été condamnée pour la sixième fois, on se demande comment cela est possible. Or, si ces situations existent, c'est parce que rien n'est inscrit au dossier de ces récidivistes, même si tout le monde sait qu'ils ont comparu six fois en cour et que ce n'est pas leur première condamnation.
La justice civile et pénale doit être cohérente. Il doit y avoir un suivi. Le projet de loi confère au gouverneur en conseil le pouvoir d’établir par règlement les critères permettant de décider qu’une personne qui est déclarée coupable d’une infraction sexuelle visant un enfant présente un risque élevé de commettre un crime de nature sexuelle, et, à l'article b), celui de prendre toute mesure d'ordre réglementaire prévue par la présente loi. Cela veut dire que cette loi garde un flou juridique malsain.
Cela va trop vite même pour les gens du ministère de la Justice. Je leur ai demandé quel était l'impact du projet de loi . Les gens qui suivent un peu les dossiers en matière de justice, comme moi, savent que c'était le projet de loi concernant les statuts réglementaires et la façon d'adopter la réglementation. On sait tous qu'une loi, c'est une chose, mais que les trois quarts des obligations sont inscrites dans la réglementation.
Quand on nous dit que les critères vont être établis par le gouverneur en conseil, soit le Cabinet, cela nous dit qui va prendre les décisions et qu'on ne sait pas exactement quand et comment. Je leur ai demandé si le projet de loi aurait une application, parce que c'est de la délégation et de la réglementation par renvoi. Cela veut dire qu'on va se retrouver avec des critères qu'on ne pourra même pas distinguer. La réponse que j'ai reçue du spécialiste du ministère de la Justice était qu'il ne le savait pas et qu'il allait vérifier.
Cela signifie que le gouvernement ne fait pas les liens entre les différents projets de loi. J'ai eu une réponse aujourd'hui, quelques heures avant de me lever à la Chambre pour le débat, et on m'a dit que oui, il y aura une application.
Il y a donc des ramifications, et j'ai l'impression que nous serons obligés de revisiter beaucoup de ces projets de loi. Cependant, tel qu'il est initialement, pour les mêmes raisons que dans le cas de la Charte canadienne des droits des victimes, le projet de loi représente malheureusement beaucoup de verbiage. Or, comme l'a si bien dit une des victimes, M. Gilhooly, même si le projet de loi était adopté tel quel, cela ne changerait rien à ce qu'il a vécu.
Encore une fois, le gouvernement leurre les victimes en donnant l'impression qu'il est dur, qu'il est sévère et qu'il impose la loi et l'ordre, mais au bout du compte, cela ne sera pas appliqué.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi , la Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d'enfants.
La protection des enfants contre les prédateurs est une priorité pour les libéraux et je suis certain que c'en est une pour tous à la Chambre. Nous avons donc l'intention d'appuyer le projet de loi quoique, à bien des égards, nous le considérons comme une occasion manquée sur le plan des politiques. Qu'on me comprenne bien. La violence sexuelle est traumatique et dévastatrice à n'importe quel âge, mais encore plus chez les enfants.
La tentative de fixer des sanctions pénales dans le but, d'une certaine manière, de quantifier les répercussions de la violence sexuelle est au départ un échec. Comme dans le cas de tous les crimes violents, aucune peine criminelle ni aucun recours civil ne peut réparer le tort causé, même si nous souhaitons que toutes les victimes finissent par s'en remettre.
Toutefois, la loi ne peut livrer qu'une mesure imparfaite de la justice. Aucune peine consécutive, peine maximale accrue ou ordonnance de dédommagement ne peut remédier aux actes à l'égard desquels la société voudrait, à juste titre, que les délinquants paient.
Tous à la Chambre, y compris mes collègues du Comité de la justice, éprouvent une grande compassion envers les enfants victimes d'infractions sexuelles. Les témoignages de victimes que nous avons entendus au comité étaient déchirants et, par moments, difficiles à entendre.
Je tiens à préciser que j'ai été particulièrement touché par le témoignage de M. Greg Gilhooly, une victime des terribles crimes commis par Graham James. M. Sheldon Kennedy a aussi comparu par téléconférence, mais, malheureusement, nous avons éprouvé des difficultés techniques pendant son témoignage. Quoi qu'il en soit, je tiens à remercier ces deux personnes d'avoir aidé le comité dans son travail, ainsi que MM. Alain Fortier et Frank Tremblay, de l'organisme Victimes d'agressions sexuelles au masculin. Le courage dont ils ont fait preuve en parlant publiquement de leur situation dans l'intérêt de la société canadienne est vraiment admirable et très apprécié.
Les libéraux appuient les objectifs du projet de loi , qui consistent à réduire le nombre d'infractions sexuelles commises contre des enfants, à dénoncer ces actes odieux lorsqu'ils se produisent et, si nécessaire, à isoler les délinquants de la société. Cependant, les libéraux sont d'avis que, en premier lieu, le projet de loi devrait être plus axé sur la réduction des crimes, plutôt que sur les châtiments infligés aux délinquants une fois que des enfants ont été victimisés.
Au cours de la dernière année, le comité a, à juste titre, discuté énormément du sort des victimes. Toutefois, il devrait discuter un peu plus des mesures à prendre pour qu'il y ait moins de victimes. Pour réduire les taux de criminalité sexuelle à l'endroit des enfants, il faudra prendre des engagements importants sur le plan financier au lieu d'apporter sans cesse des modifications au Code criminel.
Les députés du Parti libéral croient qu'il est essentiel que les politiques de justice pénale soient établies à partir de données probantes. Cette conviction est le fondement de notre adhésion à la Charte, qui exige que nos tribunaux comparent les objectifs déclarés d'une loi avec ses effets réels. Malheureusement, le projet de loi est largement une occasion ratée de réduire les infractions sexuelles contre les enfants.
Comme les témoins nous l'ont indiqué lors des travaux du comité, les données nous indiquent que, pour réduire la fréquence de ces crimes, il faudrait investir dans des programmes de réadaptation. Mais, au lieu de cela, les conservateurs ont sabré les programmes qui parviennent effectivement à entraîner des réductions.
De plus, certaines dispositions du projet de loi qui réduisent le pouvoir des juges sont problématiques, quoiqu'elles ne le soient pas suffisamment pour nous empêcher d'appuyer le projet de loi. J'expliquerai ces conclusions dans une minute. Toutefois, je voudrais résumer, à l'intention de la Chambre, les dispositions du projet de loi .
Le projet de loi vise à modifier le Code criminel pour accroître les peines minimales obligatoires et les peines maximales pour certaines infractions sexuelles contre les enfants, y compris les agressions sexuelles et les infractions liées à la pornographie juvénile.
Le projet de loi augmenterait en outre les peines maximales pour la violation de diverses ordonnances des tribunaux, notamment les ordonnances de probation et les engagements de ne pas troubler l'ordre public. De plus, le projet de loi vise à modifier la Loi sur la preuve au Canada afin que le conjoint d'une personne accusée soit considéré comme un témoin habile à témoigner et contraignable pour le poursuivant dans une affaire de pornographie juvénile.
Le projet de loi aurait en outre pour effet de modifier la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, en vue d'accroître les obligations auxquelles ces derniers sont soumis lorsqu'ils voyagent à l'étranger.
Enfin, le projet de loi édicterait la Loi sur la banque de données concernant les délinquants sexuels à risque élevé pour créer une banque de données fédérale accessible au public qui contient un ensemble de renseignements préalablement rendus accessibles au public au sujet de délinquants qui présentent un risque élevé de commettre des crimes de nature sexuelle.
J'aimerais parler brièvement de réadaptation, car je sais que c'est un principe de détermination de la peine dont le gouvernement préfère ne pas tenir compte. Cependant, c'est absolument essentiel du point de vue des politiques publiques. Je le souligne non pas parce que nous voulons que le soutien aux délinquants l'emporte sur l'aide aux victimes, mais parce que nous voulons qu'il y ait moins de victimes.
Certains députés se souviendront peut-être que, à l'étape de la deuxième lecture, j'ai fait part de mon scepticisme considérable au sujet du projet de loi dont nous sommes saisis. Après tout, en 2012, bon nombre des dispositions pénales visées par le projet de loi ont été modifiées aux termes du projet de loi C-10 afin de créer ou d'augmenter des peines minimales, ou d'augmenter les peines maximales. Or, le a indiqué, comme le l'a fait aujourd'hui, que le nombre d'infractions sexuelles envers les enfants a augmenté de 6 % depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-10. Ainsi, soit le projet de loi C-10 n'a pas permis de réduire le nombre d'infractions, soit le gouvernement propose d'augmenter de nouveau les peines sans attendre de voir si le projet de loi C-10 s'est avéré efficace.
Je comprends que l'intention est de dénoncer les délinquants et de les retirer de la société, mais je me demande simplement pourquoi nous ne mettons pas plus d'efforts dans la prévention. Pourquoi ne pas faire de la réduction le point central de notre politique en matière d'infractions sexuelles visant les enfants ou, du moins, lui accorder une attention égale à celle mise sur la dénonciation et le retrait de la société?
Les libéraux appuieront le projet de loi, mais ils souhaitent que le gouvernement réponde clairement à cette question. Qu'en est-il de la prévention?
J'attire l'attention du gouvernement sur un témoignage entendu par le comité de la part de deux représentants d'un organisme que l'on a mentionné plus tôt durant le débat. Il s'agit des cercles de soutien et de responsabilité, ou CSR.
Les CSR sont des groupes communautaires qui aident les délinquants sexuels à réintégrer la société à la fin de leur peine tout en les tenant responsables des dommages qu’ils ont causés. Les CSR ont été lancés par le Comité central mennonite et on en trouve un peu partout au pays.
Le comité a appris que l'organisme connaît un succès remarquable en matière de réduction de la récidive. Plus précisément, les résultats de recherche indiquent que les délinquants qui fréquentent les CSR présentent un taux de récidive de 70 % à 80 % moins élevé que ceux qui ne le font pas. Le programme est également très peu coûteux. Le budget annuel du cercle d'Ottawa, par exemple, qui travaille auprès de 8 à 12 délinquants par année, est moins élevé que les coûts liés à l'incarcération pendant un an d'un seul délinquant dans un établissement fédéral.
Le programme des cercles de soutien et de responsabilité a reçu, pendant deux décennies, un financement annuel de 2,2 millions de dollars du gouvernement. Cependant, le gouvernement a mis fin à cette pratique, alors qu'elle aidait par exemple la section ontarienne de ce programme à financer 70 % de ses activités.
Sur le plan de la politique publique, en quoi est-il logique de modifier le Code criminel, tout en privant de fonds un programme qui a permis de réduire le taux de récidive de 70 % à 80 %? Ce programme permettait de réduire considérablement le nombre de victimes, mais il est peut-être préférable de ne pas y penser, car cela brise le coeur.
Pour poursuivre sur la question de la prévention, M. Daniel Therrien, le commissaire à la protection de la vie privée, a dit au comité, à propos du registre national des délinquants sexuels proposé par le gouvernement fédéral, que:
[...] les évaluations qui ont été menées en se fondant sur l'expérience des États-Unis révèlent qu'il existe très peu, voire pas du tout, de faits prouvant que les lois sur l'enregistrement et la notification sont efficaces pour ce qui est de réduire le taux de récidive sexuelle ou le nombre d'infractions sexuelles signalées.
Le temps et les fonds dont dispose le gouvernement sont toujours limités. Le projet de loi utilise-t-il ces ressources à bon escient de manière à atteindre cet objectif louable qu'est la réduction du nombre d'infractions sexuelles commises contre des enfants? Je le répète encore une fois: ce projet de loi est une occasion manquée.
Je tiens également à mentionner que, comme l'ensemble du Parti libéral, je trouve quand même que certaines des modifications proposées réduisent excessivement le pouvoir discrétionnaire des juges responsables du prononcé de la peine. Peut-être que les conservateurs s'en réjouissent, car toutes les peines imposées seront plus sévères.
Ce que personne ne semble comprendre, c'est que le pouvoir discrétionnaire n'est pas éliminé, mais bien transféré aux organismes d'application de la loi et aux procureurs. Dans certains cas, il se peut qu'aucun chef d'accusation ne soit porté dans un cas où des accusations mineures ou moyennes auraient normalement été portées, car les nouvelles peines obligatoires éliminent toute possibilité d'obtenir le résultat voulu. Stacey Hannem, présidente du comité d'examen des politiques de l'Association canadienne de justice pénale a attiré notre attention sur le problème de l'élimination totale des possibilités de déclaration sommaire.
Quoiqu'il en soit, je tiens à répéter que les libéraux appuieront le projet de loi car nous sommes favorables à la condamnation d'infractions sexuelles contre les enfants et au retrait des contrevenants de la société lorsque les circonstances l'exigent. Les réserves que j'ai exprimées n'enlèvent rien à la gravité de ces crimes. Cependant, c'est justement parce qu'ils sont graves que j'aimerais que le gouvernement en fasse davantage pour les prévenir au lieu de s'intéresser exclusivement à leurs conséquences.
Je répète que nous ratons une belle occasion de privilégier des mesures qui pourraient prévenir ces crimes intolérables.