propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, j'ai l'honneur de prendre la parole aujourd'hui à la Chambre pour lancer le débat sur le projet de loi , et de marquer ce qui est un moment déterminant pour assurer la réussite des enfants et des jeunes des Premières Nations partout au Canada.
Je suis convaincu que tous les députés de la Chambre s'entendront sur le fait que chaque enfant au Canada a droit à une éducation de qualité, peu importe où il vit. Malheureusement, au moment où on se parle, ce n'est tout simplement pas le cas pour les élèves des Premières Nations qui vivent dans les réserves du pays.
[Traduction]
Les jeunes des Premières Nations sont le segment de notre population qui connaît la plus forte croissance au pays, mais les taux d’obtention du diplôme d’études secondaires chez les élèves des Premières Nations vivant dans les réserves restent loin derrière ceux des autres élèves canadiens, soit 38 % comparativement à 87 % en 2011.
En 2012, 72 % des membres des Premières Nations vivant hors réserve ayant obtenu un diplôme d’études secondaires occupaient un emploi, comparativement à 47 % de ceux n’ayant pas obtenu de diplôme. De plus, le taux de chômage des Canadiens âgés de 25 à 29 ans sans diplôme d’études secondaires, dont la plupart sont des membres des Premières Nations, est presque le double de celui des titulaires d’un diplôme d’études secondaires, soit 16,4 % comparativement à 8,8 %.
De toute évidence, et c'est aussi l'opinion de notre gouvernement, la situation actuelle n’est ni acceptable, ni durable. C’est pourquoi nous avons fait de la réforme de l’éducation des Premières Nations une priorité. Et nous croyons qu’il faut agir maintenant.
Nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. C’est un objectif que nous avons en commun avec les parents, les enseignants, les élèves et les communautés des Premières Nations dans tout le pays, qui demandent depuis plus de 40 ans maintenant un contrôle accru de l’éducation des Premières Nations.
En 1972, la Fraternité des Indiens du Canada — maintenant connue comme l’Association des Premières Nations — a publié un document qui faisait date, sous le titre La maîtrise indienne de l’éducation indienne, qui a éclairé directement l’élaboration du projet de loi. Plus récemment, la nécessité de créer une loi dans ce domaine a été réitérée au fil des années dans des études, des constats de vérification et des rapports, notamment ceux-ci: le Point de la vérificatrice générale du Canada de juin 2011; le rapport de 2011 du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé La réforme de l’éducation chez les Premières Nations: de la crise à l’espoir; le Rapport du Panel national sur l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations pour les élèves dans les réserves, publié en 2012, Cultiver l’esprit d’apprentissage chez les élèves des Premières Nations.
Chacun de ces rapports a mis en lumière l’absence d’un système d’éducation des Premières Nations, de la maternelle à la 12e année. Dans chaque province et territoire, il existe une loi sur l’éducation pour veiller à ce que les élèves aient accès à une éducation de qualité; mais ce n’est pas le cas dans les réserves des Premières Nations.
[Français]
Chacun des rapports que je viens de mentionner recommande l'élaboration d'un cadre législatif appuyé d'un financement stable et prévisible.
Je suis fier de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour annoncer que, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, nous mettrons en place un système exhaustif d'éducation primaire et secondaire pour les Premières Nations dans les réserves.
De plus, je suis heureux que, tout comme nous, l'Assemblée des Premières Nations ait placé les besoins des enfants des Premières Nations au premier rang, et qu'elle ait confirmé que ce projet de loi était une étape constructive et nécessaire. Or cela n'a pas été facile d'en arriver là.
En décembre 2012, notre gouvernement a lancé des consultations approfondies et officielles auprès des Premières Nations d'un océan à l'autre. D'ailleurs, ce travail avait été commencé par mon collègue qui est maintenant whip.
[Traduction]
La rédaction de l’avant-projet de loi s’est inspirée des commentaires reçus au cours des nombreuses consultations intensives tenues avec des centaines de dirigeants, d’éducateurs et de parents des Premières Nations dans tout le pays. Cet avant-projet a été communiqué à l’automne dernier aux dirigeants des Premières Nations, puis a été rendu public en vue de recevoir des commentaires supplémentaires de toutes les parties intéressées. Ce document a été le point de départ de beaucoup d’autres discussions et débats, et cette fois encore nous nous sommes mis à l’écoute. En novembre 2013, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations m’a adressé une lettre ouverte exposant les cinq « conditions de la réussite » de l’éducation dans les réserves. Ces conditions ont par la suite été avalisées d’un commun accord par une résolution des chefs en assemblée, à l’occasion du rassemblement de décembre 2013.
Plus précisément, la résolution appelle le chef national, l’exécutif national et les Premières Nations à prendre toutes les mesures nécessaires afin de presser le Canada à répondre aux conditions de réussite pour les enfants des Premières Nations, notamment celles-ci: premièrement, le respect et la reconnaissance du titre autochtone et des droits inhérents, des droits issus des traités, et du principe du contrôle par les Premières Nations de l’éducation des Premières Nations; deuxièmement, un financement garanti par la loi; troisièmement, des systèmes d’éducation des Premières Nations qui sont rendus possibles, appuyés et financés de manière à concevoir et à mettre en œuvre de programmes de langues et de culture; quatrièmement, une responsabilisation mutuelle, ce qui comprend la reconnaissance du principe de contrôle par les Premières Nations et l’apport de soutien sans surveillance fédérale unilatérale; et cinquièmement, un dialogue véritable et constant avec les Premières Nations au sujet de l’éducation ainsi que la création en collaboration des règlements connexes.
À la suite de l’assemblée extraordinaire des chefs, j’ai publié ma propre lettre ouverte dans laquelle je réaffirmais l’engagement ferme de notre gouvernement à collaborer avec l’Assemblée des Premières Nations et les dirigeants des Premières Nations afin de créer un meilleur système d’éducation pour les élèves des Premières Nations et faire en sorte que la loi réponde aux cinq conditions précédemment énoncées. Et c’est exactement ce que nous avons fait.
Par la suite, en février dernier, le et le chef national ont annoncé les étapes à venir à l’école secondaire Kainai de Standoff, en Alberta, et ont notamment signé une entente historique pour aller de l’avant avec la rédaction définitive et le dépôt du projet de loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d’éducation intégrant les cinq conditions de réussite.
De plus, le premier ministre a annoncé un engagement financier sans précédent de 1,9 milliard de dollars dans le cadre de trois volets différents pour appuyer la loi.
Les trois volets en question: tout d'abord, un financement de base prescrit par la loi, y compris un financement pour la langue et la culture; ensuite, un financement de transition pour soutenir la mise en œuvre du nouveau cadre législatif; enfin, un financement destiné à des investissements à long terme dans l’infrastructure scolaire des réserves.
Le premier volet prévoit un financement de base, à raison de 1,252 milliard de dollars sur trois ans, à partir de 2016-2017, sujet à un facteur de progression annuel de 4,5 %, en plus du financement actuel d’environ 1,55 milliard de dollars. Ce financement de base remplacerait l’amalgame de sept programmes, ayant chacun ses propres exigences en matière de rapport, par une formule de financement de base unique, offrant ainsi aux Premières Nations les aides financières stables et prévisibles qu’elles demandaient. Le facteur de progression de 4,5 % remplace le plafond sur l’éducation de 2 % tant décrié instauré en 1996 par l’ancien gouvernement libéral alors que Paul Martin était ministre des Finances.
Le deuxième volet, le Fonds d’amélioration de l’éducation, permettrait aux Premières Nations d’adopter les nouveaux systèmes et les structures prévues dans la loi le plus rapidement possible. Il favoriserait aussi les partenariats ainsi que le renforcement de la capacité et, à long terme, encouragerait les méthodes d’éducation novatrices. Ce fonds représenterait une somme de 160 millions de dollars sur quatre ans à partir de 2015-2016.
Enfin, le troisième volet prévoit un montant supplémentaire de 500 millions de dollars qui serait investi dans l’infrastructure scolaire sur sept ans, à partir de l’expiration des investissements du budget de 2012, en 2015-2016. Ce financement appuierait la construction et la rénovation d’écoles, et permettrait de réaliser des gains d’efficacité dans la conception, l’approvisionnement, le financement et la construction de projets.
[Français]
Le 10 avril dernier, j'ai eu le plaisir de déposer le projet de loi au Parlement, et je suis fier d'annoncer que celui-ci ne fait pas que tenir compte des cinq conditions de réussite énoncées et identifiées par l'Assemblée des Premières Nations, mais il les intègre pleinement.
D'abord, au coeur de la loi sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui, se trouve la reconnaissance que les Premières Nations sont les mieux placées pour savoir ce dont leurs enfants ont besoin. Ainsi, le projet de loi remet entre les mains des dirigeants, des parents et des éducateurs des Premières Nations le contrôle de l'éducation, contrôle qui leur revient de plein droit.
Comme l'a déclaré le en février dernier, à Stand Off, la législation mettra fin au pouvoir unilatéral d'Ottawa sur l'éducation des Premières Nations, tout en exigeant que les communautés et les parents des Premières Nations assument la responsabilité et la reddition de comptes en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants dans les réserves.
Plus précisément, le projet de loi donne aux Premières Nations le contrôle de leur éducation par plusieurs moyens. Les Premières Nations choisiront un mode de gouvernance parmi plusieurs pour administrer leurs propres écoles. Les Premières Nations élaboreront leurs propres programmes d'enseignement. Aucun programme d'enseignement ne sera dicté par Ottawa, elles développeront les leurs.
Les Premières Nations choisiront la méthode d'intégration de la langue et de la culture à l'enseignement. Les Premières Nations choisiront leurs propres inspecteurs scolaires. Elles contrôleront l'embauche et le congédiement des enseignants et elles choisiront les méthodes d'évaluation des élèves. Les Premières Nations établiront la structure du calendrier scolaire pour respecter le nombre de jours d'enseignement prévus. Tout cela vise justement à leur donner le contrôle de leur éducation.
[Traduction]
Certaines personnes ont critiqué le projet de loi en alléguant qu’il accorderait au ministre plus de pouvoir et de contrôle sur l’éducation des Premières Nations. C'est absolument faux.
En vertu du projet de loi , le ministre aurait moins de pouvoir, et ses possibilités d’intervention seraient moindres que ce que permettent les lois provinciales en matière d’éducation qui y sont comparables. Le projet de loi exige tout simplement que les écoles des Premières Nations respectent cinq normes fondamentales, y compris l'accès à l’éducation, le nombre minimal de jours de cours, l'attestation des enseignants, les diplômes reconnus, et la possibilité de faire la transition vers les systèmes provinciaux.
Ce sont là les cinq normes essentielles imposées aux termes du projet de loi, mais les Premières Nations sont libres de définir comme elles le veulent tous les autres aspects du système d'éducation. Toutes les autres normes seront définies par les Premières Nations. En fait, la loi réduirait le rôle du ministre, par comparaison avec ses pouvoirs actuels.
Ces dispositions visaient la surveillance unilatérale exercée par le gouvernement fédéral. En outre, le projet de loi entraînerait la création d’un conseil mixte de professionnels de l’éducation chargé de conseiller et d’appuyer le gouvernement du Canada et les Premières Nations en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi. Le conseil mixte représenterait aussi un solide mécanisme pour s’assurer que le ministre rend des comptes aux Premières Nations. La création du conseil mixte, ainsi que le soutien financier prévu par la loi pour les autorités scolaires des Premières Nations, auraient pour effet de limiter de façon considérable le rôle du ministre et du ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien dans l’administration de l’éducation dans les réserves.
Le conseil mixte contribuerait aussi à l’élaboration des règlements, et la loi l'obligerait à réévaluer les mesures législatives après cinq ans. De plus, comme je l'ai déjà souligné, la loi proposée mettrait en place le mécanisme nécessaire pour garantir aux Premières Nations un financement stable, prévisible et durable, y compris un régime de financement prescrit par la loi tenant compte des programmes linguistiques et culturels.
Par ailleurs, les dispositions des paragraphes 43(2) et 43(3) vont au-delà de la deuxième condition établie par les chefs de l’Assemblée des Premières Nations. Non seulement la loi garantirait un financement fédéral, mais elle exigerait également que ce financement soit d’un montant suffisant pour soutenir la prestation de services comparables à ceux qui sont offerts par les provinces, ce qui est sans précédent. Nous allons au-delà de ce qui était proposé pour garantir la réussite.
Pour ce qui est des programmes linguistiques et culturels, comme je l'ai dit dans ma lettre du 15 avril destinée à toutes les Premières Nations au pays, le projet de loi établit en droit l’intégration des programmes linguistiques et culturels des Premières Nations dans le programme d’études, y compris la possibilité d’immersion dans une langue d’une Première Nation, d’une manière qui puisse permettre aux élèves de passer d’un système d’éducation à un autre, et d’obtenir un diplôme du secondaire reconnu.
Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un pas de géant pour les élèves des Premières Nations. Le tout résulte de nombreuses années d’échanges et de consultations avec les Premières Nations de tout le pays et l’Assemblée des Premières Nations. C’est d’ailleurs cette dernière qui a révélé le besoin d’améliorer le système d’éducation pour les enfants des Premières Nations.
La semaine dernière seulement, l’Assemblée des Premières Nations publiait une analyse du projet de loi dans laquelle elle affirmait ce qui suit:
Le projet de loi C-33 constitue une étape constructive et nécessaire qui appuie les objectifs exprimés par les Premières Nations, soit le contrôle autochtone, le respect des droits ancestraux et issus de traités, la reconnaissance des langues et des cultures, de même qu’une garantie législative claire de financement équitable.
Voilà les conclusions de l'analyse faite par l’Assemblée des Premières Nations.
[Français]
Que ce soit clair, le dépôt du projet de loi ne marque pas la fin du partenariat. Comme je l'ai précisé, le 10 avril, j'ai envoyé à l'Assemblée des Premières Nations une invitation à collaborer à un protocole politique pour déterminer la manière exacte dont seraient sélectionnés les membres du conseil mixte tout en tenant compte des commentaires des Premières Nations, ainsi que la façon dont le conseil travaillerait par la suite avec les Premières Nations au moment d'élaborer les règlements d'application de la loi.
De toute évidence, beaucoup de travail reste à faire pour que les règlements soient prêts pour l'année scolaire 2016-2017 et pour assurer le versement du financement prescrit par la loi.
Nous devons évidemment poursuivre notre collaboration afin de parvenir à ce but.
[Traduction]
Pour conclure, j’exhorte l’ensemble des députés à mettre de côté la politique partisane, et à agir dans l’intérêt supérieur des enfants et des jeunes des Premières Nations de tout le pays.
:
Monsieur le Président, si la Chambre me le permet, j'aimerais prendre un moment pour souligner la fusillade meurtrière qui a eu lieu aujourd'hui à l'usine Western Forest Products de Nanaimo. Au nom des néo-démocrates et, j'en suis sûre, de tous les députés, j'offre mes condoléances aux proches des victimes, à leur collectivité, ainsi qu'aux premiers intervenants qui ont dû réagir à la situation.
Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi , Loi établissant un cadre permettant aux premières nations de contrôler leurs systèmes d’éducation primaire et secondaire, pourvoyant à leur financement et modifiant la Loi sur les Indiens et d’autres lois en conséquence.
J'aimerais tout d'abord établir l'importance de l'éducation, tant pour les Premières Nations que pour l'ensemble du pays. De nombreux membres et dirigeants de collectivités autochtones m'ont dit qu'ils souhaitent évidemment pour leurs enfants une éducation juste, comparable et de qualité; ils veulent que leur système scolaire rende des comptes; ils espèrent voir leurs enfants réussir et intégrer un jour la main-d'oeuvre canadienne. Il ne fait aucun doute que les députés des deux côtés de la Chambre et les Premières Nations ont un objectif commun: garantir aux enfants autochtones les droits à l'éducation dont jouissent les autres enfants canadiens.
Ceci étant dit, je veux parler brièvement des droits des enfants, parce qu'il est important d'aborder la question sous cet angle.
L'article 28 sur le droit à l'éducation précise que tous les enfants ont droit à un enseignement primaire gratuit.
Selon l'article 29, l'éducation de l'enfant doit favoriser l’épanouissement de sa personnalité et le développement de ses dons et de ses aptitudes, dans toute la mesure de leurs potentialités. Elle devrait inculquer le respect des droits de la personne, tant pour soi que pour les autres, ainsi que la culture d'autrui. L'éducation devrait aussi transmettre à l'enfant le respect des valeurs et de la culture de ses parents.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est un autre document important en matière de droits. L'article 14 indique ce qui suit:
1. Les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage.
2. Les autochtones, en particulier les enfants, ont le droit d’accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d’enseignement public, sans discrimination aucune.
3. Les États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant à l’extérieur de leur communauté, puissent accéder, lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue.
L'article 18 dit ceci:
Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l'intermédiaire de représentants qu'ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.
Ces deux articles sont très étroitement liés au projet de loi soumis à la Chambre aujourd'hui. Je sais que le ministre a fait référence à certains de ces documents.
Toutefois, je voudrais à mon tour citer quelques documents. Évidemment, le système d'éducation des Premières Nations est à l'ordre du jour des discussions depuis de nombreuses années. On peut remonter jusqu'au rapport de 1972 sur l'administration locale de l'enseignement par les Indiens. La Commission royale sur les peuples autochtones a souligné l'importance de l'éducation et de la prise en charge de l'éducation par les Premières Nations.
Puis, dans un rapport publié en 2011, le vérificateur général a établi des critères pour faire évoluer le système d'éducation, qui, comme il le soulignait, ne donnait certainement pas les résultats escomptés. Voici ce qu'il écrivait alors:
Pour assurer des services qui soient réellement comparables, il faudrait intégrer dans les objectifs des programmes un énoncé clair sur la comparabilité, et définir cette comparabilité pour chaque programme. Les rôles et les responsabilités devraient également être précisés, tout comme le niveau des services permettant la comparabilité. De plus, il faudrait déterminer combien il en coûterait pour mettre en œuvre des programmes comparables et les doter de budgets suffisants.
De plus, le vérificateur général constatait l'absence de fondement législatif:
Le fondement législatif des programmes décrit les responsabilités et les rôles respectifs de chacun, les critères d’admissibilité et d’autres éléments. Il permet au gouvernement d’indiquer qu’il s’attache sans équivoque à assurer ces services [...]
Ce passage est particulièrement important parce que le projet de loi qui nous est soumis traite abondamment des rôles des Premières Nations, mais est avare de précisions sur les rôles du gouvernement. Or, il est essentiel de les définir dans la loi. Nous devons pouvoir attribuer au gouvernement ses bons résultats, mais également lui imputer ses échecs.
Enfin, la vérificatrice générale avait déclaré ce qui suit:
Nous avions indiqué qu’AINC...
C'était alors le nom du ministère.
[...] utilisait un mode de financement qui remontait aux années 1980 et qu’il ne possédait pas les données qui lui auraient permis de comparer les coûts des services offerts aux Premières nations à ceux de services semblables...
Quiconque s'occupe de ce dossier pendant un certain temps sait que lorsque l'on rencontre le ministère pour discuter de services comparables, on se fait invariablement répondre que cela revient à comparer des pommes à des oranges. Bien que la mesure législative parle de services comparables, elle ne propose aucun mécanisme qui permettrait d'établir ce que sont des services comparables. Je veux aborder cette question plus en détail.
Je veux également me reporter au rapport au sujet du Nunavut que le juge Berger a publié vers 2005-2006. Même s'il porte sur le Nunavut, ce document est pertinent dans le contexte de la mesure législative dont nous sommes saisis en raison des considérations linguistiques qu'il aborde. Voici ce qu'on peut y lire:
Il y a essentiellement deux méthodes permettant de produire des diplômés bilingues au Nunavut. Un modèle est fort répandu dans plusieurs pays européens qui fait en sorte que les étudiants reçoivent l’instruction dans les deux langues, normalement les langues courantes des États européens, de la première à la dernière année. Le deuxième modèle, peut-être mieux connu par les Canadiens, est le modèle de l’immersion [...]
Un modèle ou l’autre semble être capable de produire les résultats souhaités: des étudiantes et des étudiants qui sont non seulement bilingues, mais qui ont aussi une double alphabétisation, qui sont capables de lire et d’écrire à un degré acceptable dans une langue ou l’autre. Le problème est dans le détail: les deux modèles requièrent un degré élevé d’engagement envers les deux langues, ainsi que les ressources, c’est-à-dire des enseignantes habiles, le matériel approprié au programme de cours et des méthodes pour évaluer l’avancement des étudiants dans les deux langues.
Si je fais allusion à ce rapport, c'est parce qu'on insiste beaucoup sur le fait que l'aspect de la langue est inclus dans le projet de loi, mais que personne ne peut offrir l'assurance que les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs visés seront réellement disponibles.
Je veux soulever quelques derniers points avant de parler des préoccupations associées au projet de loi à proprement parler.
Dans un document d'information préparé par la Bibliothèque du Parlement à l'intention des députés, il est indiqué que le « contrôle par les Indiens » n'a souvent signifié rien de plus que l'administration locale des programmes et politiques d'éducation fédéraux. Les opposants au projet de loi sont nombreux à déplorer sa nature uniquement administrative et à soutenir qu'il ne confère pas aux Premières Nations un véritable contrôle sur leur éducation mais ne fait qu'énoncer le genre de responsabilités administratives que devront assumer les Premières Nations. De plus, il n'y est question que de transférer aux Premières Nations un contrôle administratif limité de l'éducation, et non les ressources voulues pour instaurer un système d'éducation dont elles auraient le contrôle absolu.
En 1995, le gouvernement fédéral a officiellement reconnu que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est un droit ancestral existant au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En vertu de la politique de 1995 concernant le droit inhérent des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, la reconnaissance du droit inhérent par le gouvernement fédéral repose sur le fait que les peuples autochtones du Canada ont le droit de se gouverner, c'est-à-dire de prendre eux-mêmes les décisions touchant les affaires internes de leurs collectivités, les aspects qui font partie intégrante de leurs cultures, de leur identité, de leurs traditions, de leurs langues et de leurs institutions. Fait important, la politique cite l'éducation parmi les sujets faisant partie de la portée des négociations relatives à l'autonomie gouvernementale.
Le document d'information parle ensuite de deux ententes bien précises, soit la Loi sur la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique et la Loi sur l'éducation des Mi'kmaq. Bien entendu, même si ces deux lois donnent de bons résultats, le projet de loi à l'étude prévoit les assujettir à ses propres dispositions à compter de 2017. Cela soulève de graves préoccupations, car un travail important a déjà été effectué dans ces régions et celui-ci donne des résultats positifs.
L'un des documents qu'on mentionne s'intitule Cultiver l'esprit d'apprentissage chez les élèves des Premières Nations. Celui-ci présente la marche à suivre pour parvenir à un projet de loi fructueux. Le document dit:
Un système scolaire des Premières Nations efficace s’appuierait sur une base solide englobant les éléments suivants:
la création conjointe d’une mesure législative sous la forme d’une loi sur l’éducation des Premières Nations qui énonce les responsabilités de chaque partenaire...
Une fois de plus, on parle de « chaque partenaire » dans le système, c'est-à-dire le gouvernement et les Premières Nations.
[...] et qui protège le droit des enfants des Premières Nations à une éducation de qualité, qui prévoit le financement du système et le contrôle de l’éducation des Premières Nations par les Premières Nations
un financement législatif fondé sur les besoins, prévisible, durable et employé à des fins éducatives...
Bien sûr, ce document contenait d'autres propositions, mais, je le répète, il est important de souligner que plusieurs rapports et conventions sur les droits de la personne précisent que les mesures législatives doivent être élaborées en collaboration avec les Premières Nations. Ces dernières doivent jouer un rôle prépondérant tout au long du processus et non être reléguées au second plan comme le fait le gouvernement. Cela m'amène à la consultation.
La société d'avocats Hutchins Legal a préparé un dossier dans lequel elle affirme que, lors de l'élaboration de cette mesure législative, le gouvernement n'a pas respecté l'obligation de consulter les Premières Nations. Elle dresse la liste des exigences minimales que le processus de consultation doit respecter:
En ce qui concerne la consultation au sujet de la loi sur l'éducation des Premières Nations, le gouvernement fédéral doit reconnaître et respecter les compétences des Premières Nations en matière d'éducation et s'y adapter.
Dans le cadre du processus de consultation, le Canada doit reconnaître et respecter les compétences des Premières Nations en matière d'éducation [...]
Les Premières Nations devraient elles-mêmes déterminer qui sera consulté par le Canada et le Canada devrait respecter leurs décisions.
Le Canada et les Premières Nations devraient collaborer à l'élaboration d'une méthode d'évaluation et d'examen des mémoires présentés durant les consultations avant la tenue d'autres séances de consultation.
Tous les mémoires présentés durant le processus de consultation devraient être rendus publics.
Lorsqu'elle rédige l'avant-projet de loi, la Couronne devrait confirmer, par écrit, qu'elle a tenu compte des préoccupations que les Premières Nations ont soulevées durant les consultations et expliquer comment elle les a intégrées au texte préliminaire.
Il faut continuer à tenir des consultations en bonne et due forme après la rédaction de l'avant-projet et pendant toute la durée du processus législatif.
La Couronne doit assurer un financement adéquat afin de garantir que les Premières Nations puissent participer efficacement tout au long du processus de consultation.
Ce sont des points importants. Des Premières Nations partout au pays ont l'impression que le gouvernement n'a pas respecté ce genre de processus.
J'ai reçu des renseignements qui ont été recueillis par une autre personne en vertu d'une demande d'accès à l'information. On y apprend que, dans l'avant-projet de loi sur l'éducation des Premières Nations, 293 documents ont été reçus en réponse à la demande d'accès à l'information. Sur ces 293 documents, 236 énonçaient une position clairement opposée à la mesure législative ou exprimaient des préoccupations au sujet du processus de consultation. Seulement sept de ces documents étaient en faveur du projet de loi. Pourtant, quand on compare l'avant-projet de loi et la mesure législative dont la Chambre a été saisie, on se rend compte que des changements ont été apportés, mais qu'ils sont mineurs.
Si nous souhaitons établir une relation respectueuse, travailler en consultation et en collaboration et participer à des projets de développement conjoints, nous devons dire aux Premières Nations que nous avons tenu compte des préoccupations qu'elles ont exprimées dans les 236 documents. Nous devons aussi leur expliquer comment ces préoccupations ont été prises en compte dans le projet de loi ou pourquoi cela n'a pas été le cas. Pas une seule personne ayant exprimé son point de vue ne m'a dit avoir obtenu une réponse du gouvernement pour lui expliquer pourquoi ses commentaires avaient été pris en compte ou non.
Lorsqu'ils ont pris connaissance de ces préoccupations et de celles soulevées un peu partout au pays, les néo-démocrates ont agi en tant que parlementaires responsables: ils ont écrit au ministre. Nous avons écrit au ministre avant que le projet de loi ne soit débattu à l'étape de la deuxième lecture, c'est-à-dire aujourd'hui. Nous avons dit au ministre que nous étions tous d'accord pour dire que l'éducation des Premières Nations est un enjeu important et que les néo-démocrates sont d'avis que le contrôle par les Premières Nations de leurs systèmes d'éducation est un droit non seulement prépondérant mais également inhérent.
C'est dans cet esprit que nous avons demandé au ministre s'il envisagerait de renvoyer le projet de loi au comité avant l'étape de la deuxième lecture, ce qui nous aurait permis de l'examiner en profondeur et de l'amender, car, selon plusieurs personnes, il présente des lacunes. La plupart d'entre nous n'ont pas été étonnés d'apprendre que le ministre avait rejeté cette demande. Nous voici donc réunis aujourd'hui pour débattre du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, ce qui limitera notre capacité de l'amender.
Comme il est important que je ne sois pas la seule à exprimer des préoccupations, je voudrais maintenant parler des préoccupations qui ont été formulées par des chefs et des conseils des Premières Nations ainsi que par des membres des Premières Nations, qui seront directement touchés par cette mesure législative.
Lorsque j'ai posé ma question au ministre, j'ai lu la requête du vice-chef Bobby Cameron, qui demande au gouvernement fédéral de confirmer par écrit son engagement de donner aux Premières Nations l'autorité et le contrôle à l'égard de leur système d'éducation. Je tiens à le redire parce que, lorsque j'ai posé cette question au ministre, il ne s'est pas engagé à approuver la lettre qui a été envoyée le 11 avril.
C'est une question importante. Comme je l'ai signalé au ministre, il y a un manque de confiance entre les Premières Nations et le gouvernement, et il ne s'agit pas seulement du gouvernement actuel. Il y a au Canada une longue et triste histoire de colonialisme de la part du gouvernement, qui a toujours raison et qui exige que les Premières Nations fassent comme bon lui semble.
Les Premières Nations affirment comprendre leurs communautés. Elles connaissent leurs droits inhérents et leurs droits issus de traités. Elles comprennent leur culture et leur langue. Elles souhaitent collaborer avec le gouvernement pour élaborer une mesure législative et elles lui demandent de s'engager pleinement dans ce processus de création conjointe, mais le gouvernement ne veut pas accepter cela.
Il faut se demander pourquoi. C'est un sujet dont j'ai parlé à maintes reprises à la Chambre. Comment se fait-il que ce gouvernement pense avoir toujours raison et que, par conséquent, les Premières Nations ne participent pas aux négociations à titre de véritables partenaires tout au long du processus?
Consulter, cela ne signifie pas demander: « Que pensez-vous? ». Consulter signifie fournir des ressources et de l'information et laisser les Premières Nations décider qui participera aux négociations, du début à la fin. Cela ne signifie pas que les Premières Nations disent ce qu'elles pensent au gouvernement, puis que ce dernier s'isole derrière des portes closes et élabore une mesure sans la participation des Premières Nations.
Le fait que le ministre ne veuille pas s'engager par écrit préoccupe les Premières Nations.
Le Conseil en éducation des Premières Nations, par l'entremise de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, a présenté un mémoire exhaustif. Je n'aurai pas le temps d'exposer l'ensemble du mémoire, mais on y soutient que la plupart des cinq conditions établies n'ont pas été respectées.
Le mémoire commence par la première condition, qui porte sur la reconnaissance des droits inhérents et des titres ancestraux issus de traités, et précise qu'elle n'aurait pas été respectée:
[...] le projet de loi ne reconnaît d'aucune façon la compétence juridique des Premières Nations, et il ne favorise nullement la mise en oeuvre de l'énoncé de politique.
Le mémoire renferme un examen approfondi du projet de loi, article par article, notamment les articles 20, 23, 27 et 47. On peut y lire ce qui suit:
L'exercice de la compétence juridique implique le pouvoir d'adopter des lois, mais, dans le projet de loi, le pouvoir des Premières Nations se limiterait à la prise de règlements administratifs assujettis à la loi.
On souligne dans le mémoire que, dans le projet de loi, le mot « peut », qui laisse place à l'interprétation, revient fréquemment. Ce mot n'oblige pas le ministre à faire quoi que ce soit. Le ministre peut faire quelque chose. Le projet de loi ne prévoit nulle part que le ministre doit faire quelque chose, ce qui serait plus significatif. Or, on peut lire à maintes reprises dans le projet de loi que le ministre « peut » faire quelque chose.
Le ministre a parlé du comité mixte et du fait que celui-ci donnerait des avis, mais le projet de loi ne prévoit pas que le ministre serait tenu de les suivre. Le comité mixte donnerait des avis, et puis après?
Je tiens à citer quelques autres communiqués de presse pour donner une idée de ce que pensent les intéressés. J'ai déjà parlé des Premières Nations du Québec et du Labrador et de la fédération des nations indiennes de la Saskatchewan.
Voici ce qu'un représentant de l'Union of British Columbia Indian Chiefs a dit:
Selon le grand chef Stewart Phillip, également président de l'Union of British Columbia Indian Chiefs, le projet de loi C-33 constitue un autre exemple du contrôle que le Canada exerce. Le gouvernement fédéral exigerait que le ministre des Affaires autochtones demande l'avis du Comité mixte de professionnels de l’éducation, mais il laisse tous les pouvoirs dans les mains du ministre. Les Premières Nations seraient donc obligées de choisir parmi les éléments établis par le gouvernement fédéral.
Voici ce qu'on peut lire dans le communiqué de presse:
Le projet de loi accroît la supervision du gouvernement fédéral et il impose des règles et des conditions de mise en application très contraignantes, car il assujettit unilatéralement les Premières Nations à des normes nationales et il multiplie les exigences en matière de reddition de comptes. On peut constater à la lecture du projet de loi que le gouvernement fédéral adopte une approche punitive envers les Premières Nations; il leur dit ni plus ni moins que sa proposition est à prendre ou à laisser et qu'il est inutile de résister. Le ministre règne en roi et maître: on lui réserve même le droit de nommer un tiers gestionnaire ou d'annuler la désignation d'une autorité scolaire.
Je crois que c'est on ne peut plus clair.
Le chef du grand conseil Patrick Madahbee a affirmé ceci:
Le ministre des Affaires autochtones détient tous les pouvoirs et l'autorité absolue en ce qui a trait à l'éducation des Premières Nations, sans assumer la moindre responsabilité légale. Voilà le genre de contrôle dont parle le gouvernement [...] Alors que nous avons demandé qu'on intègre les langues et la culture, ils imposent le français et l'anglais en laissant l'option d'une langue autochtone, à condition que le ministre donne son approbation [...] Alors que nous avons réclamé un financement juste et équitable, ils font des promesses vagues concernant une hausse du financement après les prochaines élections fédérales, sans préciser comment les fonds seront alloués.
Le chef régional Stan Beardy a dit ceci:
Le projet de loi C-33 demeure inscrit dans une démarche disciplinaire plutôt que collaborative à l'égard de l'amélioration de l'éducation des Premières Nations. Les Premières Nations ont pourtant des idées beaucoup plus novatrices, convaincues qu'une démarche collaborative serait plus avantageuse pour leurs élèves, mais, une fois encore, nous n'avons pas participé à l'orientation d'un projet de loi qui influera sur notre avenir.
J'ai déjà signalé que l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador a procédé à une analyse approfondie. Il s'agit d'un élément non négligeable puisque le gouvernement demande où sont les solutions. Cependant, comme l'a déclaré le chef Gilbert Whiteduck:
Soyons très clairs, tous nos chefs, tous nos enseignants et tous nos spécialistes sont engagés depuis des décennies afin d'assurer à nos jeunes la qualité des services éducatifs auxquels ils ont droit et que le gouvernement fédéral refuse de leur assurer. Nous avons proposé à maintes reprises des solutions concrètes que le gouvernement fédéral refuse systématiquement d'écouter. Il préfère nous imposer ses vues [...]
Mon temps de parole ne suffira jamais à citer la multitude d'autres déclarations semblables. Je tiens néanmoins à terminer mon intervention en citant l'analyse approfondie qu'a effectuée Wab Kinew au sujet du contrôle par les Premières Nations de leur système d'éducation, où il conclut ceci:
Pourtant, les mots « juste » et « équitable » ne figurent aucunement dans le projet de loi présenté aujourd'hui. Le gouvernement entend plutôt octroyer un financement permettant d'offrir un enseignement « d'une qualité comparable » à celle de l'enseignement offert dans les écoles provinciales semblables sur le plan de l'emplacement et de la clientèle. Il n'y a là rien d'inspirant. Martin Luther King Jr. rêvait d'égalité, pas de similitude passable.
Sur ce, les néo-démocrates s'opposeront à l'adoption du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
:
Monsieur le Président, l'amélioration du niveau de scolarisation des étudiants autochtones est l'une des questions de justice sociale les plus pressantes au Canada. Elle est absolument essentielle pour assurer l'égalité des chances pour les Premières Nations du Canada.
Étonnamment, encore aujourd'hui, seulement le tiers des personnes qui vivent dans les réserves obtiennent un certificat d'études secondaires, comparativement à 78 % pour le reste des Canadiens.Tous les Canadiens devraient considérer cet écart totalement inacceptable. Il est très clair qu'il ne suffit pas de maintenir le statu quo. Comme la Chambre l'a déjà entendu, l'évaluation de l'éducation dans les réserves effectuée par le gouvernement en 2012 en vient à la même conclusion que le vérificateur général du Canada l'année précédente, soit que les possibilités d'éducation et les résultats scolaires ne sont toujours pas comparables à ce qu'on constate dans le reste du Canada.
Bien que les Premières Nations aient fait de grands progrès dans le dossier, ces progrès sont sérieusement limités par les ressources insuffisantes et les problèmes systémiques structurels qui existent dans le système d'éducation des Premières Nations. Il faut que ce soit les Premières Nations qui mènent la charge pour régler ces problèmes structurels, dans la reconnaissance de leurs droits inhérents et issus de traités.
Malheureusement, le gouvernement conservateur privilégie une approche unilatérale et paternaliste.
[Français]
Présentement, on estime qu'il faudra près de trois décennies pour combler cet écart.
[Traduction]
Tous les enfants canadiens ont le droit d'avoir une éducation de base et, dans le cas des Premières Nations, l'accès à l'éducation relève de la compétence du gouvernement fédéral. L'écart inacceptable entre le niveau de scolarisation des Premières Nations dans les réserves et celui du reste de la population canadienne n'est pas seulement une injustice sociale profonde; il constitue une perte énorme pour l'économie canadienne. Dans l'économie du XXIe siècle, l'accès aux emplois et même à la formation professionnelle est impossible sans diplôme d'études secondaires, et parfois même postsecondaires. Nous savons que les jeunes qui terminent le secondaire ont deux fois plus de chances de trouver un emploi. La recherche nous apprend que le taux de participation aux études postsecondaires est quasiment le même parmi les diplômés du secondaire autochtones et non autochtones.
La Chambre de commerce du Canada estime que la pénurie de main d'oeuvre qualifiée est l'un des 10 principaux obstacles à la compétitivité du Canada et que la population autochtone est « une main-d'oeuvre potentielle considérable » que nous devons appuyer davantage.
[Français]
Par ailleurs, le Conseil canadien des chefs d'entreprise a indiqué clairement que le gouvernement devait améliorer l'éducation et les niveaux de compétence au sein de la population autochtone et créer plus d'occasions pour les peuples autochtones, pour qu'ils soient en mesure de participer pleinement à l'économie.
[Traduction]
Le milieu des affaires canadien l'a bien compris. À son avis, il est essentiel de miser sur les Autochtones du pays — qui constituent le segment le plus jeune de la population et celui qui croît le plus rapidement — si l'on veut contrer le vieillissement de la population et combler l'écart actuel entre les compétences des travailleurs et les besoins du marché du travail.
Maintenant, comment faire pour que les étudiants des Premières Nations aient les mêmes chances que les autres — ce qu'ils méritent amplement — et pour que les communautés des Premières Nations et l'économie nationale tirent parti de l'énorme potentiel que représente la jeune génération d'Autochtones?
Il y a déjà 10 ans que les dirigeants autochtones, métis et inuits ont rencontré, juste de l'autre côté de la rue, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux dans le but de lancer le processus qui a mené en octobre 2005 à l'accord de Kelowna. Les dirigeants autochtones avaient désigné cinq secteurs prioritaires: la santé, l'éducation, le logement et les infrastructures, le développement économique et la reddition de comptes. Ils s'étaient divisés en groupes de travail, puis avaient élaboré des stratégies concrètes répondant aux trois questions clés suivantes: « quoi? », « quand? » et « comment? ». Le budget a été établi, et le gouvernement libéral de l'époque a inscrit le tout dans son cadre budgétaire. En matière d'éducation, on se donnait 10 ans pour que les étudiants des Premières Nations terminent leurs études secondaires au même rythme que la moyenne canadienne. Une somme de 1,7 milliard de dollars sur cinq ans avait été mise de côté, avec la promesse que d'autres ressources seraient dégagées si besoin était.
[Français]
Malheureusement, l'accord de Kelowna n'a pas été respecté par le gouvernement actuel. Les jeunes Autochtones en ont payé le prix et le Canada est diminué en conséquence.
[Traduction]
Les libéraux savent que, 10 ans plus tard, on ne peut plus se contenter de ramener l'accord de Kelowna. Ils croient cependant que c'est dans ce partenariat authentique — qui a rendu possible cette grande percée — que réside la clé qui permettra d'améliorer les résultats scolaires des Autochtones. Selon nous, ces 10 années sont carrément perdues, puisque, encore aujourd'hui, seulement le tiers des étudiants autochtones qui vivent dans une réserve terminent leurs études secondaires.
Que pouvons-nous faire? En plus de reconnaître que les Premières Nations ont compétence sur leur propre système d'éducation, nous devons adopter une approche globale permettant de protéger la langue et la culture, créer un cadre de reddition mutuelle de comptes et instaurer un financement adéquat, durable et prévisible. Les Premières Nations doivent en outre contribuer directement à tous les aspects de la réforme de l'éducation; à l'élaboration pas seulement de la loi et de la réglementation, mais aussi des politiques gouvernementales qui ont une incidence sur l'administration de l'éducation des Premières Nations.
Comme me le rappelaient lundi les chefs du Québec, le Panel national sur l'éducation primaire et secondaire des Premières Nations pour les élèves dans les réserves a établi les grandes lignes des mesures à prendre pour améliorer concrètement l'éducation dans les réserves. Dans son rapport publié en 2012, il recommandait notamment au gouvernement fédéral et aux Premières Nations de créer conjointement une « loi sur l'éducation des Premières Nations axée sur l'enfant ».
Au lieu de collaborer avec les Premières Nations à l'élaboration d'une telle mesure législative, comme le recommandait le panel, le gouvernement a préféré y aller, l'automne dernier, d'une proposition unilatérale qui s'appliquerait indifféremment à tous.
[Français]
Cette proposition de loi pour l'éducation des Premières Nations a été rejetée rapidement par les Premières Nations et les éducateurs d'un océan à l'autre.
[Traduction]
En s'appuyant sur les travaux du panel national et des collectivités des Premières Nations, les chefs de toutes les régions du Canada ont adopté une résolution en décembre dernier établissant cinq conditions à respecter pour qu'une réforme de l'éducation des Premières Nations soit jugée acceptable.
La résolution demandait premièrement la reconnaissance des compétences des Premières Nations et le respect des droits ancestraux ou issus des traités; deuxièmement, un financement garanti par la loi; troisièmement, un financement pour l'enseignement des langues et des cultures des Premières Nations; quatrièmement, l'obligation réciproque de rendre compte et cinquièmement le maintien d'un véritable dialogue.
Nous étudions maintenant le projet de loi , la dernière tentative de restructuration du système d'éducation dans les réserves du gouvernement conservateur. La résolution de décembre de l'Assemblée des Premières Nations nous donne un excellent moyen de vérifier si le projet de loi offrira aux Premières Nations ce qu'elles s'efforcent d'obtenir depuis 30 ans: un réel contrôle sur leur propre système d'éducation.
[Français]
Tandis que certains ont laissé entendre que le projet de loi représentait un bon débat, les Premières Nations ont également exprimé de nombreuses inquiétudes concernant ce projet de loi.
[Traduction]
Dans le modèle proposé dans le projet de loi , le ministère des Affaires autochtones devient un ministère de l'Éducation, ainsi qu'un conseil scolaire national. Dans certains cas, il administre même les écoles des Premières Nations.
Le projet de loi a été rebaptisé loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d'éducation, mais mis à part le fait d'inscrire la délégation de la gestion des affaires courantes dans la loi — ce qui correspond à la politique du gouvernement depuis 30 ans —, il apporte bien peu en matière de pouvoir.
[Français]
De nombreuses Premières Nations m'ont dit être préoccupées par le fait que le coeur du projet de loi ne reflète pas le titre ou le langage conciliant du préambule.
[Traduction]
En résumé, le projet de loi ne reconnaît pas explicitement la compétence des Premières Nations sur leurs systèmes d'éducation.
De plus, les Premières Nations sont fort préoccupées par le fait que le ministre conserve d'importants pouvoirs, et qu'il en aura peut-être même encore plus que ne le prévoit actuellement la Loi sur les Indiens, pour intervenir dans l'administration des écoles des Premières Nations. Les pouvoirs démesurés du ministre lui permettent d'imposer aux autorités scolaires des Premières Nations un plan de gestion par un tiers et même de démanteler une autorité scolaire responsable en s'appuyant sur des critères mal définis.
Le projet de loi devrait permettre le transfert de pouvoirs législatifs en matière d'éducation aux Premières Nations comme le font les mesures législatives sur l'autonomie gouvernementale sectorielle. Cela s'est déjà vu dans le cas de la gestion des terres aux termes de la Loi sur la gestion des terres des premières nations ou encore en matière de fiscalité, d'administration financière et de financement public aux termes de la Loi sur les institutions financières des Premières Nations. Mais il ne le fait pas.
[Français]
De plus, les pouvoirs discrétionnaires du ministre sont vastes, et en grande partie, ne sont pas nécessaires. Ils devraient être limités, et dans plusieurs cas, éliminés.
[Traduction]
Il ne fait aucun doute que le financement stable et prévisible annoncé, puis confirmé dans le budget de 2014 est un pas dans la bonne direction. L'augmentation de l'enveloppe budgétaire est particulièrement bien accueillie lorsqu'on sait qu'en janvier dernier, le ministre d'alors niait encore l'existence d'un sous-financement des écoles dans les réserves. Toutefois, il est complètement inacceptable que le gouvernement retarde jusqu'en 2016-2017 l'affectation de l'argent prévu pour combler en partie l'écart dans le financement annuel par élève. Les élèves des Premières Nations devront ainsi attendre encore au moins deux ans avant que l'on commence un peu à combler l'important écart de financement entre leurs écoles et celles des provinces. C'est, de toute évidence, une mauvaise idée. Les élèves des Premières Nations ne devraient pas être obligés d'attendre un jour de plus pour recevoir le financement équitable auquel ils ont droit. Les sommes nécessaires devraient déjà avoir été débloquées.
J'entends des gens de partout au pays craindre que l'on finance l'enseignement de la langue et de la culture en appauvrissant les matières de base. L'enseignement de la langue et de la culture est essentiel pour que l'identité personnelle et culturelle des élèves des Premières Nations puisse s'enraciner solidement. C'est un enseignement essentiel qui a des effets bénéfiques sur les résultats scolaires, la santé et la vigueur économique des populations autochtones.
On s'inquiète également beaucoup, d'un bout à l'autre du pays, à propos du manque d'argent pour les élèves ayant des besoins spéciaux. Il y en a malheureusement un grand nombre dans les écoles des Premières Nations. Les gens veulent que le financement nécessaire soit garanti et ne provienne pas d'une diminution du financement de base accordé pour répondre à d'autres besoins.
L’obligation réciproque de rendre compte constitue une autre pierre d'achoppement dans ce dossier. Bien que la reddition de comptes soit importante pour que les changements au système d'éducation soient efficaces, elle ne doit pas équivaloir à un simple transfert des responsabilités aux Premières Nations sans qu'on leur accorde en même temps les pouvoirs et les ressources pour s'acquitter de ces responsabilités. Le ministre, à Ottawa, ne devrait pas se voir accorder inutilement des pouvoirs de surveillance paternaliste. Les Premières Nations espèrent un partenariat véritable pour l'évaluation et la surveillance de leur système d'éducation restructuré.
Le projet de loi prévoit la formation du Comité mixte de professionnels de l'éducation, que le gouvernement considère comme l'instrument de reddition de comptes et de surveillance réciproques du nouveau système. Cependant, ce comité mixte, qui est en fin de compte nommé par le gouverneur en conseil, fournit des avis uniquement au ministre et ne relève que de lui. Il ne s'agit pas de reddition de comptes réciproque. Personne ne rendra des comptes aux Premières Nations. Ce n'est même pas une entité de gouvernance commune comme le sont, par exemple, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et la Commission de la fiscalité des Premières Nations. Le comité ne possède aucun pouvoir légal véritable. À part la responsabilité du comité de procéder tous les cinq ans à un examen de la loi et de ses règlements d'application, le projet de loi ne lui confère aucune fonction ni aucun pouvoir.
[Français]
Les Premières Nations ont également exprimé de graves préoccupations concernant la composition du comité mixte.
[Traduction]
Le projet de loi accorde au gouverneur en conseil le pouvoir discrétionnaire de nommer au moins cinq et au plus neuf membres sur recommandation du ministre et exige uniquement qu'un seul des membres ainsi nommés ait été proposé par une entité représentant les intérêts des Premières Nations. Pour moi, cela ne correspond pas à la gestion de l'éducation des Premières Nations par les Premières Nations. L'expression « entité représentant les intérêts des Premières Nations » n'est pas clairement définie. De plus, le ministre conserve le droit de révoquer des membres au cours de leur mandat de cinq ans. Le déséquilibre potentiel dans la composition du comité de même que le caractère vague de ses pouvoirs et de ses responsabilités nuisent à la crédibilité de cette entité et ne permettent pas de faire de l'obligation réciproque de rendre compte que réclament à juste titre les Premières Nations une réalité.
Je sais que le gouvernement et l'APN ont discuté de la possibilité de conclure un protocole politique en vue de mieux définir les fonctions du comité, mais un élément aussi essentiel à la mesure législative devrait se trouver dans le projet de loi. L'appareil gouvernemental doit faire preuve d'une plus grande créativité. Ce qu'il faut, c'est une institution des Premières Nations responsable qui sera en mesure de soutenir une gouvernance responsable à l'échelle locale ainsi que la prestation de services d'éducation de qualité et adéquatement financés. Le projet de loi devrait définir les pouvoirs et les fonctions de cette entité et tenir compte des préoccupations concernant les vastes pouvoirs discrétionnaires accordés au gouvernement d'en nommer les membres, surtout, à ce qu'on nous dit, dans le cas du président.
Nous croyons que le projet de loi devrait faire en sorte qu'une majorité des membres du Comité mixte appartiennent à une Première Nation et exiger que le président soit un candidat proposé par les Premières Nations. La mesure législative devrait également prévoir un mécanisme visant à assurer une représentation régionale adéquate au sein du comité.
Le projet de loi accorde au ministre le pouvoir de réglementation qui lui permet de déterminer l'étendue de l'utilisation d'une langue d'une Première Nation comme langue d'instruction. Les Premières Nations se demandent pourquoi le ministre juge nécessaire de conserver ce pouvoir.
[Français]
Des questions ont aussi été soulevées quant à son impact potentiel sur les programmes d'immersion.
[Traduction]
Même si le ministre a déclaré que le projet de loi établit en droit « l’intégration des programmes linguistiques et culturels des Premières Nations dans le programme d’études, y compris [la capacité d'offrir] l’immersion dans une langue d’une Première Nation », il y a lieu de se demander si les règlements, qui ne sont pas encore élaborés, le permettront.
Pour ce qui est du dialogue continu qui sera essentiel pour améliorer les résultats des Premières Nations au chapitre de l'éducation, l'approche cynique et unilatérale du gouvernement conservateur à l'égard des questions autochtones jusqu'à maintenant a grandement miné la confiance des Premières Nations, ce qui sera très problématique pour les discussions franches qui seront nécessaires.
De nombreux articles du projet de loi sont extrêmement normatifs et, comme la loi n'exige pas de consultation en bonne et due forme sur les règlements et que les délais sont serrés, on se demande vraiment si les Premières Nations seront suffisamment consultées lors de l'élaboration de ces règlements.
Nous avons entendu maintes préoccupations des Premières Nations partout au pays et, à leur avis, le projet de loi ne satisfait que partiellement aux cinq conditions. Qui plus est, il aurait pour effet de créer un système d'une grande lourdeur administrative, qui donnerait trop de pouvoir au ministre. Le projet de loi ferait ni plus ni moins du le nouveau ministre de l'Éducation des Premières Nations.
Le projet de loi a encore besoin d'être travaillé en profondeur. Il doit être à la hauteur de son titre, qui est Loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d’éducation.
Nous continuerons de collaborer avec le gouvernement dans ce dossier, mais nous croyons qu'il a, malheureusement, irrémédiablement brisé le lien de confiance avec les Premières Nations.
Nous espérons en arriver à une vraie solution. Nous continuerons de travailler avec les Premières Nations et le gouvernement dans ce dossier. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous tromper. Il est trop important.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole afin d'exprimer mon appui à l'égard du projet de loi , Loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d’éducation.
Je dois dire que je suis déçu que les députés de l'opposition aient indiqué qu'ils n'appuieront pas ce projet de loi. C'est une initiative importante qui, comme nous l'avons mentionné, découle d'une grande collaboration avec les Premières Nations. Nous collaborons avec elles depuis des années sur cette mesure législative qu'elles réclament depuis des décennies. Comme le ministre l'a fait remarquer, les Premières Nations revendiquent depuis longtemps le contrôle de leurs systèmes d'éducation. Déjà, en 1972, cette revendication figurait dans un document d'orientation sur l'éducation de la Fraternité nationale des Indiens, et elle est répétée depuis dans bon nombre de rapports et d'études universitaires.
Je suis fier de faire partie du gouvernement actuel, le seul gouvernement qui a pris en considération ces revendications et donné aux Premières Nations le contrôle de leurs systèmes d’éducation, qui a collaboré avec les Premières Nations pour tenir compte de leurs préoccupations et qui a adopté une mesure législative devant finalement mettre fin à l'approche paternaliste et colonialiste qui a teinté le système d'éducation des Premières Nations et veiller avant tout aux intérêts supérieurs des enfants des Premières Nations, en reconnaissant que les membres des Premières Nations savent mieux que quiconque comment éduquer leurs propres enfants.
Tout ceux qui ont lu le projet de loi verront clairement que le contrôle par les Premières Nations de leurs systèmes d'éducation est au coeur du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Toutefois, le parcours a été long. Je veux profiter de l'occasion pour expliquer l'importance de redonner aux Premières Nations le contrôle de leurs systèmes d'éducation par la force de la loi. Pour ce faire, je dois souligner certains faits historiques.
Le gouvernement du Canada a joué pour la première fois un rôle dans le développement et l'administration des pensionnats indiens en 1874. Au cours de ce sombre chapitre de l'histoire canadienne, environ 150 000 enfants autochtones ont été séparés de leur famille et de leur communauté afin d'être placés dans des pensionnats. Bien que la plupart des pensionnats indiens aient cessé d'exister vers le milieu des années 1970, le dernier pensionnat dirigé par le gouvernement fédéral n'a fermé ses portes qu'à la fin des années 1990.
Ce sont l'actuel gouvernement et le qui ont annoncé en 2006 la ratification de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, le plus important règlement de recours collectif de l'histoire du Canada. En 2008, le premier ministre a présenté des excuses historiques aux anciens élèves des pensionnats indiens au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens. Dans les excuses, il reconnaissait que la politique d’assimilation était erronée, qu’elle a fait beaucoup de mal et qu’elle n’avait aucune place dans notre pays.
Les séquelles laissées par les pensionnats indiens se font sentir encore aujourd’hui chez les populations autochtones du Canada. Le gouvernement le reconnaît et c’est la raison pour laquelle il accorde autant d’importance à la réconciliation et au rétablissement de la relation entre les Canadiens et les Autochtones. Le contrôle des Premières Nations sur leurs systèmes d'éducation fait partie de notre engagement à clore ce chapitre et à favoriser le rapprochement souhaité.
Le gouvernement est fier de l'étroite collaboration qui a été établie dans ce dossier et qui donne des résultats probants. Dès le début, le gouvernement s'est engagé à travailler de concert avec les Premières Nations pour créer un projet de loi sur leurs systèmes d'éducation. La participation des parents, élèves, dirigeants et enseignants autochtones et des provinces qui ont été consultés a joué un rôle essentiel dans l'élaboration et la rédaction du projet de loi à l'étude aujourd'hui.
Cette réforme capitale de l’éducation des Premières Nations se nourrit des discussions en cours depuis des décennies et de multiples processus de participation tenus au cours des dernières années. Permettez-moi de souligner les principaux jalons de cette démarche.
En 2011, le gouvernement et l’Assemblée des Premières Nations ont mis sur pied conjointement un groupe national sur l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations. Pendant cinq mois, le groupe a tenu sept tables rondes régionales et une table ronde nationale. Les membres du groupe ont visité 25 écoles et 30 collectivités autochtones un peu partout au Canada et ont rencontré des acteurs et des organismes clés dans chaque région. Dans son rapport final, le groupe national affirme que les mesures législatives sur l'éducation font partie intégrante d'un système d'éducation. Pour reprendre les termes du groupe:
Des mesures législatives sont nécessaires pour établir et protéger les droits de l'enfant à une éducation de qualité; assurer un financement suffisant et prévisible; fournir un cadre pour mettre en œuvre les structures de soutien et les services d'aide à l'éducation; établir les rôles, les responsabilités et l'obligation de rendre compte de tous les partenaires.
Dans la foulée du rapport, le gouvernement s'est engagé, dans le Plan d'action économique de 2012, à faire adopter un projet de loi sur l'éducation des Premières Nations. En décembre 2012, il a lancé un vaste processus de consultation.
Ce processus s'est déroulé en deux temps. Tout d'abord, le gouvernement a diffusé un guide de discussion à toutes les Premières Nations au pays pour les informer de la teneur éventuelle du projet de loi sur l'éducation primaire et secondaire dans les réserves. Le guide était fondé sur des années d'études, de vérifications et de rapports, notamment le rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada de juin 2011, le rapport de 2011 du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et le rapport de 2012 du Panel national sur l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations pour les élèves dans les réserves.
Ensuite, de janvier à mai 2013, le gouvernement a sollicité la participation des parents, des jeunes et des éducateurs autochtones ainsi que des partenaires provinciaux, d'autres parties intéressées et des spécialistes de l'éducation à des séances de consultation régionales tenues aux quatre coins du pays. À cela se sont ajoutés une trentaine de vidéos et de téléconférences ainsi que d'autres moyens de formuler des commentaires additionnels, comme le courriel et des cybersondages.
Parmi les questions d'intérêt et les préoccupations soulevées au cours de ces consultations, mentionnons le contrôle de l'éducation des Premières Nations par les Premières Nations, le financement, la transition vers un système légiféré, la participation parentale à l'éducation, la langue et la culture, les droits ancestraux et les droits issus de traités.
Après avoir examiné les conclusions du panel national et les commentaires recueillis pendant les consultations, le gouvernement a élaboré un plan annoté du projet de loi. Ce plan, intitulé « Élaborer une loi sur l’éducation des Premières Nations — Plan pour l’ébauche d’une loi », a été publié en juillet 2013. Il a été transmis aux chefs des Premières Nations et aux conseils de bande, à des organismes des Premières Nations, aux gouvernements provinciaux et à d'autres intervenants possédant une expertise ou un intérêt dans l'éducation des Premières Nations, afin qu'ils donnent leur avis.
En octobre 2013, après avoir reçu de nouveaux commentaires, le gouvernement a publié « Travaillons ensemble pour les élèves des Premières Nations — Une ébauche de projet de loi sur l’éducation des Premières Nations ».
En plus de publier cette ébauche sur le site Web d'Affaires autochtones et du Nord Canada, le gouvernement l'a transmise à plus de 600 chefs et conseils de bande, à toutes les collectivités des Premières Nations du pays et aux gouvernements provinciaux, pour obtenir leur avis.
Nous avons mené auprès des Premières Nations de tout le pays des consultations approfondies et sans précédent qui ont mené à des lettres ouvertes et à un dialogue entre le et le chef national de l'Assemblée des Premières Nations.
En novembre 2013, l'Assemblée des Premières Nations a adressé une lettre ouverte au gouvernement du Canada pour lui demander sa collaboration à propos de cinq enjeux. Parmi ces cinq points figuraient le respect des droits inhérents, des droits issus des traités et du principe du contrôle de l'éducation par les Premières Nations; un financement adéquat et juste garanti par la loi; le soutien des langues et de la culture des Premières Nations; une responsabilisation mutuelle qui respecte les droits et les responsabilités des Premières Nations; et l'importance d'un dialogue véritable et constant.
En décembre 2013, mon collègue, le , a publié une lettre ouverte qui affirmait l'engagement du gouvernement à donner suite à ces demandes. Le gouvernement a collaboré avec l'Assemblée des Premières Nations afin que la loi réponde aux cinq conditions de réussite énoncées.
Dans ce contexte, on comprend toute l'importance de l'annonce faite le 7 février 2014 par le et l'Assemblée des Premières Nations à propos de l'éducation primaire et secondaire des Premières Nations. Cette annonce marque un moment historique dans l'histoire des relations entre le Canada et les Premières Nations.
Le , accompagné du chef national de l'Assemblée des Premières Nations, a annoncé un engagement financier sans précédent de 1,9 milliard de dollars. Cette somme sera répartie en trois volets: un financement de base prescrit par la loi et assorti d'un facteur de progression annuel sans précédent, un financement de transition pour soutenir la mise en œuvre du nouveau cadre législatif, et un financement destiné à des investissements à long terme dans l’infrastructure scolaire des réserves.
Cette annonce historique a été renforcée par le Plan d'action économique de 2014, qui prévoit un financement stable et prévisible en matière d'éducation, conformément aux modèles de financement utilisés dans les provinces.
En plus du financement actuel, la loi prévoit un transfert de base de 1,252 milliard de dollars sur trois ans, à compter de 2016-2017, assorti d'une augmentation annuelle de 4,5 %. Le transfert de base comprendra des fonds pour l'enseignement des langues et de la culture.
Ce financement répond à l'une des cinq conditions de succès énoncées dans une résolution de l'Assemblée des Premières Nations appuyée par l'assemblée des chefs en décembre 2013. Importante dans le contexte de la réconciliation, l'intégration de l'enseignement des langues et de la culture dans les écoles accroît en outre la participation des parents et de la communauté et favorise la réussite scolaire.
Le contrôle par les Premières Nations est le principe fondamental sur lequel repose ce projet de loi, comme son titre en fait foi. Cette mesure législative reconnaîtra la capacité des Premières Nations de prendre en charge l'éducation de leurs élèves et leur en confiera la responsabilité. Elle reconnaîtra l'importance des droits issus de traités et des droits inhérents des Autochtones, qui sont garantis par la Constitution, et elle ne s'appliquera pas aux Premières Nations qui ont conclu des accords généraux ou sectoriels d'autonomie gouvernementale englobant l'éducation.
Quand il a annoncé son intention de présenter une mesure législative, le gouvernement a bien précisé que le partenariat ne prendrait pas fin avec la présentation d'un projet de loi. Dorénavant, grâce à l'établissement du Comité mixte de professionnels de l'éducation et au rôle qu'il sera appelé à jouer, selon les dispositions du projet de loi, le gouvernement du Canada et l'Assemblée des Premières Nations continueront de chercher des façons de faire intervenir davantage les Premières Nations, dans le cadre de l'engagement concernant le contrôle par celles-ci de leur système d'éducation.
Comme je disais, ce projet de loi ne marque pas la fin du partenariat avec les Premières Nations. Le ministre des Affaires autochtones a invité l'APN à travailler à un protocole politique en vue de déterminer comment les membres du Comité mixte seraient choisis pour assurer une véritable contribution des Premières Nations et préciser la forme que prendrait la collaboration du Comité mixte avec les Premières Nations en ce qui concerne l'élaboration des règlements pris en vertu de la loi. Le gouvernement envisage avec plaisir la poursuite de son partenariat avec l'APN dans le cadre de l'élaboration de ce protocole politique.
La mise en oeuvre de la mesure législative proposée se ferait en plusieurs étapes sur une période de trois ans: de la sanction royale, à l'entrée en vigueur de la loi jusqu'à l'application de la première et de la deuxième séries de règlements. Les Premières Nations et tous les Canadiens auront l'occasion de s'exprimer durant le processus parlementaire.
En outre, quand le projet de loi recevra la sanction royale, le cas échéant, le gouvernement veillera, en collaboration avec les Premières Nations, à faciliter la transition pour les collectivités et les organismes scolaires des Premières Nations. Il a d'ailleurs prévu des fonds à cette fin.
La mesure législative proposée garantirait aux Premières Nations le contrôle de leur éducation tout en instaurant un cadre législatif qui fixerait des normes correspondant aux normes provinciales à l'extérieur des réserves, normes qui s'appliquent aux élèves de tout le Canada.
Le projet de loi établirait cinq aspects fondamentaux: l'accès à l'éducation, un certificat ou un diplôme d'études reconnu, des enseignants accrédités, un nombre minimal d'heures d'enseignement et de jours de classe, et la transférabilité des élèves, sans pénalité, d'un système scolaire à l'autre.
Cette mesure législative obligera par exemple les écoles des Premières Nations à donner des cours de base qui répondent aux normes provinciales, et il faudra que les élèves assistent à un minimum d'heures de cours. Les enseignants devront être accrédités et les écoles des Premières Nations devront remettre des certificats et des diplômes d'études reconnus.
Toutes les autres décisions au sujet des normes seront prises par les Premières Nations qui contrôlent les écoles. Les règlements préciseront le détail des normes. Dans l'annonce que nous avons faites en février dernier en matière d'éducation, nous avons notamment dit que le gouvernement et l'Assemblée des Premières Nations ont convenu d'élaborer ces règlements en collaboration.
Il reviendra à chacune des Premières Nations de choisir son propre modèle de gouvernance. Le gouvernement du Canada encouragera la formation de regroupements notamment par la création de conseils scolaires des Premières Nations, mais chaque Première Nation devra choisir le modèle de gouvernance qui répond le mieux aux besoins des élèves tout en respectant les normes définies dans le cadre législatif. Les Premières Nations pourront choisir de continuer à administrer directement leurs écoles, de créer un conseil scolaire des Premières Nations — ou encore de confier à un conseil scolaire des Premières Nations le pouvoir d'administrer leurs écoles — ou de conclure une entente avec un conseil scolaire provincial pour ce qui est de l'administration des écoles situées dans les réserves.
Les élèves des Premières Nations, les parents, les familles, les communautés, les écoles, les enseignants et les administrateurs, ainsi que les gouvernements, le conseil mixte des professionnels de l'éducation et les organismes scolaires des Premières Nations, auront tous un rôle à jouer et des responsabilités à assumer pour mettre en oeuvre la mesure législative.
Le projet de loi instaurera des structures claires, définira des responsabilités et des rôles précis et établira des normes de prestation de services et des obligations mesurables. Il instaurera aussi un système rigoureux de reddition de comptes qui n'existait pas auparavant.
Le Comité mixte de professionnels de l’éducation appuierait cette approche par son solide rôle de surveillance, son examen des rapports annuels et ses conseils au ministre relativement aux mesures à prendre pour donner suite aux constatations faites lors des inspections des écoles. Par ailleurs, dans le cadre de son mandat, il aiderait les conseils des Premières Nations et les autorités scolaires des Premières Nations à améliorer leurs systèmes d'éducation et veillerait à ce que le ministre exerce les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la loi dans l'intérêt des Premières Nations et y ait recours uniquement en dernier ressort.
Les résultats concernant l'atteinte des normes seraient suivis et signalés régulièrement par l'autorité scolaire responsable sélectionnée par la Première Nation. Au besoin, les plans de réussite scolaire décriraient de quelle façon améliorer le rendement. Les rapports seraient vérifiés par le Comité mixte de professionnels de l'éducation, qui formulerait ensuite des recommandations au ministre lorsque d'autres mesures devraient être prises pour assurer le bien-être des élèves.
Dans des circonstances exceptionnelles et en dernier recours, le ministre peut, après avoir demandé l'avis du Comité mixte de professionnels de l'éducation, nommer un administrateur provisoire. Cette disposition ne pourrait s'appliquer que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple si des rapports d'inspection n'ont pas été soumis, si des problèmes importants ont été mis au jour ou si le bien-être et la réussite des élèves posent un risque considérable. Le Comité mixte procéderait également à un examen de la loi après cinq ans.
Les membres seraient choisis en fonction de leur expérience, de leur formation et de leur connaissance de l'éducation dans les collectivités des Premières Nations. Comme d'autres l'ont mentionné, le ministre est déterminé à conclure un protocole politique avec l'APN en vue de créer un processus de nomination pour le comité mixte.
La constitution du Comité mixte de professionnels de l'éducation est un ajout clé à l'avant-projet de loi présenté en octobre 2013. Il répond directement aux préoccupations des Premières Nations au sujet du pouvoir unilatéral du ministre d'intervenir dans l'administration de l'éducation des Premières Nations. Je tiens également à souligner que nous sommes d'accord avec le chef national Shawn Atleo pour dire que le projet de loi ne remplace pas l'autonomie gouvernementale. Il se veut plutôt une initiative qui aide les Premières Nations à mettre en place des systèmes d'éducation qui répondent à leurs traditions et à leurs priorités et qu'elles contrôleront elles-mêmes.
Nous convenons tous que chaque enfant canadien, où qu'il habite, a le droit à une éducation de qualité. Nous sommes également d'accord que malgré les efforts déployés par d'innombrables parents, enseignants et collectivités, trop d'enfants des Premières Nations sont laissés pour compte. Nous appuyons les processus de consultation et de participation qui sous-tendent l'élaboration du projet de loi . Le gouvernement a mené des consultations exhaustives dans le cadre desquelles nous avons eu des discussions fructueuses avec les organismes et les particuliers des Premières Nations au sujet du contenu de la mesure législative proposée.
La collaboration historique avec l'Assemblée des Premières Nations reflète cet échange constructif avec les Premières Nations. Je suis fier de l'approche de collaboration étroite que nous avons adoptée dans ce dossier. Cela nous a permis de conclure un accord historique sur l'éducation avec les Premières Nations et de combler un besoin qui existe depuis plusieurs générations. Le projet de loi est un important pas conjoint dans la bonne direction. Nous continuerons de multiplier les efforts afin d'améliorer le sort des élèves des Premières Nations dans les réserves. Tous les enfants canadiens, où qu'ils vivent, ont le droit à une éducation de qualité.
Voici ce qu'a déclaré le chef national Shawn Atleo: « Ce travail est trop important pour que nous laissions tomber nos élèves sous prétexte d'attendre une nouvelle ronde de discussions. » J'exhorte mes collègues de tous les partis à appuyer l'adoption rapide du projet de loi , afin de créer un système d'éducation contrôlé par les Premières Nations au Canada.