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Monsieur le Président, on n'a jamais autant parlé d'
Infoman à la Chambre des communes qu'au cours de la dernière semaine. C'est grâce à la « déforme » électorale du Parti conservateur.
Je suis très fier de me lever à la Chambre aujourd'hui pour parler de la motion du NPD, celle de ma collègue de , portant sur l'utilisation du Programme des travailleurs étrangers temporaires. À mon avis, cette motion est tout à fait raisonnable et traduit très bien les inquiétudes des travailleurs et des travailleuses de notre pays qui sont au chômage.
Rappelons que 1,4 million de personnes sont à la recherche d'un emploi au Canada. C'est énorme. Ces personnes sont choquées de voir que l'embauche de travailleurs étrangers temporaires les empêche trop souvent d'occuper un emploi. C'est une très grave préoccupation.
L'inaction du Parti conservateur est assez flagrante à cet égard. Pendant des années, les conservateurs ont laissé les chiffres exploser et ont fermé les yeux sur des demandes injustifiées et injustifiables à leurs yeux mêmes, privant ainsi des Québécois ou des Canadiens de bons emplois.
C'est la raison pour laquelle la motion du NPD demande un moratoire sur le volet des professions peu spécialisées, mais surtout, demande au vérificateur général de procéder de façon urgente à un audit de l'entièreté du programme. Tout le programme est à revoir.
Le sera peut-être surpris de m'entendre le dire, et je l'entends déjà arriver avec ses gros sabots, mais le Programme des travailleurs étrangers temporaires est nécessaire. On ne remet pas en question l'existence du programme, car il fait partie des rouages de notre économie.
Je représente un comté montréalais, mais je viens de Saint-Jean-sur-Richelieu. Je me rappelle de quelques étés de mon enfance, lors desquels je passais quelques heures sous un soleil accablant à cueillir des fraises et des framboises afin d'être capable de me payer certaines choses.
Aujourd'hui, il n'y a pas suffisamment de gens de la région qui aident ces fermiers en occupant de tels emplois. On a besoin que des gens d'ailleurs nous donnent un coup de main pendant la période estivale. Dans le cas des agriculteurs, il est clair qu'ils ne pourraient pas se passer de ces travailleurs. C'est également vrai dans d'autres secteurs.
N'oublions pas que ce programme existe pour combler des lacunes de notre marché du travail, pour répondre à des pénuries de main-d'oeuvre ou de formation de la main-d'oeuvre. Il faut faire attention et s'assurer que la venue d'un travailleur étranger temporaire ne nuise jamais à l'accès au travail d'un Canadien ou d'un Québécois.
L'inaction des conservateurs a provoqué des situations dramatiques que l'on a pu voir dans les médias, et ce, tout simplement parce qu'ils s'en sont lavé les mains. Peut-être qu'ils étaient bien contents d'amener du cheap labor qui allait exercer une pression à la baisse sur les salaires. Ils ont tellement souhaité que cela soit du cheap labor qu'ils avaient prévu, dans leur budget de 2012, que les employeurs paient 15 % de moins les travailleurs étrangers temporaires, et ce, pour les mêmes emplois et les mêmes tâches. Si ce n'est pas une pression à la baisse sur les salaires, je me demande bien ce que c'est. Cela a provoqué un tel tollé qu'ils ont reculé sur cette mesure, qui n'a heureusement jamais été appliquée.
Le deuxième point dont je veux parler aujourd'hui concerne le traitement des travailleurs étrangers temporaires. Il faut savoir dans quelle situation ces gens se trouvent. Au NPD, nous considérons que l'on devrait accroître la protection des travailleurs étrangers temporaires. Si on a vraiment besoin de ces gens, on devrait en faire des citoyens canadiens. Ainsi, ils auraient des droits. En ce moment, ces gens sont trop souvent exploités et forcés de payer leurs repas et leur logement. Ils peuvent également se retrouver dans des situations de travail insalubres ou dangereuses.
Ils ne se plaignent pratiquement jamais, car cela entraîne souvent un retour à leur pays d'origine et la perte de leur salaire pour eux et leur famille. Il faut s'assurer que ces gens peuvent s'organiser, avoir des droits et se défendre. Cela est essentiel si l'on veut assurer le respect de ces individus, qui méritent de travailler dans des situations sécuritaires et de recevoir un revenu décent, même s'ils ne sont pas encore des citoyens canadiens.
Je pense ici au problème des aides domestiques engagées pour prendre soin des enfants ou pour faire le ménage et qui n'ont pas le droit de changer d'employeur pendant la durée de leur séjour ici. Cela cause des cas d'abus graves, de harcèlement et d'attouchements. La personne qui vit cela sait très bien qu'elle ne peut pas changer d'employeur. Si elle décide de le faire, c'est la fin de son contrat et elle retourne dans son pays. J'ai souvent dû rencontrer les gens de l'association des aides domestiques provenant des Philippines à Montréal. Ils m'ont sensibilisé à cette réalité. On devrait toujours avoir garder cela en tête quand il est question du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Quelques chiffres sont extrêmement révélateurs. Le nombre de personnes qui sont venues en vertu de ce programme a augmenté considérablement quand les libéraux étaient au pouvoir, mais cela a véritablement explosé de manière exponentielle sous la gouverne des conservateurs.
De 2002 à 2012, le nombre des travailleurs immigrants temporaires au Canada a plus que triplé, passant d'environ 100 000 personnes à près de 340 000. Je ne pense pas que les besoins du marché du travail ont triplé entre 2002 et 2012.
C'est vraiment ahurissant. Depuis que les conservateurs sont au pouvoir, le nombre d'admissions de travailleurs immigrants temporaires a dépassé le nombre d'immigrants économiques à titre de résidents permanents. On accueille plus de cheap labor qui prend souvent les emplois des Québécois et des Canadiens, plutôt que de rendre citoyennes canadiennes des personnes qui font une demande d'immigration sur une base économique. Le système est complètement déséquilibré.
Sous le règne des conservateurs, on a trop souvent vécu des situations où des avis du marché du travail étaient faits de rubber stamp. Je m'excuse de l'expression anglaise. On accepte tout et n'importe quoi. On ne fait pas de vérification pour savoir s'il y a effectivement pénurie réelle dans une localité ou une région et si on a absolument besoin des travailleurs immigrants temporaires sans qui le travail ne se ferait pas.
Plus tôt, j'ai parlé du secteur agricole, mais on voit maintenant que le secteur de l'hébergement et de la restauration de même que le secteur bancaire commencent à l'utiliser. J'étais en Colombie-Britannique, il y a plusieurs mois. J'ai rencontré les gens d'un syndicat des techniciens de scène. Ils avaient également un problème parce que des techniciens américains qui venaient travailler à Vancouver coûtaient moins cher. On ne s'embarrassait pas des travailleurs canadiens à ce moment-là. Même dans le secteur artistique et culturel, cela pose un problème.
Au cours de la première année de gouvernance des conservateurs, en 2006, dans les catégories d'emplois les moins qualifiés, comme chez Tim Hortons et chez McDonald's, cela a doublé par rapport à 2005. L'année suivante, entre 2006 et 2007, ce nombre a augmenté de 419 %. En un an seulement, il y a eu une augmentation de 419 % dans toutes les catégories d'emplois les moins qualifiés. Est-ce qu'il n'y a vraiment personne au Canada, à Hamilton ou à Rimouski, qui est capable de verser du café, de servir des beignes ou de vendre des frites et des Big Mac chez McDonald's?
Voilà la question qu'on doit se poser. Voilà la question que ma collègue de la Colombie-Britannique nous pose et pose à la Chambre au moyen de cette motion. Les conservateurs n'arrêtent pas de dire qu'ils vont agir et que c'est inacceptable, mais les cas se multiplient. Il y en a de plus en plus.
De toutes les industries canadiennes, le secteur de l'hébergement et de la restauration est celui qui reçoit le plus grand nombre d'avis relatifs au marché du travail. Il s'agit de l'autorisation qu'on doit demander au ministère. En 2012, on a compté 44 740 avis relatifs au marché du travail favorables, soit une hausse de 926 % par rapport à 2006. Cela a des conséquences très concrètes.
Je vais simplement donner l'exemple de Mme Sandy Nelson. Elle a travaillé dans un restaurant à Weyburn, en Saskatchewan. Elle a été serveuse dans ce restaurant pendant 28 ans. Elle a offert ses services à son employeur sans jamais recevoir de reproches et de mesures disciplinaires. Elle a été une employée exemplaire qui a consacré toute sa carrière à ses clients dans ce restaurant. On a appris, il y a une semaine, qu'elle avait été remplacée par un travailleur immigrant temporaire, alors qu'elle était là et qu'elle faisait le travail.
On a vu plusieurs exemples dans le secteur des mines, en Colombie-Britannique et en Alberta. On considère qu'en Alberta et en Colombie-Britannique, selon une étude de l'Institut C.D. Howe, s'il n'y avait pas de travailleurs immigrants temporaires de manière abusive, le taux de chômage baisserait de 4 %. C'est quand même incroyable!
Je félicite ma collègue de cette motion. J'espère que tous les parlementaires se tiendront debout à la Chambre pour appuyer les travailleuses et les travailleurs québécois et canadiens.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer à ce débat.
J'aimerais commencer par définir les termes parce que je constate qu'il règne une assez grande confusion sur ce qui constitue le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Pour être honnête, je crois que ce nom n'est pas approprié. En effet, quand la plupart des gens entendent l'expression « Programme des travailleurs étrangers temporaires », ils ont tendance immédiatement, et très logiquement, à l'associer aux efforts que déploient les employeurs pour amener de l'étranger des travailleurs ayant des niveaux de compétence variés. Ils ont surtout tendance à associer le programme à des emplois peu spécialisés. Toutefois, il faut comprendre que, en réalité, seulement 38 % des travailleurs étrangers temporaires qui sont admis au Canada chaque année sont venus ici suite à un avis relatif au marché du travail.
Permettez-moi d'expliquer à ceux qui ne le savent pas ce qu'est un avis relatif au marché du travail. En vertu de ce processus établi depuis longtemps par le gouvernement et administré par Service Canada, des employeurs peuvent embaucher des travailleurs étrangers après avoir fait tous les efforts raisonnables pour recruter des Canadiens en vue d'effectuer le travail en question. Ces employeurs doivent aussi démontrer à Service Canada qu'aucun Canadien n'est disponible ou n'est prêt à faire le travail au taux de rémunération en vigueur dans la région. Ils doivent répondre à diverses exigences relatives à la diffusion d'annonces. En fait, la durée de ces annonces a été prolongée l'an dernier à la suite de l'une de nos réformes. Les employeurs doivent annoncer le poste dans divers médias pendant huit semaines, au taux de rémunération en vigueur dans la région.
Permettez-moi aussi d'expliquer clairement cette mesure. Une légende urbaine veut que le Programme des travailleurs étrangers temporaires fasse systématiquement baisser les taux de rémunération des Canadiens. C'est faux. En fait, les employeurs ne peuvent pas être autorisés à inviter des travailleurs étrangers au moyen d'avis relatifs au marché du travail, à moins que, pendant huit semaines, ils aient annoncé dans leur région les postes à combler au salaire médian, dans la catégorie professionnelle pertinente. Par définition, le salaire médian correspond à une rémunération supérieure à celle que touche environ la moitié des travailleurs appartenant à la catégorie professionnelle en question, dans une région donnée. Lorsqu'un employeur décide, par exemple, d'embaucher des Canadiens dans un restaurant ou dans une autre entreprise, il leur offre habituellement un salaire de départ. Par la suite, les employés prennent de l'expérience et voient leur salaire augmenter en conséquence. Or, nous n'autorisons pas les employeurs qui souhaitent recruter des travailleurs étrangers à les payer au salaire de départ ou au salaire minimum. Nous exigeons plutôt qu'ils les paient au salaire médian, dans la catégorie professionnelle pertinente. Bien souvent, cette rémunération est supérieure à celle que touchent de nombreux Canadiens qui travaillent au même endroit. Voilà quelques-unes des mesures de protection qui existent à l'heure actuelle.
Si un employeur peut prouver qu'il a annoncé un poste à ce taux de rémunération pendant huit semaines et qu'il a fait tous les efforts raisonnables pour recruter des Canadiens, mais qu'il n'a reçu aucune demande d'emploi de candidats qualifiés, alors Service Canada approuvera, en principe, un avis relatif au marché du travail et permettra à l'employeur de recruter quelqu'un de l'extérieur du pays pour combler ce qui semble être une pénurie de compétences dans une profession donnée, à l'échelle locale.
Comme je l'ai dit, nous avons resserré les règles concernant, par exemple, l'autorisation d'une période d'emploi plus longue. Nous posons maintenant plus de questions aux employeurs pour nous assurer qu'ils ont vraiment fait des efforts pour recruter des gens au Canada. Désormais, nous imposons des droits de 275 $ aux employeurs qui présentent une demande d'avis relatif au marché du travail. Bientôt, les demandeurs d'avis relatif au marché du travail seront tenus de déposer ce que nous appelons un plan de transition, lequel servira à nous montrer comment ils prévoient accroître le pourcentage de citoyens canadiens ou de résidents permanents parmi leurs travailleurs et comment ils envisagent de réduire leur dépendance ou leur recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires.
À la suite des réformes que nous avons déjà mises en oeuvres, nous avons observé une réduction de 30 % du nombre de demandes d'avis relatif au marché du travail dans le volet des professions peu spécialisées et une réduction de 20 % dans l'ensemble du programme. Bien entendu, nous avons également mis fin au processus d'avis relatif au marché du travail accéléré, ce qui signifie que les délais de traitement sont beaucoup plus longs. Beaucoup de consultants en immigration, d'avocats et d'employeurs se plaindront amèrement du temps qu'il faut pour qu'on approuve un avis relatif au marché du travail. C'est, à mon avis, une preuve de la rigueur avec laquelle Service Canada traite ces demandes.
Il est important, cependant, de préciser que ce dont je viens de parler se rapporte au volet des travailleurs pour lesquels des avis relatifs au marché du travail sont émis et qui constitue ce que la plupart d'entre nous appelons le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Point intéressant, environ 35 % des ressortissants étrangers qui viennent au Canada en vertu d'un permis de travail assujetti à un avis relatif au marché du travail sont des travailleurs spécialisés; 26 % sont des travailleurs généraux peu spécialisés et cela aurait tendance à inclure la plupart des gens dont nous parlons, par exemple, les travailleurs des secteurs des services, de la restauration et de l'hôtellerie; 8 % viennent au pays dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants, ce qu'on appelle les bonnes d'enfants, et 31 % viennent dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Je signale que certains des 26 % des travailleurs étrangers pour qui un AMT a été émis et qui sont dans la catégorie des travailleurs généraux peu spécialisés travaillent pour des exploitations agricoles dans le cadre de ce que nous appelons le volet des travailleurs agricoles.
Il est important de faire ces distinctions, car, parmi les travailleurs spécialisés, il y a beaucoup de gens qui exercent une profession, font un travail scientifique, occupent un poste technique ou exercent un métier. Il est très choquant pour la plupart des gens d'apprendre que quatre des cinq pays d'origine de ce qu'on appelle les travailleurs étrangers temporaires sont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la France, tous des pays riches et très développés. La plupart des métiers dans cet élément du programme sont des métiers spécialisés.
Je sais que cela ne concorde pas avec l'idée que la plupart des gens se font du programme. Ils ont tendance à penser que ce sont principalement des personnes de pays en développement qui acceptent des postes peu spécialisés et il y en a beaucoup. Mais, en réalité, la grande majorité de ce qu'on appelle les travailleurs étrangers temporaires — qui sont en gros des ressortissants étrangers qui viennent travailler ici munis d'un permis de travail — sont des citoyens de pays développés. L'Allemagne fait partie aussi des 10 principaux pays d'origine. Parmi les 10 principaux pays d'origine, je crois que six ou sept sont des pays développés du G20 ou du G7.
Par exemple, un professeur d'université, disons un scientifique qui participe à un échange avec une université canadienne, est un travailleur étranger temporaire. Un avocat de New York qui est muté à Toronto pour six mois pour travailler sur une affaire complexe est un travailleur étranger temporaire. C'est tout à fait régulier. Je ne pense pas qu'il y a là énormément matière à controverse. Question de mettre les choses en contexte ici, je précise que ce genre de mobilité de la main-d'oeuvre que nous facilitons a toujours existé.
Qu'en est-il, maintenant, des autres travailleurs étrangers temporaires, c'est-à-dire 62 % d'entre eux? Près des deux tiers des travailleurs étrangers temporaires viennent travailler ici sans qu'il y ait eu d'avis relatif au marché du travail. Ils viennent habituellement dans le cadre d'ententes réciproques visant à favoriser la mobilité naturelle des travailleurs dans le monde. Ne laissons pas le débat s'enliser dans une espèce d'esprit de clocher ou de xénophobie involontaire. N'oublions pas que le Canada est un pays commerçant et exportateur. Nous n'exportons pas seulement des biens, mais aussi des services, ce qui signifie que nous « exportons » des travailleurs canadiens dans le monde entier.
Quelque 2,3 millions de Canadiens vivent plus ou moins à long terme à l'étranger, et parmi eux, des centaines de milliers sont titulaires d'un permis de travail et gagnent habituellement un très bon revenu. Tous ces Canadiens, qu'ils soient professeurs à l'Université Oxford, directeurs des finances à Hong Kong ou encore dirigeants d'une entreprise de haute technologie dans la Silicon Valley, sont titulaires d'un permis de travail, à moins qu'ils n'aient obtenu la citoyenneté dans leur pays d'accueil. Si nous abolissions les ententes réciproques qui visent à favoriser la mobilité des travailleurs dans le monde entier, tout cela cesserait, et les centaines de milliers de Canadiens qui travaillent à l'étranger, qui gagnent habituellement un très bon revenu et qui exportent des services canadiens devraient revenir au Canada.
Parmi ces 62 % — on parle ici d'environ 133 000 entrées au Canada en 2012 —, 29 000 personnes sont venues dans le cadre d'un accord de libre-échange ou d'un accord conclu avec les provinces et les territoires qui permet d'exempter certaines catégories de travailleurs étrangers.
Quand nous avons signé l'ALENA en 1993, l'accord contenait une disposition sur la mobilité de la main-d'oeuvre. Un certain quota de visas trilatéraux a été accordé à diverses professions afin qu'un avocat canadien qui travaille souvent au Mexique ou aux États-Unis ou qu'un médecin américain qui, pour une raison quelconque, a une pratique dans les trois pays, puissent obtenir un visa dans le cadre de l'ALENA pour se rendre au Mexique, aux États-Unis et au Canada. En toute honnêteté, je n'ai entendu aucune plainte au sujet de cette entente. C'est une composante normale et classique visant à faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre hautement spécialisée.
Toutefois, la plus grande partie de cette initiative correspond au programme Expérience internationale Canada, qui s'appuie sur de nombreux accords réciproques bilatéraux avec d'autres pays, pour lesquels nous n'exigeons pas de visas et qui présentent un faible risque du point de vue de l'intégrité du processus d'immigration. Près de 59 000 personnes, essentiellement le quart du nombre total de travailleurs étrangers temporaires, sont venus au Canada dans cette catégorie.
J'entends des gens — peu nombreux, mais il y en a — qui disent: « Pourquoi permettez-vous à ces étrangers de venir ici et de voler les emplois de nos jeunes? » En fait, il s'agit de programmes réciproques. Par conséquent, en ce moment, il y a des milliers de jeunes Canadiens de 18 à 35 ans qui travaillent en Australie. En tout, il y a des dizaines de milliers de jeunes Canadiens qui travaillent dans des pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la France, le Royaume-Uni et ailleurs dans le monde. Si nous gelions, que nous suspendions le programme Expérience internationale Canada ou que nous y mettions fin, tous les accords réciproques dont profitent ces jeunes seraient abolis et ceux-ci devraient monter dans un avion et revenir au Canada. Je ne pense vraiment pas que c'est ce que nous voulions, en 2014, dans le contexte d'une économie mondiale de plus en plus complexe.
En passant, je soutiens qu'il est avantageux pour le Canada d'avoir un nombre à la fois restreint et raisonnable de jeunes gens brillants qui viennent vivre ici. Ils ont ainsi la possibilité d'apprendre à connaître le pays, d'y travailler pendant quelques mois, de s'y intéresser et de s'y attacher. Un petit nombre d'entre eux deviendront peut-être des résidents permanents, ce qui serait formidable. Il est probable qu'ils auront tous plus tard des liens avec le Canada, ce qui représentera sans doute un avantage pour nous sur les plans commercial et économique. Ces jeunes représentent le quart du nombre total de travailleurs étrangers temporaires.
Si je dis cela et si je fais une mise en contexte, c'est que tout le débat — peut-être à juste titre — tend à se concentrer sur un nombre relativement modeste de cas problèmes. J'y viens, car nous ne voulons pas faire fi des problèmes que peut présenter le programme. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes efforcés de le réformer et de le rendre plus strict. C'est aussi pourquoi nous avons réduit le nombre de demandes d'avis relatif au marché du travail et pourquoi nous préparons une série de mesures que j'ai l'intention d'annoncer au cours des prochaines semaines visant à rendre le programme plus strict encore. D'une part, nous voulons faciliter la mobilité légitime et normale de la main-d'oeuvre à l'échelle internationale et pallier les véritables pénuries de main-d'oeuvre qui existent dans certaines régions du Canada, mais d'autre part nous voulons empêcher toute distorsion du marché du travail canadien ainsi que tout abus du programme.
Voilà notre objectif. J'espère qu'au cours du débat, nous pourrons cerner quelques principes communs. Je dirais qu'en principe, nous sommes un pays commerçant confiant et ouvert, qui n'est pas caractérisé par un esprit de clocher ou la xénophobie. Nous voulons faciliter les mouvements de population légitimes. Nous ne voulons évidemment pas le faire en créant une distorsion dans le marché du travail ou en remplaçant des Canadiens. Toutefois, nous voulons offrir aux Canadiens la possibilité de travailler à l'étranger. Voilà exactement ce que nous nous efforçons de faire.
Au cours du débat, il a été suggéré d'accroître les possibilités d'obtention de la résidence permanente pour les ressortissants étrangers, qui sont ici en vertu d'un permis de travail. Bonne nouvelle: c'est exactement ce que nous faisons. D'ailleurs, nous avons multiplié plusieurs fois le nombre de travailleurs étrangers temporaires qui obtiennent maintenant la résidence permanente au Canada.
Pour y parvenir, le gouvernement a principalement élargi de façon massive ce qu'on appelle les programmes des candidats des provinces, qui sont devenus environ huit fois plus importants. Nous avons un tel programme dans neuf provinces. Bien entendu, le Québec a son propre processus de sélection des immigrants. Collectivement, les neuf provinces hormis le Québec ont choisi quelque 45 000 résidants permanents, dont la grande majorité sont d'ailleurs déjà au Canada en vertu d'un permis de travail et ont donc déjà prouvé leur aptitude au travail. Ces travailleurs apportent une solution à la pénurie de compétences. S'ils souhaitent demeurer au Canada et que l'employeur les aime et souhaite les conserver, alors ils présentent la demande de résidence permanente.
Nous avons également créé la catégorie de l'expérience canadienne, comme cela aurait dû être fait il y a longtemps. Inauguré en 2008, le programme permet d'obtenir environ 12 000 à 15 000 résidents permanents par an. Il s'agit là de travailleurs hautement qualifiés et d'étudiants étrangers ayant travaillé au moins 12 ans au Canada.
En outre, le programme des aides familiaux résidants est une autre façon d'obtenir la résidence permanente. De même, de plus en plus de ressortissants étrangers qui travaillent en vertu d'un permis de travail au Canada font une demande relativement à d'autres programmes d'immigration. Ainsi, quelque 60 000 personnes venues travailler en vertu d'un permis de travail deviennent résidents permanents.
C'est sans doute quelque chose de nouveau pour certains d'entre nous, car il y a 10 ans, il n'y en avait environ que 5 000. Leur nombre a beaucoup augmenté. Et c'est très bien. Les gens peuvent venir voir s'ils aiment le Canada et s'ils supportent l'hiver. Lorsqu'ils gagnent leur vie en travaillant, qu'ils aiment le pays, qu'ils souhaitent s'y installer, voire même faire venir leur famille, ils peuvent le faire, s'ils satisfont aux conditions d'un des volets d'admission.
Mais il demeure que les résidents temporaires qui ont un permis de travail ne veulent pas tous rester définitivement ici. Le volet le plus important est celui du programme de mobilité pour les jeunes, sollicité principalement par des Australiens et des Néo-Zélandais, qui viennent travailler dans nos stations de ski, à Whistler et ailleurs. Ils y travaillent à temps partiel comme moniteurs de ski ou dans le secteur des services. Ils sont en année sabbatique, et la plupart d'entre eux ne veulent pas rester définitivement dans un pays froid comme le Canada. Ils veulent retourner vers leurs rivages ensoleillés. On aurait tort de s'imaginer que ces jeunes très qualifiés, originaires de pays développés, et qui forment l'essentiel des participants au programme, veulent tous rester chez nous.
Enfin, j'aimerais aborder les préoccupations très légitimes soulevées aujourd'hui par le NPD à propos des situations abusives et des disparités sur le marché du travail.
Tout d'abord, c'est une question complexe. Pourtant, l'information concernant l'ensemble du marché du travail est très claire. Il n'y a pas de pénurie généralisée de main-d'oeuvre au Canada, mais un volume considérable de données indiquent des pénuries de compétences dans certains secteurs et certaines régions. Ce n'est peut-être pas le cas à Toronto ou à Montréal, mais je recommande aux députés de consulter, par exemple, les employeurs des régions à forte croissance d'une grande partie de l'Ouest canadien, qui connaissent le plein emploi et où les jeunes trouvent sans la moindre difficulté des emplois bien rémunérés, si bien qu'on ne trouve plus assez de travailleurs pour les emplois à salaire plus modeste du secteur des services. Ceci vaut également pour le secteur agricole.
Partout où je vais, on me décrit cette situation. C'est ce que me disent la chambre de commerce de St. John's et les employeurs du Labrador. La même chose se produit dans certaines zones du Nord du Québec, où oeuvre le secteur minier. Idem pour l'industrie de la programmation informatique à Montréal et celle de la technologie de l'information dans le corridor Kitchener-Waterloo. C'est le cas aussi pour l'industrie de la transformation des aliments, non seulement celle des services alimentaires, mais aussi pour des métiers spécialisés dans certaines régions, comme le Nord de l'Alberta. Tous les groupes d'activités importants s'entendent pour dire qu'il y a un problème. Nous ne pouvons l'ignorer ni le nier.
Ceci étant dit, nous avons prévu des mesures énergiques en cas d'abus. Nous avons créé une liste noire, à laquelle nous avons ajouté des employeurs à qui le programme est dorénavant interdit. Les employeurs ayant abusé du programme de façon particulièrement grave ont été avisés que j'ai l'intention de renvoyer pour enquête criminelle les preuves de fraude contenues dans leur demande d'avis relatif au marché du travail soumise à l'Agence des services frontaliers du Canada.
Nous avons trouvé inquiétante l'augmentation du nombre d'allégations d'abus, notamment dans l'industrie des services alimentaires. Je crois que la vaste majorité des employeurs de ce secteur sont d'honnêtes gens respectueux des règles, mais je crois aussi qu'il y a eu un certain relâchement. Il est difficile de donner des chiffres exacts, mais les cas sont suffisamment nombreux pour que nous nous en préoccupions sérieusement. C'est pourquoi j'ai annoncé la semaine dernière la tenue d'un moratoire sur l'accès au Programme des travailleurs étrangers temporaires pour le secteur des services alimentaires, jusqu'à ce que nous ayons conclu notre examen de la situation.
Voilà qui montre à quel point nous prenons la chose au sérieux. Encore une fois, j'invite tous les députés à soumettre des idées constructives sur la façon d'établir un juste équilibre, c'est-à-dire arriver à être un pays ouvert, qui profite de l'apport des talents étrangers et qui assure une contribution réciproque de la part des Canadiens, tout en évitant les distorsions au sein de notre marché du travail, la supplantation des travailleurs canadiens ou les abus du programme.
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Monsieur le Président, je partagerai le temps dont je dispose avec ma collègue de .
Je suis content de pouvoir parler de la motion de la députée de aujourd'hui. Cette motion porte sur les défis à relever concernant le Programme de travailleurs étrangers temporaires, qui a souvent fait les manchettes récemment, surtout la semaine passée, avec l'histoire des restaurants McDonald's et les propos assez intenses du président de la compagnie.
En tant que porte-parole en matière de jeunesse de l'opposition officielle, j'ai un point de vue particulier. Le Comité permanent des finances termine une étude sur le chômage chez les jeunes, un dossier qui a des points en commun avec le sujet d'aujourd'hui. J'y reviendrai dans un instant.
Pour commencer, il est important de parler du texte de la motion d'aujourd'hui. On a beaucoup entendu des députés conservateurs, y compris le ministre, vanter le programme et parler de toutes sortes de domaines où il y a un besoin de main-d'oeuvre spécialisée. Dans son discours, le ministre a fait l'énumération de différentes industries qui ont besoin de cette main-d'oeuvre et qui pourraient bénéficier de ce programme.
Or notre motion concerne surtout le travail peu spécialisé. Il s'agit d'un domaine spécifique. On ne veut pas annuler le programme, mais y mettre un moratoire. Cela permettrait non seulement aux parlementaires, mais surtout — et cela m'amène au deuxième point de la motion — au vérificateur général d'étudier le programme et d'aller au fond des failles qui ont été soulevées dans des cas médiatisés récemment, mais qui existent depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
Malgré la dite volonté du gouvernement d'améliorer le programme, cette motion est l'occasion d'avoir une opinion indépendante de la part du vérificateur général et un rapport concret d'un bureau indépendant, au lieu d'entendre la rhétorique du gouvernement et de se fier à sa bonne foi. Cela va nous permettre d'améliorer ce programme en tant que parlementaires et législateurs. On ne veut pas éliminer le programme, mais il y a des problèmes très sérieux qui nécessitent des solutions sérieuses.
De tous les domaines de travail peu spécialisé, des exemples sont ressortis le plus souvent de la restauration rapide. Cela est davantage troublant, car il y a une autre tendance en dehors du Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui n'est pas le chômage chez les jeunes, mais le sous-emploi chez les jeunes.
Selon un rapport de Statistique Canada publié il y a deux semaines, il y a une dizaine d'années, la majorité des jeunes qui travaillaient dans le domaine de la restauration rapide, chez McDonald's ou Tim Hortons, par exemple, et dans des domaines semblables, avaient une éducation inférieure ou égale au niveau secondaire. Maintenant, la majorité des jeunes travaillant dans ces domaines sont surqualifiés. La plupart ont une éducation post-secondaire souvent très élevée. Certains ont des diplômes universitaires.
Le problème, et on l'a soulevé au Comité permanent des finances, c'est que ces jeunes ne sont pas comptés dans les statistiques du chômage chez les jeunes. Puisqu'ils travaillent, le gouvernement se vante de créer des emplois, alors que ces jeunes sont beaucoup trop qualifiés pour leur domaine et qu'ils ne comblent pas de besoins ailleurs.
Je pense que les députés de tous les partis sont d'accord pour dire que l'objectif du Programme des travailleurs étrangers temporaires devrait être d'amener des gens ici et de leur permettre de contribuer de façon positive à nos communautés et à notre économie, comme ils le font en ce qui concerne l'emploi. On est toujours très heureux de trouver de meilleures façons d'inviter les gens chez nous.
Toutefois, on veut qu'ils viennent pour faire du travail spécialisé, où il y a vraiment une pénurie de main-d'oeuvre, et non qu'ils occupent des emplois où il y aura un effet négatif sur l'ensemble de la population qui travaille dans ce domaine.
On peut donc penser, par exemple, à la baisse de salaire qui va toucher ces mêmes jeunes dont je parlais tout à l'heure. On ne parle pas seulement de congédiement, car les jeunes se battent pour avoir un certain nombre d'heures dans ces emplois. Par conséquent, ils ne seront pas forcément congédiés, mais on va leur enlever un grand nombre d'heures au profit de travailleurs étrangers temporaires qui prennent leur place et travaillent ces heures-là, particulièrement dans cette industrie.
On constate donc que la réalité est très problématique. Avec cette motion, on veut appliquer un moratoire; dans le fond, on veut appuyer sur la touche « pause ». On veut profiter de cette occasion pour demander à une autorité indépendante d'étudier la question. Les paroles du gouvernement semblent très peu souvent, sinon jamais, mener à une vraie action. Maintenant, on aura un rapport pour démontrer de quelle façon on peut réparer le programme pour être sûrs que les vrais objectifs, les objectifs qui bénéficient à tous les Canadiens, sont atteints.
Voyons le côté positif du programme et parlons de la pénurie de la main-d'oeuvre. C'est intéressant, parce que cela démontre aussi un autre aspect du problème, soit la gestion de ce gouvernement dans ce dossier. On a beaucoup parlé de l'exemple assez fameux — ou infâme, pourrait-on dire — de l'économie Kijiji, des données qui ont été créées sur Kijiji et à d'autres endroits. Blague à part, ce que le directeur parlementaire du budget a dit, c'est que les données concernant la pénurie de la main-d'oeuvre sont insuffisantes. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Cela existe quand même depuis un certain temps.
Si je peux encore revenir sur cette même étude sur le chômage chez les jeunes, on a encore discuté en 2012, et encore avant, en 2011. Cette question a été soulevée au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. On a étudié le fait que toutes les autorités, et même la fonction publique, disaient qu'il y avait un grand problème concernant le recueil de données sur la main-d'oeuvre. Il fallait améliorer l'étude de la qualification de la population et les réalités du marché du travail. Pourtant le comité, incluant les députés conservateurs, a décidé de recommander que le gouvernement étudie les façons d'améliorer sa collecte de données, de trouver comment avoir une meilleure information pour comprendre les réalités du marché du travail.
Tous partis confondus, on s'entend tous sur la réalité que le marché du travail est en train de se transformer de façon assez importante. Quand on examine toute cette réalité et qu'on considère que le gouvernement n'a même pas accès à de l'information juste, c'est très inquiétant. Encore une fois, c'est une raison de plus pour demander au vérificateur général d'étudier cette question. Je me répète, mais une autorité indépendante doit étudier ce Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Il est important de soulever le fait que ce n'est pas une proposition irresponsable. Comme mon collègue de l'a si bien dit plus tôt aujourd'hui, il faut faire la distinction entre « annulation » et « moratoire ».
Comme je l'ai dit plus tôt dans mon discours, tous les députés de la Chambre sont d'accord qu'on veut un Canada accueillant. On veut permettre à des gens d'ailleurs, qui ont des compétences très spécialisées et spécifiques, de venir chez nous et de nous aider à faire croître nos communautés, à améliorer notre économie et à remplir des trous dans le marché du travail. Cependant cela devrait se faire de façon harmonieuse, ce qui n'est clairement pas le cas.
Même si ce sont des problèmes qui ne sont pas répandus à grande échelle, comme le proclame le ministre, il n'y a aucune raison pour les conservateurs de refuser une enquête du vérificateur général. Cela va simplement prouver que ce sont des problèmes isolés, et ce sera encore plus facile de les régler, comme on souhaite le faire avec notre motion.
Je suis très heureux de pouvoir appuyer la motion, et j'invite évidemment mes collègues d'en face à faire la même chose.
:
Monsieur le Président, je me lève aujourd'hui pour parler de la motion de l'opposition.
Cette motion demande d'abord à tous les partis de la Chambre de reconnaître qu'il y a eu abus dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires, et je pense que tout le monde peut l'admettre. On n'en a pas uniquement parlé dans les médias. On constate des abus depuis plusieurs années, et cette question n'est pas vraiment matière à débat.
La motion demande également de réagir aux abus répétitifs qui se sont produits au cours des dernières années, et cette fois, de réagir pour de vrai. Je reviendrai plus tard sur les tentatives mises en place par le gouvernement conservateur pour remédier aux lacunes de son propre programme qu'il a modifié en créant les problèmes qu'on voit aujourd'hui.
Premièrement, la motion demande au gouvernement d'imposer immédiatement un moratoire sur le volet des professions peu spécialisées. Pourquoi imposer un moratoire? Je l'ai dit un peu plus tôt. On a attendu trop longtemps. On a essayé de boucher les trous, une mesure à la fois, comme on le pouvait, tout en constatant que des problèmes variés se répétaient depuis plusieurs années. Or, compte tenu des scandales actuels dans les médias, on ne peut plus se contenter de dire que l'on agira et que l'on mettra un petit pansement sur une hémorragie en espérant que les gens oublieront jusqu'au prochain scandale. Il est vraiment nécessaire d'arrêter cela.
Deuxièmement, la motion propose de demander au vérificateur général de mener une étude en profondeur pour cibler les lacunes du programme actuel en vue de mettre en place des solutions. Encore une fois, je ne parle pas de solutions « Band Aid », mais de vraies solutions qui vont palier les véritables problèmes qu'engendre ce programme.
Je trouve cette motion fort intéressante. Elle répond à la crise actuelle en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, et je serais très intéressée de voir tous les partis se lever à la Chambre et demander que des mesures sérieuses soient effectivement prises contre ces abus.
J'aimerais clarifier une question fréquemment soulevée de la part de mes collègues conservateurs. Le NPD n'est pas contre les travailleurs étrangers temporaires, loin de là. J'aimerais parler d'un cas de ma circonscription pour lequel le besoin est réel.
[Traduction]
J'aimerais parler du temple Murugan.
Ce temple a été construit par les tamouls de ma ville, des travailleurs infatigables. Ils ont longtemps caressé ce rêve et ont amassé l'argent voulu pour bâtir un temple pour leur communauté. Ils ont acheté le terrain et entrepris la construction, une étape à la fois. Ils ont invité un ingénieur de leur pays d'origine pour s'assurer que le temple serait une source de fierté pour la communauté. En fait, l'architecture de cet édifice, qu'on voit de la route, est absolument unique. C'est un temple magnifique, et j'aimerais que les députés puissent le constater de leurs propres yeux.
Ce temple, élément central de notre collectivité, sert une très vaste communauté tamoul dans l'Ouest-de-l'Île. C'est un bâtiment splendide où se déroulent de nombreux festivals, dont l'un des plus populaires réunit, au cours de l'été, des milliers de personnes venues non seulement de l'Ouest-de-l'Île, mais de tous les coins du pays et même de l'étranger. C'est dire à quel point ce temple est important.
Aujourd'hui, la communauté tamoule a hâte d'accueillir au temple un prêtre qui poursuivra sa mission et répondra aux besoins spirituels de ses membres. Or, le gouvernement a rejeté la première demande du prêtre et on attend toujours la réponse à la deuxième demande.
Je reconnais que des gens peuvent venir au Canada pour travailler à titre temporaire et répondre à un besoin réel d'une collectivité. Je le sais parfaitement. C'est pourquoi je continue de demander au ministre et aux autres ministres qui interviennent dans ce dossier de répondre à la demande de la communauté. Personne au Canada ne peut s'acquitter de cette tâche. Les membres de cette communauté ont besoin d'une personne qui possède des connaissances précises pour les aider dans leur croissance spirituelle.
[Français]
Cela étant dit, ce n'est pas parce qu'on a besoin de travailleurs étrangers temporaires qu'on doit maintenir le programme tel qu'il est actuellement. Je l'ai dit plus tôt: il comporte d'importantes lacunes. Comme porte-parole de l'immigration et de la citoyenneté, j'aimerais apporter un angle peut-être différent de ce qu'on a entendu jusqu'à présent au cours du débat.
En fait, j'aimerais vous parler d'une étude de Mme Bloemraad de l'Université de Californie, qui étudie le succès du Canada dans son système d'immigration et dans son pluralisme. C'est une experte en matière d'immigration qui a beaucoup étudié le système d'immigration du Canada et ses réussites. Comme la chercheure le dit, comparativement à plusieurs pays européens ou nos voisins, les États-Unis, le Canada connaît un impressionnant succès avec ses programmes d'immigration, parce que ceux qui arrivent s'intègrent et contribuent effectivement beaucoup à l'économie. En général, les Canadiens perçoivent l'immigration comme quelque chose de très positif pour construire le Canada, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays autant que ça l'est ici.
Pourquoi ce succès? La chercheure mentionne plusieurs facteurs que je n'aurai pas le temps de nommer ici, mais elle dit, entre autres:
[Traduction]
L'accent mis sur la migration permanente plutôt que temporaire a été d'une importance cruciale, car il permet tant aux immigrants qu'à la société d'accueil de favoriser l'obtention de résultats positifs à long terme. Des institutions et des politiques favorables comptent pour beaucoup à cet égard.
[Français]
Pour résumer ses propos, elle dit que c'est fort important de donner la possibilité aux immigrants de venir comme résidents permanents ou, une fois qu'ils sont arrivés comme travailleurs temporaires, de leur faire savoir qu'ils auront la possibilité de devenir résidents permanents et, plus tard, citoyens canadiens. C'est quelque chose d'important dans la façon dont les Canadiens perçoivent les immigrants, et ça motive ces nouveaux arrivants à s'impliquer et à s'investir dans leur communauté d'accueil. C'est un facteur considérable dans le succès de notre système d'immigration.
Historiquement, le Canada recevait relativement peu de travailleurs étrangers temporaires et accueillait beaucoup plus de travailleurs qualifiés, dans la catégorie des travailleurs économiques. Ces derniers répondaient à un besoin de main-d'oeuvre, mais ils pouvaient s'établir. On a constaté qu'un nombre impressionnant de ces gens demandaient la citoyenneté comparativement à ce qui se passait dans plusieurs autres pays. Ils s'impliquaient aussi sur le plan politique. On a noté un succès assez impressionnant de leurs enfants et de leurs descendants sur le plan scolaire et économique. Pourquoi? Parce que ces nouveaux arrivants ont été accueillis par la société canadienne. Ils ont découvert un avenir au Canada et ils ont voulu s'impliquer pour contribuer à bâtir ce merveilleux pays qu'est le Canada.
Bref, pendant les dernières années, on a malheureusement vu un renversement des politiques d'immigration, précisément sous les conservateurs. On a constaté qu'en fait le pourcentage de travailleurs étrangers temporaires avait énormément augmenté. J'ai des chiffres: de 2002 à 2012, le nombre de travailleurs étrangers temporaires présents au Canada a plus que triplé. En réalité, à titre de résidents permanents, on accepte beaucoup plus de travailleurs étrangers temporaires maintenant que d'immigrants économiques. On constate donc un changement de la politique du Canada, et on peut craindre l'impact du succès de la réussite relative du Canada dans son intégration économique des immigrants.
Maintenant, si le nombre d'immigrants étrangers temporaires a autant augmenté au cours d'autant d'années, on peut se demander si l'augmentation des emplois a vraiment été si grande que les Canadiens ne peuvent plus fournir. Si on avait constaté ce phénomène pendant un an ou deux et que ça avait diminué après, ça aurait peut-être été autre chose. Toutefois, ce n'est pas le cas. En fait, on voit qu'on a trouvé une solution de rechange à l'accueil d'immigrants économiques sur une base permanente: donner des visas. C'est difficile de dire pourquoi. Toutefois, c'est certain que ce n'est pas une solution intéressante. La recherche de Mme Bloemraad de l'Université de Californie nous donne des pistes de réflexion fort intéressantes à cet effet.
Là-dessus, j'attends avec impatience les questions de mes collègues.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole sur cette motion au nom du Parti libéral.
J'aimerais aborder la question de l'énorme gâchis qui a été créé dans le domaine des travailleurs étrangers temporaires. D'abord, comment en sommes-nous arrivés là et qu'a fait le gouvernement conservateur pour que le nombre des travailleurs étrangers temporaires double? Ensuite, pourquoi cette hausse est-elle néfaste?
Je vais expliquer pourquoi cette situation est déplorable. Premièrement, parce qu'elle change notre concept fondamental de l'immigration: le Canada passe d'un pays dont les immigrants sont des citoyens à un pays dont les immigrants sont des travailleurs temporaires. Et ce n'est pas ce que veulent les Canadiens. Deuxièmement, parce que cette situation fait perdre des emplois aux Canadiens. Troisièmement, parce qu'elle mène à une certaine exploitation de ces travailleurs étrangers temporaires.
Avant d'en venir aux causes qui rendent cette situation préjudiciable, posons-nous la question suivante: comment se fait-il que, sous le gouvernement actuel, on soit passé de 214 000 travailleurs étrangers temporaires arrivés au Canada en 2012 à environ 335 000 au cours du dernier exercice? C'est deux fois plus qu'avant. Les conservateurs parlent sans cesse de resserrement, mais il y a eu relâchement, sinon, les chiffres n'auraient pas été multipliés par deux. Le gouvernement ne nous met pas dans la confidence sur les conditions du relâchement, mais il y a forcément eu un relâchement, sinon, les chiffres n'auraient pas été multipliés par deux.
On trouve au moins trois éléments dans le discours du ministre.
Tout d'abord, il a dit qu'on est tellement pointilleux sur les salaires qu'il faut maintenant parler de salaire médian. Pourtant, nous savons tous qu'il n'y a pas si longtemps les travailleurs étrangers temporaires touchaient parfois un salaire inférieur à la moyenne. Il y a quelque temps, les conservateurs ont opéré un relâchement en permettant que des étrangers viennent travailler chez nous pour une rémunération inférieure au salaire canadien, et maintenant, ils se flattent d'opérer un resserrement, pour ramener tous les travailleurs à un salaire médian. Si l'on a accueilli davantage de travailleurs étrangers, c'est notamment parce que la loi a autorisé les employeurs à verser des salaires inférieurs.
Le deuxième argument du ministre, c'est que les employeurs sont contrariés, car ils ne peuvent plus profiter du processus accéléré d'avis relatif au marché du travail, ce qui veut dire qu'il y avait effectivement un processus accéléré d'avis relatif au marché du travail. Jusqu'à une date récente, où les conservateurs ont amorcé le resserrement, il y avait eu un relâchement concernant ce processus accéléré d'avis relatif au marché du travail, qui permettait aux employeurs d'obtenir rapidement et facilement l'autorisation de faire venir au pays des travailleurs étrangers temporaires.
La troisième chose dont je voudrais parler, c'est l'attitude du gouvernement. Nous connaissons tous la célèbre citation du président de McDonald; le ministre l'a bien comprise, et c'est peut-être la goutte qui a fait déborder le vase et qui l'a amené à présenter ce moratoire. Mais ce que le président de McDonald voulait dire, c'est que le ministre était bien du côté des grosses sociétés, qui veulent faire venir tous ces travailleurs étrangers temporaires au détriment des Canadiens. Quel qu'ait pu être le raisonnement du ministre, les dirigeants des grosses sociétés ont du moins eu l'impression qu'il était parfaitement d'accord avec eux. De toute façon, il est ministre depuis des années et il a assisté à cette augmentation fulgurante du nombre des travailleurs étrangers temporaires; tout récemment encore, il ne semblait pas faire quoi que ce soit pour y mettre un frein.
Nous ne savons pas tout puisque les conservateurs ne nous donnent pas d'information. Nous savons néanmoins que, il y a quelque temps, ils ont accéléré le processus d'autorisation des avis relatifs au marché du travail. En autorisant la venue de travailleurs étrangers rémunérés à un salaire moindre, le gouvernement, par l'intermédiaire du ministre, a certainement donné aux grandes entreprises canadiennes l'impression qu'elles pouvaient se précipiter pour faire venir tous ces travailleurs étrangers temporaires.
Mais maintenant que la crise les frappe de plein fouet, les conservateurs se montrent vertueux et resserrent des règles qu'ils ont eux-mêmes assouplies. Or, pour expliquer pourquoi les chiffres ont doublé et pourquoi nous nous retrouvons là où nous en sommes, il faut regarder les mesures qui ont été prises pour assouplir ces règles au cours d'un certain nombre d'années. En effet, il ne faut pas oublier que la hausse fulgurante du nombre de travailleurs étrangers temporaires s'est produite non pas uniquement au cours des derniers mois ou des dernières années, mais au cours des sept ou huit dernières années, soit depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel. C'est ainsi que les conservateurs ont, à proprement parler, assoupli les règles au point de causer cette croissance fulgurante du nombre de travailleurs étrangers temporaires.
Pourquoi cette hausse fulgurante du nombre de travailleurs étrangers temporaires nuit-elle à l'économie canadienne? Je vais passer en revue les trois éléments dont j'ai parlé. Tout d'abord, à mon avis, la vaste majorité des Canadiens, et certainement les députés du Parti libéral, sont très attachés à une vision de l'immigration selon laquelle les immigrants contribuent à l'édification de notre pays: ils s'installent de façon permanente avec leur famille, obtiennent un emploi, ont des enfants et deviennent tôt ou tard des citoyens et des Canadiens à part entière. C'est ainsi que nous percevons l'immigration depuis des décennies, et j'espère qu'il en sera toujours ainsi.
On peut également percevoir l'immigration comme dans certains pays européens, où l'on fait venir des travailleurs invités. Ces travailleurs ne sont pas des citoyens. Ils sont embauchés pour occuper certains emplois pendant un an, voire deux ans, après quoi on les renvoie chez eux.
Le ministre a dit il y a quelques minutes que le gouvernement ne délaissait pas l'immigration permanente au profit des travailleurs étrangers temporaires. Il a raison d'une certaine façon, car le nombre de résidents permanents était de 265 000, par rapport à 214 000 pour ce qui est des travailleurs étrangers temporaires. Le nombre de ces derniers représente une proportion de 75 % par rapport à celui des immigrants permanents. Il y a huit ans, cette proportion était peut-être de 30 %. Il va sans dire que nous avons connu une croissance fulgurante du nombre de travailleurs étrangers temporaires mais une immigration permanente relativement stable, ce qui signifie que la proportion de ces travailleurs étrangers par rapport à celle des immigrants permanents a grimpé en flèche sous le gouvernement actuel.
Nous nous opposons à cette politique des conservateurs parce que nous pensons qu'elle change le caractère fondamental de l'immigration au Canada d'une façon suffisamment graduelle et subtile pour que peu de Canadiens s'en rendent compte. Même s'il est vrai que l'on offre à certains travailleurs étrangers temporaires une voie d'accès à la citoyenneté ou à la résidence permanente, comme le ministre l'a dit, cela ne se fait que dans une faible proportion. Autrement, l'augmentation du nombre d'immigrants aurait suivi l'augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires, ce qui n'a pas été le cas. Nous avons plutôt été témoins de la stabilité du nombre de travailleurs étrangers temporaires dans la filière de l'immigration permanente.
Permettez-moi de faire un bémol. Nous ne sommes pas contre les travailleurs étrangers temporaires. Nous sommes favorables à ce qu'il y en ait dans les secteurs et les régions du pays où les employeurs, après avoir fait des recherches actives et offert des salaires décents, n'ont pas trouvé de Canadiens pour faire le travail. Par exemple, un restaurateur de ma circonscription emploie des Canadiens, mais ce n'est qu'à l'étranger qu'il peut trouver des cuisiniers capables de préparer les mets spécialisés de son menu. Nous croyons qu'il doit être en mesure de faire venir ces cuisiniers pour que ses restaurants, qui emploient autrement des Canadiens, puissent être exploités. Si on leur refuse l'entrée au pays, ce qui pourrait être le cas en vertu du moratoire, il devra peut-être fermer ses restaurants, ce qui serait tout à fait regrettable. Nous voyons d'un bon oeil la présence d'un nombre limité de travailleurs étrangers temporaires, mais pas une hausse fulgurante de leur nombre attribuable à la politique du ministre.
Le premier problème est la distorsion de notre immigration et le deuxième problème, les emplois pour les Canadiens. Cela va presque sans dire, parce que nous le voyons constamment à la télévision, depuis les banques jusqu'aux restaurants, sans parler de l'Institut C.D. Howe, que l'on ne peut accuser d'être dirigé par une bande de socialistes, et dont les études montrent que cela a eu un impact mesurable sur le chômage chez les Canadiens. Encore une fois, le ministre dit tout et son contraire, parce que d'une part il dit que le salaire médian est très élevé, que les travailleurs doivent être payés au salaire médian, et du même souffle, il sermonne le secteur privé pour qu'il paye des salaires plus élevés. Il ne peut pas avoir raison sur tous les plans. Les salaires ont été tout à fait stagnants au Canada et c'est en partie à cause de l'afflux de travailleurs étrangers temporaires.
L'Institut C.D. Howe et d'autres intervenants ont montré que cela a eu une incidence négative sur l'embauche des Canadiens et ce n'est pas ainsi que le système est censé fonctionner. Quand les Canadiens entendent ces histoires extrêmes de Canadiens qui travaillent dans un restaurant depuis plus de 20 ans et qui doivent former des travailleurs étrangers temporaires qui vont prendre leur place, ils en sont fort troublés. C'est clairement répréhensible, mais le gouvernement a fermé les yeux, voire a approuvé ouvertement cette pratique.
Le troisième volet de cette problématique est qu'il y a eu une certaine exploitation des travailleurs étrangers temporaires dont les médias ont fait mention. Je ne suis pas sûr des chiffres, mais chose certaine, on a entendu parler de certains restaurants, notamment McDonald, qui exigent des travailleurs étrangers qu'ils résident dans des logements de la compagnie et qu'ils acceptent des salaires réduits. Je ne suis pas sûr que ce soit vrai, mais il y a assurément eu des allégations en ce sens.
Pour récapituler, le gouvernement a délibérément, en appliquant une politique d'assouplissement suivie seulement récemment d'un resserrement, permis l'explosion du nombre des travailleurs étrangers temporaires. Cela a eu des conséquences négatives pour le Canada: premièrement, en faussant l'immigration, en favorisant les travailleurs temporaires au détriment des immigrants permanents; deuxièmement, cela a créé des problèmes d'emploi pour les Canadiens; et, troisièmement, cela a entraîné un certain degré d'exploitation.
J'ai essayé d'établir les mécanismes par lesquels le gouvernement a permis que cette explosion se produise et d'expliquer pourquoi c'est mauvais. La question qui se pose ensuite est de savoir quoi faire. Maintenant que nous en sommes arrivés à cette situation désolante qui a soulevé une tempête dans le pays, que devons-nous faire?
Le gouvernement s'est montré de plus en plus permissif au fil des ans, ce qui a fait grimper le nombre de ces travailleurs. C'est seulement dernièrement, parce qu'il subissait des pressions en ce sens, que le gouvernement a resserré les règles ou du moins prétendu le faire. Il est toutefois impossible de régler en un clin d'oeil un problème qui prend de l'ampleur depuis au moins cinq ans. On ne peut pas renvoyer ces gens chez eux du jour au lendemain. Ils ont des enfants; ils se sont bâti une vie ici. Ce n'est pas ce que nous proposons, d'ailleurs.
Si le gouvernement avait imposé les restrictions nécessaires au fil des ans afin d'éviter une explosion du nombre de travailleurs étrangers, il ne se retrouverait pas dans cette situation aujourd'hui. Mais comme il n'a pas posé les gestes nécessaires pendant des années, il doit maintenant agir brutalement, d'où sa décision d'utiliser une vraie massue et d'imposer un moratorium sur l'ensemble du secteur des services alimentaires, un geste extrême et désespéré. Certes, cette décision pénalisera sûrement certains des contrevenants, mais elle pénalisera aussi beaucoup de gens honnêtes, qui subiront le contrecoup du geste désespéré que pose le gouvernement dans l'espoir de s'extirper de l'immense bourbier qu'il a créé. Voilà le résultat, le triste résultat, de plusieurs années de négligence et de mesures encourageant une croissance intempestive. Voilà ce qu'a accompli le gouvernement. Les gestes qu'il pose causeront sûrement beaucoup de dommages collatéraux.
Voici comment le Parti libéral aimerait voir le gouvernement agir. Premièrement, nous avons demandé que le vérificateur général fasse enquête. Si un programme doit être soumis à une vérification, c'est bien celui-là, puisque les médias ont fait état de différents abus. Personne ne le nie, et l'exemple de plusieurs entreprises, dont McDonald, le confirme. Pourquoi ces abus se sont-ils produits? Sont-ils très répandus? Quels éléments ont mené à une explosion du nombre de travailleurs étrangers temporaires? Le vérificateur général serait bien placé pour faire la lumière sur la question. Il serait bon que les Canadiens sachent ce qui a mené à ce désastre, et le vérificateur général est la personne la mieux placée pour tirer les choses au clair.
Je n'appuie pas cette mesure parce que nous voulons prendre en défaut le gouvernement grâce à un mauvais rapport du vérificateur général. Nous ne serions pas contre l'idée, mais ce n'est pas notre objectif premier. Nous souhaitons surtout que le vérificateur général nous donne des repères quant à ce qu'il conviendrait de faire à l'avenir, parce que pour aller de l'avant, il faut savoir d'où l'on vient et où l'on est. Nous n'en savons pas beaucoup sur le passé ni sur le présent, parce que le gouvernement refuse de nous donner des renseignements. Or, si le vérificateur général se saisit du dossier et que son mandat est illimité, nous obtiendrions un rapport impartial, clair et approfondi sur l'état actuel des choses, ce qui se révélerait très utile pour établir un plan pour l'avenir.
Que propose le Parti libéral à moyen terme? Difficile à dire, puisque nous sommes en plein milieu d'une tempête, d'une crise, que les conservateurs ont créée de toutes pièces. Nous ne pouvons pas régler du jour au lendemain un problème qui a pris de cinq à dix ans à prendre forme.
À long terme, pour rétablir les choses, nous souhaitons toutefois l'instauration d'un régime où la vaste majorité des gens viennent ici pour devenir des résidents permanents et des citoyens, et non pour participer au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous souhaiterions aussi que les travailleurs étrangers temporaires n'occupent pas des emplois que des Canadiens auraient pu occuper.
Par ailleurs, si ces deux conditions sont respectées et que la vaste majorité des immigrants viennent s'établir ici de façon permanente et que les Canadiens ont des perspectives d'emplois, nous reconnaîtrions que les travailleurs étrangers temporaires peuvent jouer un rôle salutaire dans l'industrie agricole, dans des domaines spécialisés — notamment dans le milieu universitaire, comme le ministre l'a mentionné — et dans de nombreux autres secteurs. Nous ne sommes pas opposés à ce principe, et nous savons que certains secteurs ont grandement besoin de ces travailleurs. Nous nous élevons contre l'abus et contre le nombre toujours croissant de travailleurs étrangers temporaires que le gouvernement a acceptés, ce qui est la source de tous les problèmes que j'ai décrits.
Enfin, je connais bien le gouvernement conservateur. Il adore rejeter le blâme sur le Parti libéral pour tout, même lorsque cela n'a aucun sens. Avant de me rasseoir, j'aimerais citer deux exemples.
J'ai produit un rapport qui montre que les délais de traitement des demandes dans toutes les catégories d'immigrants, de citoyens et de visiteurs se sont allongés considérablement entre 2007 et 2012. C'est le cas dans toutes les catégories. Je tiens à rappeler aux députés que les conservateurs étaient au pouvoir tout au long de cette période. Je parle de 2007 à 2012 et de ce qui s'est produit à cette époque. Quelle a été la réaction du gouvernement à ce rapport? Il a dit que la faute incombait entièrement aux libéraux. Il s'agit d'un acte miraculeux. Je ne vois pas comment nous pourrions être responsables de ce problème, puisqu'il est apparu pendant la période où les conservateurs étaient au pouvoir.
Le ministre se sert du même argument aujourd'hui pour expliquer le fiasco du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Seuls les libéraux sont responsables de ce problème puisque ce sont eux qui ont mis en place le volet des travailleurs peu spécialisés en 2002.
Permettez-moi de citer deux chiffres pour la gouverne de la Chambre. En 2005, soit la dernière année où les libéraux étaient au pouvoir, le Programme des travailleurs étrangers temporaires comptait 4 307 personnes dans la catégorie des travailleurs peu spécialisés. En 2012, soit la dernière année où des données ont été publiées, le programme en comptait 30 267. Je présume qu'il faut rejeter tout le blâme sur les libéraux si le nombre est passé de 4 000 à 30 000 au cours de cette période, où les conservateurs étaient au pouvoir. Les libéraux sont entièrement responsables du fait que le nombre de travailleurs temporaires peu spécialisés a été multiplié par sept alors que les conservateurs étaient au pouvoir. Ils sont aussi responsables du fait que les délais de traitement des demandes d'immigration sont au moins 1 500 % plus longs depuis que les conservateurs sont au gouvernement. Même si c'est totalement illogique, il semble bien que les conservateurs ne puissent pas s'empêcher de rejeter toute la faute sur le Parti libéral.
Permettez-moi de répéter ce que j'ai dit au début de mon intervention. Cet énorme gâchis se prépare depuis des années, et il faudra aussi plusieurs années avant de le réparer. Il s'agit également d'un gâchis conservateur. Personne d'autre n'est responsable de ce problème. À mon avis, les Canadiens ne pensent pas que les conservateurs pourront réparer le gâchis qu'ils ont laissé grossir pendant tant d'années. Malheureusement, comme les conservateurs seront encore au pouvoir pendant quelque temps, nous devrons attendre qu'ils fassent preuve de leadership pour trouver une solution au gâchis qu'ils ont créé.
Voici ma première recommandation à l'intention du gouvernement. Comme mon collègue l'a dit pendant la période des questions, le gouvernement devrait demander au vérificateur général de procéder de toute urgence à un examen du programme dans son ensemble, afin que nous puissions savoir à quoi nous en tenir. Les conclusions de cet examen nous donneront une meilleure idée des mesures à prendre à l'avenir.