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CIMM Rapport du Comité

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Rapport minoritaire

Mesures d’immigration spéciales pour les citoyens haïtiens et zimbabwéens

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM) a accepté d’étudier les mesures spéciales d’immigration pour les citoyens d’Haïti et du Zimbabwe. Je remercie le comité d’avoir étudié cet enjeux important et également le député de Longueuil-Saint-Hubert d’avoir porté à mon attention cette situation. Je souhaite aussi remercier le député de La Pointe-de-l’Île pour ses interventions au comité sur ce sujet important.

En tant que porte-parole en matière de citoyenneté, d’immigration et de réfugiés pour le NPD, je crois fortement que cette situation nécessitait un examen détaillé afin d’assurer que tous les individus et toutes les familles potentiellement atteints par la levée du moratoire de renvoi vers Haïti et le Zimbabwe ne soient pas déplacés sans raison valable après qu’ils aient travaillé si fort à rebâtir leur vie au Canada. Bien que le gouvernement ait décidé que ces deux pays soient assez stable pour recommencer les renvois, il faut admettre que pour certaines personnes, retourner dans l’un de ces pays serait injuste, car certaines familles bien établies au Canada pourrait être séparées et que des renvois du Canada pourraient dans les faits mettre certaines personnes en situations dangereuses.

Afin d’assister les députés membres du comité à mieux comprendre les situations des citoyens haïtiens et zimbabwéens, je veux également présenter mes sincères remerciements aux témoins qui se sont déplacés pour informer le comité sur cet enjeu important et ainsi ceux qui sont venus observés en personne les affaires du comité, mais n’ont pas pu témoigner faute de temps.

Le comité a eu l’opportunité d’entendre des témoignages d’expert sur trois perspectives relatives à cet enjeu[i][ii]:

  • Les représentants officiels d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ont présenté les programmes et les politiques entourant les mesures spéciales d’immigration, les activités de sensibilisation aux communautés affectées et le raisonnement pour la levée de la suspension temporaire des mesures de renvoi.
  • Les représentants Mme Marie-Jocelyne Simon, présidente de Concertation-action des citoyens et des citoyennes d’origine haïtienne, et M. Pierre Vaval, directeur de l’Équipe Rivière-des-Prairies, ont fourni un aperçu indispensable de la perspective des organisations communautaires sur le terrain au sein des communautés immigrantes.
  • Les expériences vécues et la réalité de M. Jean-Fritz Cima, un homme né à Haïti présentement au Canada et affecté par ces décisions.

En supplément des présentations, j’ai eu l’opportunité d’échanger et d’inviter au comité M. Serge Bouchereau, représentant du Comité action des personnes sans statut, et Mme Oriol, une personne présentement au Canada sans statut. Durant l’étude du comité, j’ai pu utiliser une partie du temps m’étant alloué afin d’amener les idées et problèmes de M. Bouchereau et Mme Oriol qu’ils auraient soulevés s’ils avaient été sélectionnés comme témoins pour le comité. Ces enjeux incluent : la difficulté à sensibiliser tous les individus qui ont été touchés par la levée des mesures de renvoi; la difficulté des individus à naviguer les processus de demande et la paperasse d’une demande; le rôle de la peur à prévenir les individus de ces communautés à s’identifier et faire demande pour un statut; ainsi que le soutien apporté par les organismes communautaires afin de régulariser les statuts des Haïtiens et Zimbabwéens touchés par cette mesure spéciale.

Les témoins ont amené au comité les perspectives essentielles qui entourent cet enjeu important. Le comité a pu entendre d’individus touchés personnellement par cet enjeu, ainsi que des organismes communautaires qui font le travail de terrain avec les communautés touchées au meilleur de leurs capacités afin d’assurer que les individus touchés aient accès aux services et processus appropriés afin de demeurer légalement au Canada. Il était important que les preneurs de décisions soient au courant du fait qu’il existe des différences majeures entre les politiques et la pratique – des différences entre le développement des politiques et leur écriture, ainsi que leur mise en pratique. Ceci est particulièrement vrai dans les cas où la population cible est un petit groupe minoritaire faisant face à de grands risques. Par exemple, les témoins étaient très conscients de la peur dans la communauté au sujet de l’identification auprès des autorités et de faire demande pour régulariser leur statut. À cause de leur expérience en Haïti et au Zimbabwe avec les différents niveaux de gouvernement ayant moins de transparence et de responsabilité que ce qui existe au Canada, les individus sont apeurés, avec raison, que les mesures spéciales soient une tentative de trouver les personnes sans statut et les déporter du Canada. Les politiques, peu importe les intentions derrière leur création, ne pourront pas être développés correctement si les aspects pratiques ne sont pas pris en considération[iii].

Recommandations du rapport

Sur la base des témoignages entendus, le comité a développé six recommandations qui sont incluses dans ce rapport, et seront présentés à IRCC. Bien que ces recommandations touchent des aspects très importants des mesures d’immigration spéciales et que je soutienne la direction de ces recommandations, je note également que dans son entièreté, les recommandations ne sont pas axées sur les actions. Les recommandations du rapport principal reconnaissent le fait que des problèmes sérieux existent, mais demande seulement que les problèmes soient examinés et considérés. Ceci est insuffisant, selon mon opinion, étant donné la gravité de la situation. Il faut également considérer que les mesures spéciales actuelles expireront le 4 août 2016.  Si les actions appropriées ne sont pas prises rapidement, il y aura des conséquences négatives pour les individus et les familles. Cela pourra mettre des personnes en danger, ainsi que briser des familles qui sont bien établies au Canada.

Nous avons entendu des témoins que les individus et familles touchés sont beaucoup plus à l’aise à venir de l’avant et compléter des demandes quand ils travaillent avec les organisations qu’ils connaissent et dont ils ont confiance[iv]. Ceci pourrait aider à réduire l’aspect de la peur. Nous avons aussi entendu d’un individu touché les effets et dangers de recevoir des conseils peu judicieux. En plus de ce qui peut être considéré comme des frais faramineux, il y a des consultants en immigration moins que qualifiés qui offrent leurs services à ces individus et qui mènent ultimement au rejet de leur demande. En plus des coûts monétaires, il existe des probabilités que ces services inadéquats mènent à ce qu’un individu soit déporté du Canada injustement. Une manière de remédier à ce problème est de financer des groupes communautaires bien établis et légitimes pour offrir ces services aux communautés haïtienne et zimbabwéenne.

À la recommandation 4, il est conseillé à IRCC de considérer offrir des ressources supplémentaires aux organisations travaillant au sein des communautés pour assister les individus dans la préparation de leur demande pour régulariser leur statut. Nous avons entendu très clairement l’importance de ces organisations et de leur offre de services, ainsi qu’en quoi le financement est un enjeu considérable pour eux afin qu’ils offrent les services. Offrir du financement additionnel à ces organisations communautaires bien établies et légitimes est nécessaire et devrait être recommandé.

Présentement, les frais de demande sont de 550$ par adulte et 150$ par dépendant. Pour les individus ayant vu une demande passée rejetée, ils ont déjà dépensé un montant considérable d’argent. Un témoin a informé le comité qu’il a dépensé 16 000$ pour plusieurs tentatives successives de demande auprès d’IRCC[v]. Les demandes de résidences permanentes et de citoyenneté présentées au Canada devraient être évaluées sur la base du mérite et non pas des dispositions monétaires. Les frais élevés, qui ont grandement augmenté ces dernières années, doivent être révisés. Des témoins, nous n’avons pas entendu que les frais devraient être éliminés. Ce que nous avons entendu est que les frais de demande devraient être réduits, plus spécifiquement à 100$.

À la recommandation 5, il est demandé à IRCC d’examiner une réduction des frais de demande pour la résidence permanente et considérer des frais réduits pour les mesures d’immigration spéciales. Ces suggestions ont été également avancées clairement par les témoins.  Les coûts de demandes multiples, spécialement lorsque cela implique une famille entière, sont onéreux. Une famille ne devrait pas être face au choix entre payer pour sa résidence permanente ou payer son loyer.

Nouvelles recommandations :

En plus de renforcer les recommandations du rapport, je souhaite attirer votre attention à plusieurs enjeux majeurs que les témoins ont identifiés et qu’IRCC devrait revoir.

Le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) existe afin de couvrir les services de soins de santé des réfugiés, des demandeurs d’asile et de certains autres groupes. Un problème amené à l’attention du comité est le fardeau du processus administratif devant lequel le PFSI place les fournisseurs de soins de santé; il est plus facile pour les fournisseurs de simplement refuser d’offrir des services aux individus couverts par le PFSI. Ceci est simplement inacceptable. Nous avons entendu au comité qu’il n’y a qu’un seul hôpital à Montréal, où il y a une communauté haïtienne nombreuse, qui offre ses services aux gens couverts par le PFSI[vi].  Ceci pourrait empêcher certains individus d’obtenir les soins dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit, ce qui ajoutera au fardeau futur de notre système de santé, car les individus seraient forcés d’attendre que leurs problèmes soient insoutenables avant de demander de l’aide et atterriraient dans nos salles d’urgence. Pour tous ceux qui obtiennent des soins, les coûts additionnels de transport et le temps pour se rendre à l’hôpital pourraient affecter négativement leur situation déjà précaire. Afin d’y remédier, le NPD propose :

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada travaille pour s’assurer que les fournisseurs de soins de santé ne refusent pas leurs services aux individus couverts par le Programme fédéral de santé intérimaire.

Si un individu appartenant aux communautés haïtienne ou zimbabwéenne a soumis une demande de résidence permanente après le 4 avril 2013 et avant la première mesure spéciale qui a débuté le 1er décembre 2014, il existe une possibilité que sa demande n’ait pas été évaluée et finalisée avant la date limite des mesures spéciales, soit le 4 août 2016. Selon IRCC, le délai de traitement actuel pour les demandes de résidence permanente pour considérations humanitaires et de compassion est the 40 mois[vii]. Pour tout citoyen d’Haïti ou du Zimbabwe qui a soumis une demande régulière de considérations humanitaires et de compassion après que la 1re fenêtre fut fermée et avant que la 2e fenêtre ne soit ouverte, leur cas ne sera pas évalué complètement avant le mois de mai 2019.

Étant donné que le taux d’acceptation sous les mesures spéciales est considérablement plus élevé que le taux général d’acception pour les cas humanitaires et de compassion, il serait injuste pour un individu qui a soumis ses documents au mauvais moment d’être sujet à un renvoi quand il aurait pu être accepté s’il avait fait sa demande à un temps différent. Également, une partie des mesures spéciales spécifie que les individus ayant vu un rejet de leur demande par le passé – même si c’était pour un cas humanitaire et de compassion – sont éligibles à faire demande. Pour un individu qui a fait demande en août 2015, il est improbable qu’une décision soit prise avant la fin des mesures spéciales. Il est injuste pour cet individu d’être sujet à une déportation du Canada sur la base du moment du dépôt de sa demande. Afin d’assurer un système juste et équitable, IRCC devrait identifier les cas standards présentement dans leur système qui sont éligibles aux mesures spéciales, ainsi que les traiter en conséquence. Le NPD recommande:

Que les individus qui ont fait demande pour la résidence permanente dans la catégorie humanitaire et de compassion soit avant la 1re fenêtre (1er décembre 2014 au 1er juin 2015) ou entre la 1re fenêtre et la 2e fenêtre (2 juin 2015 au 4 février 2016) soient identifiés dans le système d’IRCC et déplacés à la catégorie des mesures spéciales pour traitement.

Finalement, il est important d’attirer l’attention aux propos du Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté il n’y a que quelques mois. Le 25 janvier 2016, en réponse à une question sur ce sujet précis à la Période des questions, le Ministre McCallum a déclaré :

« Monsieur le Président, j'ai consulté ma collègue du Québec. Nous avons décidé, de façon tout à fait ferme, de permettre à ces personnes de rester au Canada. C'est ce que nous avons décidé et c'est ce qui va arriver. »[viii]

Moins d’un mois plus tard, le Ministre semble avoir complétement changé d’idée et ouvert une 2e fenêtre limitée pour faire demande. Nous avons entendu des témoins très clairement qu’octroyer au groupe limité touché par ces mesures spéciales la résidence permanente est de loin la solution privilégiée. Il semble que cela était également l’opinion du Ministre. Ma recommandation est donc :

Que, sur recommandation des experts et la compréhension des réalités courantes auxquelles font face les individus d’Haïti et du Zimbabwe, le gouvernement offre la possibilité à tous les individus touchés de régulariser leur statut à partir du Canada sans imposer une date limite rapprochée arbitraire et non nécessaire.


[i] CIMM, Témoignages, 25 février 2016

[ii] CIMM, Témoignages, 8 mars 2016

[iii] CIMM, Témoignages, 8 mars 2016, 1155 (Mme Simon, Présidente, Concertation-action des citoyens et citoyennes d’origine haïtienne)

[iv] Ibid.

[v] CIMM, Témoignages, 8 mars 2016, 1110 (M. Cima, individu)

[vi] CIMM, Témoignages, 8 mars 2016, 1110 (M. Vaval, Directeur, Équipe Rivière-des-Prairies)

[vii] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Vérifier les délais de traitement des demandes

[viii] Hansard révisé, L’Adresse en réponse au discours du trône, 42e Parlement, 25 janvier 2016, 1455 (Ministre McCallum)