NDDN Rapport du Comité
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Rapport dissident de la loyale opposition de Sa Majesté
Le Parti conservateur du Canada
Comité permanent de la défense nationale
Contribution du Canada aux efforts internationaux de maintien de la paix
Mai 2019
James Bezan, vice-président, député (Selkirk–Interlake–Eastman)
Cheryl Gallant, député (Renfrew–Nipissing–Pembroke)
Richard Martel, député (Chicoutimi–Le Fjord)
Le Parti conservateur croit que d’importants témoignages sont absents du rapport du Parti libéral ou y sont sous-estimés et que les recommandations ne prennent pas suffisamment en compte les témoignages.
Les députés libéraux siégeant au Comité n’ont pas jugé bon de montrer en quoi une mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali sert l’intérêt national. Ils ont été incapables de justifier leurs grands discours sur le prétendu retour du Canada dans les missions de maintien de la paix, n’ont pas tenu compte des risques élevés inhérents à toutes les missions modernes de maintien de la paix et, le plus inquiétant, ont refusé de reconnaître l’importance de consulter le Parlement avant d’envoyer des troupes dans des zones de guerre actives.
En outre, le Parti conservateur considère quel le Parti libéral a été malavisé de refuser de discuter de l’absence de plans et de priorités du gouvernement en matière de maintien de la paix et de passer sous silence la proposition faite par le gouvernement de l’Ukraine de soutenir une force de maintien de la paix des Nations Unies le long de la frontière orientale séparant l’Ukraine et la Russie dans le Donbass.
Enfin, les conservateurs croient que l’incapacité des libéraux à aborder comme il se doit, dans le rapport, le problème des crimes commis par les pays contributeurs de troupes pendant les missions de maintien de la paix des Nations Unies compromet leur engagement déclaré à l’égard du renouvellement du rôle du Canada dans les missions modernes de maintien de la paix.
Absence d’approbation parlementaire
Le gouvernement libéral n’a pas donné aux parlementaires élus l’occasion de tenir un débat et un vote à la Chambre des communes sur cette mission à l’étranger, comme le veut l’usage. L’opération PRESENCE a été lancée sans débat au Parlement[1] ni discussion publique, ce qui remet en cause la légitimité de l’engagement des Forces armées canadiennes dans une zone de conflit complexe, sans surveillance parlementaire appropriée. La décision unilatérale du premier ministre libéral, dont les motifs sont douteux, d’envoyer nos troupes à l’étranger ne fournit pas au public canadien la transparence à laquelle il a droit.
Le Comité a appris que toutes les missions modernes de maintien de la paix des Nations Unies sont visées par le chapitre VII, au titre duquel le recours à la force meurtrière est autorisé pour lutter contre les menaces[2]. Ce qui a entraîné cette escalade, c’est le contexte de menace accrue dans lequel évoluent les missions des Nations Unies, où terrorisme transnational et guerre civile se mêlent, comme au Mali[3]. Le Comité a appris que les futures missions de maintien de la paix des Nations Unies comporteront toutes un volet de lutte contre le terrorisme[4] et qu’elles exposeront donc toutes les troupes déployées à un risque élevé comparable à celui des opérations traditionnelles de lutte contre le terrorisme.
« Nous vivons maintenant dans un monde où les Casques bleus sont, en gros, seulement déployés quand il y a des composantes antiterroristes. Nous devons évoluer et développer nos capacités en la matière si nous voulons avoir les outils nécessaires pour gérer les États fragiles et les guerres civiles en nous appuyant sur une composante antiterroriste. »
Bruce Jones (vice-président et directeur, Politique étrangère, Brookings Institution), 2 octobre 2018, NDDN
Les conservateurs estiment que le Parlement devrait être consulté et qu’il devrait au final se prononcer sur le déploiement des Forces armées canadiennes dans les missions des Nations Unies visées par le chapitre VII.
Servir l’intérêt national
Si le gouvernement libéral a échoué à débattre publiquement de l’opération PRESENCE, il ne s’est même pas donné la peine de la justifier et de montrer en quoi elle sert l’intérêt national du Canada. Le premier ministre libéral a annoncé que le Canada recommencerait à apporter une importante contribution aux missions de maintien de la paix des Nations Unies et a engagé les Forces armées canadiennes dans l’opération PRESENCE afin d’obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies à titre de membre non permanent. Il y a une grande différence entre l’engagement du Canada à envoyer huit hélicoptères au Mali et la rhétorique libérale ainsi que les attentes de la communauté internationale avant l’annonce concernant la mission. Le premier ministre n’a pas non plus réussi à envoyer au Mali les 20 policiers et 600 Casques bleus qu’il avait promis; il y a plutôt envoyé deux policiers et une poignée de Casques bleus.
Le Parti conservateur considère que le gouvernement libéral fait preuve d’opacité et de désintérêt à l’égard de la mission au Mali.
Moyens permettant de juger de la réussite et d’évaluer le risque
Le Comité a été prié de réfléchir à l’importance d’évaluer correctement les risques au moment d’envisager la participation à des missions de maintien de la paix des Nations Unies[5].
« Parlons risque. […] Étudiez donc le facteur de risque. C’est ce que je recommanderais
à quiconque planifie des opérations de soutien de la paix à l’avenir. »
Major-général (à la retraite) Lewis MacKenzie, 24 avril 2018, NDDN
Un autre témoin a fait état du manque de clarté concernant de la contribution du Canada à la mission au Mali[6]. Le Comité a appris qu’il n’existe pas de critères clairs permettant de déterminer si, à la fin, la mission de 12 mois de la Force opérationnelle aérienne aura été une « réussite ».
« … ce qui n’est pas clair [avec la mission au Mali], c’est le résultat final recherché. Quels sont les indicateurs de réussite après une contribution de 12 mois de nos hélicoptères? Je me suis posé cette question, et c’est probablement ce que la plupart des Canadiens se sont demandé pour mieux comprendre notre stratégie à l’égard de l’ONU. »
Major-général (à la retraite) John Fraser, 1er mai 2018, NDDN
Les conservateurs croient qu’une stratégie claire, avec des résultats mesurables, devrait être une composante de tout déploiement des Forces armées canadiennes.
Répondre aux alliés étrangers
Les conservateurs considèrent que le Parti libéral a erré en passant sous silence, dans le rapport, la demande du gouvernement ukrainien d’appuyer l’opération de maintien de la paix dans le Donbass, le long de la frontière entre l’Ukraine et la Russie.
Si les libéraux veulent sérieusement renouveler l’engagement du Canada à participer aux opérations de maintien de la paix, ils devraient commencer par plaider en faveur d’une solution au problème de l’invasion et de l’occupation par la Russie du territoire souverain de l’Ukraine, dans le but de sécuriser les frontières internationalement reconnues de ce pays, de garantir son intégrité territoriale et de s’assurer que les Nations Unies déploient une force de maintien de la paix le long de la frontière entre l’Ukraine et la Russie.
Donner la priorité à la primauté du droit
Le Parti conservateur est déçu de voir que le Parti libéral n’a pas jugé bon de recommander des mesures plus fermes à l’endroit des pays contributeurs de troupes (PCT) dont certains militaires portent atteinte aux droits de la personne au sein des populations civiles[7], commettent des activités criminelles et se livrent à de la corruption. Actuellement, les crimes perpétrés par des Casques bleus des Nations Unies ne font pas couramment l’objet d’enquêtes, et leurs auteurs ne sont pas traduits en justice par leur gouvernement.
« Les soldats sous-payés sont un problème dans les régions où il y a un potentiel de traite de personnes, de réseaux de prostitution et de marché noir. Je ne dis pas que tous trempent dans ce genre de trafics, mais la tentation est grande pour des gens mal équipés et souvent mal formés. Autant pour les soi‑disant contributions aux missions de maintien de la paix de l’ONU. »
Major-général (à la retraite) Lewis MacKenzie, 24 avril 2018, NDDN
Selon ce qui est ressorti des témoignes[8], les pays contributeurs de troupes des Nations Unies en font peu pour demander davantage de comptes et instaurer des mécanismes afin d’enquêter sur d’éventuels crimes et violations et intenter des poursuites le cas échéant.
« À ma connaissance, aucun État membre de l’ONU n’a exercé de pressions pour la retenue des remboursements aux pays qui fournissent un contingent qui ne font pas enquête, ne poursuivent pas et, le cas échéant, ne punissent pas les coupables. Il s’agit d’une cause que le Canada pourrait prendre en main. »
Ian Johnstone, note d’information, 4 octobre 2018, NDDN
Les conservateurs croient que l’incapacité du Parti libéral à appuyer ces réformes, dans son rapport, montre bien que nous avons affaire à un gouvernement libéral qui n’adhère à la rhétorique du maintien de la paix que pour servir ses propres ambitions politiques.
Conclusion et recommandations
Le Parti conservateur ne peut souscrire au rapport du Parti libéral, car il ne tire pas les bonnes conclusions, à la lumière des témoignages recueillis; il omet de se prononcer en faveur des critères appropriés pour l’évaluation des missions; perçoit les dangers des opérations modernes de maintien de la paix sans recommander que le Parlement exerce un rôle de surveillance; ignore les demandes de soutien formulées directement par l’Ukraine; et ne se porte pas à la défense de la primauté du droit, qui doit s’appliquer aussi bien aux alliés qu’aux acteurs hostiles.
Pour ces raisons, les conservateurs font les recommandations suivantes :
Recommandation
Que le gouvernement du Canada déploie des troupes dans les opérations de maintien de la paix seulement après avoir démontré en quoi ces opérations servent l’intérêt national du Canada et après que ces opérations ont fait l’objet d’un débat et d’un vote à la Chambre des communes.
Recommandation
Que le gouvernement du Canada établisse des critères précis pour évaluer les risques et mesurer la réussite de toutes les missions des Nations Unies auxquelles le Canada participe.
Recommandation
Que le gouvernement du Canada soutienne la mission de maintien de la paix des Nations Unies le long de la frontière russo-ukrainienne, dans la région du Donbass, afin de faciliter le retrait pacifique des forces russes et irrégulières du territoire souverain de l’Ukraine.
Recommandation
Que le gouvernement du Canada encourage fortement les Nations Unies à suspendre le financement destiné aux pays contributeurs de troupes qui ne font pas enquête sur des cas de violations des droits de la personne, de corruption et d’actes criminels commis par leurs militaires servant dans des opérations des Nations Unies.
[1] Chambre des communes, Débat d’ajournement, 1re session, 42e législature, 27 mars 2018.
[2] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018 (major-général (à la retraite) Thompson).
[3] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 octobre 2018 (Bruce Jones).
[4] NDDN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 octobre 2018 (Bruce Jones).
[5] NDDN Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018 (major-général (à la retraite) Lewis MacKenzie).
[6] NDDN Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018 (major-général (à la retraite) David Fraser).
[7] NDDN Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018 (major-général (à la retraite) Lewis MacKenzie).
[8] NDDN Note d’information, Université Tufts, 4 octobre 2019 (Ian Johnstone).