TRAN Rapport du Comité
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ÉTUDE DE LA LOI SUR LE TRANSPORT FERROVIAIRE ÉQUITABLE POUR LES PRODUCTEURS DE GRAININTRODUCTIONLa Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain[1] (LTFEPG) est venue modifier la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada (LTC) afin de remédier au fait que, à la suite d’une campagne agricole exceptionnelle, 77 millions de tonnes de grain cultivé dans l’Ouest sont demeurées entreposées dans des granges, des silos et des silos élévateurs pendant l’hiver de 2013‑2014, l’un des plus froids depuis un siècle. En effet, alors que la production de grain a été plus de 20 millions de tonnes supérieures à une campagne agricole habituelle, la capacité du réseau ferroviaire a diminué de 35 à 40 % durant huit semaines consécutives de temps mauvais[2]. La LTFEPG a été adoptée par les deux Chambres du Parlement le 27 mai 2014 et a reçu la sanction royale le 29 mai 2014[3]. En ce qui concerne la LTC, la LTFEPG est venue :
Un décret prorogeant d’un an l’annulation des modifications apportées à la LTC par la LTFEPG a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada le 19 avril 2016[5]. Le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes (TRAN ou le Comité) a recommandé cette prorogation dans un rapport déposé à la Chambre des communes le 31 mai 2016[6]. La Chambre a adopté le rapport le 15 juin 2016[7]. Le Sénat, par l’entremise d’une mesure parallèle, a adopté une motion similaire le 8 juin 2016[8]. Au cours de l’automne 2016, TRAN a tenu cinq réunions et entendu 19 témoins en vue de formuler des recommandations au gouvernement du Canada relativement à l’avenir des modifications apportées à la LTC par la LTFEPG. Cet étude a permis au Comité de discuter avec les parties prenantes d’autres difficultés importantes qui nuisent à l’efficacité du réseau canadien de transport du grain, comme l’insuffisance des données sur le marché à la disposition des parties prenantes; les facteurs qui dissuadent les compagnies de chemin de fer d’investir dans les immobilisations et d’offrir de meilleurs services aux expéditeurs de grain; le mandat restreint de l’Office pour résoudre les problèmes du réseau; et les défis propres à l’industrie des chemins de fer d’intérêt local. Le présent rapport résume les témoignages que le Comité a entendus et présente des recommandations en vue d’améliorer le cadre fédéral régissant le réseau de transport du grain au bénéfice des producteurs, des expéditeurs et des compagnies de chemin de fer. LA LIMITE D’INTERCONNEXION DE 160 KMAu Canada, l’interconnexion est une opération par laquelle une compagnie de chemin de fer transfère le trafic d’un expéditeur à une autre compagnie de chemin de fer qui s’occupe d’amener la cargaison à destination. Aux termes de la LTC, la compagnie de chemin de fer d’origine est tenue de transférer le trafic à l’autre compagnie de chemin de fer sur demande, à un prix fixé par l’Office. Par le passé, l’interconnexion était facilement accessible aux expéditeurs situés dans un rayon de 30 km d’un point de correspondance avec les installations d’une autre compagnie de chemin de fer et, pour des distances plus grandes, sur demande faite à l’Office. Pour se conformer à la LTFEPG, l’Office a créé une nouvelle zone d’interconnexion de 160 km et un nouveau prix pour toutes les marchandises en provenance de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba. Un certain nombre de témoins qui ont comparu devant le Comité ont déclaré que la nouvelle limite d’interconnexion de 160 km offre des solutions concurrentielles à plus d’expéditeurs de grain que l’ancienne limite de 30 km et à plus d’expéditeurs d’autres marchandises que jamais auparavant. Un représentant de l’Office a laissé entendre que « [d]ans la mesure où l’interconnexion offre plus d’une option à l’expéditeur, on a un argument solide pour dire qu’elle est bénéfique pour le marché dans son ensemble, pour l’économie et pour l’harmonie du réseau de transport[9] ». Le Comité a appris que le recours à la nouvelle zone d’interconnexion a été très limité (à savoir moins de 5 000 wagons par année); toutefois, la représentante des Producteurs de grains du Canada a suggéré que « la plus importante utilisation de l’interconnexion est en fait passive[10] ». Des représentants de plusieurs groupes d’expéditeurs par rail ont fait observer que la possibilité de recourir à l’interconnexion leur donne un plus grand pouvoir de négociation avec les compagnies de chemin de fer qui les servent directement. Le représentant d’un groupe d’expéditeurs de marchandises qui, dans l’ensemble, n’ont pas accès à l’interconnexion était d’avis que les activités d’interconnexion incitent les compagnies de chemin de fer à facturer des prix plus élevés aux expéditeurs de marchandises restants[11]. Ces expéditeurs par rail croient que les prix qui leur sont proposés sont fixés de façon à compenser les revenus ferroviaires moindres et les coûts de fonctionnement plus élevés découlant des activités d’interconnexion. Les représentants des compagnies de chemin de fer qui ont comparu devant le Comité ont fait valoir que les prix d’interconnexion réglementés ne sont pas suffisamment élevés pour justifier les investissements d’immobilisation nécessaires pour soutenir le service, et que les activités d’interconnexion nuisent à l’efficacité du réseau. Par ailleurs, ces témoins ont informé le Comité que la nouvelle zone d’interconnexion donne aux transporteurs ferroviaires des États-Unis un accès au trafic canadien sans que cet avantage soit réciproque – contrairement aux régimes en place pour d’autres modes de transport de compétence fédérale – et qu’elle améliore les conditions économiques du réseau ferroviaire américain aux dépens du réseau canadien. Des témoins ont formulé au Comité un éventail de recommandations concernant la limite d’interconnexion de 160 km, allant de l’élimination de la nouvelle zone à sa mise en œuvre permanente, voire à l’agrandissement des limites. En se fondant sur les témoignages qu’il a entendus, le Comité est d’avis que la limite d’interconnexion de 160 km devrait être maintenue tant que Transports Canada n’aura pas établi une autre politique, reposant sur des données de marché qui ne sont pas disponibles à l’heure actuelle, qui aiderait à consolider la position de négociation des expéditeurs par rail là où la concurrence entre compagnies de chemin de fer est extrêmement restreinte. Par conséquent, comme l’ont proposé la grande majorité des expéditeurs par rail dont il a entendu le témoignage, le Comité recommande : Que l’Office des transports du Canada conserve la liberté de fixer des distances d’interconnexion allant jusqu’à 160 km, comme le prévoit la Loi sur les transports au Canada par le truchement de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, afin de maintenir un contexte d’exploitation plus compétitif pour les expéditeurs par rail n’ayant directement accès qu’à une seule compagnie de chemin de fer. Cela étant, le Comité est d’avis que les compagnies de chemin de fer ne devraient pas être pénalisées pour leur obligation de procéder à l’interconnexion du trafic. Le Comité partage l’avis des représentants du Comité d’examen de la LTC (Comité d’examen de la LTC) et recommande : Que le ministre des Transports demande à l’Office des transports du Canada d’examiner les prix d’interconnexion du trafic ferroviaire qu’il prescrit afin de s’assurer qu’ils compensent adéquatement les compagnies de chemin de fer. Par ailleurs, le Comité s’inquiète des répercussions sur l’efficacité du réseau ferroviaire du Canada découlant de la prise en charge du trafic ferroviaire canadien par les services ferroviaires américains. Tenant compte de l’évaluation du Comité d’examen de la LTC, selon lequel la nouvelle limite d’interconnexion place les compagnies de chemin de fer du Canada dans une position où elles risquent de subir une concurrence déloyale de la part des transporteurs ferroviaires des États-Unis, le Comité recommande : Que le gouvernement du Canada négocie avec le gouvernement des États-Unis d’Amérique un accord qui donne aux compagnies de chemin de fer canadiennes un accès au trafic ferroviaire américain réciproque à l’accès que procurent aux compagnies de chemin de fer des États-Unis les dispositions canadiennes en matière d’interconnexion prévues dans la Loi sur les transports au Canada. L’OBLIGATION DE TRANSPORTER LE GRAINPar suite de l’adoption de la LTFEPG, le CN et le CP ont été chacun tenus de transporter un minimum de 500 000 tonnes de grain par semaine entre avril et août 2014 afin d’écouler les stocks de grain accumulés dans les Prairies et de les acheminer à un point d’exportation. L’obligation de transporter une quantité minimum de grain a été prolongée jusqu’au 28 mars 2015 au moyen de l’adoption de deux décrets[12], prévoyant des quantités minimums variées. Aucune nouvelle obligation concernant le transport d’une quantité minimum de grain n’a été imposée au CN et au CP depuis. Un certain nombre d’expéditeurs par rail ont dit au Comité que la nouvelle obligation imposée au CN et au CP par la LTFEPG concernant le transport d’une quantité minimum de grain par semaine a eu des conséquences inattendues sur certains expéditeurs par rail. Selon eux, les exigences relatives à la quantité minimum ont incité les compagnies de chemin de fer à accorder la priorité aux grands expéditeurs de grain qui étaient capables de remplir un train et ceux qui étaient situés le plus près du port[13]. Le représentant de l’Association minière du Canada s’est inquiété de l’incidence de l’obligation de transporter un certain volume de grain sur les litiges qui opposent les compagnies de chemin de fer et leurs clients, car le décret donne aux compagnies de chemin de fer un argument de défense basé sur la diligence raisonnable[14]. Le représentant du CN a pour sa part déclaré que les quotas de grain envoient un mauvais message aux expéditeurs d’autres marchandises qui font également du commerce sur les marchés mondiaux et nuisent à l’efficacité d’ensemble du réseau. Le Comité croit qu’il est dans l’intérêt national de favoriser le dynamisme de l’industrie agricole et de renforcer la réputation du Canada à titre de fournisseur fiable. Par conséquent, le Comité recommande : Que soit maintenu le pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil prévu par l’article 116.2 de la Loi sur les transports au Canada de contraindre les compagnies de chemin de fer du Canadien Pacifique et du Canadien National à transporter une quantité minimum de grain. En revanche, le Comité partage l’avis de la Fédération canadienne de l’agriculture, de Pulse Canada et de la Saskatchewan Shortline Railway Association : il y aurait lieu de concevoir avec plus de soin les obligations concernant le transport d’une quantité minimum de grain de façon à ce qu’elles ne nuisent pas à certains expéditeurs par rail. Le Comité recommande : Que l’Office des transports du Canada élabore une méthode de calcul de la quantité minimum de grain à transporter aux termes de l’article 116.2 de la Loi sur les transports au Canada de façon à ce que la politique ne désavantage indûment aucun expéditeur de grain. LES OBLIGATIONS RELATIVES AU NIVEAU DE SERVICEAu Canada, tous les expéditeurs de marchandises ont un droit d’accès de longue date au service ferroviaire. Ils peuvent adresser une plainte à l’Office s’ils estiment qu’une compagnie de chemin de fer n’a pas respecté les dispositions relatives au niveau de service énoncées dans la LTC, appelées parfois « obligations de transporteur public ». Ces dispositions obligent une compagnie de chemin de fer à fournir des « installations convenables » pour toutes les marchandises à transporter, notamment, et l’Office doit évaluer le caractère convenable des services ferroviaires offerts lorsqu’il tranche un litige. Depuis 2013, les expéditeurs par rail ont aussi le droit de conclure sur demande des ENS avec les compagnies de chemin de fer[15]. Certaines dispositions de la LTFEPG visaient à renforcer les dispositions de la LTC concernant le niveau de service. La LTFEPG habilitait l’Office à ordonner à une compagnie de chemin de fer d’indemniser toute personne pour des dépenses engagées en raison du défaut de la compagnie de respecter ses obligations en matière de niveau de service. En outre, la LTFEPG autorise l’Office à définir et à préciser les conditions d’exploitation qui pourraient faire l’objet d’un arbitrage lors de la négociation d’une ENS entre un expéditeur et une compagnie de chemin de fer. Le Comité recommande : Que les modifications temporaires apportées à la Loi sur les transports au Canada par la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain concernant les indemnisations liées au niveau de service ferroviaire et la définition des conditions d’exploitation qui pourraient faire l’objet d’un arbitrage soient adoptées de façon permanente. Certains représentants des expéditeurs par rail qui ont comparu devant le Comité (p. ex. Cereals Canada et la Canadian Canola Growers Association) ont recommandé au Comité que la notion d’« installations convenables » soit définie dans la loi. Ces expéditeurs par rail ont suggéré que la définition devrait enjoindre l’Office à accorder la priorité aux besoins de l’expéditeur concerné lorsqu’il évalue une plainte concernant le niveau de service. À l’inverse, les représentants du Comité d’examen de la LTC ont suggéré que le terme soit précisé de manière à aider l’Office à évaluer les services ferroviaires offerts à un expéditeur en fonction des besoins des expéditeurs dans l’ensemble du réseau. Tous les représentants des expéditeurs par rail se sont dits insatisfaits et mécontents du manque de responsabilité commerciale des compagnies de chemin de fer en vertu des ENS. Ils ont dit au Comité que beaucoup d’expéditeurs par rail sont incapables de négocier des pénalités financières à l’endroit d’une compagnie de chemin de fer pour défaut de conformité; ils ont fait valoir que tous les expéditeurs devraient pouvoir imposer des pénalités contractuelles aux compagnies ferroviaires n’assurant pas le service attendu. Les représentants de Cereals Canada ont par ailleurs recommandé au Comité que les ENS demeurent en vigueur plus de un an, compte tenu des efforts requis pour les négocier. Le représentant de Pulse Canada a demandé que l’on rende permanentes les conditions d’exploitation définies par l’Office en vertu du paragraphe 169.31(1.1) de la LTC, comme le Règlement sur les conditions d’exploitation visées par l’arbitrage ferroviaire portant sur le niveau de services[16], et dont l’abrogation est prévue en vertu de la LTFEPG. Pour leur part, les représentants du CN et du CP ont tous deux affirmé que près des trois quarts de leur trafic de grain sont transportés en vertu des ENS qui prévoient des pénalités réciproques[17]. Étant donné la confusion exprimée par les parties prenantes quant à la définition de la notion d’« installations convenables », le Comité recommande : Que la notion d’« installations convenables » soit précisée dans la Loi sur les transports au Canada de manière à établir un équilibre entre les besoins des expéditeurs concernant la prestation en temps utile du service et l’efficacité du réseau ferroviaire. Que la Loi sur les transports au Canada soit modifiée de façon à offrir aux expéditeurs par rail un recours approprié à un processus de règlement des différends efficace et économique durant la négociation des ententes de niveau de service avec les compagnies de chemin de fer. Que Transports Canada confère une véritable responsabilité commerciale aux compagnies de chemin de fer en les exposant à des pénalités financières en cas de non-respect des modalités des ententes de niveau de service qu’elles concluent avec leurs clients. LE BESOIN DE DONNÉES SUR LE MARCHÉLes représentants de certains expéditeurs par rail et d’autres acteurs de l’industrie, dont l’organisme de réglementation des chemins de fer (l’Office) et le Comité d’examen de la LTC, ont indiqué au Comité qu’il n’y a pas suffisamment de données publiques sur le marché des services des compagnies de chemin de fer, et plus particulièrement sur la capacité ferroviaire et la disponibilité des wagons. Le représentant du Conseil de l’orge Canada a fait observer que certains expéditeurs de grain ne reçoivent parfois que 75 % des wagons qu’ils ont commandés[18]; l’Association minière du Canada, pour sa part, a indiqué que certains de ses membres reçoivent de 50 à 80 % des wagons qu’ils ont demandés[19]. Les représentants de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie ont précisé au Comité que le manque de données sur la capacité et le rendement ferroviaires nuit aux décisions d’investissement dans l’industrie chimique canadienne[20]. En outre, des témoins ont souligné que les données font partie intégrante de tout processus de règlement des différends et que rien ne changera s’il est impossible de prouver que le service n’a pas été fourni selon l’entente établie. Lors de leur comparution devant le Comité, les représentants du Comité d’examen de la LTC ont fait remarquer que les expéditeurs par rail, les compagnies de chemin de fer et l’organisme de réglementation n’ont accès à aucune source exhaustive de données et de renseignements sur le marché. Ils ont insisté sur le fait que les parties prenantes ont besoin d’avoir accès à plus de données publiques pour pouvoir assurer le suivi des priorités et prévoir des problèmes éventuels dans le réseau ferroviaire, tels que le retard dans les expéditions de grain survenu en 2014. Les représentants du Comité d’examen de la LTC ont recommandé la création d’une base de données exhaustive et intégrée, administrée par l’Office, qui donnerait accès à des renseignements d’ordre public, à de l’information propre à l’industrie ainsi qu’à certaines données sur une base confidentielle, concernant la demande dont fait l’objet le réseau ferroviaire, sa capacité et son rendement. Pour sa part, l’Association canadienne de l’industrie de la chimie a recommandé que les données sur le marché soient transmises aux parties prenantes par l’entremise d’un portail indépendant à accès restreint. L’Association minière du Canada, quant à elle, a proposé que de nouvelles obligations en matière de reddition de comptes soient imposées aux compagnies de chemin de fer et a suggéré que l’Office utilise les données et l’information sur le rendement et la capacité qui seront colligées pour surveiller le réseau de transport ferroviaire et orienter toute mesure législative future visant à remédier aux problèmes de service. Le Comité est d’avis qu’il est dans l’intérêt national, d’une part, que la chaîne d’approvisionnement du grain, depuis les producteurs jusqu’aux fournisseurs de services de transport, fonctionne dans un environnement aussi concurrentiel que possible et, d’autre part, que des balises raisonnables soient en place pour soutenir la viabilité économique de chacune des parties prenantes du processus. Le Comité est convaincu que l’accès accru à des données de qualité – y compris des données commerciales et exclusives confidentielles – permettrait à l’Office, d’abord, de cerner les problèmes dans le réseau ferroviaire et de faire enquête à cet égard plus efficacement et, ensuite, d’exercer son pouvoir d’ordonnance auprès des compagnies de chemin de fer. De telles données permettraient également à l’Office de mesurer ou d’évaluer les conséquences de la mise en œuvre des recommandations du présent rapport. Le Comité croit qu’en disposant de plus de données, l’Office pourrait accomplir plus efficacement ces fonctions et les autres fonctions qui lui reviennent; par conséquent, il recommande : Que l’Office des transports du Canada ait accès aux données nécessaires concernant la logistique du transport de la totalité des parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement du grain, depuis les producteurs jusqu’aux fournisseurs de services de transport, y compris le transport maritime. Que l’Office des transports du Canada et le ministre des Transports surveillent le mouvement des marchandises et prennent les mesures nécessaires pour remédier aux problèmes de rendement du réseau. LE REVENU ADMISSIBLE MAXIMAL POUR LE MOUVEMENT DU GRAINLe revenu admissible maximal pour le mouvement du grain a remplacé les taux maximums prévus par la loi (le « plafond du taux ») pour le mouvement du grain de l’Ouest[21]. Essentiellement, le revenu admissible maximal impose un maximum sur le revenu que les compagnies de chemin de fer peuvent tirer du transport réglementé des grains de l’Ouest vers les ports d’exportation au cours d’une campagne agricole[22]. La formule du revenu admissible maximal est énoncée dans la LTC, et la valeur repère a été calculée en 2000 pour deux compagnies de chemin de fer de marchandises de classe 1 (le CN et le CP). L’Office recalcule le revenu admissible maximal chaque année afin de tenir compte des changements dans les frais des compagnies de chemin de fer et d’autres facteurs. Selon certains témoignages, la formule utilisée pour établir le revenu admissible maximal pose des problèmes qui nuisent au service ferroviaire de l’industrie du grain. En effet, le Comité a appris que la formule prévue dans la loi dissuade les compagnies de chemin de fer d’investir dans les immobilisations du système de transport du grain. La formule du revenu admissible maximal actuelle engendre en fait un problème du « bénéficiaire sans contrepartie » pour le CN et le CP, parce qu’elle ne fait pas la distinction entre les deux compagnies de chemin de fer et leur accorde un crédit égal pour toutes les dépenses en immobilisations que l’une ou l’autre peut faire[23]. De plus, le calcul du revenu admissible maximal tient compte du revenu tiré de l’interconnexion, mais pas de la distance parcourue durant le mouvement, tandis que les coûts accrus associés au mouvement du grain par conteneur ne sont pas comptabilisés comme il se doit. Un représentant du Comité d’examen de la LTC a laissé entendre que le revenu admissible maximal exerce un effet dissuasif en ce qui concerne le mouvement du grain par conteneur, qui freine l’accroissement de la capacité du secteur ferroviaire pour prendre en charge la croissance anticipée de la production de ce type de marchandises. On a fait observer que les conteneurs vides sont une occasion d’accroître rapidement la capacité du transport du grain sur le réseau ferroviaire et pourraient atténuer les effets du retrait imminent de la flotte de wagons-trémies du fédéral[24]. Enfin, le revenu admissible maximal n’incite en rien les compagnies de chemin de fer à transporter un volume plus élevé de grain ou à offrir des services de classe supérieure en période de pointe, même si les expéditeurs peuvent obtenir un prix élevé pour leur grain. Certains témoins ont demandé au Comité de conserver le revenu admissible maximal ou de le passer en revue, tandis que d’autres ont demandé à ce qu’il soit modifié ou supprimé. De l’avis du Comité, il n’y a pas suffisamment de données sur le marché pour permettre à Transports Canada ou à l’Office de décider de façon éclairée de supprimer le revenu admissible maximal et de tarifer l’expédition du grain en fonction du marché. Le Comité partage l’avis des producteurs et des expéditeurs par rail qui ont recommandé le maintien du revenu admissible maximal, du moins jusqu’à ce qu’on dispose de suffisamment de données sur le marché pour prendre une décision éclairée quant à un passage à une tarification selon les taux de marché. Par conséquent, comme l’ont proposé les Producteurs de grains du Canada et la Canadian Canola Growers Association, le Comité recommande : Que le régime de revenu admissible maximal pour le transport du grain prévu dans la Loi sur les transports au Canada soit maintenu jusqu’à ce que les décideurs fédéraux disposent de suffisamment de données sur le marché pour déterminer si la chaîne d’approvisionnement du grain peut fonctionner efficacement sur la base de services ferroviaires tarifés en fonction du marché. Dans l’intervalle, le Comité préconise la modification de certains aspects de la formule du revenu admissible maximal. De l’avis du Comité d’examen de la LTC, ces modifications amélioreraient l’efficacité du réseau de transport ferroviaire, pour le grain en particulier[25]. Le Comité recommande : Que la formule de calcul du revenu admissible maximal pour le transport du grain énoncée dans la Loi sur les transports au Canada soit rajustée de manière à tenir compte des investissements de chacune des compagnies de chemin de fer de façon indépendante et à exclure les revenus tirés des activités d’interconnexion et des mouvements du grain conteneurisé. L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADAL’Office est l’organisme de réglementation économique indépendant du réseau de transport fédéral au Canada. Il s’agit d’un tribunal quasi judiciaire autorisé à recevoir – et à rendre des décisions exécutoires à leur sujet – un éventail de plaintes émanant d’acteurs du milieu ferroviaire au sujet, entre autres, des frais de transport, des frais d’administration, des prix d’interconnexion et des ententes de niveau de service. Toutefois, la LTC n’autorise l’Office à faire enquête sur les questions liées au niveau de service et aux tarifs ferroviaires que si une plainte a été déposée. De plus, les décisions de l’Office ne concernent que les parties en cause. Les représentants des expéditeurs par rail et du Comité d’examen de la LTC ont recommandé au Comité que l’Office ait le pouvoir de mener des enquêtes de sa propre initiative[26]. De nombreux expéditeurs ont fait observer que, dans bien des cas, il était impossible ou extrêmement difficile de porter une affaire devant l’Office en raison des coûts et du temps nécessaires pour le faire, compte tenu en particulier des renseignements et des ressources limitées à la disposition des expéditeurs[27]. Ces témoins ont précisé qu’il serait utile pour l’Office de pouvoir rendre des ordonnances touchant l’ensemble du réseau afin de régler des problèmes généralisés. D’un autre côté, l’Association minière du Canada et la Saskatchewan Shortline Railway Association ont fait valoir que ces pouvoirs supplémentaires pourraient aussi être conférés à un organe distinct. La Saskatchewan Shortline Railway Association a proposé la création d’un poste d’ombudsman du transport ferroviaire, qui serait habilité à régler rapidement les questions dans ce domaine. Les deux témoins se sont montrés favorables à un mécanisme substitutif de résolution des différends plus efficace qui permettrait de régler rapidement, et à moindre coût, les différends qui opposent les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs. Selon les représentants des compagnies de chemin de fer, les outils prévus dans la LTC suffisent amplement pour que l’Office puisse s’acquitter de son mandat actuel[28]. Le représentant de l’Office a indiqué, pour sa part, que l’indemnisation, l’arbitrage sur les niveaux de service et l’arbitrage sur l’offre finale sont autant de mesures qui offrent aux compagnies de chemin de fer et aux expéditeurs un mécanisme concurrentiel pour résoudre les litiges qui les opposent[29]. Étant donné que le gouvernement du Canada est d’une certaine façon responsable du rendement du réseau ferroviaire de compétence fédérale, le Comité recommande également : Que l’Office des transports du Canada reçoive le mandat de mener de sa propre initiative des enquêtes sur le rendement du réseau de transport ferroviaire, et qu’il soit habilité à rendre des ordonnances provisoires en réponse à des questions relatives à l’ensemble du service ferroviaire. L’accès de l’Office à l’ensemble des données sur le marché de la chaîne d’approvisionnement en grain, qui est une autre des recommandations du Comité formulées dans le présent rapport, permettrait à l’Office de s’acquitter de son mandat élargi. LA CAPACITÉ DU RÉSEAU FERROVIAIREComme le soulignait le Comité d’examen de la LTC dans son rapport définitif, les wagons de producteurs (c.-à-d. les wagons chargés et expédiés par les producteurs) sont un élément important du système canadien de manutention du grain et peuvent être la seule option permettant à certains producteurs d’acheminer leurs marchandises au marché[30]. Par ailleurs, le Comité d’examen de la LTC a constaté qu’il est de plus en plus fréquent que des groupes de producteurs achètent des lignes de chemin de fer qu’ils exploitent comme des compagnies de chemin de fer d’intérêt local. Étant donné que même des mesures graduelles pourraient avoir une incidence importante sur la capacité et la fiabilité du réseau de transport ferroviaire de marchandises du Canada, le Comité recommande : Que Transports Canada déclare un moratoire sur la cessation d’exploitation des voies d’évitement ou leur abandon pour appuyer l’expansion des expéditions par wagon de producteurs. Que la définition du terme « expéditeur » dans la Loi sur les transports au Canada soit élargie de façon à inclure les wagons de producteurs pour le mode de transport ferroviaire. Que le gouvernement du Canada étudie les avenues possibles pour mieux aider les compagnies de chemin de fer d’intérêt local à entretenir leurs biens existants et à investir dans de nouvelles infrastructures et du matériel roulant. [1] Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain (LTFEPG), L.C. 2014, ch. 8. [2] Allan Dawson, « Grain system pulled out all the stops for 2015-16 », Manitoba Co-operator, 8 septembre 2016. [3] Parlement du Canada, Historique du projet de loi C-30, 2e session, 41e législature, LEGISinfo. [4] Le terme « interconnexion » est défini à l’article 111 de la Loi sur les transports au Canada comme étant le « transfert du trafic des lignes d’une compagnie de chemin de fer à celles d’une autre compagnie de chemin de fer conformément aux règlements d’application de l’article 128; (interswitch) ». [5] Décret établissant le texte de la résolution prévoyant la prorogation de l’entrée en vigueur des paragraphes 5.1(2), 6(2), 7(2), 8(2), 9(2), 10(2), 11(2) et 12(2) de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, DORS/2016-77. [6] Chambre des communes, Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (TRAN), Différentes mesures de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, cinquième rapport, 1re session, 42e législature, 30 mai 2016. [9] TRAN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 20 septembre 2016, 0905 (Randall Meades, dirigeant principal, Stratégies, Office des transports du Canada). À moins d’avis contraire, tous les Témoignages cités ci-après proviennent de la 1re session, 42e législature. [10] Ibid., 1005 (Fiona Cook, directrice exécutive, Producteurs de grains du Canada). [11] TRAN, Témoignages, 29 septembre 2016, 0905 (Brendan Marshall, vice-président, Affaires économiques et du Nord, Association minière du Canada). [12] Voir DORS/2014-189 et DORS/2014-276 pour obtenir de plus amples renseignements. [13] TRAN, Témoignages, 29 septembre 2016, 0935 (Greg Northey, directeur, Relations avec l’industrie, Pulse Canada). [14] TRAN, Témoignages, 29 septembre 2016, 0900 (Marshall). [15] Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises, L.C. 2013, ch. 31. [16] Règlement sur les conditions d’exploitation visées par l’arbitrage ferroviaire portant sur le niveau de services, DORS/2014-192 [17] TRAN, Témoignages, 27 septembre 2016, 0930 (Janet Drysdale, vice-présidente, Développement de l’entreprise, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada), 1005 (James Clements, vice-président, Planification stratégique et services de transport, Chemin de fer Canadien Pacifique). [18] TRAN, Témoignages, 29 septembre 2016, 0850 (Philip de Kemp, directeur exécutif, Conseil de l’orge du Canada). [19] Ibid., 0900 (Marshall). [20] TRAN, Témoignages, 29 septembre 2016, 0940 (David Podruzny, vice-président, Affaires économiques et commerciales, Association canadienne de l’industrie de la chimie). [21] Le grain de l’Ouest comprend 58 marchandises. Voir « Tome 1 – Parcours : Brancher le système de transport du Canada au reste du monde », Examen de la Loi sur les transports au Canada, Ottawa, 2015, p. 150. [22] Ibid., p. 159-161. [23] TRAN, Témoignages, 27 septembre 2016, 0955 (Drysdale). [24] TRAN, Témoignages, 22 septembre 2016, 0925 (Murad Al-Katib, ancien conseiller, Comité d’examen de la Loi sur les transports au Canada, à titre personnel). [25] Ibid., p. 159 et 160. [26] TRAN, Témoignages, 20 septembre 2016, 1000 (Jean-Marc Ruest, vice-président du conseil d’administration, Cereals Canada), 1040 (Cook); TRAN, Témoignages, 22 septembre 2016, 0915 Al-Katib); TRAN, Témoignages, 27 septembre 2016, 0855 (Perry Pellerin, président, Saskatchewan Shortline Railway Association); TRAN, Témoignages, 29 septembre 2016, 0910 (Northey), 1005 (Podruzny). [27] TRAN, Témoignages, 29 septembre 2016, 0925 (Podruzny, van den Berg et Marshall). [28] Ibid., 0910 (Michael Bourque, président-directeur général, Association des chemins de fer du Canada). [29] TRAN, Témoignages, 20 septembre 2016, 0850 (Fred Gaspar, dirigeant principal, Conformité, Office des transports du Canada). [30] « Tome 1 – Parcours : Brancher le système de transport du Canada au reste du monde », Examen de la Loi sur les transports au Canada, Ottawa, 2015, p. 155 et 162. |