propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi . Le projet de loi, que j'ai présenté le 22 mai dernier, vise à aider et protéger les familles, en particulier les enfants, contre les effets négatifs et les conflits qui font malheureusement partie des circonstances entourant la séparation et le divorce.
Le gouvernement a fait de grands pas pour renforcer le système de justice familiale du Canada. Dans le cadre du budget de 2017, nous avons créé le Fonds canadien de justice familiale, qui finance de façon permanente les activités fédérales, provinciales et territoriales en matière de justice familiale. La même année, nous avons aussi signé deux conventions internationales en droit de la famille. Cette année, dans le budget de 2018, nous avons annoncé un financement pour étendre le système des tribunaux de la famille unifiés, remplissant ainsi l'un des engagements énoncés dans ma lettre de mandat. Cependant, malgré tout ces progrès, il nous reste encore du travail à faire.
La séparation et le divorce peuvent être difficiles pour les familles, en particulier les enfants. Nous savons que cela peut avoir de vastes répercussions. Plus de deux millions d'enfants vivent dans une famille avec des parents séparés ou divorcés. Aucun autre domaine du droit ne touche autant de Canadiens.
Les lois fédérales en matière de droit de la famille doivent aider les familles à régler rapidement et efficacement leurs différends. Or, voilà plus de 20 ans que ces lois n'ont pas fait l'objet de mises à jour approfondies. Elles ont vraiment besoin d'être modernisées. Au cours des deux dernières décennies, les familles ont changé et notre système de justice a évolué. Le gouvernement comprend qu'il y a beaucoup à faire pour améliorer les lois fédérales en matière de droit de la famille ainsi que le système de justice familiale afin de mieux répondre aux besoins de l'ensemble des Canadiens.
Le projet de loi favorise l'atteinte de quatre objectifs essentiels: faire valoir l'intérêt supérieur de l'enfant, remédier à la violence familiale, réduire la pauvreté chez les enfants, et améliorer l'efficacité et l'accessibilité du système de justice familiale. Je vais traiter de ces objectifs un à un.
Commençons par l'intérêt supérieur de l'enfant, la pierre angulaire du droit de la famille. Il s'agit du seul fondement sur lequel peuvent reposer les décisions quant à la garde d'un enfant en application de la Loi sur le divorce. Ce critère est appelé le « droit de l'enfant en cause de bénéficier des meilleurs arrangements possibles étant donné la situation ». Il permet aux tribunaux de déterminer la meilleure façon d'assurer le développement global de l'enfant et de le protéger des conflits et des effets perturbateurs du divorce à un moment critique de sa vie.
Malgré l'importance du critère de l'intérêt supérieur de l'enfant, la Loi sur le divorce ne donne que très peu d'indications aux tribunaux quant à la façon de mesurer ce critère. Le projet de loi viendrait corriger la situation. Il propose un large éventail de critères, même s'il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, dont les tribunaux peuvent tenir compte lorsqu'ils rendent des jugements dans l'intérêt supérieur des enfants.
Les critères que nous proposons comprennent des éléments comme les besoins de l'enfant, en fonction de son âge et de son stade de développement, la relation de l'enfant avec les personnes importantes dans sa vie, surtout avec ses parents, mais également avec d'autres personnes comme ses grands-parents, la culture et le patrimoine de l'enfant, notamment le patrimoine autochtone.
Un critère en particulier, l'exigence pour les tribunaux de tenir compte de l'opinion et des préférences de l'enfant, selon l'âge et la maturité de ce dernier, montre l'engagement soutenu du Canada à l'égard de ses obligations dans le cadre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Ce critère amène les parents et les tribunaux à prendre en compte l'avis de l'enfant dans l'établissement des arrangements parentaux et reflète l'importance accordée au point de vue des enfants au sujet des questions qui les concernent.
Le changement le plus significatif apporté par le projet de loi au critère de l'intérêt supérieur de l'enfant et à l'optique employée pour évaluer tous les autres facteurs se trouve dans la disposition qui parle de la « considération première ». Les tribunaux devraient tenir compte du bien-être et de la sécurité physiques, psychologiques et affectifs de l’enfant. Ce changement aidera à assurer que les éléments les plus importants du bien-être de l'enfant soient toujours au coeur de toute analyse de l'intérêt supérieur de l'enfant.
De plus, afin de favoriser davantage l'intérêt supérieur de l'enfant, nous proposons de retirer de la Loi sur le divorce la terminologie relative à la garde et à l'accès. Depuis des années, ces termes sont critiqués, parce qu'ils alimentent les conflits entre les parents. Depuis longtemps, on considère que le parent ayant la garde est celui qui a gagné et que le parent ayant l'accès est celui qui a perdu. Ces termes ont été hérités du droit des biens et ils sont le reflet d'une époque où la loi considérait que les enfants étaient la propriété de leurs parents.
Pour inciter les parents à collaborer et à penser avant tout à l'intérêt supérieur de leur enfant, nous introduisons des termes reflétant les responsabilités des parents envers leurs enfants. Au lieu d'ordonnances de garde, les tribunaux délivreront des ordonnances parentales. Les ordonnances parentales traiteront du temps parental et des responsabilités en matière de prise de décisions. Deux provinces, l'Alberta et la Colombie-Britannique, ainsi que bon nombre de nos partenaires internationaux comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont remplacé la terminologie axée sur la possession par une autre axée sur la relation entre l'enfant et ses parents. Au Canada, même si on parle encore de garde et d'accès dans les recueils de lois, un grand nombre de juges, d'avocats et d'autres professionnels de la justice familiale ont déjà commencé à abandonner ce langage dans leurs ordonnances et ententes à propos d'enfants au profit d'un langage axé sur les relations parents-enfants.
Un autre changement majeur proposé dans le projet de loi avec, en tête, ce qui convient le mieux aux enfants, est la création, dans la Loi sur le divorce, d'un régime relatif au déménagement. Les déménagements avec des enfants après une séparation ou un divorce constituent l'un des domaines les plus contestés du droit de la famille. Les enjeux sont souvent considérables, en particulier quand le déménagement proposé implique une grande distance géographique. Le projet de loi prévoit qu'un avis soit donné par le parent proposant le déménagement, que l'intérêt supérieur de l'enfant soit pris en compte par les tribunaux dans les cas de déménagement et que des règles soient appliquées par les tribunaux en fonction des arrangements parentaux en place relativement à l'enfant. Cela aiderait les tribunaux et les parents à prendre des décisions éclairées, centrées sur les enfants.
Le Canada a récemment pris des mesures pour promouvoir l'intérêt des enfants canadiens dans les différends internationaux en matière de droit de la famille. Le 23 mai 2017, le Canada a signé deux conventions internationales dans ce domaine. L'une d'elles, la convention de 1996 sur la protection des enfants, ferait en sorte qu'il serait plus facile de faire reconnaître et appliquer les ordonnances parentales canadiennes dans d'autres pays parties à la convention. Les familles qui voyagent ou se réinstallent dans un pays signataire auraient ainsi une plus grande certitude que l'ordonnance délivrée par un tribunal canadien soit respectée. Le projet de loi prévoit également les modifications nécessaires pour que le Canada puisse être partie à la convention. L'autre convention est la convention de 2007 sur les aliments destinés aux enfants, qui contribuerait à la réduction de la pauvreté. Je reviendrai sur ce sujet un peu plus tard.
Le prochain élément du projet de loi que j'aimerais aborder touche la violence familiale, une question à laquelle le gouvernement et les Canadiens en général accordent beaucoup d'importance. La plupart des lois provinciales et territoriales du domaine du droit de la famille traitent de la question de la violence familiale dans les couples qui se séparent. Les lois fédérales, elles, sont manifestement silencieuses sur le sujet. Le moment est venu de remédier à cela.
Même si la séparation peut être une façon de fuir une relation violente, on sait que les conjoints risquent davantage d'être victimes de violence au moment de la séparation. On commence également à en savoir plus sur les effets à long terme du traumatisme causé par la violence familiale sur le cerveau en développement de l'enfant. Les répercussions peuvent être dévastatrices et permanentes. On peut faire plus pour empêcher cela. Il faut faire plus. Le projet de loi apporte trois modifications à la Loi sur le divorce et une à la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales pour traiter des cas de violence familiale.
Premièrement, dans la Loi sur le divorce, nous avons proposé une définition de la violence familiale fondée sur des données probantes, qui fait ressortir des indicateurs communs de comportement abusif. On souligne en particulier les comportements coercitifs et dominants, réputés particulièrement dangereux.
Deuxièmement, nous avons proposé une série distincte de critères relatifs à l’intérêt supérieur de l’enfant afin d’aider les tribunaux à émettre de bonnes ordonnances parentales en cas de violence familiale. À cet égard, en tient compte en particulier de la nature, de la gravité et de la fréquence de la violence.
Troisièmement, une disposition exige des tribunaux qu’ils fassent une recherche pour déterminer s’il existe des ordonnances ou des procédures pertinentes en matière de protection de l’enfant ou en matière pénale susceptibles d’influer sur une ordonnance rendue aux termes de la Loi sur le divorce. Cette disposition contribuerait à prévenir les conflits entre tribunaux, dans le cas, par exemple, où une ordonnance d’un tribunal de la famille autorise un parent à passer du temps avec l’enfant alors qu’il y a eu une ordonnance de non communication au criminel.
Enfin, nous avons proposé un amendement à Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales afin de restreindre la communication de renseignements personnels dans les affaires de violence familiale.
L’ensemble de ces mesures aiderait les tribunaux à lutter plus efficacement contre la violence familiale à un moment où les membres de la famille sont particulièrement vulnérables et contribuerait à prévenir la violence familiale lorsque les familles s’adaptent aux nouvelles ententes postérieures à la séparation.
Je veux maintenant expliquer de quelle façon le projet de loi peut contribuer à réduire la pauvreté, en particulier celle des enfants. De nombreuses familles traversant une séparation et un divorce font face à une augmentation spectaculaire des dépenses. Le passage d’un seul foyer à deux, avec le doublement des dépenses qui l’accompagne, peut représenter un lourd fardeau. Le changement par rapport aux soins à donner aux enfants peut influer sur la capacité d’un parent à trouver et à garder un emploi. Ces changements peuvent exposer des familles à la pauvreté. Il est donc vital que les familles reçoivent les pensions alimentaires pour enfants et pour conjoint qui leur sont dues et que les montants de ces pensions soient calculés d'une façon équitable qui reflète la situation financière réelle des conjoints.
Le projet de loi comporte plusieurs mesures qui réduiront la pauvreté et aideront les familles à se remettre de la crise financière qu'elles sont nombreuses à vivre après une séparation. Premièrement, nous proposons de modifier la Loi sur le divorce afin que les familles puissent plus facilement organiser la garde des enfants et modifier les arrangements conclus, sans avoir à s'adresser aux tribunaux, ce qui leur fera économiser de l'argent et leur évitera des complications et du stress. Nous établissons en outre la marche à suivre lorsqu'un des deux époux souhaite obtenir ou modifier une ordonnance alimentaire et qu'il n'habite dans la même province que l'autre.
J'ai parlé tout à l'heure de la convention sur la protection des enfants de 1996. Or, le Canada a aussi signé celle sur les pensions alimentaires de 2007, qui offre aux familles un moyen peu coûteux et efficace d'obtenir ou de modifier une ordonnance alimentaire quand les deux ex-conjoints n'habitent pas dans le même pays. Comme dans le cas de la convention de 1996, certaines lois fédérales devront être modifiées pour que le Canada y soit réellement partie prenante.
Nous proposons également de modifier un certain nombre de lois fédérales afin de faciliter l'exécution des ordonnances alimentaires, qu'elles visent l'ex-époux ou un enfant. La Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales sera par exemple modifiée de manière à autoriser la communication de renseignements sur le revenu d'une des parties aux tribunaux et aux services provinciaux, y compris aux organismes d'application de la loi, si cela doit servir à obtenir, à modifier ou à exécuter une ordonnance. Les ordonnances alimentaires pour enfants pourront ainsi être rendues plus rapidement, plus aisément et à moindre coût. Les montants qui y sont prévus refléteront également mieux la réalité. Par surcroît, les coûts pour les familles et les tribunaux seront moindres.
Des milliards de dollars de pensions alimentaires pour des enfants sont impayés au Canada. Avec ce projet de loi, nous donnerions aux provinces, aux territoires et aux particuliers plus d'outils pour veiller à ce que les pensions soient versées. De plus, dans la vaste majorité des cas visés par un programme d'exécution des ordonnances de pension alimentaire, soit dans 96 % des cas, c'est un homme qui doit payer une pension à une femme. Le problème des pensions impayées contribue à la féminisation de la pauvreté, tandis que les dispositions prévues dans ce projet de loi seraient utiles pour atténuer ce problème.
Enfin, le projet de loi propose aussi de prioriser le paiement des pensions alimentaires impayées pour des enfants ou un ex-conjoint avant toute autre dette, sauf si de l'argent est dû à l'État en vertu de la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions. Ce serait un bon moyen de veiller à ce que les familles reçoivent l'argent qui leur est dû.
Je passe maintenant au dernier thème du projet de loi: améliorer l'efficacité du système de justice familiale au Canada et le rendre plus accessible aux familles. Nous savons qu'il y a longtemps que des changements auraient dû être apportés à ce système. Le juge à la retraite de la Cour suprême Thomas Cromwell souligne que l'on réclame beaucoup des changements fondamentaux ou changements de paradigme dans le système de justice familiale. Les honoraires d'avocat sont difficiles à payer pour certains parents, qui n'ont pas le choix de se représenter eux-mêmes dans une cause de droit de la famille, où les parties peuvent s'opposer farouchement et ressentir de vives émotions. Il n'est pas facile d'être son propre avocat dans ces circonstances, pourtant les études nous montrent que de 50 à 80 % des Canadiens impliqués dans des litiges familiaux se représentent eux-mêmes devant les tribunaux.
Les gens qui se représentent eux-mêmes devant les tribunaux de la famille risquent de prendre des décisions sans comprendre leurs droits et leurs obligations. Il se peut aussi qu'ils trouvent le processus extrêmement stressant. Ces personnes alourdissent aussi le fardeau des tribunaux, qui sont déjà débordés. Les juges et le personnel des tribunaux consacrent beaucoup plus de temps aux gens non représentés afin de les aider à s'y retrouver dans les procédures judiciaires complexes. Le projet de loi prévoit plusieurs mesures en vue de faciliter les procédures en droit familial pour les familles et d'éviter que les gens aillent devant les tribunaux, ce qui laissera davantage de temps et de ressources pour les cas qui doivent être examinés par un juge.
L'une de ces mesures vise à encourager le recours aux mécanismes de règlement des différends familiaux, ce qui peut comprendre la médiation, la négociation, le droit collaboratif et d'autres formes de résolution non judiciaire des litiges. Ces procédures sont habituellement moins coûteuses, elles peuvent aider les familles à conclure une entente plus rapidement et elles permettent souvent aux parents de jouer un rôle actif dans l'élaboration d'une entente appropriée pour leur famille.
Après l'entrée en vigueur des modifications proposées dans le projet de loi, les avocats auront le devoir d'informer les parents des services de justice familiale qui sont susceptibles de les aider, et de les inciter à avoir recours à un mécanisme de règlement des différends, le cas échéant. Les tribunaux auront la possibilité de proposer aux parents de tels mécanismes là où ils sont offerts.
D'autres mesures visant à accroître l'accès aux services de justice familiale incluent l'expansion de la gamme de mesures pouvant être utilisées par les services administratifs qui déterminent les aliments pour enfants. Les provinces et les territoires ont des services administratifs des aliments pour enfants qui recalculent les ordonnances alimentaires en fonction du revenu actuel d'un parent. Le projet de loi vise à élargir le rôle des services hors cour, y compris le recalcul des ordonnances alimentaires provisoires. Les familles pourraient recourir à ces services au lieu d'engager des avocats pour s'adresser aux tribunaux afin de modifier leurs ordonnances alimentaires, ce qui leur permettrait encore une fois d'économiser de l'argent et de réduire le temps passé devant les tribunaux.
Pour terminer, je souligne de nouveau qu'il est extrêmement important que le gouvernement améliore les lois fédérales concernant la famille. Comme je l'ai mentionné, ces lois sont désuètes. Elles ne tiennent plus compte de la réalité des familles canadiennes de la classe moyenne. Un bon nombre des processus établis dans les lois fédérales concernant la famille sont lents et laborieux et dépendent énormément des tribunaux. Le projet de loi permettra aux Canadiens de trouver plus rapidement des solutions durables et moins coûteuses aux différends familiaux, tout en accordant la priorité à l'intérêt de l'enfant.
Je suis convaincue que les modifications que nous avons proposées apporteront un changement positif au système de justice familiale du Canada ainsi qu'aux familles et aux enfants canadiens. J'ai hâte de travailler avec tous les collègues parlementaires sur la promotion des meilleurs résultats possible pour les familles qui vivent une séparation ou un divorce. J'exhorte tous les députés à se joindre à moi pour appuyer ce projet de loi extrêmement important.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi , qui, comme l'a dit la ministre, modifie la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apporte des modifications corrélatives à une autre loi.
Comme on l'a mentionné, les dernières modifications substantielles apportées à la Loi sur le divorce datent de 30 ans. Durant cette période, les tribunaux et les avocats spécialisés en droit de la famille ont modernisé les procédures de divorce au Canada. On en a modifié le langage et la terminologie afin de les rendre moins conflictuels. Il est bon de voir le gouvernement présenter une mesure législative pour que la loi reflète la direction prise par le domaine du droit de la famille depuis des années. L'appui aux modifications proposées n'est pas unanime, loin de là, mais celles-ci sont généralement bien reçues par les avocats spécialisés dans ce domaine, du moins d'après les recherches que j'ai effectuées afin de répondre à la présentation du projet de loi .
Depuis son dépôt en mai, le projet de loi a suscité un flot assez constant de commentaires, surtout dans la presse juridique, dont la plupart sont positifs. Le projet de loi vise notamment à remplacer la terminologie relative à la garde et à l'accès par une terminologie relative aux responsabilités parentales, au temps parental, à la prise de décision par le parent, et cetera. Il s'agit d'un changement positif, à mon avis.
La terminologie employée dans la loi actuelle en est une d'affrontement. Elle établit un scénario où il y a un gagnant et un perdant, où un parent gagne ou perd la garde de l'enfant. Dans un divorce, les émotions sont à vif et ce genre de langage exacerbe les tensions, ce qui n'est pas du tout dans l'intérêt de l'enfant. J'aimerais voir le comité étudier de manière approfondie le changement de terminologie et ses ramifications auprès des personnes concernées et au-delà des tribunaux.
Même si nombre de juges et de spécialistes du droit de la famille emploient depuis des années ce vocabulaire moins conflictuel, d'autres intervenants qui participent de façon moins directe aux procédures de divorce et de garde se fondent encore sur la terminologie d'il y a 30 ans que ce projet de loi cherche à remplacer. Je songe aux sociétés d'aide à l'enfance, aux écoles, aux responsables de l'application de la loi et à d'autres qui peuvent être appelés à intervenir en situation de conflit. Ils se fondent sur le langage actuellement en vigueur dans le domaine de la garde et des droits de visite. Comment vont-ils réagir à ce nouveau langage? Faudra-t-il apporter des modifications en conséquence à leur loi habilitante ou à leur réglementation interne? Comment vont-ils s'adapter? J'espère que le comité de la justice se penchera longuement et attentivement sur ces difficultés potentielles.
Ces réformes sont attendues depuis longtemps. En 2013, le Comité d'action sur l'accès à la justice en matière civile et familiale, qu'on appelle aussi le comité Cromwell, a publié son rapport final, qui recommande d'apporter des modifications significatives au système de justice familiale. Il recommande plus précisément de recourir davantage aux méthodes axées sur le règlement consensuel des différends. Il recommande aussi que le langage employé dans le domaine de la garde et des droits de visite soit remplacé par un langage axé sur les responsabilités et les relations parentales.
En me préparant pour le débat, je me suis penché sur de la jurisprudence qui a une importance particulière pour le projet de loi. J'aimerais citer un extrait de la page 277 de la décision rendue en 2015 par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire M c. F. Cet extrait porte sur l'ancienne terminologie centrée sur la garde et le droit de visite et sur le fait que ces termes tendent à créer une culture de gagnants et de perdants.
Voici ce que le juge de la Cour d'appel a écrit dans sa décision, aux paragraphes 38, 39 et 40:
[38] La loi ontarienne n'exige pas que le juge rende une ordonnance sur la garde. L'application de l'alinéa 28(1)(a) de la Loi portant réforme du droit de l'enfance est facultative et non obligatoire: Le tribunal [...] peut, par ordonnance, accorder la garde ou le droit de visite à une ou plusieurs personnes.
[39] Des professionnels de diverses disciplines exhortent depuis plus de vingt ans les tribunaux à s'éloigner de la terminologie lourdement chargée de « garde » et d'« accès ». Ces mots laissent entendre qu'il y a des gagnants et des perdants en ce qui concerne les enfants. Ils favorisent une approche parentale de confrontation et ne font pas grand-chose pour aider les enfants. On reconnaît depuis longtemps le danger associé à l'idée d'un gagnant et d'un perdant dans les batailles concernant la garde d'enfants.
[40] Il était donc loisible au juge d'adopter le « plan parental » proposé par l'évaluateur sans statuer sur la garde. Cette approche tenait compte du fait bien établi que le mot « garde » laisse entendre qu'il y a un « gagnant » et, par conséquent, un « perdant », l'autre parent, ce qui n'est pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Nous constatons donc dans cet exemple que les problèmes avec les mots « garde » et « accès » ne datent pas d'hier. Le fait que le projet de loi propose de s'en éloigner devrait être considéré comme positif. Bien sûr, il reste toutefois à déterminer quels seront les effets de ce changement sur le terrain. Le divorce est, par définition, une expérience émotive, et lorsque des enfants sont mis en cause, les partis ont parfois de la difficulté à garder la tête froide.
Le projet de loi vise également à encourager les parties dans les affaires de divorce à avoir recours à des modes alternatifs de résolution des différends pour éviter les procédures judiciaires. Encore une fois, il s'agit d'une mesure positive selon moi. Les contestations judiciaires concernant les enfants sont très coûteuses en plus d'avoir un immense potentiel destructeur. Chose certaine, elles ne sont pratiquement jamais dans l'intérêt de l'enfant. S'éloigner des tribunaux pour favoriser les modes alternatifs de résolution des différends, comme le recours à une conseiller parental, à un conseiller en justice familiale, à un médiateur ou à un arbitre, contribuera grandement à protéger les enfants des répercussions des contentieux entre adultes.
Lorsqu'ils choisissent la voie judiciaire, les parents peuvent souvent oublier le fait que leurs enfants risquent d'en subir les contrecoups. À leur grand détriment, les enfants peuvent même devenir des armes utilisées contre la partie adverse. Les efforts pour mettre les enfants à l'abri des litiges entre adultes sont louables, et constituent un aspect positif du projet de loi.
Un autre aspect du projet de loi vise à établir un régime relativement au déménagement important d’un enfant. Le projet de loi établirait un transfert du fardeau de la preuve lorsqu'un parent souhaite déménager. Si les parties disposent d'un temps parental pratiquement égal assigné par la cour, la personne qui propose le déménagement devra démontrer pourquoi le déménagement serait dans l’intérêt de l’enfant. Si l'enfant passe la vaste majorité de son temps avec un parent, l'autre parent devra démontrer pourquoi le déménagement ne serait pas dans l’intérêt de l’enfant. La cour conserve la latitude voulue pour adapter les ordonnances existantes au moment de déterminer ces arrangements, toujours dans l'intérêt de l'enfant.
J'ai mentionné plus tôt cet après-midi dans mes observations que, même si le projet de loi est généralement bien accueilli, la réaction n'est pas unanime. Certains détracteurs soutiennent que l'absence, dans le projet de loi, d'une présomption réfutable pour le partage égal du rôle parental comme position par défaut pour toute négociation de divorce n'est pas idéale. Ils signalent que, même si des études en sciences sociales indiquent que le partage égal du rôle parental comme position par défaut mène à de meilleurs résultats pour les enfants, le partage égal du rôle parental n'est, bien entendu, pas toujours idéal. Voilà pourquoi ils suggèrent que la position par défaut soit réfutable. Aux yeux de ces détracteurs, l'absence de cette position par défaut dans le projet de loi est un handicap.
D'autres ont souligné que de remplacer la terminologie relative à la garde et à l’accès par une terminologie relative au rôle parental ne permettrait pas vraiment de réduire les conflits qui sont parfois au coeur des procédures de divorce. Certains ont prédit que les disputes entre les parents pour la garde des enfants seraient liées, dans l'avenir, à la question de savoir à qui reviennent les « responsabilités décisionnelles », une autre expression qu'on trouve dans le projet de loi. Ils disent que c'est inhérent au processus. Les membres du comité de la justice auront certainement bien des questions à examiner, advenant que le projet de loi franchisse l'étape de la deuxième lecture.
Je sais que mes collègues ne se contenteront pas d'entendre uniquement le point de vue des avocats en droit de la famille, mais celui de tous ceux qui ont intérêt à soutenir les décisions des tribunaux en matière de divorce, ainsi que celui des chercheurs spécialisés et des universitaires qui travaillent dans le domaine. Il faudra entendre des témoins de différents horizons qui auront certainement des suggestions pour améliorer le projet de loi. J'invite le gouvernement à ne pas rejeter ces suggestions du revers de la main, mais à les examiner en s'inspirant de l'approche positive et moins conflictuelle proposée dans le projet loi pour les procédures de divorce au Canada. Il est fort possible que le projet de loi puisse être amélioré.
En terminant, je dirais que je suis plutôt favorable à l'orientation que cherche à prendre le projet de loi et que j'ai hâte de participer aux délibérations à l'étape de l'étude en comité. Je suis certain qu'elles éclaireront tous les députés.
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Monsieur le Président, je vous remercie de me donner le temps de me prononcer sur le projet de loi .
D'entrée de jeu, je tiens à dire que nous allons appuyer ce projet de loi qui modifie grandement la loi actuelle sur le divorce. Les néo-démocrates appuient les objectifs déclarés de ce projet de loi sur la justice familiale, en particulier la promotion de l'intérêt supérieur de l'enfant et la prise en compte de la violence familiale dans les décisions concernant les ententes parentales.
Cette loi n'a pas été modifiée depuis 20 ans et, bien que nous n'attendions pas du tout ce projet de loi, je dois avouer qu'il était temps de réformer la Loi sur le divorce. Mes collègues et moi avons lu avec attention les 190 pages de ce projet de loi. Nous sommes heureux de voir que ce qui prime au fond, c'est l'intérêt de l'enfant.
J'étais aussi ravie d'entendre la dire que ce projet de loi devra s'appliquer au cas par cas, puisque chaque divorce est différent, chaque situation est différente et chaque couple a son histoire.
Nous sommes d'avis que nous devons continuer d'étudier ce projet de loi avec des experts et des témoins dans le but de l'améliorer, parce qu'il y a toujours matière à amélioration, et nous avons des propositions à faire au gouvernement en ce sens. Nous sommes d'avis qu'en continuant d'étudier ce projet de loi et en consultant les experts, nous aurons une perspective précise et juste.
En discutant avec des professeurs titulaires de facultés de droit, avec des avocates et des avocats, avec des parents divorcés et avec d'autres experts, nous avons eu le même écho chaque fois: il faudra voir comment l'application sera faite par les juges. C'est d'ailleurs le même son de cloche entendu de la part de l'avocat manitobain Me Lawrence Pinsky, qui mentionnait en entrevue à la CBC qu'il était trop tôt pour mesurer adéquatement les répercussions qu'aurait ou qu'aura la présente loi. Me Pinsky mentionne lui aussi que tout dépendra de l'interprétation que feront les juges de la présente loi, avis que nous partageons aussi.
Concernant le plan parental proposé dans ce projet de loi, une professeure titulaire de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa mentionne que de vouloir considérer un plan parental négocié est certes une excellente idée, dans la mesure où on n'impose pas un tel plan systématiquement, puisque cet aspect ne doit pas devenir un empêchement à obtenir une ordonnance de la cour dans les cas où il est difficile de négocier ou dans tous les cas il ne peut être utilisé lorsqu'il y a des situations de violence.
Elle ajoute que l'ajout de critères pour mieux définir l'intérêt de l'enfant est en quelque sorte une codification des critères pris en considération dans la jurisprudence. Toutefois, il faut garder à l'esprit l'intérêt de l'enfant dans sa globalité, au cas par cas, afin d'éviter que la liste ne soit pas qu'une série de critères à vérifier sans plus de réflexion. Il faut toujours garder à l'esprit que cette liste n'est pas et ne peut être exhaustive.
Nous sommes aussi d'avis qu'il faut considérer en tout temps l'intérêt supérieur de l'enfant. En ce sens, nous souhaitons voir une disposition qui inclut une représentation pour l'enfant. Nous suggérons donc que soit incluse dans la loi une prérogative afin que l'enfant soit représenté par son propre avocat et que des services et des ressources soient disponibles pour celui-ci en cas de besoin. Quand je parle de ressources, je parle de soutien psychologique, car comme on le sait, un divorce cause des soubresauts dans la vie des familles, et l'enfant qui se retrouve au coeur de ce conflit doit lui aussi, à notre avis, être représenté afin que ses intérêts soient eux aussi mis en avant.
Lors du dépôt de ce projet de loi la session dernière, le gouvernement disait que, dans sa décision, le tribunal devrait aussi prendre en compte les points de vue et les préférences des enfants. Il faut donner les moyens aux enfants d'exprimer leurs points de vue, leurs préférences, leurs craintes et leurs sentiments. Nous espérons sincèrement placer l'enfant au coeur de tout ce processus et nous assurer que sa voix sera elle aussi entendue, prise en compte et respectée.
Dans le même ordre d'idées, l'ancienne sénatrice Landon Pearson mentionne ceci:
Lorsque des parents se séparent, la vie de leurs enfants est changée pour toujours. Les parents, les membres de la famille et les professionnels qui interviennent auprès des enfants ont la responsabilité d'assurer que le changement se fait autant que possible en douceur. Les enfants ont le droit de recevoir des soins et d'être protégés contre la violence et un stress émotionnel excessif. Ils ont également le droit de maintenir des relations importantes pour eux et d'exprimer leurs opinions. Ce n'est que lorsque ces droits et tous les autres droits qui leur sont garantis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant sont respectés que les enfants pourront accepter leur nouvelle situation et s'y adapter.
Ces sages propos mettent en lumière à quel point il est important de protéger l'enfant, mais surtout de le laisser exprimer ses émotions, émettre ses opinions. Pour nous, il est donc important que cet enfant ait lui aussi une représentation juste lorsque besoin est. Rappelons que Mme Landon Carter Pearson a été nommée au Sénat en 1994 et a pris sa retraite en 2005. Nous en parlons donc depuis longtemps. La sénatrice Pearson a occupé la fonction de vice-présidente du Comité permanent des droits de la personne.
L'accès pour les familles à une représentation juste et équitable est parfois limitée de façon indue, et des solutions en cour pour l'aide familiale dans un contexte de garde partagée d'enfant sont rarement faites de manière juste, proportionnelle ou économique.
Prenons par exemple quelqu'un qui fuit une situation d'abus, de contrôle ou de violence conjugale. Cette personne souvent fuit simplement le conflit en évitant le contact avec l'autre parent. Le résultat, c'est qu'il y a plusieurs enfants qui ne reçoivent pas — et par la bande des parent qui ne paient pas — les pensions alimentaires dues à des situations et besoins changeants.
Les mesures incluses dans le projet de loi sont un pas dans la bonne direction, mais il se peut qu'il n'assure pas adéquatement le paiement des pensions alimentaires dans un contexte de garde partagée d'enfant.
À cet égard, l'avocate Me Jenny Woodruff mentionne que, dans le projet de loi C-78, il aurait été judicieux de s'assurer que la pension qui est versée aux parents est appropriée et que le projet de loi C-78 n'aborde pas ceci.
En effet, il est important de s'assurer que les montants qui sont versés sont adéquats. Puisque le gouvernement prétend qu'un des buts du projet de loi C-78 est de réduire la pauvreté infantile, cet enjeu devra être révisé pour le bien-être de l'enfant et pour s'assurer que le parent, dans une situation comme je viens de décrire, puisse recevoir la pension alimentaire qui revient à son enfant.
Saluons le fait que parmi les changements de ce projet de loi, le gouvernement veut être en mesure de partager et de transmettre davantage de renseignements fiscaux aux entités provinciales sur les parents qui refusent de divulguer leur revenu.
À l'heure actuelle, les données transmises par l'Agence du revenu du Canada ne donnent aux cours provinciales que des informations de base comme le nom et l'adresse du parent de même que le nom de son employeur. Cette mesure permettra de bien évaluer la situation du parent qui, parfois, tente d'éviter une pension alimentaire. Rappelons ici que, bien que la Loi sur le divorce relève de notre Parlement et donc du fédéral, ce sont les provinces qui sont responsables de l'exécution et de l'application des ordonnances alimentaires. Il faut donc donner un plein appui aux provinces, afin qu'elles puissent s'assurer que les pensions alimentaires sont bien versées.
Un autre élément que je souhaite mettre en lumière est que ce projet de loi vise aussi à mieux réglementer le déménagement des parents ou des enfants après le divorce, d'abord en obligeant un parent à aviser l'autre parent de son désir de déménager et en donnant aux tribunaux des critères pour décider si le déménagement est dans l'intérêt de l'enfant et devrait être autorisé.
C'est certes une bonne idée, mais il faut faire preuve de prudence face à une telle décision. J'y reviendrai, parce que ce point a été mis en lumière par un organisme de ma circonscription, et je trouve important de reconnaître le travail de Mme Céline Coulombe de La Clé sur la porte, une maison d'hébergement pour femmes et enfants victimes de violence. Mme Coulombe a une expertise fine dans le domaine du travail fait auprès des femmes qui vivent des situations de violence conjugale. Elle mentionnait que, certes, ce projet de loi met en place des balises importantes et apporte son lot de mesures nécessaires, mais il faut être prudent et faire preuve de discernement, lorsque nous sommes dans une situation aussi délicate que le harcèlement et la violence conjugale.
Bien souvent, quand de telles situations surviennent, la victime cherche à fuir son agresseur et parfois dans une autre ville, voire même une autre province. Il faut s'assurer que dans de tel cas les tribunaux feront preuve de diligence et de discrétion, dans le but certes de protéger l'enfant et la victime.
Je prends la peine de le mentionner, parce que dans le projet de loi, on lit ceci:
La personne ayant du temps parental ou des responsabilités décisionnelles à l’égard d’un enfant à charge qui entend changer de lieu de résidence ou changer celui de l’enfant avise de son intention toute autre personne ayant du temps parental, des responsabilités décisionnelles ou des contacts avec l’enfant en vertu d’une ordonnance de contact.
Dans l'actuel projet de loi, on peut lire ceci:
Lorsqu’il examine [...] les effets de la violence familiale, le tribunal tient compte des facteurs suivants:
a) la nature, la gravité et la fréquence de la violence familiale, ainsi que le moment où elle a eu lieu;
Tout cela est bien suggestif. Je comprends bien que, dans l'actuel projet de loi, tout est à la discrétion des tribunaux, mais il faut être très vigilant, afin de s'assurer en tout temps de la sécurité de l'enfant et du parent qui fuient une situation jugée risquée.
Je dis donc qu'il faudra être très vigilant.
Je suis fière des organismes de ma circonscription qui font un travail incroyable au quotidien dans le cadre de divorces et pour les femmes victimes de violence conjugale. Le Petit pont, un organisme communautaire présent à Saint-Hyacinthe et à Longueuil, permet la création et le maintien du lien parent-enfant dans un milieu neutre, familial et harmonieux en contexte de séparation ou de conflit. L'intérêt de l'enfant et sa sécurité, tant physique que psychologique, sont les priorités de l'organisme.
Le Petit pont intervient hors du domicile des parents pour ne laisser aucune place aux interprétations et pour que chacun soit traité de façon équitable par des professionnels. Parents et enfants reçoivent des services de supervision des droits d'accès, ainsi que des services d'information et d'accompagnement des familles. L'organisme cherche à reproduire un milieu de vie qui s'apparente au milieu familial. Les locaux sont adaptés pour tous les âges et permettent de trouver une routine quotidienne et de diminuer le stress lié au contexte de la supervision.
Nous avons consulté l'organisme Le Petit pont au sujet du projet de loi , et je tiens à souligner le travail incroyable de son directeur général, M. Martin Tessier. Celui-ci nous a donné son avis éclairé. D'abord, il nous a dit qu'ils étaient d'avis que l'intérêt de l'enfant était primordial. Il disait trouver cela intéressant, comme nous en avions discuté, d'inscrire dans l'acte de mariage des dispositions en cas de séparation qui viendraient baliser des éléments importants qui tiennent à coeur aux époux lorsque la relation est bonne, plutôt que de déterminer ces éléments importants lorsque la relation est détériorée, voire conflictuelle. Par exemple, il pourrait s'agir de la garde d'enfants, des visites, des droits d'accès, de la pension, de la séparation des biens, du déménagement, de l'éducation des enfants, etc.
Finalement, il ajoutait que, comme les gens mariés, les conjoints de fait devraient se munir d'une entente de vie commune, d'un testament et d'une planification financière comportant des dispositions en cas de séparation. L'essentiel, selon lui, est de sensibiliser la population aux multiples aspects qui sont souvent trop négligés, comme la législation, les ententes et les statistiques. Tout cela est très juste. Je remercie M. Tessier pour ses recommandations et ses suggestions avisées.
Dans ma circonscription, nous avons le privilège de compter sur le professionnalisme de la maison d'hébergement La Clé sur la porte, un organisme qui accueille des femmes de toutes les régions du Québec depuis 37 ans. En plus d'être situé à Saint-Hyacinthe, il a deux autres points de service à Acton Vale et à Beloeil. Il s'agit d'une maison d'aide et d'hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants qui, depuis 1981, a accueilli plus de 4 000 femmes et tout autant d'enfants. Pour moi, il est impératif de consulter ces gens dans le cadre de l'étude du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, car leur expertise est fine et leur point de vue est un incontournable.
La Clé sur la porte a une approche entièrement axée sur la sécurité des femmes et des enfants. En effet, en poussant la porte de la maison d'hébergement, les victimes reçoivent un accueil chaleureux dans un lieu où règne un climat de confiance, de respect et d'entraide. Les victimes y sont en sécurité. Les intervenants les écoutent, les soutiennent et les accompagnent dans leurs décisions. Un accompagnement post-hébergement est également organisé par l'association afin de s'assurer que ces femmes reprennent le cours de leur vie dans les meilleures conditions.
Les membres de l'organisme mènent aussi un travail actif de prévention et de sensibilisation. Ils se rendent dans les écoles secondaires, où ils animent des ateliers sur la violence dans les relations amoureuses, ainsi que dans les organismes et établissements sociaux, communautaires et scolaires ou chez d'autres groupes intéressés, où ils tiennent des conférences sur la problématique de la violence conjugale.
Je me suis entretenue avec Céline Coulombe, la coordonnatrice de La Clé sur la porte, qui m'a exprimé certaines de ses inquiétudes concernant le projet de loi, dont je tiens à faire part à la Chambre. Le premier sujet de questionnement est l'éventuelle volonté de remettre en avant la médiation familiale. Le projet de loi qui est devant nous comporte des éléments visant à encourager les parents à utiliser d'autres voies que les tribunaux pour s'entendre, dont le mécanisme de règlement des différends familiaux et la médiation. Certes, il est clair que cette alternative est une bonne idée pour réduire l'engorgement des tribunaux, mais ce moyen représente aussi un danger pour la victime dans les cas de violence conjugale.
Mme Coulombe m'a d'ailleurs signifié que ce point avait fait l'objet d'une lutte de la part des groupes de défense des droits, et il a été résolu que les victimes pouvaient s'y soustraire. Ce droit ne devrait pas être remis en question. Il faut donc faire preuve de vigilance, une fois de plus.
La deuxième source d'inquiétude pour La Clé sur la porte et pour Mme Coulombe est l'obligation d'aviser l'autre parent en cas de déménagement, y compris dans le contexte d'un jugement criminel. Lorsqu'une telle procédure est en cours, l'agresseur fait l'objet d'un interdit de contact. Ainsi, il est essentiel qu'il ne connaisse pas le lieu de résidence de sa victime. On sait bien que même si le tribunal interdit les contacts, les victimes doivent souvent prendre d'autres mesures pour assurer leur sécurité et celle de leurs enfants.
Le fonctionnement en vase clos des tribunaux donne lieu à des situations où les jugements au criminel ne sont pas considérés lorsque vient le temps de trancher la question de l'accès aux enfants.
Dernièrement, dans ma circonscription, nous avons bien malheureusement été témoins de cas où des femmes ont été tuées ou ont été à risque de l'être au moment où elles allaient porter leur enfant chez leur ancien mari. Une seule de ces situations en est une de trop. Il faut faire preuve de vigilance et s'assurer que les femmes et les enfants sont protégés.
Enfin, la coordonnatrice de La Clé sur la porte a souligné le fait qu'on se préoccupe, avec raison, des traumatismes que le divorce cause aux enfants, mais qu'il faut se rappeler que vivre dans la peur dans un foyer où règne la violence est un traumatisme beaucoup plus important. De plus, la violence ne s'arrête malheureusement pas le jour de la séparation ou encore le jour où le jugement est rendu. Obliger les victimes à se prêter à un exercice de règlement de conflits ou de médiation, c'est les mettre en danger.
Je connais bien l'organisme La Clé sur la porte pour y avoir travaillé. Au moment où j'y travaillais, j'étais récemment divorcée et j'étais mère monoparentale. Heureusement, je n'ai pas vécu de violence.
Je travaillais de nuit, et chaque nuit où j'étais à La Clé sur la porte, je côtoyais des femmes qui vivaient beaucoup d'insomnie. Ces femmes venaient me rencontrer et me confier ce qu'elles vivaient. Ce qui me touchait le plus lorsque j'écoutais leurs histoires, c'était de réaliser que cela pouvait arriver à chacun d'entre nous. Souvent, elles n'avaient pas vu venir cette situation, et elles s'y retrouvaient bien malgré elles.
Il est important, en définissant mieux le projet de loi sur le divorce, de garder en tête que cela s'adresse à des gens qui vivent une période de grande vulnérabilité. Il faut s'assurer de mettre en place tous les éléments qui permettent d'assurer leur sécurité et qui permettent aux enfants d'avoir accès aux ressources auxquelles ils ont droit.
Souvent, dans une situation de divorce, chaque parent a son propre avocat. Cependant, plusieurs témoins nous ont demandé de réfléchir à la perspective que le gouvernement mette en place des mesures appuyant les provinces, pour que l'enfant, dans certaines situations, puisse avoir son propre avocat. Ce dernier serait là uniquement pour étudier la situation du divorce en cours, et pour voir si l'intérêt de l'enfant est bien protégé par le règlement qui est mis en place.
C'est dans les provinces que ce sera appliqué. Il faut donc s'assurer que les provinces ont les ressources nécessaires pour continuer à soutenir des organismes comme Le Petit Pont et La Clé sur la porte.
Devant ces éléments, je tends la main au gouvernement. À titre de porte-parole en matière de famille, d'enfants et de développement social, j'ai à coeur l'intérêt supérieur de l'enfant. Je veux que l'on s'assure que les tribunaux seront bien outillés. Je veux que l'on s'assure que les pensions alimentaires qui seront versées seront adéquates. Je veux que l'on s'assure que les victimes de violence conjugale, sous toutes ses formes, de même que leurs enfants sont protégés. Je veux que l'on s'assure que l'enfant qui est au coeur de ce conflit aura la chance d'être entendu et épaulé, s'il le souhaite.
Je suis heureuse d'avoir eu l'occasion de faire part à la Chambre de nos recommandations et de nos interrogations concernant le projet de loi.