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Monsieur le Président, je n'exagère pas en disant que je suis profondément déçue et révoltée d'avoir à intervenir à la Chambre aujourd'hui pour m'opposer à la supermotion du gouvernement et, pour finir, au projet de loi qui a été rédigé dans le seul but de forcer les employés du STTP à retourner au travail.
Le gouvernement, dans son arrogance, bafoue les droits des travailleurs garantis par la Charte de s'organiser et de diminuer les services lorsque l'employeur refuse de négocier de bonne foi une convention collective. Tout salarié au pays devrait être au courant de ce que fait le gouvernement et s'insurger, il faut l'espérer, de le voir piétiner ainsi les droits de la personne et les droits constitutionnels. Il est tout particulièrement odieux de voir cela se produire après ce qui s'est passé en 2011.
En 2011, Stephen Harper était premier ministre, à la tête d'un gouvernement majoritaire, et le NPD formait l'opposition officielle. Même si la situation m'avait révoltée à l'époque, comme elle me révolte aujourd'hui, je n'avais jamais été aussi fière d'être au côté de Jack Layton pour lutter avec tous les outils à notre disposition contre la loi de retour au travail imposée au STTP pour contrer ses efforts et son droit de négocier une convention collective juste et équitable avec Postes Canada.
Même si ce passé honteux vient nous hanter aujourd'hui, il existe tout de même deux grandes différences entre ce qui s'est passé en 2011 et la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
D'abord, le projet de loi imposé par les conservateurs de Stephen Harper a été jugé ultérieurement comme une violation des droits conférés au syndicat par la Charte. Pourtant, le actuel, celui des voies ensoleillées, n'a aucun scrupule à suivre l'exemple de M. Harper en bafouant encore une fois les droits des travailleurs et du syndicat, qui sont garantis par la Charte. C'est révoltant. Bien sûr, nous connaissons tous le sort qui a été réservé à M. Stephen Harper.
Passons à la deuxième différence. Alors que les libéraux ont patienté un peu plus de cinq semaines avant de brimer les droits garantis par la Charte dont jouit le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, les conservateurs, eux, ont saisi l'occasion de le faire le plus rapidement possible. Cela dit, la motion des libéraux — et c'est difficile à croire — est encore plus restrictive que celle présentée par le gouvernement de Stephen Harper: elle limite le débat à la période la plus courte possible. Nous devons clore cette mascarade d'ici la fin de la séance d'aujourd'hui. C'est une attaque en règle contre la démocratie, et le n'a même pas la décence d'en avoir honte.
Ce n'est qu'une autre promesse brisée qui vient grossir l'amoncellement des engagements, maintenant abandonnés, de la campagne électorale de 2015: je pense à la réforme électorale, au traitement digne et équitable des anciens combattants et de leur famille, aux modestes déficits et à l'équilibre budgétaire ainsi qu'à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. J'aimerais bien qu'on m'explique comment on peut justifier l'achat, pour 4,5 milliards de dollars, d'un vieux pipeline qui fuit. Dans les faits, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté considérablement au Canada en 2017. N'oublions pas la promesse des libéraux de ne jamais avoir recours à des projets de loi omnibus. Ils voulaient créer un gouvernement ouvert et transparent. Rappelons-nous également le rétablissement de la livraison du courrier à domicile, qu'ils ont promis la main sur le coeur. J'en reviens au refus de Postes Canada de négocier une convention collective juste et équitable avec ses employés affiliés au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.
Si l'on s'en tient au discours du gouvernement, nous sommes censés croire que c'est un autre cas de syndicat cupide qui se sert des fonds publics pour gonfler sa caisse. Penchons-nous sur les faits. Je suis convaincue que le aimerait les entendre.
Le nombre de blessures au travail chez Postes Canada a augmenté de 43 % au cours des deux dernières années. Cette hausse est surtout attribuable à l'initiative de transformation postale, qui oblige les travailleurs à faire de plus longs trajets en transportant des charges plus lourdes. Aujourd'hui, le taux de fréquence des accidents invalidants chez les facteurs est huit fois plus élevé que le taux moyen observé dans le reste du secteur fédéral, lequel comprend notamment les débardeurs, les mineurs et les travailleurs des secteurs du transport routier et des chemins de fer. Mike Palecek, du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, a demandé sur Facebook que des travailleurs blessés des postes parlent de leur expérience. En quelques heures à peine, il a obtenu 450 réponses. Les histoires sont déchirantes. Nous devrions avoir honte d'un gouvernement qui laisse une société d'État exploiter ainsi ses travailleurs. En fait, le gouvernement semble même cautionner une telle façon de faire.
J'ai l'impression qu'on est de retour dans les terribles années 30. On entend des histoires de travailleurs qui, à cause des heures supplémentaires qui leur sont imposées, ne peuvent pas rentrer à la maison pour s'occuper de leurs enfants tant qu'ils n'ont pas terminé leur itinéraire et qui doivent marcher la nuit tombée dans des secteurs dangereux.
On entend parler de travailleurs qui se font dire de porter une lampe frontale, comme si cela allait régler tous les problèmes. On entend parler de relations tendues à cause du stress que subissent les travailleurs qui doivent faire de longues heures. On entend parler de mères dont les enfants pensent qu'ils ont de mauvais parents parce que ceux-ci ne sont pas en mesure d'assister à leurs activités sportives ou scolaires ou de les mettre au lit le soir.
Pensons à cette période de l'année, où les travailleurs sont dehors tard le soir, en pleine noirceur, à se frayer un chemin à travers les bancs de neige et les trottoirs glacés. Les blessures au travail sont évitables. Il est inadmissible que les membres du STTP soient appelés à endurer ce genre de risques uniquement pour mettre de la nourriture sur la table et garder un toit au-dessus de leur tête — et j'ajouterais que les travailleurs ne peuvent même pas partager leur repas avec leur famille ou savourer des moments de repos chez eux parce qu'il n'y a pas assez d'heures dans une journée pour parcourir les trajets que Postes Canada leur impose.
Tout au long de la grève tournante qui a débuté le 22 octobre, on a entendu des histoires de travailleurs dont les prestations d'invalidité ou les prestations parentales complémentaires avaient été interrompues par Postes Canada, les laissant anxieux, stressés et plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale.
Il n'y a aucune autre façon de décrire cela que de dire que Postes Canada fait preuve de mesquinerie, d'autant plus que le STTP a été consciencieux dans ses moyens de pression pour perturber le moins possible les services aux Canadiens tout en les informant des enjeux qui forcent le STTP à prendre ces mesures.
Il convient de noter que ce n'est pas seulement une question d'argent pour les membres du STTP. Parlons-en. Parlons du fait que Postes Canada est tout à fait rentable. Je cite le rapport annuel de 2017. La société d'État a enregistré en 2017 un résultat avant impôt de 74 millions de dollars, principalement en raison d'une croissance sans précédent du secteur des colis.
Ce sont en grande partie les colis du régime intérieur qui ont contribué à la croissance des revenus du secteur des colis, qui s'élèvent à 393 millions de dollars, ce qui témoigne du rôle important que joue Postes Canada dans la livraison des produits pour les consommateurs et les détaillants en ligne au pays. En 2017, pour la première fois, Postes Canada a franchi la barre des 2 milliards de dollars pour ce qui est des produits du secteur des colis. Les revenus annuels du secteur des colis ont crû de plus de 900 millions de dollars depuis 2011, soit l'année où la société d'État a réorienté ses opérations pour mettre l'accent sur le commerce électronique. En s'adaptant aux besoins changeants des Canadiens, qui utilisent les services postaux davantage pour la livraison d'achats en ligne que le courrier, Postes Canada est devenue et demeure le numéro un des colis au Canada. Fait intéressant ou tragique, ces revenus record ont été possibles parce que les membres du STTP assuraient la livraison du courrier et des colis avec fiabilité et professionnalisme.
Parlons aussi de la demande du STTP pour une hausse salariale de 2,9 % par année pendant la durée de la convention collective. Elle n'est pas déraisonnable, surtout si on pense que les employés de Purolator, dont 90 % des parts sont détenues par Postes Canada, gagnent en moyenne 5 $ de plus l'heure que les membres du STTP alors qu'ils font pratiquement le même travail, et qu'ils ont eu droit à une hausse salariale de 3 % dans leur dernière convention collective.
En résumé, côté pécuniaire, les travailleurs du STTP demandent seulement la parité avec les autres employés de Postes Canada qui font le même travail. Parlant de parité, ce n'est que récemment que le STTP a réussi à dégager une entente en matière d'équité salariale dans laquelle on a reconnu que ses facteurs ruraux et suburbains, en majorité des femmes, ont fait l'objet d'une discrimination systématique en étant payés moins cher que leurs homologues urbains, en majorité des hommes. Ne prétendons pas qu'après des décennies d'iniquité, les dirigeants de Postes Canada ont soudainement changé d'avis et décidé d'offrir un juste salaire à leurs facteurs ruraux et suburbains. Non. Ils ont été contraints à le faire en arbitrage et ils n'ont toujours pas payé le règlement arbitral. Pas un cent n'a été versé. L'équité salariale est une autre raison pour laquelle les membres du STTP sont en grève. Et pendant ce temps, Postes Canada est rentable.
Parlant de rentabilité, pourquoi s'arrêter en si bon chemin? Le STTP comprend très bien la nature changeante de l'environnement de travail provoquée par la numérisation et l'explosion du commerce électronique. Organisation socialiste progressiste, le STTP sait qu'il fournit un service public essentiel qui doit être accessible et viable pour tous les Canadiens.
Autrement dit, le STTP sait comment une démocratie doit fonctionner, mais c'est quelque chose que le gouvernement libéral et le gouvernement conservateur qui l'a précédé ne semblent pas le moins du monde en mesure de comprendre. Je m'éloigne du sujet, toutefois.
Conscient qu'il a le mandat d'offrir un service public essentiel à la population dans un marché en évolution, le STTP a pris les devants en suggérant à Postes Canada des façons de diversifier et d'étendre ses services, à partir des infrastructures existantes, pour mieux servir les Canadiens et s'assurer de dégager des profits à réinvestir dans la société.
Sa proposition, préparée en collaboration avec l'Association canadienne des maîtres de poste et adjoints, ACORN Canada et les Amis des services publics, tient compte du fait que nous sommes à la croisée des chemins. Nos terres, notre air et notre eau subissent déjà les effets des changements climatiques. Les inégalités économiques et les emplois précaires sont en hausse. Les mises à pied dans l'industrie de l'extraction des combustibles fossiles accroissent l'incertitude économique.
Le Canada peut fonctionner entièrement à partir d'électricité renouvelable d'ici 2035 et faire la transition vers une économie propre d'ici 2050, si c'est ce que nous souhaitons. Il faut toutefois nous y mettre tout de suite.
Postes Canada peut piloter cette transition en proposant des services publics cruciaux, tels que des bureaux de poste équipés de bornes de recharge pour véhicules électriques; un parc de véhicules de livraison alimentés en énergies entièrement renouvelables; des facteurs qui assurent un service de vigilance auprès des personnes âgées et des personnes à mobilité réduite, les aidant à demeurer dans leur foyer plus longtemps; des bureaux de poste qui deviennent un carrefour en matière d’innovation sociale et d’accès aux technologies numériques, un lieu de mise en commun pour les collectivités où s’établissent des liens entre les consommateurs et les entreprises à vocation écologique; la possibilité d'un service consolidé assurant la dernière portion — dernier kilomètre — du processus de livraison afin de réduire la congestion dans les centres urbains et l’impact environnemental des villes; enfin, et surtout, des services bancaires postaux permettant d'offrir des services financiers inclusifs, en particulier aux populations mal desservies par les banques commerciales, par exemple dans les collectivités rurales et de nombreuses communautés autochtones.
Il a été question de services bancaires postaux à la Chambre dernièrement lorsque nous avons débattu la motion M-166 que j'avais présentée — qui a été défaite — et dans laquelle je demandais qu'un comité se penche sur la mise sur pied d'un système public de services bancaires postaux relevant de Postes Canada. Le moment est tout à fait propice pour faire des investissements dans cette société, tels ceux proposés dans le plan Vers des collectivités durables, qui assureraient la rentabilité de Postes Canada à long terme.
Il faut soutenir pleinement le régime de retraite des travailleurs des postes et régler les questions d'équité salariale soulevées par l'Association canadienne des maîtres de poste et adjoints. Des profits plus grands et une solide source de revenus permettraient au gouvernement de rétablir la livraison du courrier à domicile dans les quartiers où elle a été éliminée par l'ancien gouvernement conservateur, comme les libéraux l'ont promis pendant la campagne électorale. Les libéraux pourraient alors tenir une promesse, contrairement à leur habitude.
Depuis la présentation de ma motion d'initiative parlementaire est paru le rapport intitulé « Une banque postale: une banque pour tous », rédigé par John Anderson pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Le rapport confirme ce que nous savons déjà. Les grandes banques délaissent les zones rurales et urbaines du Canada. Trop de gens n'ont plus accès à une banque ou à une coopérative de crédit. Moins de 10 % des communautés autochtones comptent une succursale bancaire. Privés d'accès aux services bancaires, les résidants des régions rurales doivent faire des heures de route pour avoir accès à leur propre argent ou compter sur le bon vouloir des propriétaires d'entreprises privées qui acceptent d'encaisser des chèques moyennant des frais élevés.
Dans les zones urbaines, les entreprises de prêt sur salaire ciblent les personnes à faible revenu qui n'ont pas les moyens de payer les frais de service des grandes banques. Avoir accès à notre propre argent ne devrait pas être un privilège, mais bien un droit, un droit dont aucun Canadien ne devrait être privé.
Nous savons pour l'avoir constaté dans d'autres secteurs que les services publics sont plus solides et plus économiques. Ils sont de meilleure qualité que les services offerts par des organismes privés. Les profits reviennent à la société d'État afin d'améliorer les services et de rémunérer les travailleurs, au lieu de servir à remplir les poches des administrateurs et des PDG.
Malgré l'appui généralisé de municipalités et de particuliers de tout le pays, tant des régions urbaines que des régions rurales, du Centre canadien de politiques alternatives et de la Fédération nationale des retraités, et malgré les milliers de cartes postales envoyées par des électeurs représentés par 136 députés, qui disaient souhaiter le rétablissement d'un service de banque postale au Canada, la motion M-166 a été rejetée en raison de la vision à courte vue et de l'égocentrisme du gouvernement et de l'opposition officielle, comme il fallait s'y attendre.
Les services bancaires postaux, ainsi que l'ensemble des propositions contenues dans le plan Vers des collectivités durables, servent à appuyer Postes Canada, à investir dans sa main-d'oeuvre et à élargir les services qu'elle offre afin de veiller à ce qu'elle continue d'être rentable pendant de nombreuses années à venir. Il s'agit d'un document produit soigneusement et avec fierté par le STTP et présenté à Postes Canada en guise de proposition de partenariat pour l'avenir. En fait, c'est le meilleur exemple d'union sociale progressiste que j'aie vu depuis longtemps.
Je suis fière du travail que le STTP a accompli en vue de créer un Canada plus inclusif, plus juste et plus égalitaire, un Canada où les services publics sont accessibles, durables et abordables pour tous, sans perdre de vue la crise des changements climatiques. Si seulement le gouvernement et les ministériels, ainsi que les autres députés, se montraient aussi préoccupés et créatifs dans ce dossier que le STTP.
En plus des propositions qu'englobe le plan Vers des collectivités durables, l'Association canadienne des maîtres de poste et adjoints travaille à la mise au point d'une proposition portant sur un système de transport rural offert entièrement par Postes Canada ou en partenariat avec des transporteurs privés, afin de remplacer les services que l'entreprise Greyhound a cessé d'offrir aux collectivités canadiennes à l'ouest de Sudbury, en Ontario. Avec ses bureaux établis dans des localités rurales et urbaines des quatre coins du pays, Postes Canada possède l'infrastructure nécessaire pour assurer la prestation de services publics essentiels comme ceux-là, d'une façon abordable, durable, accessible et intelligente.
L'ACMPA et le STTP ont fait preuve d'un leadership intelligent fondé sur des principes en élaborant les propositions du plan Vers des collectivités durables. Il serait judicieux que la Société canadienne des postes envisage sérieusement d'établir un tel partenariat, car cela aiderait Postes Canada et les Canadiens laissés en rade. Ce partenariat permettrait aux Canadiens qui vivent dans les régions et les localités touchées de maintenir leurs liens, et il contribuerait grandement à l'économie.
Au lieu de cela, nous semblons faire face à une société et à un gouvernement qui ne comprennent pas que nous sommes tous gagnants lorsque des travailleurs sont en mesure d'évoluer dans un milieu de travail sécuritaire et sain.
Avant la transformation postale, les travailleurs des postes arrivaient au travail chaque jour, prêts à livrer le courrier et à le faire avec fierté. Cependant, les exigences croissantes de Postes Canada auxquelles les travailleurs doivent répondre ont eu des effets dévastateurs sur la santé physique, la vie familiale, les ressources financières, le temps et la santé mentale des travailleurs du STTP, des effets entièrement évitables.
Avec sa permission, j'aimerais citer les observations de Dru Oja Jay à propos de ce différend et de la mesure législative dont nous débattons aujourd'hui:
Toute grève qui aboutit suscite tout d'abord la colère des médias, entre autres. Les employés de Postes Canada n'ont pas été épargnés à cet égard.
Ils font la grève pour préserver leur santé et leur sécurité (ils sont sans cesse surchargés de travail et se blessent fréquemment), mais aussi pour le bien du public (ils ont un plan de transformation des services postaux en moteur de transition économique et environnementale). Ils négocient également pour obtenir l'égalité salariale en faveur des facteurs ruraux, qui sont en fait, en majorité, des factrices.
Après avoir laissé traîner les choses pendant des mois, Postes Canada joue ses cartes sous forme d'annonces un peu spéciales relayées dans les manchettes de CBC/Radio-Canada, du genre:
Le syndicat rejette l'offre de trêve et de médiation de Postes Canada.
La grève de Postes Canada est tout simplement en train de nous tuer, déclare la petite entreprise.
Rapidement, un autre type d'annonce a suivi:
Le fédéral s'apprête à légiférer pour mettre fin à la grève de Postes Canada si le conflit n'est pas réglé dans les prochains jours.
C'est le signal on ne peut plus évident que la direction de Postes Canada n'a plus à se soucier de négocier. Pourquoi essayer d'arriver à une entente alors que le fédéral vient juste de promettre de retirer aux travailleurs le droit qui est le leur de déterminer leurs conditions de travail?
Lorsque la propagande devient aussi grossière, lorsque notre premier ministre qui aimait les facteurs se met à aimer le travail forcé, en tant que premier parmi ses pairs, c'est à ce moment-là que l'appui compte le plus.
Je veux dire votre appui. J'espère que tout un chacun réfléchira quelques instants au sort qui attend les facteurs et à l'appui qu'ils demandent. Est arrivé le temps auquel les gens font allusion lorsqu'ils disent « quand le moment viendra ».
Le temps est venu. Je ne présume aucunement que nous serons capables de faire autre chose que d'exprimer notre dégoût et notre tristesse profonde à la vue de ce qui se passe. Les néo-démocrates sont choqués de voir le gouvernement obliger la Chambre d'adopter ce projet de loi antidémocratique.
Je me battrai avec tout mon coeur pour la démocratie, l'équité et le droit des syndicats et des employés de négocier une convention collective équitable avec leur employeur, sans que ce genre de loi leur nuise, car c'est une violation des droits garantis dans la Charte.
Au cas où quelqu'un douterait encore de notre intention, à moi et aux autres députés néo-démocrates, je tiens à dire que nous n'appuierons pas ce projet de loi. C'est une sombre perspective, mais comme le dirige un gouvernement majoritaire, il ne fait aucun doute qu'il exercera le pouvoir qu'il détient avec la même nonchalance qu'il manifeste depuis son arrivée au pouvoir en 2015. Il ne faut pas s'y méprendre: les Canadiens ont élu les libéraux parce qu'ils voulaient se débarrasser de Stephen Harper. Malheureusement, ils n'y sont pas arrivés. Stephen Harper occupe toujours le cabinet du premier ministre.
J'ai hâte de voir le et le gouvernement récolter ce qu'ils sont en train de semer aujourd'hui. Les membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes méritent mieux, de même que tous les autres Canadiens.
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Monsieur le Président, cela ne me fait pas plaisir, malheureusement, de me lever à la Chambre aujourd'hui pour débattre encore une fois ce genre de projet de loi, cette matraque, massue, à l'encontre des droits fondamentaux des travailleurs et des travailleuses.
Je le fais, parce que c'est notre travail et c'est notre rôle. C'est pour cela que le NPD est là et que les gens nous font confiance. Nous sommes capables de nous lever ici et de faire le travail de défendre les gens qui s'organisent et qui veulent améliorer leurs conditions de travail, qui veulent défendre leur santé et leur sécurité. Ils savent très bien que nous sommes le seul parti auquel ils peuvent faire confiance. Quand ils voient les libéraux imiter la stratégie des conservateurs, les gens savent très bien à qui ils peuvent parler. Ils savent qui va se battre jusqu'au bout, qui sera là et qui défendra les droits fondamentaux et les conditions de travail des gens de nos circonscriptions, nos provinces, nos villes et nos régions.
C'est une petite introduction, parce que j'aimerais ramener tout le monde à il y a sept ans et demi. En mai 2011, pour la première fois de l'histoire, le NPD forme l'opposition officielle. C'était un grand jour pour notre formation politique. Avec plusieurs de mes collègues ici, je faisais partie de cette élection, de cette classe, de cette vague orange. Nous avons été jetés dans la bataille très rapidement. Le NPD venait de remporter une victoire historique en devenant l'opposition officielle, mais les conservateurs venaient de remporter une majorité à la Chambre.
Cela voulait dire que pour nous, comme gens de gauche, comme progressistes, la saison des grandes batailles venait de commencer. Il s'agissait de batailles pour les services publics, pour la science, pour une image du Canada à l'échelle internationale qui soit respectueuse, pour l'environnement, pour les minorités dans le pays, pour Statistique Canada, bref une bataille pour un paquet de choses. Nous avons été là. Nous avons travaillé avec rigueur, passion et dévouement, et je pense que les gens s'en souviennent.
La première grande bataille que nous avons dû livrer était pour les travailleurs et les travailleuses de Postes Canada. Rappelons-nous: nous étions dans une situation absurde où le gouvernement avait imposé une loi spéciale forçant le retour au travail, alors qu'il y avait un lockout. Une société d'État avait elle-même arrêté le travail, soit la livraison du courrier, et c'est le gouvernement qui forçait le retour au travail en imposant la convention collective aux 45 000 travailleurs et travailleuses des postes.
Nous ne nous sommes pas laissés faire. Nous avons montré de quel bois nous nous chauffions comme néo-démocrates et progressistes. Nous avons fait une manoeuvre sans précédent pour ralentir l'adoption de cette loi spéciale et donner une chance à la négociation pour le bien-être des travailleurs et des travailleuses des postes.
Je me rappelle bien que notre chef à l'époque, Jack Layton, avait livré un discours de plus d'une heure à la Chambre au début de cette longue bataille qui a duré quatre jours. Jack Layton avait livré un grand discours en faveur des travailleurs, des ouvriers et d'une société plus juste et équitable où les gens étaient capables de faire valoir leurs droits pour améliorer leurs conditions de vie. J'invite ceux qui n'ont pas vu ou entendu ce discours à le retrouver. Il est disponible sur Internet. C'est extrêmement inspirant, surtout venant de la part d'un homme qui, à ce moment, était gravement malade.
Par la suite, pendant quatre jours, les députés du NPD, tous les petits nouveaux, comme mon collègue de qui sourit en y repensant, nous avons parlé sans arrêt. Nous avons maintenu notre présence à la Chambre jour et nuit pendant quatre jours, alors que la grande majorité du NPD était formée de nouveaux députés. Cela faisait à peu près trois semaines que nous étions élus, mais la cause était importante, et nous voulions passer le message et montrer exactement où nous nous situions comme progressistes et néo-démocrates. Nous n'avons pas hésité. Nous avons foncé comme équipe du NPD.
Nous avons donné la chance aux travailleurs et aux travailleuses des postes et à leur syndicat de retourner à la table de négociation pour tenter de s'entendre. En fait, les négociations se poursuivaient pendant qu'à la Chambre, nous faisions notre travail de parlementaire.
Il y a une petite anecdote que j'aime raconter et qui fait référence à une expression française. Comme nous avions commencé cette bataille un jeudi et que nous avions poursuivi les travaux sans arrêt, sans que la Chambre ne soit ajournée, du vendredi jusqu'au dimanche à midi, la table des greffiers indiquait que nous étions toujours officiellement jeudi. Nous n'avions jamais changé de journée. Alors, francophones et francophiles, dites-vous que j'étais bien amusé de voir que nous avions réalisé la semaine des quatre jeudis une fois dans l'histoire.
Toutefois, ce n'est pas cela qui était important. Il s'agissait plutôt de défendre des principes fondamentaux. Aujourd'hui, sept ans et demi plus tard, c'est back to the future. J'ai l'impression d'avoir pris la voiture du scientifique fou dans Retour vers le futur et de voir exactement le même film. Si ce n'est pas Retour vers le futur, c'est Le jour de la marmotte. C'est la même chose.
Les libéraux font exactement la même chose que les conservateurs de Stephen Harper. Je trouve cela ahurissant qu'ils soient capables, aujourd'hui, de nous regarder en pleine face, ainsi que les travailleurs et les travailleuses des postes, et de dire qu'ils ne font pas comme les conservateurs et que c'est correct parce que cette fois, ce sont les libéraux qui le font. On n'est pas du tout dans la même situation; la situation est bien moins mauvaise.
Je veux parler maintenant de la réalité sur le terrain et des conditions de travail des 45 000 ou 50 000 personnes qui livrent le courrier et les colis partout à travers le pays. Je veux parler des conditions de travail de ces gens, qui gagnent en moyenne entre 40 000 $ et 60 000 $ par année, qui donnent un excellent service et qui ne sont pas des privilégiés. Ce sont des gens qui ont un travail exigeant et qui font précisément partie de ce qu'on considère comme la classe moyenne. Cela devrait rappeler quelque chose au gouvernement libéral, la classe moyenne.
Ces gens souffrent depuis des années parce que leur convention collective est insuffisante et n'est pas adaptée. Je parle particulièrement des horaires de travail, qui sont très chargés. On a changé leurs conditions de travail et ils sont obligés de travailler beaucoup plus longtemps, jusqu'à tard le soir. Dans Rosemont—La Petite-Patrie et dans d'autres quartiers de Montréal, les escaliers sont à l'extérieur. Après 17 heures, l'hiver, il fait noir. Des facteurs et factrices sont obligés de monter des escaliers à l'extérieur, dans la neige et dans la glace, avec une petite lampe dans le front pour essayer de voir si la marche est sécuritaire et s'il n'y a pas trop de glace ou de neige. Cela cause des accidents de travail qui ont des conséquences sur la vie des gens.
Voici des statistiques que je trouve très révélatrices: depuis deux ans seulement, le nombre d'accidents de travail déclarés par les employés de Postes Canada a augmenté de 43 %. Ces gens ont-ils raison de demander mieux? Oui, et nous les comprenons. C'est normal qu'ils le fassent. C'est ainsi que nous avons organisé notre société pour améliorer notre qualité de vie et nous assurer de travailler dans un milieu sécuritaire.
En 2017, 25 % des employés de Postes Canada ont déclaré un accident de travail. C'est un travailleur sur quatre, du jamais-vu. C'est le secteur d'emploi de compétence fédérale le plus dangereux pour la santé et la sécurité des gens. Est-ce normal que ces gens, exaspérés, blessés, frustrés, exercent des moyens de pression? Bien sûr, c'est absolument normal. Nous ferions tous la même chose. Nous n'accepterions pas ces conditions de travail.
Je me souviens qu'en 2012 ou en 2013, je manifestais avec des travailleurs et des travailleuses de Postes Canada, et d'anciens employés étaient venus manifester avec leurs anciens collègues. J'en ai rencontré un et je lui ai demandé comment il allait. Il m'a répondu qu'il avait changé d'emploi. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu qu'il en avait eu assez. Il disait qu'il n'était plus à la maison et qu'il ne voyait plus sa conjointe ni ses enfants. La conciliation travail-famille était épouvantable.
Ce facteur a donc décidé de devenir chauffeur de taxi, parce que c'était trop difficile pour lui de continuer à faire son travail. Cela exigeait trop sur le plan de sa vie personnelle et familiale. C'est cela, la réalité sur le terrain.
Je vais maintenant parler brièvement des factrices rurales. Elles relèvent d'une autre organisation syndicale, mais elles luttent auprès de leurs collègues qui relèvent du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Soixante-quinze pour cent des femmes ne gagnent pas le même salaire que les facteurs urbains. Cela est un important problème. Il y a un problème sur les plans de l'équité et de la justice, mais les libéraux l'ignorent, encore une fois. Pire encore, elles ne sont même pas payées pour les heures supplémentaires qu'elles font. Après un certain temps dans la journée, si elles n'ont pas livré tout ce qu'elles devaient livrer, elles deviennent bénévoles. C'est cela, la réalité.
Je pense que ces femmes ont raison de se tenir debout et de dire qu'elles vont exercer des moyens de pression, que cela n'a pas d'allure, que ce n'est pas un milieu de travail respectueux et qu'elles méritent mieux.
En ce moment, ces travailleurs et ces travailleuses exercent un droit constitutionnel. De plus, ils ont décidé d'y aller de manière progressive. Ils ne sont pas en grève générale illimitée. Ce sont des grèves tournantes, qui touchent une municipalité ou quelques municipalités pendant une journée ou deux. Ensuite, la grève a lieu ailleurs au pays.
Ils n'ont pas décidé de prendre la massue et de taper du plus fort qu'ils pouvaient. Non, ils ont décidé d'augmenter la pression de manière progressive, et cela ne crée aucune perturbation majeure en ce moment, ni pour notre économie, ni pour nos PME, ni pour la société en général.
Comprenons-nous bien: bien que l'on essaie de nous faire croire qu'il y a une crise, cette dernière est une crise artificielle, conçue et fabriquée de toute pièce pour essayer de faire adopter une législation qui, autrement, n'aurait aucun bon sens et aucune raison d'être.
Une foule de gens reçoivent leurs lettres et leurs colis. Lorsque les gens font des achats en ligne, ils reçoivent leurs produits.
Est-ce parfois un peu plus long qu'avant? Oui, ce l'est.
Est-ce une question de crise nationale ou de crise économique? Ce n'est rien de cela. C'est un prétexte qui a été utilisé pour faire entrer dans la gorge des travailleurs et des travailleuses une convention collective qui ne respecte pas leurs droits. C'est cela, le problème.
Si on comprend un tant soit peu les relations de travail, on sait très bien que la menace d'une loi spéciale de retour au travail vient briser l'équilibre à la table des négociations. C'est ce que les libéraux ont fait. On enlève aux travailleurs le pouvoir d'exercer de la pression sur leur employeur. À partir du moment où le gouvernement libéral laisse entendre qu'il peut imposer une loi spéciale, tout ce que le patron a à faire, c'est de s'asseoir les bras croisés et d'attendre que la situation pourrisse assez pour qu'il y ait la loi spéciale et que, en contrepartie, l'organisation syndicale n'ait plus aucun rapport de force.
Après cela, qu'on essaie d'améliorer la santé et la sécurité, d'améliorer les horaires de travail, d'obtenir l'équité salariale. C'est bien beau de voir que cela fait partie du projet de loi du gouvernement libéral, mais cela ne sera jamais appliqué.
Je ne sais pas dans quel univers vivent les libéraux pour penser que, parce que c'est écrit dans leur projet de loi, Postes Canada va soudainement donner tout cela aux travailleurs et aux travailleuses. Elle ne l'a pas fait dans les 10 ou 20 dernières années. Elle ne va pas le faire maintenant. Ce n'est tout simplement pas ainsi que cela fonctionne.
En 2011-2012, les libéraux formaient le deuxième parti de l'opposition — en ce moment, c'est le NPD. Ils avaient déchiré leur chemise en disant que ce que le gouvernement conservateur faisait n'avait aucun bon sens. Encore une fois, ils font un copier-coller de ce qu'ont fait les conservateurs. Ils montrent aujourd'hui leur vrai visage. Ils s'attaquent à un droit fondamental, soit le droit à la libre négociation. Je pense que c'est très important de le répéter, parce que les libéraux devraient avoir honte de ce qu'ils font. Ils s'attaquent à 45 000 personnes, ils s'attaquent à un service public et ils s'attaquent à des gens de la classe moyenne et à des familles. Ces gens ont un droit constitutionnel, reconnu par la cour, de faire ce qu'ils font en ce moment, et ils le font de manière extrêmement respectueuse et paisible. Qui plus est, non seulement ce sont des moyens de pression limités et rotatifs, mais les chèques importants comme ceux de la pension de vieillesse, de l'aide sociale et de l'assurance-emploi sont toujours livrés à temps.
Les facteurs et les factrices sont tellement respectueux des gens de notre société qui sont dans le besoin qu'en 2011, pendant le lockout, ils livraient ces chèques bénévolement. C'est de ces gens qu'on parle. Ces gens ont du coeur au ventre et ils sont appréciés dans leurs communautés. Ils sont respectueux, mais ils demandent une chose: que Postes Canada et le gouvernement fédéral les respectent. Actuellement, ils se sentent trahis par le gouvernement libéral, qui leur avait fait de belles promesses et qui, aujourd'hui, leur plante un couteau dans le dos. C'est ce qui va se passer.
Au sujet du processus, ce qui est le plus important, c'est de parler de ces gens, de leurs familles, des droits des travailleurs et de la libre négociation. C'est cela l'enjeu. Cependant, je ne peux passer sous silence le coup de Jarnac que le gouvernement libéral vient de nous faire avec sa motion qui limite plus que jamais notre capacité d'agir en tant que parlementaires. Même Stephen Harper n'a pas osé aller aussi loin dans sa capacité de bâillonner les députés de la Chambre. C'est absolument incroyable.
On parle d'une attaque injustifiée contre un droit fondamental. De plus, on limite les discussions et les débats à trois heures. En troisième lecture, les députés de l'opposition n'auront même pas le droit de poser des questions, alors que nous sommes les élus, en cette enceinte, qui représentent les citoyens et les citoyennes. C'est un super bâillon que les libéraux viennent de nous imposer.
Je ne me plains pas pour moi ou pour nous comme parlementaires, car ce n'est pas l'essentiel. Toutefois, cela démontre l'insensibilité du gouvernement libéral à l'égard de cette question.
En 2011, le député libéral de Scarborough—Guildwood avait même dit qu'on faisait face à un gouvernement qui prenait des mesures d'extrême droite. La loi qui forçait le retour au travail des employés de Postes Canada, pour le Parti libéral, en 2011, était une mesure d'extrême droite. Aujourd'hui, les libéraux font la même chose, mais comme ce sont eux qui le font, c'est correct. Cela doit être une loi de retour au travail progressiste! Cela doit être une attaque progressiste contre les travailleurs! C'est facile, vu qu'ils sont les libéraux, ils n'ont qu'à mettre l'autocollant « progressiste » là-dessus pour que cela passe. Non, c'est absolument inacceptable.
Au NPD, nous allons dénoncer cela avec toute la force et toute la vigueur dont nous disposons, car le droit à la libre négociation est primordial dans notre société. Pourquoi? C'est parce que je suis profondément convaincu, comme plusieurs de mes collègues, que, si on a des gens qui gagnent 50 000 $ par année et qui ont un fonds de pension, des assurances, des congés de maladie et des fins de semaine, c'est parce qu'on a un mouvement syndical et la libre négociation. La classe moyenne a été créée en grande partie par le mouvement syndical. C'est parce que des gens se sont levés et se sont battus pour leur santé et leur sécurité, pour leur retraite et pour leurs horaires de travail qu'on a une société plus prospère, plus juste et plus équitable. Les libéraux devraient le savoir.
Le gouvernement libéral devrait savoir qu'en s'attaquant à la libre négociation, on s'attaque à la classe moyenne, on pousse les conditions de travail vers le bas et on donne le mauvais exemple. On fait en sorte que les choses risquent de se détériorer. Postes Canada est un employeur qui prend parfois des décisions extrêmement dommageables pour la santé physique ou psychologique de ses employés. Là, le gouvernement libéral vient de mettre tout son poids dans la balance en faveur des patrons de Postes Canada et au détriment des travailleurs et des travailleuses.
Je vais donner un exemple qu'un député du Manitoba m'a donné lors d'un débat et qui m'a abasourdi. Depuis le début des moyens de pression et des grèves rotatives, Postes Canada a suspendu le paiement des prestations d'invalidité à courte durée et des prestations complémentaires de congé parental des membres du Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes. Cela a causé de la détresse physique et psychologique. On punit les gens parce qu'ils exercent un droit, parce qu'ils veulent se défendre, parce qu'ils se tiennent debout pour améliorer leurs conditions de travail. Toutefois, ces gens vont savoir qu'à la Chambre, ils ont un allié: le NPD. Ils ne peuvent pas faire confiance aux conservateurs, et ils viennent d'apprendre qu'ils ne peuvent pas faire confiance au gouvernement libéral non plus.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, le vendredi 23 novembre, c'est le « vendredi noir », une expression anglaise consacrée par le secteur commercial pour inciter les gens à faire leurs emplettes, à acheter les cadeaux, en vue du temps des fêtes. Plusieurs grandes bannières annoncent des spéciaux monstres. On incite de plus en plus les gens à commander en ligne et à se faire livrer à domicile leurs colis, leurs marchandises, leurs bebelles pour les Fêtes, entre autres au moyen des services de Postes Canada. C'est donc une journée d'activités importante pour les travailleurs et les travailleuses de Postes Canada.
Aujourd'hui, au moyen de la motion qui est discutée depuis hier et du projet de loi qui va être adopté sous bâillon, le gouvernement libéral donne un nouveau sens à l'expression « vendredi noir ». Il ne fait pas soleil aujourd'hui, et surtout pas pour nos travailleurs et nos travailleuses des postes.
Le gouvernement force aujourd'hui l'adoption d'une loi spéciale contre les travailleurs et les travailleuses de Postes Canada. Il force son adoption sous un bâillon. Il s'agit du même gouvernement qui passe son temps à se vanter de ses accords commerciaux progressistes qui sont censés protéger le droit de négociation collective.
Le gouvernement se vire de bord, dépose une loi spéciale, suspend les règles et enlève tout pouvoir de négociation aux travailleurs. Il est le spécialiste incontesté de la fourberie. Il dit une chose tout en faisant exactement le contraire. C'est vrai pour la lutte contre les changements climatiques, pour la lutte contre les paradis fiscaux, pour la défense de nos agriculteurs, pour les demandes du Québec, et c'est encore une fois le cas aujourd'hui relativement au respect des droits des travailleurs et des travailleuses. Toutefois, nous ne sommes pas dupes de ces fourberies. Le gouvernement s'apprête à retirer le droit de grève aux travailleurs des postes avant même qu'ils ne l'aient utilisé.
Il ne faut pas se tromper: les grèves tournantes actuelles ne constituent pas une grève générale et ne sont qu'un moyen de pression avant de recourir à la grève générale.
Le droit de grève est un droit inscrit dans le droit du travail. Ce droit a été reconnu par la Cour suprême. Dans le jugement relatif à l'affaire B.C. Health Services, la Cour Suprême a reconnu le caractère constitutionnel du droit à la négociation collective en précisant que l'alinéa 2d) empêchait l'État d'entraver de façon substantielle la possibilité pour un syndicat de participer au processus de négociation afin d'ainsi exercer une influence sur la détermination des conditions de travail.
Dans le jugement Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, la Cour suprême a même consacré la constitutionnalisation du droit de grève « en raison de sa fonction cruciale dans le cadre d'un processus véritable de négociation collective ». La juge Abella y écrit: « Le droit de grève n'est pas seulement dérivé de la négociation collective, il en constitue une composante indispensable. Le temps me paraît venu de le consacrer constitutionnellement. » Elle dit que c'est une composante indispensable de la négociation collective. Ce n'est pas rien. Par sa loi spéciale sous bâillon, le gouvernement vient aujourd'hui balayer de la main tout le processus de la négociation des conditions de travail. Voilà d'où vient la comparaison au « vendredi noir ».
Selon le professeur de droit à l'Université de Montréal, M. Pierre Trudel, ce droit de grève est le « minimum irréductible ». Je cite sa réaction au jugement de la Cour suprême:
La faculté des travailleurs de cesser collectivement le travail pendant la négociation d'une convention collective constitue donc — et a toujours constitué — le « minimum irréductible » de la liberté d'association dans les relations de travail au Canada. La liberté d'association garantie par la Charte canadienne des droits et libertés n'aurait pas d'effet significatif si elle ne protégeait pas le droit des salariés de faire la grève.
Le Canada s'est doté d'un tribunal, d'une charte et d'une constitution que son gouvernement n'est même pas capable de respecter. Quel mépris envers les droits fondamentaux de nos travailleurs et de nos travailleuses. Quelle journée déplorable, aujourd'hui, sur le plan de leurs droits.
M. Trudel écrit aussi que: « La Cour ajoute que les conventions internationales auxquelles le Canada à adhéré en matière de droits de la personne commandent également la protection du droit de grève en tant qu'élément d'un processus véritable de négociation collective. »
Le gouvernement fédéral n'hésite donc pas à renier ses propres engagements internationaux, quand cela fait son affaire. Quelle est la valeur des engagements du fédéral? On peut ici en estimer correctement la valeur.
D'une part, le plus haut tribunal du pays reconnaît l'importance du droit de grève pour les travailleurs. De plus, le Canada adhère aux conventions de l'Organisation internationale du travail qui reconnaît aussi le caractère fondamental de ce droit. D'autre part, le gouvernement libéral vient supprimer ce droit par une loi spéciale adoptée sous bâillon, tout en se disant être du côté des travailleurs et en se définissant comme progressiste. De toute évidence, on constate ici la parfaite adéquation entre la parole et les actes; progressiste, mon oeil.
Dans un article du McGill Law Journal, les juristes Renée-Claude Drouin et Gilles Trudeau se penchent sur les enjeux institutionnels et constitutionnels des lois spéciales de retour au travail. On y apprend que, depuis 1990, Ottawa a adopté pas moins de 14 lois spéciales de retour au travail, en incluant celle d'aujourd'hui. Cela fait une moyenne d'une loi spéciale contre nos travailleuses et travailleurs tous les deux ans. Celle-ci en est la quatrième pour les travailleurs des postes. Cela veut donc dire que ces travailleurs se seront fait imposer leurs conditions de travail une fois sur deux, donc la moitié du temps. Quel mépris de la part du gouvernement.
Pour Ottawa, les lois spéciales qui viennent retirer les droits des travailleurs sont devenues plus la norme que l'exception. Drouin et Trudeau, qui enseignent tous deux le droit à l'Université de Montréal, écrivent que « [c]ette situation est pernicieuse, car non seulement elle enlève de facto le droit de grève à certaines catégories de salariés, mais elle peut également mener à transformer ce qui devrait être une situation exceptionnelle en solution permanente. » C'est ce qu'on voit aujourd'hui.
On le sait, dans le monde du travail, le rapport de force entre la direction et les travailleurs tient au droit de pouvoir exercer ce recours ultime. C'est avec ce rapport de force que chaque partie fait des concessions afin d'arriver à des conditions de travail négociées. Quand il y a un lockout ou une grève, les deux parties y perdent, ce qui met de la pression pour qu'il y ait un rapport de force qui oblige chaque partie à s'asseoir à la table, à négocier et à arriver à une convention, soit un compromis de la part de chaque partie. Or, la menace d'une loi spéciale vient miner ce rapport de force et envoie le message à la direction qu'elle n'a plus besoin de négocier de bonne foi. Cela vient détruire tout le processus de négociation entre le patronat et le syndicat. C'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui.
Comme la direction savait que le gouvernement arriverait à cela, pourquoi se serait-elle forcée à faire un sérieux travail de négociation où chaque partie laisse tomber de ses conditions pour arriver à un compromis? Pourquoi aurait-elle fait cela en sachant que le gouvernement allait jouer la carte qui lui donnerait l'avantage? Bien sûr, les grèves tournantes — et une éventuelle grève générale avant les Fêtes — ont une incidence sérieuse sur l'activité économique, surtout pour les commandes en ligne chez Amazon, eBay, Walmart et Best Buy. Personne ne nie cela. L'impact économique n'est en aucun cas un argument pour brimer le droit de grève ou pour qualifier un service comme étant essentiel et venir retirer ce droit de grève.
À ce sujet, le Comité de la liberté syndicale, l'organe de l'Organisation internationale du travail qui interprète les conventions sur le plan des libertés, affirme:
Le fait d'établir un lien entre les restrictions aux actions revendicatives et l'entrave aux échanges et au commerce permet de porter atteinte à une large gamme d'actions légitimes. Certes, l'impact économique des actions revendicatives et leurs effets sur les échanges et le commerce sont regrettables; cependant, ils ne suffisent pas à rendre le service « essentiel » et le droit de grève devrait être maintenu.
Le Canada a signé cela, mais il ne le respecte pas. C'est un langage assez difficile à comprendre comme cela, à l'oral. C'est assez technique, c'est du langage juridique, mais le message est clair: même s'il y a un impact économique au droit de grève, ce droit doit être maintenu. C'est une convention internationale.
Faire adopter une loi de retour au travail est déplorable, mais il est question de faire adopter une loi de retour au travail avant même que le droit de grève ait été utilisé. Je rappelle que les travailleurs des postes ne sont toujours pas entrés en grève. Les grèves tournantes constituent un moyen de pression avant la grève générale, comme plein d'autres moyens de pression. Faire adopter une telle mesure à ce moment-ci des négociations est tout simplement rétrograde, et cela affiche un mépris total à l'égard des travailleuses et des travailleurs et de leurs droits. Je suis profondément indigné de cette attitude.
C'est celle d'un gouvernement qui veut se donner un style décontracté et progressiste. Combien de fois le ministre a-t-il dit et répété qu'après tout, on était en 2018, on était en 2017 ou en 2016, laissant entendre qu'il était temps qu'on soit décontracté et progressiste. Progressiste, mon oeil! On n'est certainement pas en 2018 en ce qui concerne les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs. On est plutôt 100 ans en arrière.
Les juristes Drouin et Trudeau se réfèrent aussi au jugement de la Cour suprême dans l'affaire S.D.G.M.R., section locale 558 c. Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd. pour rappeler que notre société a choisi d'accepter les répercussions économiques négatives des conflits de travail pour maintenir une cohésion sociale. Oui, il y a des répercussions économiques négatives, mais il y a un objectif plus important que cela, celui de maintenir la cohésion sociale. On ne veut pas revenir 100 ou 200 ans en arrière pour ce qui est des conflits de travail. Tout le monde y perdait.
Je cite le jugement de la Cour suprême:
Les conflits de travail peuvent toucher des secteurs importants de l’économie et avoir des répercussions sur des villes, des régions et, parfois, sur le pays tout entier. Il peut en résulter des coûts importants pour les parties et le public. Néanmoins, notre société en est venue à reconnaître que ces coûts sont justifiés eu égard à l’objectif supérieur de la résolution des conflits de travail et du maintien de la paix économique et sociale. Désormais, elle accepte aussi que l’exercice de pressions économiques, dans les limites autorisées par la loi, et l’infliction d’un préjudice économique lors d’un conflit de travail représentent le prix d’un système qui encourage les parties à résoudre leurs différends d’une manière acceptable pour chacune d’elles
C'est le contraire de ce que ce gouvernement adopte sous bâillon aujourd'hui. Aujourd'hui, ce gouvernement choisit de sacrifier cet objectif supérieur de paix économique et sociale pour y préférer les gains économiques avant Noël pour la livraison des colis d'Amazon, d'eBay, de Walmart et de Best Buy. Peu importe ce que dit la Cour, Jingle bells, jingle bells, on veut nos bebelles. Pour cela on retire les droits des travailleurs. Bravo, les libéraux! Cela s'appelle avoir le sens de l'État.
Puisqu'il est question d'État, je souligne que, Postes Canada étant une société d'État, on nage ici en plein conflit d'intérêts. Aujourd'hui, l'État législateur bafoue les droits des travailleurs pour favoriser l'État employeur. C'est tout simplement inacceptable. Quel conflit d'intérêts!
Chez Postes Canada, les profits sont au rendez-vous. En 2017, le Groupe d'entreprises de Postes Canada a enregistré des profits de 144 millions de dollars. C'est 80 % de plus que l'année précédente. Le Groupe d'entreprises de Postes Canada comprend Postes Canada, Purolator, le Groupe SCI et Innovaposte. La filiale Postes Canada, à elle seule, a comptabilisé des profits avant impôt de 74 millions de dollars. Elle n'est pas en faillite.
Dans ce contexte, il serait tout à fait légitime que les travailleuses et les travailleurs de Postes Canada fassent un certain rattrapage et obtiennent une amélioration de leurs conditions. Je rappelle que, la moitié du temps au cours des 30 dernières années, les travailleuses et les travailleurs ont eu des conditions imposées plutôt que négociées. Le projet de loi d'aujourd'hui retire aux travailleuses et aux travailleurs leur droit à la négociation dans quatre conventions collectives.
À notre avis, l'amélioration à leurs conditions qu'ils demandent est tout à fait légitime. Il s'agit de la sécurité d'emploi dans une situation où le tiers des travailleurs occupent un poste à temps partiel ou temporaire. Qu'on leur donne un poste permanent. Il s'agit de l'élimination des heures supplémentaires obligatoires et de la surcharge de travail. La direction n'a qu'à embaucher plus de gens pour répondre à la hausse du tiers de la livraison des colis. Le nombre de colis augmente et au lieu d'engager plus d'employés, Postes Canada oblige les heures supplémentaires. C'est ridicule.
Il s'agit aussi de meilleures mesures en santé et sécurité. Le nombre d'accidents de travail a augmenté de 43 % au cours des deux dernières années. C'est directement lié à la hausse du nombre de colis livrés.
Le syndicat rappelle qu'aujourd'hui, le taux de blessures invalidantes chez les facteurs et les factrices est 5,4 fois plus élevé que dans les autres secteurs de compétence fédérale. Il serait temps de corriger la situation. Il me semble qu'une convention collective librement négociée aurait permis cela, mais non, l'État législateur favorise l'État employeur.
On parle aussi de l'égalité entre les conditions de travail des facteurs et des factrices en zone rurale, ou suburbaine, c'est-à-dire dans les banlieues, et celles de leurs collègues en zone urbaine. C'est un autre enjeu important qui est lié à l'équité salariale. En effet, les factrices représentent les deux tiers du premier groupe, mais elles gagnent environ 25 % moins d'argent que le groupe des facteurs en milieu urbain, composé à 70 % d'hommes. Voilà un autre bel exemple de l'équité salariale prônée par ce grand gouvernement progressiste! Quelle adéquation entre ses paroles et ses gestes! J'ai honte pour les libéraux.
Le Bloc québécois soutient les travailleuses et les travailleurs des postes dans leurs revendications. Le Bloc québécois soutient leur droit fondamental à une libre négociation de leurs conditions de travail. Ici, nous avons toujours été du côté des travailleuses et des travailleurs, et nous continuerons de l'être. Nous n'allons pas seulement essayer d'aller chercher des votes pour ensuite les trahir, comme le fait ce gouvernement.
Le Bloc québécois dénonce l'adoption sous bâillon de cette loi spéciale qui vient retirer le droit des travailleurs à une convention négociée avant même que ceux-ci aient commencé leur grève légale. Le droit du travail incarne le cadre légal où les parties peuvent exprimer leur rapport de force de façon légitime et légale. Le non-respect du droit des travailleuses et des travailleurs revient à bafouer une institution fondamentale qui permet d'assurer la paix sociale et économique. C'est cela dont il est question aujourd'hui.
Le choix du gouvernement d'adopter cette loi sous bâillon pour s'avantager lui-même dans le rapport de force vient encore une fois saper les fondements mêmes de notre société. C'est une situation que nous dénonçons sans réserve. Quelle façon de faire, quel mépris pour notre monde! J'ai honte d'être à la Chambre aujourd'hui et de voir un gouvernement agir de la sorte.
Le vendredi noir n'aura plus la signification des aubaines dans les magasins à grande surface et des bébelles envoyées par la poste; ce sera un jour de honte pour ce gouvernement qui bafoue les droits fondamentaux de nos travailleuses et de nos travailleurs.
Quelle honte!