propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Monsieur le Président, c'est avec humilité que je me lève pour la première fois en tant que ministre de la Justice et procureur général du Canada.
Je remercie le très honorable premier ministre de la confiance qu’il a exprimée à mon égard. Je remercie aussi mes concitoyens de LaSalle—Émard—Verdun de leur appui constant. J’aimerais aussi remercier le , ainsi que la de leur encadrement. Je remercie également leurs équipes.
[Traduction]
Je profite également de l'occasion pour féliciter ma prédécesseure de son travail. Sa nomination avait un caractère historique et son mandat a été marqué par l'adoption d'un grand nombre de mesures législatives très importantes. Je la remercie de sa contribution.
Je remercie également le président et les membres du comité ainsi que les témoins qui ont exprimé leur opinion et fait des recommandations au sujet du projet de loi , et qui l'ont appuyé. Je tiens à souligner que les ministres responsables du portefeuille de la justice et de la sécurité publique, aux niveaux fédéral, provincial et territorial, ont récemment donné leur appui au projet de loi C-78.
Enfin, je me dois de souligner l'appui constant de mon secrétaire parlementaire, le très compétent député de .
[Français]
Les besoins des familles vivant une séparation ou un divorce ont profondément changé au cours des dernières décennies. Les lois fédérales en matière familiale sont aujourd’hui désuètes et ne répondent pas aux besoins de ces familles. C’est pour cette raison que nous sommes fiers de proposer les premiers changements significatifs à ces lois en plus de 20 ans.
Le projet de loi modernisera les lois fédérales en matière familiale et améliorera le système de justice familiale, notamment en encourageant l’utilisation des méthodes alternatives de résolution de conflits et en s’assurant que l’intérêt supérieur de l’enfant est au cœur de toutes les décisions qui le concernent.
[Traduction]
L’intérêt de l’enfant est un principe fondamental du droit de la famille qu’il faut renforcer pour que le soutien et la protection des enfants soient toujours prioritaires. Le projet de loi inscrit dans la loi l’intérêt de l’enfant comme étant le seul facteur à prendre en considération en prenant des décisions quant aux ententes parentales.
En ce sens, le projet de loi prévoit une considération première selon laquelle le bien-être et à la sécurité physique, psychologique et affective de l’enfant auront préséance sur tout. Les tribunaux devront évaluer chaque critère de l’intérêt de l’enfant à la lumière de cette considération première.
Les changements proposés reconnaissent aussi l’importance de la voix de l’enfant dans les procédures de justice familiale. Le projet de loi propose des mesures concrètes pour promouvoir l’intérêt de l’enfant dans les situations où les enfants sont les plus vulnérables. Le projet de loi prévoit des critères pour déterminer ce qui est dans l’intérêt de l’enfant ainsi que d’importantes considérations et exceptions dans les cas de violence familiale.
Grâce aux témoins entendus par le comité, le projet de loi a été amendé afin que, dans certains cas de violence familiale, on puisse présenter une demande pour modifier une entente parentale ou déménager sans préavis à toute autre partie, ce qui procurera une protection accrue aux enfants et aux familles qui fuient ces situations.
Des témoins ont parlé de la présomption en faveur de la garde conjointe et de la responsabilité parentale partagée à égalité en vertu de la Loi sur le divorce. Si certains y étaient favorables, la plupart s'y opposaient farouchement. L'instauration d'une telle présomption aurait été à l'encontre de l'engagement que nous avons pris de protéger dans tous les cas l'intérêt supérieur de l'enfant. Étant donné le caractère unique de chaque enfant et de chaque famille, les tribunaux doivent avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour adapter les ordonnances parentales aux besoins particuliers de chaque enfant.
Cela ne nous empêche pas de reconnaître le rôle important que jouent les deux parents dans la vie de l'enfant. Le projet de loi reflète la réalité sociale selon laquelle il importe de façon générale que les enfants ait un lien avec les deux parents après le divorce. Ainsi, le projet de loi exige des tribunaux qu'ils appliquent le principe du « maximum de temps parental », selon lequel un enfant devrait, dans son intérêt, passer le plus de temps possible avec chacun des parents.
Des témoins ont dit craindre que ce principe soit mal interprété en pensant que le partage égal du temps entre les deux parents est le fondement de toute ordonnance parentale. Le projet de loi a donc été amendé pour préciser que ce principe est toujours fonction de l'intérêt de l'enfant.
[Français]
J’aimerais discuter d’un autre élément important qui a fait l’objet de nombreuses discussions au cours des dernières années, soit la reconnaissance des droits linguistiques dans la Loi sur le divorce.
Après avoir entendu des témoins sur ce sujet, incluant la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law et l’Association du Barreau canadien, on a modifié le projet de loi afin de permettre aux parties d’utiliser l’une ou l’autre des langues officielles dans toutes les procédures de première instance qui se déroulent en vertu de la Loi sur le divorce.
Les parties auront donc des droits linguistiques identiques à ceux prévus en matière pénale à la partie XVII du Code criminel. Cela veut dire que toute personne pourra témoigner et soumettre des éléments de preuve dans la langue officielle de son choix. Les parties pourront également être entendues par un juge qui s’exprime dans leur langue et pourront obtenir tout jugement ou toute ordonnance dans la langue officielle de leur choix.
Cette importante modification améliorera l’accessibilité au système de justice familiale et permettra l’épanouissement des communautés linguistiques en situation minoritaire.
J’aimerais remercier mes collègues du caucus de leur important travail sur ce sujet, en particulier le député de et la députée d’.
[Traduction]
Le gouvernement a fait croître la classe moyenne et a aidé ceux qui travaillent fort pour en faire partie. Le projet de loi complète ces efforts en apportant d'importantes contributions à la lutte contre la pauvreté des enfants.
L'éclatement de la famille entraîne souvent de graves difficultés financières. Dans certaines familles, le divorce peut amener à la pauvreté, un risque particulièrement grand pour les familles monoparentales, qui sont le plus souvent dirigées par des femmes. Le projet de loi renforce les outils fédéraux d'exécution des obligations alimentaires, tels que la divulgation des renseignements sur le revenu, pour garantir des montants d'aide justes et exacts.
[Français]
Le projet de loi prévoit des obligations pour les parents qui divorcent, afin de protéger les enfants, de promouvoir leur intérêt supérieur et de faciliter le règlement à l’amiable des différends en matière familiale.
Les parents auront désormais l’obligation d’exercer leurs responsabilités décisionnelles d’une manière compatible avec l’intérêt de l’enfant ainsi que de protéger les enfants contre les conflits. Ces obligations devraient déjà avoir été adoptées par les parents en situation de divorce. Cependant, le fait de rendre cette règle explicite rappellera aux parties quelles sont leurs obligations en vertu de la Loi sur le divorce.
Pour favoriser l’accès à la justice des Canadiennes et des Canadiens, le ministère de la Justice préparera divers documents qui informeront le public des changements proposés par le projet de loi et qui guideront les familles durant leur processus de divorce.
Ces propos m’amènent maintenant à parler d’un autre objectif important, c’est-à-dire l’efficacité et l’accessibilité du système de justice familiale.
En conclusion, le projet de loi démontre notre engagement à renforcer le système de justice familiale. Ce projet de loi vise à protéger les familles, en particulier les enfants, des conséquences néfastes que peut engendrer un divorce en misant sur la résolution des différends et en mettant davantage l’accent sur l’intérêt de l’enfant.
[Traduction]
Encore une fois, je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont participé au processus des comités.
J'encourage mes collègues de tous les partis à se joindre à moi pour appuyer ce projet de loi très progressiste.
:
Monsieur le Président, je suis ravi de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le divorce. En tant que membre du comité de la justice, j'ai eu la chance d'étudier le projet de loi plus en détail au comité, où nous avons entendu un vaste éventail d'intervenants du domaine du droit de la famille. Même si l'on pourrait améliorer certains aspects du projet de loi, et j'y reviendrai plus précisément sous peu, j'estime que de nombreux aspects du projet de loi procureraient une clarté et une certitude accrues. Après tout, il s'agit de la première mise à jour majeure de la Loi sur le divorce depuis son adoption, en 1985. On peut donc dire que cette mise à jour arrive à point.
Avant d'en venir à certaines des lacunes du projet de loi, j'aimerais parler de ses aspects positifs. Il s'agit notamment des mesures importantes qui visent à mieux protéger les enfants contre les conflits et à encourager les parties, le cas échéant, à régler leurs différends à l'extérieur du processus judiciaire. Il faut insister sur les mots « le cas échéant ». Cette expression se trouve dans le projet de loi, car, comme on le sait, les circonstances ne se prêtent pas toujours à un règlement des différends familiaux au moyen de la négociation ou du droit collaboratif, surtout lorsqu'il existe des antécédents de violence familiale. Cependant, on sait que, le cas échéant, cette méthode donne les meilleurs résultats possible. En raison de sa nature contradictoire, le processus judiciaire aggrave les conflits et il peut prolonger les différends. Évidemment, en pareilles situations, les conséquences sont profondément négatives pour les enfants.
On sait aussi que le processus judiciaire est souvent inefficace et qu'il est coûteux. Cela soulève la question de l'accès à la justice. De plus en plus de Canadiens finissent par se représenter eux-mêmes devant les tribunaux de la famille, car ils ne peuvent pas se payer les services d'un avocat. Souvent, ces plaideurs non représentés ne connaissent pas leurs droits. Ils ne comprennent pas bien les lois. Cette situation engendre toutes sortes de problèmes, notamment l'accumulation d'arriérés et de retards dans les tribunaux de la famille et, de manière plus générale, dans l'ensemble de l'appareil judiciaire. Il est bon d'encourager les parties à régler leurs différends au moyen de la médiation, de la négociation ou du droit collaboratif, et je constate que le projet de loi contient des mesures à cet effet.
Le projet de loi précisera aussi les lois en codifiant un vaste ensemble jurisprudentiel qui reconnaît que l'intérêt de l'enfant doit prédominer au moment de rendre des ordonnances de garde ou d'accès. Le projet de loi énonce un certain nombre de facteurs dont un juge devra tenir compte pour rendre une ordonnance et déterminer, en fonction des circonstances particulières de l'affaire, ce qui est véritablement dans l'intérêt fondamental de l'enfant. C'est tout à fait approprié et conforme aux demandes des avocats spécialisés en droit de la famille. Cela s'inscrit aussi dans la suite logique du rapport du comité mixte spécial découlant de l'étude entreprise par la Chambre et le Sénat en 1998 sur la garde des enfants et les pensions alimentaires pour enfants.
La question du déménagement me préoccupe. Plus tôt, j'ai d'ailleurs posé une question au ministre à cet égard. Pour des raisons évidentes, la question du déménagement est l'une des plus difficiles du droit de la famille lorsqu'un parent souhaite déménager avec son enfant. D'après le témoignage des avocats spécialisés en droit de la famille au comité, la Cour suprême n'a pas simplifié les choses. En effet, dans l'arrêt Gordon c. Goertz de 1996, elle prévoit un critère très discrétionnaire fondé sur l'intérêt de l'enfant. Cela a créé des ambiguïtés et, en fait, a entraîné une augmentation du nombre de litiges concernant les questions relatives au déménagement.
Ce projet de loi vise à fournir des certitudes en définissant trois cas pour déterminer à quel parent incombe le fardeau de prouver que le déménagement est dans l'intérêt de l'enfant. Ainsi, le projet de loi prévoit que, lorsque les périodes où l’enfant est confié à chacune des parties sont essentiellement équivalentes, le fardeau de cette preuve incombe au parent qui veut déménager. En revanche, lorsque l'enfant est confié, pour la très large majorité de son temps, à la partie qui entend procéder au déménagement, ce fardeau incombe à l'autre parent. Enfin, dans les autres cas, le fardeau de la preuve n'incombe à ni l'un ni l'autre des parents.
Cette approche est conforme à la mesure législative adoptée en Nouvelle-Écosse en 2013. Des témoins ont affirmé au comité qu'elle fonctionnait relativement bien et que les juges n'avaient pas de difficulté à déterminer quelle personne ou quel groupe relevait de chacune des trois catégories.
Cela étant dit, bien qu'il soit louable de la part du gouvernement de vouloir préciser les choses et les rendre plus prévisibles à la suite de l'affaire Gordon c. Goertz, je crains que cela crée une nouvelle source d'incertitude. À cet égard, il a été mentionné en comité, par le professeur Bala, je crois, un éminent juriste spécialisé en droit de la famille, que le terme « périodes [...] essentiellement équivalentes » n'implique pas nécessairement la garde partagée répondant au critère du seuil de 40 %. Inutile de dire qu'il s'agit d'un nouveau libellé, qui n'a pas été soumis à l'examen des tribunaux. Il fera l'objet de contestations. Il faudra donc surveiller la situation.
Par ailleurs, je crains que le partage en trois catégories ne soit pas approprié. Encore une fois, on a fait valoir en comité — et c'est un point de vue auquel je souscris — que, généralement, pour assurer la justice et veiller à l'intérêt de l'enfant, ce qui est l'objectif de la loi, le fardeau de la preuve devrait revenir au parent qui cherche à faire déménager l'enfant. C'est ce parent qui devrait avoir à prouver que le déménagement est dans l'intérêt de l'enfant, sauf dans des circonstances où l'enfant passe la majeure partie de son temps avec le parent qui déménage.
À moins que l'enfant soit en bas âge, le déménagement a normalement une incidence importante sur son quotidien, notamment l'ajustement à une nouvelle école, dans une nouvelle ville, et le fait de devoir se faire de nouveaux amis, sans parler de l'incidence sur les rapports de l'enfant avec l'autre parent, qui a peut-être pris des arrangements touchant l'accès ou la garde. Le déménagement peut souvent s'avérer une grande perturbation dans la vie de l'enfant. Ainsi, il serait plus approprié que, en règle générale, il revienne au parent qui déménage de démontrer que le déménagement est dans l'intérêt de l'enfant.
Ensuite, il existe certains problèmes techniques concernant l'avis à donner. J'ai déjà fait allusion à une des choses qui me préoccupent lorsque j'ai posé une question au ministre. En effet, la loi prévoit que le parent n'aura qu'à envoyer une lettre ou à donner un avis informel à l'autre partie.
Au comité, Lawrence Pinsky, l'ancien président de la Section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien, a été l'un des témoins qui a remis en question la pertinence de cette forme d'avis. Tout comme moi, M. Pinsky croit que cela pourrait créer involontairement une situation où un parent affirmera avoir envoyé un avis, et l'autre parent dira qu'il ne l'a pas reçu. Entretemps, le parent qui prétend avoir envoyé l'avis pourrait avoir déménagé avec l'enfant. Que faut-il faire dans ces circonstances?
Dans de telles circonstances, il se pourrait que le parent qui ne déménage pas soit privé de l'accès et de la garde de leur enfant qui lui ont été conférés par une ordonnance. Dans ce cas, la personne qui est partie est-elle coupable d'outrage? Il semble qu'il s'agit là d'une lacune du projet de loi qui devra être corrigée au moyen d'un très léger amendement quand il sera renvoyé au Sénat, puisque cela n'a pas été fait au comité.
Il y a ensuite la question du délai de 30 jours pour fournir une réponse. La personne qui prévoit un déménagement important devra fournir un préavis de 60 jours, et la personne qui reçoit l'avis aura 30 jours pour fournir une réponse. Le délai de 30 jours peut poser problème aux personnes qui vivent dans des collectivités du Nord ou éloignées et qui n'ont pas facilement accès aux services d'un avocat. Cela pourrait aussi poser problème aux personnes défavorisées ou peu renseignées sur le processus judiciaire qui pourraient n'avoir jamais retenu les services d'un avocat auparavant ou ne pas en avoir les moyens au moment de devoir préparer une demande. Il peut y avoir des obstacles considérables pour nombre de Canadiens de certains milieux. C'est un aspect préoccupant.
Il y a ensuite le fait de devoir s'adresser tout de suite aux tribunaux. Dans les faits, le parent qui reçoit l'avis n'aurait d'autre choix que de soumettre une demande à la cour pour s'opposer au déménagement. Or, cela va à l'encontre de l'un des objectifs clés du projet de loi, qui est d'encourager les parties à résoudre leur différend sans recourir aux tribunaux, dans la mesure du possible. Dans la plupart des cas, la personne qui souhaite déménager y aura pensé bien avant les 60 jours de préavis. En revanche, dans bien des cas, la personne qui ne déménage pas pourrait n'être informée du déménagement qu'au moment de recevoir l'avis, et le parent aurait alors 30 jours pour répondre.
Il s'agit bel et bien d'un problème, car une personne peut avoir besoin de temps pour assimiler le fait que son ex-conjoint va déménager, comprendre les répercussions sur les arrangements touchant la garde ou l'accès et s'apercevoir que son ex-conjoint et elle ne pourront pas négocier et travailler de concert pour éviter une procédure judiciaire. C'est pour cette raison que j'ai proposé un amendement fondé sur un certain nombre de témoignages. J'ai proposé que la partie concernée ait 90 jours pour donner avis à l'autre partie, qui aurait quant à elle 60 jours pour répondre. Là aussi, il s'agit d'un amendement relativement mineur, et j'espère que le Sénat le reprendra à son compte, parce qu'il n'a pas été retenu par le comité de la justice. Il aurait pourtant eu une grande incidence pour de nombreuses familles.
J'ai été déçu de constater que le projet de loi ne tenait pas compte du fait que, dans la majorité des cas, le partage des responsabilités parentales est préférable. Je ne dis pas qu'il l'est toujours — il ne l'est pas dans les cas de violence familiale, par exemple —, mais la plupart du temps, oui. Partant de là, c'est absurde d'empêcher un parent qui n'a rien à se reprocher d'avoir accès à ses enfants aussi souvent que possible et de passer autant de temps que l'autre parent avec eux, mais nous savons que ce genre de chose arrive tous les jours. Le gouvernement doit se dire, du moins je le suppose, que ce n'est pas là-dessus que porte le projet de loi, et j'imagine qu'il rejette la notion même de partage des responsabilités parentales au motif que le projet de loi est axé uniquement sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
Je conviens tout à fait que toute décision sur une question relative à la garde ou à l'accès devrait être fondée exclusivement sur l'intérêt de l'enfant. Or, en réalité, dans bien des situations, ce qui est dans l'intérêt de l'enfant, c'est que le partage des responsabilités parentales soit maintenu. C'est ce que nous disent l'expérience, le bon sens et un vaste éventail de travaux de recherche en sciences sociales. C'est pourquoi, quand le Sénat s'est penché sur les questions de garde et d'accès en 1998, il a recommandé que l'on inscrive dans la loi des facteurs que le tribunal devrait prendre en compte pour déterminer ce qui est dans l'intérêt de l'enfant, ce que le gouvernement a fait dans le projet de loi. Les avantages que l'enfant peut retirer du partage des responsabilités parentales étaient un de ces facteurs.
Donc, dans l'ensemble, bon nombre des modifications qu'apporterait le projet de loi sont judicieuses. Ce dernier est plutôt bien accueilli par les avocats spécialisés dans le droit de la famille, de même que les autres groupes qui interviennent dans les cas de divorce, de séparation, et cetera. Certains points pourraient cependant être améliorés. J'espère que les sénateurs approfondiront la question.
:
Monsieur le Président, à titre de porte-parole en matière de famille, d’enfants et de développement social, je me réjouis de me lever de nouveau à la Chambre pour discuter du projet de loi .
J’irai tout de suite au cœur du sujet. Il est clair que le projet de loi constitue une avancée, compte tenu du fait que l’actuelle Loi sur le divorce, vieille de 40 ans, ne répond plus efficacement aux problèmes rencontrés par les familles canadiennes dans le cadre d’un divorce.
J’aimerais illustrer ce fait en citant la sénatrice Landon Pearson. Elle a été nommée au Sénat en 1994 et a pris sa retraite en 2005. Je pense que la citation témoigne du fait qu’il y a longtemps qu’on dit que la Loi sur le divorce doit être modifiée. La sénatrice a occupé le poste de vice-présidente du Comité permanent des droits de la personne.
Au début des années 2000, elle disait déjà:
Lorsque des parents se séparent, la vie de leurs enfants est changée pour toujours. Les parents, les membres de la famille et les professionnels qui interviennent auprès des enfants ont la responsabilité d’assurer que le changement se fait autant que possible en douceur. Les enfants ont le droit de recevoir des soins et d’être protégés contre la violence et un stress émotionnel excessif. Ils ont également le droit de maintenir des relations importantes pour eux et d’exprimer leurs opinions. Ce n’est que lorsque ces droits et tous les autres droits qui leur sont garantis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant sont respectés que les enfants pourront accepter leur nouvelle situation et s’y adapter.
C’est pourquoi mes collègues néo-démocrates et moi allons appuyer ce projet de loi. Toutefois, je veux attirer l’attention de mes chers collègues sur la nécessité de ne pas se contenter du fait que ce texte constitue une avancée en soi. Selon moi, ce projet de loi mérite d’être amélioré.
Je pense que nous nous accordons tous sur le fait que les objectifs posés par le texte — soit la promotion de l’intérêt supérieur de l’enfant; la prise en compte de la violence familiale dans les décisions concernant les ententes parentales; la lutte contre la pauvreté infantile; et la recherche d’une meilleure accessibilité au système de justice familiale canadien — vont dans le bon sens. Cependant, la principale faiblesse de ce texte est que, trop souvent, il ne se donne pas les moyens de ses ambitions.
Les personnes qui ont témoigné devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne dans le cadre des travaux sur le projet de loi ont été nombreuses à dresser le même constat. Je tiens d’ailleurs à les remercier encore une fois. En effet, ce que je retiens de ces séances, c’est que les familles, les associations, les professionnels de la justice et les universitaires attendent tous une réforme complète de la Loi sur le divorce.
J’insiste donc sur le point suivant: puisque nous ne réformerons probablement pas à nouveau la Loi sur le divorce avant plusieurs décennies, ne laissons pas passer l’occasion que nous avons aujourd’hui. Ne réformons pas seulement pour réformer et soyons à l’écoute des recommandations formulées par les témoins lors des auditions en comité ou dans les mémoires que de nombreuses personnes nous ont fait parvenir. Il ne faut pas que, d’ici à quelques mois, nous constations que la Loi ne règle pas certains problèmes et qu’elle les touche en surface seulement.
Il faut s’assurer de bien faire les choses. Je ne voudrais pas que nous soyons dans une situation où nous avions été avertis et que nous étions en mesure de régler aujourd’hui. Je pense notamment aux situations de violence familiale ou au fait de bien prendre en compte le point de vue de l’enfant, en toute circonstance, dans les procédures de divorce.
J’aborderai donc trois questions, soit le fait de pleinement garantir l’intérêt supérieur de l’enfant, de tous les enfants; la gestion des situations de violence familiale; et le combat contre la pauvreté.
Premièrement, en ce qui concerne la promotion de l’intérêt supérieur de l’enfant, il ne faut pas que l’on aboutisse à une situation où l’intérêt de l’enfant est déterminé a priori par les parents ou par le juge.
C’est pourquoi il serait judicieux d’inclure au projet de loi un droit de l’enfant à être représenté par une tierce partie. De nombreuses études montrent que le fait d’interroger un enfant dans le cadre d’un tel processus est très bénéfique. Les professionnels constatent effectivement que lorsqu’une personne est là pour communiquer aux parents les préoccupations et les intérêts de leur enfant, le divorce se règle quasiment immédiatement.
Bien que le projet de loi fasse mention, au paragraphe 16(3), de la nécessité de prendre en compte « son point de vue et ses préférences, eu égard à son âge et à son degré de maturité », il me semble que le fait que l’enfant soit représenté donnerait la garantie que l’intérêt supérieur de l’enfant est au cœur des préoccupations en toutes circonstances.
Aussi, la formation sur la manière de tenir dûment compte du point de vue de l’enfant dans les affaires devant les tribunaux de la famille doit bénéficier d’une grande attention de notre part. Je pense que notre approche en la matière doit être fondée sur la Convention internationale des droits de l’enfant, ainsi que sur des pratiques exemplaires ayant cours au Canada et à l’étranger à cet égard. Plus largement d’ailleurs, la Convention relative aux droits de l’enfant devrait être incluse dans la section sur le meilleur intérêt de l’enfant.
Malheureusement, les représentants du ministère sont venus devant nous, au comité, pour nous dire que nous n’avions pas besoin d’intégrer nommément la Convention relative aux droits de l’enfant parce qu’il allait de soi que les tribunaux canadiens doivent respecter la Convention internationale des droits de l’enfant. Pourtant, plusieurs témoins sont venus nous dire que le fait de l’inscrire nommément, non seulement dans le préambule, mais aussi à l’intérieur de la loi, nous permettrait, ainsi qu’aux tribunaux, de mieux tenir compte de l’ensemble des principes qui sous-tendent cette convention. Ce point de vue n’a malheureusement pas été retenu.
Parallèlement à cela, il est très important que des services et des ressources soient mis à la disposition de l’enfant pour le soutenir psychologiquement.
Enfin, il est également fondamental que l’intérêt supérieur des enfants, de tous les enfants, soit pris en considération. De ce fait, il faut que les droits des enfants autochtones à leur culture, à leur religion et à leur langue soient reconnus à l’alinéa f) du paragraphe 16(3) sur l’intérêt de l’enfant.
D’ailleurs, le témoignage des représentants d’UNICEF Canada a été extrêmement pertinent pour appuyer ce point de vue. Pour eux, il est évident que la Convention internationale des droits de l’enfant vient appuyer le principe de tenir compte de la culture des enfants autochtones. Ici encore, comme je viens de le dire, nous pouvons nous appuyer sur l’article 30 de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui reconnaît les droits de l’enfant autochtone à jouir de sa propre culture, à professer et à pratiquer sa propre religion, et à employer sa propre langue en commun avec les autres membres de son groupe.
J’aimerais lire une citation d’un témoignage que nous avons entendu en comité pour appuyer le fait que l’enfant soit représenté. Je pense notamment à la docteure Valerie Irvine, professeure à l’Université de Victoria, qui est venue nous faire part de ses études sur l’impact du divorce sur les familles. Voici ce qu’elle nous disait:
Les familles canadiennes ont besoin de plus de services intégrés, comme des analyses de données, l'élévation du rôle de l'équipe professionnelle de santé directe d'un enfant et la représentation juridique pour l'enfant.
C’est clair que, pour avoir de tels services professionnels, dans le cadre de cette loi sur le divorce, il faut venir en appui aux provinces qui sont responsables de voir à l’application de cette loi. On sait que, dans le cadre des services de santé, les services sociaux sont souvent le parent pauvre des provinces.
Barbara Landau disait à notre comité:
Je ne dis pas que les avocats ne devraient pas pouvoir parler à des enfants, seulement que les juges ne devraient pas le faire. Selon moi, faire entrer un enfant dans une salle de tribunal et de permettre à un juge de passer quelques minutes en cabinet avec lui est une expérience plutôt effrayante. [...]
Selon moi, les professionnels de la santé mentale sont les mieux placés pour suivre une formation sur le travail auprès des enfants. Le fait d'interroger un enfant dans le cadre d'un tel processus est vraiment utile. Presque chaque cas est réglé quasiment immédiatement lorsqu'une personne est là pour communiquer aux parents les préoccupations et les intérêts de leur enfant.
On sait que dans le cadre d’un divorce, chaque parent est représenté par des avocats, et bien que les deux parents soient préoccupés par le sort de leur enfant, le processus fait en sorte que l’intérêt de l’enfant peut être perdu de vue, même involontairement. Si un professionnel est présent à chaque étape du processus pour parler au nom de l’enfant et qu’il n’est pas intimidé par ce cadre judiciaire, c’est là où on peut vraiment dire que l’enfant est au cœur de nos préoccupations.
Deuxièmement, j’aimerais discuter de trois éléments relatifs à la violence familiale. D'abord, le fait d'intégrer au projet de loi une définition de la violence familiale est une excellente chose. La définition est volontairement large afin de prendre en compte la complexité et la variété des types de violence familiale. Néanmoins, de nombreuses associations ont, à raison, attiré notre attention sur l'importance de reconnaître explicitement dans la définition de la violence familiale qu’il s’agit d’une forme de violence envers les femmes.
L’objectif n’est pas de minimiser les cas de violence faite aux hommes, mais plutôt de reconnaître un fait: la violence familiale a, dans l’immense majorité des cas, un caractère genré puisque ce sont plus souvent des hommes qui infligent de la violence à des femmes. Les statistiques sont claires.
Ensuite, nous devrions préciser dans le projet de loi que la violence familiale constitue une minorité des recours aux modes alternatifs de règlement des différends. De nombreuses associations, des universitaires également, s’inquiètent que le fait de sortir du cadre de l’institution judiciaire ne donne des ressources supplémentaires au parent violent pour dominer sa ou ses victimes.
Par conséquent, il est essentiel de prévoir dans ce projet de loi des dispositions pour former les professionnels de la justice à détecter, à comprendre et à traiter les situations de violence familiale.
Je vais prendre un instant pour rendre à nouveau hommage à deux organismes communautaires de ma circonscription qui font un travail incroyable au quotidien pour les enfants dans le cadre du divorce de leurs parents et pour toutes les femmes en situation de violence conjugale. L'expertise de ces organismes a été très utile pour bien comprendre et documenter mon travail en comité sur ce sujet.
Je veux d’abord remercier l’association Le Petit Pont, qui permet la création et le maintien du lien parent-enfant dans un milieu neutre, familial et harmonieux, en contexte de séparation et de conflit. L'intérêt de l'enfant et sa sécurité, tant physique que psychologique, sont la priorité de cet organisme, qui agit à la fois à Saint-Hyacinthe et à Longueuil.
Je souhaite également vous faire part de ma gratitude envers l’organisme La Clé sur la porte qui, en 37 ans d’existence, a accueilli plus de 4 000 femmes venues de toutes les régions du Québec. L’organisme, en plus de l’hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants à Saint-Hyacinthe, offre des programmes d’aide à Acton Vale et à Belœil. La Clé sur la porte a une approche entièrement axée sur la sécurité des femmes et des enfants.
Ces deux organismes constatent chaque jour les ravages des violences familiales faites aux femmes et les conséquences indirectes sur leurs enfants dont nous savons que le bien-être est étroitement lié à celui de leurs parents. Ces organisations pourraient donc témoigner de l’importance des trois modifications dont je viens de parler.
Dernièrement, rien dans ce projet de loi, pas plus que dans les interventions du , ne me convainc de l'efficacité du projet de loi en matière de réduction de la pauvreté. Les dispositions visant à faciliter le règlement des ordonnances alimentaires sont une bonne chose, mais que faire dans les situations où le parent qui doit payer n'en a pas les moyens?
Par ailleurs, l'accès à la justice est limité pour les familles les plus fragiles économiquement. En effet, une procédure de divorce coûte cher, un avocat coûte cher, un notaire coûte cher, et les revenus s'amenuisent du fait de la séparation. L'incitation aux modes alternatifs de règlement des différends, rendue obligatoire par le projet de loi, a toutes les chances d'être efficace en matière de résolution des conflits, mais risque dans le même temps de créer de nouvelles inégalités en matière d'accès à la justice, car ces dispositifs seront eux aussi coûteux. Il est donc primordial que ce projet de loi appelle à prévoir des fonds pour soutenir les plus défavorisés de nos concitoyens et à garantir une réelle égalité dans l'accès à la justice. Il faut vraiment prévoir des fonds à transférer vers les provinces pour mettre en place des équipes de professionnels.
Plusieurs témoins sont venus nous en parler. Je pense entre autres à une témoin qui nous disait qu'à cause de sa situation financière, elle a pu faire appel à des experts et à des services psychologiques de soutien pour ses enfants et accéder à des ressources pour bien se défendre. Cependant, à la lumière de son expérience, elle trouvait important de venir témoigner pour dire que c'était évident pour elle que l'ensemble des familles ne pouvaient pas avoir accès aux mêmes ressources et que les enfants de ces familles plus démunies devaient donc affronter seuls cette situation. Nous devons donc prévoir des fonds pour ces services sociaux. Comme on le sait, l'accès à l'aide juridique est de plus en plus limité. Nous devons donc nous assurer que tous les Canadiens et les Canadiennes ont le même accès à la justice.
Si les libéraux ont vraiment l'intention de réduire la pauvreté chez les enfants, ce n'est certainement pas avec le projet de loi que ce sera possible. D'ailleurs, le ministre de la Justice nous disait plus tôt que ce projet de loi ne pourrait pas régler cela. Il nous a mentionné encore une fois, comme bien de ses collègues libéraux, l'Allocation canadienne pour enfants. Or nous savons bien que cette allocation ne peut pas tout régler. Je me permets donc de profiter de cette invitation du ministre pour donner à mes collègues d'en face des pistes de solution pour réellement enrayer la pauvreté chez les enfants.
D'abord, on doit élaborer une réelle stratégie nationale pour l'éradication de la pauvreté infantile. Il ne suffit pas de se donner des cibles, il faut aussi se donner des moyens pour y arriver, ce que l'actuelle stratégie ne permet pas. Ensuite, on doit construire des logements abordables pour les familles, pour les aînés et ceux qui en ont besoin maintenant. Un nombre trop important de nos concitoyens paient plus de 30 % de leurs revenus pour se loger. Dans certaines régions, c'est 50 % de la population. En outre, cela nous prend une assurance-médicaments pour tous et un système universel de garderies. On doit également instaurer un salaire minimum de 15 $ l'heure. Voilà de véritables politiques sociales qui vont faire en sorte de réduire concrètement la pauvreté infantile. J'espère qu'on ne fera pas le chemin à moitié et que le gouvernement tiendra compte des recommandations qui lui ont été faites tant par les témoins que par l'opposition.
Nous devons tenir compte de l'ensemble des recommandations. J'ai été très impressionnée par la préparation des témoins qui sont venus comparaître devant notre comité. Nous avons proposé des amendements qui, malheureusement, n'ont pas été retenus. J'espère donc que les travaux de la Chambre nous permettront d'aller plus loin. Après tout, nous souhaitons tous le meilleur pour nos familles, et surtout, pour nos enfants.
:
Monsieur le Président, alors que je prends la parole pour donner mon premier vrai discours dans cette nouvelle enceinte, je veux commencer par souligner que nous nous trouvons sur les terres ancestrales du peuple algonquin et lui exprimer notre gratitude pour sa patience et son hospitalité.
Meegwetch. Lors des ruptures conjugales, il n'y a pas d'enjeu plus éprouvant que celui de la garde des enfants et cela n'est pas nouveau. En réfléchissant à tous les articles pour lesquels j'ai proposé des amendements à l'étape du rapport, j'ai été frappée par la nature immémoriale de ces difficultés.
Comme l'a fait remarquer mon collègue de St. Albert, les juges ont beaucoup de mal à prendre ces décisions, ce qui me rappelle le Premier Livre des Rois et la sagesse de Salomon. Cette fameuse histoire vieille de 2 500 ans est celle de deux femmes revendiquant la maternité d'un nourrisson devant le roi Salomon. C'était déjà un conflit de garde d'enfants. Afin de déterminer quelle était la vraie mère — nous connaissons tous l'histoire —, le roi Salomon demande qu'on lui apporte une épée avec laquelle il coupera l'enfant en deux pour le répartir entre les deux femmes. Évidemment, la vraie mère s'y refusa en proposant de remettre l'enfant à l'autre femme. Et c'est ainsi que le roi Salomon put savoir quelle était la vraie mère.
Aujourd'hui encore, les tribunaux ont du mal à trancher et leur erreur entraîne quelquefois la mort d'un enfant. C'est encore le cas aujourd'hui — et plus que jamais peut-être —, où l'on a recours à la violence pour se venger d'un partenaire intime.
J'ai voulu commencer en parlant de deux cas en particulier parce que je les ai mentionnés au moment de la première lecture de ce projet de loi et que j'en avais parlé à la ministre de la Justice de l'époque, lui demandant si cette mesure législative pourrait aider dans de tels cas. Je pense à présent qu'elle aiderait ou, plus exactement, qu'elle pourrait peut-être aider. Les cas dont je vais parler sont ceux de deux femmes de l'île de Vancouver, où j'habite, qui ont toutes les deux perdu leurs enfants parce qu'un juge n'a pas voulu les écouter dans un différend concernant la garde des enfants.
Le premier cas, il en a été question à la Chambre à de nombreuses reprises. En 2015, les enfants d'Alison Azer ont été emmenés en vacances par leur père, et ce, malgré qu'elle s'y soit opposée. Son ancien conjoint était un médecin très respecté, évoluant même dans des sphères où il était, à tout le moins, une connaissance de notre ancien premier ministre. Il était respecté dans la collectivité. Le tribunal l'a donc cru sur parole quand il a dit qu'il ramènerait les enfants d'Alison au pays après les avoir emmenés en vacances. Alison Azer a supplié le juge de ne pas donner les passeports de ses enfants à son ancien conjoint, qui était originaire d'Irak. Sa plus grande peur était que les enfants restent là-bas, et c'est bel et bien ce qui est arrivé. Les enfants, des citoyens canadiens, habitent toujours à l'étranger. Ces enfants — Sharvahn, Rojevahn, Dersim et Meitan —, soumis à une nouvelle culture et détachés de leur propre mère, n'ont même pas voulu se jeter dans ses bras quand elle a enfin eu la possibilité de les voir. C'est une de ces choses qui vous crève le coeur. Le juge a refusé d'écouter Alison.
L'autre cas est pire, même si c'est difficile à imaginer. En janvier 2018, plus de mille personnes étaient réunies à la cathédrale Christ Church de Victoria, à l'occasion des funérailles de Chloe et Aubrey Berry, assassinées par leur père à Noël. J'étais au nombre des personnes éplorées. Je n'ai jamais rien vécu d'aussi difficile. Les célébrants se sont employés à donner du sens à cette tragédie et de l'espoir à l'assistance. Ces deux petites, de vrais anges, étaient évidemment adorées par leurs compagnons de classe et leur famille car elles étaient adorables, mais elles ont été assassinées par leur père. Leur mère avait pourtant tenté de convaincre le juge que les visites auprès du père devaient être surveillées. Malheureusement, le juge a estimé qu'aucun élément du dossier indiquant une menace ou un danger ne suffisait pour refuser au père une visite non surveillée.
La mère de ces enfants s'appelle Sarah Cotton. Lorsque je me suis entretenue avec elle lors de la réception suivant la cérémonie, elle a été on ne peut plus claire. Ses propos étaient éloquents et elle m'a demandé d'aider à faire en sorte que d'autres mères ne vivent pas ce qu'elle avait vécu. Elle a affirmé que le système des tribunaux de la famille devait changer, que les juges devaient être prêts à écouter et qu'ils ne devraient pas se préoccuper des droits de visite d'un père au point d'ignorer la détresse d'une mère qui clame qu'il y a matière à s'inquiéter.
Le reste de mon intervention sur le projet de loi est dédié à Alison et Sarah, des mères extraordinaires qui ont perdu leurs enfants faute de pouvoir convaincre le juge d'écouter ce qu'elles avaient à dire au sujet du danger que ces enfants couraient auprès de leur père, soit à l'étranger, soit lors d'une visite de Noël qui s'est soldée par le meurtre des enfants.
Ce qui me donne espoir dans ce projet de loi, c’est qu’il reconnaît ce qu’est la violence familiale et que la définition qui est proposée donne aux juges beaucoup d’éléments sur lesquels s’appuyer. Il ne s’agit plus uniquement de dire: « Ils ont déjà été blessés. Il a déjà formulé des menaces précises. »
Je devrais prendre du recul et dire que, dans certains contextes, ce n’est pas d’une mère et d’un père dont il est question. C’est peut-être la mère qui présente une menace. Toutes les situations n’impliquent pas nécessairement des personnes cisgenres qui sont toujours dans une relation hétérosexuelle. Nous reconnaissons que la violence fondée sur le sexe et les inégalités entre les sexes transcendent les normes hétérosexuelles.
Toutefois, je vais poursuivre avec la façon traditionnelle dont on parle de violence familiale, à savoir que, habituellement, dans la violence entre conjoints, c’est le père qui a tendance à faire des menaces et la mère qui se trouve en situation de vulnérabilité, soit sur le plan économique ou en raison d’un déséquilibre de pouvoir, comme d’autres députés l’ont mentionné.
Cette définition de violence familiale ne contient pas de liste exhaustive — et c’est ce qui la rend utile. Elle a recours à des exemples, mais il ne s’agit pas d’une liste fermée. La définition de « violence familiale » est la suivante:
[...] toute conduite, constituant une infraction criminelle ou non, d’un membre de la famille envers un autre membre de la famille, qui est violente ou menaçante, qui dénote, par son aspect cumulatif, un comportement coercitif et dominant ou qui porte cet autre membre de la famille à craindre pour sa sécurité ou celle d’une autre personne — et du fait, pour un enfant, d’être exposé directement ou indirectement à une telle conduite —, y compris:
Ensuite, il y a une liste non exhaustive de a) à i). J’ai vraiment trouvé cette définition impressionnante, car elle reconnaît les mauvais traitements psychologiques ainsi que les vrais signes avant-coureurs, comme ceux au titre de l'alinéa h), qui indique ceci: « les menaces de tuer ou de blesser un animal [...] », comme une menace à l’endroit d’un animal de compagnie. Maintenant, si on fait état de cette menace à un juge, il pourra dire qu’elle correspond à la définition de violence familiale et qu’il faudrait intervenir pour protéger les enfants. Il faudra penser à tous ces éléments.
Ce ne sera pas parfait, car il arrivera toujours à des juges de faire des erreurs, mais j'espère que la reconnaissance de ces divers types de violence familiale et de stress psychologique dans cette première réforme du droit canadien de la famille en plus de 20 ans attirera l'attention des juges sur ceux-ci. J'ai certes déjà pratiqué un peu le droit de la famille. Je trouvais cela très difficile, parce que c'est chargé d'émotions. Toutefois, nous savons certainement que, par moments, les confrontations devenaient si houleuses que les conjoints se lançaient de fausses accusations dans le but d'obtenir la garde. Le plus grand danger est qu'un juge n'écoute pas le parent qui s'inquiète véritablement pour la sécurité de l'enfant si le temps parental, tel qu'il est actuellement défini, est accordé à un parent qui est capable d'enlever ses propres enfants, d'aliéner l'autre parent et de causer un tort psychologique énorme aux enfants, ou dans le pire des cas, comme je l'ai mentionné, de les tuer.
À mon avis, une compréhension plus affinée de la violence familiale constitue une amélioration. Le fait que l'on dispose du contexte et d'une définition est certainement une amélioration. Évidemment, il s'agit avant tout d'un projet de loi axé sur l'enfant. Cela se rapproche beaucoup de ce que nous avons en Colombie-Britannique depuis quelques années avec la loi sur le droit de la famille de la province. Nous mettons l'accent sur l'intérêt de l'enfant.
Il est donc intéressant que les deux cas que j'ai décrits se soient produits en Colombie-Britannique, en dépit du fait qu'on y trouvait un cadre semblable, priorisant l'intérêt des enfants. Ces changements supposent un changement de culture nécessitant une formation. J'espère que cette mesure législative protégera les enfants. Son but est sans contredit de toujours faire primer l'intérêt de l'enfant et c'est pour cette raison que je l'appuie.
Elle contient quelques autres améliorations substantielles qui touchent davantage la logistique. Je viens juste de mentionner l'une d'elles, trop rapidement. Dans notre façon de formuler les dispositions sur la garde et l'accès, nous avons, peut-être par inadvertance, accentué la dimension conflictuelle de la lutte pour obtenir la garde, pour être reconnu comme le meilleur parent. La fin d'un mariage est certainement la période la plus chargée en émotions dans la vie d'une personne. Les enfants étaient souvent traités comme un butin de guerre et le mot « garde » tendait à renforcer cette perception. C'est ce que les rédacteurs de cette mesure législative ont dû à tout le moins prendre en considération en modifiant le vocabulaire employé.
Un grand nombre de spécialistes en droit familial qui ont témoigné devant le comité ont dit espérer que le fait que nous parlons maintenant de temps parental allait enlever en partie l'idée qu'il y a des gagnants et des perdants. Le temps parental est décrit d'une manière qui suppose que c'est un temps partagé durant lequel les parents doivent se comporter de manière responsable. C'est une amélioration. Je pense que cela contribuera à atténuer l'élément conflictuel. Je l'espère. Comme je l'ai dit, c'est au moins une possibilité.
Le projet de loi apporte une autre amélioration importante, qui s'imposait depuis longtemps: il permet à un juge d'avoir accès aux renseignements sur le revenu des deux parents à partir d'autres sources gouvernementales. Nous savons pertinemment que ce manque d'accès a entraîné des retards dans le règlement des causes et a coûté du temps aux tribunaux. Il a également stressé des parents qui étaient déjà stressés, en particulier quand l'un des deux époux dispose d'un revenu plus élevé que l'autre, ce qui est souvent le cas. Maintenant, quand les parents seront réticents à divulguer volontairement des renseignements sur leur revenu, les juges pourront obtenir ces renseignements d'autres sources gouvernementales. Cela sera certainement utile. Il s'agit d'une amélioration avantageuse sur divers plans.
On a déjà discuté longuement des améliorations qu'apporterait le fait d'adopter un critère qui régirait le déménagement d'un parent avec un enfant et évaluerait les effets de ce déménagement sur l'autre parent et son temps parental. L'inclusion d'un tel critère dans la loi permettrait beaucoup plus de certitude que par le passé, où nous devions essentiellement composer avec des décisions comme celle rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gordon c. Goertz. Cette initiative visant à adopter un critère pour régir les déménagements est manifestement un pas dans la bonne direction.
Il vaut aussi la peine de répéter que dans les cas qui ne comportent pas de violence familiale, il est certes préférable de recourir à la médiation. En effet, tout ce qui peut atténuer le caractère antagoniste de l'éclatement de la famille et mettre l'accent uniquement sur l'intérêt supérieur de l'enfant est une bonne solution.
Je suis avocate de formation. Je l'ai déjà dit. C'est, sans l'ombre d'un doute, un métier propice à la confrontation. On nous apprend à nous présenter devant un juge pour gagner. Cela n'aide pas. Si, dans un cas de séparation, il est possible de faire appel à la médiation et d'éviter le recours aux avocats et aux tribunaux, c'est mieux pour tout le monde, excepté pour les avocats, mais c'est correct. J'espère que le genre de droit coopératif que nous avons vu apparaître au Canada, comme l'accès à la médiation, qui est mis en valeur dans ce projet de loi, aidera les familles à sortir de cette période de crise sans que leurs relations se dégradent. C'est certainement ce qu'il y a de mieux pour les enfants.
J'ai proposé un certain nombre d'amendements. Ils ont été rejetés. Je voulais que soit prise en compte dans un amendement la question de l'accès maximum. Les libéraux avaient présenté un amendement très semblable. J'espère que tout cela va se faire d'une manière qui permette de répondre à certaines des inquiétudes exprimées par les juristes. J'ai aussi proposé des amendements pour que les juges se concentrent plus sur les questions propres aux enfants d'origine autochtone.
Bien trop d'enfants autochtones ont été enlevés à leur famille au pays tant dans le passé qu'aujourd'hui. Nous devons nous pencher sur ce problème et veiller à ce que les enfants autochtones puissent vivre au sein de leur communauté, baigner dans leur culture, et avoir accès à leur langue ainsi qu'à leurs proches. La question de la garde des enfants dans les communautés autochtones est mentionnée dans le projet de loi, mais elle l'aurait été de façon plus complète si les amendements que j'ai proposés avaient été acceptés.
Toutefois, comme je l'ai déjà dit, le projet de loi prévoit une réforme importante du droit de la famille au Canada. Ces changements étaient attendus depuis longtemps. J'espère qu'ils nous permettront d'éviter que des tragédies comme celles dont j'ai déjà parlé se reproduisent. Il n'y a rien de pire pour un parent que de perdre son enfant. S'il est difficile de perdre un enfant dans le contexte d'un divorce, il est insoutenable de le perdre pour toujours.
J'espère vivement que le projet de loi sera suivi d'un financement supplémentaire et que davantage de formation sera offerte. Il serait utile d'offrir une formation obligatoire pour sensibiliser les juges aux cas d'Aubrey, de Chloe et des enfants d'Alison, et aux conséquences terribles que peuvent avoir leurs décisions. Ce serait une façon d'inciter les magistrats à davantage de prudence. C'est le fardeau que les juges doivent porter. Je ne voudrais pas être à la place des juges qui n’avaient aucune crainte quant au fait que les enfants Azer aillent à l'étranger ou que les filles Berry aillent chez leur père à Noël.
Nous devons tous placer les intérêts de l'enfant à l'avant-plan dans toutes les questions liées au droit de la famille. D'ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue de . Le projet de loi aurait été meilleur s'il avait inclus une mention de nos obligations découlant de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant. Cependant, il y a bien d'autres mesures qui pourraient être prises. Nous oeuvrons depuis des années au Canada — je pense notamment au travail de l'ancienne sénatrice Landon Pearson, qui a mené la charge à ce sujet — pour qu'il y ait un protecteur des enfants au niveau fédéral chargé d'étudier l'ensemble des enjeux qui touchent les enfants.
Sur ce, je remercie la Chambre de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi . Je serai heureuse de voter pour son adoption à l'étape du rapport, ainsi qu'à l'étape de la troisième lecture pour qu'il soit renvoyé au Sénat, qui pourra peut-être ramener certains des amendements qui ont été rejetés à la Chambre.
:
Monsieur le Président, cela me fait plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour la toute première fois dans cette nouvelle Chambre des communes. J’avoue que c’est beaucoup plus grand. Il y a de l’espace. Cela va probablement nous inciter à faire de beaux discours enflammés. Il y a toutes sortes de belles surprises qui nous attendent au cours des 10 prochaines années.
Je tiens tout d’abord à souligner l’excellent travail des membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je remercie particulièrement notre porte-parole en la matière, le député de , pour son travail dans ce dossier et pour toute l’aide précieuse qu’il a apportée à chacun de nos collègues pour bien comprendre les enjeux liés au projet de loi C-78. Je le remercie pour ses conseils précieux.
Pour les gens qui nous écoutent, nous parlons du projet de loi
J'aurai l’occasion de parler des détails de la loi un peu plus tard, mais j’aimerais prendre un peu de temps, puisque le sujet m’en donne l’occasion, pour souligner la grande chance que j’ai de ne pas avoir eu à recourir à la Loi sur le divorce. J’ai été choyé par la vie, puisque j’ai à mes côtés depuis plus de 27 ans une femme extraordinaire. Nous avons traversé de bons et de moins bons moments, des tempêtes, mais aussi beaucoup de lunes de miel.
Caro et moi avons eu trois enfants, qui font notre fierté depuis leur naissance. Comme la plupart des parents, nous avons toujours essayé de prendre des décisions dans l'intérêt supérieur de nos enfants. Cela a parfois donné de bons et de moins bons résultats, mais on ne peut pas dire que nous n'avons pas essayé de tout faire dans l'intérêt supérieur de nos enfants. Les discussions, les échanges et la complicité sont la clé de la durabilité de notre couple. Je compte bien, à l’instar de plusieurs de mes collègues, continuer d’investir dans notre famille pour les années à venir.
Malheureusement, je comprends que les relations ne sont pas toutes identiques et que les histoires ne finissent pas toujours bien, et les enfants sont souvent au cœur de ces histoires qui se terminent mal. Il y a des divorces qui peuvent être très difficiles. On parle de disputes au sujet des enfants, de violence conjugale et d’enfants qui deviennent des objets de convoitise en raison de la loi. Les parents se battent pour gagner la garde des enfants. Tout couple qui a recours à la justice doit entreprendre ce long processus difficile.
Pendant ce processus, les gens vivent des émotions fortes. Certains ont de la peine, d'autres vivent de la colère. Il y a toutes sortes de facteurs qui font que ce n’est pas toujours facile pour eux de traverser ce processus judiciaire. Il y a aussi tout le côté matériel, mais quand vient le temps de parler de la garde des enfants et de déterminer qui est le meilleur parent, au cours des dernières années, la justice avait une méthode gagnant-perdant. L’un va gagner la garde des enfants, l’autre va se contenter des fins de semaine. Il était temps que l’on procède à une révision majeure de cette loi.
Le projet de loi fait plusieurs choses. Tout d'abord, il va remplacer la terminologie relative à la garde et à l’accès par une terminologie relative au rôle parental pour tenter de diminuer ces guerres où il y a un gagnant et un perdant. Ensuite, il va établir une liste de critères relatifs à l’intérêt des enfants. Puis, il va créer des obligations pour les parties et les conseillers juridiques afin d’encourager le recours aux mécanismes de règlement des différends familiaux. À cet égard, je sais qu'on a déjà un tel processus au Québec, mais l'intégrer à la loi va permettre de rendre cette démarche officielle. C’est absolument essentiel. Il est déjà parfois difficile de réussir son mariage, alors il ne faut pas rendre le divorce encore plus difficile.
Il n’est pas toujours nécessaire de se rendre devant les tribunaux. Il n’est pas toujours nécessaire de payer des frais d’avocats énormes et de se disputer pendant des semaines, des mois ou des années. Il y a d’autres moyens de fonctionner. C’est ce que le projet de loi va permettre. Il va également ajouter des mesures visant à aider les tribunaux à traiter des cas de violence familiale. J’y reviendrai. Il va établir un régime relativement au déménagement important d’un enfant, simplifier certains processus qui y sont prévus, notamment ceux qui ont trait aux obligations alimentaires.
Ce sont les grands principes. Ce projet de loi, selon ce qui a été présenté, devrait permettre d’atteindre des objectifs fondamentaux.
Le premier est de promouvoir l’intérêt de l’enfant, tout cela en mettant l’accent sur l’importance de maintenir l’intérêt supérieur de l’enfant comme priorité absolue en droit de la famille lors de la prise de décisions parentales.
Le deuxième est d’aider à lutter contre la violence familiale en exigeant des tribunaux qu’ils tiennent compte de la violence parentale, de sa gravité, de ses répercussions sur l’enfant et des futurs arrangements parentaux.
Le troisième est d’aider à réduire la pauvreté chez les enfants en offrant davantage d’outils pour établir la pension alimentaire pour enfants et exécuter les ordonnances alimentaires.
Finalement, le projet de loi devrait permettre de rendre le système canadien de justice familiale plus accessible et efficace en simplifiant les différentes définitions et les divers processus, en offrant plus de souplesse aux services provinciaux de révision des pensions alimentaires, en réduisant la charge de travail des tribunaux, en permettant aux services administratifs provinciaux de pensions alimentaires pour enfants d’exécuter certaines tâches qui incombent en ce moment aux tribunaux et en exigeant des professionnels du droit qu’ils encouragent leurs clients à utiliser d’autres moyens que les tribunaux pour régler des différends.
L’ensemble de ces mesures, comme je l’ai mentionné, vise à mettre l’intérêt supérieur de l’enfant au premier plan. Les enfants, dans un cas de séparation ou de divorce, sont toujours les victimes des relations entre leurs parents. Les enfants, on le sait tous, n’ont pas demandé à venir au monde dans leur famille. Certains sont chanceux, d’autres, un peu moins. Malheureusement, dans une situation émotive comme celle d’une séparation, la vie peut facilement devenir de plus en plus difficile pour les enfants. Nous pouvons tous raconter des histoires de jeunes qui ont vécu des divorces difficiles, qui ont par la suite eu beaucoup de difficultés, qui ont mis de nombreuses années à s’en remettre et qui resteront marqués à jamais par ces périodes difficiles.
Que la cour, après 30 ans, puisse désormais mettre en avant l’intérêt supérieur de l’enfant dans ses jugements me semble tout à fait normal. C’est un peu incompréhensible qu’on ait attendu toutes ces années avant d’apporter ces changements. Évidemment, il n’y a pas eu de mise à jour importante de la Loi sur le divorce ni des autres lois que j’ai mentionnées plus tôt depuis plus de 30 ans. Pourtant, la réalité des familles canadiennes a beaucoup évolué depuis plus de 30 ans. On constate qu’il y a davantage de divorces aujourd’hui qu’à l’époque de la loi initiale, en 1968.
Je vais donner quelques statistiques. Selon le recensement de 2016, cinq millions de Canadiens se sont séparés ou ont divorcé entre 1991 et 2011. De ce nombre, 38 % avaient un enfant ensemble au moment de leur divorce. Je précise que la loi dont nous parlons aujourd’hui ne concerne que les divorces. Elle ne parle pas des conjoints de fait. On parle des parents qui étaient mariés légalement. Plus de deux millions d’enfants vivaient dans des familles séparées ou divorcées selon le recensement de 2016. Plus d’un million d’enfants de familles séparées vivaient dans une famille monoparentale et un million d’enfants vivaient dans une belle-famille.
Il faut tenir compte du fait que, quand on parle de séparation, on parle de création de familles monoparentales. Les chiffres le disent, les familles monoparentales, et particulièrement celles dont les femmes ont la garde des enfants, sont plus susceptibles de vivre dans des situations de pauvreté que les familles biparentales. C’est une réalité. On comprendra que, quand cela arrive, on n’a pas des tonnes de dollars à dépenser en frais d’avocat pour faire valoir ses droits, entre autres. C’est très important que les législateurs que nous sommes tiennent compte de cette réalité.
Comme je le mentionnais plus tôt, une des raisons qui nous poussent à appuyer ce projet de loi, c'est qu'il fera de l'intérêt supérieur de l'enfant la priorité. Promouvoir l'intérêt supérieur de l'enfant, aider à lutter contre la violence familiale, aider à réduire la pauvreté chez les enfants et rendre le système de justice familiale canadien plus accessible et efficace sont des éléments qui doivent être défendus par nous, les parlementaires.
Bien sûr, j'espère que les gens d'en face ne s'attendent pas à ce que nous soyons d'accord sur tous les éléments du projet de loi . Certains auraient mérité qu'on s'y attarde un peu plus. Je sais que mes collègues du Comité permanent de la justice et des droits de la personne avaient recommandé certaines modifications à la loi, mais celles-ci n'ont pas été retenues. Or il y en avait une qui m'avait particulièrement accroché. J'aurais aimé que le projet de loi C-78 considère parmi les facteurs déterminant l'intérêt supérieur de l'enfant la possibilité de la responsabilité parentale partagée.
Ce n'est pas toujours possible, mais je connais des gens qui ont réussi leur divorce mieux que leur mariage. Ils existent. Ce changement permettrait de rendre légale la situation dans laquelle se trouvent les gens qui ont une bonne entente. La responsabilité parentale partagée leur donnerait plus de latitude. Cela peut fonctionner, même si cela ne fonctionnera pas dans tous les cas, j'en conviens. On aurait pu permettre aux juges de recourir à ce facteur déterminant.
Je m'en voudrais de ne pas mentionner une modification importante au projet de loi qui a été apportée par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Le 5 décembre, le Comité a adopté à l'unanimité un amendement pour incorporer le droit de témoigner, de plaider, de faire des observations et de recevoir un jugement dans la langue officielle de son choix. Je pense que c'est très important partout au Canada.