:
Madame la Présidente, je suis ravi d'intervenir aujourd'hui au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Ce projet de loi contribuera à la protection des aires marines et côtières du Canada et il nous permettra de nous rapprocher de notre objectif visant la protection de 10 % des aires marines du pays d'ici la fin de 2020.
Avant de parler du contenu de l'amendement et du projet de loi, je tiens à remercier la marraine du projet de loi à l'autre endroit. Je sais que c'est grâce à sa grande volonté de protéger les aires marines et côtières du pays que nous sommes réunis ici aujourd'hui pour débattre du projet de loi avant qu'il soit adopté et qu'il permette d'assurer une protection provisoire des océans.
Nous félicitons les sénateurs de leur travail et de leurs discussions au sujet du projet de loi lorsque celui-ci était à l'étude à l'autre endroit. Toutefois, nous ne pouvons pas appuyer l'amendement qui a été apporté par le comité et qui a ensuite été adopté par le Sénat.
Dans le cadre du débat d'aujourd'hui sur la motion, nous proposons un amendement qui, selon nous, tient compte de l'objet de l'amendement adopté à l'autre endroit. Conformément à l'amendement du Sénat concernant l'emplacement géographique, l'amendement que nous proposons viserait premièrement à exiger que, si un arrêté est pris, l'emplacement géographique d'une aire proposée à des fins de protection provisoire et les autres renseignements pertinents et nécessaires dans le cadre de l'arrêté fassent l'objet d'un rapport.
Deuxièmement, comme nous l'avons soutenu, l'amendement sur les consultations apporté par le sénateur qui représente le Nunavut est déjà couvert par les lois et les règlements actuels. Voilà pourquoi notre amendement propose d'exiger la publication d'un rapport résumant les consultations menées en vue de désigner une aire marine protégée provisoire avant la prise de l'arrêté. Nous avons dit à maintes reprises que des consultations sont nécessaires, par conséquent, le gouvernement fera en sorte que l'on montre que des consultations ont été menées avant la désignation d'une aire marine protégée.
[Français]
Les discussions dans l'autre Chambre ont porté sur l'importance de la consultation et de la participation qui continueront d'être à la base de l'établissement de toutes les aires marines protégées, ou AMP, maintenant et à l'avenir.
Le projet de loi n'affaiblit pas notre engagement à développer les AMP en collaboration avec les gouvernements, nos partenaires, nos intervenants et le public. Ce projet de loi ne prend pas de raccourcis lors de l'établissement des AMP. Il n'élimine aucune étape. En fait, il fournit de nouveaux outils pour nous assurer que nous protégeons davantage notre environnement marin.
[Traduction]
Comme les députés le savent, le projet de loi vise à permettre l'usage facultatif d'un nouveau mécanisme pour assurer une protection provisoire à une aire marine écosensible et pour geler l'empreinte laissée dans la zone par l'activité humaine à la suite des évaluations scientifiques et des consultations préliminaires avec nos nombreux partenaires et les intervenants. Le gel des activités en cours durerait cinq ans, période pendant laquelle on mènera des études scientifiques et des consultations supplémentaires dans le cadre du processus visant à désigner une aire marine protégée.
La capacité d'assurer une protection provisoire constitue une approche sensée qui tient compte du fait que, au cours des 7 à 10 années qu'il faut pour désigner une aire marine protégée, rien n'est protégé. Dans l'esprit du principe de la prévention, la nouvelle disposition sur la protection provisoire permettra d'assurer un certain degré de protection.
Le projet de loi modernisera aussi les pouvoirs d'application de la loi, ce qui l'harmonisera avec d'autres lois environnementales. Ces nouveaux pouvoirs seront importants pour garantir l'efficacité des 13 aires marines protégées actuelles et pour atteindre leurs objectifs de conservation respectifs.
Au Sénat, dans le cadre des discussions sur les amendements, on a surtout parlé du fait qu'il faut, primo, veiller à ce que les collectivités les plus touchées fassent partie du processus de consultation et, secundo, remplir notre devoir de consulter les Autochtones, comme l'exige l'article 35 de la Constitution.
[Français]
Je tiens à assurer aux députés que notre gouvernement prend ces deux exigences très au sérieux. L'engagement, les consultations et la prise en compte de l'information socio-économique et des connaissances traditionnelles sont des pierres angulaires de l'établissement des aires marines protégées et, en fait, de la protection provisoire en vertu de ce projet de loi.
Je félicite les députés de l'autre Chambre pour leur engagement à l'égard de ces questions et pour avoir veillé à ce que leurs régions soient bien représentées dans le débat sur le projet de loi .
[Traduction]
Nous consultons un large éventail de gouvernements et d'utilisateurs de ressources marines et d'autres intéressés, des experts et la population, à diverses étapes, notamment au début, pour choisir une aire d'intérêt; lors de la collecte de l'information requise sur l'importance écologique d'une aire marine sensible, la situation socio-économique liée à cette aire et toute activité d'intérêt courante ou prévue; au moment de déterminer les limites initiales et les objectifs de conservation pour une aire à la lumière de la meilleure information disponible, y compris les connaissances traditionnelles et locales et une analyse des risques et au moment d'élaborer une proposition d'approche réglementaire et d'étudier les avantages et les coûts d'une telle approche. Par ailleurs, la population peut s'exprimer pendant les 30 jours qui suivent la publication préalable du règlement dans la Gazette du Canada. Nous tenons régulièrement des consultations pour recueillir des idées pour l'élaboration du plan de gestion d'une aire et, bien évidemment, une fois désignées, les aires marines protégées sont gérées conjointement avec les partenaires locaux. En outre, les articles 29 à 33 de la Loi sur les océans indiquent clairement quelles consultations doivent être tenues.
Comme l'a fait remarquer la marraine du projet de loi à l'autre endroit, selon une analyse du professeur Nigel Bankes de l'Université de Calgary, le changement proposé par le représentant du Nunavut à l'autre endroit est un amendement fragmentaire qui va à l'encontre de l'esprit et de l'objectif de la disposition de protection provisoire qui est proposée. Tout ce qu'elle ferait, c'est de ralentir le processus alors que l'objectif vise tout le contraire, c'est-à-dire à assurer rapidement la protection temporaire d'aires et à suivre une approche de précaution.
[Français]
L'amendement du sénateur Patterson et son explication sont fondés sur la nécessité de tenir des consultations. Comme je l'ai déjà dit, les articles 29 à 33 de la Loi sur les océans le prévoient déjà, et toute loi doit respecter l'article 35 de la Constitution.
[Traduction]
Par ailleurs, un amendement proposé par le député de , fondé sur une demande de la Nunavut Tunngavik Inc. et appuyé par la Qikiqtani Inuit Association, a été adopté par le comité de la Chambre. Cet amendement permettrait de veiller à ce que toutes les ordonnances de protection provisoires soient conformes aux accords de revendications territoriales. C'est pourquoi je prétends respectueusement que l'amendement proposé par le sénateur de l'autre endroit est inutile. Comme le professeur Bankes l'a indiqué, un tel amendement créerait davantage d'exigences pour mettre en place une protection provisoire qu'il y en a pour la création d'une aire marine protégée permanente, et nuirait donc à l'application de l'approche de précaution.
Le professeur Bankes écrit ceci:
Comme l'amendement proposé ne s'appliquerait qu'à la création d'aires marines protégées par arrêté ministériel et non à la création d'aires marines protégées par décret et prise de règlement, il devrait être plus difficile de recourir au processus de l'arrêté ministériel que de prendre un règlement.
[Français]
J'espère que les députés conviendront que cela n'est ni logique ni conforme à l'objet du projet de loi. En tant que secrétaire parlementaire, je suis d'avis que nous ne pouvons pas continuer de laisser des zones d'importance écologique sans protection. Ce projet de loi contribue à atteindre cet objectif sans négliger les consultations avec les provinces et les territoires, les peuples autochtones, les collectivités côtières et les intervenants.
[Traduction]
Bien des députés se souviendront qu'en 2012, le commissaire à l'environnement et au développement durable avait noté la lenteur du processus de création d'aires marines protégées dans les eaux canadiennes. Voici ce qu'on pouvait lire dans son rapport:
Au cours des 20 années ayant suivi la ratification de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique par le Canada, 10 AMP fédérales ont été créées par Pêches et Océans Canada et par Parcs Canada, dans le cadre de leurs programmes relatifs aux AMP. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que les organisations non gouvernementales, protègent collectivement à ce jour environ 1 % des océans et des Grands Lacs du Canada grâce aux AMP. Au rythme actuel, il faudra plusieurs décennies pour que le Canada établisse un réseau d’AMP entièrement fonctionnel et atteigne l’objectif de conservation de 10 % des zones marines, fixé en 2010 aux termes de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique.
Il convient de noter que nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis que le gouvernement est arrivé au pouvoir il y a quatre ans. Nous avons en effet réussi à faire passer la superficie des aires de protection marines et côtières de 1 % à plus de 8 %.
[Français]
Cependant, le processus reste long et complexe. Il faut encore des années pour établir une AMP, mais en vertu du projet de loi , nous avons la possibilité de protéger rapidement les zones sensibles et importantes sur le plan écologique qui favorisent la santé de nos océans et des collectivités côtières qui en dépendent.
[Traduction]
Le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable a également énuméré d'autres facteurs qui ont nui à la progression des travaux de création d'aires marines protégées: les longues négociations territoriales portant, entre autres, sur des revendications territoriales non résolues; la piètre compréhension de la population canadienne en ce qui a trait aux avantages environnementaux et socioéconomiques que génèrent les AMP; les retards dans le processus d’approbation; les longs processus législatifs et réglementaires; et les intérêts contradictoires des intervenants.
En ce qui concerne le dernier point, je me reporterai à une lettre présentée par la Qikiqtani Inuit Association, qui représente plus de 15 000 Inuits, concernant le besoin de faire en sorte que le processus de désignation provisoire respecte les droits des Inuits. La lettre exprime l'opposition de l'association à l'amendement du sénateur Patterson.
Le président Akeeagok a écrit ceci:
Toutefois, le nouvel amendement [à l'étude] obligerait le ministre à tenir une autre période de consultation et d’observations du public avant de prendre un arrêté pour désigner une zone de protection marine provisoire. Or, selon nous, cet amendement risque de porter atteinte aux droits des Inuits en amalgamant l’obligation de faire respecter les droits des Inuits et un engagement plus large à l’égard des intérêts des parties intéressées. La version actuelle du projet de loi C-55 établit la hiérarchie appropriée.
Dans sa lettre du 20 mars 2019, West Coast Environmental Law s'est également prononcée contre l'amendement. L'association a déclaré ceci:
La modification proposée obligerait le ministre à tenir une période de consultation publique avant de prendre une ordonnance provisoire sur les ZPM. Nous craignons que l’amendement proposé soit redondant et, au pire, qu’il risque d’aller à l’encontre de l’objet de l’ordonnance provisoire sur les ZPM.
[Français]
Leur lettre souligne également que les droits ancestraux et les intérêts autochtones sont effectivement protégés par les obligations constitutionnelles du gouvernement et par la Loi sur les océans.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, je crois que cet amendement représente un effort fragmentaire pour améliorer les consultations et que, plutôt que d'ajouter de la valeur au processus, il est redondant et ne sert qu'un seul article du projet de loi.
[Traduction]
Dans les mots du professeur Bankes:
Si cet amendement est adopté, il créera un ensemble distinct de dispositions sur la consultation se rapportant à un seul article et à un seul pouvoir de la loi. Il ne s’agit pas là d’une approche logique pour aborder et améliorer les normes de consultations, ni d’une approche qui donnera des certitudes quant aux consultations.
J'aimerais également souligner le caractère superflu de l'amendement en ce qui concerne deux exigences. D'abord, l'obligation de publier l'emplacement géographique approximatif d'une aire protégée proposée sur le site Web du ministère des Pêches et des Océans. Ensuite, l'obligation de procéder à une évaluation préliminaire de tous les habitats et de toutes les espèces qui se trouvent sur un territoire avant la prise d'un arrêté pour désigner une aire marine protégée provisoire. J'estime que c'est redondant et je vais expliquer pourquoi.
[Français]
Nous répondons déjà à l'exigence d'établir clairement les limites proposées pour une zone à protéger et de fournir de l'information publique sur celles-ci ainsi que des détails sur les caractéristiques écologiques importantes de la zone, telles que son habitat et ses espèces.
L'élaboration et la mise à disposition du public de ces renseignements sont déjà exigées dans le cadre du processus de réglementation fédéral, comme le prévoient la Loi sur les textes réglementaires et la Directive du Cabinet sur la réglementation.
[Traduction]
Il est scientifiquement établi à l'échelle mondiale que les aires marines protégées constituent un moyen de protéger la biodiversité marine et de préserver des caractéristiques spéciales des milieux marins. Elles contribuent en outre au rétablissement du capital naturel pour les générations futures en appuyant l'utilisation durable à long terme de nos ressources marines, sans compter les avantages économiques découlant de cette protection. Tout cela a une incidence directe et positive sur les collectivités côtières dont les moyens de subsistance dépendent de la santé des océans.
Bref, la conservation des milieux marins est un élément essentiel de la planification économique à long terme. Elle nous aide à mieux nous préparer aux répercussions des changements climatiques. Or, tout cela reste théorique en l'absence de mécanismes appropriés pour établir plus rapidement des aires marines protégées lorsque c'est nécessaire. On ne peut tout simplement pas accepter qu'il faille attendre de 7 à 10 ans pour protéger des zones écosensibles dans l'océan.
Le temps n'est plus notre allié. Les changements climatiques, le réchauffement de la planète et l'acidification des océans nous le montrent bien. C'est pourquoi le gouvernement libéral n'a pas ménagé ses efforts et a mené de vastes consultations en vue de modifier la Loi sur les océans. À mon avis, même si les deux amendements proposés par l'autre endroit partent d'une bonne intention, ils feraient en réalité entrave au travail qui doit être fait pour protéger les zones marines et côtières du Canada.
[Français]
Par conséquent, nous rejetons respectueusement l’amendement du Sénat et proposons qu’un amendement qui, à notre avis, respecte l’esprit de l’amendement du Sénat soit accepté. Cela nous aidera à protéger nos océans plus rapidement tout en continuant de consulter les Canadiens, d’appliquer l’approche de précaution et de prendre des décisions éclairées sur le plan scientifique.
[Traduction]
J'espère que nous pourrons aller de l'avant avec ces importantes mesures qui visent à protéger nos océans et nos côtes au profit de tous les Canadiens.
:
Madame la Présidente, j'ai l'honneur d'intervenir aujourd'hui pour parler des amendements proposés par le Sénat et de l'amendement que le gouvernement souhaite apporter à ces derniers.
Je crois que tous les Canadiens, y compris moi, veulent voir protéger les zones et les espèces spéciales des milieux marins, ainsi que leurs caractéristiques telles que les monts sous-marins, les bouches hydrothermales, les gorges sous-marines profondes, ainsi que les créatures et les espèces qui y vivent. Ce sont des exemples incroyables de vie marine dont j'ai vu des répliques grandeur nature à l'Institut océanique de Bedford, en Nouvelle-Écosse. Certaines de ces espèces et répliques sont extrêmement bizarres et ont des formes incroyables. Elles ressemblent à des créatures de films d'horreur, mais elles vivent dans des gorges sous-marines profondes, au large de nos côtes.
Nous devons certainement envisager de protéger ces éléments, mais d'autres éléments touchés par le projet de loi méritent autant, sinon plus, notre attention. Je pense notamment aux collectivités côtières. Notre pays s'est construit grâce à la pêche. Les pêches à la morue au large de Terre-Neuve ont certainement contribué à l'édification de cette belle région avant que la province ne se joigne au grand pays en 1949. Sur la côte Ouest, les pêcheries ont contribué à faire de la Colombie-Britannique la province forte qu'elle est aujourd'hui. Les pêcheries continuent d'être un élément fondamental de ces économies.
Depuis de nombreux mois, plus précisément depuis que l'actuel gouvernement est au pouvoir, les collectivités de la région n'ont pas cessé d'exprimer leurs préoccupations, non seulement les pêcheurs mais aussi les gens d'affaires, la population en général, les écoles et les églises, bref, tout ceux qui comptent sur le gagne-pain des gens qui tirent leur subsistance de la mer. Au cours de la semaine, des gens ont manifesté devant le bureau de circonscription du ministre pour exprimer leurs préoccupations au sujet de la fermeture de la pêche sur la côte Ouest. Il y a également eu des manifestations sur la côte Est, lors du passage du ministre dans la région. Les pêcheurs de homard craignent qu'on invoque des raisons de protection marine pour leur interdire l'accès à certaines zones de pêche. Des doléances ont été exprimées d'un océan à l'autre.
Cependant, ce genre de manifestations n'a pas eu lieu dans le Nord, et cela tient à une raison. Là-bas, les zones de protection marine ont été proposées par les collectivités, notamment par les Autochtones et les Inuits de la région. Ils ont fait leurs propositions en tenant compte des caractéristiques spéciales de ces zones et des activités culturelles particulières qui s'y rattachent.
Nous, les membres du Comité permanent des pêches et des océans, avons eu une occasion extraordinaire de faire une étude sur le processus de mise en oeuvre des zones de protection marine au Canada. En 2016, j'ai présenté une motion afin que le comité étudie ce processus pour s'assurer qu'il soit efficace et équitable, et qu'il prenne en considération tous les processus déjà en place ou envisagés pour la création des zones de protection marine. J'ai présenté cette motion bien avant que le gouvernement ait présenté le projet de loi . Cette étude a dû être mise de côté pour que le Comité puisse examiner le projet de loi C-55. Nous avons tenu compte des témoignages reçus à la fois lors de l'étude du Comité sur le processus et lors de son examen du projet de loi C-55.
Au cours de nos travaux, nous avons constaté l'importance absolue de la consultation pour la réussite du processus. C'est d'ailleurs le but visé par les amendements proposés par le Sénat, mais ceux-ci sont dilués par l'amendement proposé par le gouvernement. Le Sénat a examiné le projet de loi et a dit qu'il fallait assurer la reddition des comptes, l'ouverture et la transparence — trois éléments qui semblent absents chez le gouvernement. Celui-ci a fait preuve, au cours des trois dernières années et demie, d'un manque de reddition de comptes et de transparence, ce qui est très évident et clair pour le public canadien.
Le projet de loi est guidé par de bonnes intentions, c'est-à-dire d'aider le gouvernement à arriver, d'ici 2020, à protéger 10 p. 100 des zones marines du pays, un objectif établi par l'ancien gouvernement conservateur. Ce but est presque atteint, grâce à un excellent travail et à un processus de consultation très clair. Il est vrai qu'il a fallu 5, 7 ou même 10 ans pour établir certaines zones de protection marine, mais celles qui sont en place bénéficient de l'appui des communautés locales, parce qu'elles y trouvent quelque chose d'important pour elles.
À titre d'exemple, les communautés du Nord auxquelles j'ai parlé souhaitaient avant tout tenir le reste du monde à l'écart de leurs pratiques culturelles, comme la pêche au béluga, pour qu'elles puissent continuer de les pratiquer de manière à maintenir leur mode de vie. J'ai eu des conversations intéressantes avec l'un des chefs, un gars fantastique qui voyage un peu pour représenter sa communauté. Il m'a dit que, quand il vient dans le Sud du Canada pour participer à des consultations ou à des rencontres avec le gouvernement, il doit délaisser son alimentation traditionnelle, composée de muktuk, de baleine et de phoque. Il m'a dit qu'il pouvait manger trois hamburgers pour souper et avoir encore faim. C'est seulement lorsqu'il retourne chez lui et mange du muktuk qu'il se sent enfin rassasié. C'est un aspect essentiel de la vie dans le Nord.
C'est pourquoi on a proposé la création de zones de protection marine dans les régions de Tuktoyaktuk et Paulatuk, sur la côte de l'Arctique. Les collectivités y ont vu des avantages, et le gouvernement partageait leur avis. Le gouvernement a mené un processus de consultation rigoureux auprès de ces collectivités afin de déterminer les critères à respecter, les zones à protéger et les attentes des collectivités quant aux activités qui seraient autorisées dans ces zones, notamment en ce qui concerne les pêches. Voilà des exemples des mesures qui ont été prises selon les règles appliquées par le gouvernement précédent. La consultation était rigoureuse, la rétroaction était constructive, et on travaillait en étroite collaboration avec les collectivités locales.
J'aimerais revenir sur les manifestations mentionnées précédemment. Dans le cadre des travaux du Comité permanent des pêches et des océans, nous sommes allés dans toutes les régions côtières de notre grand pays. Nous sommes d'abord allés sur la côte Est, dans les provinces de l'Atlantique, plus précisément à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Nous avons parlé aux gens sur le terrain. Tous se faisaient du souci pour leur collectivité, non pas à cause des fermetures de pêches, mais de la façon dont on pourrait les imposer. Ils voulaient participer au processus. Ils connaissent les particularités de la région et savent qu'est-ce qui est important pour la population.
Après la tournée des Maritimes, le comité est allé sur la côte Ouest et dans le Nord. Nous nous sommes entretenus avec des pêcheurs sur la côte Ouest qui, eux aussi, voulaient avoir leur mot à dire. Il était question de fermer certaines zones au large de la côte du Pacifique. Une zone en particulier était appelée « la cuisine » par la population locale parce que les pêcheurs locaux y capturaient la plus grande partie de la prise totale permise de flétan. Cette zone regorgeait littéralement de flétan et, par beau temps, les pêcheurs pouvaient pêcher leur quota et rentrer au port. La pêche se pratique depuis des décennies dans cette zone fortement productive et durable. Pourtant, les pêcheurs ont craint qu'elle ne devienne une zone de protection marine. Cela aurait signifié que, plutôt que de pêcher pour une courte période dans une zone très productive, les pêcheurs auraient dû aller plus loin, jusqu'à des zones inconnues où la pêche aurait été incertaine et y rester possiblement plusieurs jours, au risque d'affronter des intempéries, mettant ainsi en péril les équipages, les bateaux et le gagne-pain, tout cela parce que le gouvernement ne les avait pas consultés.
C'est le genre de témoignages qui est revenu constamment, encore et encore, que ce soit dans le cadre de l'étude que j'ai proposée au Comité permanent des pêches et des océans ou de l'étude du comité sur le projet de loi .
Je le répète: tous les Canadiens veulent que les zones spéciales soient protégées. Ils souhaitent toutefois avoir leur mot à dire sur leur désignation et les moyens de protection utilisés. Ils veulent aussi savoir ce qui est protégé. C'est en partie l'objectif de l'amendement du Sénat, qui demande que les zones ainsi que les habitats et les espèces dans ces zones proposées soient précisés avant la mise en oeuvre des fermetures.
Revenons au libellé du projet de loi en ce qui concerne les sites d'intérêt. Le secrétaire parlementaire a bien sûr parlé des zones de protection marine, qui ne pourraient être établies sans une consultation complète. Ce ne serait toutefois pas le cas des sites d'intérêt. La consultation complète n'aurait lieu qu'après la désignation d'un site d'intérêt.
La désignation d'un site d'intérêt pourrait également entraîner des fermetures et des restrictions susceptibles de concerner le transport, les pêches, la navigation, l'utilisation des fonds et les activités d'exploration et d'exploitation pétrolières et gazières. Toutes ces restrictions peuvent être appliquées presque instantanément avec la désignation d'un site d'intérêt.
Il est absolument ridicule que le secrétaire parlementaire ose affirmer qu'aucun raccourci n'est prévu dans le projet de loi .
Cela prend des semaines, des mois et parfois même des années pour veiller à ce que les multiples éléments complexes et intrinsèquement liés d'une zone de protection marine soient mis en place correctement. C'est très important de ne pas précipiter les choses uniquement pour briller sur la scène mondiale en atteignant un objectif international. Le Canada est un chef de file dans ce dossier à bien des égards. Comme je l'ai dit, nous avons presque atteint notre objectif de protéger 10 % des aires marines du pays. Nous avons très facilement atteint notre objectif de 5 % en 2017 en adoptant d'autres mesures pour protéger les caractéristiques d'une zone.
On a établi, il y a longtemps, des aires de conservation du sébaste au large des côtes de la Colombie-Britannique parce que ces endroits sont reconnus comme des aires spéciales de frai pour ces populations. En permettant l'établissement de ces aires de conservation du sébaste et en réduisant la quantité de pêche autorisée dans ces zones productives clés, on encourage des activités de pêche dans de nombreuses autres zones de l'océan à proximité de ces aires, permettant ainsi la poursuite de la pêche d'autres espèces à l'extérieur de ces aires locales. C'est le genre de mesures qui donne vraiment de bons résultats.
Le gouvernement n'a cessé de mener, encore et encore, des consultations vides de sens. L'année dernière, par exemple, il a mené des consultations pendant des mois à propos de la fermeture de la pêche au crabe au large de la côte atlantique, je crois. Il a travaillé en collaboration avec les pêcheurs de crabe pour décider des dates d'ouverture de la pêche, et ce, afin d'éviter aux baleines noires de se retrouver empêtrées dans des filets comme c'était le cas avant. Personne ne veut voir de baleines mourir à cause de filins servant à la pêche ou d'autres équipements traînant dans l'eau. Ces mesures ont été très bien vues et respectées parce qu'elles découlaient d'une consultation.
Les pêcheurs de homard, quant à eux, n'ont pas été consultés. La pêche a été soudainement fermée sans qu'on les en ait informés à l'avance. Ces pêcheurs se sont sentis frustrés par le manque de consultation de la part du gouvernement, du ministre des Pêches et de son personnel.
Pas plus tard que l'année dernière, des pêches ont été fermées sur la côte Ouest pour protéger les épaulards résidents du Sud. Nous accordons tous de l'importance à la protection de cette espèce. C'est dans l'intérêt du monde entier.
Apparemment, des consultations approfondies avaient lieu auprès des collectivités de pêcheurs sur la côte sud de la Colombie-Britannique, sur l'île de Vancouver, et des opinions étaient recueillies par le personnel du ministère quant aux endroits où les activités de pêche devaient être interrompues et à quel moment elles devaient l'être, et quant au type de restrictions sur les engins. Ce processus semblait fonctionner. Cependant, lorsque la saison de la pêche est arrivée, le ministre des Pêches a soudainement annoncé des fermetures totalement différentes de celles qui étaient prévues, des limites complètement différentes, et il a concentré les activités de pêche dans une zone restreinte. Au lieu de donner aux pêcheurs accès à une zone légèrement plus grande, comme ces derniers l'avaient proposé, on les a soudainement confinés dans une minuscule zone, où ils ne pouvaient pêcher que les poissons qui s'y trouvaient.
J'ai d'ailleurs eu moi-même l'occasion de vivre cette expérience. La personne avec qui j'étais m'a dit que nous étions chanceux de ne pas être là pendant un long week-end. À ce moment-là, il y avait environ 25 ou 30 bateaux, tous collés les uns aux autres le long d'une ligne invisible dans l'océan tracée par le ministre des Pêches pour protéger la zone située plus au nord. Les bateaux étaient côte à côte et entassés dans un petit secteur au lieu d'être dispersés dans une plus vaste zone. Cette journée-là, il n'y avait que 25 ou 30 bateaux. J'ai appris qu'au cours de la longue fin de semaine précédente, il y avait 200 bateaux dans cette même zone. Je ne peux m'imaginer quel genre d'impact une quantité aussi élevée de bateaux peut avoir sur les populations de poisson. J'ai vu cette tendance se dessiner lorsque je travaillais dans la gestion des pêches et de la faune: de plus en plus de pressions exercées sur les secteurs de la pêche et de la chasse, des saisons plus courtes, et une augmentation des activités s'échelonnant sur des périodes de plus en plus courtes. Au lieu d'accorder aux pêcheurs des zones plus vastes pour pratiquer leurs activités, on réduit la taille des zones et la durée des saisons. La concentration de pêcheurs et de chasseurs est telle que cela complique la récolte. Ce n'est pas une solution viable.
Nous ne voulons pas voir cela dans le cas des zones de protection marine, simplement pour atteindre un nombre cible de zones protégées afin de respecter les normes internationales, qui ne sont pas nécessairement les normes canadiennes. Encore une fois, comme je l'ai mentionné, le gouvernement semble pressé de se retrouver sous les projecteurs sur la scène mondiale pour avoir atteint ces objectifs avant la date butoir plutôt que de procéder de manière réfléchie en consultation avec les collectivités locales qui souhaitent se conformer à ces normes. Les exemples de conservation dont j'ai parlé, la compression des saisons et des zones ainsi que la pression intense sont tout simplement néfastes pour la gestion des pêches ou de la faune de même que pour la protection de nos zones.
Je reviens à la raison pour laquelle le Sénat propose cet amendement à la Chambre. Je félicite le Sénat d'avoir pris le temps d'étudier le projet de loi, d'en constater les risques potentiels et de tenter de conformer le gouvernement aux normes de reddition de comptes, ce que le secrétaire parlementaire prétend être redondant. Or, la redondance n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Nous le constatons dans les mécanismes de sécurité partout dans le monde. La redondance signifie reddition de comptes et sécurité: la sécurité pour nos collectivités qui dépendent de nos pêches et de l'accès aux océans, la sécurité pour les routes maritimes qui traversent une zone ou passent près d'elle et la sécurité pour l'économie future du pays.
Je ne peux pas rester les bras croisés pendant que le gouvernement propose un amendement qui aura pour effet d'affaiblir l'amendement du Sénat.
J'ai amené au comité des pêches une série de recommandations issues de l'étude parlementaire.
La recommandation 1 se lit comme suit:
Que, lorsqu’il identifie de nouveaux sites d’intérêt pour en faire des zones de protection marine, le gouvernement du Canada évalue les valeurs et les responsabilités économiques et sociales nettes, y compris le coût des patrouilles et de l’application de la loi au Canada, en particulier pour les zones marines éloignées.
Même si certains de ces éléments ont été inclus dans le projet de loi, la majeure partie a été laissée à la réglementation qui sera créée dans la foulée du projet de loi. Nous étions très préoccupés au sujet des moyens qui seront employés pour patrouiller dans certaines des zones de protection marine. C'était un autre élément qui est ressorti du processus de consultation mené dans les collectivités. Ces dernières considéraient que, dans bien des cas, les pêcheurs ou les gardes locaux étaient les plus qualifiés pour la surveillance et l'application dans la région. Les pêcheurs de homard ou de crabe locaux seraient possiblement mieux à même de reconnaître qu'un bateau ne devrait pas être là et de chercher à comprendre pourquoi il est là. Ils serviraient de courroie de transmission et communiqueraient l'information aux autorités compétentes afin qu'elles enquêtent et se chargent de l'application, le cas échéant.
La recommandation 2 du rapport est la suivante:
Que les sites d’intérêt et les zones de protection marine ne soient pas considérés indépendamment des pratiques de gestion durable des pêches.
On en revient essentiellement aux aires de conservation du sébaste sur la côte Ouest dont j'ai déjà parlé. Elles sont considérées comme des mesures de protection destinées à augmenter le nombre de kilomètres carrés des aires protégées selon les objectifs de 5 % et de 10 %.
La recommandation 3 se lit comme suit:
Que le gouvernement fédéral reconnaisse les répercussions négatives que subissent les personnes dépendant directement des ressources d’une zone de protection marine et que le ministre utilise son pouvoir discrétionnaire pour mettre en place des mesures compensatoires en consultation avec l’industrie des pêches lorsqu’il est prouvé que la création de la zone entraînera des pertes ou causera des préjudices.
L'importante question de la consultation est évaluée ici, mais elle ne figure pas dans le projet de loi . Le Sénat, pour sa part, a proposé un amendement qui vise à la réintégrer. Par conséquent, je suggère de rejeter l'amendement du gouvernement et d'accepter celui du Sénat, qui demande une reddition de comptes autrement plus serrée de la part du gouvernement.
La recommandation 4 du rapport du comité permanent demande au ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne de présenter au Parlement un rapport annuel comportant une liste des zones de protection marine de protection marine désignées au cours de l'année ainsi que de l'information indiquant si chacune des zones de protection marine établies répond aux objectifs de conservation.
Voilà un domaine où le ministère cumule échec par-dessus échec. Depuis un an et demi, la commissaire à l'environnement et au développement durable a d'ailleurs publié deux ou trois rapports où elle est loin d'être tendre avec le ministère des Pêches. Il y en a un qui a été rendu public cet automne, si ma mémoire est bonne, et on y apprend que la reddition de comptes au sein du ministère laisse grandement à désirer.
À vrai dire, dans un rapport produit il y a plus d'un an, la commissaire a voulu savoir si le ministère avait attribué un plan de gestion intégrée des pêches à 155 des principaux stocks de poisson du Canada, comme il s'y était engagé en 1995. Eh bien elle a constaté que 10 ans plus tard, soit en 2005, le ministère n'en était encore qu'aux bonnes intentions et qu'il se contentait de dire qu'il avait toujours l'intention d'établir les plans en question.
Si je ne m'abuse, ce rapport est sorti en 2016, c'est-à-dire 10 ans après les promesses renouvelées du ministère et 20 ans après son premier engagement, et on y apprend qu'un grand nombre de plans de gestion intégrée des pêches n'avaient toujours pas été mis à jour par le ministère. Or, il devait simplement doter 155 stocks de poisson d'un tel plan.
Comment a réagi le ministère quand ses insuccès répétés ont été révélés au grand jour? Il a promis d'élaborer un plan sur l'élaboration des plans promis. C'est tout simplement incroyable. Après avoir promis par deux fois d'élaborer ces fameux plans, voilà qu'il promet de créer un plan sur leur élaboration. C'est exactement à ce type d'incurie que nous ont habitués l'actuel et le gouvernement.
Madame la Présidente, je vois que nous approchons de la période des questions. Me reste-t-il quelques minutes?