:
Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui.
[Traduction]
Je demande à la Chambre d'être indulgente et j'espère que personne n'invoquera le Règlement, car je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée de prononcer ce discours un jour particulier pour saluer deux de mes plus ferventes partisanes.
La première est mon épouse Chantale, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui. Je veux lui souhaiter un joyeux anniversaire. Fait encore plus important, nous attendons un bébé à la fin de juillet. Je tiens à rendre hommage à mon épouse, car elle ne ménage aucun effort dans son travail à elle, qui est manifestement épuisant. Je tiens à la remercier de la grande patience dont elle fait preuve à mon égard quand je suis fatigué, même si ma fatigue n'est assurément pas comparable à la sienne. Je tiens à lui dire que je l'aime beaucoup.
Comme je ne voudrais pas susciter la jalousie dans notre foyer, je salue également notre fille, Lydia, qui est aussi une de mes grandes partisanes. Nous formons un trio et, comme je l'ai dit lors de notre mariage l'an dernier, j'ai eu la chance de tomber amoureux à deux reprises. Comme j'ignore si l'occasion se représentera avant les élections, je voulais en profiter pour les saluer et leur dire combien je les aime.
Je remercie les députés des bonnes pensées dont ils m'ont fait part.
[Français]
Sur une note plus sérieuse, j'aimerais parler des amendements du Sénat au projet de loi . J'aimerais plus précisément parler du processus en tant que tel et revenir ensuite sur certains aspects du projet de loi C-59, notamment en ce qui concerne des questions que j'ai soulevées auprès du ministre, des questions qui demeurent sans réponse ou, à tout le moins, sans réponse adéquate.
J'aimerais commencer par aborder une question plus actuelle concernant un projet de loi devant la Chambre au moment où on se parle. Il s'agit du projet de loi , un projet de loi qui va donner plus de pouvoirs à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC pour qu'elle couvre également l'Agence des services frontaliers du Canada. C'est important parce qu'on parle depuis longtemps du fait que l'Agence des services frontaliers du Canada, seule agence ayant un rôle à jouer dans notre sécurité nationale, demeure sans comité qui aurait pour unique fonction l'examen de ses activités.
Bien sûr, il y a le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui a été créé par le projet de loi , et il y aura bientôt un comité créé par le projet de loi , qui va toucher à l'Agence des services frontaliers du Canada, mais seulement pour les activités concernant la sécurité nationale.
Or, j'aborde ici la question d'un comité qui serait consacré strictement à l'examen des activités de l'Agence des services frontaliers du Canada, mais également au traitement des plaintes à l'interne, par exemple les différentes allégations sur le harcèlement, qu'on a vues dans les médias au cours des dernières années, ou les plaintes que pourraient formuler des citoyens d'origine musulmane relativement au profilage.
Le fait qu'il existe une surveillance ou un examen plus approfondi est très important. Je peux dire que, chaque fois qu'un article est publié, que ce soit sur une situation problématique à la frontière, sur le syndicat qui se plaint du mauvais traitement de ses travailleurs ou des situations problématiques liées à l'Agence, le ministre sort en grande pompe pour rappeler que c'était une promesse profonde et un engagement important de sa part d'avoir un appareil qui ferait en sorte de traiter ces plaintes de façon adéquate et qu'il y aurait donc une surveillance ou un examen de l'Agence.
Or que s'est-il passé en quatre ans? Il ne s'est rien passé.
Chaque fois qu'il y a un reportage dans les médias, ou un article traitant des différentes allégations problématiques, j'en suis rendu à faire un copier-coller du dernier gazouillis que j'ai publié, et ce, depuis plusieurs années. En effet, la situation se répète, sans aucun geste de la part de ce gouvernement.
Si cette situation est problématique, c'est que le ministre dépose un projet de loi à minuit moins dix, qu'il reste peu de temps au Parlement actuel et que le projet de loi n'est même pas encore à l'étude au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes.
J'ai du mal à croire que nous pourrons adopter le projet de loi à la Chambre, et je doute encore plus qu'il chemine au Sénat.
Cela est important, parce que le ministre lui-même a fait allusion, dans son discours, au fait que, à l'automne 2016, lorsque le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, auquel je siège, a voyagé d'un bout à l'autre du pays pour étudier la question et formuler des recommandations en vue du dépôt du projet de loi , la recommandation de créer un comité qui soit attitré à l'examen précis des activités de l'Agence des services frontaliers du Canada était l'une des plus importantes. Or, comme on le voit dans le projet de loi , on n'a pas profité de cette occasion pour poser des gestes en ce sens.
[Traduction]
Il y a de quoi s'inquiéter, car le projet de loi est une mesure législative omnibus. J'ai plaidé auprès de la Chambre, du ministre et même du Sénat, quand le projet de loi est arrivé au Sénat, en me servant de divers mécanismes de procédure, pour qu'on étudie certaines parties du projet de loi séparément parce que, comme l'a indiqué à juste titre le ministre, il est question d'un énorme remaniement de l'appareil de sécurité nationale. Ce n'est pas seulement qu'il faille prendre le temps de bien étudier la question, mais aussi que certains éléments, sur lesquels je reviendrai dans un instant, ne faisaient même pas partie des sujets examinés dans le cadre des consultations sur la sécurité nationale menées par le ministère ainsi que lors de l'étude faite par le comité.
Plus particulièrement, pour conclure au sujet du projet de loi , le ministre ne semble pas avoir agi rapidement compte tenu des engagements qu'il avait pris quant à la surveillance ou l'examen des activités de l'Agence des services frontaliers du Canada. En réponse à la question que je lui ai posée après son discours, il a dit que cela dépassait la portée du projet de loi. Voilà qui est intéressant parce qu'il s'agit d'une mesure législative omnibus et parce que le gouvernement l'a renvoyée au comité avant l'étape de la deuxième lecture expressément dans le but de permettre des amendements dépassant la portée du projet de loi puisqu'on visait un important remaniement.
J'ai du mal à comprendre pourquoi il n'était pas possible d'intégrer ce genre de mécanisme au projet de loi actuel, puisque tout indiquait qu'on voulait un vaste projet de loi et qu'on envisageait même d'en élargir la portée. Nous nous retrouvons plutôt avec le projet de loi , qui a été présenté à la dernière minute et qui ne pourra pas être adopté par le Parlement avant les prochaines élections.
[Français]
J'ai parlé de la nature omnibus du projet de loi. Plusieurs aspects sont inquiétants à cet égard. J'ai écrit une lettre à des sénateurs au sujet des enfants dont le nom est sur la liste d'interdiction de vol et du groupe EnfantsInterditDeVol, dont le ministre a parlé. Je connais très bien ce groupe. J'aimerais féliciter les parents pour leurs efforts acharnés en ce qui concerne le dossier de leurs enfants.
Dans certains cas, ces enfants sont sur la liste simplement parce que cette liste est raciste. À la base, le fait que des noms se répètent est, en quelque sorte, une forme de profilage. Bien entendu, on pourrait tenir un débat sur l'efficacité de cette liste. Or elle est tout à fait désuète et défectueuse à cause de la similarité des noms qui se répètent. C'est effronté de prétendre qu'aucun élément de cette liste ne permettait, à une compagnie aérienne et aux agents qui géraient la liste et appliquaient les règles avant que ce projet de loi ne soit adopté, de faire la distinction entre une menace terroriste et un très jeune enfant.
Encore une fois, je félicite les parents pour leurs efforts acharnés et le travail qu'ils ont fait dans un esprit non partisan. Ils ne sont pas partisans, mais, moi, par contre, je le suis. Je profite donc de ma tribune pour dire que je trouve inadmissible la façon dont on a pris en otage ces familles et ces enfants pour faire adopter un projet de loi omnibus.
En effet, le ministre a dit que les changements apportés à la liste d'interdiction de vol allaient avoir des répercussions sur un système de redressement, qui permettrait à ces enfants de voyager sans se faire harceler à l'aéroport. Cette partie du projet de loi à elle seule comportait plusieurs centaines de pages.
J'ai demandé au gouvernement, s'il croyait réellement que cette partie du projet de loi rendrait justice à ces familles et à ces enfants, pourquoi il ne scindait pas le projet de loi et il ne l'adoptait pas plus rapidement. Nous nous opposons à plusieurs volets, à plusieurs aspects de la liste. Nous sommes même disposés à débattre de l'utilité de la liste et des défaillances qui peuvent exister. S'il y a des objectifs louables, nous sommes prêts à les considérer. Cependant, encore une fois, nous avons eu les mains liées par le mécanisme d'un projet de loi omnibus. Les libéraux nous avaient promis en campagne électorale que ce serait chose du passé.
Je sais que les parents ne diront pas cela, et je ne m'attends pas à ce qu'ils le fassent. Je les salue encore une fois pour leur esprit non partisan. Cependant, je trouve honteux et inadmissible qu'on les ait tenus en otage.
Par ailleurs, il y a aussi le projet de loi .
J'ouvre ici une parenthèse. Le projet de loi, auquel nous nous sommes opposés, était un projet de loi extrêmement inquiétant qui portait sur le partage d'informations à la frontière avec les Américains, entre autres. Il était donc question d'informations sur les citoyens qui se déplacent entre le Canada et les États-Unis. Le projet de loi a été retardé au Sénat, tout comme le projet de loi C-21.
Au fur et à mesure que l'attaché de presse du répondait aux doléances des parents ayant des enfants sur la liste d'interdiction de vol, il parlait soudainement du projet de loi comme d'une solution de mise en œuvre du système de recours pour les personnes voulant déposer une plainte ou ne voulant pas être retardées à l'aéroport pour un nom sur la liste, alors qu'il ne s'agit pas de l'individu identifié. Je trouve absolument effrayant qu'on utilise ces familles comme monnaie d'échange pour faire cheminer un projet de loi qui touche beaucoup d'éléments qui ne les regardent pas et qui méritent une étude plus approfondie. Selon moi, ces éléments n'ont pas encore été suffisamment examinés pour faire avancer le projet de loi.
Je remercie le d'avoir reconnu le travail que j'ai fait au comité, même s'il lui a fallu deux tentatives lorsqu'il répondait à mes questions plus tôt aujourd'hui. En comité, j'ai présenté près de 200 amendements, dont très peu ont été acceptés, ce qui ne fut pas une surprise.
J'aimerais aborder plus particulièrement un des amendements du Sénat qui a été accepté par le gouvernement. Cet amendement est important et bien simple, pour ne pas dire banal. Il propose d'ajouter une disposition à la loi afin que nous puissions réexaminer le projet de loi après trois ans, plutôt que cinq, et lui apporter des modifications si cela est nécessaire. C'est important puisque nous proposons des changements importants et profonds à notre système de sécurité nationale. Ce que je trouve fascinant, c'est que j'ai proposé le même amendement en comité, que j'ai justifié à l'aide des témoignages des experts, et les libéraux ont rejeté mon amendement. Or, tout à coup, le Sénat propose le même amendement et le gouvernement l'accepte dans la motion que nous débattons aujourd'hui.
J'ai demandé au pourquoi les libéraux n'étaient pas prêts à mettre la partisanerie de côté dans un comité parlementaire et à accepter un amendement de l'opposition qui proposait une mesure bien simple, alors qu'ils l'acceptent aujourd'hui. Il m'a répondu qu'ils avaient pris le temps de réfléchir et qu'ils avaient changé d'avis lorsque le projet de loi était au Sénat. Je ne m'attarderai pas trop là-dessus puisque mon temps est précieux, mais j'ai un peu de mal à accepter cela puisque rien n'a changé. Les experts sont venus témoigner au Comité permanent de la sécurité publique et nationale et c'était très clair, simple et raisonnable. Cela dit, je remercie le ministre d'avoir enfin reconnu, ce matin, que j'ai participé à ce processus.
[Traduction]
J'aimerais également parler de certaines de nos préoccupations concernant le projet de loi. Deux dispositions du projet de loi actuel ayant trait au projet de loi du précédent gouvernement nous préoccupent, voire nous consternent, ainsi que quelques dispositions propres au projet de loi actuel.
Deux dispositions du projet de loi ont suscité plus de préoccupations que les autres lors du débat qui a eu lieu à la dernière législature. Ce sont elles qui préoccupaient le plus la population canadienne également, et c'est pourquoi des manifestations ont eu lieu à l'extérieur de la salle d'audience du comité dans les cinq grandes villes canadiennes qu'il a visitées en cinq jours, au cours du mois d'octobre 2016. La première disposition avait trait à la perturbation des menaces et la deuxième concernait le régime de communication d'information qui a été créé par le projet de loi C-51. Ces deux dispositions sont préoccupantes pour des raisons différentes.
Les pouvoirs de perturbation des menaces accordés au SCRS sont préoccupants, car le SCRS a initialement été créé parce qu'un consensus avait émergé au Canada autour de la nécessité de séparer le rôle d'application de la loi de la GRC, c'est-à-dire procéder à des arrestations et effectuer le travail qui s'y rapporte, de son rôle de collecte de renseignements, qui incombe désormais au SCRS. Les deux rôles ont donc été séparés.
Toutefois, en revenant à des dispositions où la distinction entre les pouvoirs n'est plus aussi nette en ce qui a trait à la perturbation de la menace, la question de la constitutionnalité se pose. D'ailleurs, les experts qui ont comparu devant le comité ont indiqué que, bien que le projet de loi C-59 soit moins inconstitutionnel que celui qui a été présenté par les conservateurs à la législature précédente, il fallait encore le soumettre à l'épreuve des tribunaux et il restait encore une certaine incertitude à son sujet.
Nous croyons toujours qu'il n'est pas nécessaire que le SCRS ait ces pouvoirs. Il demeure important de distinguer les deux rôles compte tenu des événements qui ont mené à leur séparation, c'est-à-dire les granges incendiées, la Commission Macdonald et tous les autres événements dont les gens qui ont suivi ce débat sont bien au courant, mais dont nous n'avons pas le temps de discuter aujourd'hui.
[Français]
L’autre élément, c’est le partage d’information, que nous connaissons très bien. Nous avons ouvert la porte à un partage d’information libéral, pour ne pas faire un mauvais jeu de mots, entre les différents ministères du gouvernement. C'est inquiétant. Au Canada, parmi les cas les plus médiatisés de violation des droits de la personne, il y a la situation que Maher Arar a vécue à l'étranger et qui a mené à la mise sur pied de la Commission Arar. Dans de tels cas, on sait que le partage d'information avec d'autres administrations est l'un des facteurs qui ont mené à la violation des droits de la personne ou à la torture. Il s'agit d'endroits dans le monde où les droits de la personne sont presque ou complètement inexistants. On constate que le partage d’information entre les ministères du Canada peut exacerber de telles situations, notamment lorsque cet échange a lieu entre la police ou le Service canadien du renseignement de sécurité et le ministère des Afffaires étrangères.
Il y a un citoyen qui a été torturé à l'étranger et qui poursuit actuellement le gouvernement. Son nom m'échappe, j'espère qu'il me pardonnera. Affaires mondiales Canada a tenté de lui procurer un passeport afin de le rapatrier, peu importe la véracité des accusations qui pesaient contre lui, car il demeurait un citoyen canadien. Cependant, des preuves accablantes nous portent à croire que le SCRS et la GRC auraient travaillé ensemble et avec les autorités étrangères pour le maintenir à l’étranger.
Un plus grand partage d’information peut exacerber ce genre de problème, car au gouvernement, la main gauche ne sait pas toujours ce que fait la main droite. Certaines informations peuvent tomber entre les mauvaises mains. Si le ministère des Affaires étrangères tente de procurer un passeport à un individu et qu'il est obligé par la loi de partager l’information avec le SCRS, qui a un intérêt tout autre que celui de nos diplomates, cela peut nous amener sur une pente glissante.
Avec le projet de loi C-59, le régime de partage d’information qui a été dénoncé par plusieurs demeure donc en place. Je n’ai pas le temps de faire la liste exhaustive des experts et des groupes de la société civile qui ont critiqué cette réalité, mais je mentionnerai Amnistie internationale, qu'on connaît bien de réputation, qui fait un excellent travail. Ce groupe figure parmi ceux qui dénoncent le maintien de ce partage d’information, avec toutes les conséquences qu'il peut avoir pour les droits de la personne, surtout à l’étranger.
Comme le projet de loi a été renvoyé au comité avant la deuxième lecture, cela nous a conféré l’avantage de pouvoir proposer des amendements qui vont au-delà de sa portée. Nous avons constaté qu'une occasion a été ratée. Cette situation s'est déroulée en deux temps. J’invite les gens qui nous écoutent et ceux qui s’intéressent aux débats à aller voir comment cela s'est passé. Il y avait plusieurs votes et nous avons demandé un vote par appel nominal. En comité, les votes sont parfois plus rapides, mais cette fois-ci, nous avons pris le temps de faire un vote par appel nominal.
Il y avait deux propositions. D'une part, les libéraux proposaient un changement à la loi. Nous étions heureux de l'appuyer, car il était plus que temps que la loi contienne un énoncé disant que nous ne cautionnons pas la torture à l’étranger causée par les gestes de nos agences de sécurité nationale ou de nos forces policières ici. Néanmoins, comme ce changement à la loi repose toujours sur les directives ministérielles, la loi est bien loin d’être parfaite.
D'autre part, j’ai proposé des amendements visant à rendre illégal tout partage d’information qui mènerait à la torture à l’étranger. Ils ont été rejetés.
J'invite mes collègues à en prendre connaissance, car je suis à court de temps. Comme on peut le voir, 20 minutes, ce n'est pas suffisant, mais je serai heureux de répondre à des questions et des commentaires.
:
Madame la Présidente, pour la gouverne des Canadiens qui nous regardent, je précise qu'un député ne peut pas souligner l'absence d'un autre député de la Chambre ou sa présence dans celle-ci. Je n'ai visé aucun député en particulier. Comme la plupart des députés libéraux étaient absents, je n'ai certainement pas souligné l'absence d'un d'entre eux en particulier.
Le projet de loi étant l'un des nombreux projets de loi omnibus présentés au cours de la présente législature, je vais parler de trois aspects particuliers de cette mesure législative. Je dois rappeler aux Canadiens et au que le Parti libéral avait promis aux Canadiens qu'il ne présenterait jamais de projet de loi omnibus à la Chambre. Or, je ne sais plus trop combien de projets de loi omnibus le gouvernement a présentés au cours de la présente législature. Le député libéral de Winnipeg a déjà qualifié ces mesures législatives d'attaques contre la démocratie. Durant la présente législature, les libéraux attaquent donc régulièrement la démocratie. Comme il ratisse large, le projet de loi C-59 constitue une autre mesure législative omnibus. Il touche le Code criminel, le Centre de la sécurité des télécommunications et le Service canadien du renseignement de sécurité. Il vise à modifier de nombreuses lois. Sa portée est très vaste.
Les conservateurs ont bien tenté de collaborer avec le gouvernement dans ce dossier. Le projet de loi soulève deux grandes préoccupations, et c'est pourquoi les conservateurs, moi y compris, ne peuvent pas l'appuyer, malgré l'excellent travail des députés de l'opposition et du Sénat. D'ailleurs, l'autre endroit soutient la plus grande partie de ce que je vais dire.
Je vais parler de deux aspects cruciaux du projet de loi C-59 où le gouvernement n'est pas à la hauteur en ce qui concerne la sécurité publique. Je vais ensuite parler de l'excellent travail de sensibilisation de l'organisme Enfants interdits de vol, de gens comme Sulemaan Ahmed et des familles touchées. Depuis les six ans que je siège au Parlement, j'ai rarement vu des militants aussi sincères, informés et créatifs qui cherchent à améliorer la politique publique. Je vais leur faire une promesse dès le début de mon discours. Les conservateurs vont régler les problèmes de la liste d'interdiction de vol. Nous allons tout faire pour mettre en place un système de recours en cas de faux positifs, et nous le ferons dans les deux premières années de notre mandat. Nous disposerons d'un processus pour régler cette question.
Le gouvernement l'ajoute sans discernement dans un projet de loi omnibus et prétend que cela va coûter beaucoup moins cher. Il nous faut un système de recours semblable à celui en vigueur aux États-Unis.
Lorsque le gouvernement conservateur a créé la liste d'interdiction de vol — je ne vais pas prétendre qu'il ne s'agissait pas du gouvernement conservateur —, personne n'imaginait qu'il y aurait autant de faux positifs. De nombreuses familles ont un enfant qui porte le même nom qu'une personne interdite de vol et elles n'ont aucun moyen pour tirer le vrai du faux, pour faire corriger la situation, et c'est injuste. Cette situation a affecté de nombreuses familles partout au pays.
Je tiens à remercier les enfants qui sont interdits de vol et leur famille, et je leur fais une promesse. Je l'ai déjà dit maintes fois à la Chambre et au comité: si nous remportons les élections cet automne, ce que nous prévoyons faire afin de remettre le Canada sur les rails, nous nous engageons à régler ce problème très rapidement, plus rapidement que l'actuel gouvernement, qui n'a toujours pas réparé le système de paie Phénix dans les derniers mois de son mandat.
Voici les mesures concrètes que nous ne pouvons pas appuyer dans le projet de loi . La liste d'interdiction de vol fait partie de cet imposant projet de loi omnibus.
Les conservateurs ne peuvent l'appuyer pour des raisons de sécurité publique. Je le déclare à titre de vétéran des Forces armées canadiennes, d'ancien ministre de la Couronne et d'ancien ministre du cabinet fantôme en matière de sécurité publique. J'ai examiné ce projet de loi et les enjeux avec minutie.
Le premier enjeu est le seuil de perturbation des menaces. Le changement proposé par le gouvernement représente un risque pour la sécurité publique. Je n'exagère jamais les risques. Il n'y a pas de bonhomme Sept-Heures à tous les coins de rue. Toutefois, lorsqu'on modifie le seuil pour les agents de la paix, les organismes d'application de la loi et notre système de justice en remplaçant « aura vraisemblablement pour effet d'empêcher » par « est nécessaire pour empêcher » que l'activité terroriste ne soit entreprise, on crée un seuil qui rendra perplexes les services de police partout au pays et qui fera en sorte qu'il leur sera plus difficile de détenir des individus qui posent un risque pour la sécurité publique.
Pourquoi est-ce important? Parce que, lorsque nous avons modifié ce pouvoir à la suite de l'attaque contre le Parlement et de l'assassinat de l'adjudant Patrice Vincent, le , qui était alors député de et chef du troisième parti lors de la précédente législature, avait fait l'éloge de cette mesure préventive. Il avait affirmé en effet: « Nous sommes favorables aux mesures du projet de loi […] qui visent à renforcer les pouvoirs en matière d'arrestation préventive [...] » Or, les libéraux changent d'avis, à l'encontre des conseils donnés par les responsables de l'application de la loi et de la sécurité.
J'invite les députés libéraux qui n'étaient pas là lors de la dernière législature à lire les transcriptions des comités et le témoignage de la sœur de Patrice Vincent. M. Vincent était un adjudant qui a servi avec distinction au Québec et qui a été heurté en voiture et assassiné par un Canadien radicalisé parce qu'il portait l'uniforme. Voilà. Il a été ciblé. La police savait que le jeune homme du Québec présentait un risque, mais elle n'a pas pu procéder à son arrestation préventive parce qu'elle ne pouvait pas prouver qu'il pouvait commettre une infraction de terrorisme.
En choisissant le libellé « nécessaire pour empêcher », on place la barre très haut. En tant qu'avocat, cela m'inquiète. L'expression « aura vraisemblablement pour effet d'empêcher » la perpétration d'une infraction ne veut pas dire que les agents d'application de la loi pourraient procéder à des arrestations préventives à tort et à travers. C'est le seuil qui convient. Changer cela est très regrettable et, je le dis bien franchement, aboutirait à une politique publique dangereuse. Voilà pourquoi nous avons demandé cet amendement, de même que de nombreux Canadiens et de nombreux experts en matière d'application de la loi.
Au caucus conservateur, nous avons confiance dans les agents d'application de la loi. Chaque fois que quelqu'un est surpris en train de s'apprêter à commettre une infraction, leur tâche est difficile, comme on l'a constaté dans le Sud-Ouest de l'Ontario avec M. Driver. Les agents d'application de la loi s'interrogent. On l'a échappé belle, disent-ils. Ces dernières années, nous avons dû nous fier à deux ou trois reprises à l'information fournie par le FBI pour faire cesser des menaces qui pesaient sur notre pays. C'est bien la preuve que le projet de loi comporte une grave lacune.
Le deuxième aspect problématique est l'expression « conseiller la commission d'infractions de terrorisme » et le seuil à partir duquel il y a infraction au sens du Code criminel. De nombreux groupes entendus par le comité estiment que cette disposition ne peut tolérer la moindre ambiguïté. Auparavant, la loi sanctionnait « quiconque, sciemment [...] préconise ou fomente la perpétration d'infractions de terrorisme », alors il y avait déjà un certain seuil à atteindre pour qu'il y ait infraction. Ce que ces gens proposent n'a rien de draconien. Il doit y avoir un seuil à franchir. Cela dit, quand il est trop élevé ou trop ambigu, il y a un risque inutile. Le Sénat est d'ailleurs du même avis. Le verbe « conseiller » est trop vague, trop flou.
De nos jours, bon nombre de menaces viennent d'Internet, alors nous devrions nous en tenir à quiconque préconise, fomente ou encourage la commission d'un acte violent si nous voulons éviter que la Colline soit le théâtre d'un nouvel attentat et que le pays revive un drame comme celui qui a secoué la Grande Mosquée de Québec. Le tueur a pénétré dans la mosquée, et si les policiers avaient constaté qu'il préconisait ou fomentait sciemment la commission d'un acte de violence contre un groupe identifiable, cela aurait été suffisant pour qu'ils agissent. En fait, on aurait même pu dire qu'ils auraient pu agir dès qu'ils avaient la conviction que leur intervention aurait vraisemblablement eu pour effet d'empêcher le tueur de passer à l'acte. Cette disposition aurait très bien pu s'appliquer dans ce cas précis.
Aucune communauté faisant l'objet de menaces ou de propos haineux en ligne — je pense entre autres aux communautés religieuses, comme les musulmans et les juifs —, ne souhaite que ces éléments du projet de loi soient adoptés, et c'est pourquoi les conservateurs n'ont pas cessé de réclamer qu'ils soient rejetés, dans l'intérêt de la sécurité publique et de l'ensemble de la population canadienne. Le Sénat est du même avis. La plupart des groupes de pression estiment eux aussi que l'expression « conseiller la commission d'infractions » est trop ambiguë. N'oublions pas que, qui dit menaces en ligne dit aussi très souvent radicalisation en ligne.
Je me souviens que l'un des premiers votes auxquels j'ai participé, au cours de la dernière législature, portait sur la proposition d'ériger en infraction dans le Code criminel Ie fait de se rendre à l'étranger pour recevoir une formation auprès d'une organisation terroriste. Aujourd'hui, à l'ère des médias sociaux, de la technologie et de YouTube, il n'est plus nécessaire de se déplacer pour cela. Quiconque le souhaite peut aller en ligne pour se faire radicaliser, promouvoir la haine et la violence et inciter à s'en prendre à un groupe identifiable.
Nous devons donner aux forces de l'ordre les outils nécessaires pour faire des arrestations préventives. Nous devons également considérer comme criminelles certaines activités terroristes à la source, et faire confiance aux organismes d'application de la loi et aux tribunaux. L'arrestation préventive n'entraîne ni un procès ni une condamnation. Les organismes d'application de la loi, souvent en collaboration avec l'État, signalent l'existence d'une menace grave à la sécurité publique — visant les citoyens canadiens, les résidants du Canada et les visiteurs au Canada — et affirment qu'une arrestation préventive peut vraisemblablement prévenir ce risque. C'est une norme raisonnable. En fait, il s'agit de l'ancienne norme.
Si on la modifie pour dire que l'arrestation préventive d'une personne est nécessaire pour empêcher qu'une activité terroriste ne soit entreprise, le seuil sera trop élevé. Les organismes d'application de la loi pourraient passer trois semaines de plus à enquêter sur un suspect. Voilà ce qui est ressorti des témoignages présentés au comité, notamment en ce qui concerne l'adjudant Patrice Vincent. J'invite les Canadiens à prendre connaissance du compte rendu des délibérations du comité. Je publierai plus tard sur Twitter le témoignage de la soeur de M. Vincent. Les forces policières du Québec connaissaient le jeune qui l'a abattu. Je ne me souviens pas de son nom pour l'instant. C'était un jeune Québécois radicalisé, et la police savait qu'il présentait un risque.
Voilà les deux raisons pour lesquelles les conservateurs ne peuvent appuyer le projet de loi . Il est mauvais pour la sécurité publique. Le projet de loi comporte d'autres éléments que nous aimons. Toutefois, comme mon collègue de Winnipeg avait l'habitude de dire, un projet de loi omnibus est une attaque contre la démocratie. Dans mon discours, j'ai tenté de m'en tenir à deux principales raisons qui font que le projet de loi laisse à désirer.
Je ne saurais exprimer à quel point je suis impressionné par le message réfléchi et informé véhiculé par les personnes et les organismes qui défendent les intérêts des enfants qui figurent sur la liste d'interdiction de vol. Je sais que les députés de tous les partis ont entendu ces gens et ont vu leurs observations.
Comme je suis un partisan des Maple Leafs de Toronto, mon ami Sulemaan rira lorsqu'il entendra que je défends des gens qui veulent assister à une partie des Canadiens de Montréal, mais je le fais. Lorsqu'on empêche des jeunes d'assister à un match de hockey des Canadiens de Montréal parce qu'ils ont le même nom qu'une personne qui constitue une menace, c'est une injustice. Cela montre que notre liste d'interdiction de vol, c'est de la foutaise. Dans le domaine de la sécurité publique, c'est inacceptable. Si les résultats comprennent des dizaines, voire des centaines ou des milliers de faux positifs, peut-on vraiment appeler cela une mesure de sécurité?
C'est un engagement du chef de mon parti et de mon caucus. Nous tenons à remercier le groupe des personnes dont le nom se trouve sur la liste d'interdiction de vol et leur famille pour les efforts qu'ils ont déployés auprès de tous les députés afin que ces derniers s'engagent à agir dans ce dossier. Nous sommes le parti qui obtient des résultats. Nous ne nous amusons pas sur les médias sociaux et nous ne nous prêtons pas à d'innombrables séances de photos. Nous sommes le parti qui tiendra parole. Nous nous engageons à faire de ce dossier une priorité dès que nous arriverons au pouvoir.
Il existe une solution. J'ai souvent dit que la question n'est pas aussi compliquée que ce que laisse entendre le . Je ne crois même pas qu'il soit exact de dire que de régler le problème coûtera 80 millions de dollars.
Les États-Unis disposent d'un système de recours. Le problème que nous avons est un problème de données; il faut constamment réviser la liste d'interdiction de vol. Si la liste d'interdiction de vol est bourrée de noms de personnes qui ne représentent pas une menace et ne contient qu'un ou deux noms de personnes qui présentent un risque, le système ne fonctionne pas. Je pense que tous les Canadiens seront d'accord avec l'engagement que nous avons pris à cet égard.
J'ai félicité le gouvernement lorsqu'il a enfin trouvé une solution au problème, après qu'il ait écouté les familles des enfants qui se trouvent sur la liste d'interdiction de vol. Cependant, comme il s'agit d'un projet de loi omnibus, l'effet ne sera pas immédiat. Je ne veux pas dire que le gouvernement a agi de mauvaise foi. Je pense qu'il a choisi cette solution parce que c'était, selon lui, la façon la plus appropriée de répondre. Toutefois, je ne crois pas qu'une mesure législative était nécessaire. Le problème aurait pu être réglé à l'aide d'une directive ministérielle. La plupart des noms se trouvant sur la liste d'interdiction de vol sont des faux positifs.
Je me souviens de l'époque où le sénateur à la retraite David Smith figurait sur cette liste. Il était un important sénateur libéral, ou peu importe comment on les appelle ces jours-ci. Je ne sais plus trop. Combien y a-t-il de David Smith au Canada? À peu près 1 000. La liste ne vaut donc rien.
Par ailleurs, de nombreux jeunes canadiens étaient sur la liste parce qu'ils avaient un nom commun dans certaines collectivités. Comment pouvons-nous corriger la situation pour les centaines de personnes qui portent le même nom, mais de qui nous n’avons recueilli aucun renseignement biométrique? Comment pouvons-nous retirer les nouveau-nés de la liste? Le ministre pourrait résoudre ce problème de son propre chef. Comme je l'ai dit, si cela avait été fait, le gouvernement jouirait d'un appui sans réserve pour son projet de loi.
J'ai admis que personne n'avait prévu cette situation de faux positifs au moment de l'adoption de cette mesure législative, avant même que je sois élu au Parlement. Je crois que nous avons beaucoup à apprendre du système de recours des États-Unis. Si nous constatons que leur liste d'interdiction de vol comporte des lacunes, nous pourrions éviter de répéter les mêmes erreurs et ainsi créer une liste de classe mondiale. Voilà l'engagement que nous voulons prendre dans le cadre du débat sur le projet de loi .
Nous appuyons les autres éléments du projet de loi de manière générale, à savoir ceux concernant la surveillance des activités de renseignement et de sécurité, et nous nous efforçons de participer aux travaux dans ce dossier. À divers moments pendant qu'ils étaient au pouvoir, les conservateurs ont parlé de la création d'un « super CSARS » et de la nécessité d'avoir plus de coordination et de surveillance relativement aux organismes qui recueillent des données. Toutefois, l'un des défis auxquels les gouvernements minoritaires étaient confrontés, c'est qu'il était très difficile de former un comité de parlementaires complètement apolitique. Jusqu'à maintenant, d'après ce que j'ai pu voir, même si le comité n'a pas encore produit beaucoup de rapports, la politique ne semble pas nuire au processus. C'est une bonne nouvelle.
Nous sommes favorables à certains aspects du projet de loi . Cependant, comme il s'agit d'un projet de loi omnibus, nous devons soupeser les aspects liés au renseignement auxquels nous sommes favorables, comme le système de recours pour les personnes qui se retrouvent par inadvertance sur la liste d'interdiction de vol, et les aspects que nous n'approuvons pas. Dans mon discours, je me suis efforcé de soulever deux aspects très importants. Je ne saurais trop insister sur le fait que la détention préventive représente un pouvoir très rarement exercé par les forces de l'ordre, mais qu'il existe parce que nous vivons dans un monde incertain et dangereux. Nombre d'entre nous se souviendront du jour où Nathan Cirillo a été tué et que le tireur est entré dans l'ancien édifice, de Patrice Vincent, de la tuerie à la mosquée de Québec, et du cas d'Aaron Driver, intercepté par les forces de l'ordre dans le Sud-Ouest de l'Ontario alors qu'il était sur le point de perpétrer une attaque terroriste. Nous ne pouvons pas demander à nos agents de la paix de débattre de la légitimité de la détention préventive pendant des semaines s'ils savent qu'un individu risque de causer un préjudice à la population canadienne.
L'un de nos devoirs fondamentaux, en tant que parlementaires, est de mettre en place un système sécuritaire et fondé sur des règles qui respecte la diversité et les droits de la personne. Les agents de la paix ont une tâche difficile à accomplir, et c'est pourquoi d'ici la fin de la présente législature, on ne devrait pas appuyer un projet de loi qui leur compliquerait encore plus la tâche.