propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à reconnaître les contributions de tous les députés de la Chambre, particulièrement les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, pour la façon dont ils ont abordé le débat sur le projet de loi .
Il est évident que les députés de tous les partis ont travaillé en étroite collaboration avec les électeurs de leur circonscription et les députés des autres partis, et qu'ils ont partagé leurs expériences personnelles pour contribuer de façon sensée et authentique au débat sur l'aide médicale à mourir. Il s'agit de l'une des plus importantes questions que le Parlement aura abordées.
Le projet de loi représente le choix du gouvernement sur le plan de la politique à établir à l'égard de l'aide médicale à mourir, un choix guidé par des consultations avec les Canadiens et les experts; il tient compte de tous les intérêts et de toutes les valeurs associés à cette question.
Lorsque l'arrêt Carter a été rendu en février 2015, un débat a pris fin et un autre a commencé. Il n'était plus question de savoir si le Canada allait permettre l'aide médicale à mourir, mais bien de déterminer la façon dont on procéderait au pays.
Le projet de loi créera un cadre législatif en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Il permettra de prendre en considération le point de vue des personnes susceptibles de se prévaloir d'une telle aide; de celles qui sont préoccupées par ses conséquences, notamment les personnes vulnérables que la légalisation d'une telle pratique pourrait mettre en péril, et enfin, de celles qui pourraient être appelées à fournir une telle assistance.
Dans l'arrêt Carter, la Cour a statué que l'interdiction absolue prévue dans l'ancienne loi allait trop loin, mais elle ne précise pas comment l'aide médicale à mourir devrait être prodiguée. La Cour suprême du Canada a reconnu que l’aide médicale à mourir « soulève des questions complexes de politique sociale et un certain nombre de valeurs sociales opposées ». La Cour a souligné:
[...] il peut y avoir plusieurs solutions à un problème social particulier et a indiqué qu’une « mesure réglementaire complexe » visant à remédier à un mal social commande une grande déférence.
Le Parlement a maintenant comme défi d'établir de nouvelles limites. Il doit déterminer qui devrait être admissible à l'aide médicale à mourir; quelles mesures de sauvegarde s'imposent; comment cette pratique sera surveillée et quels aspects de la question nécessitent une étude plus poussée.
Toute mesure législative dont l'objet consiste à répondre à ces questions doit respecter les principes de la Charte, sans pour autant correspondre en tous points à l'arrêt Carter. La Cour suprême du Canada a reconnu que la relation entre les tribunaux et le Parlement doit être fondée sur le dialogue. Si le Parlement est tenu de respecter la décision de la Cour, cette dernière doit également respecter le cadre législatif que le Parlement a élaboré en réponse au jugement de la Cour.
Il vaut la peine de savoir comment s'est passé ce dialogue entre la Cour et le Parlement dans des cas précédents. Par exemple, dans l'affaire d'agression sexuelle R. c. O'Connor, une contestation en vertu de la Charte qui remonte à 1995, la Cour suprême a ordonné la divulgation des dossiers médicaux en possession de la Couronne et a établi en common law une procédure pour la production de ces dossiers.
En réaction, le Parlement a adopté une mesure législative prévoyant un régime de divulgation obligatoire qui diffère de façon considérable de l'approche de la Cour. Cette dernière a néanmoins confirmé la constitutionnalité de ce régime et elle a précisé qu'on ne peut le considérer comme étant inconstitutionnel du simple fait qu'il ne correspond pas à ce qu'elle avait envisagé comme formule.
De toute évidence, il y a un dialogue entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. La Cour peut fournir des paramètres généraux, mais c'est au Parlement qu'il incombe d'élaborer le cadre législatif. Les détails de ce cadre sont importants parce qu'ils entraînent nécessairement des choix fondamentaux fondés sur nos droits et nos valeurs et qu'ils aplanissent les tensions qui existent parfois entre les deux.
Dans ses efforts pour donner suite à l'arrêt Carter, le gouvernement devait simultanément défendre l'autonomie des gens, protéger les personnes vulnérables, respecter la dignité de la vie humaine, prévenir le suicide, soutenir les personnes handicapées, respecter la liberté de conscience et tenir pleinement compte de bien d'autres intérêts dignes de considération. Nous n'avons pas perdu de vue, non plus, le cadre constitutionnel et les diverses compétences propres au Parlement et aux provinces et territoires.
Nous n'étions cependant pas seuls pour soupeser ces valeurs et prendre ces décisions. Le débat national des derniers mois sur l'aide médicale à mourir a été riche et profond, et je suis convaincue qu'il se poursuivra encore.
Après la présentation du projet de loi , les comités permanents visés, dont le comité de la justice et des droits de la personne et le comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles — qui a procédé à une étude préliminaire —, ont entendu les différents points de vue des intervenants et des spécialistes sur tous les aspects de l'aide médicale à mourir. Le projet de loi C-14 établit l'équilibre entre l'admissibilité et les mesures de sauvegarde et précise ce qui relève, d'une part, de la législation fédérale et, d'autre part, des provinces et des territoires.
Ce n'est pas tout le monde qui approuve les décisions qui ont été prises. Je suis tout de même convaincue qu'elles s'inscrivent dans la gamme de possibilités que le Parlement peut juridiquement faire siennes. Le gouvernement aurait pu tout simplement reprendre tels quels les termes de la décision de la Cour dans la nouvelle loi fédérale, mais il aurait ainsi fait fi de toutes les consultations et de tous les témoignages dont je viens de parler. De plus, il n'aurait pas du tout réussi à élaborer un régime réglementaire complexe conciliant des intérêts opposés. La Cour suprême a d'ailleurs dit que cette tâche n'incombait pas aux tribunaux, mais bel et bien au Parlement.
Les témoignages recueillis au cours de la dernière année nous confirment que l'aide médicale à mourir présente des risques pour les personnes vulnérables, même dans les circonstances où l'admissibilité de la personne à cette aide fait l'objet d'un consensus. Voilà pourquoi le projet de loi prévoit d'importantes garanties procédurales, même lorsque tous les critères d'admissibilité sont remplis. Voilà pourquoi le projet de loi mettrait en oeuvre le cadre juridique nécessaire pour surveiller le recours à l'aide médicale à mourir au Canada.
Le gouvernement a fait le choix, dans sa politique, de fixer des critères d'admissibilité faisant en sorte de limiter l'aide médicale à mourir aux personnes dont l'état de santé se caractérise par un déclin avancé et irréversible et dont la mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible.
Rappelons-nous que l'aide médicale à mourir est un cas exceptionnel parce que, sur le plan du droit pénal, il s'agit d'une situation où une personne participe activement et sciemment à la mort d'une autre personne. Nous considérons un tel comportement comme criminel et nous le condamnons fermement dans toutes les autres circonstances. Le seul cas où, en droit pénal, cette conduite est justifiée, est celui de la légitime défense, où une personne peut enlever la vie d'une autre personne, mais uniquement pour sauver la sienne ou celle d'une tierce personne. Bien que l'aide médicale à mourir ait une dimension médicale, nous ne pouvons pas perdre de vue la dimension légale, puisque c'est par le droit pénal que le Parlement peut intervenir sur cette question. C'est le droit pénal qui, avant l'arrêt Carter, empêchait les gens d'obtenir de l'aide médicale à mourir.
Après avoir examiné attentivement les risques qui nous guettent lorsque nous permettons à quiconque, même à des médecins ou des infirmières, de mettre fin à la vie d'autres personnes, nous avons défini, dans le projet de loi , un juste milieu qui donne aux Canadiens le choix d'obtenir de l'aide médicale à mourir pour pouvoir quitter ce monde paisiblement. Le projet de loi définit un cadre réglementaire complexe pour respecter ce choix et veiller à ce qu'il soit exercé volontairement et en pleine connaissance de cause. De plus, les critères nous garantissent que les Canadiens qui ne sont pas mourants feraient l'objet d'efforts médicaux visant à améliorer leur vie, et non à y mettre fin.
Nous sommes aussi conscients que certains estiment que la loi devrait permettre le recours à l'aide médicale à mourir dans d'autres circonstances. Le gouvernement a très bien entendu les préoccupations à cet égard. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a amendé le projet de loi pour qu'il prévoie qu'au plus tard six mois après la date de la sanction royale il y ait un ou des examens indépendants des questions portant sur les demandes d’aide médicale à mourir faites par les mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.
Nous trouvons que c'est un bon amendement et tenons à souligner que nous aborderons, dans un esprit ouvert, l'information découlant de ces examens à mesure que des données canadiennes seront produites sur la façon dont le régime d'aide médicale à mourir fonctionne concrètement.
La décision d'examiner plus à fond ces trois questions a l'assentiment des personnes qui travaillent auprès de ce type de patients jour après jour et qui comptent parmi celles qui ont le plus exhorté le Parlement à la prudence.
Pour ce qui est des mineurs matures, la Société canadienne de pédiatrie, représentée par Dawn Davis, a dit, lors de son passage devant le comité sénatorial: « Nous ne disposons actuellement pas des connaissances permettant d’aboutir en ce domaine à une décision éclairée [...] », ajoutant « Il est donc bon que cette première version du projet de loi sur l’aide médicale à mourir ne prévoie pas de reconnaître ce droit aux mineurs. »
Elle a également déclaré qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultations sur cette question. Les processus habituels d'évaluation de la capacité, que le projet de loi considère comme appropriés pour les adultes, ne constituent peut-être pas la bonne approche en ce qui concerne les mineurs matures. Nous devons nous pencher davantage sur cette question.
Les demandes anticipées sont une autre question qui nécessite des données supplémentaires. Au cours de la dernière année, on nous a dit à maintes reprises que des demandes anticipées seront probablement présentées par des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de démence, par exemple. Or, même la Société Alzheimer du Canada a indiqué, dans l'exposé de position qu'elle a rendu public, que l'accès à l'aide médicale à mourir devrait être permis seulement aux personnes capables au moment où l'aide est administrée. Elle dit que les demandes anticipées non seulement présentent des risques pour les patients vulnérables, mais pourraient aussi contribuer à véhiculer de faux stéréotypes, ce qui nuirait au message qu'elle souhaite transmettre, soit qu'il est possible de bien vivre malgré cette maladie. Il faut étudier cette question plus en profondeur.
Quant aux demandes d'aide médicale à mourir où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée, il n'est pas étonnant que des personnes et des organisations réputées, comme le Centre de toxicomanie et de santé mentale et la Commission de la santé mentale du Canada, souhaitent que nous menions d'autres études avant de légiférer dans ce domaine. Emprunter cette voie, ce n'est pas faire fi de la souffrance que peuvent causer ces maladies; c'est plutôt s'assurer de bien faire les choses et de protéger les personnes les plus vulnérables et stigmatisées de la société. Pour ces raisons, je crois que le projet de loi représente les bons choix de politiques pour répondre aux questions difficiles que nous a laissées la Cour suprême du Canada pour 36 millions de Canadiens.
Je vais maintenant parler des considérations juridiques, qui jouent un rôle crucial dans cette mesure législative majeure.
La question de savoir si le projet de loi est constitutionnel revient constamment dans la discussion. En tant que ministre de la Justice et procureure générale du Canada, j'ai la ferme conviction que le projet de loi est conforme à la Charte et qu'il constitue une réponse justifiable à l'arrêt Carter.
Les critères d'admissibilité du projet de loi correspondent tout à fait aux exigences de la décision Carter. Ils précisent le degré d'accessibilité voulu en tenant compte du mémoire de l'Association médicale canadienne, qui représente 83 000 médecins qui, avec le personnel infirmier, seront chargés de mettre en oeuvre et en application cette loi dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Cette organisation a affirmé que le libellé du projet de loi représente une amélioration considérable par rapport au critère défini par la cour par les mots « problèmes de santé graves et irrémédiables », qu'elle perçoit comme inapplicable d'un point de vue médical.
Quelle était la portée de la décision Carter? Je suis consciente qu'il y a de nombreuses interprétations différentes, et que la Cour d'appel de l'Alberta l'a récemment interprétée dans un sens large, tandis que certains juges de la Cour supérieure de l'Ontario en ont fait une interprétation plus limitée. Je crois que la décision Carter portait sur les circonstances propres au cas d'espèce. Au bout du compte, le projet de loi sera évalué de façon plus générale en fonction de la Charte plutôt que de l'affaire Carter. Comme la Cour d'appel de l'Alberta l'a reconnu, « il faudrait évidemment attendre l'éventuelle promulgation de la loi avant de l'interpréter et de se prononcer sur sa constitutionnalité ».
Le projet de loi répond aux deux critères de l'article 7 de la Charte, soit le respect de l'autonomie et le respect de la vie. Le projet de loi assurerait un nouvel équilibre entre ces intérêts grâce à un régime de réglementation complet envers lequel les tribunaux feraient preuve de déférence. Le projet de loi respecterait l'autonomie de toute personne qui choisit de recourir à l'aide médicale à mourir tout en exigeant une certaine prudence qui répondrait aux autres objectifs fondamentaux: promouvoir la prévention du suicide, lutter contre les préjugés de la société envers le fait de vivre avec un handicap et protéger les personnes les plus vulnérables de la société contre le risque de mort prématurée involontaire.
Bien que le projet de loi exige que la personne admissible soit sur le point de mourir, la marge de manoeuvre volontairement accordée dans les critères du projet de loi permettrait aux médecins de répondre à une foule de circonstances médicales et non seulement à des maladies aux conséquences prévisibles qui font l'objet d'un pronostic précis sur l'espérance de vie.
En effet, alors que, dans certains États américains, l'admissibilité dépend d'un pronostic spécifique, le projet de loi n'exige pas de lien précis entre un problème de santé et ce qui rend le décès d'une personne raisonnablement prévisible.
Je ne suis pas d'accord avec ceux qui soutiennent qu'en raison de l'arrêt Carter, le Parlement se doit, pour respecter la Constitution, d'adopter un régime d'aide médicale à mourir qui soit le plus étendu sinon l'un des plus étendus du monde, et que le Parlement n'a à peu près pas de marge de manoeuvre pour tenir compte d'autres enjeux de société que l'autonomie. La Cour reconnaît que l'aide médicale à mourir se trouve au carrefour d'un ensemble d'intérêts divergents et d'enjeux sociaux complexes. Dans des dossiers de ce genre, l'analyse de la conformité à la Charte tient compte du fait qu'il n'existe pas de façon unique et évidente de trouver un juste équilibre parmi les intérêts divergents en cause. Si la solution proposée par le Parlement est raisonnable, elle devient gage de son respect.
Le projet de loi est raisonnable. Il offrirait une option aux personnes en voie de mourir qui souhaitent mourir dans la dignité. Autre fait important, l'accès à l'aide médicale à mourir serait réservé aux patients dans cette situation, de manière à éviter une normalisation du suicide, à protéger les personnes vulnérables qui risquent particulièrement d'être encouragées au suicide, et à affirmer que toutes les vies humaines ont la même valeur.
Concilier ainsi les intérêts permet de contrer les risques inhérents à l'autorisation de l'aide médicale à mourir et revient à ce que, dans l'affaire Carter, la juge de première instance avait décrit comme un « régime soigneusement conçu, qui impose des limites strictes scrupuleusement surveillées et appliquées. » Un tel régime est nécessaire parce que la souffrance qui peut amener quelqu'un à réclamer de l'aide à mourir n'est pas seulement liée à la maladie, mais aussi à la façon dont la société traite trop souvent les malades.
Dans un régime où tout problème de santé grave est admissible, l'aide à mourir serait légalement acceptable pour un soldat souffrant d'un trouble de stress post-traumatique, un jeune ayant subi des lésions de la moelle épinière dans un accident ou une personne hantée par le souvenir d'un abus sexuel.
De tels cas exigent des discussions difficiles, mais incontournables. En effet, ces situations surviennent inéluctablement lorsque la loi stipule que l'accès à l'aide à mourir dépend strictement de l'expérience subjective des souffrances vécues.
Le comité de la justice et des droits de la personne de même que le comité sénatorial ont entendu de nombreux témoins rappeler les objectifs cruciaux que sont la prévention du suicide et la valorisation de la vie de tous les Canadiens, et affirmer que les risques que courent les personnes vulnérables s'aggraveront considérablement à moins que l'accès à l'aide à mourir ne soit limité aux personnes approchant la fin de leur vie.
Comme je l'ai dit lorsque le projet de loi a été présenté, l'aide médicale à mourir nous touche et nous interpelle tous autant que nous sommes. Même si les points de vue sur le texte législatif continuent de diverger, nous avons néanmoins une responsabilité envers les Canadiens, celle d'agir. Le processus provisoire d'autorisation judiciaire prendra fin le 6 juin. Si aucune loi n'est en vigueur à ce moment-là, l'aide médicale à mourir ne sera régie par aucun cadre juridique, sauf au Québec.
On ne sait même pas encore avec certitude si, dans l'éventualité où c'est l'arrêt Carter qui devait s'appliquer à compter du 6 juin au lieu d'un régime législatif en bonne et due forme, les dispositions du Code criminel qui interdisent actuellement l'homicide par consentement et l'aide au suicide sauf dans le contexte de l'aide médicale à mourir deviendraient complètement inopérantes.
Bien que la plupart des organismes de réglementation de la profession médicale aient publié des lignes directrices provisoires, il n'existerait pas de balises nationales obligatoires et uniformes. Il serait par exemple possible, selon la province, qu'un médecin accepte de mettre fin à la vie d'un mineur mature. Le nombre de témoins requis varie d'une province à l'autre, tout comme la durée de la période d'attente, qui est même nulle à certains endroits.
Comme l'incertitude quant aux paramètres établis par l'arrêt Carter persisterait, cela pourrait créer certaines disparités quant à savoir qui est admissible ou non à l'aide médicale à mourir, même entre les médecins d'un même territoire ou d'une même province.
Nous avons le choix: ou bien nous nous dotons d'un cadre législatif assorti de toutes les balises et mesures de sauvegarde nationales dont je parlais, ou bien c'est le néant. Le projet de loi est à l'image de la société à laquelle nous aspirons: une société qui respecte l'autonomie de chacun et qui affirme que la vie de tous les Canadiens a une valeur inhérente certaine et mérite d'être protégée par la loi au même titre que les autres.
J'invite tous les députés à appuyer le projet de loi .
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Monsieur le Président, je tiens à remercier la d’être à la Chambre aujourd’hui pour nous présenter son point de vue et celui du gouvernement à propos du projet de loi . J’ai remarqué qu’elle était toujours disponible et pondérée, et je la remercie de sa contribution dans ce dossier.
J’ai eu l’honneur de faire partie du comité mixte qui a commencé à examiner le projet de loi au mois de janvier. Je faisais également partie du comité de la justice lorsqu’il a été saisi du projet de loi . Comme l’a dit la ministre, les opinions en matière de suicide assisté sont très diverses, même au sein de chaque parti. Je tiens néanmoins à remercier tous les députés d’avoir fait preuve de respect et de collaboration dans l’examen de cette importante question.
C’est à la suite de la décision de la Cour suprême, dans l’affaire Carter, que nous avons été amenés à examiner cette question. La Cour suprême a en effet statué que cette procédure doit être autorisée. Le Code criminel sera modifié, et il incombe au Parlement de définir des balises. Même si la procédure n'est pas encore permise, la Cour suprême a décidé que nous devions définir des balises.
On nous a souvent dit que 84 % des Canadiens étaient favorables à cette mesure, mais ce pourcentage est un peu trompeur car, en vérité, 84 % des Canadiens appuient cette mesure à certaines conditions, à savoir que la maladie soit terminale, que le malade éprouve des souffrances terribles et qu’il demande à plusieurs reprises de l’aide pour mettre fin à ses jours et à ses souffrances. Il ne faut donc pas oublier que les Canadiens appuient cette mesure à certaines conditions.
J’ai consulté les électeurs de ma circonscription sur cette question précise. Je leur ai envoyé un bulletin parlementaire dans lequel j’ai exposé la situation de façon très rigoureuse et non partisane. Ce bulletin replaçait la question dans son contexte et décrivait les différents éléments dont le Parlement doit tenir compte: la protection de la liberté de conscience, les soins palliatifs, les personnes qui peuvent fournir ce genre de service, la pertinence d'instituer un contrôle judiciaire, le fait de consigner ou non dans les registres la cause de la mort comme étant le suicide ou l'euthanasie, les mineurs matures, etc.
J’ai reçu des réponses à ce bulletin parlementaire, et il y a une semaine, j’ai organisé une deuxième assemblée publique sur la question. Dans les deux cas, le taux de réponse a été phénoménal. Nous avons même reçu des réponses par courriel, par téléphone, par la poste, etc. En fait, je n’ai jamais reçu autant de réponses sur un sujet donné depuis douze ans et demi que je suis député. Les gens ont une opinion bien arrêtée, et ils comprennent les enjeux et les difficultés auxquels la Chambre est confrontée.
Encore une fois, je remercie la , mais en tant que porte-parole, je crois que le gouvernement aurait pu aborder la question de façon un peu différente, au lieu de dominer les comités, d'imposer l'attribution de temps et de dire non à tous les amendements.
La ministre a parlé de 16 amendements, qui, bien sûr, étaient des amendements libéraux. Mais au comité, il y en avait un sur lequel le Parti conservateur et le NPD étaient d'accord, celui sur la liberté de conscience. Nous avons demandé que tout médecin, infirmier praticien, pharmacien ou professionnel de la santé ne souhaitant pas participer ait le droit de dire non. Cependant, le gouvernement a rejeté cet amendement.
Le fait est que les secrétaires parlementaires au sein du comité ont parlé à chacun des membres de ce comité et leur ont dit que les libéraux n'appuieraient pas cette demande. Puis, le secrétaire parlementaire de la justice est intervenu au comité pour dire que le gouvernement n’appuyait pas ce genre d'amendement.
Comme vient de le dire la , le gouvernement s’en remettra aux négociations avec les provinces, et leur laissera assumer cette responsabilité. Cependant, avec le projet de loi nous modifions le Code criminel du Canada. Avant l’arrêt Carter, il était illégal d'aider quelqu'un à se suicider. Il était légal de se suicider, mais illégal d'aider quelqu'un. Le fait d'aider quelqu’un était considéré comme un homicide.
En vertu de l’arrêt Carter, un médecin peut, dans certaines conditions, fournir une aide au suicide et à l'euthanasie. On pourrait compléter cette modification au Code criminel en disant que ce serait un acte criminel de forcer un professionnel de la santé ou toute personne, par la coercition ou l'intimidation, à participer à la mort d'une autre personne contre son gré. Voilà ce que nous avons proposé.
Lorsque le projet de loi sera renvoyé au Sénat, celui-ci devra l'étudier. Je crois que le Sénat renverra ce projet de loi à la Chambre. Il n'acceptera pas le projet de loi C-14 tel quel et veillera à ce que la liberté de conscience des médecins soit adéquatement protégée.
L'Association médicale canadienne nous a dit que 70 % des médecins au Canada ne veulent pas participer. Ils ne veulent pas y être forcés, par la coercition, l'intimidation ou la menace de ne plus pouvoir exercer dans tel ou tel hôpital s’ils ne participent pas.
Dans un article du National Post intitulé « Killing' patients vs. “doing their job”: Sharp division of opinion on whether doctors should be required to assist in suicide”, qui porte sur les divergences d'opinions profondes sur la question de savoir si les médecins devraient être tenus d'aider au suicide, une médecin dit qu'elle a exercé la médecine pendant 37 ans. Cette médecin de famille a décidé de ne pas renouveler son permis d’exercer en juin de cette année. La Dre Naylor n'a pas envie d’abandonner la médecine, mais elle dit qu'elle est consternée à l'idée d'être obligé de diriger un patient vers un autre médecin. Le Dr Burke, qui pratique la physiatrie et de réadaptation à Windsor en Ontario, a déclaré qu'il exercera à l’avenir au Michigan, où le suicide assisté est illégal.
J'ai entendu cela à l’occasion de maintes réunions publiques aux quatre coins du pays et aux deux qui ont eu lieu dans ma propre collectivité. Un jeune étudiant en médecine m'a demandé si les médecins allaient être forcés à le faire et je lui ai dit que c’était fort possible parce que, dans le projet de loi , le gouvernement laisse la décision aux provinces. Nous avons déjà entendu que l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario exigera des médecins qu’ils dirigent le patient vers un autre médecin, ce qui signifie qu'un médecin doit suivre la personne tout au long du processus pour s’assurer qu’elle est euthanasiée si c’est ce qu’elle a demandé. Le médecin doit participer.
Partout au pays, des médecins, comme ceux que je viens de mentionner, refuseront de participer, invoqueront leur âge pour prendre leur retraite ou s'établiront ailleurs afin d'éviter d'être contraints de prendre part à ce processus qui heurte leur conscience. Une pénurie de médecins et d'infirmières créerait une situation d'urgence médicale au Canada, et c'est ce qui se produira si nous obligeons ces professionnels de la santé à participer à quelque chose qui va à l'encontre de leur conscience.
Le gouvernement a la possibilité de rectifier le tir. Il a refusé de le faire à la Chambre, alors c'est le Sénat qui devra s'en charger. C'est donc le Sénat qui décidera et qui modifiera le projet de loi . Celui-ci nous reviendra dans sa forme modifiée. Nous ne savons pas combien de temps cela pourra prendre, mais il est évident que ce sera après la date butoir du 6 juin. J'espère qu'alors le gouvernement agira différemment, qu'il coopérera avec le Sénat et qu'il ne rejettera pas les amendements que celui-ci aura proposés.
Il vaut mieux avoir le projet de loi que rien du tout, mais il doit être modifié. Le gouvernement doit se montrer plus ouvert d'esprit et réceptif, et accepter de travailler dans le contexte parlementaire tel qu'il est afin de produire un texte législatif qui représente la position des Canadiens sur cette question, plutôt que celle du gouvernement.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui au sujet d’une question qui pourrait fort bien être l’un des enjeux sociaux les plus centraux et les plus importants auxquels le Parlement aura à faire face pendant le mandat du gouvernement actuel. La vie et la mort, ce n’est pas une question que je prends à la légère.
Ces derniers mois, j’ai eu l’occasion de discuter avec des électeurs de ma circonscription. J’ai lu leurs lettres et leurs courriels. J’ai consulté les chefs spirituels des différentes confessions représentées par les communautés de ma circonscription. J’ai assisté à chaque minute de ce débat, parce que la portée du projet de loi dont nous sommes saisis mérite un examen attentif et approfondi. Cette mesure législative pèse lourd sur mes épaules, parce que, indépendamment de mes propres croyances, je représente les dizaines de milliers d'habitants de la belle circonscription de Cariboo—Prince George.
J’ai travaillé pendant des années à la concrétisation de mon rêve de devenir député, sachant que c’était une occasion de changer les choses, de faire partie d’un important changement et de léguer un pays meilleur aux générations à venir, mais personne n’est jamais vraiment préparé à voter une mesure législative de cette importance.
Au cours de ma vie, j'ai souvent été témoin de souffrances humaines. C'est toute une épreuve que de voir un proche, un ami ou même un étranger endurer des souffrances intolérables, sans espoir de guérison.
C'est un fait, l'aide au suicide finira par devenir une loi. Nous savons que c'est inéluctable. En 2015, la Cour suprême du Canada a rendu une décision historique dans l'affaire Carter c. Canada. Elle a statué que les dispositions législatives empêchant Kay Carter de mettre un terme à ses jours au Canada étaient contraires à la Charte des droits et libertés.
Kay Carter était une enseignante, une épouse et une mère. Elle était atteinte d'une forme grave de sténose du canal rachidien lombaire, une maladie qui l'empêchait de bouger son corps. À l'âge de 89 ans, comme l'aide médicale à mourir était illégale au Canada, Mme Carter et sa famille ont dû se rendre dans une clinique suisse, où Mme Carter a choisi de mettre un terme à sa vie en 2010.
Personne ne doute que Mme Carter endurait des souffrances intolérables, mais sa famille et l'avocat de celle-ci ont déclaré publiquement que, selon eux, Kay Carter n'aurait pas été admissible à l'aide médicale à mourir en vertu du projet de loi . Par conséquent, j'aimerais poser la question suivante aux députés d'en face. Si ce projet de loi visait vraiment à donner suite à l'arrêt Carter c. Canada, pourquoi exclurait-il vraisemblablement le cas qui a ouvert la porte au suicide assisté au pays?
De nombreuses personnes ont dit craindre que ce projet de loi soit jugé inconstitutionnel. Benoît Pelletier, qui est professeur à l'Université d'Ottawa, a comparu devant le comité spécial chargé d'étudier l'aide au suicide. Il a déclaré que les personnes atteintes d'une maladie en phase terminale ou leur causant des souffrances intolérables pourraient être encouragées à demander l'aide médicale à mourir. Il a aussi déclaré ce qui suit:
[...] toutes les personnes sont potentiellement vulnérables. Le fait d’être vulnérable n’empêche pas une personne [...] de demander de l’aide pour mourir, mais elle risque d’être persuadée de demander la mort [...]
Ce témoignage est profondément troublant. Outre les répercussions d’ordre juridique, on constate une opposition au projet de loi chez des membres de tous les partis politiques. Nous en avons entendu des membres du Parti conservateur, du Parti libéral et du Nouveau Parti démocratique ainsi que des sénateurs, de nombreux témoins et des représentants d’organismes tels que la B.C. Civil Liberties Association, la Cour d’appel de l’Alberta et l’Association du Barreau canadien exprimer leurs préoccupations à ce sujet. Notre démocratie repose sur la capacité de tenir un débat et des discussions approfondis sur un vaste éventail d’enjeux. Certaines questions sont plus faciles à aborder que d’autres. Parfois tout le monde s’entend, et parfois non.
Dans les cas où nous n’atteignons pas de consensus, nous devons reconnaître que notre travail n’est pas terminé, que nous devons apporter des modifications. Le contrôle majoritaire de la Chambre ne devrait pas servir à écarter les opinions dissidentes, particulièrement sur un enjeu d’une telle portée et d’une telle importance.
En abordant le caractère sacré de la vie et de la mort, nous nous devons de mener plus de consultations, de tenir plus de discussions et de nous engager dans un débat beaucoup plus approfondi que pour la construction d’un oléoduc ou l’approbation d'un budget. Nous avons débattu de cette question pendant environ 20 heures. Plus de la moitié du caucus conservateur n’a pas eu l’occasion d’en parler. Un plus grand nombre encore de mes collègues libéraux n’ont pas eu l’occasion d’exprimer leur opinion. Je suis profondément troublé par le fait que mes collègues libéraux n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer à ce sujet. Il semblerait presque que les députés libéraux d’arrière-ban aient été muselés à l’occasion des débats sur cet important projet de loi.
Il a fallu au Québec six ans de débats dans des assemblées législatives successives pour rédiger sa loi sur l’aide médicale à mourir. Pendant six ans, le Québec a mené des consultations et s’est engagé à rédiger une mesure législative qui englobe sinon toutes, en tout cas la majeure partie des préoccupations, des garanties et des protections.
On nous répète continuellement que ce projet de loi est assez bon pour le moment. À mon avis, assez bon n’est pas assez bon lorsqu’il s’agit de vie et de mort. Je suis profondément convaincu que nous avons intérêt à manquer une date butoir plutôt que d’approuver une mauvaise politique publique qui pourrait entraîner de très graves répercussions. Ce projet de loi est probablement la mesure législative la plus importante de notre génération.
Le gouvernement libéral devrait permettre à tous les députés de s’exprimer au nom de leurs électeurs. Il devrait également mener d’autres consultations afin de rédiger un projet de loi efficace; autrement, nous risquons d’adopter une loi terriblement défaillante et même, selon moi, inconstitutionnelle. Si nous adoptons le projet de loi tel qu’il nous est présenté, nous nous exposons à des contestations judiciaires qui empêcheront les parlementaires de produire un document qui protégera les membres de notre société les plus vulnérables aux mauvais traitements.
Le débat sur l’aide au suicide que nous tenons depuis quelques mois a dévoilé certaines options que nous devrions aussi examiner en discutant du projet de loi . Les soins palliatifs constituent un élément crucial de cet enjeu. Nous devons en tout temps appliquer une stratégie efficace de prestation des soins palliatifs. Le gouvernement affirme souvent que cette stratégie importante est au cœur même de son budget pour l’avenir, et pourtant elle n’est pas mentionnée une seule fois dans le budget actuel.
Pour que les personnes concernées soient bien au courant des choix de fin de vie qui leur sont offerts non seulement sur le plan physique, mais sur le plan émotionnel, la prestation des soins palliatifs doit être un choix de fin de vie tout à fait acceptable. Comme l’aide médicale à mourir est fortement contestée, il est important que nous discutions des soins palliatifs pour que les personnes concernées soient en mesure de prendre les meilleures décisions possible sur l’amélioration de leur qualité de vie. Nous nous devons de protéger nos citoyens les plus vulnérables.
Comme je l'ai mentionné plus tôt dans le débat, j'ai une enfant mature qui souffre de troubles cognitifs. Même si elle est en santé, qu'elle contribue activement à la vie de la collectivité et que j'en suis extrêmement fier, ma fille ne pourrait pas, aujourd'hui, prendre une décision éclairée, encore moins si elle était atteinte d'une maladie grave et incurable.
Nous devons également penser aux professionnels de la santé, les médecins et le personnel infirmier, qui ont choisi leur domaine pour sauver et améliorer des vies et pour permettre à des gens de continuer à vivre en santé. Nous devons veiller à ce que ces personnes soient protégées, elles aussi, et ne pas nous décharger de cette responsabilité sur les provinces. Nous devons nous assurer que la mesure législative ne deviendra pas, pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, un moyen de mettre fin à leur souffrance et que le suicide assisté ne sera ni imposé ni choisi par des personnes qui y sont contraintes ou ont l'impression d'être un fardeau.
Comme l'a si bien dit Catherine Frazee, professeure émérite à l'Institut pour la recherche et l'éducation sur l'invalidité de l'Université Ryerson:
Au coeur de ce débat se trouve l'obligation de choisir entre des visions opposées de notre tissu social. Allons-nous nous soumettre sans broncher aux diktats de la liberté individuelle, quel qu'en soit le prix social, ou allons-nous plutôt reconnaître que la liberté individuelle a des limites qui nous servent tous quand nous sommes vulnérables et sur notre déclin?
Quand nous commençons à défaire le tissu social, l'assise de la société, nous devons nous assurer que des mesures de protection appropriées sont en place et qu'il existe un système de freins et de contrepoids. Un tel système ne se construit pas du jour au lendemain au moyen d'un débat limité où l'on impose l'attribution de temps. Il requiert l'écoute, l'apprentissage et la prise en compte d'une grande variété de points de vue, de témoignages et d'opinions; il suppose la collaboration, une analyse approfondie et l'acceptation d'amendements dont aucun ne semble concorder avec les priorités du gouvernement libéral.
J’aimerais remercier nos collègues de tous les partis, qui nous ont fait part de leurs expériences au cours de ce débat. Je les remercie toutes et tous d’avoir exprimé leurs points de vue et d’avoir partagé les expériences personnelles qu'ils ont vécues, et je remercie également tous les habitants de ma circonscription, Cariboo—Prince George, et ils sont nombreux, de m'avoir fait part de leurs opinions et de leurs expériences.
Je tiens également à remercier les membres du comité, qui ont travaillé sans relâche pour trouver une solution. Je remercie chacun d'eux d’avoir pris le temps d'exprimer leurs sentiments sur cette importante mesure législative.
Pour les raisons que j’ai évoquées dans mon discours, je ne peux pas appuyer le projet de loi dans son libellé actuel.
:
Monsieur le Président, j’ai l’honneur de parler du projet de loi , qui en est à l'étape de la troisième lecture.
Il y a quatre mois, j’ai participé à la première réunion d’un comité spécial de la Chambre et du Sénat qui a été créé pour conseiller le gouvernement sur sa réponse à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Carter. Nous avons travaillé de longues heures jusque tard dans la nuit et avons collaboré de façon respectueuse et constructive avec tous les partis et avec des parlementaires des deux Chambres. Nous avons entendu des témoins et des experts de tous les horizons et provenant de partout au Canada.
Pendant nos travaux, je sais que beaucoup d’entre nous ont pensé aux personnes qui ont lutté et qui ont souffert pour obtenir le droit de décider de la fin de leur vie: des gens comme Sue Rodriguez, décédée en 1994 après avoir perdu son combat contre la SLA et après avoir perdu sa bataille à la Cour suprême du Canada un an auparavant. J’ai souligné l’importante contribution de gens comme le député Svend Robinson dans cette lutte précédente. Je pense aux gens comme Kay et Lee Carter, Hollis Johnson, William Shoichet et Gloria Taylor, qui ont lutté d’arrache-pied et qui ont obtenu gain de cause à la Cour l’an dernier.
Les travaux du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir ont prouvé qu’il était possible d’avoir un débat réfléchi et respectueux, mais surtout, qu’un projet de loi bien formulé pourrait obtenir l’appui de tous les partis et des membres des deux Chambres. Je dis cela parce que la grande majorité des sénateurs et députés de tous les partis étaient d’accord sur 21 recommandations à présenter au gouvernement actuel. Je n’aurais jamais pensé que je me trouverais ici aujourd’hui pour m’opposer à ce projet de loi.
Ce projet de loi rejette la plupart des recommandations du comité mixte de la Chambre et du Sénat, ou n'en tient pas compte. Je suis fier de ces recommandations. Il est vrai que plusieurs d’entre elles auraient nécessité un énorme courage politique, mais elles étaient toutes fondées sur les données probantes que nous avaient fournies la plupart des experts qui ont témoigné devant nous. Par exemple, j’ai cherché à faire accepter les demandes préalables par des personnes susceptibles de perdre la capacité de fournir un consentement compétent plus tard. La grande majorité des Canadiens nous ont dit que c’est ce qu’ils voulaient. Toutefois, non seulement ce projet de loi rejette ces recommandations, il irait aussi à l’encontre de la décision de la Cour suprême. Il ne répondrait pas aux exigences de cette dernière et contreviendrait donc à la Charte des droits et libertés pour les Canadiens qui souffrent.
C’est l’opinion de l’Association du Barreau canadien, du Barreau du Québec et de nombreuses autres instances. La Cour d’appel de l’Alberta a pris la même décision il y a deux semaines, et il y a à peine quelques jours, le juge Paul Perell de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a statué que la Cour suprême autorisait une aide médicale à mourir si « l’affection médicale en question représente une menace pour la vie de la personne et a une incidence négative sur sa qualité de vie ». Il a ensuite ajouté: « Il n’y a aucune exigence voulant que l’affection soit mortelle ou que le patient soit en phase terminale. »
Malgré cela, le gouvernement actuel a limité les débats et a essayé d’imposer un projet de loi boiteux à la Chambre.
Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un dossier complexe et controversé, mais ce n’est pas une question partisane. La Cour suprême a donné au législateur une occasion — et non un ultimatum — d’élaborer un projet de loi conforme à l’arrêt Carter. Comme c’est souvent le cas dans ce débat, nous devrions examiner les propos exacts de la Cour. Voici ce qu’elle a dit au paragraphe 126 de l’arrêt en question: « Il appartient au Parlement et aux législatures provinciales de répondre, si elles choisissent de le faire, en adoptant une loi compatible avec les paramètres constitutionnels énoncés dans les motifs du jugement. »
Aujourd'hui, la a de nouveau laissé entendre que la Cour suprême nous a ordonné d'adopter un projet de loi d'ici une date précise, alors que la Cour a dit le contraire. Le vote étant libre, chacun d'entre nous, parlementaires, doit répondre à une simple question: est-ce que le projet de loi respecte les paramètres constitutionnels énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Carter? À mon avis, c'est là l'unique question. Si la réponse est négative, c'est-à-dire que le projet de loi ne respecte pas ces paramètres, cela signifie que le gouvernement demande à la Chambre de porter atteinte sciemment aux droits que la Charte garantit aux Canadiens qui souffrent et de consacrer cette violation dans la loi.
La Cour suprême du Canada a établi que tous les adultes canadiens capables atteints de problèmes de santé graves et irrémédiables leur causant des souffrances intolérables ont le droit de recourir à l'aide médicale à mourir. Or, le gouvernement voudrait que nous accordions ce droit seulement aux patients en fin de vie.
L'Association du Barreau canadien a affirmé qu'une telle restriction ne respecte pas le socle de droits établi par la Cour. Le Barreau du Québec a dit la même chose, tout comme le Conseil canadien des avocats de la défense, l'association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et bien d'autres organismes juridiques respectés.
J'ai suggéré de supprimer cette ligne pour permettre au projet de loi de se conformer à la décision de la Cour suprême et à la Charte, mais la majorité libérale a rejeté cette idée. La Cour d'appel de l'Alberta a jugé à l'unanimité que l'interprétation par le gouvernement de l'arrêt Carter était erronée. Dans une décision cruciale qu'elle a rendue il y a quelques semaines, elle a dit ceci:
La décision dans la cause Carter, rendue en 2015, n'exige pas que le requérant soit en phase terminale. [...] La décision est claire. [...] L'interprétation qu'en fait [le ministère de la Justice] ne respecte pas la prémisse fondamentale de l'arrêt Carter [...]
Il s’agit d’une mise en accusation dévastatrice de l’argument même sur lequel le gouvernement s’est appuyé pour défendre le projet de loi contre ce chœur de critiques de plus en plus grand. Cette décision devrait assurément nous faire hésiter. Pourtant, certains persistent à dire qu'on ne peut obéir les yeux fermés à la Cour suprême, que la réalité médicale dicte une approche équilibrée.
Les restrictions du gouvernement ont également fait froncer des sourcils dans la communauté médicale. La fédération représentant chaque ordre des médecins du Canada a dit de cette exigence du projet de loi relative à la fin de la vie qu’elle était « trop vague pour être comprise ou appliquée par le corps médical et trop ambiguë pour être efficacement réglementée ».
L’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario l’a qualifiée de non conforme dans le contexte de la décision Carter et susceptible de créer des malentendus chez les médecins. L’Association des infirmières et infirmiers du Canada a proposé un retour à la formulation de la Cour suprême, ce que j’ai fait ici. Si c’était le cas, ce passage controversé pourrait simplement être supprimé. C’est justement ce que j’ai proposé de faire et mes amendements ont été rejetés par la majorité libérale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Non seulement les groupes médicaux sont préoccupés par le projet de loi, mais plusieurs n’ont même pas été consultés. Selon un témoignage livré au Sénat, ni la Fédération des ordres des médecins du Canada ni aucun des ordres provinciaux ou territoriaux n’a été consulté durant la rédaction du projet de loi.
Nous sommes en présence d’un projet de loi dont certains passages clés se sont attiré les foudres des communautés juridiques et médicales. Ces passages pourraient être écrits sur une serviette de table. Ils pourraient aisément être supprimés, comme mes amendements le proposaient, et remplacés par la formulation exacte de la Cour suprême. Qui pourrait résister et s’opposer à cela de bonne foi? C’est pourtant ce que le gouvernement a précisément refusé de faire.
Dès le premier jour des audiences du Comité, un député libéral a posé une question bien simple à la : « Avons-nous sollicité des conseils extérieurs pour nous assurer que ce projet de loi est conforme à la Charte? » La ministre a choisi d’ignorer la question, ne parlant que de sa confiance personnelle envers ledit projet de loi. Il est clair qu'aucune source indépendante n'a confirmé sa conformité à la Charte.
Je comprends ce que la ministre a dit récemment à la Chambre, soit que nul ne détient le monopole de l’interprétation de la Charte. La ministre a raison, bien entendu, mais j’ai peur que l’aberration dans le présent cas ne soit pas commise par les critiques, mais bien par le gouvernement. Les associations des Barreaux du Canada et du Québec, des experts juridiques et médicaux et l’avocat principal de l’affaire Carter s’accordent pour dire que le projet de loi ne répond pas à la décision de la Cour suprême du Canada.
Le gouvernement se dresse pratiquement seul devant cette garde, brandissant une étude générale du ministère de la Justice et refusant de transmettre la question à la Cour suprême, voire d’obtenir un avis juridique indépendant.
La Cour d’appel de l’Alberta a unanimement rejeté l’argument du gouvernement voulant que la Cour suprême limitait sa décision aux patients en fin de vie. Permettez-moi de répéter: une cour d’appel provinciale a déjà statué que l’interprétation étroite et sélective de la décision Carter faite par le gouvernement, l’argument juridique appuyant ce projet de loi, n’est pas dans l'esprit de la décision de la Cour suprême et viole conséquemment les droits d’un patient conformément à la Charte.
On nous demande maintenant d’inscrire cette violation dans la loi, et avec quelle justification? Aucun argument confirmant la conformité du projet de loi avec Carter et la Charte n’a été avancé. La ministre a raison de dire que les nombreux détracteurs du projet de loi ne peuvent pas se contenter d’affirmer que celui-ci n’est pas constitutionnel, mais le gouvernement ne peut pas non plus se contenter d’affirmer le contraire. Nul ne peut prétendre savoir ce que pensent intimement les juges de notre Cour suprême, mais le gouvernement ne peut pas non plus continuer de laisser entendre que l’intention de leur décision est quelque peu opaque ou impossible à connaître. La décision ne tient pas du test de Rorschach, elle est tout à fait claire. La Cour analyse le droit avec le même objectif que le projet de loi, à savoir de protéger certaines personnes vulnérables qui souffrent pendant des moments de faiblesse. La Cour a conclu que l’interdiction antérieure était trop large parce qu’elle visait des personnes en dehors de cette catégorie, des personnes compétentes qui n’étaient pas vulnérables et qui méritaient donc de voir leur autonomie respectée.
Il continuerait d’en être ainsi dans le cadre du projet de loi . Toute une catégorie d’adultes canadiens compétents serait condamnée à des souffrances intolérables et se verrait refuser le recours à une aide à mourir. Ces gens peuvent être forcés de mettre fin à leurs jours prématurément ou violemment. Ce sont les mêmes violations des droits énoncés à l’article 7 dont parle déjà la Cour dans Carter. La Cour n’a pas choisi dans cette décision de procéder à une analyse de la violation de l’article 15, c’est-à-dire de la disposition relative aux droits à l’égalité, mais la juge de première instance a procédé à cette analyse et elle a conclu que l’interdiction imposait « un fardeau disproportionné aux personnes handicapées physiquement, car pour s’enlever la vie, elles seules sont limitées au refus de s’alimenter et de s’hydrater ».
Comme nous l’a fait remarquer le ministre de la Santé du Québec lorsqu’il s’est prononcé contre le projet de loi, c’est précisément à la même option cruelle que seront bientôt confrontés les patients si la disposition du projet de loi relative à la fin de vie n’est pas supprimée. Il est honteux que le projet de loi laisse dans cette situation cruelle des Canadiens qui souffrent.
Au comité, j’ai insisté sur ce point auprès des représentants du ministère de la Justice. Je leur ai raconté l’histoire de Tony Nicklinson, qui fait l’objet d’un affidavit déposé dans l’affaire Carter. Au cours d’un voyage d’affaires à Athènes, M. Nicklinson a été victime d’un grave accident vasculaire cérébral qui a provoqué chez lui un syndrome de verrouillage. Dans cet état, il était incapable de bouger un seul muscle, à l’exception des paupières. Son esprit sain et actif était prisonnier d’un corps qui ne réagissait plus. Son état était irrémédiable, sans espoir et pouvait durer peut-être des décennies. Il déclarait qu’il ne pouvait même pas boire ou fumer dans l’espoir d’abréger son existence. C’est ce que M. Nicklinson écrivait dans un affidavit dicté en clignant des paupières. Voici ce qu’il déclarait à la Cour:
Le problème avec leur argument est la supposition que nous voulons tous vivre, quel qu'en soit le coût sur le plan de la qualité de vie. Or, ce n'est clairement pas le cas. Je veux faire ce choix moi-même. Ce qui m'en empêche, c'est le fait que je suis trop handicapé pour m'enlever la vie et que, contrairement à une personne non handicapée, j'ai besoin d'aide pour mourir.
Protégez les personnes vulnérables si vous le voulez (et par personnes vulnérables, je veux dire celles qui ne peuvent pas prendre de décision pour elles-mêmes), mais ne m'incluez pas. Je ne suis pas vulnérable. Je n'ai pas besoin qu'on m'aide ou qu'on me protège de la mort ou de ceux qui m'aideraient, si les conséquences juridiques n'étaient pas si lourdes [...]
Je demande qu'on respecte mon droit de choisir quand et comment mourir. Je sais que de nombreuses personnes estiment qu'elles auront manqué à leur devoir si une personne comme moi s'enlève la vie et que la vie est sacrée, coûte que coûte. Je ne suis pas d'accord avec ce point de vue. Nul doute que la bonne chose décente à faire serait de donner aux gens le pouvoir de faire le choix pour eux-mêmes.
M. Nicklinson ne vivait pas dans un lieu qui lui accordait le pouvoir de faire ce choix. Il n'a pas eu l'option de recourir à l'aide médicale pour mourir paisiblement. Alors, il a cessé de se nourrir et est mort de faim. S'il était en vie aujourd'hui, le projet de loi ne lui offrirait aucun espoir, aucun respect de son autonomie.
Voilà l’argument que j’ai présenté au ministère de la Justice. On m’a répondu que j’avais tort. On m’a dit que M. Nicklinson n’aurait pas à se laisser mourir de faim au Canada. Il devrait juste ne plus s’alimenter jusqu’à ce qu’un médecin déclare sa vie « raisonnablement prévisible ». Tels sont les mots utilisés dans le projet de loi .
C’est de cela que nous parlons quand nous disons que le projet de loi porte atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés. Le ministre de la Santé du Québec a mis en garde le gouvernement en lui expliquant que le projet de loi obligerait des patients compétents et consentants à se laisser mourir de faim pour obtenir du gouvernement actuel les droits que leur confère déjà l'arrêt Carter.
La Cour a jugé l’interdiction antérieure inconstitutionnelle, non seulement parce qu’elle portait atteinte aux droits des patients compétents, mais aussi parce qu’elle était inutile, un meilleur régime étant possible. La vulnérabilité, explique-t-elle, peut-être évaluée au cas par cas, et des garanties adéquatement conçues peuvent protéger les personnes vulnérables. Devant ces faits, la Cour n’a pu voir aucune justification pour continuer de refuser leur autonomie à des catégories entières de patients compétents, comme M. Nicklinson.
Il n’y a toujours pas de justification. En fait, il ne reste plus au gouvernement qu’à se rendre à l’évidence, à savoir que le projet de loi ne satisfait pas au critère de la Cour suprême, et à dire qu’il est d’une certaine façon nécessaire, voire sage, d’enfreindre la Charte, car les mesures de sauvegarde élaborées par les libéraux sont trop faibles pour des cas plus complexes. Le projet de loi laisse à désirer et je ne peux accepter cet argument.
Je suis fier d’avoir siégé au comité mixte de la Chambre et du Sénat qui a formulé des recommandations à l’intention du gouvernement avant la rédaction du projet de loi . Nous avons étudié des pratiques exemplaires du monde entier et recommandé bon nombre des garanties solides proposées dans le projet de loi. Surtout, j’ai toute confiance dans les soins et le professionnalisme des médecins canadiens et je ne peux donc accepter que la Cour suprême ait eu tort de dire que des mesures de sauvegarde adéquatement conçues peuvent protéger les personnes vulnérables. Je ne puis accepter l’idée que ce régime est si faible — ou les médecins canadiens si négligents — qu’on ne peut croire qu’il fasse respecter fidèlement tous les droits des patients garantis par la Charte et qu’il écarte ceux qui ne sont pas en mesure de faire ce choix.
J’en arrive donc à la seule conclusion possible. L’adoption du projet de loi annulerait les droits établis par la Cour suprême pour toute une catégorie d’adultes canadiens compétents qui souffrent, et ces droits seraient annulés sans que ce soit nécessaire d’un point de vue médical ou justifié d’un point de vue juridique.
J'ai proposé des amendements au projet de loi, qui ont été rejetés. J'ai demandé une analyse constitutionnelle indépendante, qui n'a pas été réalisée. J'ai demandé au gouvernement de renvoyer la question à la Cour suprême du Canada, mais il ne l'a pas fait. Je ne peux donc pas, en tant qu'avocat et parlementaire, appuyer l'adoption d'une loi qui, à mon avis, serait inconstitutionnelle dès le départ. Je ne peux pas voter pour le projet de loi et aller à l'encontre des droits garantis par la Charte aux patients qui souffrent, et j'en connais quelques-uns.
Le gouvernement tentera d'excuser les imperfections du projet de loi en les qualifiant de circonstances inévitables, et je sais que certains députés reconnaissent que le projet de loi comporte des failles, mais ils se sont fait dire de l'adopter pour le 6 juin tout simplement.
Il faut bien comprendre ce qui se passera le 6 juin. L'interdiction absolue de l'aide médicale à mourir ne sera pas rétablie et les infractions qui l'empêchent, comme l'aide au suicide, ne disparaîtront pas du Code. En d'autres termes, le crime ne deviendra pas légal et l'aide médicale à mourir ne deviendra pas illégale. Il y aura plutôt une exception pour les patients et les médecins qui agissent selon les paramètres de l'arrêt Carter. Bien sûr, les organismes de réglementation provinciaux ont établi des règles en matière de protection au cours de la dernière année de toute façon. Les provinces sont prêtes à aller de l'avant. La loi fédérale n'est pas nécessaire pour assurer un accès de base et une protection.
Je demande à mes collègues d'en face, avec qui j'ai travaillé de manière constructive et collaborative, de donner tout son sens à ce vote libre, de montrer par l'exemple ce que les Canadiens savent être la vérité: que c'est la Cour suprême du Canada et non le Cabinet du premier ministre qui a le dernier mot au sujet de nos droits constitutionnels.
Je propose:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois (aide médicale à mourir) ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé de nouveau au Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour que ce dernier réexamine l'article 3 de manière à s'assurer ce que les critères d'admissibilité qu'il contient respectent les paramètres constitutionnels établis par la Cour suprême dans sa décision sur l'affaire Carter c. Canada. »
:
Monsieur le Président, c'est avec humilité que je prends la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi .
Je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Je sais que cet enjeu touche de très près les Canadiens. C'est une question de qualité de vie, de dignité, d'autonomie et, surtout, de compassion.
Dans ma circonscription, Brampton-Sud, beaucoup de gens m'ont fait part de leur opinion sur cette question. La plupart appuient le projet de loi. Certaines personnes ont aussi exprimé des préoccupations sincères, en particulier dans les communautés orthodoxes. Je comprends leur conviction et je les remercie d'avoir exprimé leur point de vue au sujet de cet enjeu important.
Je vais utiliser le temps dont je dispose pour expliquer la raison pour laquelle je vais voter en faveur de cette mesure législative importante.
Je suis de tout coeur avec toutes les personnes souffrantes et les membres de leur famille, qui sont confrontés à des situations que j'ai peine à imaginer. Je pense que nous pouvons convenir que le débat devrait porter sur les personnes qui souffrent et leur famille. J'espère que les députés s'en souviendront. Nous devons tendre vers une approche compatissante pour les personnes touchées. C'est une question sérieuse et complexe. Nous devons donc trouver le juste équilibre.
Le gouvernement doit y voir maintenant. La Cour suprême a pris une décision unanime et, bientôt, il y aura un vide juridique.
Je pense que nous pouvons convenir qu'une approche provinciale fragmentée n'est pas indiquée. Nous ne remplirions pas notre responsabilité, qui consiste à exercer un leadership national sur cette question.
Le cadre qui est décrit dans le projet de loi prévoit un plan solide, précis et détaillé qui respectera la date butoir du 6 juin fixée par la Cour. Je m'explique.
Permettre l'aide médicale à mourir donnera aux malades en phase terminale qui y sont admissibles un plus grand contrôle sur la façon de vivre leurs derniers jours. Cette mesure législative comporte également d'importantes mesures de sauvegarde et limitations. Elle requiert que le et le , en consultation avec les provinces, créent des règlements qui protégeront toutes les parties en cause.
En permettant le recours à l’aide médicale à mourir aux adultes capables dont la mort est raisonnablement prévisible, je pense que nous établissons l’équilibre le plus approprié entre, d’une part, l’autonomie des personnes qui demandent cette aide et, d’autre part, les intérêts des patients qui ont besoin de protection.
Il importe de mentionner que ce projet de loi n'est pas la seule mesure qui est prise. Je signale qu'il se fait un important travail d'amélioration des soins palliatifs au pays. L'idée d'autoriser l'aide médicale à mourir et celle d'offrir un bon système de soins palliatifs ne s'excluent pas l'une l'autre. Les deux sont plutôt complémentaires. Ce sont deux volets importants à prendre en considération. C'est la raison pour laquelle je suis fière que la ait réitéré son engagement à améliorer les soins à domicile et les soins palliatifs en réponse à une question que j'ai posée durant la période des questions du 2 mai dernier. Dans sa réponse, la ministre a cité le Dr Atul Gawande, qui a dit que les gens voulaient non seulement une belle mort, mais aussi une belle vie jusqu'à la toute fin. La ministre a confirmé son engagement à améliorer les soins palliatifs et à assurer la dignité des Canadiens qui souffrent. Elle a annoncé qu'elle travaillerait avec les provinces pour que tous les Canadiens puissent recevoir des soins de qualité. Elle a aussi mentionné que le gouvernement fédéral comptait injecter 3 milliards de dollars en quatre ans dans l'amélioration des soins palliatifs et des soins à domicile. Je salue cette initiative.
Quand on examine un projet de loi sur l'aide médicale à mourir, il faut aussi penser aux investissements consacrés au système de soins de santé. L'accès à des soins palliatifs de qualité figure parmi les priorités du gouvernement. Pendant la renégociation de l'accord sur la santé avec les provinces, il sera sûrement question de soins palliatifs. Il est essentiel de collaborer avec les provinces, les territoires et les intervenants pour pouvoir offrir des options en matière de soins de fin de vie.
J'ai déjà travaillé comme coordonnatrice de la recherche et éducatrice en diabète. Je sais à quel point le rôle et le point de vue des médecins et du personnel infirmier sont essentiels dans ce dossier. À titre de membre du comité de la santé, et grâce à quelque 20 ans d'expérience dans le secteur de la santé, je sais qu'il faut absolument consulter les professionnels de première ligne. Les médecins et le personnel infirmier sont au coeur du processus de fin de vie. Le projet de loi à l'étude respecte leur liberté de conscience. Nous cherchons à déterminer comment procéder pour que leur point de vue soit toujours pris en compte.
Le projet de loi contient des règles claires et définit les critères d'admissibilité avec soin. Je tiens à dire clairement que rien, dans le projet de loi, n'oblige un médecin ou un membre du personnel infirmier à fournir une aide médicale à mourir. Cette mesure vise à trouver un juste équilibre entre l'accès à l'aide médicale à mourir et le respect des convictions personnelles des professionnels de la santé. Elle vise à trouver un juste équilibre.
Les Canadiens se tournent vers leurs médecins et vers le personnel infirmier pour obtenir des soins de santé et un soutien qui les aidera à conserver leur qualité de vie. Ils veulent aussi savoir que, si toute qualité de vie devient impossible et qu'ils choisissent de mourir dans la dignité, leurs fournisseurs de soins de santé pourront les aider.
Les garanties procédurales nous permettent d'obtenir un juste équilibre, selon moi. L'accès à l'aide médicale à mourir sera réservé aux personnes répondant aux critères suivants: être un adulte mentalement capable dont la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, qui est atteint d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap graves et irrémédiables, qui endure des souffrances intolérables et prolongées et dont la mort est raisonnablement prévisible.
De plus, le fait d'aider une personne à mourir ou à causer la mort d'une personne sera encore considéré comme un crime dans tout autre contexte que l'aide médicale à mourir légitime. Les mesures de protection sont une composante essentielle du projet de loi qui permet de voir à ce que les patients admissibles aient accordé leur consentement de manière éclairée. Les patients doivent présenter une demande d'aide médicale à mourir par écrit et la faire signer par deux témoins indépendants. Il faut deux avis médicaux indépendants pour confirmer que le patient répond à tous les critères. Ces deux premiers critères visent à s'assurer que la demande d'aide médicale à mourir est vraiment volontaire, qu'elle reflète le souhait du patient, et qu'elle ne découle pas de pressions externes exercées sur le patient.
Notre approche fondée sur des données probantes s'appuiera sur un cadre de réglementation, de surveillance et de reddition de comptes. Ce régime de surveillance et de reddition de comptes permettra également de signaler tous les problèmes et les effets imprévus. Nous voulons que les Canadiens aient la conviction que le régime fonctionne et qu'il prévient les abus et les erreurs. Cela renforcera la confiance et permettra aux Canadiens de prendre des décisions éclairées en fonction des modalités du régime.
Je sais que d'autres députés ont fait allusion à la possibilité de s'appuyer sur des modèles étrangers afin de trouver des façons de collaborer avec les provinces et les territoires. Ce régime de coordination des soins de fin de vie respectera le rôle des provinces tout en facilitant l'accès et en respectant les droits de la personne.
Je tiens à souligner le travail des comités et des sénateurs qui ont étudié la question et formulé des recommandations en la matière. Il faut tenir compte de ces recommandations ainsi que des témoignages venant de tous les côtés. Je tiens également à féliciter les députés des discours informatifs qu'ils ont prononcés du fond du coeur. Je remercie aussi la et la des efforts qu'elles ont consentis pour présenter la mesure.
Le projet de loi établit l'équilibre demandé dans la décision de la Cour suprême du Canada et propose le cadre juridique nécessaire. En tant que parlementaires, c'est à nous de prendre la décision finale au nom des personnes que nous servons et qui nous ont élus pour les représenter. Le débat fait intervenir notre sens de la moralité et de la justice ainsi que notre compassion. Il nous amène à nous poser des questions délicates au sujet de nos systèmes juridique et médical.
Nous avons échangé et nous avons entendu des histoires touchantes. Nous avons réfléchi à la façon dont la question nous affecte tous. Elle nous a amenés à découvrir l'histoire des gens qui souffrent au Canada et qui seraient d'éventuels candidats à l'aide médicale à mourir. Il est bien trop facile de ne pas songer à ce que nous ferions à leur place. Il nous arrive souvent de ne pas entièrement comprendre la perspective de ceux qui sont atteints d'une maladie terminale. Leur dignité est de plus en plus mise à l'épreuve à mesure qu'approche la fin.
Il faut que nous adoptions la mesure le plus rapidement possible. J'espère que tous les députés l'appuieront avec moi.
:
Monsieur le Président, c’est pour moi un honneur de parler de ce projet de loi et de prendre part au débat. Je tiens tout d’abord à remercier les dirigeants de tous les partis d'avoir accepté que le vote soit libre. Il s’agit en effet d’un débat hautement émotif, délicat et personnel. Siégeant en cette Chambre depuis les années 1980, j’ai eu l’occasion de participer à de nombreux débats et je peux dire que celui-ci est l’un des plus délicats auxquels j’ai pris part à titre de parlementaire.
Je tiens à dire d’emblée que j’appuie ce projet de loi et je vais m’en expliquer. La décision qui est la nôtre doit être fondée sur nos propres expériences et — diraient d’aucuns — sur nos propres valeurs. Cependant, il n’en reste pas moins que nous venons tous de régions différentes du Canada, que nos expériences ne sont pas les mêmes et que nous comprenons différemment ce dont il s’agit.
Nous devons tous garder cela à l’esprit. C’est là un changement sociétal majeur. Il est majeur parce que nous manifestons l’intention de permettre à chaque Canadien, aux personnes que nous chérissons, à des proches, à nos voisins, à nos amis, d’obtenir une aide médicale à mourir. Ce débat ne devrait pas s’engager à la légère. Il ne devrait pas non plus aborder expressément les propos des avocats ou des tribunaux. Oui, le débat découle d'une affaire judiciaire et la Cour suprême a exprimé son propre sentiment à ce sujet, soit que les personnes ont effectivement droit à l’aide à mourir. Cependant, il ne faut pas minimiser les répercussions de l’octroi de ce droit sur notre pays à long terme.
Je vais faire appel à mon expérience de député pour expliquer les raisons pour lesquelles nous devons faire preuve d’une extrême prudence et de diligence dans nos prises de décision au cours des prochaines années.
Je représente une circonscription qui affiche probablement le plus grand nombre de suicides au Canada. Au cours de la dernière décennie, j’ai été témoin de centaines de jeunes gens qui se sont donné la mort, des jeunes dont je connais la famille, le père et la mère, et je les ai regardés avec horreur prendre ce genre de décision. C’est peut-être un peu différent de ce dont nous discutons aujourd’hui, mais cela définit bien notre sentiment envers l’objectif de permettre à des personnes de décider ultimement de s’enlever la vie avec l’aide médicale d’autrui.
Sous ce rapport, nous devrions éviter d’endosser ce que d’autres disent à la Chambre. Par exemple, certains affirment que la loi ne va pas assez loin, qu’elle ne respecte peut-être pas la Charte en raison de son caractère trop restrictif. D'autres, qui ont soutenu des arguments tout aussi empreints de compassion, trouvent qu’elle va trop loin. Notre décision doit s’appuyer sur ce que nous pensons que nous souhaitons pour notre société. Ce n’est pas aux tribunaux qu’il incombe de déterminer et de suggérer, contrairement à ce que certains ont laissé entendre aujourd’hui même, que nous ne sommes pas allés assez loin et que, par conséquent, nous devons franchir le pas et adopter une position particulière parce qu’il se pourrait que la mesure ne soit pas conforme à la Charte.
J’ai siégé au Cabinet pendant plusieurs années et j’ai assisté à la présentation de beaucoup d’arguments de droit par des avocats, et ce, à de nombreuses occasions. À de nombreuses occasions, j’ai pu entendre la décision qualifiée de bonne ou de mauvaise ou un conseil peu ressemblant à ce qu’on avait prévu. Pour cette raison, nous ne pouvons prendre la parole dans cette enceinte et affirmer à la population canadienne que cette loi est absolument parfaite, à peu de chose près.
C'est pour cette raison que j'aime l'approche que le gouvernement a adoptée. Elle est très restrictive et donne à la société le temps d'examiner d'autres aspects que nous, les parlementaires, devrons prendre en compte, comme donner la possibilité à certaines personnes de mettre fin à leurs jours. Je pense par exemple aux mineurs.
Comme je l'ai mentionné, j'ai déjà vu de nombreux jeunes enfants s'enlever la vie. Je ne suis pas tout à fait d'accord pour qu'on autorise des mineurs qui veulent s'enlever la vie à le faire en rendant la chose légale et plus simple. C'est un aspect qui me préoccupe énormément.
Je m'inquiète aussi au sujet des demandes anticipées. Il est difficile de prévoir ce qui pourrait arriver à une personne, et donc, nous devons étudier davantage la question des demandes anticipées et réfléchir davantage à la situation des mineurs et des personnes ayant une maladie mentale.
J'appuie la mesure législative, mais ce n'est pas parce que la direction de mon parti me l'a demandé. Ce n'est pas ainsi que je travaille, et je n'ai jamais fonctionné de cette façon. Je l'appuie parce que je pense que c'est la meilleure approche à suivre en ce qui concerne cet enjeu, qui changera fondamentalement notre société, à tout jamais.
Nous ne devons pas oublier, lorsque nous voterons ici, ce soir, que très bientôt, un de nos proches pourra se prévaloir des mesures prévues dans ce projet de loi. Ce n'est pas aussi facile et simple que certaines personnes le prétendent. Nous avons discuté de cet aspect aujourd'hui.
Le cadre législatif est crucial. Il ne faut pas que le Sénat commence à discuter de la question de savoir si le projet de loi va ou non assez loin. En vérité, si le cadre nous permet d’être conformes à la Charte, alors il faut le mettre en oeuvre. Je tiens à le dire clairement. Peu importe le projet de loi que nous adopterons — que ce soit celui que semble préférer le NPD ou celui que semblent préférer les conservateurs —, tôt ou tard, il sera soumis à la Cour suprême, qui devra en attester la légalité. Le projet de loi qui sera retenu, quel qu'il soit, représentera un tel changement pour notre société qu’il est inévitable que, un jour ou l’autre, des gens s’adresseront à la Cour suprême pour en contester la légalité.
Soyons réalistes. Le projet de loi permet aux adultes mentalement capables qui sont dans un état avancé de déclin irréversible de leurs capacités, qui souffrent d’une maladie ou d'un handicap grave et incurable, qui éprouvent des souffrances constantes et intolérables à cause de leur état de santé et dont la mort naturelle est raisonnablement imminente, compte tenu de l’ensemble de leur situation médicale, de demander une aide médicale à mourir. C’est déjà beaucoup pour commencer.
Je sais que la mesure législative transformera le système de santé pour les prochaines générations. Je recommande vivement aux députés de ne pas préjuger de ce que les autres générations voudront dans 50 ou 100 ans. Il faut faire très attention.
Je crois fermement, comme la plupart des libéraux, aux droits individuels. Je ne propose pas de les restreindre, mais il est juste de donner aux gens capables le droit de choisir. Personnellement, en ma qualité de député, j’estime essentiel de garder un certain contrôle et, bien sûr, un maximum de dignité dans la mort.
Je suis heureux d’avoir l’occasion, aujourd’hui, de faire ces commentaires. Il ne s'agit certainement pas d'un enjeu partisan. Ce n’est pas ce dossier qui va donner plus de voix ou moins de voix à un député. Il est question d'un changement fondamental qui va s’opérer dans mes rapports quotidiens avec mes proches. Je tiens à ce que nous fassions les choses correctement. Je préfère pêcher par prudence plutôt que par excès.
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Madame la Présidente, tout d'abord, je signale que je partagerai mon temps de parole avec le député de .
D'entrée de jeu, je tiens à faire savoir que je suis contre le principe même du projet de loi . Je crois dans le caractère sacré de la vie et, à mes yeux, toute vie humaine, de la conception jusqu'à la mort naturelle, a une valeur et un but.
À titre de membre du comité de la justice et des droits de la personne, j'ai participé pendant plusieurs semaines à de longues et importantes réunions consacrées à l'étude du projet de loi . Avant d'effectuer l'examen article par article du projet de loi, le comité a consacré de longues séances à entendre le témoignage d'experts et de diverses organisations de partout au Canada. En dépit des préoccupations nombreuses et répétées exprimées par les témoins, le projet de loi n'a fait l'objet d'aucun amendement substantiel.
Le titre du projet de loi fait mention de l'aide médicale à mourir, mais il ne faut pas s'y tromper, il s'agit plutôt d'une mesure législative sur le suicide assisté par un médecin. Il est important de faire cette distinction. La gravité de cette mesure ne devrait pas être amoindrie par un libellé édulcoré. Ce projet de loi changerait le Canada à tout jamais et il serait naïf de penser que, dans sa forme actuelle, il ne mettrait pas en péril les personnes les plus vulnérables de la société canadienne. Il s'agit de la mesure législative de réingénierie sociale la plus importante des 25 dernières années, parce qu'elle modifie notre perception à l'égard du caractère sacré de la vie.
La Cour suprême a bien précisé que le suicide assisté n'est pas un droit garanti par la Charte, mais une exemption qui pourrait être accordée exceptionnellement si certains critères sont remplis. La personne concernée doit être un adulte capable, qui consent clairement à mettre fin à sa vie et qui est aux prises avec des problèmes de santé graves et irrémédiables, y compris une affection, une maladie ou un handicap, lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
Le projet de loi va manifestement au-delà de la décision de la Cour suprême puisqu'il permet d'étudier la possibilité de rendre le suicide assisté accessible aux mineurs matures, d'examiner la question des demandes anticipées et d'envisager d'offrir l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale. C'est tout simplement inacceptable.
Le comité a entendu les témoignages d'environ 42 personnes ou groupes tous directement concernés par la question. Plus de 100 amendements ont été présentés au comité à la lumière de ces témoignages. Malheureusement, les libéraux n'ont présenté aucun amendement de fond et ont, en fait, voté contre tout amendement constructif proposé par un parti de l'opposition. Les conservateurs ont présenté de nombreux amendements fort intéressants qui auraient renforcé le projet de loi et y auraient ajouté des mesures de protection importantes, comme ils l'ont fait hier soir, à l'étape du rapport. Ce fut une occasion ratée.
Je me permets d'attirer l'attention sur quelques-uns de ces amendements laissés de côté, qui sont de parfaits exemples d'occasions ratées.
Ces amendements proposaient, notamment, de veiller à ce que seuls des professionnels qualifiés et formés, autrement dit, des médecins, évaluent la personne et administrent le cocktail mortel qui entraînerait la mort. De la façon dont la mesure législative est actuellement rédigée, une personne pourrait se procurer le médicament mortel auprès d'un pharmacien, le rapporter à la maison, se l'administrer et se donner elle-même la mort. Cela m'inquiète et devrait inquiéter tous les Canadiens. Des témoins ont dit que, dans les pays où cette pratique est permise, 30 % à 40 % des ordonnances pour se donner la mort ne sont pas utilisées.
Qu'advient-il des médicaments non utilisés? Et si ces médicaments se retrouvaient entre de mauvaises mains? Qu'arriverait-il s'ils n'étaient pas administrés correctement? Si la personne ne les prenait pas au complet et qu'il en résultait des complications? Comment pouvons-nous être certains que les personnes n'ont pas subi de pressions? Il y a simplement trop de questions auxquelles ce projet de loi ne répond pas.
En vertu de ce projet de loi, il serait presque impossible pour les médecins de faire un suivi et de signaler les incidents. Le patient s'est-il administré le médicament ou est-il mort d'une maladie? Comment nous assurer que nous avons les bonnes données pour faire un suivi de l'euthanasie au Canada? Ce sont là des préoccupations légitimes exprimées par les Canadiens et on aurait pu y répondre en adoptant les amendements que nous avons proposés à l'étape de l'étude du comité.
Les libéraux refusent d'envisager un amendement visant à assurer la supervision d'un médecin durant la procédure.
De plus, le projet de loi permet aux infirmiers praticiens de fournir l'aide médicale à mourir. Il y a des différences considérables entre un médecin et un infirmier praticien, notamment la durée de la formation et le pouvoir de prescrire divers narcotiques, et pourtant, dans le projet de loi, nous donnons à l'infirmier praticien le pouvoir d'évaluer l'admissibilité d'une personne à l'aide médicale à mourir et de prescrire des cocktails de médicaments destinés à mettre fin à la vie, ce qui va nettement à l'encontre de ce à quoi nous nous attendons de la part des infirmiers.
Cela va trop loin, et c'est un autre problème que nous avons tenté de régler dans le projet de loi. Encore une fois, c'est une occasion ratée.
Nous avons aussi présenté un amendement qui aurait supprimé le critère de souffrance psychologique pour l'admissibilité à l'aide au suicide. Cela laisse tout simplement trop de place à l'interprétation. Permettre que la souffrance psychologique soit un facteur à prendre en considération pour déterminer l'admissibilité, c'est s'engager sur une pente très glissante quant à savoir qui peut avoir accès à l'aide médicale à mourir et à quelles fins.
Nous avons également proposé que l'on remplace « mort raisonnablement prévisible », dans le projet de loi, par mort imminente ou, du moins, mort prévisible dans les 30 jours. Ce libellé soulevait diverses préoccupations chez des témoins provenant des deux extrémités du spectre. La signification de « raisonnablement prévisible » aux yeux d'un médecin peut être tout à fait différente aux yeux d'un autre. Ce problème ouvrira la porte à l'incertitude chez les patients et les médecins et il donnera certainement lieu à des poursuites judiciaires ultérieures.
Pour renforcer davantage les mesures de sauvegarde, nous avons proposé un amendement pour exigeant qu'un contrôle judiciaire ait lieu avant qu'on procède à l'aide médicale à mourir afin de voir à ce que tous les critères d'admissibilité aient été respectés.
Le Dr Will Johnston, président de la coalition pour la prévention de l'euthanasie de la Colombie-Britannique, est venu témoigner devant le comité. Voici ce qu'il a dit:
[...] bien qu’on puisse le supposer, [le projet de loi] ne dit nulle part que les médecins doivent effectivement examiner le patient ni ne précise l’ampleur de cet examen pas plus que la mesure dans laquelle les médecins doivent prendre en considération les facteurs internes et externes qui rendent le patient vulnérable.
Le Dr Johnston soulève une préoccupation importante. Le projet de loi ne précise pas dans quelle mesure un patient devrait être examiné, pas plus qu'il n'exige l'évaluation des facteurs de vulnérabilité chez ce dernier.
Par ailleurs, nous savons que c'est une question complexe et difficile à résoudre par voie législative. Chaque personne et chaque maladie présentent des difficultés particulières. Le contrôle judiciaire permettrait de voir à ce que le patient réponde à tous les critères compte tenu des circonstances qui lui sont propres, et il protégerait davantage les personnes les plus vulnérables de la société canadienne. Encore une fois, cet amendement très raisonnable a été rejeté.
Nous avons aussi demandé que la tenue d'une consultation sur les soins palliatifs soit incluse dans les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Le patient devrait être informé de toutes les options à sa disposition, et il faudrait s'assurer que toutes les possibilités de soins palliatifs lui ont été offertes et expliquées.
Le comité a entendu des témoins lui dire à maintes reprises que l'accès aux soins palliatifs posait problème au pays. Les témoins nous ont aussi dit que les soins palliatifs, en particulier les traitements contre la douleur chronique et les services d'aide psychologique, étaient très efficaces pour atténuer la douleur, la dépression et l'anxiété, des problèmes qui amènent les gens à vouloir mourir plus rapidement.
La ministre a parlé des soins palliatifs et a insisté sur le fait qu'ils vont de pair avec l'aide médicale à mourir, pourtant le comité a refusé d'adopter une disposition du projet de loi prévoyant, comme exigence préalable, des consultations sur les soins palliatifs.
La Société canadienne des médecins de soins palliatifs a bien présenté la question au comité. Voici ce qu'elle écrit:
Pour que l'aide médicale à mourir ne soit pas notre seule solution aux souffrances humaines, nous devons prévoir une obligation légale de détecter, d'approfondir et de décrire les causes des souffrances de la personne afin de tenter de cerner les raisons qui l'amènent à vouloir mourir. Cette obligation ne devrait pas servir à déterminer l'admissibilité, mais plutôt être un moyen de veiller à ce que la personne qui demande de l'aide médicale à mourir soit pleinement informée des traitements qui existent [...] Le projet de loi devrait être amendé pour protéger concrètement le droit du patient d'être informé de toute la gamme des traitements, des technologies et des autres formes d'aide qui pourraient atténuer ses souffrances, quelles qu'en soient les causes.
Les consultations sur les soins palliatifs protégeraient les patients et nous garantiraient que l'aide médicale à mourir ne devient pas la première solution aux souffrances humaines. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne voudrait pas s'assurer que les patients envisagent toutes les autres solutions avant de demander de l'aide médicale à mourir.
Nous avons toujours dit très clairement, à l'instar de nombreux témoins entendus par le comité, qu'il fallait protéger la liberté de conscience non seulement des personnes, mais aussi des établissements. Le comité a pu constater qu'il s'agissait d'une préoccupation majeure. Nous avons présenté au comité plusieurs amendements qui auraient pu répondre aux objections de nombreux établissements et de nombreuses personnes susceptibles de se voir demander ces services. Ces amendements ont tous été rejetés, non seulement lors de l'étude par le comité, mais également ici, hier soir, lors de l'étude du projet de loi à l'étape du rapport. Nous considérons que c'est inacceptable.
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Madame la Présidente, ce n'est que maintenant que j'interviens pour la première fois au sujet du projet de loi , et celui-ci est rendu à l'étape de la troisième lecture. Le processus d'adoption du projet de loi s'est déroulé à toute vapeur. Les libéraux ont imposé la clôture à maintes reprises durant ce processus. Chaque fois qu'on en a débattu, que ce soit à l'étape de la deuxième lecture ou à celle du rapport, je n'étais pas disponible ou je n'ai pas pu me faire inscrire sur la liste des intervenants, celle-ci étant trop longue et le temps alloué, trop court. Toujours est-il que je suis enfin en mesure d'exprimer mes préoccupations et celles des habitants de ma circonscription au sujet du projet de loi .
Lorsqu'on a recours à la clôture dans des débats sur une question de conscience, notamment sur l'aide médicale à mourir ou le suicide commis avec l'aide d'un médecin, peu importe comment on veut l'appeler, il faut tout de même prendre le temps de débattre de la question. Pour bien faire les choses, les députés doivent discuter de la question et consulter les spécialistes. Si les libéraux précipitent le processus législatif entourant ce projet de loi, tant à la Chambre qu'au Sénat, je prédis que des erreurs seront commises à coup sûr et que la loi sera contestée en cour dans un avenir relativement proche.
Je dois également commenter ce qu'a dit le député de Provencher aujourd'hui. Il est très décevant de constater qu'un si grand nombre d'amendements raisonnables a été présenté par les députés des partis de l'opposition et qu'aucun de ces amendements n'a été pris en compte lors de l'étude à l'étape du rapport hier soir. C'est très décevant.
Dans ma circonscription, Selkirk—Interlake—Eastman, le sujet du suicide assisté sème la division, tout comme partout au pays. La majorité des électeurs qui ont communiqué avec mon bureau s'opposent à cette politique, pour deux raisons: d'abord, de nombreuses personnes ont de profondes croyances morales, éthiques et religieuses qui s'opposent fermement au suicide assisté; ensuite, de nombreuses personnes croient qu'on aura recours à la politique de façon prématurée pour mettre fin à la vie de personnes qui sont devenues un fardeau pour leur famille, la société ou le système de santé.
Il est important de souligner que les libéraux ont brisé une promesse électorale clé, celle d'investir 3 milliards de dollars dans les soins de longue durée, y compris les soins palliatifs. L'accès aux soins palliatifs fait partie intégrante du processus décisionnel associé à la fin de vie. Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir et les intervenants, notamment l'Association médicale canadienne, étaient tous d'avis qu'il fallait établir une stratégie pancanadienne en matière de soins palliatifs, associée à un financement réservé. Il s'agirait d'un important pas dans la bonne direction pour le Canada, mais les libéraux ont choisi de l'escamoter pour présenter cette mesure législative de façon expéditive et négligente.
De nombreux médecins, infirmiers et professionnels des soins de santé se heurtent au problème éthique et moral que présente l’aide au suicide, qui va à l’encontre de la version moderne du serment d’Hippocrate. L’Université d’Ottawa décrit d'ailleurs très bien le défi que présente ce principe en affirmant:
Un serment datant des temps anciens ne peut vraisemblablement pas tenir compte des valeurs prônées de nos jours, dans le contexte de la médecine telle qu’elle se pratique au 21e siècle, avec sa complexité. Par conséquent, l’importance du serment d’Hippocrate réside non pas dans les lignes directrices précises qui en ressortent, mais dans le symbole d’un idéal qu’il représente: le dévouement inconditionnel de la personne qui prête serment à l’égard de la préservation de la vie humaine.
Et je souligne « la préservation de la vie humaine ».
Bien que l’Association médicale canadienne soit revenue l’an dernier sur sa position concernant l’aide médicale au suicide, la Cour suprême du Canada s’est donné beaucoup de mal pour revenir sur sa position par rapport à ses jugements antérieurs, à savoir si des dispenses devraient être prévues en ce qui concerne l’aide médicale au suicide.
L’Association médicale canadienne est membre de l’Assemblée médicale mondiale, qui avait adopté une résolution à ce sujet en 1992. La résolution a été légèrement modifiée en 2005, puis réaffirmée en avril 2015 à Oslo. Elle se lit comme suit:
Le suicide médicalement assisté est, comme l'euthanasie, contraire à l'éthique et doit être condamné par la profession médicale. Le médecin qui, de manière intentionnelle et délibérée, aide un individu à mettre fin à sa propre vie, agit contrairement à l'éthique. Cependant, le droit de rejeter un traitement médical est un droit fondamental pour le patient et le médecin n'agit pas contrairement à l'éthique même si le respect de ce souhait entraîne la mort du patient.
Manifestement, l'Association médicale mondiale, qui représente les médecins et les chirurgiens du monde entier, affirme que c'est contraire à l'éthique.
Comme on l'a fait remarquer, de ce côté-ci, nous nous soucions des dispositions de la Charte sur la liberté de conscience; je m'en soucie d'ailleurs tout particulièrement. Comme on l'a fait remarquer, un léger amendement a été apporté au préambule du projet de loi de manière à protéger les particuliers, mais pas les institutions. Si l'article 2 est défini dans le préambule, mais qu'il ne figure pas dans le projet de loi lui-même, aura-t-il la force juridique nécessaire en cas de contestation devant les tribunaux, la Commission canadienne des droits de la personne ou l'une des commissions provinciales des droits de la personne?
Les institutions sont exemptées aux termes de la mesure, et je sais que certains députés se sont entretenus avec des membres de certaines institutions qui se disent très inquiets. J'ai communiqué avec l'hôpital général de Saint-Boniface, un hôpital catholique à Vancouver. Les employés de l'hôpital craignent qu'en tant qu'institution, ils aient à renier leurs croyances religieuses et morales afin d'offrir une aide au suicide. Ils croient, tout comme les députés de ce côté-ci, au caractère sacré de la vie.
Comme la plupart des Canadiens, j'ai vu des êtres chers succomber à de longues maladies chroniques et débilitantes. Tous les Canadiens souhaitent mourir dans la dignité. Malheureusement, seule une poignée d'entre nous mourra dans son sommeil avec peu d'inconfort ou de douleur. Je ne crois pas que nous devrions instaurer une politique qui fournira l'aide médicale à mourir à tous les Canadiens lorsqu'ils approcheront la fin de leur vie. Mourir dans la dignité ne s'applique pas seulement à l'aide médicale à mourir. Accroître et améliorer les services de soins palliatifs est de loin la meilleure politique publique et devrait être une priorité pour tous les fournisseurs de soins de santé au pays. Je me réengage à travailler avec les Canadiens, les décideurs et les parlementaires qui, comme moi, souhaitent améliorer les soins palliatifs au Manitoba et partout au pays. Mon épouse Kelly est infirmière dans un établissement de soins pour personnes âgées infirmes et est constamment appelée à prodiguer des soins palliatifs. Elle convient que le renforcement des services de soins palliatifs permettra à plus de Canadiens de mourir dans la dignité.
J'ai rencontré la Manitoba League of Persons with Disabilities et je me suis entretenu avec Carlos Sosa, représentant du Manitoba au sein du Conseil des Canadiens avec déficiences. L'organisme est très préoccupé par le projet de loi dans sa forme actuelle, car il fait peu pour remédier aux préoccupations des personnes vulnérables. En outre, l'organisme est préoccupé par la façon dont le projet de loi traite la communauté des personnes handicapées. En particulier, celui-ci ne prévoit pas d'évaluation des vulnérabilités qui pourraient mener une personne à assister au suicide d'une autre personne ou à recourir au suicide assisté. Il ne prévoit pas non plus d'examen préalable accéléré et d'autorisation par un juge ou une entité indépendante ayant de l'expertise dans les domaines des soins de santé, de l'éthique et du droit. C'était l'objet de l'un des amendements que nous avons proposés hier soir, et il a été rejeté.
Rhonda Wiebe, qui est coprésidente du Comité d'éthique en fin de vie du Conseil des Canadiens avec déficiences, a déclaré ce qui suit:
Dans le jugement Carter, la Cour suprême du Canada avait donné deux affectations au gouvernement du Canada: (1) instaurer un régime pour permettre aux personnes en fin de vie d’accéder à l’aide médicale à mourir et (2) protéger les Canadiens vulnérables qui, dans un moment de faiblesse, pourraient être incités à accepter l’aide médicale à mourir. Malheureusement, en matière de protection des personnes vulnérables, le projet de loi C-14 comporte de sérieuses lacunes [...] Le Canada doit être plus vigilant pour protéger les personnes comme moi et les autres Canadiens en situation de handicap, pouvant être vulnérabilisés par des problèmes de santé ou par leur condition sociale ou économique.
J'ai le privilège d'être membre d'un parti politique qui autorise la tenue de votes libres sur des enjeux de nature morale et religieuse. Pour ce qui est de politiques comme celle ayant trait au suicide assisté, les députés conservateurs peuvent décider de refléter la volonté des résidants de leur circonscription ou de voter en fonction de leurs croyances personnelles. Comme j'ai des valeurs chrétiennes très solides, je ne peux pas appuyer le projet de loi . Cette mesure législative doit inclure de meilleures mesures de protection pour les jeunes de moins de 18 ans et les personnes vulnérables, dont celles qui ont des problèmes de santé mentale.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon honorable collègue de .
[Traduction]
Dans notre monde postmoderne, avec sa tendance parfois à un certain type de ce que d’aucuns qualifieraient de relativisme libertaire, nous devons continuer de croire et d’affirmer qu’il existe des valeurs dont nous pouvons tous dire objectivement qu’elles sont bonnes et qu’elles méritent d’être protégées et encouragées, des valeurs qui devraient nous éclairer, nous motiver et nous guider tant à titre individuel que collectivement. Nous devons souscrire à l’impératif suivant: nous avons le devoir, en tant qu’êtres humains, de nous soutenir les uns les autres dans ce combat pour la vie, comme certains collègues l’ont dit, dans cette lutte contre la réalité indéniable de notre existence limitée qu'est notre mortalité. Chaque instant de la vie est important. Cette vérité doit être affirmée et respectée. Tel est le consensus qui prévaut, qui s’est profondément enraciné dans la société au fil de l’histoire. Tel est aussi notre instinct premier. Beaucoup de mes électeurs craignent que le projet de loi ne mine ce consensus, cet instinct. Je comprends cette crainte.
Nous ne pouvons nous permettre de sombrer dans l’indifférence, de nous laisser tranquillement séduire par la notion facile véhiculée par l’expression éculée « à chacun sa vérité » qui revient à dire que nous acceptons le droit de chacun de choisir, mais que nous ne pensons pas au-delà qu’il nous appartienne de renforcer le bon choix, le choix souhaitable. Lorsqu’il me semble entendre quelqu’un ramener le débat sur l’aide médicale à mourir à un débat sur un pur choix libertaire, j’avoue que j’en ai quelques frissons.
Après mûre réflexion, je ne crois pas que le projet de loi engendrerait nécessairement une attitude de plus en plus permissive à l'égard de la mort autogérée et qu'il aurait en outre un effet d'entraînement.
J'aimerais citer la bioéthicienne et philosophe Margaret Somerville, généralement considérée comme de tendance conservatrice à l'égard des questions de bioéthique. Dans ses écrits, Mme Somerville parle notamment des dangers de la légalisation de l'aide médicale à mourir:
Le projet de loi ferait en sorte que l'aide médicale à mourir figure dans les cas d'exemption — ou d'exception — alors que normalement ce genre de pratique donnerait lieu à des poursuites en vertu du Code criminel pour homicide coupable ou suicide assisté. Le fait de traiter l'aide médicale à mourir comme une exception permettrait d'assurer, ce qui est essentiel, que les Canadiens ne considèrent pas que c'est la façon normale de mourir;
Autrement dit, le projet de loi ne normaliserait pas l'aide médicale à mourir comme c'est peut-être le cas en Belgique ou aux Pays-Bas, les deux pays les plus souvent cités par ceux qui craignent qu'on ne s'engage sur une pente glissante.
Mme Somerville ajoute également:
Le fait de reconnaître l'aide médicale à mourir comme une exception contribue également à établir que le recours à cette pratique n'est pas un droit, mais offre plutôt, moyennant certaines conditions, une immunité contre toute poursuite pour infraction criminelle...
Par surcroît, cette bioéthicienne de renom soutient que l'approche retenue est porteuse d'un important message de santé publique contre le suicide.
J'ajoute que, dans le préambule du projet de loi, le gouvernement a pris soin de mettre l'accent sur ce message puisqu'il reconnaît « que le suicide constitue un important enjeu de santé publique qui peut avoir des conséquences néfastes et durables sur les personnes, les familles et les collectivités ».
Comme je ne suis pas médecin, je ne suis pas confronté à la mort au quotidien et, de plus, je n'ai jamais été à l'article de la mort.
[Français]
Comme nous tous ici, je suis un élu qui tente de prendre la meilleure décision possible dans le contexte de la réalité indéniable d'une décision unanime de la Cour suprême dans une cause déchirante, la cause Carter.
Cette décision de la Cour exige que le Parlement crée un nouveau cadre juridique visant à réglementer un aspect particulier de la fin de vie. Si nous n'assumons pas notre responsabilité dès maintenant, nous entrerons dans un vide juridique et réglementaire partiel. Pour citer l'Ontario Hospital Association, si le projet de loi n'est pas adopté d'ici le 6 juin, « l'aide à mourir sera légitime là où elle est prévue conformément aux paramètres établis par les tribunaux et les organismes de réglementation des provinces. »
[Traduction]
Les paramètres établis par la Cour sont de nature assez générale. La Cour n'a pas précisé ce que devrait être le cadre opérationnel de l’aide médicale à mourir. Ce n’est pas aux tribunaux d’être si normatifs.
Cela ne veut pas dire que je n'ai pas de crainte à adopter cette loi. En l'absence d'une décision de la Cour suprême et si la question avait été soulevée une nouvelle fois par le biais du projet de loi d'initiative parlementaire, je n’aurais probablement pas voté pour l'aide médicale à mourir. J'ai déjà voté contre un projet de loi d'initiative parlementaire sur le suicide médicalement assisté.
Mais nous avons une décision de la Cour suprême qui nous oblige à agir. Je pense que le , ainsi que la et la ont agi sagement en faisant preuve de prudence, malgré l'excellent travail du comité mixte spécial sous la direction compétente et intelligente de mon ami et collègue le député de .
Le projet de loi n’est peut-être pas parfait, mais je crois que ce serait une erreur de penser qu'il laisse un vaste champ ouvert à l'aide médicale à mourir, une crainte exprimée par de nombreuses personnes sérieuses et soucieuses au plus haut point de la protection de la vie humaine
Le projet de loi établit de nombreux critères à remplir avant que l’aide médicale à mourir ne soit autorisée. La personne doit être âgée de 18 ans et doit souffrir de problèmes de santé graves et irrémédiables qui répondent à quatre critères: sa maladie, son affection ou son handicap doivent être graves et incurables; sa situation médicale se caractérise par un état de déclin avancé et irréversible de ses capacités; en outre, sa maladie doit lui causer des souffrances physiques ou psychologiques persistantes et intolérables; et sa mort naturelle doit être considérée comme raisonnablement prévisible. De plus, la personne doit faire une demande de manière volontaire, sans pressions extérieures, qui est le résultat d’un consentement éclairé.
Le projet de loi comprend également un certain nombre de mesures de sauvegarde: la personne doit faire une demande par écrit ou par un autre moyen fiable. Si la demande est signée par un mandataire, celui-ci doit avoir au moins 18 ans et comprendre la nature de la demande. La demande ne doit être faite qu’après que la personne a été informée que sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible.
La demande doit être signée et datée devant deux témoins indépendants et ces témoins ne doivent pas être des bénéficiaires de la succession ou de tout autre avantage matériel de la personne qui fait la demande. Ils ne doivent pas participer directement à la prestation des services de soins de santé de la personne.
Deux médecins doivent donner un avis écrit confirmant que la personne répond aux critères d'admissibilité et ces médecins doivent être indépendants. Par exemple, l’un ne peut pas être le supérieur ou le mentor de l'autre.
Surtout, la personne doit être informée qu’elle a la possibilité de retirer sa demande à tout moment.
Cela dit, je ne suis pas du tout convaincu que l'aide médicale à mourir est un acte serein et digne, même s’il est souvent présenté comme tel. Je soupçonne que des complications peuvent surgir. Voilà pourquoi il est crucial que, grâce au gouvernement, le projet de loi permette le suivi de l'aide médicale à mourir au moyen de rapports détaillés.
[Français]
Il y a quelques années, une poignée de parlementaires, dont faisaient partie les députés de et de , les anciens députés de Newmarket—Aurora, de Guelph et de Windsor—Tecumseh, ainsi que moi-même, nous sommes demandés s'il ne fallait pas augmenter et améliorer les soins palliatifs au Canada.
[Traduction]
Nous avons fondé le comité qui s'est penché sur les soins de compassion et les soins palliatifs et nous avons produit un rapport. L'un des aspects positifs du débat sur cette question est le fait qu'on accorde une attention sans précédent aux soins palliatifs ici, à la Chambre, et sur la scène nationale en général.
Lorsque des soins palliatifs de qualité semblables à ceux prodigués par la Résidence de soins palliatifs de l'Ouest-de-l'Île pourront être offerts à tous les Canadiens qui approchent de la mort parce que les gouvernements fédéral et provinciaux auront accordé les fonds nécessaires, j'espère sincèrement que cette mesure législative deviendra en quelque sorte un vestige et que l'aide médicale à mourir ne sera plus considérée comme la seule option pour soulager une personne de ses souffrances à la fin de sa vie.
Par conséquent, puisque le gouvernement s'est déjà engagé à en faire plus pour financer les soins palliatifs, je suis encouragé de voir que le projet de loi mentionne expressément cet engagement. J'espère qu'un jour, lorsqu'on offrira des soins palliatifs de qualité à tous, on atteindra un point culminant et que c'est en fonction de celui-ci qu'on mesurera la valeur d'une société véritablement juste.
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Madame la Présidente, un grand poète gallois, Dylan Thomas, a rédigé un poème intitulé
Do Not Go Gentle Into That Good Night, en français,
N'entre pas sans violence dans cette bonne nuit. Ce poème raconte l'histoire d'un fils qui invite son père à lutter contre sa mort imminente, et il se termine ainsi:
Et toi, mon père, ici sur la triste élévation,
Maudis, bénis-moi à présent avec tes larmes violentes, je t’en prie.
N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit.
Rage, enrage contre la mort de la lumière.
Le fils implore son père de lutter jusqu'à la fin et de rager contre la mort de la lumière. Je crois que cela décrit bien l'essence même de la philosophie occidentale lorsqu'il s'agit de la mort. En termes simples, cela veut dire que nous ne devrions pas accepter la mort.
Cela dit, la vie doit se terminer un jour. Tout ce qui vit va mourir. Une roche ne vit pas, car elle ne meurt pas. Un arbre vit, car il meurt. Une personne vit, car elle meurt. Donc, vais-je mourir?
C’est le sujet d’une excellente conférence TED donnée par un premier intervenant. Il y est question d’un ambulancier paramédical qui arrivait souvent sur les lieux d’un accident et y trouvait une victime dont les blessures étaient si graves qu’il était impossible d’y survivre. Chaque fois, la victime regardait l’ambulancier et lui demandait: « Est-ce que je vais mourir? » Dans ces situations, il répondait toujours non. Il le faisait parce qu’il jugeait que c’était la réponse la plus humaine, la plus compatissante. Puis, il y a quelques années, il est arrivé sur les lieux d’un très grave accident de motocyclette, et la victime lui a posé la même question. Pour une raison quelconque, il a dit la vérité, il a dit que oui, elle allait mourir. La réaction de la victime l’a étonné. Elle était calme et elle a manifesté une grande paix intérieure, de la sagesse et de l’acceptation. Depuis ce temps, il dit toujours la vérité.
Dans un de ses poèmes, Dylan Thomas nous dit que « [...] les hommes sages à leur fin [savent] que l'obscur est mérité ». Par conséquent, à la question, est-ce que je vais mourir, il faut répondre oui. Nous allons tous mourir.
Aujourd’hui, nous discutons d’un sujet qui, dans bien des cas, nous est étranger. Le projet de loi représente notre effort en vue de déterminer à quel moment il est sage d’accepter de mourir, c’est-à-dire à quel moment il est acceptable d'« entrer sans violence dans cette bonne nuit ». C’est essentiellement ce dont il est question dans le projet de loi.
Certains soutiennent que le projet de loi devrait suivre à la lettre l’arrêt de la Cour suprême. D’autres considèrent qu’il devrait être de grande portée et englober tous les scénarios possibles. D’autres encore croient qu’il devrait avoir une portée limitée, afin de protéger les personnes vulnérables. Et d’autres maintiennent qu’il ne devrait y avoir aucun projet de loi de cette nature, qu’il ne faut pas s’engager sur cette voie, quoi qu’en ait dit la Cour suprême.
Ici, à la Chambre des communes, nous avons tenu un vaste débat sur la question. Ce débat a été passionné, intelligent et respectueux. Les parlementaires se sont comportés de façon exemplaire. Le député de , par exemple, qui siégeait au comité mixte spécial chargé de produire le rapport en vue de l’examen du projet de loi, a exposé avec éloquence les raisons pour lesquelles il croit que le projet de loi omet certaines mesures de protection essentielles. Et le député de , qui siégeait lui aussi au comité mixte spécial, a exprimé de façon réfléchie et intelligente sa conviction profonde que le projet de loi est trop restrictif à certains égards.
J’ai reçu de nombreuses lettres personnelles exposant des opinions très variées, des lettres de personnes qui vivent de grandes souffrances et qui craignent ne pas pouvoir se prévaloir, le moment venu, de cette voie plus sereine. D’autres lettres provenaient de personnes qui prennent soin de grands malades, de personnes âgées et de personnes frappées d’incapacité mentale. Elles craignent que ces personnes vulnérables ne soient pas bien protégées. Même mon propre père a écrit au sujet du projet de loi.
Je rencontrais des électeurs, il y a quelques semaines, quand une dame s’est approchée de moi. Elle m’a dit qu’elle avait beaucoup aimé ce que mon père avait écrit dans le journal. Il arrive que les gens confondent un peu les choses, et je ne savais vraiment pas de quoi elle parlait, alors je l’ai simplement remerciée. Une fois rentré à la maison, j’ai appelé mon père pour lui demander s’il avait écrit quelque chose dans le journal. Il m’a répondu que oui, alors je lui ai demandé de m’envoyer cela par courriel pour que je puisse le lire, mais il l’avait déjà effacé parce qu’il ne veut pas encombrer son ordinateur.
Je lui ai demandé de m’expliquer ce qu’il avait écrit, et il m’a répondu que l’expression « mort naturelle raisonnablement prévisible » était difficile à comprendre, même pour un médecin. Mon père a été victime de graves infarctus il y a 25 ans, et son médecin lui avait conseillé de mettre ses affaires en ordre.
Il me citait son propre exemple, me disant: « Je suis encore vivant 25 ans plus tard. » Et il est encore vivant parce qu’au cours d’une nuit sombre, il y a 25 ans, il a choisi de « rager contre la mort de la lumière ».
Personne n’a tort dans ce débat. Chacun a son opinion, et chaque opinion est valable. Pour chacun, cette destination, ce moment où il devient acceptable d’accueillir la mort est différent, et c’est bien ainsi.
Si la destination est incertaine, comment y arrivons-nous? Avec prudence. En génie, on applique le concept de « dépassement ». En gros, plus on arrive rapidement à destination, et plus on risque de la dépasser. Par exemple, au volant d’une voiture, si l’on arrive très rapidement à un panneau indicateur d’arrêt et qu’on applique brutalement les freins, on risque de dépasser le panneau. Par contre, si l’on s’en approche très lentement, il faudra beaucoup de temps pour y arriver, et l’on risque même de s’arrêter trop tôt.
Nous avons une destination incertaine qui est différente pour chacun d’entre nous. Comment allons-nous y arriver? Prudemment. Nous devons nous diriger lentement vers cette destination. C’est précisément cette approche que la et la ont choisi d’adopter.
Avec le projet de loi , nous nous dirigeons lentement vers notre destination, et nous acceptons que nous nous arrêtions peut-être un peu avant d’y être. Le projet de loi reconnaît cet état de choses. Il est expressément inscrit dans la loi qu’une révision sera menée dans quelques années, précisément pour apporter des ajustements.
C’est une approche d’une grande sagesse, et je félicite la et la des efforts qu’elles ont déployés pour nous mener jusqu’à ce point.
Bref, nous allons tous mourir. À ce moment, certains d’entre nous décideront de se battre jusqu’à la toute fin. Notre société appuie déjà cette décision et nous utilisons toutes les ressources de notre système médical pour aider les personnes qui choisissent de « rager contre la mort de la lumière ».
Par contre, certains choisiront d’accepter la mort avec calme, dans la paix intérieure. Notre société doit maintenant reconnaître sa décision et permettre à notre système médical d’aider ces personnes. Grâce à ce projet de loi, nous aiderons ces personnes à « entrer sans violence dans cette bonne nuit ».
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
À titre de députée de Renfrew—Nipissing—Pembroke, je prends bien humblement la parole pour faire valoir le point de vue des honnêtes citoyens de ma circonscription sur le dossier complexe dont le Parlement est saisi aujourd'hui, soit l'aide médicale à mourir.
Le débat touche à l'essence même de l'identité canadienne, et je prie pour que nous puissions faire les choses correctement, le plus humainement possible.
Je remercie tous les gens qui ont répondu à mon appel et qui m'ont fait part de leurs réflexions sur le projet de loi. Je suis fière de dire que j'ai consulté le plus de gens possible afin d'avoir les meilleurs repères possibles lorsque viendra le moment d'appuyer le gouvernement ou la Cour suprême, qui pilotent ce dossier, ou de m'y opposer.
J'ai écouté attentivement mes collègues, qui ont bien exprimé différents points de vue. Afin de respecter les principes qui m'animent et qui animent les gens qui m'ont élue et réélue, j'estime qu'il faut permettre aux gens qui n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer au Parlement de se faire entendre.
Je suis heureuse de contribuer au débat sur l'aide médicale à mourir en m'appuyant pour me guider sur un échantillon de lettres et d'observations reçues par mon bureau. Même si je n'ai pas le temps de lire dans cette enceinte toutes les lettres reçues, je tiens à assurer aux personnes qui les ont écrites que tous les points de vue comptent et seront pris en compte.
Voici une lettre de Carmel, qui habite à Pembroke: « Madame la députée, je crois savoir que le gouvernement a l'intention de présenter une mesure législative concernant l'aide médicale à mourir. Je suis totalement en désaccord avec un grand nombre des recommandations présentées par le comité mixte spécial chargé d'étudier la question. En légalisant l'euthanasie et le suicide assisté, nous nous engageons sur une pente dangereuse. Les limites continueront d'être contestées. Je vous demande instamment de rédiger une mesure législative aussi restrictive que possible ainsi que de respecter et de prendre en considération les droits des nombreux Canadiens qui considèrent comme un meurtre la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté. J'ai travaillé longtemps dans le domaine de la santé et, à ce titre, j'exhorte le gouvernement à investir davantage dans les soins palliatifs. Je sais d'expérience qu'il est possible de contrôler la douleur. Avec des soins attentifs et affectueux, la mort viendra naturellement. J'ose espérer que le bon sens guidera votre jugement. »
Voici un courriel de David, un résidant d'Arnprior:
« Madame la députée, Je ne suis pas favorable à ce projet de loi, non pas parce que je ne crois pas fermement au droit d'un citoyen apte à prendre cette décision de mettre fin à ses jours à la fin de sa vie, pourvu que la décision ne vienne que de lui, mais parce que le projet de loi C-14 ne va pas assez loin. Il est certain qu'un tel projet de loi doit être adopté à l'échelle fédérale afin d'éviter la mise en place de cadres de réglementation provinciaux disparates. Par ailleurs, la portée du projet de loi C-14 doit être élargie à au moins quatre égards. Le projet de loi doit protéger mon droit de déterminer au préalable, par l'entremise d'une procuration relative au soin de la personne établie d'avance, que je souhaite mettre fin à mes jours si je deviens plus tard inapte à prendre cette décision; autrement dit, c'est un droit similaire à mon droit actuel de refuser un traitement avant même d'en avoir besoin. Le projet de loi doit protéger mon droit de mettre fin à mes jours moi-même, sans l'aide directe d'un médecin. Ce changement permettra aux médecins de simplement prescrire les médicaments requis et appropriés pour cet acte très personnel afin d'éviter qu'ils soient obligés de mettre fin à mes jours dans des conditions que je n'aurai peut-être pas choisies. Pour donner suite à ce deuxième critère, outre les médecins, il faut qu'une foule de professionnels de la santé bien formés soient à ma disposition pour répondre à tous mes éventuels besoins, selon le modèle des soins d'accompagnement offerts aux mourants. Il faudrait voir à ce que les personnes que l'on dit atteintes d'une maladie mentale puissent bénéficier des mesures prévues dans le projet de loi si elles sont jugées aptes à le faire selon la procédure établie, car une personne ne devrait pas être jugée mentalement irrationnelle ou inapte dans tous les aspects de sa vie simplement parce qu'elle est étiquetée comme étant atteinte d'une maladie mentale. Il n'est cependant pas du tout question des enfants de moins de 18 ans ou des personnes ayant un retard de développement, qui doivent être à tout le moins protégés de façon étroite par une procédure clairement établie. Par ailleurs, il faut évidemment que les professionnels de la santé et les établissements de santé qui, sur le plan de l'éthique, s'opposent à cette procédure puissent refuser de l'appliquer en raison de leurs croyances, mais seulement à condition qu'ils soient obligés d'aiguiller le patient vers ceux qui ne sont pas opposés à la procédure. En passant, cette approche devrait également s'appliquer à l'avortement, à la légalisation de la marijuana et aux autres questions de cette nature. De plus, il faut évidemment élargir l'accès à des services de soins palliatifs publics pour ceux qui souhaitent en bénéficier. Les décisions en fin de vie doivent toujours être prises de façon éclairée par une personne apte à exercer sa liberté de choix, quelle que soit l'option choisie. Ce principe est d'ailleurs à la base de la qualité de vie — et de mort — garantie par la Charte canadienne, comme l'a statué la Cour suprême. La tenue d'un référendum national sur la question serait malavisée et inutile. À cet égard, je vous rappelle que la deuxième élection générale qui a reporté au pouvoir le premier ministre conservateur Mulroney, dans les années 1980, était essentiellement un référendum ou un vote sur le libre-échange. La victoire de M. Mulroney était aussi celle de l'ALENA. Par conséquent, je suis généralement d'accord avec la déclaration faite dans les années 1960 par Pierre Trudeau: « L'État n'a pas sa place dans les chambres à coucher de la nation. » Je crois cependant que cela va un peu trop loin. L'État a bel et bien sa place, mais son rôle doit se limiter à veiller à ce que les personnes vulnérables et celles qui risquent de le devenir ne soient pas exploitées et à ce qu'elles soient plutôt toujours traitées avec dignité et respect. Les régimes adoptés par les Pays-Bas, la Suisse et l'Oregon sont de bons modèles de réussite à cet égard. Je vous remercie. Je vous saurais gré d'accuser réception de ce courriel et je vous invite à faire connaître votre point de vue. »
La note suivante a été envoyée par David, de Combermere. Elle dit: « Notre quotidien local ici, à Barry's Bay, contenait votre appel à témoignages sur le projet de loi C-14. Merci de nous consulter. Personnellement, je vois ce projet de loi comme une boîte de Pandore et il est formulé d'une manière assez ambigüe pour que le gouvernement libéral permette presque n'importe quoi pour tuer des Canadiens. Je ne sais pas si vous lisez les bulletins d'information très fouillés de la coalition pour la prévention de l'euthanasie et son rédacteur en chef, Alex Schadenberg, mais je joins le dernier numéro, dans lequel il est question du projet de loi C-14. C'est un énorme mensonge. La coalition présente d'une manière plus étudiée que je pourrais le faire les idées que j'endosse. Veuillez considérer que c'est mon opinion sur cette question de vie et de mort que vous voulez présenter au Parlement. Je vous remercie de faire tout votre possible sur cette question. Que Dieu vous bénisse. »
La lettre suivante a été envoyée par Betty, de Killaloe: « Chère députée, je m'oppose fermement au suicide assisté. Je crois que la vie nous est donnée par Dieu et que Lui seul devrait la reprendre. Nous ne savons pas ce qu'Il a prévu pour nous et nous devons Lui confier notre vie. Une fois qu'on aura commencé à prendre la vie de patients en phase terminale, combien de temps faudra-t-il avant qu'on le fasse aussi pour ceux qui se trouvent dans des établissements de soins de longue durée et qui coûtent beaucoup d'argent au système de santé? Qu'en est-il notamment des personnes handicapées ou atteintes de maladie mentale, que beaucoup de gens considèrent comme un fardeau pour la société? Investissons dans les soins palliatifs et les centres de soins où les gens peuvent mourir de façon naturelle. L'histoire nous a appris que lorsque les gens interviennent dans l'ordre naturel des choses et qu'ils entravent le plan de Dieu, le mal et les catastrophes s'ensuivent. La loi de Dieu dit: “Tu ne tueras point.” Ce principe devrait transcender toutes les lois du pays. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'exprimer mon point de vue. »
Un couple d'Arnprior m'a envoyé le courriel suivant: « Chère députée, ma femme et moi préconisons l'aide médicale à mourir. Nous voudrions que puissent obtenir l'aide médicale à mourir non seulement les personnes qui en ont besoin et qui sont en pleine possession de leurs moyens, mais aussi les milliers d'infortunés qui sont atteints de la maladie d'Alzheimer et qui ne peuvent prendre une décision éclairée. Nous proposons qu'il soit légal de retenir cette option lorsqu'on prépare son testament, un membre de la famille ou un médecin pouvant servir de témoin. Une de nos mères est en établissement de soins de longue durée à Almonte; les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer y sont bien plus nombreuses que celles qui sont lucides. Je n'ai aucun doute que si elles avaient le choix, elles préféreraient mettre fin à leur vie plutôt que de la passer en fauteuil roulant à se faire traiter comme des enfants pour des raisons indépendantes de leur volonté. Nous sommes de tout coeur avec le personnel infirmier qui s'occupe de ceux qui ont besoin d'aide; nous leur vouons une grande admiration. Nous ne saurons jamais assez le remercier. »
Nancy, de Deep River, a écrit ceci: « Madame la députée, Je réponds à votre demande de rétroaction sur le projet de loi relatif à l’euthanasie. D’abord, j’ai quelques observations de nature générale à faire. Toute cette dynamique s’inscrit dans un contexte de culture de la mort, d’une part, et de culture de la vie, d’autre part. La culture de la mort se caractérise par le secret et la manipulation. Le documentaire intitulé Agenda, qui a fait l’objet de recherches fouillées, en est la preuve. Certaines élites veulent réduire la population mondiale par tous les moyens ou presque. Certains veulent mettre à mal le système capitaliste pour que les idéaux socialistes en sortent gagnants. Le fait que ces élites soient socialistes est paradoxal. J’ai lu que la CIA appuyait le mouvement féministe radical, dont on se sert pour abattre les structures familiales et saper ainsi la stabilité économique. Hilary Clinton a dit très clairement, même si je ne la cite pas textuellement, qu'il y a dans notre société des valeurs judéo-chrétiennes dont “nous” devons nous débarrasser. »
« On en a des exemples précis. Ils rallient des libéraux bien intentionnés, qu'ils mettent à leur service. Venons-en maintenant au coeur du sujet. L’aspect le plus dangereux du projet de loi est qu’il ne contient aucune disposition pour protéger la liberté de conscience du personnel médical. Autrement dit, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, c’est l’immoralité qui sera érigée en loi, une loi qui corromprait un segment important de la population. La corruption ne fait pas bon ménage avec une saine démocratie. Si la protection du droit à la liberté de conscience n’est pas consacrée dans la loi, il est presque certain que la bureaucratie se débarrassera de l'inconvénient que constituent les médecins réticents. C'est ce que l'on constate aujourd’hui au Québec. Le projet de loi prévoit certaines restrictions. Je peux comprendre qu’il vise à satisfaire, de façon prudente, aux instructions de la Cour suprême. Deux faits nous empêchent de voir ces restrictions d’un bon œil. Remarquez bien le langage qu’utilisent les médias, qui parlent de commencer doucement à pratiquer l’euthanasie. On laisse ainsi entendre qu’au fil du temps l'euthanasie deviendrait permise dans d’autres situations. Ne vous laissez pas tromper par ces restrictions. Elles s’évanouiront comme la rosée du matin. C’est ce que l’on a constaté en Europe. »
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Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi dont la Chambre des communes est saisie et de partager mon temps de parole avec la députée de .
Comme je viens de le dire, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi dont la Chambre des communes est saisie. J’ai l’honneur d’être député depuis 2004 et je peux dire en toute franchise que c’est l’un des projets de loi les plus délicats et les plus controversés dont j’ai eu à débattre dans cette Chambre. C’est un sujet à propos duquel les Canadiens ont des opinions très arrêtées, et il est par conséquent capital que, tout au long du processus, nous respections tous les points de vue et nous nous efforcions d’en arriver au meilleur projet de loi possible, celui qui répond à un maximum de préoccupations.
Aujourd’hui, j'entends vous dire ce que je pense personnellement du projet de loi et vous faire part des opinions que m’ont exprimées de nombreux électeurs de ma circonscription. Mon vote sera influencé à la fois par les souhaits des personnes que je représente et par ce que ma propre conscience me dicte.
J’ai récemment écrit une lettre ouverte aux journaux de ma région et je l’ai fait distribuer à tous les médias de ma circonscription dans le but de consulter l'électorat et de connaître leurs points de vue sur le projet de loi. Je leur ai demandé de faire parvenir leurs commentaires à mon bureau pour que, au moment du vote, je sois en mesure de bien représenter l’opinion des électeurs de ma circonscription. À l’heure actuelle, la majorité d’entre eux, soit près de 80 %, me disent de voter contre le projet de loi. Je me dois de préciser que certains d’entre eux sont radicalement opposés au projet de loi, mais que d’autres seraient prêts à l’appuyer s’il était légèrement modifié, mais, pour le moment, ils sont contre.
En ce moment, les courriels et les lettres continuent d’arriver à mon bureau. Les personnes qui sont contre le projet de loi invoquent surtout la nécessité de mieux protéger les personnes vulnérables, de mieux protéger la liberté de conscience des travailleurs de la santé et de mettre en place une meilleure stratégie nationale sur les soins palliatifs.
Je partage bon nombre des préoccupations des électeurs de ma circonscription. Il est absolument crucial d’assurer la protection des personnes vulnérables, qui comprennent à mon avis trois groupes différents. Il y a d’abord les enfants. Il faut examiner plus en profondeur la question de savoir, d'une part, si les enfants de moins de 18 ans devraient pouvoir demander l’aide médicale à mourir et, d'autre part, qui devrait être habilité à prendre cette décision.
Ensuite, il est essentiel que des mesures de sauvegarde protègent les personnes souffrant de maladies débilitantes, comme la maladie d'Alzheimer, de telle sorte que l'on s'assure d'avoir obtenu d'elles, à un moment où elles étaient parfaitement saines d'esprit, un consentement plein et entier à l'aide médicale à mourir. Tel qu'il est rédigé actuellement, le projet de loi prévoit d'importantes étapes préalables, mais je pense qu'il pourrait aller beaucoup plus loin sur ce plan. La question est simple: les mesures de sauvegarde sont-elles suffisantes? Sommes-nous certains d'avoir pris toutes les précautions?
J'apprécie le travail fait par le comité spécial qui a été formé pour tenir des consultations avant la rédaction du projet de loi. J'apprécie également le travail fait par le comité de la justice. Le travail fut toutefois effectué à la hâte, avec une approche partiale. Lorsqu'il s'agit de protéger les personnes vulnérables, je tiens à ne ménager aucun effort. Un sujet comme celui-là mérite une étude intensive et exhaustive de la part de tous les parlementaires. Il est profondément troublant de savoir qu'à ce stade-ci, le gouvernement refuse de débattre pleinement de la question.
En outre, le gouvernement nous a montré très clairement dans cette enceinte, hier soir, qu'il n'avait pas du tout l'intention d'envisager quelque amendement que ce soit, et c'est une erreur. Sur une question aussi sensible, j'aurais espéré qu'il adopte plus sincèrement une approche de collaboration avec les autres partis en vue d'optimiser le projet de loi.
D'importants amendements qui auraient pu répondre à des objections très sérieuses ont été rejetés par le gouvernement hier soir. J'ai été profondément déçu de voir la partisanerie prendre le dessus sur le bon sens. Heureusement, cela fait du bien de voir que des députés de tous les partis ont voté selon leur conscience et leurs convictions. Nous n'assistons pas assez souvent à ce genre de chose dans cette enceinte, et je remercie ces députés.
Enfin, il reste à savoir si le projet de loi permettrait aux personnes atteintes d'une maladie mentale d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, comme l'ont indiqué certains de mes collègues. Je serais profondément troublé si c'était le cas. Je crois fermement que les maladies mentales sont bel et bien des maladies.
Cela dit, je trouverais très inquiétant qu’une personne souffrant d’une maladie mentale ait accès à l’aide médicale à mourir. Qui dit maladie mentale dit qu’une personne psychiquement très mal en point, si je puis m’exprimer ainsi, pourrait demander une aide au suicide, alors qu’elle ne ferait très probablement pas ce choix si elle était saine d’esprit. Je pense que ce serait envoyer un mauvais message aux autres personnes souffrant de maladie mentale. J’ai bien peur que cela encouragerait plus de suicides, avec ou sans aide.
Beaucoup de groupes dans ma circonscription consacrent énormément d’efforts à la lutte contre les maladies mentales et à l’information de ceux et celles qui en sont atteints pour qu’ils sachent qu’ils peuvent toujours trouver de l’aide. Nous devons faire savoir qu’on peut toujours trouver de l’aide. Pouvoir demander à bénéficier d’une aide médicale à mourir quand on est atteint d’une maladie mentale irait, à mon sens, à l’encontre de ces efforts. Voilà un autre domaine qui mérite d’être étudié de bien plus près pour que les députés soient convaincus que le projet de loi ne permettra pas ce type de situation.
En outre, la Semaine nationale des soins infirmiers remonte à quelques semaines à peine. Il est donc très important de répéter qu’il nous faut protéger solidement la liberté de conscience des professionnels de la santé. Hier soir, le gouvernement avait l’occasion de reconnaître cette liberté, mais il a choisi de ne pas la saisir. Un amendement proposé par mon collègue, le député de , visait à reconnaître que les médecins et les professionnels de la santé sont libres de refuser d’apporter une aide directe ou indirecte à mourir. Malheureusement, le gouvernement a voté contre cet amendement.
La Charte des droits et libertés déclare: « Chacun a les libertés fondamentales suivantes. » Quelle est la première de la liste? La liberté de conscience et de religion. J’invite instamment le gouvernement à mettre tout clivage partisan de côté et à reconnaître les droits garantis aux professionnels de la santé par la Charte. Nul ne devrait être obligé d’accomplir une tâche qui va à l’encontre de sa liberté de conscience ou de ses convictions.
Je n’essaie pas de rouvrir un débat qui a déjà eu lieu à la Chambre, mais je dois utiliser un exemple qui illustre très bien ce que j’essaie d’expliquer. Je comparerai donc la situation à celle de ministres du culte ou de membres du clergé qui refusent de célébrer des mariages entre personnes de même sexe. La liberté de conscience et de religion est fondamentale pour protéger des personnes qui ne souhaitent pas participer à quelque chose qui va à l’encontre de leurs croyances ou de leurs convictions. Or, cette liberté n’est pas prévue par le projet de loi. Autrement dit, nul ne devrait être obligé de participer à quelque chose ou de fournir un service auquel il ne croit pas. Ce doit être une considération importante dans la conception du cadre de réglementation. Là encore, je souhaiterais que nous ayons plus de temps pour entendre des professionnels de la santé inquiets à ce sujet.
J’aimerais conclure par une remarque sur l’évolution de cette question et exprimer ma préoccupation devant la précipitation dans laquelle ce projet de loi est présenté.
Comme je l'ai dit plus tôt, je suis député depuis 2004. La question à l'étude est décidément l'une des plus délicates, sinon la plus délicate, sur laquelle il m'ait été donné de me prononcer pendant ces 12 ans à la Chambre.
Je suis pleinement conscient, comme tous les députés, des limites associées aux ordres provenant de la Cour suprême. Cela dit, il vaut mieux prendre le temps qu'il faut, donc quelques jours ou quelques semaines de plus, au lieu d'aller trop vite et d'arriver à un projet de loi inadéquat. J'encourage vivement les députés à y réfléchir sérieusement. Nous avons tous à l'esprit la date du 6 juin, mais je suis certain que la Cour nous accorderait une certaine souplesse.
Prenons le temps de faire les choses correctement. Puisqu'il s'agit d'un sujet très délicat, qui préoccupe la population, il m'apparaît inapproprié et imprudent de hâter le processus. Je suis conscient de la date pour laquelle la Cour a demandé au Parlement de régler ce dossier. Cela dit, je trouve préoccupant que les exigences de la Cour suprême restreignent le temps alloué aux députés pour débattre en profondeur de cet enjeu crucial et l'examiner avec soin.
J'ai entendu trop de députés déclarer qu'il faudrait revenir sur tel point à l'avenir, qu'ils y reviendraient plus tard, autant de remarques qui révèlent les lacunes du projet de loi. Il comporte des lacunes, effectivement. À titre de députés, je ne crois pas que nous puissions...
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps avec le député de .
La question dont nous traitons aujourd’hui est infiniment grave. Les dernières semaines ont donc été chargées d’émotions pour tous les parlementaires, moi y compris, car nous avons été confrontés à la question de l’aide à mourir.
Le gouvernement est tenu de donner suite à la décision que la Cour suprême a prise en février 2015. Je me suis jointe à mes collègues pour assumer cette responsabilité après notre arrivée au pouvoir, en novembre 2015. Par conséquent, pendant la courte période qui s'est écoulée depuis, les fonctionnaires et les parlementaires ont accompli un immense travail, avec la contribution de Canadiens qui nous ont exposé divers points de vue.
Nous avons devant nous aujourd’hui un cadre législatif qui, selon nous, représente l’approche qui convient au Canada. C’est un projet porteur, qui modifierait pour toujours la gamme d’options qui s’offrent aux Canadiens en fin de vie. J’aimerais examiner les principes sous-jacents à l’approche législative adoptée par le gouvernement pour élaborer le projet de loi que la Chambre étudie aujourd’hui.
En premier lieu, c’est une question d’autonomie personnelle. Il faut que les gens puissent décider eux-mêmes de leur destin, d’une certaine façon, il faut donner aux Canadiens l’accès à l’aide médicale à mourir, car la Cour suprême nous a clairement signifié que les Canadiens doivent avoir cet accès.
Nous devons nous conformer à la Charte canadienne des droits et libertés et présenter un projet de loi qui respecte les décisions de la Cour suprême du Canada. C’est exactement ce que nous ferions en adoptant le projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd’hui.
Ce projet de loi respecte également le principe de la valeur inhérente de la vie. Il contient donc les mesures de sauvegarde qui protégeraient efficacement les personnes vulnérables. Il protégerait aussi solidement la liberté de conscience des fournisseurs de soins de santé.
Ces dernières semaines et ces derniers mois, j’ai discuté avec des députés de tous les partis de la Chambre. La et moi-même avons comparu devant des comités de la Chambre et du Sénat. J’ai discuté en personne et par téléphone avec de nombreux intervenants ainsi qu’avec des personnes venues témoigner devant l'un ou l'autre des comités au sujet de ce projet de loi.
Soulignons que les ordres professionnels qui représentent les fournisseurs de soins de santé appuient cette approche législative. Il s'agit notamment de l’Association médicale canadienne, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, de l’Association des pharmaciens du Canada ainsi que de SoinsSantéCAN, qui représente les hôpitaux et les centres universitaires des sciences de la santé de notre pays.
Aujourd’hui même, les parlementaires ont reçu une lettre ouverte de 36 organismes représentant les personnes vulnérables, dont l’Association canadienne pour l’intégration communautaire, dans laquelle ils déclarent qu’ils appuient ce projet de loi. Chacun de ces organismes oeuvre dans un domaine pour lequel il désire obtenir des précisions et collaborer avec mon ministère ou les provinces et les territoires afin d’aider leurs membres à appliquer correctement l’aide médicale à mourir.
Comme je l’ai souvent dit, il s’agit d’un processus itératif. C’est pourquoi, si ce projet de loi est adopté, nous nous pencherons rapidement sur d’autres domaines potentiels d’aide médicale à mourir, et le Parlement entamera un examen de cette importante mesure législative.
Parlons un peu des échéances. La Cour suprême du Canada a repoussé la date butoir de présentation d’un cadre législatif au 6 juin. Avant de poursuivre, permettez-moi de vous dire que je respecte les rôles et les responsabilités que nous assumons tous ici à titre de parlementaires, ainsi que ceux que les sénateurs assument à la Chambre haute.
Nous avons tous une bonne raison de vouloir poursuivre nos réflexions et notre examen de ce projet de loi au nom des Canadiens. Mais en réalité, dans très, très peu de temps, nous nous trouverons devant un vide juridique parce que nous n’aurons aucune loi régissant ce dossier.
Malgré ce qu’en disent certains, l’absence d’un cadre législatif causera des difficultés très réelles et très graves. Comme je l’ai dit hier, il y a de fortes chances pour que le 6 juin, nous n’ayons pas adopté de loi sur cette question. Soulignons donc les répercussions que cela entraînerait.
Premièrement, certains organismes comme l’Association médicale canadienne et l’Association canadienne de protection médicale ont affirmé clairement que la vaste majorité des médecins ne participeraient pas à l’aide médicale à mourir sans le soutien d’un cadre législatif et malgré les protections que, selon certains, l’arrêt Carter leur procure.
Les associations conseillent aux médecins d’obtenir un avis juridique avant de procéder à toute forme d’aide à mourir, y compris de consulter les patients, ce qui risque de compliquer l’accès et de conduire au non respect de la décision de la Cour suprême.
Deuxièmement, il serait illégal pour tout autre fournisseur de soins de santé d’aider une personne à mourir. Cela signifie que le personnel infirmier, les pharmaciens, les travailleurs sociaux et d’autres fournisseurs de soins mentionnés dans les amendements adoptés à l’étape du comité se retrouveraient sans protection juridique. Il est particulièrement important de clarifier la situation des pharmaciens qui doivent fournir le médicament létal.
Enfin, il existe la possibilité que des personnes reçoivent une aide à mourir en dehors de tout cadre législatif, des personnes qui n’auraient pas été admissibles en vertu de l’approche proposée par le gouvernement. Cela veut dire, par exemple, qu’il existe un risque qu’une personne souffrant d’une grave dépression demande une aide à mourir alors que les mesures de sauvegarde visant à protéger cette personne soient inadéquates ou inexistantes.
Je veux également rappeler aux députés que la vaste majorité des personnes en fin de vie ne choisira pas de recourir à l’aide médicale à mourir et que le but premier de notre système de santé est de garder les Canadiens en santé. Les Canadiens devraient avoir accès à des soins palliatifs de grande qualité. C’est un dossier que je me suis engagée à régler avec nos collègues provinciaux et territoriaux, en plus de l’engagement que nous avons pris dans notre plateforme d’investir 3 milliards de dollars dans les soins à domicile.
Notre gouvernement a proposé ce projet de loi qui transformera les options de soins de fin de vie offertes aux Canadiens. Cette approche respecte les droits que leur confère la Charte, protège les personnes les plus vulnérables et répond aux besoins des fournisseurs de soins de santé.
Je veux remercier mes collègues parlementaires de l’attention qu’ils portent à ce projet de loi. Bon nombre d’entre nous sommes nouveaux dans nos fonctions et ce n’est pas une mince affaire qui nous a été confiée au nom des 36 millions de Canadiens que nous représentons. Je les remercie d’avoir participé au débat avec respect et dignité. Je les remercie d’avoir fait l’impossible pour respecter l’opinion des autres, même si elle diverge de la leur. Je les remercie pour le sérieux dont ils ont fait preuve dans un contexte où il est virtuellement impossible de rédiger une loi en accord avec toute la diversité des points de vue exprimés.
Comme nous avons la responsabilité de mettre en oeuvre une loi, j’exhorte les députés à appuyer le projet de loi lors du vote définitif de ce soir. Il me tarde de travailler avec le Sénat, si la Chambre décide de passer à la prochaine étape de notre processus législatif.