Mon nom est Isabelle D'Souza. Je suis conseillère législative au Bureau du légiste et conseiller parlementaire. Je suis la personne assignée au projet de loi pour la rédaction d'amendements. Si vous envisagez de présenter des demandes d'amendements à ce projet de loi, vous devez donc me les acheminer dès que possible.
Je vous signale que tous nos échanges sont confidentiels et non partisans. Si vous entendez faire des demandes, tout ce que vous avez à faire, c'est m'envoyer vos instructions par écrit, dans vos propres mots. Si vous pensez faire de multiples demandes, nous avons créé un gabarit qui pourrait vous être utile pour la préparation de vos instructions.
Autrement, lorsque j'aurai reçu vos instructions, je vais m'assurer de transformer votre idée en texte législatif, avec les effets juridiques voulus. Si je crois que certaines de vos propositions soulèvent des questions juridiques, de Charte ou de compétence, je vais vous le signaler et, si possible, trouver des solutions de rechange.
Veuillez noter que le processus de rédaction d'amendements est semblable au processus de rédaction de projets de loi d'initiative parlementaire. Chaque amendement doit franchir les étapes d'ébauche, d'approbation, de relecture, de traduction et de révision jurilinguistique. Cela veut dire que le processus peut être assez long, selon la complexité et le volume des demandes reçues et du fait que nous travaillons parfois sur plusieurs projets de loi en même temps.
Cela me ramène à la case départ. S'il vous plaît, veuillez me faire parvenir vos demandes dès que possible. N'hésitez pas à m'appeler ou à communiquer avec moi si vous avez des questions à n'importe quelle étape du processus, je vous aiderai avec plaisir.
Je vous remercie de votre temps.
:
Merci, madame la présidente.
Je suis heureux d'avoir été invité à m'adresser aux honorables députés de cette Chambre à titre de directeur général intérimaire du Conseil canadien de la magistrature. Bien que je ne sois plus juge ni membre du conseil, je connais très bien le conseil, puisque je suis l'ancien juge en chef de la Nouvelle-Écosse et que j'ai été membre du conseil pendant plus de 20 ans.
Madame la présidente, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, la juge Kent et moi proposons l'approche suivante. Elle parlera bientôt de l'excellent programme de formation offert à tous les juges au Canada par l'Institut national de la magistrature. Ensuite, je vais parler de la vision globale du conseil à l'égard du projet de loi et de son objectif louable de renforcer la confiance du public dans notre système judiciaire, et plus particulièrement pour les victimes d'agressions sexuelles. Cet objectif est celui auquel souscrit sans réserve le pouvoir judiciaire.
Nous tenons cependant à insister respectueusement sur deux préoccupations pour que vous les examiniez. Premièrement, les principes d'indépendance judiciaire et la séparation des pouvoirs exigent une formation des juges pour qu'ils demeurent toujours sous la supervision de l'appareil judiciaire et soient libres de toute influence extérieure. Nous nous inquiétons plus particulièrement de l'influence du gouvernement qui, après tout, participe à toutes les affaires d'agressions sexuelles.
[Français]
Le deuxième sujet de préoccupation concerne le fait que cette loi ne couvre que les juges de nomination fédérale. Pourtant, nos juges provinciaux et territoriaux entendent la grande majorité des cas d'agression sexuelle. À notre avis, ils doivent avoir accès aux mêmes possibilités de formation dirigée par un juge que leurs homologues fédéraux.
Si le gouvernement a l'intention d'adopter ce projet de loi pour répondre à nos préoccupations concernant l'indépendance judiciaire, je proposerai quelques ajustements mineurs au libellé actuel du projet de loi pour tempérer et modérer l'effet du projet de loi sur les principes de l'indépendance judiciaire.
[Traduction]
Nous serons ensuite heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Tout d'abord, j'aimerais dire un mot sur le rôle du Conseil canadien de la magistrature. Le Conseil est composé de tous les juges en chef et juges en chef adjoints des cours supérieures du Canada nommés par le gouvernement fédéral. Il s'efforce de préserver et d'accroître la confiance du public envers la magistrature. Les juges en chef doivent être des chefs de file dans l'éducation des juges et être perçus comme tels.
[Traduction]
De plus, honorables députés, comme la juge Kent vous l'expliquera en détail, les juges en chef du Canada sont et doivent demeurer les premiers responsables de la formation des juges. La supervision de la formation des juges est une responsabilité fondamentale du pouvoir judiciaire du gouvernement et constitue un élément clé du mandat du Conseil. Je peux vous assurer que tous les membres du Conseil prennent au sérieux leur responsabilité de surveiller et d'orienter les types de formation continue que leurs juges respectifs entreprennent.
Bref, pour préserver la confiance du public dans l'administration de la justice, le système de justice repose sur une magistrature instruite, professionnelle et indépendante.
Je vous rappelle que nous sommes tout à fait d'accord avec les objectifs louables de ce projet de loi. Tous les juges canadiens doivent être très conscients des défis auxquels font face les victimes présumées d'agression sexuelle. J'ai trois filles. L'une d'elles en est à sa première année à titre d'avocate. Elle me rappelle qu'il est aussi fondamental de comprendre le contexte social dans lequel s'inscrit le type de formation visé par ce projet de loi que de comprendre le droit contractuel, le droit de la responsabilité délictuelle, le droit pénal et les autres grands domaines du droit.
Comme ma collègue la juge Kent vous le confirmera et vous l'expliquera plus en détail, l'Institut national de la magistrature, qui est le principal centre d'instruction des juges canadiens, se fait un point d'honneur de veiller à ce que ses programmes de développement professionnel et les ressources qu'il offre répondent aux besoins de l'appareil judiciaire du Canada et contribue à renforcer le système de justice.
La magistrature est très consciente que les juges doivent continuellement s'améliorer et apprendre pour conserver la confiance du public. Permettez-moi de vous dire en toute déférence que de mon humble avis, nous le faisons déjà.
[Français]
Ma collègue la juge de l'INM vous fournira maintenant plus de détails à cet égard.
:
Premièrement, permettez-moi de vous remercier de nous offrir l'occasion de comparaître ici pour vous informer au sujet de la formation que nous offrons aux juges canadiens.
L'Institut national de la magistrature, soit l'INM, est une organisation indépendante sans but lucratif dont le mandat consiste à mettre au point et à offrir du perfectionnement professionnel de grande qualité à tous les juges canadiens des systèmes fédéral, provinciaux et territoriaux. L'INM est bijuridique et reconnaît l'importance d'intégrer les principes du droit autochtone à ses formations.
L'un de ses principes fondamentaux consiste à ce que la formation des juges soit dirigée par les juges eux-mêmes. C'est d'ailleurs ce que prescrit la déclaration de l'Organisation internationale pour la formation judiciaire, c'est-à-dire que « la forme, le contenu et le mode de transmission de la formation doivent être déterminés par le pouvoir judiciaire et les institutions de formation judiciaire eux-mêmes ».
Nous vous avons apporté la liste des 20 principes sous-jacents de la formation des juges de l'INM. L'un de ses premiers principes et des plus fondamentaux, c'est justement que la formation des juges soit dirigée par les juges eux-mêmes.
[Français]
Il est important que toute personne impliquée dans un procès soit traitée avec respect, le rôle fondamental du juge étant d'être juste et impartial. Cela garantit le respect des droits de tous les participants, qu'il s'agisse du plaignant, de l'accusé ou des témoins.
Dès 1990, le Conseil canadien de la magistrature a exigé que tous ces programmes essentiels prévoient une formation sur le contexte social afin de veiller à ce que les juges, en particulier les juges nouvellement nommés, soient conscients des défis auxquels sont confrontés les groupes vulnérables de la société.
De janvier 2014 à janvier 2020, l'INM a proposé 42 séances qui traitent du droit relatif aux agressions sexuelles, des compétences requises dans les procès pour agressions sexuelles et du contexte des témoins dans ces affaires. Certaines séances étaient composées de programmes de plusieurs jours, tandis que d'autres faisaient partie d'un programme plus vaste. Certaines de ces séances étaient constituées de programmes nationaux et d'autres étaient offertes à des cours supérieures provinciales spécifiques.
En outre, 15 autres séances se sont concentrées sur des questions connexes telles que la violence familiale, la traite des personnes, les droits des victimes et les approches tenant compte des traumatismes.
[Traduction]
Dès la date de leur nomination, tous les juges ont immédiatement accès au site Internet de l'INM, qui contient toute une série de formations en vidéodiffusion sur des questions liées aux agressions sexuelles. Cette série de vidéos continue de croître. Il y a des vidéos non seulement sur les lois et les compétences dont les juges ont besoin pour traiter les affaires qui leur sont soumises, mais aussi sur la réalité des témoins vulnérables dans les affaires d'agressions sexuelles.
J'aimerais maintenant vous parler quelques minutes de la formation des juges nommés par le gouvernement fédéral et de ceux nommés par les gouvernements provinciaux. Je vous expliquerai pourquoi je fais une distinction entre les deux.
Conformément à la politique sur le perfectionnement professionnel du Conseil canadien de la magistrature, chaque juge nommé par le gouvernement fédéral doit consacrer 10 jours à sa formation. Il y a deux types de programmes à leur disposition: les programmes nationaux conçus et offerts par l'INM et les programmes offerts par les divers tribunaux, auxquels nous participons aussi.
Dans l'année suivant leur nomination, les nouveaux juges doivent suivre deux semaines de formation, l'une au printemps, l'autre à l'automne. Pendant ces 10 jours de formation, deux sont consacrées au droit pénal. Il y a donc, évidemment, un volet agression sexuelle. Ils suivent aussi un cours sur le contexte social, dont une partie porte sur les mythes et les stéréotypes dans les affaires d'agressions sexuelles.
Ensuite, de leur deuxième à leur cinquième année d'exercice, tous les juges nommés par le gouvernement fédéral doivent suivre un cours intitulé « Juger au cours de vos cinq premières années: droit pénal ». Il s'agit d'un cours de cinq jours, en tout, sur la façon de gérer et de tenir un procès criminel. Comme les procès pour agression sexuelle sont techniquement très difficiles, les exemples présentés pendant cette semaine, que les juges utilisent pour exercer leurs compétences, sont deux situations hypothétiques d'agression sexuelle.
Nous avons déjà offert ce cours deux fois maintenant, en 2019 et en janvier 2020, et chaque fois, 60 nouveaux juges nommés par le gouvernement fédéral y ont participé.
Pendant cette formation, les juges exercent leurs compétences. Il y a notamment tout un volet sur le contre-interrogatoire. Ils regardent une vidéo sur le contre-interrogatoire d'une plaignante et d'un intimé. Ils sont assis avec des juges d'expérience et des criminalistes, puis déterminent quand le contre-interrogatoire va trop loin, quand les avocats posent des questions inappropriées, notamment sur les antécédents sexuels de la plaignante, et discutent de la façon de gérer ce type d'affaires.
De même, pendant la semaine, pour nous assurer que les juges comprennent bien les besoins des témoins vulnérables, nous leur offrons des séances sur des groupes particuliers. En janvier dernier, nous avons eu la chance d'entendre la commissaire Marion Buller, l'avocate Christa Big Canoe et l'aînée Kathy Louis, qui ont toutes travaillé à l'Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Elles sont venues nous parler des défis particuliers auxquels sont confrontées les femmes autochtones, qui sont surreprésentées parmi les victimes de violence, sexuelle comme familiale, en raison du contexte historique que nous connaissons tous si bien.
L'atelier était dirigé par deux juges autochtones de la Colombie-Britannique, soit le juge Len Marchand, qui siège à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, et le juge Alex Wolf, qui siège à la Cour provinciale de la Colombie-Britannique.
Il y a également eu une séance sur les enfants, particulièrement ceux qui comparaissent à titre de témoins, parce qu'ils ont bien sûr des vulnérabilités particulières. Dans les prochaines années, nous offrirons d'autres ateliers aux juges sur d'autres types de témoins vulnérables, comme les personnes handicapées, les immigrants récemment arrivés au Canada, etc.
Il s'agit d'un programme obligatoire que les juges doivent suivre. En plus de ce programme, pendant tout le reste de leur carrière à la magistrature, ils ont accès à tout l'éventail des cours offerts par l'INM, qui contient des ateliers et des cours sur le droit en matière d'agressions sexuelles.
Le cours annuel sur le droit pénal porte non seulement sur les affaires d'agressions sexuelles, mais sur divers enjeux liés. Par exemple, en 2019, une partie du cours portait sur la traite de personnes. Bien sûr, on peut faire de la traite de personnes pour toutes sortes de choses, mais l'une d'elles est le sexe.
Encore une fois, il s'agit là d'un cours intensif pendant lequel les juges examinent une preuve hypothétique. Le procès criminel présenté ici en est un d'agression sexuelle entre un moniteur de camp et l'une des personnes à sa charge.
Nous offrons aussi des programmes en collaboration avec le chapitre canadien de l'Association internationale des femmes juges, qui traite souvent de ce genre de chose.
Les différents tribunaux offrent aussi leurs propres programmes deux fois par année. Bien souvent, ils offriront des cours sur les procès pour agression sexuelle.
Beaucoup de tribunaux ont mis au point un cours d'introduction pour les nouveaux juges. L'un de ces cours auxquels nous participons porte justement sur les affaires d'agression sexuelle.
Il y a toute une liste de cours offerts aux juges nommés par le gouvernement fédéral, mais permettez-moi de vous parler un peu aussi des juges nommés par les gouvernements provinciaux, parce que c'est important.
Nous n'avons pas de chiffres exacts, mais nous estimons qu'environ 95 % des affaires d'agression sexuelle sont entendues par des juges des cours provinciales. L'INM travaille avec la Cour de justice de l'Ontario, qui offre une formation sur les procès pour agression sexuelle, entre autres. Cependant, je pense qu'on peut dire que de manière générale, les juges nommés par les gouvernements des provinces et des territoires n'ont pas accès à autant de formation, faute de ressources de leur gouvernement.
Ainsi, ces juges peuvent participer à des programmes de l'INM, mais ils se heurtent à des restrictions importantes. Par exemple, le programme intensif que je viens de vous présenter, qui est obligatoire pour les juges nommés par le gouvernement fédéral et dans lequel on explore les affaires d'agression sexuelle en détail, n'est pas offert aux juges des cours provinciales en raison du mécanisme de financement sur lequel reposent la conception et l'offre du cours, ainsi qu'en raison de la demande que nous avons parmi nos juges fédéraux. Les juges des cours provinciales peuvent donc participer à d'autres programmes, mais là encore, en raison du modèle de financement, leur participation y est restreinte.
J'aimerais dire trois choses pour conclure.
Premièrement, à la lumière de mes interactions et de mon travail avec les juges de partout au Canada tous les jours, je peux vous garantir que les juges reconnaissent l'importance de la formation sur les affaires d'agression sexuelle. Ils sont particulièrement conscients du fait qu'ils doivent comprendre le contexte applicable à toutes les personnes qui entrent dans leur salle d'audience.
Deuxièmement, il est important que notre institut, de même que le Conseil canadien de la magistrature, reconnaisse que les juges provinciaux et territoriaux ont eux aussi besoin de cette formation. Ce sont eux qui entendent la plupart des affaires d'agression sexuelle au Canada.
Troisièmement, l'INM, de même que le CCM, est déterminé à travailler avec le gouvernement fédéral pour renforcer autant que possible le système de justice du Canada.
Merci beaucoup. Sur ce, je redonne la parole à M. MacDonald.
:
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, madame la juge Kent et monsieur le juge MacDonald. Je suis heureux de vous entendre ce matin.
Je comprends de vos témoignages que vous avez deux principales préoccupations: d'une part, la formation des juges de compétence provinciale qui sont nommés par les provinces, et, d'autre part, ce dont on vient de parler, l'indépendance judiciaire.
Ce sont des points auxquels je suis aussi très sensible, mais je crois qu'il y a une petite distinction à faire. Quant à moi, les juges qui sont nommés par les provinces ne devraient pas subir d'ingérence du gouvernement fédéral. À mon avis, c'est aux provinces de s'occuper de ces questions.
Cela dit, l'indépendance judiciaire est une question qui m'intéresse beaucoup. J'aurais eu des précisions à vous demander, mais le document que vous venez de nous faire parvenir précise le tout.
J'aimerais que vous me confirmiez quelque chose. Si je comprends bien, vous nous invitez à faire confiance à l'ensemble de nos juges et de nos tribunaux. Étant moi-même avocat, je fais aussi confiance à notre système judiciaire, et je partage l'opinion de mon collègue M. Maloney, à savoir que nous avons peut-être le meilleur système judiciaire au monde actuellement.
Dans la distinction que vous faites, vous nous invitez à accorder cette confiance aux magistrats plutôt qu'au législateur. Est-ce exact? Si oui, que fait-on de la démocratie, du droit des citoyens d'élire le législateur, d'élire leurs représentants au Parlement, afin que la population puisse influencer les sujets qui préoccupent notre société? N'y a-t-il pas un problème d'ordre démocratique dans ce choix que vous nous invitez à faire?
:
Merci, madame la présidente.
[Français]
Je vous remercie tous d'être ici.
[Traduction]
Je suis heureux de vous entretenir du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.
Ce projet de loi propose des modifications qui assureront la formation permanente de tous les nouveaux juges des cours supérieures des provinces et des territoires en droit relatif aux agressions sexuelles et dans le contexte social de ce droit. De plus, le Conseil canadien de la magistrature devra produire un rapport sur la participation de tous les juges à temps plein des cours supérieures à cette formation. Enfin, les juges devront motiver par écrit leurs décisions dans des affaires d'agression sexuelle ou porter les motifs dans le procès-verbal des décisions.
L'objectif sous-jacent du projet de loi est d'augmenter la confiance du public et, en particulier, des victimes d'agressions sexuelles dans une justice pénale impartiale, de leur garantir, lorsqu'ils se manifestent, un traitement digne et respectueux des juges possédant les connaissances, les compétences et la sensibilité nécessaires pour appliquer correctement un domaine du droit très complexe, exigeant beaucoup de nuances.
Le projet de loi est un exemple de la collaboration parlementaire. Nous devons en remercier notre ancienne consœur et ancienne chef du Parti conservateur, l'honorable Rona Ambrose. Je tiens à d'abord saluer son initiative sur cette question très importante.
C'est le projet de loi d'initiative parlementaire de Mme Ambrose qui a lancé les discussions sur la nécessité d'une formation des juges dans le domaine du droit relatif aux agressions sexuelles et sur la nécessité impérieuse, pour les élus, de faire tout leur possible pour l'appuyer. Le projet de loi a été guidé et inspiré par le projet de loi C-337.
La justice pénale canadienne a affronté pendant longtemps des difficultés dans sa façon de réagir aux agressions sexuelles. Notre gouvernement et les gouvernements antérieurs ont accompli beaucoup de progrès en proposant des réformes visant à renforcer les droits des victimes à l'égalité, à la protection de leur vie privée et à la sécurité, en déboulonnant les mythes et les stéréotypes qui subsistaient dans notre justice pénale. Ces réformes ont en même temps ramené vers un juste milieu les droits de l'accusé, conformément à la jurisprudence applicable de la Cour suprême du Canada.
[Français]
Cependant, malgré la robustesse de notre cadre juridique en la matière, on constate encore des taux extrêmement bas de signalements, d'inculpations et de condamnations dans les cas d'agression sexuelle. Une des principales raisons en est que les victimes d'agression sexuelle ont tendance à craindre de ne pas être crues, d'être humiliées ou d'être pointées du doigt. Ces craintes sont renforcées par certaines affaires rapportées par les médias, où des juges ou d'autres acteurs du système de justice agissent effectivement de la sorte. Ces affaires ont gravement ébranlé la confiance des Canadiens et des Canadiennes dans notre système de justice.
[Traduction]
Le projet de loi vise à augmenter la confiance du public dans la capacité de notre justice pénale d'entendre les causes de manière équitable et respectueuse, de traiter les justiciables avec dignité et, par-dessus tout, conformément à la loi qui a été soigneusement élaborée à cette fin.
Essentielle à la confiance du public, l'indépendance de la magistrature est un principe central de notre constitution. Elle exige le contrôle de la magistrature sur la formation et l'éducation des juges. Un projet de loi qui cherche à augmenter la confiance du public dans la justice ne saurait atteindre son objectif si, en même temps, il mine la confiance du public dans cette indépendance.
[Français]
Le projet de loi dont nous sommes saisis comprend les modifications proposées au projet de loi par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ces amendements ont été conçus de façon à répondre aux préoccupations exprimées par la magistrature et d'autres parties prenantes, selon lesquelles le projet de loi initial dépassait les limites de ce que permet l'indépendance judiciaire. Les amendements proposés ont apporté les ajustements nécessaires au projet de loi, tout en respectant ses objectifs sous-jacents.
[Traduction]
Le Canada a le bonheur de posséder l'une des magistratures les plus solidement indépendantes, les plus professionnellement compétentes et les mieux estimées du monde. Le Conseil canadien de la magistrature et l'Institut national de la magistrature viennent de vous informer sur leur travail dans la formation des juges, travail reconnu dans le monde entier.
Le projet de loi ne cherche pas à détruire ou à miner la crédibilité et le respect que méritent bien nos cours supérieures; il cherche plutôt à concilier le besoin légitime de renforcer la confiance du public tout en préservant soigneusement la capacité de la magistrature de contrôler la formation des juges.
[Français]
J'aimerais maintenant aborder les éléments clés du projet de loi.
Tout d'abord, le projet de loi modifierait la Loi sur les juges afin d'établir une nouvelle condition de nomination à un poste de juge au sein d'une cour supérieure. Selon ce projet de loi, pour être admissibles à ce genre de nomination, les personnes candidates devront s'engager à suivre, si elles sont nommées, une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte social dans lequel il s'inscrit.
Ces modifications garantissent que le gouvernement saura que les candidats qu'il nomme sont déterminés à suivre une formation. Le public peut avoir la certitude que tous les juges nouvellement nommés auront reçu une telle formation et que l'indépendance judiciaire est respectée, car elle n'imposera pas de formation aux juges actuellement en fonction.
[Traduction]
Ensuite, le projet de loi modifie la Loi sur les juges pour que la formation sur les agressions sexuelles établie par le Conseil canadien de la magistrature soit élaborée après consultation des victimes de ces agressions, des groupes qui les appuient ou d'autres groupes et individus que le conseil considérera comme compétents. L'obligation de consulter vise à assurer une formation des juges équilibrée et orientée par le vécu des victimes. On laisse au conseil le soin de déterminer qui, précisément, il consultera et de déterminer le contenu de la formation, pour respecter le principe constitutionnel de l'indépendance judiciaire.
Le projet de loi exige que le Conseil canadien de la magistrature communique au ministre, pour dépôt au Parlement, un rapport annuel donnant des détails sur les séminaires offerts sur les questions touchant le droit relatif aux agressions sexuelles et sur le nombre de juges qui les ont suivis. Cette mesure vise à responsabiliser davantage les juges à temps plein à l'égard de cette formation et à encourager la participation, à cette formation, des juges des cours supérieures.
[Français]
Le dernier élément du projet de loi porte sur les amendements au Code criminel. Ils visent à assurer que les décisions dans les affaires d'agression sexuelle ne sont pas influencées par des mythes et stéréotypes à propos des victimes d'agression sexuelle et sur la façon dont elles doivent se comporter. La Cour suprême du Canada a exprimé clairement que ces mythes et stéréotypes viennent fausser la fonction de recherche de la vérité de la cour.
Les Canadiens et les Canadiennes et les victimes d'agression sexuelle ont le droit de savoir que les lois rigoureuses relatives à l'agression sexuelle qui ont été mises en place au Canada sont appliquées de façon adéquate dans les décisions judiciaires. C'est pour cette raison que le projet de loi exigerait que les juges fournissent, par écrit ou dans le dossier de l'instance, les motifs des décisions qu'ils rendent dans les affaires d'agression sexuelle. Cette disposition aiderait à prévenir une application erronée des lois relatives à l'agression sexuelle et contribuerait à améliorer la transparence des décisions judiciaires rendues dans les affaires d'agression sexuelle, puisque des décisions enregistrées et écrites peuvent être examinées.
Il a aussi été suggéré que le projet de loi n'aborde pas le véritable problème, c'est-à-dire les décisions rendues par des juges nommés par les provinces et les territoires. C'est vrai dans une certaine mesure. Le fait est que plus de 80 % des affaires d'agression sexuelle sont instruites par les tribunaux provinciaux et territoriaux. Or le Parlement du Canada n'a aucun pouvoir de légiférer relativement aux juges nommés par les provinces ou les territoires. Par conséquent, il ne peut pas instaurer directement les changements là où le besoin se fait le plus sentir. Néanmoins, cela n'empêche ni le Parlement ni les autres acteurs concernés de faire ce qu'ils peuvent pour veiller à ce que notre système de justice soit équitable et capable de s'adapter à la situation.
[Traduction]
Le projet de loi est un appel sans équivoque aux gouvernements et aux magistratures des provinces et des territoires, pour qu'ils examinent consciencieusement leur propre cadre juridique et son cortège de politiques et de programmes et qu'ils envisagent la possibilité de prendre des mesures supplémentaires pour répondre aux mêmes motifs de préoccupation dans leur propre ressort. Après le dépôt du projet de loi de Mme Ambrose, un certain nombre de provinces et de territoires ont effectivement emboîté le pas. Au moins une province, l'Île-du-Prince-Édouard, a édicté une loi analogue. J'ai cru comprendre que la Saskatchewan et d'autres provinces envisagent sérieusement d'y donner suite sur le plan des principes et des lois.
Dans une lettre à mes homologues des provinces et des territoires, j'ai exposé les initiatives qui se trouvent dans le projet de loi , dans l'espoir qu'ils emboîteront tous le pas, et j'ai chargé les fonctionnaires de Justice Canada d'examiner les possibilités de formation accrue pour les juges nommés par les provinces et les territoires. Notre gouvernement a engagé des ressources importantes pour appuyer la formation accrue des juges. Dans le budget de 2017, le Conseil canadien de la magistrature s'est fait attribuer 2,7 millions de dollars en cinq ans et un demi-million par année, par la suite, pour qu'un plus grand nombre de juges ait accès à un perfectionnement professionnel, en insistant particulièrement sur la formation adaptée au genre et aux différences culturelles.
Comme je l'ai dit, un objectif important du projet de loi est de restaurer la confiance du public et des victimes dans la capacité de la justice pénale d'entendre les causes d'agression sexuelle avec équité et dignité, en respectant le cadre juridique que le Parlement a établi. Le projet de loi fera comprendre aux Canadiens et aux victimes d'agressions sexuelles, particulièrement, que le Parlement est fermement engagé et prêt à agir pour assurer à tous, particulièrement aux plus vulnérables d'entre eux, un système de justice dans lequel ils peuvent avoir confiance.
Mais c'est à tous les ordres de gouvernement d'agir. Mon espoir est que le projet de loi accélérera dans toutes les provinces et territoires et dans toutes les magistratures du Canada l'examen des mesures qu'on peut prendre, au-delà des mesures symboliques, pour provoquer un changement véritable et durable dans la manière de traiter les justiciables par la justice pénale.
[Français]
Voilà qui conclut mes observations formelles. Je me ferai bien sûr un plaisir de répondre aux questions que les membres du Comité pourraient vouloir poser.
Je vous remercie.