PROC Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Le plan conservateur pour des séances de la chambre sécuritaires et responsables
La volonté des libéraux d’instaurer le vote électronique à distance pourrait avoir de graves conséquences inattendues pour les pratiques parlementaires. Cela va au cœur de la nature fondamentale de la démocratie parlementaire et met l’unité nationale en péril.
« Le Parlement n’est pas un congrès d’ambassadeurs ayant des intérêts différents et hostiles. […] Le Parlement est l’assemblée délibérante d’une nation, avec un intérêt, celui de l’ensemble », comme l’a dit Edmund Burke aux électeurs de Bristol.[1] Si notre Chambre des communes passe du statut d’organisation qui se rassemble et prend des décisions collectives à celui de groupe de 338 décideurs physiquement séparés, nous allons miner la capacité de prendre des décisions réellement pancanadiennes au bénéfice de l’ensemble du Canada.
Bien que la majorité des membres du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre recommande la mise à l’essai de diverses méthodes de vote avant l’adoption de procédures de vote de remplacement, l’orientation et le détail de nombre des autres recommandations adoptées illustrent la réponse préférée des libéraux : le vote électronique à distance.
Bien entendu, nous reconnaissons que la pandémie de COVID-19 nous oblige à changer nos habitudes. Cependant, les courants sous-jacents pendant cette étude, qui tendent vers le vote électronique à distance, nous poussent à poser de nouveau la question à savoir si une crise n’est pas en train d’être utilisée en vain.
Les motivations sous-jacentes des libéraux nous laissent sceptiques.
L’intérêt des libéraux pour le vote électronique n’est pas une chose nouvelle découlant uniquement de la pandémie actuelle. En fait, il remonte à loin.
En 1997, lors de l’une des premières réunions de ce Comité après les élections de cette même année, le leader du gouvernement à la Chambre, l’honorable Don Boudria, a dit que « le moment était venu d’adopter le vote électronique à la Chambre des communes ».[2]
En 2001, le gouvernement libéral de l’époque, fraîchement réélu, a dit dans son discours du Trône : « Le gouvernement proposera de nouvelles améliorations aux procédures de la Chambre et du Sénat. Entre autres mesures, les procédures de vote à la Chambre des communes seront modernisées. »[3] En fait, ce serait la première étude de ce Comité.[4] Bien que deux députés libéraux aient courageusement voté contre leur whip, bloquant un rapport,[5] le Comité a vite accepté « en principe l’adoption d’un système de vote électronique à la Chambre ».[6]
Un rapport du greffier de la Chambre était attendu avant toute mesure additionnelle,[7] mais la question n’a jamais été soulevée de nouveau. Pourtant, le projet a néanmoins avancé. Comme l’a souligné l’ancien comité spécial de la modernisation de la Chambre en 2003 : « Grâce au projet d’infrastructure technologique à la Chambre, qui sera mis en œuvre cet été et l’été prochain, la Chambre disposera de l’infrastructure nécessaire à la mise en place d’un système de vote électronique, si jamais un tel système était approuvé. »[8] Le rapport recommandait l’élaboration « d’un projet détaillé de système de vote électronique », pour « qu’un tel système, s’il est approuvé, soit mis en place dans le cadre des rénovations de la Chambre des communes à l’été 2004 ».[9] Bien que cette recommandation n’ait jamais été adoptée à la Chambre,[10] l’infrastructure nécessaire au vote électronique a été installée aux pupitres des députés.[11]
Revenant au gouvernement libéral actuel, la leader du gouvernement à la Chambre de l’époque, l’honorable Bardish Chagger, a proposé dans un document de discussion très controversé en 2017 « qu’il convient de réfléchir à la manière d’intégrer la technologie au fonctionnement de la Chambre. […] Évidemment, le vote électronique est une technologie applicable au fonctionnement de la Chambre. »[12] Mme Chagger a pressé la Chambre « de penser vraiment à moderniser notre façon de travailler et d’envisager l’option du vote électronique », soutenant que sa proposition ferait en sorte que « les députés auraient plus de temps pour travailler en dehors de la Chambre ».[13]
Aux élections générales de l’année dernière, le Parti libéral s’est engagé à « travailler avec le Parlement à l’adoption de nouvelles technologies ou d’autres changements institutionnels pour faciliter les communications entre les députés et leurs électeurs ».[14] Un candidat qui a fait campagne sur cette plateforme nous a expliqué qu’il « s’agit essentiellement d’améliorer les processus et de mieux servir les Canadiens ».[15] Le langage vague, sibyllin—pratiquement codé—de la plateforme a été transposé dans la lettre de mandat du premier ministre au leader du gouvernement à la Chambre.[16]
Ces dernières semaines, alors que les libéraux ont tout fait pour affirmer que leur intérêt pour le vote à distance est uniquement une mesure requise par la pandémie, le masque est parfois tombé.
Lors du débat à la Chambre sur la motion demandant au Comité d’entreprendre cette étude, Rachel Bendayan, une secrétaire parlementaire (et ancienne chef de cabinet de Mme Chagger), a parlé à la Chambre de « son travail de circonscription 24-7—chose que tout le monde connaît très bien pendant cette pandémie—et a dit que la motion ‘’nous permettrait de poursuivre cet important travail dans nos circonscriptions’’ ».[17]
Plus récemment, le leader du gouvernement à la Chambre, l’honorable Pablo Rodriguez, a diffusé un communiqué de presse nous pressant de « soutenir les propositions visant à moderniser la Chambre pour que les députés puissent voter électroniquement ».[18]
Où est la vérité ? L’édition « pandémie » du vote électronique est-elle une mesure de précaution sanitaire ? Ou est-ce réellement une tentative de « moderniser » la Chambre et de permettre aux députés libéraux de rester dans leurs circonscriptions ? Le lecteur peut comprendre nos doutes au sujet des motivations des libéraux.
Malgré les points de discussion libéraux et contrairement à la motion du gouvernement visant à « faire des recommandations sur la façon de modifier le Règlement pendant la durée de la pandémie de COVID-19 », et même au mépris de l’observation de la majorité selon laquelle « les témoins ont dit à l’unanimité que les changements au Règlement devraient prévoir une date d’expiration fixe », sous la rubrique Changements officiels au Règlement d’une durée fixe, et juste avant la rubrique Nécessité d’une étude approfondie avant l’apport de modifications permanentes au Règlement, la majorité a recommandé des amendements permanents au Règlement, en plus d’autres recommandations applicables au-delà de la pandémie actuelle.
L’Opposition officielle recommande que tout changement proposé par le Comité, ce qui comprend les amendements au Règlement, expire le 31 décembre 2020. Si les conditions de la pandémie l’exigent, ces changements pourront être renouvelés (et améliorés selon l’expérience) pour une période définie jusqu’en 2021. Une fois la pandémie terminée, nous pourrons faire un examen approprié de la préparation aux situations d’urgence.
Les libéraux semblaient déterminés non seulement à donner une orientation, mais à obtenir un résultat précis.
Dès le début, les libéraux se sont axés sur une application de vote électronique. Comme c’est le cas avec la question des réformes procédurales limitées dans temps, les preuves ne les dissuadent pas.
Nous avons de nombreuses préoccupations sur le vote à distance, mais il importe de noter que plusieurs témoins ont fermement recommandé l’utilisation du vote par vidéo, avec la plateforme de vidéoconférence existante, plutôt que l’adoption d’une nouvelle application sur téléphone intelligent.[19] (Le vote par vidéo est le système utilisé par l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique et par de nombreux conseils municipaux, sans parler des propres comités de cette Chambre, et il a été proposé pour les séances de l’Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador.[20]) Cependant, en réponse à la suggestion d’un témoin, un collègue a dit d’un ton plaintif : « Ne serait-il pas possible de créer un système de vote sur le Web ou fondé sur une application ? ».[21]
Les témoins ont non seulement été ignorés, mais certains ont été attaqués. Un groupe qui ne reflétait pas l’enthousiasme des libéraux a été rejeté comme une « perte de 90 minutes », le principal député d’arrière-ban libéral disant que les points de vue critiques ne sont pas bienvenus :
J’ajouterais seulement qu’entendre de bons témoins fiables sur la façon de procéder ne me pose aucun problème, mais, dans les faits, le premier groupe entendu aujourd’hui […] nous a simplement entretenu de la nécessité ou non de procéder ainsi. Nous avons passé ce point il y a longtemps. Il est trop tard maintenant. Le Parlement a décidé que nous allions le faire, et il a précisé exactement comment nous allions le faire. C'est une certitude. Peut-être que, à titre de comité directeur ou de sous-comité, nous devons revenir sur cette liste de témoins et essayer d’établir s’ils vont bien nous fournir de la rétroaction constructive quant à la façon de concrétiser ce projet.[22]
Pour être justes, disons que nous avons eu un aperçu de cette situation lors des délibérations sur le rapport du Comité de mai, quand la Chambre des représentants de l’Australie—dont nous aurions vraiment aimé avoir entendu des témoins, étant donné qu’elle fait partie d’un parlement fédéral, bicaméral et continental, partageant un passé constitutionnel avec le Canada—a été rejetée comme étant « la moins progressiste ».[23] Compte de l’expérience de l’Australie avec la COVID-19—avec seulement 10 % des cas et 1 % des décès du Canada[24]—il peut être surprenant que les libéraux n’acceptent pas les comparaisons.
Selon les recherches menées pour le Comité, le vote électronique à distance n’a pas été mis en place dans la plupart des principales assemblées législatives élues comparables comme le Sénat et la Chambre des représentants de l’Australie, le Sénat et l’Assemblée nationale de la France, la Chambre des représentants de la Nouvelle-Zélande, la Chambre des communes du Royaume-Uni (à l’exception des sept jours de séances au pic de la pandémie), le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis et les assemblées législatives provinciales et territoriales (à l’exception de la Colombie-Britannique).[25]
Quant à l’expérience internationale, le rapport majoritaire souligne le témoignage de Gabriela Cuevas Barron sur la proportion des assemblées législatives qui utilisent des outils numériques et des séances à distance. Il importe toutefois de noter que ces chiffres incluent, par exemple, l’Assemblée nationale et du Pouvoir du peuple de Cuba,[26] un endroit que la plupart des Canadiens n’associent pas à une solide démocratie. Il n’est pas étonnant que la majorité n’ait pas voulu ajouter la mise en garde de la présidente de l’Union interparlementaire :
Nous recevons les rapports que les parlements nationaux veulent bien nous envoyer. Nous recevons d’excellentes nouvelles de la plupart des parlements. Je dois dire, en toute honnêteté, que l’étude de l’Union interparlementaire contient des distorsions. Ainsi, dans les notes que j’ai reçues, des pays où règne un régime très totalitaire déclarent avoir un parlement tout à fait fantastique, ce qui ne correspond pas à la vérité comme nous le savons.[27]
Nous savons aussi que ce n’est pas la vérité. Pourtant, les libéraux aiment présenter cela comme une preuve en faveur de leur Parlement virtuel.
Le Comité a travaillé fort, mais au service d’un point de discussion libéral.
Défendant la suspension renouvelée en mai des séances régulières, environ dix semaines après qu’elles ont pris fin, le premier ministre a invoqué la soudaine nécessité de considérer de nouvelles méthodes de vote avant que la Chambre puisse reprendre ses travaux,[28] après avoir justifié une suspension en avril pour étudier un Parlement virtuel.[29] Pourtant, les comités peuvent voter facilement si les libéraux leur permettent d’étudier les affaires pouvant être soumises au vote.
Parallèlement, nos homologues au Royaume-Uni ont réussi ce printemps à faire de nombreuses innovations tout en traitant les affaires parlementaires (sans oublier que le comité homologue a présenté cinq rapports au cours de la même période)[30]. De plus, jusqu’à présent, la Chambre des communes du Royaume-Uni a intégré la distanciation physique à son processus de vote habituel, elle permet à tous les comités de réaliser tous leurs travaux de manière virtuelle, elle permet les séances hybrides aux fins « d’examen parlementaire », elle applique des limites de présence à la Chambre, elle a élargi les séances hybrides pour les « travaux importants », elle a adopté le principe du vote à distance, elle a autorisé le vote à distance, elle est retournée au vote en personne, elle a instauré une nouvelle méthode de vote à la Chambre, elle a repris les « travaux d’examen » hybrides, elle a autorisé et élargi le vote par procuration pour certains députés et elle est retournée au vote par lobbying avec de nouvelles mesures de distanciation physique.[31] L’« innovation » du Canada fait piètre figure en comparaison.
Il importe de noter que les rapides réformes initiales du Royaume-Uni ont fait l’objet d’un consensus multipartite, comme nous l’ont dit les députés conservateurs et travaillistes.[32] En effet, comme l’a dit Matthew Hamlyn, un responsable de la Chambre du Royaume-Uni, le gouvernement, avec sa majorité de 80, aurait pu avoir tout ce qu’il voulait. Au lieu de cela, « il n’a pas choisi cette approche. Il y a eu des consultations très approfondies entre les partis. ».[33]
À la lumière de la productivité de notre comité homologue au Royaume-Uni, nous aurions certainement pu trouver des solutions pratiques et réalistes beaucoup plus rapidement si le gouvernement en avait eu la volonté politique. L’obsession du premier ministre pour le vote à distance, pour éviter tous les autres aspects du Parlement, et la volonté de ses députés de voter avec une application, ont fait l’objet de deux récentes observations par le journaliste aguerri Paul Wells :
- Ce gouvernement adore tout simplement l’idée qu’il ne peut traiter qu’un seul problème à la fois. Il semble considérer cela comme une forme de vertu.[34]
- Les problèmes complexes ne se règlent pas par une innovation et un partenariat vus de loin. Les problèmes complexes sont pénibles. Ils sont ennuyeux. Ils ne sont pas amusants. […] Obtenir un résultat est un travail plutôt long et décourageant que les gouvernements vaniteux tentent d’éviter alors qu’ils bâtissent encore plus de monuments à l’image de leur intelligence.[35]
Il est honteux que la responsabilisation parlementaire ait été sacrifiée au nom de la volonté des libéraux d’adopter une application de vote sophistiquée. Cependant, l’expérience du Canada est en contraste avec celle du Royaume-Uni, où, comme l’a dit la très honorable Harriet Harman, une députée de l’opposition de premier plan : « Je ne crois pas le gouvernement tente d’éviter la responsabilisation. »[36]
Bien que le travail du Comité soit important, l’approche du gouvernement nous porte à croire que cette étude visait avant tout à valider un point de discussion libéral.
La Chambre des communes doit—et peut—siéger en personne.
Le rapport dissident soumis par les conservateurs en mai (aussi approfondi que le permettait la limite de dix pages) présentait les arguments probants pour que la Chambre des communes reprenne rapidement ses travaux habituels à l’endroit approprié. Nous sommes toujours du même avis.
Au cours des mois suivants, les assemblées législatives provinciales ont maintenu ou repris leurs séances :
- L’Assemblée législative de l’Ontario va maintenir sa session printanière jusqu’au 22 juillet, avec une nouvelle procédure de vote dans les antichambres.[37]
- L’Assemblée nationale du Québec a siégé jusqu’au 12 juin, avec une procédure de vote en bloc, et a ajourné ses travaux jusqu’au 15 septembre.[38]
- L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick a siégé, avec une attribution de sièges modifiée, du 26 au 28 mai et du 9 au 18 juin, et a ajourné ses travaux jusqu’au 15 septembre.[39]
- L’Assemblée législative du Manitoba a maintenu sa session printanière jusqu’au 27 mai.[40]
- L’Assemblée législative de la Colombie-Britannique a repris ses travaux le 22 juin, avec des séances hybrides, et devrait siéger jusqu’au 14 août.[41]
- L’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard a siégé, avec une attribution de sièges modifiée, du 16 mai au 14 juillet.[42]
- L’Assemblée législative de la Saskatchewan a siégé, avec des limites de présence et une procédure de vote par procuration, du 15 juin au 3 juillet.[43]
- L’Assemblée législative de l’Alberta va poursuivre sa session printanière jusqu’au 23 juillet.[44]
- L’Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador a siégé, avec une attribution de sièges modifiée, du 9 au 18 juin.[45]
Il importe de noter que la seule Assemblée législative provinciale qui ne siège pas pendant la pandémie est celle de la Nouvelle-Écosse—la seule province avec un gouvernement libéral majoritaire—et que cela fait l’objet d’une controverse.[46]
Depuis mai, d’autres parties de l’économie et de la société canadiennes, partout au pays, ont repris une forme de normalité alors que les entreprises rouvrent, que les exigences de quarantaine interprovinciales sont éliminées ou réduites, que les déplacements reprennent, que la taille des rassemblements augmente, que les stocks d’équipement de protection individuelle sont refaits, et que les protocoles de dépistage et de recherche des contacts sont grandement renforcés. Il est donc plus justifié aujourd’hui qu’en mai que la Chambre des communes reprenne ses travaux.
En mai, nous avons présenté des preuves sur la tenue de séances sécuritaires dans l’édifice de l’Ouest. Rien n’a changé à cet égard. Du 14 mars au 5 juillet, il y a eu 190 réunions parlementaires—dont neuf séances à la Chambre, 18 réunions du Comité spécial sur la pandémie de COVID-19 à la Chambre, quatre réunions de comité en personne, et 159 réunions de comité virtuelles et réunions du Bureau de régie interne, auxquelles les représentants, le personnel, les interprètes, etc. étaient physiquement présents sur la Colline du Parlement. Aucun cas de COVID-19 réel ou soupçonné n’est lié à ces 190 réunions, aucune exigence de quarantaine, de précaution ou d’auto-isolement n’a été requise, et aucune réunion n’a justifié une recherche des contacts.[47]
Il est tout à fait possible que la Chambre siège de manière sécuritaire—notre expérience le démontre. Pour ces réunions, la distanciation physique a été respectée par une présence réduite. Une analyse de l’Administration de la Chambre indique que 86 députés, en plus du président, peuvent siéger à la Chambre en respectant les directives de distanciation physique.[48] En conséquence, l’Opposition officielle recommande que la Chambre reprenne ses séances normales, à la Chambre, et, pour assurer la distanciation physique, (a) que l’article 17 du Règlement (utilisation des sièges attribués) soit suspendu, et (b) que le président réglemente la présence des députés à la Chambre, pour un maximum de 86 députés au même moment, sous réserve que toute limite est sujette à des « sous-limites » fixées par chaque parti en fonction de sa part proportionnelle de sièges à la Chambre.
Alors que les déplacements restent possibles, sécuritaires et parfaitement légaux,[49] nous reconnaissons que les déplacements pré-pandémie ne sont pas conseillés. Comme l’a écrit le comité éditorial du Globe and Mail : « Si un petit nombre de députés doit passer les prochaines semaines à Ottawa, sans rentrer chez eux le week-end, c’est bon. »[50] Nous reconnaissons également que les privilèges collectifs de la Chambre comprennent le pouvoir de maintenir la présence et les services des députés.[51]
En conséquence, l’Opposition officielle recommande que les députés qui assistent physiquement aux séances de la Chambre soient vivement encouragés à rester dans la région de la capitale nationale le week-end des semaines de séance et à minimiser leurs déplacements vers la région et en provenance de celle-ci. C’est un maigre sacrifice comparativement aux difficultés des tout premiers parlementaires du Canada, comme cela a été expliqué au Comité.[52]
Un autre privilège collectif de la Chambre est le droit de régir ses affaires internes, dont l’administration de sa cité.[53] Une application notable de l’exercice de ce privilège pendant la pandémie est le protocole de dépistage actif de la COVID-19 par l’Assemblée législative de l’Ontario, applicable à ses députés, notamment le pouvoir unique et personnel du président de refuser l’entrée de tout député dans la cité législative.[54] Nous sommes contents que le Comité ait recommandé d’intégrer les nouvelles directives sanitaires aux procédures de la Chambre, mais nous pouvons faire mieux. Pour assurer la santé et la sécurité des toutes personnes présentes aux séances de la Chambre, l’Opposition officielle recommande que les députés, quand ils arrivent ou retournent dans la région de la capitale nationale, soient tenus de subir un test de dépistage de la COVID-19 avant d’entrer dans la Chambre pour la première fois ; que les députés, quand ils sont dans la région de la capitale nationale, continuent à être testés au moins une fois par semaine ; et que l’Administration de la Chambre des communes collabore avec Santé publique Ottawa, le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais et tout autre responsable de la santé publique approprié au besoin pour exécuter cette recommandation.
La plupart des députés pourraient être à Ottawa, mais nous devons reconnaître que ce n’est pas possible.
Comme nous l’avons écrit en mai, il faut prendre des mesures pour que les députés qui ne peuvent pas être présents, pour des raisons liées aux directives de santé publique pour la COVID-19, puissent respecter le devoir constitutionnel de la Chambre de tenir le gouvernement responsable. Cependant, nous nous limitons aux affaires votables et au processus décisionnel à distance.
Également en mai, nous avons soulevé des préoccupations sur la constitutionnalité d’un quorum « virtuel ». Bien que cela puisse être le sujet idéal pour le débat d’une faculté de droit, l’enjeu ne pourrait être plus grand. Comme l’a dit Philippe Dufresne, le légiste de la Chambre, si un tribunal n’est pas d’accord, « les mesures adoptées lors des séances contestées [en plus de l’aide pour la COVID-19 et toutes les autres lois, par exemple] pourraient être invalidées ».[55]
Pour atteindre cet équilibre, l’Opposition officielle recommande que le président puisse, avec l’accord des leaders à la Chambre des partis reconnus, modifier l’application de tout article du Règlement, règle ou autre pratique afin d’autoriser la participation à distance des députés pendant les déclarations des députés, les questions orales, les affaires courantes, les débats d’ajournement, les débats d’urgence et les débats exploratoires, sous réserve que le quorum des séances hybrides soit fondé sur la présence physique des députés à la Chambre, et que les motions sans préavis soient soumises uniquement par les députés présents à la Chambre.
En ce qui a trait aux réunions de comité, nous sommes soulagés que le Comité ait recommandé—contrairement à mai—que tous les comités puissent de nouveau se réunir et exercer leurs pouvoirs habituels. D’ici septembre, cela fera plus de six mois que ce n’est pas arrivé. Notons que la Chambre des communes du Royaume-Uni a assuré que cela ne se produirait pas avant l’ajournement pour la pandémie.
Le vote en personne sécuritaire est possible et faisable.
Le vote fait partie intégrante des travaux parlementaires. Comme nous l’avons entendu, il ne doit pas être traité indépendamment des autres éléments[56] et il ne doit pas être « uniquement un sondage d’opinion en ligne épisodique mené sans trop de conviction ».[57] Le vote ne peut pas être, comme l’honorable Bill Blaikie a une fois décrit les travaux des libéraux, considéré comme « une sorte d’exercice comptable ».[58] Une méthode de vote sûre et responsable, comme tous les éléments des séances de la Chambre, est nécessaire.
Dans cette optique, la leader de l’opposition à la Chambre, l’honorable Candice Bergen, a demandé au président de faire une analyse de diverses alternatives de vote en personne.[59] Dans la réponse, qu’elle a partagée avec le Comité, le président a présenté six différentes méthodes de vote, chacune respectant pleinement les directives de santé publique existantes.[60]
En ce qui a trait à l’analyse du président, aucune option, à notre avis, n’est plus valable qu’une autre. En fait, il semble qu’une méthode « combinée », des circonstances différentes justifiant une méthode différente, pourrait être la plus appropriée. De plus, il faut tenir compte du consensus multipartite sur les modifications de procédure, en tant que principe essentiel. C’est pourquoi nous sommes contents que le Comité soutienne la substance de notre recommandation (qui faisait également partie d’une motion de l’opposition inscrite le 21 mai)[61] de donner au président et aux whips des partis reconnus le pouvoir de modifier les procédures de vote en personne, même si nous ne comprenons pas l’amendement visant à modifier le vote en personne pour les séances pleinement virtuelles.
Nous sommes aussi satisfaits que le Comité recommande la mise à l’essai d’options de vote en personne cet été, quoique nous pensions que cela ne vise qu’à nous faire plaisir, car, comme nous l’avons précisé au début de ce document, il semble que les dés sont jetés pour une application de vote électronique.
En ce qui a trait à certains votes par assis et levé sans appel nominal, l’Opposition officielle recommande que pour les motions nécessitant 10, 15 ou 25 députés, pour que ces motions soient retirées, le seuil soit réduit à cinq députés quand la présence à la Chambre est limitée.
Une fois encore, l’histoire se répète.
En mai, nous avons écrit que l’une des constantes de nombreux siècles d’histoire et d’évolution parlementaires est que les travaux se font en personne, et que l’élimination de cette pratique n’est pas simple. Comme l’a dit la très honorable Karen Bradley, la présidente de ce Comité au Royaume-Uni : « Les plus importants changements à nos travaux en 700 ans ont eu lieu ces dernières semaines. »[62]
Un Parlement virtuel aurait relevé de la science-fiction il n’y a pas très longtemps, mais les efforts déployés pour changer l’emplacement du Parlement contre la volonté des députés sont pratiquement aussi vieux que le Parlement lui-même. Par exemple, le roi Henry VI, un monarque anglais du 15e siècle, a tenté de tenir des séances hors de Westminster, mais les députés ont résisté à ces tentatives.[63]
Si nous comparons la situation actuelle à l’histoire beaucoup plus récente, nous avons un autre scandale éthique impliquant Justin Trudeau et son Cabinet, nous avons une situation financière qui ne ferait que rougir les précédents gouvernements libéraux, nous avons une autre attaque générale contre les honnêtes propriétaires d’armes à feu par des ministres libéraux, et nous avons un autre Cabinet libéral qui a désespérément besoin d’une politique économique alors que les Canadiens ont besoin d’aide.
L’histoire se répète. Tous ces enjeux, et de nombreux autres, appellent un examen et un engagement parlementaires.
Les six mois de conférences de presse de M. Trudeau ne peuvent tout simplement pas remplacer le Parlement—et le vote à distance par téléphone intelligent ne fera rien pour améliorer les choses.
Par contraste, ce plan conservateur pour des séances à la Chambre sécuritaires et responsables sortira la démocratie du Canada du coma créé par les libéraux, permettra de demander des comptes au gouvernement et assurera que des progrès sont réalisés pour les Canadiens qui en ont besoin.
[1] The Works of the Right Honourable Edmund Burke, vol. I (1854), p. 447 (italiques dans l’original)
[2] Comité permanent de de procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 6 novembre 1997 (1105)
[3] Débats, 30 janvier 2001, p. 16
[4] Comité permanent de de procédure et des affaires de la Chambre, Procès-verbaux, 20 février 2001
[5] Comité permanent de de procédure et des affaires de la Chambre, Procès-verbaux, 29 mai 2001
[6] Comité permanent de de procédure et des affaires de la Chambre, Procès-verbaux, 7 juin 2001
[7] Comité permanent de de procédure et des affaires de la Chambre, Procès-verbaux, 16 octobre 2001
[8] Comité spécial sur la modernisation et l’amélioration de la procédure à la Chambre des communes, cinquième rapport (37e législature, deuxième session (juin 2003)), par. 7 (nous ajoutons les italiques)
[9] Idem
[10] Procédure et usages de la Chambre (troisième édition, 2017) [Bosc et Gagnon], p. 264, fn. 47
[11] Ibid., p. 296, fn. 94
[12] Leader du gouvernement à la Chambre des communes, Modernisation du Règlement de la Chambre des communes, mars 2017
[13] Débats, 3 avril 2017, p. 10078
[14] Parti libéral du Canada, Avancer : Un plan concret pour la classe moyenne, p. 60
[15] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 6 juillet 2020, p. 19 (l’hon. Anthony Rota, député)
[16] Premier ministre, lettre au leader du gouvernement à la Chambre des communes, 13 décembre 2019
[17] Débats, 26 mai 2020, p. 2416
[18] Twitter, Pablo Rodriguez (@pablorodriguez), 18 juin 2020 (en ligne)
[19] Voir, par exemple, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 11 juin 2020, p. 8 (Dre Nicole Goodman, Université Brock), p. 9 (Dr Aleksander Essex, Université f Western Ontario) et p. 13 (Pierre Roberge, Arc4dia)
[20] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 4 juin 2020, p. 20 (Mary Polak, députée provinciale, leader de l’opposition à la Chambre (Colombie-Britannique)) et p. 24 (l’hon. Mike Farnworth, député provincial, leader du gouvernement à la Chambre (Colombie-Britannique)), 11 juin 2020, p. 3 (Dre Goodman); Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador, Comité spécial des règles et procédures régissant les séances virtuelles de l’Assemblée législative (49e Assemblée, première session., rapport final (juin 2020)), p. 12
[21] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 11 juin 2020, p. 8 (Ryan Turnbull, député)
[22] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 4 juin 2020, p. 27 (Mark Gerretsen, député)
[23] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 13 mai 2020, p. 48 (M. Turnbull)
[24] Organisation mondiale de la santé, WHO Coronavirus Disease (COVID-19) Dashboard (en ligne, visité le 16 juillet 2020)
[25] Procédure de la Chambre des communes, International Parliamentary Responses to the COVID-19 Pandemic (juin 2020), pp. 4-5 ; COVID-19: Provincial and Territorial Legislatures (juin 2020), p. 3
[26] Union interparlementaire, Country compilation of parliamentary responses to the pandemic (en ligne, visité le 14 juillet 2020)
[27] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 9 juin 2020, p. 21
[28] National Post, Liberals preparing to postpone Parliament until September, with help from the NDP, 26 mai 2020
[29] The Vancouver Sun, House about to return, but in what form?, 18 avril 2020, p. NP4
[30] Chambre des communes du Royaume-Uni, Comité de la procédure, Procedure under coronavirus restrictions: proposals for remote participation (premier rapport de la session 2019-2021 (avril 2020)) ; Procedure under coronavirus restrictions: remote voting in divisions (deuxième rapport de la session 2019-2021 (mai 2020)) ; Procedure under coronavirus restrictions: the Government’s proposal to discontinue remote participation (troisième rapport de la session 2019-2021 (mai 2020)) ; Procedure under coronavirus restrictions: the Government’s proposal for proxy voting for shielding Members (premier rapport spécial de la session 2019-2021 (juin 2020)) ; Procedure under coronavirus restrictions: Government Responses to the Committee’s First, Second and Third Reports (deuxième rapport spécial de la session 2019-2021 (juillet 2020))
[31] Chambre des communes du Royaume-Uni, Rapport officiel, 23 mars 2020, colonne 24 ; 6 mai 2020, colonne 537 ; 16 juin 2020, colonne 645 ; Votes et délibérations, 24 mars 2020, p. 5 ; 21 avril 2020, pp. 1-2 ; 22 avril 2020, pp. 3-5 ; 2 juin 2020, pp. 3-4 ; 4 juin 2020, pp. 2-3 ; 10 juin 2020, p. 3 ; président de la Chambre des communes du Royaume-Uni, lettre aux députés de la Chambre des communes du Royaume-Uni, 1er juin 2020
[32] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 9 juin 2020, p. 2 (la très honorable Karen Bradley, députée, présidente du Comité de la procédure), 12 juin 2020, pp. 2, 7 (la très honorable Harriet Harman, députée, ancienne présidente de la Chambre des communes)
[33] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 30 avril 2020, p. 12
[34] Maclean’s, The UN Security Council rout: Canada’s (at the) back!, 17 juin 2020 (en ligne)
[35] Maclean’s, Liberals are dreaming big, but dreaming is the easy part, 15 juin 2020 (en ligne)
[36] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 12 juin 2020, p. 8
[37] Assemblée législative de l’Ontario, Votes et délibérations, 2 juin 2020, pp. 8-11
[38] Assemblée nationale du Québec, Votes et délibérations, 13 mai 2020, pp. 1782-1798 ; 12 juin 2020, p. 2036
[39] Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, Journal, 26 mai 2020, pp. 1-2 ; 28 mai 2020, p. 1
[40] Assemblée législative du Manitoba, Votes et délibérations, 27 mai 2020, p. 143
[41] Assemblée législative de la Colombie-Britannique, Votes et délibérations, 22 juin 2020, pp. 2-5
[42] CBC, Île-du-Prince-Édouard, COVID-ready legislative chamber has a new look, 22 mai 2020 (en ligne) ; Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard, Hansard, 14 juillet 2020, p. 3298
[43] Assemblée législative de la Saskatchewan, Votes et délibérations, 15 juin 2020, p. 1 ; 3 juillet 2020, p. 4 ; Assemblée législative de la Saskatchewan, Comité permanent des services de la Chambre, quinzième rapport (28e législature, quatrième session (juin 2020)), pp. 18, 24-25, 28, 30-31
[44] Assemblée législative de l’Alberta, Votes et délibérations, 27 mai 2020, p. 5
[45] Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador, Hansard, 9 juin 2020, pp. 1873, 1891
[46] The Chronicle-Herald, Legislative lockdown only protects McNeil Liberals, 17 juin 2020 (en ligne) ; CBC, Nouvelle-Écosse, Opposition criticize N.S. legislative committees for going MIA amid COVID-19, 17 juin 2020 (en ligne) ; Premier suggests legislative committee meetings are threat to public safety, 18 juin 2020 (en ligne)
[47] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 6 juillet 2020, p. 7
[48] Administration de la Chambre des communes, Options for In-person Voting: Procedural and Practical Considerations, 30 juin 2020, p. 10
[49] Agence de la santé publique du Canada, Déclaration de l’administrateur en chef de la santé publique du Canada, 12 juillet 2020
[50] The Globe and Mail, In a time of crisis, the Trudeau government should not be sidelining Parliament, 10 avril 2020 (en ligne)
[51] Bosc et Gagnon, p. 127
[52] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 30 avril 2020, pp. 24-25 (Dr Gary O’Brien)
[53] Bosc et Gagnon, pp. 120-127
[54] Assemblée législative de l’Ontario, Votes et délibérations, 12 mai 2020, pp. 4-8
[55] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 21 avril 2020, p. 15
[56] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 30 avril 2020, pp. 20, 25 (Dr O’Brien)
[57] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 29 avril 2020, p. 16 (Dre Cristine de Clercy)
[58] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 27 février 2001 (1200)
[59] Twitter, Candice Bergen (@CandiceBergenMP), June 11, 2020 (online)
[60] Administration de la Chambre des communes, Options for In-person Voting: Procedural and Practical Considerations, 30 juin 2020, p. 10 ; Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 6 juillet 2020, p. 7
[61] Chambre des communes, Feuilleton et feuilleton des avis, 25 mai 2020, pp. XVIII-XX
[62] Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignage, 9 June 2020, p. 12
[63] The History of Parliament Trust, summary of The Commons, 1422-1461 (en ligne)