:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole cet après-midi pour appuyer le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel du Canada. Ce projet de loi est fondé sur la conviction que, lorsque les victimes d'agressions sexuelles comparaissent devant les tribunaux, elles ont le droit d'être traitées avec dignité et respect, et d'avoir l'assurance que la législation sur les agressions sexuelles est appliquée fidèlement. On ne peut tolérer que les décisions de justice soient entachées de mythes et de stéréotypes nuisibles sur la manière dont les victimes d'agressions sexuelles devraient se comporter. Le gouvernement actuel est fermement résolu à s'attaquer au problème. Or, je sais que cette volonté est également partagée par les parlementaires de toutes les régions du pays et de toutes les tendances politiques.
[Français]
Depuis trop longtemps, les victimes d'agressions sexuelles doivent composer avec un système de justice qui ne parvient pas à les traiter avec la dignité qui leur est due.
Par peur d'être malmenées et humiliées, beaucoup de victimes d'agressions sexuelles décident de ne pas porter plainte. C'est d'ailleurs pourquoi la grande majorité des agressions sexuelles commises au Canada ne sont pas dénoncées à la police.
[Traduction]
Régler ce problème n'est pas chose simple. Le Parlement ne peut le faire seul. Pour améliorer la façon dont les victimes d'agression sexuelle sont traitées par le système judiciaire, il faut mobiliser tous les ordres de gouvernement et de nombreux intervenants afin d'agir sur de nombreux points. De plus, il faut qu'on se défasse des mythes, des stéréotypes et des attitudes qui ont un effet pernicieux sur le système de justice et, à cet égard, tous les membres de la société canadienne ont une responsabilité.
La sensibilisation et l'information jouent un rôle crucial. Un grand nombre de personnes et d'organismes partout au pays travaillent sans relâche dans ce domaine; je les félicite de leur travail extraordinaire. Cela dit, le Parlement a lui aussi des responsabilités. En tant que parlementaires, nous pouvons et devons agir. Les Canadiens ont besoin de savoir que les gens qu'ils ont élus et qui les représentent à la Chambre s'efforcent de mettre en place un système de justice pénale digne de leur confiance et sur lequel ils peuvent compter, surtout en situation de vulnérabilité.
Ce projet de loi a donc pour objet de veiller à ce que les juges d'une juridiction supérieure aient les connaissances et les compétences voulues pour traiter les cas d'agression sexuelle d'une manière qui soit juste pour les parties, sans être influencés par des mythes et des stéréotypes et en faisant preuve d'un grand respect envers les victimes.
Il favorise également rigueur et transparence en exigeant que les juges motivent leurs décisions lors des procès pour agression sexuelle et que ces motifs soient donnés par écrit ou portés dans le procès-verbal des débats.
Je tiens à souligner le leadership remarquable dont a fait preuve Rona Ambrose, l'ancienne chef intérimaire du Parti conservateur du Canada, au cours de la dernière législature. En effet, Mme Ambrose a présenté le projet de loi , le prédécesseur du projet de loi à l'étude aujourd'hui.
Comme on s'en souviendra, le projet de loi a reçu un appui unanime dans cette enceinte, après avoir été renforcé grâce à un amendement proposé par le Comité permanent de la condition féminine, qui a fait un excellent travail d'étude du projet de loi. Le Comité l'a amendé pour que la formation aborde la question complémentaire du contexte social. Ainsi, la formation des juges leur permettra de bien comprendre les caractéristiques démographiques, les origines et le vécu des personnes qui comparaissent devant eux.
[Français]
Le Sénat a renvoyé le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a proposé des modifications utiles pour résoudre les préoccupations selon lesquelles le projet de loi portait atteinte à l'indépendance du système judiciaire.
On se souviendra peut-être que plusieurs intervenants et parlementaires, y compris celle qui a parrainé le projet de loi, ont applaudi le travail accompli par le comité du Sénat visant à améliorer le projet de loi en question.
Je partage cet avis à propos des amendements que le comité a apportés. Malheureusement, nous n'avons pas été en mesure d'adopter le projet de loi avant la fin du dernier Parlement.
[Traduction]
Depuis la dernière législature, nous avons constaté que tous les partis souhaitaient relancer l'étude de cette importante mesure. C'est la preuve que les convictions qui sous-tendent cet important projet de loi sont très largement partagées et qu'elles transcendent les partis politiques et les intérêts partisans.
Je tiens à remercier tous les partis ainsi que nos collègues de l'autre Chambre pour avoir adopté une approche collaborative relativement à ce projet de loi. En nous élisant, les Canadiens ont exprimé clairement leur désir de voir les parlementaires collaborer. Le travail accompli sur le projet de loi montre clairement que nous les avons entendus et que nous agissons en conséquence.
Le projet de loi met particulièrement l'accent sur la magistrature. Le gouvernement est conscient de la nécessité d'une formation, non seulement pour les juges, mais aussi pour tous les acteurs du système judiciaire. Nous travaillons avec nos homologues provinciaux et territoriaux et les intervenants du milieu de la justice afin d'accroître les efforts dans ce domaine. Toutefois, le projet de loi à l'étude aujourd'hui est axé sur les juges. Être juge, c'est assumer une responsabilité importante.
Je voudrais citer le juge Gonthier, ancien juge de la Cour suprême du Canada. Il a dit ceci:
Le juge constitue le pilier de l'ensemble du système de justice et des droits et libertés que celui-ci tend à promouvoir et à protéger. Ainsi, pour les citoyens, non seulement le juge promet-il, par son serment, de servir les idéaux de Justice et de Vérité sur lesquels reposent la primauté du droit au Canada et le fondement de notre démocratie, mais il est appelé à les incarner.
Le juge Gonthier a ajouté ceci:
[...] les qualités personnelles, la conduite et l'image que le juge projette sont tributaires de celles de l'ensemble du système judiciaire et, par le fait même, de la confiance que le public place en celui-ci.
La confiance du public dans l'administration de la justice est au cœur même du projet de loi dont nous sommes saisis.
[Français]
Étant donné le rôle fondamental des juges, les attentes du public sont particulièrement grandes à leur égard. Le Conseil canadien de la magistrature a mentionné ceci:
Dès que leur nomination à la magistrature est envisagée, et chaque jour par la suite, on s'attend des juges des cours supérieures du Canada qu'ils soient des juristes compétents. On s'attend également à ce qu'ils démontrent des qualités personnelles, telles l'humilité, l'impartialité, l'empathie, la tolérance, la considération, le respect d'autrui et qu'ils aient une bonne connaissance des enjeux sociaux et comprennent les valeurs sociales. En bref, les Canadiens et Canadiennes s'attendent non seulement à ce que leurs juges connaissent le droit, mais aussi à ce qu'ils fassent preuve d'empathie, reconnaissent et remettent en question toute attitude personnelle ou sympathie qu'ils ont pu avoir dans le passé et qui pourrait les empêcher d'agir avec équité.
[Traduction]
Pour que les juges puissent répondre aux attentes très élevées du public, il est essentiel qu'ils suivent une formation judiciaire pertinente. Cette formation doit être en constante évolution afin que les juges puissent exécuter leurs fonctions dans des situations dynamiques, qui changent constamment. Beaucoup d'excellent travail est réalisé à l'heure actuelle en ce sens, mais il est maintenant nécessaire d'inscrire dans la loi qu'il s'agit dorénavant d'une exigence attendue. C'est pourquoi la formation des juges est un élément crucial du projet de loi actuellement à l'étude à la Chambre.
Le droit pénal canadien a fait l'objet d'une réforme en profondeur au cours des 30 dernières années afin d'encourager le signalement des agressions sexuelles, d'améliorer la réponse du système de justice pénale aux cas de violence sexuelle, et de contrer la perception discriminatoire des survivants qui découle de mythes et de stéréotypes quant à la façon dont une « vraie victime » est censée se comporter. Nous savons que, en 2020, ces perceptions, ces mythes et ces stéréotypes n'ont pas leur place dans le système de justice, et c'est justement l'objectif que poursuit ce projet de loi.
En conséquence, le Code criminel interdit toutes les formes d'activité sexuelle non consensuelle. Il contient une définition précise du consentement. Il détermine les circonstances dans lesquelles le consentement ne peut pas être obtenu. Il énonce les règles d'admissibilité de certains types de preuves afin de prévenir la propagation de ces mythes et stéréotypes nuisibles.
J'aimerais maintenant expliquer à la Chambre quelques-unes des modifications proposées à la loi.
Comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, le projet de loi à l'étude est essentiellement identique à l'ancien projet de loi , tel qu'amendé par le Sénat.
Afin d'obliger les nouveaux juges à suivre une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte social, le projet de loi propose de modifier la Loi sur les juges afin d'y inclure une nouvelle condition d'admissibilité.
Grâce à cette modification, les candidats aux postes de juges de cour supérieure devront s'engager à suivre ce type de formation s'ils sont nommés. Il s'agit là d'une condition importante. Les nouveaux juges devraient suivre la formation immédiatement après leur nomination. Cette formation vise à faire en sorte que les tribunaux tiennent compte de la vaste législation et jurisprudence en matière d'agressions sexuelles et des renseignements sur le contexte social des plaideurs, sans se laisser influencer par des idées préconçues ou erronées.
Le projet de loi préciserait également que lorsque le Conseil canadien de la magistrature organise des colloques portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles, il doit veiller à ce qu'ils soient élaborés après consultation des groupes ou des personnes qu'il estime indiqués, tels que les personnes ayant survécu à une agression sexuelle et les groupes qui les appuient.
De plus, le projet de loi obligerait le Conseil canadien de la magistrature à fournir au ministre de la Justice, pour qu'il le dépose au Parlement, un rapport annuel donnant des précisions sur les colloques offerts sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et indiquant le nombre de juges qui y ont assisté. Cette obligation vise à mieux rendre compte de la sensibilisation des juges en exercice à ces questions et à encourager leur participation.
Enfin, le projet de loi modifierait le Code criminel afin d’obliger les juges à motiver leurs décisions prises en vertu des dispositions du Code criminel sur les agressions sexuelles. Cette modification vise à accroître la transparence des décisions judiciaires lors des procès pour agression sexuelle en les rendant accessibles, que ce soit en les donnant par écrit ou en les portant dans le procès-verbal des débats. Un exposé oral des motifs serait donc suffisant.
Je tiens à mentionner que la modification proposée pour que les juges donnent les motifs de leur jugement dans les affaires d'agression sexuelle s'inscrit dans le droit fil de trois exigences actuelles.
Premièrement, les députés devraient comprendre que l'article 726.2 du Code criminel exige des juges qu'ils donnent les motifs des peines qu'ils imposent.
Deuxièmement, il existe une jurisprudence basée sur la décision rendue par la Cour suprême en 2002 dans l'affaire Sheppard, qui exige que les juges, de manière plus générale, donnent les motifs de leurs décisions.
Troisièmement, les paragraphes 278.8(2) et 278.94(5) du Code criminel exigent des juges qu'ils motivent leur décision concernant l'admissibilité de certains types de preuves dans les affaires d'agression sexuelle.
[Français]
Selon le projet de loi, l'obligation d'énoncer les motifs de décision sera ajoutée aux autres dispositions du Code criminel en matière d'agressions sexuelles. On contribuera ainsi à ce que toutes les dispositions relatives à des infractions sexuelles soient claires et accessibles pour les personnes qui les appliquent, ce qui réduira le risque d'application erronée du droit à cet égard, en contrant l'influence que pourraient avoir les mythes et les stéréotypes à propos des victimes d'agression sexuelle et de leurs comportements.
C'est une approche qui cadre bien avec la conclusion de la Cour suprême du Canada, qui a statué que ces mythes et ces stéréotypes viennent fausser la fonction de recherche de la vérité qui est confiée aux tribunaux.
[Traduction]
Il est également important de souligner, aux fins du débat d'aujourd'hui, que le gouvernement a déjà prévu des ressources considérables pour que les juges puissent améliorer leur formation dans ce domaine. Dans le budget de 2017, nous avons accordé au Conseil canadien de la magistrature 2,7 millions de dollars sur cinq ans et 500 000 $ par année par la suite pour que plus de juges aient accès au perfectionnement professionnel et pour qu'on y sensibilise davantage les juges au sexisme et aux particularités culturelles.
De plus, le gouvernement collabore activement avec les intervenants pour qu'une formation appropriée soit offerte à l'ensemble de la magistrature du Canada, c'est-à-dire aux juges qui n'ont pas été nommés par le gouvernement fédéral. Encore une fois, je tiens à souligner dans cette enceinte le leadership et la détermination de l'honorable Rona Ambrose, qui a su contribuer à cette avancée.
Ensuite, je veux revenir au principe important qu'est l'indépendance judiciaire. Le projet de loi est conçu pour respecter ce principe, qui est enchâssé dans la Constitution. Je souligne, en passant, que dans ma vie précédente, en tant qu'avocat spécialisé en droit constitutionnel, j'ai passé beaucoup de temps à traiter de cette question précise. Je suis très fier de dire aujourd'hui que le projet de loi dont nous débattons est nettement conforme au principe de l'indépendance judiciaire, en particulier à l'idée que la formation des juges doit relever de la magistrature. C'est un aspect important du projet de loi.
[Français]
Quelles que soient les mesures prévues pour que les juges aient accès à la formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte social dans lequel il s'inscrit, ces mesures seraient mal venues si elles venaient porter atteinte à l'indépendance du système judiciaire.
La confiance du public n'exige pas seulement de savoir que les juges ont la compétence requise pour résoudre les litiges qu'ils ont à trancher, elle exige aussi de savoir qu'ils sont indépendants du Parlement, du pouvoir exécutif et de tout autre groupe qui pourrait tenter de les influencer indûment.
Au Canada, nous avons la chance de pouvoir compter sur un système judiciaire solide et indépendant. Nous ne pouvons pas tenir cette indépendance pour acquise et, en tant que parlementaires, nous devons veiller à la préserver et à l'encourager.
[Traduction]
Ce que je peux dire à la Chambre, c'est que la magistrature canadienne est fortement déterminée à faire en sorte que les juges aient accès à la meilleure formation possible. D'ailleurs le Canada est, heureusement, un chef de file international respecté en matière de formation de la magistrature en plus d'être un pionnier dans le domaine des études sociales en particulier.
J'aimerais souligner brièvement les rôles importants que jouent deux organisations qui encadrent le travail des juges. Le premier est le Conseil canadien de la magistrature, dont j'ai parlé brièvement plus tôt, et le second est l'Institut national de la magistrature.
Le Conseil canadien de la magistrature a pour mandat d'établir les exigences sur le perfectionnement des juges des cours supérieures. Selon sa politique sur le perfectionnement professionnel, le conseil exige que les juges nouvellement nommés à une cour supérieure suivent un programme de formation destiné aux nouveaux juges ainsi qu'un programme plus général à suivre dans les cinq années suivant la date de nomination. Ces programmes comprennent notamment de la formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles et sur le contexte social. Le projet de loi actuel vise à rendre cette formation officiellement obligatoire.
L'Institut national de la magistrature est responsable de la coordination de l'ensemble des formations destinées à la magistrature du Canada. En plus d'être un formateur de premier plan, l'Institut national de la magistrature est reconnu comme un chef de file international en ce qui a trait à la formation des juges. L'institut cherche à intégrer à tous ses programmes beaucoup de contenu relatif au droit, au perfectionnement et à la sensibilisation au contexte social.
Je tiens à souligner l'important engagement du Conseil canadien de la magistrature et de l'Institut national de la magistrature à s'assurer que les juges aient accès à la formation dont ils ont besoin. Nous les remercions de leur plein engagement à l'égard d'un système de justice ayant la confiance de tous les Canadiens, notamment les plus vulnérables.
Il convient également de souligner dans cette enceinte le dialogue important et respectueux qui s'est ouvert entre les pouvoirs judiciaire et législatif grâce au projet de loi , présenté lors de la dernière législature. Je suis certain que ce dialogue va se poursuivre au fur et à mesure que le projet de loi actuel, le projet de loi , sera étudié et débattu. Tous les intervenants qui prennent part à ce dialogue souhaitent fortement que les victimes d'agression sexuelle et les personnes vulnérables puissent faire confiance au système de justice et qu'elles soient traitées par lui avec la dignité et le respect qu'elles méritent tant.
Il est également important de préciser que ce projet de loi s'inscrit dans la réalisation d'une série d'engagements et de mesures par le gouvernement. Le soutien aux victimes et aux survivants d'actes criminels demeure une priorité du gouvernement. Je pense notamment à la collaboration avec les provinces et les territoires pour fournir des conseils juridiques gratuits et de l'aide aux victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale. Je pense également à l'engagement du gouvernement, annoncé dans le discours du Trône, de miser sur la stratégie de lutte contre la violence fondée sur le sexe, et de collaborer avec divers partenaires pour élaborer un plan d'action national.
[Français]
Le projet de loi à l'étude représente un important pas en avant. Il donne l'occasion aux parlementaires d'envoyer le message clair à toutes les victimes canadiennes d'agressions sexuelles pour leur dire que leur vécu ne nous laisse pas indifférents, que le courage est une source d'inspiration et qu'elles méritent un système de justice qui les traite avec la plus grande dignité et le plus grand respect qui soient.
[Traduction]
Je sais que nous partageons tous les mêmes convictions à cet égard, et c'est pourquoi j'invite tous les députés des deux côtés de la Chambre à appuyer les mesures très importantes prévues dans le projet de loi .
:
Madame la Présidente, je suis persuadé que la Chambre en sera reconnaissante.
Je suis fier d'être membre du Barreau et, de ce fait, je fais partie du système judiciaire. Notre système est censé protéger les victimes, mais il affiche un parcours en dents de scie pour ce qui est de soupeser équitablement les droits des victimes par rapport à ceux des accusés dans les cas d'agression sexuelle.
Croyez-le ou non, jusqu'en 1983, une plainte d'agression sexuelle présentée par une femme pouvait être compromise par des éléments de preuve concernant ses antécédents sexuels. Une plainte pouvait être compromise, voire invalidée, à cause de considérations aussi insignifiantes et terribles que la longueur de la jupe ou les fréquentations récentes de la victime.
Je me réjouis de constater que la mentalité a évolué au Canada et que nous avons compris qu'il faut cesser de jeter le blâme sur les victimes d'agression sexuelle et plutôt imputer la responsabilité à l'auteur du crime. Toutefois, le Canada est encore aux prises avec une épidémie d'agressions sexuelles alors que la capacité du système judiciaire de traiter ce trop-plein de cas semble limitée.
Chaque année, plus de 400 000 agressions sexuelles sont commises au Canada. Pour chaque tranche de 1 000 agressions sexuelles perpétrées au pays, seulement 33 sont signalées à la police. C'est inacceptable dans un pays aussi bon et grand que le Canada. Qu'on le croie ou non, des accusations sont portées dans seulement 12 de ces 33 cas. Dans six cas, les accusés sont cités à procès, et dans trois, ils sont condamnés.
Ces statistiques sont extrêmement troublantes. J'ai une sœur et une mère, et les deux personnes qui me sont les plus chères au monde sont mon fils et ma fille. Je sais que si ma fille était un jour victime de violence sexuelle, les probabilités seraient de l'ordre de moins de 0,1 % que son agresseur soit traduit en justice. C'est un chiffre très troublant et épouvantable.
Les victimes ne signalent pas aux autorités qu'elles ont subi une agression sexuelle pour toutes sortes de raisons. Il se peut qu'elles aient honte, qu'elles se sentent coupables ou qu'elles pensent qu'il n'y a pas suffisamment de preuves. Il se peut aussi qu'elles soient gênées par la situation ou qu'elles craignent de subir des représailles. Une autre raison, c'est qu'elles ne font pas confiance au système de justice pénale. En tant que membre du barreau et intervenant dans ce système, j'en suis très peiné.
Nous devrions faire tout en notre pouvoir pour que le système réponde mieux aux besoins des victimes d'agression sexuelle. Je vais certainement appuyer le projet de loi. Je félicite le gouvernement d'avoir présenté cette importante mesure législative.
Le manque de respect envers les femmes ne se limite pas au système de justice. Il semble s'être insinué au gouvernement. Comme nous l'avons vu récemment, un membre de la Commission des libérations conditionnelles au Québec a dit à un violent criminel, un individu qui avait tué sa propre femme, de faire appel à une travailleuse du sexe. Résultat: la mort violente d'une jeune femme.
On ne saura jamais comment cette merveilleuse et belle jeune femme aurait pu contribuer positivement à la société, au monde. Malheureusement, sa vie s'est achevée trop tôt.
Nous avons aussi entendu parler du cas de l'arbitre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui a déclaré qu'on ne pouvait considérer qu'il y avait eu viol parce que la femme avait décidé de garder l'enfant. Difficile d'imaginer commentaire plus offensant.
Je demande au gouvernement de voir ici une occasion d'étendre le genre d'activités de sensibilisation qu'il prévoit pour les juges. C'est une mesure honorable, et je vais l'appuyer. Or, il serait bon d'offrir cette formation à d'autres personnes aussi, les arbitres, peut-être, et d'autres personnes au gouvernement qui semblent en avoir grandement besoin.
Des victimes d'agression et de violence sexuelles, il y en a partout dans la société. Selon certains chiffres, une femme sur trois pourrait être victime d'une forme de violence sexuelle pendant sa vie.
En tant que père d'une fille de quatre ans, je trouve cette statistique tout à fait troublante. À titre de législateurs, mais surtout, comme membres de la société, nous devons utiliser tous les moyens possibles pour enrayer ce problème.
Bien que le nombre d'hommes victimes de violence sexuelle soit beaucoup plus faible, il s'agit d'un enjeu urgent pour tout le monde. N'oublions pas que les victimes d'agression sexuelle sont nos filles, nos sœurs, nos mères, nos amies et nos collègues. Disons-le franchement, elles méritent mieux de notre part, elles méritent davantage de protection. Notre société doit s'efforcer de venir à bout de ce fléau pour le bien de nos collectivités, de notre pays, et, en fait, de notre monde.
Pour mettre fin à la violence sexuelle, il ne suffit pas de punir les auteurs de ces actes odieux, mais il faut également aider les victimes à raconter ce qu'elles ont vécu. Ce projet de loi est essentiel, car nous devons nous assurer que les juges étudient ces cas de manière appropriée, et nous devons faire en sorte que les victimes de violence sexuelle puissent raconter leur histoire.
Beaucoup de victimes ont peur de porter plainte parce qu'elles ne font pas confiance au système de justice pénale. Malgré tout, elles réussissent l'incroyable exploit de sortir de l'ombre, puis elles doivent affronter un autre obstacle: notre système de justice.
Malheureusement, certains juges ont indiqué qu'ils ne comprennent pas ce que signifie le consentement sexuel, même si le concept est défini clairement dans la loi et le Code criminel.
Certains juges sont même allés jusqu'à demander à une victime en cour pourquoi elle n'avait pas simplement gardé les genoux serrés. Il ne faut plus jamais que l'on fasse ce genre de commentaires dans une salle d'audience ou ailleurs au Canada. D'autres ont demandé pourquoi la victime n'a pas crié quand l'agression présumée a eu lieu ou pourquoi elle n'a pas reculé le bassin pour éviter la pénétration.
Je paraphrase de vraies déclarations faites en cour. Ce sont des propos répugnants qui ne devraient jamais être tenus au Canada, encore moins dans une salle d'audience.
En donnant aux juges la formation nécessaire, nous pourrons peut-être éviter ce genre de propos aberrants et redonner aux victimes confiance dans le système de justice pour qu'elles sachent qu'elles seront traitées avec respect lorsqu'elles auront l'immense courage de confronter leur agresseur.
En toute honnêteté, en tant qu'homme, il est difficile de parler de ces cas parce que je ne peux pas vraiment comprendre ce que ces femmes ont vécu. Bien franchement, je ne peux pas imaginer l'horreur d'être victime de violence sexuelle et de devoir raconter sans cesse cette histoire. Ces femmes qui dénoncent leur agresseur afin de protéger d'autres femmes voient leur crédibilité remise en question ou doivent faire face à leur agresseur à maintes reprises. Toutefois, c'est ce qu'exige le système de justice pénale pour que justice soit rendue.
Pour remédier aux lacunes du système de justice pénale, il faut aider les juges fédéraux à mieux comprendre la souffrance silencieuse des victimes de violence sexuelle et leur apprendre à faire preuve de plus de compassion à l'égard des victimes. Le projet de loi ne vise pas tant à corriger les lacunes du système de justice, mais plutôt à faire du Canada un endroit plus sûr et plus accueillant pour les femmes et les enfants. Non seulement le projet de loi est sensé, mais il constitue aussi un pas dans la bonne direction pour toutes les victimes d'agression sexuelle au Canada.
J'appuierai sans réserve ce projet de loi et je félicite le gouvernement de l'avoir présenté.
:
Madame la Présidente, c'est un honneur pour moi de prendre la parole afin de prononcer mon premier discours à la Chambre au nom des gens de ma circonscription, Calgary Skyview. C'est avec humilité que je les représente, et je leur suis très reconnaissante de pouvoir le faire. J'ai vécu la plus grande partie de ma vie à Calgary, je ne peux pas imaginer un meilleur endroit pour grandir. Nous sommes tellement choyés d'avoir des collectivités aussi riches et diverses qui s'épanouissent grâce à leur dur labeur et à leur véritable sentiment d'appartenance au Canada.
Pendant ma campagne, j'ai rencontré de nombreuses gens de ma circonscription parce que je voulais savoir comment je pouvais les aider à avoir une meilleure qualité de vie. J'ai d'ailleurs parlé avec une jeune femme qui m'a dit: « C'est la première fois que je vois quelqu'un qui me ressemble faire ce que vous faites. Je veux étudier pour devenir députée. » Ce qu'elle m'a dit a une grande importance pour moi. Elle a vu en moi la première femme sikhe de l'Alberta à être élue à la Chambre des communes. D'autres m'ont également confié que je suis un exemple pour leurs filles.
Je suis fière de prendre la parole ici aujourd'hui pour représenter non seulement les jeunes femmes de ma circonscription, mais aussi tous ceux qui rêvent d'une vie au service des autres et qui rêvent d'être ici. J'ai commencé à imaginer mon parcours jusqu'ici à un très jeune âge. Je regardais Amnistie internationale et j'éprouvais une grande compassion pour les gens. Je restais assise à pleurer. J'étais émue par leurs histoires. J'ai alors décidé de m'orienter vers le droit. C'est un immense honneur pour moi d'être avocate. Je suis très passionnée par ce que je fais.
C'est pour cela que la mesure législative dont nous débattons aujourd'hui est très importante pour moi comme avocate, comme femme et, maintenant, comme ministre adjointe du cabinet fantôme pour les femmes et l'égalité des genres. Je remercie Mme Ambrose d'avoir déposé cette importante mesure législative lors de la législature précédente et de l'intérêt qu'elle porte à cet enjeu capital.
Son projet de loi, le projet de loi a reçu un vaste appui de la part des parlementaires et des principaux intéressés. Je trouve encourageant de le voir franchir les étapes du processus législatif, d'autant plus qu'il faisait partie des engagements que nous avions pris dans notre programme électoral.
Le projet de loi dont il est question aujourd'hui, le projet de loi , est semblable au projet de loi , car il ajoute un critère d'admissibilité auquel doivent répondre les avocats désireux d'être nommés à la magistrature. Il s'agit d'un programme de formation récent et complet sur le droit relatif aux agressions sexuelles et sur le contexte social qui l'entoure. Il oblige le Conseil canadien de la magistrature à faire rapport chaque année des colloques offerts portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et le nombre de juges qui y ont assisté. Le projet de loi établit un équilibre entre l'indépendance judiciaire et un système de justice pénale juste, ce qui est très important pour moi et pour tous les Canadiens.
On ne connaît que trop les raisons qui rendent ce projet de loi nécessaire, étant donné le traitement qu'ont subi des victimes d'agressions sexuelles au cours de procès récents. Hélas, le problème existe depuis longtemps. Voyons l'état des choses à l'heure actuelle. Des programmes de formation et d'éducation fragmentaires sont offerts dans certaines juridictions, mais ils ne sont pas obligatoires.
En 2016, un juge s'est fondé sur des mythes concernant le comportement attendu d'une victime d'agression sexuelle. Sa décision a été infirmée en appel pour des raisons évidentes. Nous avons entendu des juges tenir des paroles dures à propos des victimes, ce qui peut entretenir les préjugés.
En 2019, les tribunaux canadiens ont été saisis de près d'une douzaine de causes qui ont permis de faire la lumière sur la manière dont les juges continuent de se fier aux mythes et aux stéréotypes pour appuyer leurs décisions dans les cas d'agressions sexuelles. Voici que nous continuons à voir la même désinformation concernant l'expérience des victimes d'agression sexuelle ou d'abus, désinformation qui peut mener à de mauvaises décisions rendues et, comme nous l'avons constaté, à d'éventuelles erreurs judiciaires qui aboutissent parfois à de nouveaux procès.
Un second procès peut être extrêmement douloureux pour les plaignants et pourrait les léser une fois de plus. Nous savons très bien que la façon dont les victimes sont traitées pendant les procédures judiciaires et leur image aux yeux du public constituent un obstacle majeur au signalement d'un crime. Les victimes voient comment le système judiciaire traite d'autres victimes d'agression sexuelle et elles craignent d'être traitées de façon semblable si elles décident de porter plainte.
Nous savons que l'agression sexuelle est l'un des crimes les moins signalés au Canada. Selon Statistique Canada, parmi les cas signalés, seulement 12 % entraînent une condamnation au criminel dans les six ans, comparativement à 23 % pour les cas d'agression physique. Nous savons que les raisons qui expliquent la sous-déclaration incluent la honte, la culpabilité et les préjugés sur les victimes d'agression sexuelle. Les victimes rapportent également qu'elles n'ont pas confiance de parvenir à un dénouement positif dans le système judiciaire. Cela ne peut tout simplement pas continuer.
Que peut-on faire? La sensibilisation et la formation représentent la meilleure façon de prévenir ce type de sentiment. L'approche prévue dans le projet de loi est semblable à celle dans le projet de loi et vise à accroître la confiance dans le système de justice pénale en veillant à ce que les avocats qui sont nommés juges soient sensibilisés à un type d'affaires très précis et reçoivent une formation sur le sujet.
À l'avenir, on espère que, une fois le projet de loi adopté, les programmes de sensibilisation et de formation permettront d'éliminer les histoires que nous avons entendues concernant les victimes qui se sont senties dénigrées. Le projet de loi est conçu pour réduire les préjudices que subissent les personnes qui se manifestent et signalent les crimes, afin que la justice triomphe pour les victimes.
On espère que, après avoir été sensibilisés et formés, les juges traiteront les victimes d'agressions sexuelles avec respect et éviteront à tout prix qu'elles soient revictimisées, ce qui peut être une expérience extrêmement traumatisante pour la victime.
Comme Mme Ambrose l'a dit dans son témoignage devant le comité de la condition féminine, « En fait [...] pour moi c'est une question d'accroître la confiance dans le système. Les femmes ne font pas confiance à notre système de justice lorsqu'il est question du droit relatif aux agressions sexuelles. »
La situation doit changer si nous voulons augmenter le nombre d'agressions sexuelles signalées et condamnées. Cette mesure législative contribuera à l'élimination des obstacles et donnera aux victimes d'agressions sexuelles plus de confiance pour se manifester.
Comme on le sait, ce genre de fausses croyances et d'incompréhension est malheureusement aussi présent à l'extérieur du système de justice. La mort tragique d'une jeune femme, survenue récemment à Québec, met en lumière l'ampleur du problème. Marylène Levesque a été tuée par un homme qui avait été reconnu coupable de meurtre, qui avait des antécédents de violence familiale et à qui on avait accordé la semi-liberté.
Quand ce délinquant avait présenté sa demande précédente de libération sous condition, son agent de libération conditionnelle avait dit à la Commission des libérations conditionnelles, pendant l'audience, que le délinquant avait eu l'autorisation de rencontrer des femmes pour répondre à ses besoins sexuels lorsqu'il vivait dans une maison de transition. Comment a-t-on pu donner une telle permission à un homme qui avait des antécédents de violence envers les femmes?
À la lumière du crime terrible qui s'est produit, nous souhaitons explorer la possibilité d'amender le projet de loi pour y inclure les agents de libération conditionnelle et les commissaires, dans l'espoir qu'une telle situation ne se reproduise jamais.
Ce sera un plaisir de discuter de cette possibilité d'amendement et de débattre de la mesure à l'étude. J'espère qu'elle recevra autant d'appui à la Chambre que l'ancien projet de loi . J'espère qu'elle sera adoptée rapidement, car elle contribuera à l'avancement de la société et renforcera la confiance envers le système de justice.
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Madame la Présidente, personne ne sera surpris d'apprendre que le Bloc québécois va appuyer le projet de loi .
À l'époque, notre parti avait appuyé la mouture du projet de loi qu'avait déposé l'ex-chef intérimaire du Parti conservateur, notre collègue Rona Ambrose. Après m'être empressé de l'appuyer, j'avais d'ailleurs sollicité l'appui de la Chambre en faveur d'une motion demandant au Sénat d'accélérer son processus d'adoption du projet de loi, puisqu'on approchait de la fin de la session parlementaire. Malheureusement, ce que nous craignions est arrivé: le projet de loi de notre collègue est mort au Feuilleton. Nous espérons que le projet de loi C-5 ne subira pas le même sort et nous allons donc nous dépêcher de l'appuyer.
Le projet de loi C-5 est important. C'est un court projet de loi de quelques pages sur lequel nous semblons tous nous entendre. Malgré sa simplicité apparente, ce projet de loi est d'une importance capitale puisqu'il est ici question de la confiance que l'ensemble de la population accorde à son système judiciaire.
Je n'apprendrai à personne que le système judiciaire est la colonne vertébrale d'une société. Si les gens n'ont plus confiance dans leur système judiciaire, que vont-ils faire? Ils vont chercher à se rendre justice eux-mêmes. Les actes excessifs que l'on voit à l'occasion et qui nous révoltent ne pourront alors que se multiplier.
En tant que législateur, il nous incombe de nous assurer que le système judiciaire en place est crédible et qu'il reçoit l'approbation et l'appui de l'ensemble ou de la très grande majorité de la population. Dans l'intérêt de la justice, des justiciables et de l'État de droit que nous sommes chargés de protéger, il nous faut selon moi adopter le plus tôt possible ce projet de loi.
Quels en seront les effets? La réponse est simple. On parle ici de la formation des juges.
Ma collègue du Parti conservateur rappelait à l'instant la situation que nous avons récemment vécue en lien avec cet individu qui avait été libéré alors que, à notre avis, il n'aurait jamais dû l'être. Il s'agit d'un cas particulier, mais il illustre bien un problème de notre société: nous sommes mal informés et nous sommes souvent portés à prendre des décisions influencées par des stéréotypes, des images ou des idées préconçues que nous avons en lien avec certaines situations.
La problématique à laquelle le projet de loi C-5 s'attaque, celle des agressions sexuelles, en est une pour laquelle nous sommes particulièrement mal équipés et mal formés et par rapport à laquelle notre jugement souffre souvent d'un parti pris.
La plupart des juges que je connais — car j'en connais quelques-uns — sont des gens hautement estimables, des gens de bonne volonté et des gens intelligents qui font preuve de courage dans les décisions qu'ils rendent, des décisions qui ont du sens et qui servent l'intérêt de la justice 99,9 % du temps. Malheureusement, il survient parfois quelques dérapages, qui nuisent à l'image de la justice et qui diminuent la confiance de la population en son système judiciaire.
C'est donc à nous, législateurs, qu'il incombe d'assurer cette confiance en corrigeant le tir. Il faut nous assurer de donner à nos juges le plus d'outils possible pour qu'ils fassent leur travail avec tout le professionnalisme qu'ils y mettent déjà et qu'ils veulent continuer d'y mettre.
Dans à peu près tous ses dossiers, un juge doit évaluer la crédibilité des témoins, la crédibilité de la victime et la crédibilité de l'accusé. Souvent, c'est à ce chapitre que l'évaluation du juge peut être influencée par des partis pris, lesquels sont le fruit non pas de la méchanceté, mais de l'ensemble de notre vécu et de notre culture.
C'est précisément à cette situation que le projet de loi C-5 veut s'attaquer en formant mieux les juges et en sensibilisant tout le monde, y compris les législateurs, aux réalités d'une agression sexuelle: comment une victime réagit-elle dans une situation donnée? Pourquoi ne se souvient-elle pas ou se souvient-elle mal? Pourquoi interprète-t-elle mal les événements ayant entouré son agression? Il y a plein d'éléments importants ici.
Si on veut que le système judiciaire fonctionne, il faut s'assurer que les tribunaux maîtrisent bien ces questions. Lorsqu'un juge est appelé à évaluer la crédibilité d'un témoin, il faut qu'il puisse le faire avec une connaissance académique et pratique suffisante pour rendre un jugement efficace et, surtout, un jugement auquel l'ensemble de la population pourra faire confiance.
Que des jugements soient infirmés, c'est normal. Tous les jours, les tribunaux rendent des décisions et tous les jours la cour d'appel en infirme. Parfois ils sont deux contre un, les bancs ne sont pas unanimes. Cela va à la Cour suprême, qui elle aussi infirme souvent les décisions des cours d'appel. Là encore, on est pas toujours unanime.
On ne peut pas s'attendre à avoir des juges qui rendent des décisions inattaquables. Cela n'existe pas; ce n'est pas humain. Cela n'arrivera pas. Cependant, on peut s'attendre à ce qu'ils motivent leurs décisions et rendent des décisions crédibles. Au bout du compte, la population pourra toujours se demander si le juge avait tort ou raison, mais elle lui fera confiance. C'est cela qu'on vise.
Voilà ce que le projet de loi propose et nous sommes à l'aise avec cela. Nous croyons que c'est essentiel dans notre système de droit actuel. Pour toutes ces raisons et celles évoquées par tous mes collègues depuis quelques années, nous allons voter en faveur du projet de loi C-5 et nous espérons qu'il sera adopté dans les meilleurs délais possible.
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Madame la Présidente, je suis reconnaissant à la Chambre de m'avoir accordé ce privilège.
Je veux commencer mon allocution sur le projet de loi en soulignant le rôle extrêmement important que jouent les juges dans le système de justice. Ces hommes et ces femmes sont mis dans des positions très difficiles. Ils doivent soupeser la quantité incroyable de preuves qui leur sont présentées et déterminer au-delà de tout doute raisonnable si une personne est coupable du crime dont la Couronne l'accuse.
Les juges savent que leurs décisions auront des répercussions, d'une façon ou d'une autre, sur la vie de l'accusé ou de la personne qui a porté plainte devant le système de justice. Le débat d'aujourd'hui ne doit rien enlever au rôle important que jouent les juges dans la société.
Je veux aussi prendre le temps de remercier l'honorable Rona Ambrose, la chef précédente du Parti conservateur, à titre intérimaire, du travail qu'elle a accompli au cours de la 42e législature avec son projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi .
Je suis heureux de constater que le gouvernement a repris la substance de ce projet de loi au cours de la 43e législature pour en faire le projet de loi . À en juger par la nature des discours prononcés jusqu'à présent, tous les députés conviennent que le projet de loi doit être adopté. Toutes les étapes du processus ne seront peut-être pas franchies aussi rapidement que nous le souhaiterions, mais je crois fermement que, grâce au débat d'aujourd'hui, le comité de la justice se penchera bientôt sur le projet de loi.
Nous soutenons les objectifs du projet de loi , en particulier celui de garantir que les victimes d'agressions sexuelles et de violence fondée sur le sexe aient confiance dans le système judiciaire.
Dans les affaires d'agression sexuelle, les victimes manquent souvent de soutien social. Elles reçoivent des informations inadéquates sur le processus judiciaire et sont souvent confrontées à un système qui ignore leurs volontés.
Il faudrait reconnaître que le projet de loi ne résoudra pas ces problèmes. S'il constitue un pas dans la bonne direction, il y a toute une approche systémique que nous devons adopter pour faire en sorte que les victimes d'agression sexuelle se tournent vers un système dans lequel elles peuvent avoir confiance. Cette confiance doit être établie, et il reste encore beaucoup de travail à faire à cet égard.
Par rapport aux agressions sexuelles, il faut un examen systémique du système judiciaire pour éviter que les survivantes ne soient victimisées, blâmées, mal informées et très mal soutenues par les systèmes de police et de justice.
Les statistiques confirment cette hypothèse. Statistique Canada estime en effet que seulement 5 % des agressions sexuelles sont signalées à la police. Nous savons qu'une femme sur trois sera victime de violence sexuelle au cours de sa vie. Cette statistique me touche d'autant plus que je suis le père de trois filles.
Certes, je ne souhaite à personne de faire partie de ces statistiques, mais c'est une réalité de notre société. Cela ne concerne pas seulement les femmes: nous savons qu'un homme sur six subira des violences sexuelles au cours de sa vie. Dans 82 % des cas, l'agresseur est connu de la victime. Nous savons aussi que 28 % des Canadiens ont déclaré avoir été victimes d'agressions ou de violences sexuelles sur leur lieu de travail.
Au cours de la dernière campagne, j'ai fait la connaissance d'une personne transgenre dans ma circonscription et je sais le courage qu'il a fallu pour qu'elle se présente et participe à ma campagne, et qu'elle parle ouvertement de la situation à laquelle les Canadiens transgenres sont confrontés dans notre pays. Ils font face à près de deux fois plus de violence de la part de leur partenaire intime que les femmes au cours de leur vie, et c'est un domaine auquel nous devons absolument prêter attention en tant que société.
Je souligne également que mes collègues conservateurs se demandaient s'il serait possible d'étendre la portée de ce projet de loi pour inclure d'autres secteurs de compétence fédérale, plus particulièrement la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Nous avons aussi vu que les mesures prises par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié mériteraient un examen. Le comité de la justice, dans sa sagesse, peut en prendre note pour poser les bonnes questions aux témoins qui viendront offrir leur expertise pour ce projet de loi en particulier.
J'étais député à la 42e législature et je me rappelle avec beaucoup de fierté qu'en mars 2017, la Chambre avait présenté une motion demandant le consentement unanime pour que le projet de loi soit renvoyé au comité de la condition féminine, qui a fait du bon travail. Il s'est réuni cinq fois, a entendu 25 témoins et a présenté à la Chambre un rapport proposant quelques légers amendements.
Je dis cela pour que les députés sachent que le gros du travail sur ce projet de loi a été fait. Nous avons les témoignages de nombreux témoins et j'espère que ceux entendus au comité de la condition féminine en 2017 serviront au comité de la justice et que celui-ci pourra en tenir compte.
Au moyen de colloques de formation, le projet de loi vise à corriger les problèmes que j'ai énoncés en rappelant aux candidats à la magistrature certains aspects du droit relatif aux agressions sexuelles, à savoir les principes du consentement, le déroulement des procès pour agression sexuelle et les mythes et les stéréotypes relatifs aux victimes d'agression sexuelle.
En effet, en observant la conduite de nombreux juges, on a constaté, que ce soit par leurs commentaires pendant les procédures judiciaires ou par les renvois contenus dans leurs jugements, que cette formation est indispensable. Cependant, il ne faudrait pas tenir les juges entièrement responsables de ce problème. Nous savons que les corps policiers ont eux-mêmes beaucoup de travail à faire, et je sais qu'ils font de leur mieux, mais d'après les plaintes des victimes, nous savons que ce travail se fera en continu.
Lorsqu'il a reçu le projet de loi par l'intermédiaire de son comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le Sénat y a apporté des amendements. On a exprimé beaucoup de réserves au sujet de la constitutionnalité du projet de loi. Je pense que la version du gouvernement se rapproche beaucoup de celle que le comité sénatorial a proposée pour le projet de loi C-337, si elle n'en est pas une réplique.
Je suis conscient du fait qu'il y a une lutte constante entre le pouvoir législatif, le Parlement du Canada, et le pouvoir judiciaire. Il peut arriver qu'ils entrent en conflit. Je sais que Michael Spratt, un avocat réputé de la région d'Ottawa, a exprimé ses réserves quant au projet de loi actuel, mais je sais également que le professeur Emmett Macfarlane a déclaré que le Parlement a tout à fait le droit de légiférer dans des sphères comme celles de la Loi sur les juges.
Je pense que, comme le souligne l'énoncé concernant la Charte, ce projet de loi respecte le plus possible l'indépendance judiciaire. En fait, il vise à mettre en place la formation qui existe déjà. Elle sera supervisée indépendamment du Parlement. Nous n'aurons aucune influence sur ce que les juges en feront, parce qu'ils demeureront impartiaux et indépendants du Parlement lorsqu'ils exerceront leur jugement et rendront des décisions.
Ce projet de loi en particulier est acceptable sur le plan constitutionnel. J'en ai lu le libellé avec attention. Selon moi, le Parlement, qui fait entendre la voix du peuple et rend compte de l'évolution des normes sociales, a un rôle à jouer afin d'exprimer la volonté du public et faire en sorte que les lois fédérales du Canada reflètent les changements de mentalités au pays.
Je félicite le gouvernement et tous les députés pour l'unanimité qui se dégage des délibérations aujourd'hui. Cependant, je crois qu'en ce qui concerne les autres problèmes qui affligent le Canada, notamment les droits des autochtones, il y a encore beaucoup de racisme systémique et très peu de compréhension quant à la signification des droits et titres ancestraux des Autochtones, ce qui se reflète parfois dans le système judiciaire fédéral.
En conclusion, je suggère au gouvernement de relire les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, particulièrement le no 27, afin de déterminer si ce genre de formation devrait être rendue obligatoire pour les juges et les autres éléments du système judiciaire relevant de la compétence fédérale.
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Madame la Présidente, je suis heureuse d'avoir la possibilité de prendre la parole sur cette question. Comme bien d'autres personnes au Canada, cette question me touche de très près.
Je fais partie des femmes, une sur trois, qui ont été victimes de violence sexuelle. Je connais la honte, la culpabilité et les préjugés qui continuent d'entourer les cas d'agression sexuelle. J'ai également été témoin de l'expérience vécue par des amies proches et des membres de ma collectivité qui se sont adressés au système de justice. J'ai vu combien il leur a été difficile de faire face aux idées fausses et aux préjugés des travailleurs sociaux, de la police, des avocats et des juges.
Sachant ce qui les attend dans le système judiciaire, un grand nombre de victimes décident de ne pas signaler l'agression. Seulement une victime d'agression sexuelle sur 20 s'adresse à la police. Les victimes font ce choix en grande partie parce qu'elles ne pensent pas qu'elles seront traitées de manière équitable par le système judiciaire et obtiendront une issue positive.
Quant à celles qui décident de signaler l'agression à la police et d'essayer d'obtenir justice, le système judiciaire ne fonctionne pas en leur faveur. Bien des victimes craignent de ne pas être traitées équitablement. Cette crainte est justifiée; il y a des données pour le prouver.
On ne fait pas confiance au système de justice. Il y aurait environ 460 000 agressions sexuelles commises chaque année au Canada. Il y a condamnation dans seulement 3 cas sur 1 000. Seulement 3 sur 1 000. Pensons-y.
En ce qui concerne les agressions sexuelles, il est évident que nous avons besoin d'un examen systématique du système judiciaire pour mettre fin aux situations où les survivants sont blâmés ou accablés, où ils ne sont pas informés, où leurs déclarations sont systématiquement balayées du revers de la main et où ils sont mal appuyés par les services de police et les systèmes de justice.
Dans sa forme actuelle, le système de justice canadien décourage les victimes ou les survivants de dénoncer la violence fondée sur le sexe qu'ils ont subie. Ce projet de loi vise à prendre une mesure modeste, mais importante, afin de corriger le problème grâce à des initiatives de formation et de sensibilisation destinées aux candidats à la magistrature. Ces futurs juges recevraient une formation sur l'état actuel du droit relatif aux agressions sexuelles, notamment pour les renseigner sur les principes du consentement et le déroulement des procès pour agression sexuelle, et pour les sensibiliser aux mythes et stéréotypes entourant les plaintes pour agression sexuelle.
C'est très important. C'est une question non partisane. Lors de la dernière législature, la version précédente de ce projet de loi a été adoptée à l'unanimité à la Chambre, mais son étude a été honteusement bloquée au Sénat non élu. Voilà pourquoi le NPD convient que ce projet de loi est nécessaire pour que les juges reçoivent une formation sur les agressions sexuelles.
Sans vouloir minimiser l'importance du projet de loi, dont nous avons désespérément besoin, nous devons aussi reconnaître que ce n'est qu'une des étapes nécessaires. Si on considère que les agressions sexuelles ne concernent que la justice pénale, alors on ne tient pas compte du fait que seulement une victime sur 20 déclare son agression à la police.
Les agressions sexuelles posent également un problème de santé publique, un problème de santé et de bien-être personnel et un problème de santé mentale. Par conséquent, nous devons également nous intéresser aux services, au soutien et aux soins médicaux. Il est essentiel d'adopter des approches qui tiennent compte des traumatismes vécus et d'accroître la compréhension des agressions sexuelles parmi les principaux prestataires de services. Je pense notamment aux juges, mais aussi aux policiers, aux professionnels de la santé, aux avocats et aux travailleurs sociaux.
J'ai la chance de vivre dans une circonscription où mes électeurs et moi-même avons accès au centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle de Victoria. Je suis chanceuse d'avoir eu accès à ces services lorsque j'en avais besoin. Ce centre vient en aide aux personnes de tous les genres. Nous savons qu'une femme sur trois est victime de violence sexuelle, mais il en est tout autant pour un homme sur six. Nous savons aussi que les personnes non binaires et les membres de la communauté LGBTQ2I+ font face à un degré de violence sexuelle disproportionné.
Nous sommes très privilégiés d'avoir le centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle de Victoria puisqu'il s'agit de la seule clinique intégrée de violence sexuelle au Canada. La clinique permet aux survivants de tous les sexes d'avoir accès à des examens médicaux et médico-légaux qui tiennent compte des traumatismes vécus, à des entretiens avec la police et à un soutien en cas d'urgence, et ce, dans un lieu sûr, accessible, confidentiel et adapté aux réalités culturelles.
Parce que ce centre de soins axé sur les survivants existe, la grande majorité des survivants de ma circonscription n'auront jamais à aller à l'hôpital ou au poste de police pour obtenir l'aide dont ils ont besoin. Quand la clinique a ouvert, le nombre d'interventions d'urgence a plus que doublé, ce qui signifie que deux fois plus de survivants ont pu avoir accès à un soutien de nature émotionnelle ou à des traitements préventifs et avoir connaissance des différents types de signalements à la police. Le nombre de personnes bénéficiant d'une assistance lors d'une entrevue avec la police a augmenté de 400 %. Grâce à toutes ces mesures, 280 personnes de moins ont dû se rendre à l'urgence et les coûts pour les autres prestataires de services ont baissé.
Néanmoins, la clinique n'a pas de fonds dédiés ni sûrs. Elle dépend entièrement de dons uniques, et son avenir sera très incertain dans les 18 prochains mois. Le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction, mais nous devons aussi nous assurer que des services de soutien complets sont offerts à tous les survivants. Il y a tant de travail à faire, et j'espère que nous pourrons faire ce pas modeste, mais important en avant rapidement.
Les juges ont besoin d'être formés pour pouvoir remettre en question les stéréotypes erronés concernant la violence sexuelle qui se perpétuent dans notre société. Ces dernières années, nous avons entendu parler de bien trop de cas effroyables de juges qui continuent à véhiculer des stéréotypes éculés à propos des femmes et de la violence à caractère sexuel. Ces préjugés découragent tous les survivants de se manifester et constituent des obstacles pour ceux qui essaient d'obtenir justice en passant par le système judiciaire.
La question des traumatismes est complexe et les juges doivent comprendre le point de vue des survivants et l'impact qu'a le système de justice pénale sur les victimes d'agression sexuelle. La formation doit inclure les différences culturelles et tenir compte des besoins particuliers des populations vulnérables et marginalisées. Parmi certains groupes, le taux de violence sexuelle est disproportionnellement élevé et de nombreux groupes doivent surmonter des obstacles qui leur sont propres lorsque vient le temps d'obtenir l'aide des forces policières et du système de justice. Je pense entre autres aux habitants des collectivités nordiques, rurales et éloignées, aux travailleuses du sexe, aux victimes de la traite des personnes, aux membres de la communauté LGBTQ+, aux femmes autochtones, aux immigrantes et aux réfugiées et aux femmes handicapées.
Le projet de loi pourrait être amélioré par le comité de la justice de façon à s'assurer que les colloques portant sur les agressions sexuelles soient conçus en collaboration avec ces groupes et que le projet de loi réponde à l'appel à l'action no 27 de la Commission de vérité et réconciliation. Nous pourrions également faire en sorte qu'il réponde aux appels à l'action du rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Faire en sorte que les juges soient bien informés des lois relatives aux agressions sexuelles et des impacts physiques, mentaux et émotionnels de la violence sexuelle sur les victimes et sur leur capacité à prendre des décisions, leur comportement et leur capacité de se rappeler des événements, entre autres, présente des avantages certains. Accroître la confiance envers les tribunaux amènera davantage de victimes à se sentir prêtes à faire une dénonciation.
Le message envoyé aux victimes par le Sénat lorsqu'il a refusé d'adopter la première mouture du projet de loi lors de la législature précédente constituait une rebuffade, une rebuffade de l'importance de ce que vivent les victimes d'agression sexuelle, des besoins des survivants et des obstacles réels qu'ils doivent surmonter. L'ensemble du système judiciaire canadien vient appuyer ce message.
En appuyant ce projet de loi, les députés disent aux victimes qu'ils sont ici pour les défendre et qu'ils feront ce qu'il faut pour les soutenir. Nous sommes conscients de la stigmatisation et des obstacles vécus par les victimes et nous nous évertuons à donner à ces dernières des raisons de faire davantage confiance au système.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
C'est un honneur pour moi de prendre la parole au sujet du projet de loi . Comme les députés le savent, ce projet de loi, s'il est adopté, modifiera la Loi sur les juges et le Code criminel afin d'obliger les juges des cours supérieures provinciales nouvellement nommés à participer à une formation sur les agressions sexuelles et le contexte social dans lequel elles se produisent. On attend des juges qu'ils appliquent la loi d'une manière qui respecte la dignité des personnes ayant survécu à une agression sexuelle. Cette formation va permettre aux juges de pleinement saisir la nature complexe des agressions sexuelles lorsqu'ils s'occupent de ce type de cas.
Ce projet de loi exigera également des juges qu'ils exposent par écrit les motifs de leurs décisions finales dans les cas d'agression sexuelle. Cette mesure permettra ainsi d'accroître la transparence des décisions des juges.
Il est à noter que seulement 5 % des agressions sexuelles commises au Canada sont signalées. Le projet de loi va nous permettre de renforcer notre système de justice pénale et de donner aux survivants et aux survivantes d'agression sexuelle — et à tous les Canadiens — une plus grande confiance dans notre système.
Aujourd'hui, je vais consacrer mon temps de parole à expliquer comment le projet de loi pourrait contribuer à raffermir la confiance des personnes ayant survécu à une agression sexuelle — et celle de leur famille et de leurs proches — envers le système de justice pénale et faire en sorte que ces personnes soient plus à l'aise de signaler ce genre de crimes à la police.
La violence sexuelle est un problème répandu au Canada. C'est l'un des crimes les moins signalés. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, seulement 5 % des agressions sexuelles au Canada sont signalées à la police.
Parlons du contexte social. Brampton, et surtout la circonscription de Brampton-Ouest, est l'un des endroits du Canada où la croissance démographique est la plus rapide. Fait encore plus intéressant, la majorité des habitants de Brampton font partie d'une minorité visible. La violence, qu'il s'agisse de violence sexuelle ou de violence conjugale, est rarement dénoncée. En raison des préjugés qui entourent la violence sexuelle, les femmes racialisées sont encore plus réticentes à demander de l'aide. C'est particulièrement vrai pour les filles et les femmes autochtones, les femmes handicapées et les membres de la communauté LGBTQ2.
De nombreux facteurs interviennent dans la décision des survivants de signaler ou non une agression sexuelle, comme la peur d'être tenu responsable ou de ne pas être cru, la peur de représailles de la part de l'agresseur, l'angoisse de voir sa vie privée jugée publiquement et la peur d'une erreur judiciaire. Ce ne sont là que quelques-uns des facteurs et des réalités de la société dans laquelle nous vivons.
Ces facteurs sont exacerbés dans les groupes marginalisés. De tels obstacles se surmontent, mais ils peuvent aussi se multiplier à cause des corrélations entre le sexe, l'âge, la classe sociale, le handicap et l'ethnicité d'une personne. Voilà pourquoi le contexte social est essentiel.
Les mythes et les stéréotypes entourant les agressions sexuelles sont également dangereux et peuvent avoir une incidence négative considérable sur la décision d'une survivante de porter plainte. Ils ont aussi une incidence négative sur la possibilité de tenir un procès équitable pour l'accusé, la victime et la société en général.
Il est indéniable que le manque de confiance dans le système de justice pénale est l'une des principales raisons pour lesquelles les survivantes ne portent pas plainte.
Les personnes qui signalent le crime nous disent souvent que le processus les traumatise à nouveau. Étant donné que les mythes et les stéréotypes entourant les agressions sexuelles perdurent dans le système de justice, c'est l'examen de ce que la survivante a fait ou n'a pas fait plutôt que les actions de l'accusé qui détermine souvent l'issue d'une affaire. Ce processus déshumanisant, combiné à un manque de ressources et d'appuis adéquats, peut victimiser et traumatiser à nouveau les personnes victimes de violence sexuelle.
En dépit des progrès que nous avons réalisés, le système de justice pénale demeure une source d'angoisse et d'humiliation pour les survivantes d'agression sexuelle. La violence sexuelle est un crime qui prive les gens de leur choix et qui porte atteinte à leur intégrité physique et sexuelle, à leur dignité et à leur bien-être psychologique.
Les répercussions des agressions sexuelles ne sont pas encore bien comprises dans la société, et les mythes entourant le viol sont encore courants et ils perdurent dans l'ensemble du système de justice. Par exemple, dans la société d'aujourd'hui, on croit à tort, ce qui est inquiétant, que les survivantes de violence sexuelle falsifient souvent les signalements d'agressions sexuelles.
On croit aussi à tort que les agressions sexuelles ne sont que des activités sexuelles consensuelles qui « sont allées trop loin » ou qui « ont mal tourné ». Il existe un mythe persistant comme quoi une agression sexuelle n'est pas « réelle » si la victime n'a pas tenté de s'échapper ou qu'elle ne s'est pas débattue. On croit à tort qu'une personne ayant survécu à une agression sexuelle devrait se souvenir de tous les détails d'une manière linéaire et organisée.
Or, des recherches neuroscientifiques sur les traumatismes ont démontré que ce qui peut sembler être une incohérence dans les réactions d'une victime ou ses souvenirs de l'incident peut, en réalité, constituer une façon typique, prévisible et normale de réagir et de faire face à un événement traumatisant. La compréhension de ce fait peut changer notre perception de la crédibilité et de la fiabilité d'une personne.
Heureusement, nous commençons maintenant à posséder une meilleure compréhension scientifique et psychologique des différentes réactions qu'ont les survivants d'événements traumatisants, comme les agressions sexuelles, y compris l'incidence des traumatismes sur le comportement et la mémoire. Nous comprenons aussi maintenant que le traumatisme intergénérationnel est une conséquence bien réelle de la violence, qui cause non seulement du tort aux victimes et à leur famille, mais également à la société en général. C'est pourquoi la formation et la sensibilisation peuvent nous aider à être plus justes et à mieux comprendre les réactions des personnes ayant survécu à une agression sexuelle.
Il peut être extrêmement difficile pour les survivants d'agression sexuelle de se retrouver dans les méandres du système de justice pénale. Ils doivent avoir la certitude qu'ils seront traités équitablement et avec dignité. Grâce à l'éducation et à la formation sur les agressions sexuelles et le contexte social dans lequel elles se produisent, ainsi que sur leur impact sur les survivants, nous pouvons améliorer le système de justice pénale de sorte que les gens se sentent plus à l'aise de signaler les agressions sexuelles et de participer à toutes les étapes du processus judiciaire.
L'agression sexuelle, une forme de violence fondée sur le sexe, est l'un des crimes les moins signalés au Canada. Le projet de loi nous permettra d'accroître le financement fédéral visant à prévenir et à contrer la violence fondée sur le sexe.
En 2017, nous avons lancé « Il est temps: Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe ». Dans le cadre de cette stratégie novatrice, nous avons investi 200 millions de dollars dans des initiatives fédérales qui visent à prévenir la violence fondée sur le sexe, à soutenir les survivants et leur famille, et à rendre le système juridique et judiciaire plus sensible à leurs besoins. Aujourd'hui, le projet de loi constitue une partie de la solution plus vaste pour répondre au problème de violence fondée sur le sexe.
Les juges sont formés pour être impartiaux et avoir une connaissance approfondie du droit. Comme ce sont eux qui ont la responsabilité de rendre justice, il est dans l'intérêt de tous de remédier à toute lacune dans leur formation. Le projet de loi rendrait obligatoire pour tout juge de cour supérieure provinciale nouvellement nommé de suivre une formation continue sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte social. Cela aidera à faire en sorte que les juges des cours supérieures comprennent pleinement la nature complexe des agressions sexuelles lorsqu'ils sont appelés à entendre de telles causes.
Les Canadiens doivent avoir la certitude que le juge devant qui ils comparaissent n'est pas influencé par des mythes et des stéréotypes dans son application de la loi et comprend l'incidence du traumatisme qu'ils ont vécu. Les survivants doivent également avoir la certitude que la décision rendue à l'égard de leur cause sera bien raisonnée et non influencée par des préjugés et des idées fausses.
Le projet de loi nous aiderait à rehausser le niveau de confiance. Il aiderait à donner du pouvoir aux femmes et à éliminer l'oppression institutionnelle des femmes, notamment les femmes autochtones, les femmes racialisées, les femmes handicapées et les membres de la communauté LGBTQ2.
J'encourage fortement les députés à reconnaître l'importance du projet de loi et à l'appuyer. Ensemble, nous pouvons continuer de renforcer le système de justice pénale du Canada et donner aux survivants d'agression sexuelle ainsi qu'à l'ensemble des Canadiens une confiance accrue dans notre système de justice. Saisissons l'occasion de créer un système de justice plus sûr et mieux adapté pour les victimes de violence sexuelle et de créer ainsi un avenir meilleur pour les familles, les collectivités et l'ensemble de la population canadienne.
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Madame la Présidente, c'est un grand plaisir de parler aujourd'hui de cette importante mesure législative, le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.
J'attache beaucoup d'importance à ce projet de loi, car j'ai vu de mes propres yeux les nombreux obstacles auxquels les femmes et les Canadiens sont confrontés lorsqu'ils sont victimes de violence sexuelle.
Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises dans cette enceinte, avant d'entrer en politique, j'étais une travailleuse sociale de première ligne. Pendant plus de 23 ans, j'ai travaillé au sein du service régional de Codiac de la GRC en tant que coordinatrice des services aux victimes. Pendant cette période, j'ai eu le privilège d'accompagner de nombreux survivants de violence sexuelle dans des moments très difficiles.
Au sein de la GRC, une partie de mon travail consistait à aider les policiers à mener ce type d'enquêtes et à aider les victimes à se retrouver dans un système très complexe, à les préparer en vue du procès et souvent à les accompagner au tribunal. J'ai eu le privilège d'accompagner des milliers de victimes qui ont vécu ces situations très difficiles. J'aimerais pouvoir dire ici aujourd'hui que je n'ai jamais entendu de juge formuler des commentaires inappropriés, mais ce n'est pas le cas. J'ai été personnellement témoin de certains traitements subis par les victimes. Voilà pourquoi je suis si ravie que ce projet de loi progresse. Je suis heureuse de constater que l'ensemble des députés l'appuient.
[Français]
S'il est adopté, le projet de loi permettra de former les juges des cours supérieures qui instruisent les causes d'agression sexuelle afin qu'ils ne soient pas influencés par des mythes ou des stéréotypes préjudiciables qui persistent encore dans notre société. Il permettra aussi de mieux comprendre le contexte social entourant ce type de crime dans notre pays. Une telle formation servira aussi à nous assurer que les juges appliquent la loi en respectant la dignité et la réalité des survivants ainsi que des survivantes. Cette formation assurera également qu'ils sont bien outillés pour rendre des décisions de façon équitable et impartiale.
De plus, ce projet de loi obligera les juges à expliquer par écrit leur décision finale dans les affaires d'agression sexuelle. Cela contribuera à rendre le procès plus ouvert et transparent.
[Traduction]
L'agression sexuelle est une forme de violence fondée sur le sexe. C'est l'un des crimes les moins signalés au Canada. Quand j'étais travailleuse de première ligne, on disait souvent que moins de 6 % des survivants osaient porter plainte. Aujourd'hui, à la Chambre, nous avons entendu que ce serait plutôt 5 %. Nous savons donc que ce crime passe véritablement sous silence. Malheureusement, la violence fondée sur le sexe est une des violations des droits de la personne les plus répandues et les plus profondément ancrées de notre époque. Nous ne devons pas oublier qu'elle est toutefois évitable à 100 %.
J'aimerais parler des efforts concertés du gouvernement du Canada pour lutter contre ce type de violence et la prévenir, car le projet de loi n'est qu'un des aspects importants d'une vaste série d'initiatives conçues pour mieux soutenir les survivants et leurs familles, en plus de promouvoir des systèmes juridique et judiciaire adaptés aux besoins.
Premièrement, je me permets d'expliquer ce qu'est la violence fondée sur le sexe.
Ce type de violence est dirigé contre une autre personne en fonction de son identité ou de son expression de genre, ou encore de l'identité ou de l'expression de genre qu'on lui prête. La violence fondée sur le sexe est liée aux injustices sexuelles, à la dynamique inégale du pouvoir et aux normes et comportements sexuels néfastes. La violence fondée sur le sexe est décuplée par les autres formes de discrimination.
Les femmes et les filles, les femmes racialisées, les lesbiennes, les gais, les bisexuels, les Autochtones et les personnes handicapées courent un risque accru de subir la violence fondée sur le sexe. Les personnes transgenres et bispirituelles, ainsi que les personnes de diverses identités de genre se heurtent aussi à des taux plus élevés de violence au Canada.
Au Canada, la violence fondée sur le sexe demeure omniprésente. Selon les données recueillies par Statistique Canada, de 2008 à 2018, plus de 700 femmes ont été tuées par leur partenaire intime au Canada. En 2018, une femme sur trois a été victime de comportements sexuels non désirés en public. Ces chiffres sont déjà terrifiants en soi, mais la réalité des femmes et des filles autochtones est encore pire. En 2018, le taux d'homicide a été presque sept fois plus élevé chez les femmes et les filles autochtones que chez les femmes et les filles non autochtones.
Face à ce tableau sombre, le gouvernement a pris des mesures.
[Français]
En 2017, le gouvernement du Canada est passé à l'action en lançant la toute première stratégie fédérale pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe intitulée « Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe ».
La Stratégie investit plus de 200 millions de dollars dans des initiatives fédérales, afin de prévenir la violence fondée sur le sexe, de soutenir les survivants et les survivantes ainsi que leur famille et de promouvoir des systèmes judiciaires et juridiques plus réactifs.
[Traduction]
La Stratégie contre la violence fondée sur le sexe est la toute première stratégie fédérale de ce type, car elle requiert une approche pangouvernementale et elle s'inspire du militantisme communautaire et de l'action féministe.
Nous avons écouté les survivants et les organismes de défense des femmes et de promotion de l'égalité qui, partout au pays, travaillent inlassablement pour lutter contre la violence fondée sur le sexe au sein de leurs collectivités. J'aimerais donner quelques exemples d'initiatives relevant de la Stratégie qui ont été inspirées par leur voix.
Dans le cadre de la Stratégie, l'Agence de la santé publique du Canada investira plus de 40 millions de dollars sur 5 ans, puis au-delà de 9 millions de dollars par année par la suite. Elle investira notamment dans des initiatives qui visent à prévenir les mauvais traitements contre les enfants et la violence dans les fréquentations chez les adolescents et les jeunes, ainsi qu'à outiller les professionnels de la santé afin qu'ils puissent répondre à la violence fondée sur le sexe.
Par exemple, l'Agence de la santé publique du Canada finance des projets grâce auxquels de jeunes Canadiens apprennent à développer et à maintenir des relations saines, qui sont exemptes de violence et de mauvais traitements. Les éducateurs disposent également de nouveaux outils pour accroître leur capacité à fournir des conseils de ce genre aux jeunes Canadiens.
Enseigner aux adolescents canadiens ce qu'est une relation saine contribue également à favoriser des liens positifs, à changer les mentalités et à promouvoir l'égalité des sexes. Cela permet de favoriser une meilleure compréhension et, en fin de compte, de rendre la société plus sûre pour les jeunes d'un bout à l'autre du pays.
En outre, l'Agence de la santé publique du Canada investit plus de 6 millions de dollars par an afin de protéger la santé des survivants de la violence familiale. Autres projets financés, ceux qui visent à améliorer la santé physique et mentale des jeunes et des enfants, à aider les mères victimes de violence familiale à comprendre les répercussions de la violence sur leur rôle parental et le développement de leurs enfants, à renforcer l'estime de soi des mères et à améliorer leurs compétences parentales et relationnelles positives ainsi qu'à renforcer la résilience et les aptitudes à la vie quotidienne des jeunes femmes.
Tout comme le projet de loi se propose de former les juges, dans le cadre de la stratégie, nous formons les agents de première ligne de la GRC afin qu'ils puissent mieux comprendre le contexte social entourant la violence fondée sur le sexe. L'objectif est que les survivants osent davantage dénoncer leurs agresseurs et que les agents comprennent mieux leur situation.
Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent les progrès constants de la stratégie.
[Français]
Dans le cadre de la Stratégie, nous travaillons en étroite collaboration avec tous les niveaux de gouvernement, y compris les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que plusieurs ministères et organisations. Nous mettons en commun nos ressources pour renforcer notre capacité à soutenir les personnes touchées par la violence fondée sur le sexe dans les communautés partout au Canada.
Nous travaillons à l’établissement d’un plan national dont l’objectif est de s’assurer que toute personne confrontée à la violence fondée sur le sexe dispose d’une protection et de services fiables et opportuns, quels qu’ils soient et peu importe où vit la personne.
[Traduction]
Je pourrais continuer à parler de nos réalisations et des efforts incessants que nous déployons, mais je conclus en disant que la stratégie du Canada pour prévenir la violence fondée sur le sexe continue d'être mise en œuvre parce que nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire.
Nous devons appuyer pleinement le projet de loi . Nous comptons sur tous les députés pour nous aider à poursuivre ce travail crucial visant à mettre fin à la violence fondée sur le sexe au sein de nos communautés.