propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel par rapport à l'aide médicale à mourir.
[Traduction]
Le projet de loi propose une réponse législative à la décision Truchon de la Cour supérieure du Québec, ainsi que d'autres modifications aux dispositions du Code criminel qui définissent le régime d'aide médicale à mourir du Canada.
En juin 2016, l'ancien projet de loi a modifié le Code criminel pour créer la première loi canadienne sur l'aide médicale à mourir. Cette mesure législative prévoyait des exemptions à l'égard de certaines infractions du Code pénal afin que les personnes éprouvant des souffrances intolérables et dont la mort approchait puissent mourir paisiblement avec l'aide d'un médecin ou d'un infirmier praticien plutôt qu'à l'agonie ou sans dignité.
Cette modification considérable du droit pénal reflétait la valeur que les Canadiens accordent au fait d'avoir le choix, notamment en ce qui concerne la manière et le moment de leur mort lorsque la souffrance devient intolérable. Les données les plus récentes obtenues par le régime de surveillance fédéral de l'aide médicale à mourir indiquent que plus de 13 000 Canadiens sont morts de cette façon depuis que ce geste a été décriminalisé.
[Français]
Nous proposons maintenant un autre changement important à notre droit pénal. Dans l'affaire Truchon et Gladu, la Cour supérieure du Québec a indiqué qu'il était inconstitutionnel de limiter l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible.
Nous avons décidé de ne pas porter la décision en appel, car nous voulons réduire la souffrance des personnes en attente de l'aide médicale à mourir.
En annonçant notre décision de ne pas porter le jugement en appel, notre gouvernement s'est engagé à modifier les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour l'ensemble du Canada, afin de veiller à ce que le droit pénal en matière de droit criminel soit le même partout au pays.
La prise d'effet de la décision de la Cour, qui ne s'applique pas qu'au Québec, a été suspendue pour six mois, en l'occurrence jusqu'au 12 mars. Compte tenu de l'importance de ces enjeux et afin de s'assurer de l'uniformité du droit d'un bout à l'autre du Canada, nous avons demandé à la Cour une prorogation de quatre mois, afin de donner au Parlement le temps d'entreprendre une étude et un débat complets portant sur les modifications proposées par ce projet de loi. Une audience a eu lieu hier relativement à cette requête.
En développant ce projet de loi, il était absolument essentiel pour nous de consulter les Canadiens et les Canadiennes sur la prochaine phase de l'aide médicale à mourir au Canada. C'est pourquoi notre gouvernement a lancé, le 13 janvier dernier, une consultation publique de deux semaines qui a suscité une participation sans précédent, recueillant plus de 300 000 réponses. Cette participation illustre l'importance que les Canadiens accordent à cet enjeu.
[Traduction]
De plus, en compagnie de la , de la et de nos secrétaires parlementaires, nous avons tenu 10 tables rondes partout au pays du 13 janvier au 3 février.
Il y en a eu à Halifax, à Québec, à Montréal, à Ottawa, à Toronto, à Winnipeg, à Calgary et à Vancouver. Nous avons rencontré plus de 125 personnes, dont des médecins, des infirmiers praticiens, des juristes, des personnes handicapées, des Autochtones et des représentants de différents organismes de réglementation en santé et de la société civile.
Nous remercions tous ceux qui ont participé aux tables rondes. Le cumul de leurs expertises et de leurs expériences a grandement contribué à la rédaction du projet de loi. Je suis certain que plusieurs des participants continueront de contribuer aux travaux parlementaires à titre de témoins devant les comités.
Les résultats de ce processus de consultation seront bientôt publiés dans un rapport récapitulatif. Nous avons obtenu diverses opinions sur différents sujets, mais j'aimerais en mentionner quelques-unes.
Dans les consultations publiques en ligne, nous avons appris que, même si la majorité des répondants étaient d'avis que les protections actuelles permettent d'éviter les dérives, advenant que le régime d'aide médicale à mourir soit élargi pour que les personnes dont le décès n'est pas prévisible à court terme y aient accès, la majorité des répondants croyaient aussi qu'il serait important de prévoir de nouvelles mesures d'encadrement. De nombreux participants aux tables rondes ont proposé l'instauration de deux ensembles de mesures d'encadrement au sein d'un régime élargi. D'autres nous ont parlé des règles d'encadrement qui s'appliquent actuellement aux personnes qui sont en fin de vie.
Plus précisément, beaucoup ont estimé que l'exigence des deux témoins lors de la présentation d'une demande écrite est trop coûteuse et offre peu de protection, et que la période de réflexion de 10 jours prolonge inutilement les souffrances de la personne.
Sur la base de ces consultations approfondies, de l'expérience canadienne en matière d'aide médicale à mourir, et de nombreuses autres sources de renseignements, le projet de loi vise à répondre à la décision Truchon en s'adaptant à la fois aux conditions d'admissibilité et aux mesures de sauvegarde. Il prévoit également de permettre aux patients, dans certaines circonstances, de renoncer à l'exigence de consentement final afin qu'ils ne perdent pas leur accès à l'aide médicale à mourir.
Nous sommes conscients qu'il existe bien d'autres enjeux qui tiennent à cœur à de nombreux Canadiens, mais ils ne sont pas soumis aux délais exigés par la Cour supérieure du Québec. Je pense par exemple à l'admissibilité dans les cas où la maladie mentale est la seule condition sous-jacente, aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir et aux mineurs matures. Ces questions seront étudiées dans le cadre du prochain examen parlementaire.
Avant de décrire les modifications proposées, j'aimerais aborder les points soulevés par de nombreux représentants des groupes de défense des personnes handicapées à la suite de la décision Truchon et dans le cadre de nos consultations. Ces groupes nous ont dit très clairement qu'à leurs yeux, en éliminant le critère de fin de vie pour l'aide médicale à mourir, on créerait une loi qui fait d'un handicap une raison valable pour mettre fin à la vie et renforcerait l'idée fausse voulant que le fait d'être handicapé équivaille à une vie de souffrances.
Le gouvernement libéral est sensible à ces préoccupations. Pour nous, tous les Canadiens sont égaux, peu importe leur situation, et nous rejetons catégoriquement l'idée que la mort est préférable à la vie avec un handicap. Cela dit, nous savons également qu'il faut tenir compte des autres préoccupations qui ont été exprimées et qu'elles doivent aussi être conciliées avec d'autres intérêts importants et valeurs sociétales, dont la possibilité pour chacun de choisir.
Le projet de loi a donc pour but de reconnaître le fait qu'une personne peut choisir elle-même l'aide médicale à mourir pour mettre fin à des souffrances intolérables, que sa mort naturelle approche ou non, tout en protégeant les personnes vulnérables, en reconnaissant que le suicide constitue un enjeu important de santé publique et en affirmant la valeur inhérente et l'égalité de chaque vie humaine. Plus concrètement, le projet de loi propose d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir au-delà du contexte de fin de vie en abrogeant le critère qui exige que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible.
Reconnaissant que des souffrances intolérables surviennent également en dehors du contexte de la fin de vie et que les Canadiens veulent pouvoir choisir, l'aide médicale à mourir deviendrait accessible à tous ceux qui éprouvent des souffrances intolérables; qui sont atteints d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap grave et incurable; et dont la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de capacités, peu importe s'ils vont mourir à court terme.
[Français]
Pour l'instant, le projet de loi propose de ne pas permettre l'aide médicale à mourir lorsqu'une maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Premièrement, nous sommes assujettis à un délai imposé par la Cour et il s'agit d'une question qui nécessite un examen et des délibérations plus approfondis. Nous avons appris que la trajectoire d'une maladie mentale est plus difficile à prédire que celle de la plupart des maladies physiques. Cela signifie qu'il y a plus de risques de fournir l'aide médicale à mourir aux personnes dont la condition pourrait s'améliorer.
Les évaluations de la capacité sont également plus difficiles à réaliser pour les personnes atteintes d'une maladie mentale. Dans le cas de certaines maladies mentales, le désir de mourir constitue en soi un symptôme de la maladie, ce qui rend particulièrement difficile la tâche de déterminer si la demande de la personne est véritablement volontaire.
À l'instar du gouvernement du Québec, nous sommes d'avis qu'il faut poursuivre les consultations, les discussions et les travaux d'élaboration de politiques sur la question de la maladie mentale comme seule condition médicale invoquée.
L'examen parlementaire qui débutera en juin prochain constituera une tribune appropriée pour l'examen de ces questions, sans les contraintes de temps liées au délai imposé par le tribunal.
[Traduction]
Je voudrais maintenant me tourner vers la question des mesures de sauvegarde. De nombreux experts estiment que l'évaluation des demandes d'aide médicale à mourir des personnes qui ne sont pas en fin de vie présente des risques plus importants. Nous partageons leur avis. Bien que ces demandeurs aient le choix de demander de l'aide médicale à mourir, le projet de loi propose que leurs demandes soient traitées avec plus de sensibilité et de soin.
En conséquence, le projet de loi propose deux volets ou deux séries de mesures de sauvegarde. Pour faire la distinction entre les deux, le projet de loi propose de se servir du concept de la mort naturelle raisonnablement prévisible. Soyons clairs. Le fait que la mort d'une personne n'est pas raisonnablement prévisible ne constituerait plus un motif suffisant pour rejeter une demande d'aide médicale à mourir. Cependant, il serait utilisé pour déterminer quelle série de mesures de sauvegarde est requise dans un cas donné.
Tel que promulgué par le Parlement en 2016, la mort naturelle devient raisonnablement prévisible lorsque l'espérance de vie est relativement courte. Cela signifie que, compte tenu de l’ensemble de la situation médicale de la personne, sa mort est prévue dans un délai relativement court. La mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible seulement parce qu'une personne reçoit un pronostic concernant une maladie qui finira par causer sa mort dans plusieurs années ou décennies.
En pratique, nous savons que les praticiens sont plus à l'aise de faire des pronostics lorsque la mort est prévue dans un délai plus court. La norme dans les cas de mort naturelle raisonnablement prévisible offre une plus grande souplesse que si l'on doit fournir un délai maximal en termes d'espérance de vie. Cette norme a également l'avantage d'utiliser un langage avec lequel les praticiens se sont familiarisés au cours des quatre dernières années.
Les personnes dont la mort est prévue bientôt ou imminente seraient assujetties à l'ensemble des mesures de sauvegarde actuelles du Code criminel, que le projet de loi propose de modifier de deux manières.
Premièrement, le délai de réflexion de 10 jours serait supprimé. Nous avons appris lors des consultations qu'au moment de signer la demande écrite, la plupart des personnes ont déjà beaucoup réfléchi à leur demande d'aide médicale à mourir, ce qui fait que le délai de réflexion prolonge inutilement la souffrance.
Deuxièmement, la disposition exigeant qu'il y ait deux témoins indépendants serait modifiée afin qu'un seul témoin indépendant soit requis pour une demande écrite d'aide médicale à mourir. En outre, nous avons ajouté une exception pour que les travailleurs qui fournissent des soins de santé ou des soins personnels puissent maintenant servir de témoins indépendants, à condition que ce ne soit pas eux qui fournissent l'aide ou qui évaluent la personne qui présente une demande.
Nous avons entendu qu'il est difficile pour une personne qui vit dans un établissement de soins de longue durée ou en région éloignée de trouver deux témoins indépendants. Le but du témoin indépendant est de confirmer l'identité de la personne qui signe la demande. Le témoin ne participe pas à l'évaluation.
Pour les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, les protections en place s'appliqueraient toutes de même que quelques précautions supplémentaires. Plus précisément, le projet de loi propose une période d'évaluation d'au moins 90 jours afin que les praticiens aient tout le temps nécessaire pour examiner les diverses dimensions de la demande d'aide médicale à mourir qui, en dehors d'un contexte de fin de vie, pourrait être motivée par différentes sources de souffrance nécessitant une plus grande attention.
De plus, au moins un des praticiens qui évaluent l'admissibilité devrait posséder une expertise en ce qui concerne le problème de santé à l'origine des souffrances intolérables de la personne. Cette précaution vise à éviter que des personnes obtiennent l'aide médicale à mourir alors qu'il aurait été possible d'alléger leurs souffrances et d'améliorer leur état.
Le projet de loi clarifie aussi la notion du consentement éclairé dans ce genre de cas.
Premièrement, une personne qui n'est pas mourante devrait être informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, y compris les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs, et se voir offrir de consulter des professionnels qui fournissent de tels services.
Deuxièmement, les praticiens et la personne devraient aussi s'accorder sur le fait que ces moyens de soulager la souffrance ont fait l'objet de discussions et qu'ils ont été sérieusement envisagés.
[Français]
Le projet de loi propose également de permettre aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible et qui sont admissibles à l'aide médicale à mourir de donner leur consentement au préalable si elles risquent d'en perdre la capacité avant la date prévue pour la prestation de l'aide médicale à mourir. À l'heure actuelle, le Code criminel prévoit que, immédiatement avant de fournir l'aide médicale à mourir, le praticien doit s'assurer que la personne consent expressément à recevoir l'aide médicale à mourir.
Le projet de loi permettrait au patient qui a déjà été évalué et approuvé de conclure, avec son médecin, une entente de consentement préalable précisant tous les détails pertinents, notamment la date choisie pour la prestation de l'aide médicale à mourir et le fait que la personne consente à l'administration de l'aide médicale à mourir si elle n'a plus la capacité de consentir le jour en question.
Bien que la décision dans l'affaire Truchon n'en fasse pas état, le gouvernement a entendu de la part d'experts que cette situation présente relativement peu de complexité et de risque. Les médecins nous ont également indiqué qu'ils seraient à l'aise avec l'idée d'offrir l'aide médicale à mourir dans de telles circonstances.
Pour notre gouvernement, la compassion veut que les personnes dans l'attente de l'aide médicale à mourir ne perdent pas l'occasion de mourir selon leur choix ou encore à la date choisie, simplement parce que leur condition médicale les prive, dans leurs derniers jours, de la capacité de prendre une décision.
Une autre forme étroite de consentement préalable serait également autorisée dans le scénario peu probable où des complications surviennent après qu'une personne évaluée et approuvée s'est administré une substance devant causer sa mort et perd sa capacité de consentir à l'aide médicale à mourir, mais ne meurt pas.
Le patient et le médecin pourront convenir au préalable d'une entente selon laquelle le médecin serait présent au moment où le patient s'administre la substance et que, advenant le cas où la mort du patient ne survenait pas mais que ce dernier perdait la capacité, le médecin lui administrerait une substance pour causer sa mort.
Selon les données, il y a jusqu'à maintenant eu très peu de cas d'auto-administration, peut-être en raison des préoccupations liées aux complications possibles découlant de l'auto-administration d'une substance. L'existence d'une telle option pourrait apporter un réconfort supplémentaire qui permettrait à un plus grand nombre de Canadiens de choisir cette forme d'aide médicale à mourir.
[Traduction]
Le projet de loi prévoit d'autres modifications dont parleront mes collègues. Il s'agit notamment de l'amélioration de la collecte de renseignements et de l'instauration d'un régime de surveillance permettant d'assurer la transparence et la reddition de comptes en ce qui concerne l'aide médicale à mourir au Canada.
Une disposition transitoire ferait en sorte que les patients qui auront déjà signé leur demande lorsque le projet de loi entrera en vigueur n'auront pas à se soumettre aux mesures de sauvegarde additionnelles prévues dans ce projet de loi. Par ailleurs, ils pourront bénéficier de mesures de sauvegarde assouplies, comme l'élimination de la période de réflexion de 10 jours et la possibilité de rédiger un consentement préalable si cela s'applique à leur situation. Nous sommes déterminés à rendre le processus aussi facile que possible pour les patients.
J'aimerais aussi discuter brièvement de la constitutionnalité de ce projet de loi. Conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, j'ai procédé à l'examen du projet de loi, notamment de ses objectifs et de ses caractéristiques. J'ai confiance qu'il est conforme à la décision Truchon et qu'il respecte la Charte.
Comme l'exige également la Loi sur le ministère de la Justice, je vais bientôt déposer un énoncé concernant la Charte qui présentera certaines des principales considérations qui ont été prises en compte dans l'examen du projet de loi afin de repérer toute incompatibilité avec la Charte. Cet énoncé contribuera aux débats sur cette importante mesure législative.
[Français]
J'aimerais conclure en remerciant tous ceux et celles qui ont participé aux consultations sur l'aide médicale à mourir et dont les contributions ont permis l'élaboration de ce projet de loi. Les modifications proposées par le projet de loi au régime d'aide médicale à mourir du Canada constituent un changement fondamental de politiques, s'éloignant d'un régime de fin de vie pour s'orienter vers un régime qui privilégie l'autonomie et le soulagement de souffrances intolérables.
Je me réjouis à l'idée de travailler avec tous les membres des deux Chambres en vue d'assurer l'adoption du projet de loi C-7.
:
Madame la Présidente, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui à titre de ministre du cabinet fantôme responsable de la justice. Mon allocution aura pour sujet le projet de loi du gouvernement. J'y parlerai de quelques inquiétudes sur certains aspects du projet de loi et même de la façon dont il a été présenté à la Chambre cette semaine. Malheureusement, un grand nombre d'entre nous en ont appris le contenu dans les médias au lieu d'en être informés d'abord à la Chambre.
Ce projet de loi devait être une réponse à la décision que la Cour supérieure du Québec a rendue le 11 septembre 2019. La Cour a statué que la version actuelle de la loi était trop restrictive en ce qui concerne le critère de mort raisonnablement prévisible. À ce moment-là, l'opposition officielle a demandé au gouvernement de faire appel de la décision devant la Cour suprême du Canada afin que le Parlement reçoive des précisions sur les paramètres à respecter. Or, le projet de loi nous a été présenté sans de telles précisions.
Non seulement le projet de loi a été présenté sans avoir obtenu de précisions, mais il va également bien au-delà de ce qu'exigeait la décision de la Cour supérieure du Québec. À mon avis, c'est un affront au Parlement. Lorsque le projet de loi précédent, le projet de loi , a été adopté à la 42e législature, le Parlement, dans sa sagesse, a exigé un examen législatif du régime d'aide médicale à mourir du Canada. Cet examen législatif devait avoir lieu en juin de cette année, et c'est bien ce qui est prévu.
C'est pendant cette période d'examen que les parlementaires auraient dû étudier en profondeur la manière dont la loi du gouvernement a été appliquée ces dernières années et déterminer la meilleure façon de procéder. Au lieu d'attendre cet examen, comme il aurait dû le faire, le gouvernement a décidé de proposer des modifications à la loi maintenant, en faisant l'économie de l'étude en profondeur qui doit avoir lieu prochainement.
La réalité lorsqu'il est question de ce projet de loi, c'est qu'il est littéralement question de vie ou de mort. Il s'agit d'un enjeu extrêmement sensible. Les députés de tous les partis ont des opinions diverses et c'est en raison de cette diversité des opinions et de la sensibilité de la question que la décision de la Cour supérieure du Québec aurait dû être portée en appel devant la Cour suprême du Canada pour que nous ayons plus de clarté. Cependant, le gouvernement a décidé de rouvrir la loi et nous avons maintenant le devoir, en tant que législateurs, de mettre en évidence tout ce qui devrait être corrigé et ajouté dans la loi.
Bien des Canadiens ont communiqué avec mon bureau pour faire part de leurs inquiétudes quant à l'absence de protections concernant la liberté de conscience des professionnels de la santé. C'est d'autant plus important maintenant que le gouvernement a décidé d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes dont le décès n'est pas raisonnablement prévisible. En élargissant l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, on risque en fait de réduire le nombre de professionnels de la santé prêts à la prodiguer. Concrètement, une admissibilité élargie pourrait entraîner un lourd fardeau émotionnel pour les fournisseurs de soins de santé.
Personne ici ne peut vraiment comprendre le fardeau imposé aux professionnels de la santé qui doivent, à l'heure actuelle, prodiguer l'aide médicale à mourir. Il n'y a même rien pour assurer un soutien adéquat des professionnels de la santé qui offrent ce service et il n'y a toujours pas de peine pour ceux qui forcent un professionnel de la santé à prodiguer l'aide médicale à mourir ni de peine pour ceux qui pénalisent un professionnel de la santé qui refuse de prodiguer ce type d'aide médicale. C'est donc dire qu'il n'y a toujours rien de concret pour protéger la liberté de conscience des professionnels de la santé.
La question des directives anticipées, que le gouvernement a rebaptisées « renonciation au consentement final », est complexe et amène des interrogations en matière d'éthique et de sécurité, ainsi que des problèmes quant à la surveillance. Le fait que cette partie du projet de loi ne fasse qu'une demi-page montre bien le peu d'importance qu'on a accordé à cette question. Elle aurait dû être abordée dans le cadre de l'examen parlementaire qui aura lieu pendant l'été.
Le processus à respecter pour établir et mettre en application cette entente reste peu clair. Par ailleurs, il y a un manque de clarté quant au processus à suivre dans le cas d'une entente préalable concernant une date donnée. Le processus ne sera arrêté que si le patient manifeste une forme de résistance, mais on ne sait pas vraiment comment cela se manifestera. Que fera-t-on si le patient a simplement les idées confuses ou s'il est apathique à ce moment-là? Aux termes du projet de loi, à moins que le patient ne résiste, le processus suivra son cours.
Le projet de loi supprime également l'obligation d'attendre dix jours si la mort d'une personne est raisonnablement prévisible. Lorsque j'ai appris par les médias, avant le dépôt du projet de loi, que cette disposition serait incluse, je me suis demandé, comme bon nombre de mes collègues, ce qui avait motivé cette suppression. L'ajout de cette disposition continue à me préoccuper sérieusement, en particulier parce qu'il était déjà possible de supprimer la période d'attente de dix jours si la personne concernée risquait incessamment de mourir ou de perdre sa capacité à donner son consentement. Pourquoi donc supprimer une mesure de protection que le Parlement avait jugé bon d'inclure dans la mesure législative précédente?
Je m'interroge également sur la raison pour laquelle le projet de loi stipule qu'une période d'attente de 90 jours est nécessaire quand le décès d'un patient n'est pas raisonnablement prévisible. Pourquoi ajouter une période d'attente prolongée dans un cas et supprimer complètement la période d'attente dans l'autre?
Le projet de loi n'apporte aucune précision ou ligne directrice pour aider les professionnels de la santé à déterminer si la mort d'une personne est raisonnablement prévisible ou non. Par conséquent, il ne devrait pas leur revenir de le faire. Cette détermination indique si le patient peut accéder à l'aide médicale à mourir immédiatement ou s'il doit attendre 90 jours. C'est une pression énorme que le gouvernement place sur les professionnels de la santé du Canada.
Le ministre a également mentionné la modification du nombre de témoins indépendants exigé, lequel passerait de deux à un.
Toutes ces modifications représentent une expansion de la loi dont la portée dépasse largement le correctif qui s'imposait à la suite de la décision de la Cour supérieure du Québec. Une telle expansion aurait dû faire l'objet d'une réflexion approfondie dans le cadre de l'examen qui doit s'amorcer cet été.
Prenons un instant pour parler d'un élément qui semble omis dans toute cette histoire: les services de soins palliatifs.
En l'absence de services de soins palliatifs de qualité, les options autres que l'aide médicale à mourir sont nulles pour apaiser les souffrances. Malheureusement, au cours des dernières années, des patients se sont sentis forcés de choisir l'aide médicale à mourir parce qu'ils ne pouvaient pas accéder à des soins palliatifs.
Cela me fait penser à l'histoire d'Archie Rolland, de Montréal. M. Rolland était un architecte paysagiste qui a choisi de mettre un terme à sa vie au lieu de continuer à souffrir dans un établissement de soins de longue durée qui ne lui fournissait pas les soins appropriés.
Il était atteint de la maladie de Lou-Gehrig, et sa vie a été complètement bouleversée lorsqu'il a été obligé de quitter un hôpital de Montréal se spécialisant dans le traitement de patients ayant de graves problèmes respiratoires pour aller dans un établissement de soins de longue durée pour les malades gériatriques. M. Rolland ne voulait pas y aller, mais on a procédé à son transfert contre son gré. Il a qualifié le système d'inhumain. Selon lui, les soins qu'on lui prodiguait étaient inadéquats, alors il a préféré mourir.
Selon moi, ce n'est pas un véritable choix. Nous devons soulever la question des soins palliatifs au Canada parce que les gens ne doivent pas se sentir obligés de recourir à l'aide médicale à mourir. L'histoire de M. Rolland nous indique clairement que le système a manqué à son devoir de lui fournir les soins appropriés. Il ne faut surtout pas que l'aide médicale à mourir devienne une espèce de solution bureaucratique pour les personnes qui nécessitent un niveau supplémentaire de soins. Dans un pays comme le Canada, c'est tout à fait inacceptable. Le gouvernement risque de créer une culture où on n'attache pas de valeur à la vie. Nous devrions tous nous entendre à la Chambre pour dire que la vie humaine doit être valorisée.
En terminant, le projet de loi est un affront au Parlement et au processus parlementaire. Lors de l'étude du projet de loi , les députés ont déployé énormément d'efforts, à la Chambre et en comité, pour parvenir à un consensus. Ce travail a été contesté par la Cour supérieure du Québec, et les libéraux, au lieu de défendre la volonté des représentants élus devant le tribunal, ont immédiatement fait marche arrière.
Maintenant, en plus de donner suite à cette décision, les libéraux sont en train de faire échec au travail réalisé par le comité sur le projet de loi en proposant de nouvelles mesures.
Beaucoup de ces questions devraient être abordées au cours de l'été, lors de notre examen parlementaire. Il s'agit d'un dossier complexe qui nécessite un examen attentif et un débat.
:
Madame la Présidente, la plupart des jours, lorsque la Chambre commence ses travaux, nous prenons un moment pour prier, réfléchir, et veiller à ce que nos paroles et notre travail de représentation de la population canadienne soient faits au meilleur de nos capacités. C'est un honneur pour nous tous de nous réunir ici, au sein de la Chambre du peuple. Aujourd'hui, je prie personnellement pour que mes paroles reflètent la gravité du projet de loi , qui porte sur un sujet très sérieux.
J'ai suivi de près les avancées terrifiantes des libéraux, qui s'efforcent d'intégrer la pratique de mise à mort efficace au sein du système de santé canadien. En janvier, ils ont tenu des consultations législatives en ligne sur l'aide médicale à mourir pendant deux semaines; deux semaines seulement pour connaître l'avis de la population au sujet d'un projet de loi qui constitue réellement une question de vie ou de mort.
Une révision quinquennale obligatoire de la loi sur l'aide médicale à mourir est prévue pour le mois de juin, mais au lieu de respecter cet échéancier, les libéraux ont laissé la décision d'un seul juge du Québec dicter l'orientation législative pour l'ensemble du Canada. Un tel enjeu aurait au moins dû être renvoyé à la Cour suprême du Canada.
J'ai des inquiétudes par rapport à l'actuel , qui a voté contre le projet de loi sur l'aide médicale à mourir présenté lors de la précédente législature. Il s'est opposé à cette mesure législative non pas parce qu'il était contre, mais parce qu'il estimait qu'elle n'allait pas assez loin. C'est ce qui explique certains des changements radicaux proposés.
Puisque les libéraux ont déposé le projet de loi cette semaine, je n'ai pas eu le temps de le digérer complètement. Je tiens à préciser que mes réflexions sur la question sont préliminaires. Je pense qu'on se précipite inutilement dans ce dossier important et délicat qui touche tous les Canadiens.
Pendant les quatre premiers mois de mon mandat, j'ai entendu les témoignages de nombreux citoyens inquiets, de professionnels de la santé, de groupes de défense et de personnes aux capacités différentes et d'organisations axées sur elles.
D'entrée de jeu, je tiens absolument à souligner la valeur intrinsèque de chaque être humain, quelles que soient ses capacités. Je veux m'adresser directement à ceux qui éprouvent des douleurs physiques et morales et à ceux qui se sentent comme un fardeau. Tout le monde est aimé, important et à l'image de Dieu. Notre société permet aux patients souffrants, qui n'ont aucune chance de guérir, d'avoir accès à des options de fin de vie. Nous le devons aux Canadiens. Il faut respecter la volonté et l'autonomie de chacun.
La souffrance est à la fois difficile et bonne, ce qui est paradoxal. Tous ceux qui souffrent méritent notre amour, notre compassion et l'accès à des soins palliatifs appropriés. Je vais aborder la question des soins palliatifs dans un instant, mais j'aimerais d'abord parler du projet de loi, soulever des questions qui me préoccupent après une lecture initiale et faire entendre les craintes de personnes qui sont directement touchées par le projet de loi, y compris des professionnels du monde médical et des gens vulnérables ou handicapés.
De nombreux organismes comme Canadian Physicians for Life et la Société canadienne des médecins de soins palliatifs estiment que le projet de loi soulève maints problèmes graves. Les organismes ont cité certaines dispositions précises du projet de loi et exprimé une préoccupation plus générale à propos du fait que le projet de loi mine la confiance que la profession médicale devrait inspirer aux personnes vulnérables.
Nous faisons appel aux médecins aux moments les plus vulnérables et les plus difficiles de nos vies. Il faut que les Canadiens vulnérables puissent s'adresser au corps médical pour être protégés. Il est à la fois ironique et tragique que, dans le préambule du projet de loi, on reconnaisse l'importance de protéger les personnes vulnérables contre toute incitation à mettre fin à leurs jours, mais qu'on ne fasse rien pour appuyer ce qui devrait être une composante essentielle de notre système de soins de santé.
Le projet de loi laisse tomber beaucoup de mesures de sauvegarde entourant l'aide médicale à mourir, lesquelles étaient déjà insuffisantes, et expose les personnes vulnérables à un risque accru.
Premièrement, le critère de la mort naturelle raisonnablement prévisible a été retiré, ce qui changerait de façon draconienne l'aide médicale à mourir. Ce ne serait plus une solution pour éviter une mort douloureuse, mais pour éviter une vie douloureuse.
Deuxièmement, les exigences sur la surveillance indépendante ont été assouplies. On exigeait auparavant que deux témoins signent la demande écrite d'aide médicale à mourir du patient, et on exigerait maintenant une seule signature. Les exigences seraient réduites encore davantage, car le témoin, qui est censé être indépendant, peut être une personne payée pour prendre soin du patient, c'est-à-dire un membre du personnel médical.
Troisièmement, ce qui est troublant, c'est que le projet de loi éliminerait aussi la période d'attente de 10 jours qui était prévue pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible.
Selon le projet de loi , une personne pourrait recevoir un diagnostic et obtenir l'aide médicale à mourir le même jour, sans possibilité d'y réfléchir ou d'en discuter avec des amis ou des proches. Voilà ce que ferait ce projet de loi.
Quatrièmement, le projet de loi légaliserait aussi le suicide assisté par un médecin, selon les conditions de la demande anticipée, sans que l'on ait à demander le consentement final. On éliminerait aussi l'exigence de demander le consentement à deux reprises avant que l'on procède à l'aide médicale à mourir. Les dispositions législatives actuelles exigent qu'on demande le consentement au moment où l'aide médicale à mourir est accordée et une nouvelle fois avant qu'elle soit administrée. Selon les nouvelles dispositions législatives, une fois le consentement accordé, le personnel médical n'aurait plus à confirmer ce consentement avant d'administrer une injection létale.
Une personne peut-elle consentir d'avance à mourir lorsqu'elle sera dans une situation qu'elle craint, mais qu'elle ne vit pas actuellement et qu'elle n'a d'ailleurs jamais vécue? Une fois que la personne a signé sa demande anticipée et qu'elle a perdu la capacité de consentir à un traitement médical, à quel stade devrait-on procéder à l'euthanasie? À quel moment devrait-on mettre fin à la vie d'une personne?
Hier, dans le cadre d'une séance d'information technique, les fonctionnaires ont dû expliquer comment serait administrée l'aide médicale à mourir et quelles mesures de sauvegarde seraient en place le jour, l'heure, la minute de l'euthanasie. La loi n'exigerait la présence que d'un seul médecin. C'est consternant. Par conséquent, même si une personne voulait retirer son consentement, il n'y aurait aucun mécanisme pour garantir que sa volonté soit respectée. Un médecin ne devrait pas être autorisé à pratiquer une euthanasie seul. Une telle approche ne permettrait pas de garantir la reddition de comptes. À mon avis, c'est complètement inacceptable.
De plus, aucune disposition n'est prévue pour permettre aux gens de consulter un médecin qui ne conseille pas l'aide médicale à mourir comme une option de traitement. En fait, il n'y a aucun mécanisme pour les médecins qui voudraient refuser d'offrir l'aide médicale à mourir ni aucune protection de la conscience des professionnels de la santé qui refusent de participer à une telle procédure ou qui ne veulent pas aiguiller un patient vers un collègue.
Il y a un exemple en Colombie-Britannique. La Delta Hospice Society s'est vu refuser un financement parce qu'elle ne veut pas offrir des services d'aide médicale à mourir. Dans cet esprit, comment les gens peuvent-ils être certains que le médecin se préoccupera vraiment de leur bien-être? Ce qui est effrayant, c'est que les fournisseurs de soins de santé en faveur de l'aide médicale à mourir n'attendent pas que les gens parlent de la possibilité d'avoir recours à l'euthanasie. En fait, nous avons accès à des témoignages de personnes qui ont été encouragées à choisir cette option sans qu'elles en aient fait la demande.
Qu'advient-il de l'article 241 du Code criminel, qui érige en infraction le fait de conseiller à une personne de se donner la mort? Les personnes qui apprennent qu'elles vont peut-être mourir ne devraient pas subir de pressions de la part de l'ensemble du corps médical pour choisir une option plutôt qu'une autre.
Cela me ramène aux soins palliatifs et au bilan lamentable du Canada pour ce qui est de prendre soin des Canadiens en fin de vie. Le projet de loi ne fait rien pour améliorer l'accès aux soins palliatifs et le gouvernement a pris bien peu de mesures concrètes en ce sens. Le rapport dissident publié par les conservateurs à la suite de l'étude du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir dit: « Il n’est pas possible qu’une personne choisisse de façon vraiment autonome de mettre fin à ses jours si elle n’a pas accès à des soins palliatifs, car son seul choix est la souffrance intolérable ou l’AMM [aide médicale à mourir]. »
L'Association canadienne de soins palliatifs estime que moins de 30 % des Canadiens qui en ont besoin ont accès à des services de soins palliatifs. Le Parti conservateur tient compte de ce besoin dans sa plateforme de 2019. Ainsi, un gouvernement conservateur mettrait en œuvre le cadre sur les soins palliatifs au Canada.
Comme j'ai parlé de l'Association canadienne de soins palliatifs, je ressens le besoin de clarifier un point, à savoir que l'aide médicale à mourir ne rentre pas dans le cadre des soins palliatifs. Il ne s'agit pas d'un prolongement des soins palliatifs ni d'un outil dans la boîte des soins palliatifs. Les médias, notamment dans les articles sur les soins de santé, et, il faut bien le dire, les politiciens continuent de faire l'amalgame et de présenter sous un faux jour ces deux pratiques fondamentalement différentes.
Les soins palliatifs visent à améliorer la qualité de vie et à atténuer les symptômes des personnes souffrant de maladies qui mettent leur vie en danger grâce à une médecine holistique et à des soins centrés sur la personne.
En conclusion, à première vue je dois dire que je suis déçu que la mesure législative proposée par le gouvernement libéral pour changer l'aide médiale à mourir rate le coche à bien des égards. C'était l'occasion de mieux protéger les personnes vulnérables et souffrant de problèmes de santé mentale, de donner aux médecins le droit de suivre leur conscience et de combler bien d'autres lacunes législatives. J'espère que, dans l'esprit de ce gouvernement minoritaire, les amendements proposés par tous les partis à la Chambre seront accueillis de manière réfléchie et bienveillante.
Aux habitants de ma circonscription, je dirai que je suis opposé à ces changements et je leur demanderai instamment de me faire part de leurs observations. Beaucoup d'entre eux ont vécu des situations qui illustrent les deux côtés de ce débat et j'aimerais qu'ils m'en parlent tous.
À ceux qui souffrent dans leur chair, à ceux qui souffrent d'une profonde angoisse et à ceux qui se sentent de trop, je dirai encore une fois qu'ils sont aimés, qu'ils sont précieux et qu'ils sont faits à l'image de Dieu.
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Madame la Présidente, ce n'est pas sans une certaine émotion que je me lève à la Chambre aujourd'hui pour contribuer au débat sur l'adoption du projet de loi .
C'est parce que les législateurs que nous sommes n'ont pas fait leur travail il y a quatre ans, lors des débats concernant le projet de loi , que nous nous retrouvons aujourd'hui à débattre du projet de loi C-7. Nous ne sommes pas devant une démocratie de juges. C'est nous qui faisons les lois et qui devons porter la voix des citoyennes et des citoyens, notamment celles et ceux qui souffrent. Les juges ne font qu'interpréter la grammaire de la justice. Ils regardent les lois ainsi que les droits et les libertés et ils déterminent si l'atteinte est raisonnable ou non. Or, avant le dépôt du projet de loi , deux tribunaux nous on dit que, selon la loi, le Code criminel portait atteinte au droit à la vie, au droit à la liberté et à la sécurité d'une personne souffrante et malade, aux prises avec des souffrances intolérables ou atteinte d'une maladie irréversible.
J'espère aujourd'hui que nous allons saisir l'occasion qui nous est donnée. J'ose espérer que nous allons avoir une prolongation du débat jusqu'en juin, car le sujet est sérieux. J'espère que nous aurons un débat serein.
D'entrée de jeu, je dirais que je suis certain que tous mes collègues de la Chambre ont une intention bienfaisante. Ils veulent faire le bien. Ils sont bienveillants. Je suis persuadé que, durant tout le débat, ils seront à l'image de ce qu'ils recherchent, soit la bienfaisance et la bienveillance. Toutefois, nous ne pouvons pas être bienveillants et vouloir le bien d'une personne en phase terminale si nous refusons d'entendre ce qu'elle a à nous dire avant de mourir.
Je souhaite simplement que nous comprenions que ce qui est en jeu, c'est ce que mes amis conservateurs ont toujours mis sur un piédestal, c'est-à-dire la loi. Or, la valeur de l'autonomie est consacrée en droit par le principe de l'autodétermination de la personne, notamment en ce qui a trait aux soins qu'elle reçoit. J'y reviendrai tantôt.
Je prends un moment de ce débat sur une question aussi cruciale et délicate pour dire que je souhaite à tous mes collègues de pouvoir franchir le seuil de la mort en toute sérénité, en toute quiétude et sans souffrance. Je le souhaite à tous, car ce que l'on peut souhaiter de mieux à un être humain, c'est d'être serein et de lâcher prise et de recevoir ce qu'on appelle de bons soins palliatifs s'il est atteint d'une maladie irréversible et qu'il est en phase terminale. J'y reviendrai tantôt.
Aujourd'hui, nous discutons de l'autonomie consacrée en droit par le principe de l'autodétermination de la personne. Dans le contexte biomédical, il y a une règle. Une valeur génère un principe, soit l'autodétermination dans le cas qui nous concerne. Ce principe génère une règle précise: la règle du consentement libre et éclairé. La règle du consentement libre et éclairé en matière de soins n'a jamais été remise en question en situation d'urgence.
Pourquoi en serait-il autrement lorsqu'il s'agit d'humains en proie à des souffrances intolérables, qui sont atteints d'une maladie ou d'une affection irréversible?
Pourquoi en serait-il autrement pour des humains aptes, qui ne sont ni dépressifs ni suicidaires et qui ont démontré leur volonté de vivre pleinement jusqu'à ce qu'ils atteignent leur limite du tolérable?
J'invite donc les collègues à un débat sur l'autonomie et l'autodétermination de la personne. Si une personne arrive à l'urgence, on ne pourra pas intervenir si elle ne donne pas son consentement. Tout le monde a droit à un refus de traitement, soit dit en passant.
Dans l'arrêt Carter, qui précédait le projet de loi , la Cour suprême a statué que les dispositions visant à interdire l'aide médicale à mourir portaient atteinte à la liberté, à la sécurité et au droit à la vie. Des personnes, comme Mme Gladu, M. Truchon, Mme Carter ou Mme Taylor, n'ont pas atteint la phase terminale de vie. Elles ne sont parfois même pas en phase terminale de la maladie. Cela ne veut pas dire qu'elles n'ont pas franchi ou ne seront pas en instance de franchir leur limite du tolérable.
La Cour a dit que ces dispositions ont pour effet d'écourter la vie de ces personnes, qu'elles portent atteinte à leur droit à la vie en les incitant à faire le geste avant qu'ils ne soient prêts. C'est cela, l'enjeu. C'est à cela que nous sommes conviés. Il n'y a pas de problème lorsqu'on est en phase terminale. Les problèmes que nous devons traiter en tant que législateurs concernent les gens dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible et imminente.
Le projet de loi propose qu'une personne qui n'est pas en phase terminale doive donner deux consentements et respecter un délai de 90 jours. J'aurais bien aimé que nous puissions parler des consentements anticipés. J'imagine que nous allons y arriver. C'est à peu près tout ce qui manquerait pour que le projet de loi soit complet. On comprendra que le Bloc québécois est en faveur de l'adoption de principe de ce projet de loi.
Ce que nous voulons, c'est respecter l'autonomie morale jusqu'au seuil de la mort. On parle souvent de mourir dans la dignité. Mourir dans la dignité ne signifie pas que la mort soit belle et sans odeur. Ce n'est pas cela. La dignité d'une personne provient de son libre-choix et du respect de son libre arbitre. C'est cela, être une personne humaine. Quand on porte atteinte à cela, on porte atteinte à la dignité de l'être humain. Que la mort pue, qu'elle soit belle ou non, la vraie question est de donner le choix à l'être humain de décider de la fin de sa vie.
Malheureusement, dans l'histoire, on a gagné le droit de mourir, et ce, contre l'acharnement thérapeutique. On appelait cela à l'époque l'euthanasie passive. On laissait la personne mourir sans avoir beaucoup d'intentions. Les soins palliatifs n'étaient pas tout à fait développés. On avait très peur d'administrer une dernière dose qui soit fatale et qui finit toujours par être fatale, car les soins palliatifs, ce sont des soins.
L'être humain a gagné le droit de mourir, et ce, contre l'acharnement thérapeutique. Les gens ne mouraient pas de leur cancer; ils mouraient de la thérapie qui y était liée. Des expérimentations ont été faites sur des sujets humains. D'ailleurs, ce sont des médecins qui ont mis le pied dans la porte pour s'assurer d'avoir une qualité de vie le jour où ils auraient un cancer. Pour eux, il n'était pas question de recevoir une thérapie et d'être malades pendant un an alors qu'il leur restait deux années à vivre.
On a donc gagné la bataille entourant le droit de mourir, contre l'acharnement thérapeutique. Cela s'est développé et on a appelé cela les soins palliatifs.
Pendant longtemps, on a pensé que les soins palliatifs étaient la seule solution permettant de mourir dans la dignité. Or, ces 30 dernières années, y a-t-il eu des exemples de personnes en phase terminale, en train de mourir à petit feu, en train d'agoniser, qui n'ont pas reçu tous les soins palliatifs nécessaires pour les accompagner jusqu'à la fin, si telle était leur volonté?
Il faut d'abord se demander si les soins palliatifs sont accessibles. Il y a une augmentation des demandes d'aide médicale à mourir. En bioéthique, on parle d'éthique clinique, selon laquelle le patient est la norme. Encore faut-il l'écouter. Il arrive que, dans les meilleurs soins palliatifs du monde, dans le meilleur encadrement du monde, il ne soit pas possible de soulager les souffrances de la personne.
C'est vrai pour Mme Gladu et pour M. Truchon, mais ces gens-là ne sont pas suicidaires. Ils veulent vivre le plus longtemps possible. Quand ils voudront mourir, on pourra leur donner des antidépresseurs. Ils vont avoir toute leur tête au moment où ils vont prendre leur décision. Cependant, cette décision pourra être réversible. J'écoutais Mme Gladu, l'autre jour. Qu'est-ce qu'elle voulait? Elle voulait avoir accès au libre choix. À partir du moment où les personnes ont ce choix, elles ont souvent un tel respect de leur dignité qu'elles ne sont pas si pressées. Cela diminue énormément la souffrance. Voilà l'enjeu auquel on est confronté.
Il ne faudrait pas escamoter cet enjeu sous prétexte qu'on veut aller vite. Je me pose énormément de questions par rapport au projet de loi, parce qu'il met complètement de côté toutes les maladies cognitives dégénératives. Il me semble qu'une personne atteinte d'alzheimer devait avoir la possibilité de faire une demande anticipée.
Ce sont des maladies prédictibles. On peut dire à la personne quel sera son cheminement. Pendant plusieurs années, ces gens-là ont souvent toute leur tête. À un moment donné, la mémoire s'en va. Ensuite, ils meurent non pas de la maladie comme telle, mais des conséquences de leur alitement ou immobilisation, ou d'affections autres que la maladie dont ils souffrent. Le projet de loi actuel oublie totalement ces gens.
Ce que je ne souhaite pas, c'est qu'il arrive exactement ce qui est arrivé avec le projet de loi . On a établi un critère de mort naturelle raisonnablement prévisible et on s'est dit qu'en faisant cela, on protégeait les personnes vulnérables.
Or, y a-t-il plus vulnérable qu'une personne qui souffre, qui a des douleurs intolérables, qui est aux prises avec une maladie irréversible et à qui on va dire qu'elle devra aller devant les tribunaux pour avoir accès à son libre choix et pour retrouver sa dignité au moment où elle va mourir?
Y a-t-il un moment plus important et plus intimement lié à la personne elle-même? Ce n'est quand même pas le voisin qui va mourir à sa place.
Quand j'entends mes collègues conservateurs nous dire que l'État doit absolument décider à la place de la personne, alors qu'ils sont libertariens sur le plan économique, j'ai de la difficulté à comprendre.
En 1957, le pape Pie XII a été un précurseur. Selon lui, il fallait arrêter de dire que seul Dieu décidait si on devait mourir à petit feu ou pas. C'est lui qui a fait en sorte que l'on puisse cautionner les soins palliatifs, à un moment donné.
Aujourd'hui, ne mettons pas dos à dos les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir, peu importe qu'il s'agisse d'une maladie dégénérative ou d'une maladie qui cause d'extrêmes souffrances sans pour autant que la personne soit en phase terminale. N'opposons pas ces deux réalités. Le respect de la dignité humaine passe par un bel accompagnement vers la mort, ce qui exige des médecins qu'ils aient l’humilité de reconnaître qu’ils ne peuvent pas toujours soulager adéquatement une personne.
Notre société reconnaît notre droit à l’autodétermination tout au long de notre vie, mais nous le retire au moment le plus intime de notre vie. Ce faisant, on pense savoir ce qui est bon pour les gens ou on pense bien faire, mais on porte en fait atteinte à la dignité humaine. Il n’y a pas de moment plus important dans la vie d’un être humain que sa mort. Apprendre à vivre, c’est apprendre à mourir. Apprendre à mourir, c’est apprendre à vivre. Si je dis cela, c’est parce que le décompte commence dès le moment où l'on coupe le cordon ombilical.
J’en appelle à l’humanité de mes collègues. Je suis profondément démocrate, humaniste et, oui, souverainiste. Je suis ces trois choses, mais pas l’une plus que l’autre devant des problèmes comme celui-ci.
Je ne dis pas qu'il aurait fallu que le gouvernement fédéral conteste cette décision parce qu'elle provenait d'un tribunal du Québec. De toute façon, c’est une cour relevant de l'autorité fédérale qui a rendu ce jugement.
Ce jugement nous enjoint, nous le législateur, de faire notre travail et d’arrêter de pelleter les problèmes, les questions éthiques, les questions sociales et les questions politiques dans la cour des tribunaux. Nous avons un travail à faire en tant que législateur.
Il existe une sociologie du droit. Dans une société, le droit évolue avec les consciences. Je sais évidemment que je suis loin des détails techniques du projet de loi. Cependant, j’ai dit d’entrée de jeu que nous étions d’accord sur le principe et sur les bases de discussion de ce projet de loi. Je m’excuse d’être un peu trop philosophe aujourd’hui, mais le fond du débat est là, il est éthique et il est politique, au sens noble de ces termes. En effet, nous sommes ceux qui font les lois pour assurer le bien-être de tous. C’est un débat philosophique et, d’une certaine façon, théologique, et qui nous amène vers le droit. Cependant, peu importe le temps que nous y consacrerons, utilisons des arguments de fond.
Lorsque j’entends des arguments voulant que l'on s’engage sur une pente glissante, je me rappelle l’étude du projet de loi lors de la dernière législature, alors que certaines personnes disaient pratiquement que les centres d'hébergement et de soins de longue durée deviendraient des machines à euthanasie. Or, je ne connais personne de malfaisant qui travaille dans le réseau de la santé, peu importe son emploi. S’il se trouve une telle personne, qu'on la renvoie, car elle n’a pas sa place là. L’argument de la pente glissante, je n'y crois pas.
Il faut dès le départ tenir pour acquis que tous les intervenants du réseau de la santé sont bienfaisants. Oui, ils ont parfois des difficultés. Avec un peu plus de transferts en santé, ils pourraient donner de meilleurs soins et il y aurait peut-être plus d’unités de soins palliatifs dans les hôpitaux. Même si je ne crois pas que les soins palliatifs sont la seule solution, c'est pourtant ce que tout le monde a répété pendant 50 ans. Il est donc anormal qu'il n'y ait pas davantage d’unités de soins palliatifs.
Ce ne sont pas tous les gens qui font une demande d’aide médicale à mourir. Je parle beaucoup de ceux qui ne posent pas problème. Au Québec, où la loi québécoise est en vigueur, l'obligation de respecter le critère de mort naturelle raisonnablement prévisible force des gens à se présenter devant les tribunaux ou à faire des grèves de la faim. Ce critère était totalement abusif, et les tribunaux ont rendu à son sujet un jugement tout à fait adéquat.
J'en appelle donc à l'humanité de tous mes collègues.
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Madame la Présidente, il est assez incroyable que nous débattions encore de cette question. Je me souviens du débat sur le projet de loi , en 2016. De remarquables allocutions ont alors été prononcées dans l'édifice du Centre. C'est un enjeu qui a eu un effet profond sur un grand nombre de députés, mais aussi, comme nous le savons, sur un grand nombre de citoyens.
J'ai eu l'honneur, en 2017, d'être porte-parole de notre parti en matière de justice. Je suis heureux d'être maintenant porte-parole adjoint en matière de justice pour le NPD. J'ai toujours eu l'impression que le rôle de porte-parole en matière de justice était assorti d'une grande responsabilité, surtout quand nous traitons du Code criminel. Je ne pense pas qu'il existe une autre loi au Canada qui a autant de répercussions sur les gens qui en enfreignent les dispositions. Le Code nous guide beaucoup, comme dans le cas de l'aide médicale à mourir, quant aux paramètres établis.
Au sujet de l'aide médicale à mourir, comme bien des députés, j'ai reçu beaucoup de communications à ce sujet en 2016, tant d'électeurs qui étaient contre que d'électeurs qui voulaient que je la défende.
Je pense que c'est une situation à laquelle, comme députés, nous sommes régulièrement confrontés. Nous devons tenir compte des désirs des électeurs, mais ils ne sont pas toujours nettement définis. Nous devons essayer de les mettre dans la balance avec nos opinions personnelles sur le sujet et, par la suite, essayer de rendre compte des décisions que nous avons prises ici en leur nom.
S'agissant d'un enjeu aussi complexe que l'aide médicale à mourir, je crois fondamentalement que nous devons, au-delà de la partisanerie, travailler ensemble dans une optique de compassion. Nous devons faire le nécessaire pour que les Canadiens puissent obtenir, par compassion, de mourir dans la dignité et sans souffrance excessive, au terme d'un processus équitable.
Je suis heureux de voir que le projet de loi est présenté dans le cadre des efforts visant à aider les Canadiens qui souhaitent abréger leurs souffrances inutiles à la fin de leur vie. Le projet de loi découle d'une décision rendue par un tribunal québécois. Lors du débat sur le projet de loi en 2016, il était évident pour moi et de nombreux membres du caucus néo-démocrate que nous reviendrions sur le dossier. Nous savions que ce n'était qu'une question de temps.
Je me souviens d'avoir fait très clairement référence, pendant le débat sur le projet de loi , à la décision Carter, qui a été rendue le 6 février 2015 par la Cour suprême, quelques mois avant la fin de la 41e législature, alors que le gouvernement Harper était au pouvoir.
Lorsque le gouvernement libéral actuel est arrivé au pouvoir en 2015, le dossier de l'aide médicale à mourir était l'un des grands dossiers devant être abordés sans tarder, car l'échéance fixée par la Cour approchait à grands pas. Le gouvernement s'est donc dépêché de faire adopter une loi respectant la décision Carter.
Je tiens à saluer deux de mes collègues, Murray Rankin et Brigitte Sansoucy. En tant que députés néo-démocrates, ils ont siégé au comité mixte spécial qui a examiné la question à la suite de la décision Carter et qui a présenté des recommandations à la Chambre des communes.
Quand on prend connaissance de l'arrêt Carter, qui est à l'origine de tout ce processus ayant commencé il y a un peu plus de cinq ans, on constate que, selon les juges, interdire à une personne de s'enlever la vie pour échapper à des souffrances va à l'encontre de ses droits garantis par la Charte. Je cite l'arrêt:
En l'espèce, la prohibition prive certaines personnes de la vie car elle a pour effet de forcer certaines personnes à s'enlever prématurément la vie, par crainte d'être incapables de le faire lorsque leurs souffrances deviendraient insupportables.
L'arrêt dit également ceci:
La réaction d'une personne à des problèmes de santé graves et irrémédiables est primordiale pour sa dignité et son autonomie. La prohibition prive les personnes se trouvant dans cette situation du droit de prendre des décisions relatives à leur intégrité corporelle et aux soins médicaux et elle empiète ainsi sur leur liberté. Et en leur laissant subir des souffrances intolérables, elle empiète sur la sécurité de leur personne.
La prohibition viole donc l'article 7 de la Charte des droits et libertés. Je vais lire le libellé de l'article 7 aux fins du compte rendu, pour que tous sachent de quoi il est question:
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
L'arrêt Carter explique clairement qu'en privant les gens de cette option et en les maintenant dans une souffrance constante, où ils sont essentiellement prisonniers de leur corps, nous portons atteinte aux droits garantis par l'article 7. Voilà le message sans équivoque qui a été transmis au Parlement.
Les tribunaux et le législateur sont constamment en train de chercher un difficile équilibre. Les tribunaux sont responsables d'interpréter la loi, certes, mais aussi de déterminer si une loi est contraire à la Constitution. Ils reconnaissent que le Parlement a un rôle de législateur à jouer, car c'est la seule institution à même de modifier une loi selon le désir du peuple. C'est la tâche qui nous a été confiée au début de la 42e législature.
Lorsque le comité mixte spécial a été formé avec l'autre endroit, il y a eu des recommandations claires découlant directement de l'arrêt Carter. Je cite la recommandation no 2:
Que l’aide médicale à mourir soit accessible aux personnes atteintes de maladies terminales et non terminales graves et irrémédiables leur causant des souffrances persistantes qui leur sont intolérables au regard de leur condition.
Le problème qui nous a menés à la situation actuelle, c'est que les promoteurs du projet de loi , un projet de loi d'initiative ministérielle, avaient choisi d'inclure une référence à la notion de « mort raisonnablement prévisible ». Cette notion signifie que si une personne souffre d'un état médical pour lequel la mort n'est pas raisonnablement prévisible, elle ne peut être admissible à l'aide médicale à mourir.
Par ailleurs, suite aux recommandations formulées par le comité mixte spécial, les promoteurs du projet de loi C-14 ont abordé le concept de directives préalables, qui, je suis heureux de le constater, se retrouve également dans le projet de loi .
La décision Truchon, rendue en 2019 par la Cour supérieure du Québec, concerne deux plaignants qui souffrent chacun de troubles médicaux graves et incurables entraînant des souffrances inouïes et une perte totale d'autonomie.
Il s'agit de Nicole Gladu, âgée de 74 ans, qui se déplace en fauteuil roulant et souffre du syndrome de post-poliomyélite, une maladie qui a affaibli ses muscles et réactivé la scoliose qu'elle a depuis l'enfance. Elle éprouve des difficultés à respirer et vit constamment avec la douleur. La deuxième personne dont il est question est Jean Truchon, un homme de 51 ans atteint de paralysie cérébrale dès la naissance et qui n'a plus l'usage de ses quatre membres. Il a perdu l'usage de son seul membre valide en 2012 en raison d'une sténose spinale sévère qui l'a laissé presque complètement paralysé et a provoqué des spasmes douloureux. Il a dû abandonner la pratique de la plupart de ses activités et s'est tourné vers l'aide à la vie autonome étant donné qu'il n'était plus en mesure de faire grand-chose par lui-même.
Ces deux personnes se sont vu refuser l'aide médicale à mourir en vertu de la législation québécoise sur les soins de fin de vie, car elles ne sont pas en fin de vie. Leur décès n'est pas raisonnablement prévisible.
À cause de ces graves maladies, ces gens étaient prisonniers de leur propre corps et n'avaient aucune possibilité d'alléger leur souffrance. En fait, la question principale est de savoir si notre institution est prête à respecter l'autonomie individuelle. Nous pouvons à peine imaginer la souffrance et la douleur que ces gens ont dû endurer à toute heure. Lorsque deux personnes en arrivent à cette décision et qu'elles ont eu, de toute évidence, le temps d'y réfléchir, je pense que nous avons le devoir de respecter leur décision, mais surtout, de respecter la décision d'un tribunal qui s'est penché sur cette affaire et qui a déterminé qu'on a porté atteinte à des droits fondamentaux de ces personnes qui sont garantis par la Charte.
Maintenant que j'ai parlé du long processus des cinq dernières années, je vais revenir au projet de loi .
Je suis heureux que l'on ait présenté ce projet de loi. Le faisait partie des quatre députés libéraux qui ont voté contre le projet de loi . Je crois qu'il a maintenant l'occasion de boucler la boucle. Maintenant qu'il est ministre de la Justice, j'espère qu'il ressent une certaine satisfaction à l'idée de pouvoir apporter des mesures correctives pour remédier aux lacunes qu'il percevait lorsqu'il était simple député libéral et qu'il a voté contre le projet de loi, en 2016.
Comme l'exige la décision du tribunal au Québec, le projet de loi élargira l'accès à l'aide médicale à mourir pour ceux dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible. Je peux assurer à la Chambre que nous appuyons le principe du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Cependant, lorsque le projet de loi sera renvoyé au Comité permanent de la justice, nous allons exercer la diligence nécessaire pour veiller à ce que, par l'ajout de nouvelles conditions dans la loi, l'accès à l'aide médicale à mourir ne soit pas restreint inutilement pour les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
Nous voulons aussi que les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir demeurent élevés. Nous sommes toujours déçus que le ne se soit pas engagé à demander au Comité permanent de la justice, lorsqu'il commencera en juin l'examen officiel des dispositions de la loi portant sur l'aide médicale à mourir, de déterminer si la mesure législative prévoit des mesures de sauvegarde adéquates pour empêcher une personne de subir des pressions qui la pousseraient à demander l'aide médicale à mourir. J'espère que le gouvernement nous écoutera et qu'il répondra à nos préoccupations à ce sujet.
Plus précisément, le projet de loi prévoit deux séries de mesures de sauvegarde: une pour les gens dont la mort est raisonnablement prévisible et l'autre, pour ceux dont elle ne l'est pas.
Pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible, le projet de loi supprime l'obligation d'attendre 10 jours, fait passer de deux à un le nombre de témoins indépendants devant être présents lors de la signature de la demande écrite, autorise un travailleur de la santé ou un professionnel salarié à être un témoin indépendant, et prévoit une renonciation au consentement final.
Pour les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, le projet de loi prévoit quelques restrictions supplémentaires en réponse à la décision de la Cour supérieure du Québec. La première restriction importante, qui nécessitera une étude plus approfondie au Comité, exige une période d'évaluation de 90 jours qui, je pense, peut être raccourcie si la perte de la capacité à consentir est imminente et si toutes les évaluations sont terminées.
Cependant, comme je l'ai dit lors de la période des questions et observations, certains membres du corps médical nous ont déjà dit que cette exigence d'une évaluation de 90 jours pourrait signifier que leurs patients doivent endurer 90 autres jours de souffrance. C'est quelque chose qui pèse très lourd sur la conscience des médecins qui, lorsqu'ils prêtent le serment d'Hippocrate, s'engagent à ne pas être volontairement une cause de tort. Or, ils causent du tort à leurs patients en les laissant souffrir tous les jours.
Je pourrais parler des autres éléments de cette deuxième démarche, mais je ne pense pas qu'il faille entrer dans les détails à cette étape-ci. Le Comité permanent de la justice s'en chargera.
J'aimerais aussi aborder un autre élément du projet de loi , à savoir la directive préalable, aussi appelée modification Audrey Parker. Cette directive fait allusion à Audrey Parker, une femme d'Halifax qui a reçu un diagnostic de cancer du sein de stade IV, avec des métastases aux os et une tumeur au cerveau. Au cours des dernières semaines de sa vie, elle s'est efforcée de sensibiliser la population aux enjeux auxquels se heurtent les Canadiens qui ont été évalués, puis approuvés pour l'aide médicale à mourir. Elle a choisi de mettre fin à sa vie plus tôt qu'elle ne l'aurait voulu. La loi actuelle exige que le malade ait toutes ses capacités immédiatement avant de se faire administrer le traitement qui provoquera sa mort.
Cela pose un certain nombre de problèmes. Si une personne a déjà obtenu l'autorisation de recourir à l'aide médicale à mourir conformément aux limites étroites établies dans le projet de loi , elle peut présenter la directive préalable afin que sa volonté de mourir soit honorée même s'il y a une perte de facultés. Cela aurait pour effet de réduire la pression exercée sur les malades de mettre un terme à leur vie plus rapidement que prévu alors qu'ils possèdent les capacités d'agir selon leur propre volonté. Ainsi, je pense qu'il convient de souligner cette section particulièrement importante du projet de loi, et je me réjouis à l'idée d'entendre les témoignages au comité de la justice.
J'ai reçu de la correspondance au sujet de la modification Audrey Parker. J'ai devant moi un courriel d'une habitante de ma circonscription. Elle m'a envoyé une copie de son message à l'intention du . Elle écrit ceci:
Ces mesures confirment que le patient est admissible à l'aide médicale à mourir aux termes de la loi, ce qui rend superflu le consentement exigé au stade avancé de la maladie et qui fait subir un stress physique et émotionnel énorme aux personnes qui risquent de perdre soudainement leurs capacités ou qui ont besoin de médicaments très forts pour gérer leur douleur.
Surtout, cette exigence injuste signifie qu'un choix cruel s'offre aux personnes dont la demande d'aide médicale à mourir a été évaluée et approuvée: accéder à l'aide médicale à mourir immédiatement ou attendre et risquer de perdre leur droit à une mort paisible.
À l'heure actuelle, des mourants mettent fin à leurs jours beaucoup plus tôt qu'ils ne le souhaiteraient ou refusent des soins adéquats contre la douleur de crainte de perdre leur droit à une mort paisible. Ce fardeau est inacceptable pour qui que ce soit et constitue une violation nette et grave des droits garantis par la Charte canadienne.
Voilà simplement un exemple de la correspondance que je reçois à l'égard de cet aspect précis. Il est en fait vraiment agréable d'entendre quelqu'un expliquer aussi clairement la situation, car je suis convaincu que nous avons tous, dans nos circonscriptions, des citoyens qui subissent ces pressions.
Le sujet est lourd. Je sais que les opinions seront multiples à la Chambre et à la grandeur du pays à savoir si nous sommes sur la bonne voie.
Dans de tels moments, lorsqu'on doit prendre une décision capitale, nous devons faire une introspection et nous tourner vers l'empathie, plutôt que vers la sympathie, deux concepts différents. La sympathie, c'est d'être touché face à la situation que vit une autre personne, alors que l'empathie, c'est de tenter de se mettre à la place de l'autre personne pour voir le monde à sa façon.
La vérité, c'est que les députés, qui sont en bonne santé et mènent une vie privilégiée, ne peuvent pas vraiment comprendre et exprimer ce que c'est que d'être prisonnier de son propre corps et quelle souffrance en découle. Ultimement, mon opinion au sujet du projet de loi et de l'orientation que nous devons adopter repose sur une volonté de nous assurer que les gens puissent traverser la mort avec autant de dignité que la vie, que leur autonomie soit respectée, que leurs décisions soient respectées et que les droits que leur confère la Charte ne soient pas violés.
En terminant, je dirai que les néo-démocrates appuieront le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, en gardant en tête qu'il devra être étudié par le comité et que ce sera alors l'occasion d'entendre des membres du public et divers témoins. J'espère que, quand il sera renvoyé à la Chambre, le projet de loi aura été amendé de façon à ce que tous puissent considérer que nous avons fait de notre mieux pour répondre aux importants souhaits de ceux qui, dans nos circonscriptions respectives, vivent toute cette souffrance.
:
Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue le député de .
Je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour parler du projet de loi . Pendant le discours que j'ai préparé, je vais tenter de répondre à certaines des questions qui ont déjà été soulevées.
Nous sommes saisis de ce projet de loi aujourd'hui en raison de la décision prise par la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Truchon. Cette décision a invalidé un critère précis qui est prévu dans les régimes québécois et canadien et qui porte sur l'aide médicale à mourir prodiguée à un patient en fin de vie. Il s'agit du critère qui parle de « mort naturelle raisonnablement prévisible », du moins à l'échelle nationale.
La décision de la Cour ne s'applique qu'au Québec. Le ministre en a parlé tout à l'heure. Il a suspendu la déclaration d'invalidité pendant une période de six mois, soit jusqu'au 11 mars. Il est important que la Chambre sache que, le 17 février dernier, le procureur général du Canada a présenté une requête en prolongation afin que le Parlement ait le temps d'adopter une réponse appropriée et cohérente en matière de droit pénal. Cette requête a été débattue hier, et la Cour devrait faire connaître sa décision prochainement.
Avant d'entrer dans les détails du projet de loi, j'aimerais parler de deux dispositions importantes liées à la protection de la liberté de conscience, un sujet soulevé par des députés de l'opposition officielle dans le cadre de ce débat. Je tiens à ce qu'il soit bien clair que la liberté de conscience est bien protégée au Canada et que cette protection est prévue dans la loi.
On en parle d'abord dans le préambule de l'ancien projet de loi , où on dit ceci: « que chacun jouit de la liberté de conscience et de religion au titre de l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. »
Certains députés de l'opposition officielle m'ont demandé pourquoi cette protection se trouvait seulement dans le préambule et non dans la loi. Cette affirmation est fausse, car cette protection est aussi prévue dans le corps de la loi. L'article 9, à la page 8 de l'ancien projet de loi , qui modifiait le paragraphe 241.2(9) du Code criminel, se lit comme suit: « Il est entendu que le présent article n'a pas pour effet d'obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l'aide médicale à mourir. »
Enfin, je vais citer un troisième élément tiré de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter, dont on a abondamment parlé dans cette enceinte jusqu'ici. Il s'agit d'un passage tiré du paragraphe 132 des motifs de la majorité dans cette affaire. La Cour dit: « À notre avis, rien dans la déclaration d'invalidité que nous proposons de prononcer ne contraindrait les médecins à dispenser une aide médicale à mourir. »
Ce sont les trois endroits où les libertés définies à l'article 2 de la Charte sont prises en compte. L'un de ces endroits se trouve dans la jurisprudence, et les deux autres sont dans la loi. Il y a un quatrième endroit, et il s'agit bien sûr de l'article 2 de la Charte lui-même, qui protège la liberté de conscience de tous les Canadiens, y compris ceux qui pratiquent la médecine. Par conséquent, il est complètement faux d'affirmer que le droit à la liberté de conscience ne serait pas protégé ou qu'il serait en train de s'effriter.
Je tiens également à répondre à un autre argument présenté lors des délibérations d'aujourd'hui. Il s'agit de l'idée selon laquelle s'est installée une culture où l'aide médicale à mourir serait excessivement encouragée, et qu'apparemment, ce projet de loi d'initiative ministérielle pousserait les professionnels de la santé à adopter des pratiques abusives qui nient le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes vulnérables, notamment les personnes handicapées. Cette idée est complètement fausse et ne correspond nullement aux données probantes.
On peut facilement retrouver les données dont nous disposons dans l'information technique que tous les députés ont reçue. On peut y voir qu'au total, 13 000 personnes ont reçu l'aide médicale à mourir au pays au cours des quatre dernières années. L'âge moyen des personnes qui ont eu accès à l'aide médicale à mourir est de 75 ans. Les hommes et les femmes y ont accès en proportions égales, c'est-à-dire que 51 % des personnes étaient des hommes et 49 % étaient des femmes. La maladie la plus susceptible de mener à une demande d'aide médicale à mourir est le cancer, qui est la cause de 67 % des demandes. Au deuxième rang se trouvent les maladies neurologiques, puis les maladies cardio-vasculaires.
Par ailleurs, et c'est important, au cours de la dernière année pour laquelle des données ont été analysées, un total de 5 444 personnes ont pu accéder à l'aide médicale à mourir au pays, ce qui représente 1,89 % de tous les décès enregistrés. Je tiens à consigner ces renseignements au compte rendu, car je crois qu'il est important que les gens comprennent que nous ne vivons pas dans une société où l'aide médicale à mourir est imposée aux patients. J'aurai l'occasion d'y revenir.
[Français]
J'aimerais aborder quelques aspects de ce projet de loi. Les critères d'admissibilité ont changé. Cela a été mentionné par le .
Il y a deux séries de mesures de sauvegarde. L'une s'applique dans le cas où la mort de la personne est raisonnablement prévisible, tandis que l'autre s'applique quand ce n'est pas le cas et ajouterait de nouvelles mesures de sauvegarde de cette deuxième catégorie.
Enfin, le projet de loi propose de permettre une renonciation au consentement final le jour de la procédure dans des circonstances particulières.
[Traduction]
J'y reviendrai dans quelques instants.
On a beaucoup parlé du processus de consultation. Le député de estime qu'on l'a mené à la hâte et que le gouvernement n'écoute pas attentivement les Canadiens. J'ai beaucoup de respect pour tous les députés qui participent au débat actuel et qui soulèvent des préoccupations personnelles, éthiques, juridiques et morales. Je comprends très bien, et le gouvernement aussi.
Cependant, affirmer que la consultation n'était pas rigoureuse est, encore une fois, tout à fait faux. Nous avons entendu le témoignage de 125 experts: des infirmiers, des médecins, des personnes représentant les personnes handicapées, d'autres leur fournissant des services, et cetera. Nous avons reçu les points de vue de 300 000 Canadiens, qui ont répondu à un questionnaire décrivant les différents scénarios.
Les opinions de ces personnes étaient très précises concernant leurs désirs. Elles voulaient être habilitées à prendre leurs décisions de façon autonome et dans la dignité. Elles voulaient qu'il y ait moins d'obstacles dans le régime, qui est devenu trop restrictif, comme l'indique le tribunal dans la décision Truchon. C'est ce qu'il nous reste à faire. Ce qu'il faut comprendre, c'est que tous ces commentaires ont directement servi à rédiger le projet de loi.
[Français]
En ce qui concerne les modifications proposées au Code criminel relativement aux critères d'admissibilité, l'exigence de la mort naturelle raisonnablement prévisible sera supprimée de la liste des critères d'admissibilité. Cela fait suite à la décision Truchon.
L'effet juridique de cette modification serait que les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible seraient admissibles à l'aide médicale à mourir si elles satisfont à tous les autres critères d'admissibilité.
[Traduction]
C'est très important.
Le projet de loi propose d'exclure les personnes dont la seule affection sous-jacente est une maladie mentale. Beaucoup de députés ont abordé ce point dans le cadre du débat d'aujourd'hui. C'est important, comme l'a souligné le ministre. Le projet de loi tient compte du fait que ces cas sont plus complexes et comportent davantage de risques, comme nous l'ont confirmé de nombreux médecins, intervenants et experts pendant les tables rondes.
Ce qui est très important, c'est que l'Association canadienne pour la santé mentale appuie la position que nous prônons concernant l'exclusion de la santé mentale comme seule affection sous-jacente pour rendre une personne admissible à l'aide médicale à mourir.
[Français]
Il est donc proposé que cette question complexe soit examinée plus à fond dans le cadre de l'examen parlementaire des dispositions législatives sur l'aide médicale à mourir, qui devrait débuter cette année et qui a été mentionné par le ministre lui-même en juin de cette année.
[Traduction]
Plus important encore, le gouvernement du Québec a aussi annoncé le même examen sur la même disposition, à savoir que la maladie mentale comme seule condition médicale invoquée est une question complexe. Le consentement et la capacité de même que le fait d'être en mesure de poser un diagnostic et de recevoir un pronostic sont des enjeux cruciaux.
J'aborderai maintenant certains des commentaires formulés. Il est important pour les gens de comprendre que les mesures de protection touchent deux scénarios: les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible et celles pour qui elle ne l'est pas.
En ce qui concerne certains des aspects soulevés lors du débat d'aujourd'hui, nous avons supprimé de la loi la période de réflexion de 10 jours. Cette décision a été fermement critiquée par le député de lorsqu'il a demandé quelle en était la raison. La raison est que cette mesure de protection n'atteignait pas les objectifs visés. Au lieu de protéger les personnes vulnérables, elle les rendait encore plus vulnérables du fait que, dans certains cas, leurs souffrances étaient prolongées.
Nous avons entendu, et le ministre s'est prononcé à ce sujet, que certaines personnes s'inquiétaient tellement de ne pas pouvoir être capables de donner leur consentement éclairé après les 10 jours de réflexion qu'elles arrêtaient de prendre leurs médicaments contre la douleur, ce qui augmentait leur souffrance, seulement dans le but de pouvoir conserver leur capacité de donner leur consentement éclairé jusqu'à la fin.
Pour ce qui est de la question soulevée récemment par le député de concernant la manière dont on peut s'assurer qu'il y a consentement éclairé si on ne le demande pas activement, j'ai deux réponses. Il s'agit du régime de consentement préalable.
Le gouvernement connaît la situation d'Audrey Parker et nous en avons tenu compte. Lorsqu'on a évalué le cas d'une personne, qu'on a approuvé la procédure, que cette personne décide qu'elle souhaite aller de l'avant et qu'elle fournit son consentement par écrit, ce consentement est suffisant.
Pour répondre simplement au député de à savoir si le consentement pourrait être vicié, la réponse est oui. Si la personne n'a pas perdu sa capacité, le consentement pourrait être vicié. Cela pourrait se faire au moyen d'un geste qui serait interprété comme viciant totalement ce consentement pour les besoins des praticiens.
Le projet de loi établit un équilibre et cet équilibre est important. Nous sommes conscients qu'il est essentiel d'adopter une approche de compassion qui protège les personnes vulnérables et respecte également leur dignité et leur autonomie. La Constitution l'exige.
C'est ce que représente ce projet de loi et j'ai bon espoir, comme l'a souligné le député du Bloc québécois, que nous pourrons rallier tous les partis sur ce point fondamental.
:
Monsieur le Président, comme les députés le savent, dans la décision qu'elle a rendue le 11 septembre 2019 à l'égard de l'affaire Truchon, la Cour supérieure du Québec a invalidé le critère de la mort naturelle raisonnablement prévisible comme condition d'admissibilité à l'aide médicale à mourir prévue dans le Code criminel. C'est avec grand plaisir aujourd'hui que je participe au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , qui se veut la réponse du gouvernement à cette décision et qui comprend un cadre de sauvegarde révisé.
Le projet de loi propose de modifier le Code criminel de manière à assurer l'application cohérente des dispositions législatives sur l'aide médicale à mourir et à adapter les mesures de sauvegarde de ce régime pour que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir ne soit plus limitée en fonction des circonstances de fin de vie. Plus précisément, le projet de loi créerait deux ensembles de mesures de sauvegarde à appliquer avant d'administrer l'aide médicale à mourir.
Le premier ensemble viserait les personnes mourantes dont la mort est raisonnablement prévisible. Dans ce cas, la plupart des mesures de sauvegarde existantes continueraient de s'appliquer, mais certaines mesures seraient assouplies ou éliminées. Le deuxième ensemble viserait les personnes dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible. C'est la raison pour laquelle nous discutons de ce projet de loi aujourd'hui, car ces mesures visent à donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec.
Cette manière de différencier les demandes d'aide médicale à mourir concorde avec le point de vue selon lequel fournir une aide médicale à une personne dont la mort naturelle est vraisemblablement prévisible comporte moins de risques et est moins compliqué que de fournir une telle aide à une personne dont la trajectoire vers la mort n'est pas aussi clairement tracée. Il est sensé et juste que l'on adapte l'évaluation d'une demande d'aide médicale à mourir selon les cas, afin de tenir compte des différents types de risques que ceux-ci comportent.
Pour les gens qui font une demande d'aide médicale à mourir et dont la mort naturelle est vraisemblablement prévisible, on propose des modifications aux mesures de sauvegarde prévues dans la loi, notamment l'élimination de la période de réflexion obligatoire de 10 jours, dont il a beaucoup été question dans les discours entendus aujourd'hui; une réduction du nombre de témoins indépendants; et une modification aux critères d'admissibilité des témoins indépendants.
Les mesures de sauvegarde existantes, comme le fait que deux médecins ou infirmiers praticiens indépendants doivent vérifier l'admissibilité de la personne et que celle-ci doit confirmer son consentement immédiatement avant la prestation de l'aide médicale à mourir, demeurent inchangées pour ceux dont la mort naturelle est vraisemblablement prévisible. On prévoit une exception pour les cas précis où le consentement est exprimé à l'avance. Je parle de l'amendement d'Audrey, qui a une très grande importance à mes yeux, compte tenu du fait qu'Audrey Parker était originaire d'Halifax, dans ma province.
Lors des consultations récentes du gouvernement au sujet de l'aide médicale à mourir, les intervenants ont souligné que la période d'attente de 10 jours, qui est prévue à l'heure actuelle, pourrait avoir pour effet de prolonger inutilement les souffrances d'un patient. Nous pouvons tous imaginer le genre de défis que cela poserait. Le projet de loi propose de retirer cette exigence pour les patients dont la mort est raisonnablement prévisible. Une personne qui souffre et qui demande l'aide médicale à mourir a probablement réfléchi fort longtemps avant de prendre sa décision. Demander à un patient souffrant des douleurs insupportables d'attendre 10 jours supplémentaires est tout simplement injustifié.
En ce qui concerne les deux volets d'une demande d'aide médicale à mourir, on propose de modifier l'exigence voulant que deux témoins indépendants soient présents au moment de la présentation de la demande pour qu'il soit dorénavant nécessaire qu'un seul le soit. Le rôle d'un témoin indépendant est d'attester que la demande d'aide médicale à mourir a été signée et datée de façon volontaire par la personne faisant la demande. Le témoin ne participerait pas au processus d'évaluation de l'admissibilité, qui est la responsabilité de deux médecins ou infirmiers praticiens indépendants, et il n'aurait pas non plus à confirmer si les protections prévues dans le Code criminel ont bien été respectées.
Les règles actuelles empêchent également certaines personnes, comme les professionnels de la santé et les préposés aux services de soutien, d'agir à titre de témoins indépendants. Cela peut créer certains obstacles pour les personnes qui habitent dans des foyers pour personnes âgées ou d'autres types de milieux résidentiels où elles n'ont pas nécessairement de famille ou de réseaux sociaux.
En m'appuyant sur ce que je connais de ma circonscription, je peux affirmer avec certitude qu'il y a des gens dans les foyers ou d'autres types d'hébergement semblable qui ne peuvent pas faire appel à beaucoup de parents ou d'amis. À mon avis, c'est une question importante. Les travailleurs rémunérés qui donnent des soins personnels ou des soins de santé sont susceptibles d'être parmi le nombre limité de contacts personnels des gens vivant dans un établissement de santé, comme j'y ai fait allusion. Les modifications au régime d'aide médicale à mourir permettraient à un travailleur professionnel rémunéré du secteur des soins personnels ou des soins de santé d'être un témoin indépendant, ce qui améliorerait l'accès pour ce segment de la population. C'est un aspect fondamental.
En ce qui concerne les patients qui sont admissibles à l'aide médicale à mourir, mais dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible — l'élément principal de la décision Truchon —, le projet de loi propose un ensemble distinct de mesures de sauvegarde qui s'ajoute aux mesures existantes, comme les demandes écrites qui doivent être signées devant un témoin indépendant et la confirmation du consentement.
Dans les cas où la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible, de nouvelles exigences s'appliqueraient, mettant l'accent sur la nécessité d'observer une période de réflexion supplémentaire, de consulter un spécialiste et de se renseigner davantage. J'estime qu'il s'agit là d'une solution équilibrée.
Premièrement, il y aurait une période d'évaluation initiale de 90 jours, laquelle pourrait être écourtée en cas de perte imminente des capacités si l'évaluation est terminée. Deuxièmement, l'un des médecins effectuant l'évaluation devrait posséder une expertise en ce qui concerne la condition à l'origine des souffrances de la personne.
En outre, deux précisions s'ajouteraient aux critères associés au consentement éclairé. Premièrement, le patient doit être informé des options qui s'offrent à lui en matière de services de consultation psychologique, de services de soutien en santé mentale, de services de soutien aux personnes handicapées, de services communautaires et de soins palliatifs. Essentiellement, on doit le renseigner sur les soins de santé et les formes de soutien qui existent.
Le deuxième médecin ou infirmier praticien discuterait avec la personne des moyens raisonnables et disponibles pour soulager ses souffrances et, ce qui est très important, devrait s’accorder avec elle sur le fait qu’elle les a sérieusement envisagés.
Il est juste de dire qu'il est plus difficile d'évaluer la demande d'aide médicale à mourir d'une personne dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible que celle d'une personne dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible et qu'une telle demande soulève plus de préoccupations. Je crois que les députés de la loyale opposition de Sa Majesté et mes autres collègues d'en face en conviennent.
Par exemple, la souffrance de ces personnes est-elle provoquée par d'autres facteurs que leur maladie, notamment par la solitude ou par le manque d'accès au soutien dont elles ont besoin? Y aurait-il d'autres moyens d'alléger cette souffrance plutôt que l'aide médicale à mourir? Je crois que c'est là où le terrain devient vraiment glissant, en ce sens que nous devons nous assurer que des dispositions prévoient que toutes les pistes de solution soient explorées avant qu'une personne fasse le choix d'entreprendre ce processus.
Les nouvelles mesures de sauvegarde, l'exigence d'une période minimale de 90 jours et celle qui demande que l'un des deux évaluateurs possède une expertise en ce qui concerne la condition à l’origine des souffrances, visent à garantir que suffisamment de temps sera accordé pour examiner toutes les facettes pertinentes de la situation du patient — par exemple, l'existence de traitements ou de services qui pourraient alléger ses souffrances — et que des personnes possédant les bonnes connaissances participent à ce processus.
Ces mesures sont appuyées par l'exigence proposée que les praticiens discutent des traitements raisonnables avec le patient et qu'ils soient certains que ce dernier comprend bien les risques et les avantages de tous les choix qui s'offrent à lui. Je crois que c'est une approche équilibrée et juste.
Nous pouvons avoir la conviction que la plupart des professionnels, dans le cadre de leurs bonnes pratiques médicales, examinent toutes les mesures de soutien et tous les traitements existants lorsqu'ils discutent avec leurs patients. Les mesures de sauvegarde consolident ces bonnes pratiques et elles contribueront à réduire les risques pour les personnes vulnérables, ce qui, tous en conviendront, est une préoccupation qu'ont tous les députés.
Je souhaite conclure mon intervention en disant que selon moi, le projet de loi parvient à un équilibre qu'il n'était pas facile d'atteindre. Nous savons que de nombreux députés ont du mal à le voir, mais le projet de loi permet d'établir l'équilibre difficile entre le respect de l'autonomie personnelle et la protection des personnes vulnérables.
La question de l'aide médicale à mourir est personnelle. Elle touchera probablement beaucoup d'entre nous à un moment ou à un autre de notre vie, si ce n'est pas déjà fait. Pour ma part, je considère que l'approche à deux voies proposée dans le projet de loi , concernant les mesures de sauvegarde, me rassure. Elle est raisonnable et équilibrée.
Je tiens également à préciser que je pense que la modification législative proposée en l'honneur d'Audrey a du sens. Elle corrige un problème qui existait dans l'ancienne loi. Beaucoup de gens ont communiqué avec le personnel de mon bureau de circonscription pour me demander de plaider en faveur de cette modification.
D'autres députés en ont parlé, et je suis très heureux de voir que cette modification est incluse dans le projet de loi. Si vous connaissez l'histoire d'Audrey Parker, vous êtes au courant des difficultés qu'elle et sa famille ont vécues. Nous ne voulons pas que les Canadiens aient à prendre une décision comme elles.
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Monsieur le Président, certains députés m'ont demandé aujourd'hui ce que j'avais sur le front. Pas d'inquiétudes, il ne s'agit pas des restes d'un déguisement inapproprié pour une soirée des Mille et une nuits ni d'une marque causée par une chute pendant que je changeais la couche d'un enfant. Ce sont des cendres. Chaque année, à l'occasion de ce qu'on appelle le mercredi des Cendres, pour marquer le début du carême, les catholiques reçoivent des cendres bénies sur le front et on leur dit parfois: « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. »
Même si je m'oppose au projet de loi, je trouve assez poétique qu'on parle de mort le mercredi des Cendres. J'ai eu de nombreuses discussions avec d'ardents défenseurs de l'euthanasie, ou suicide assisté. Ils me disent qu'il ne faut pas avoir peur de la mort, que la mort fait partie de la vie. Je suis d'accord avec eux: il ne faut pas avoir peur de la mort. Peu importe l'importance que nous nous accordons en tant que députés, nous sommes poussière et nous retournerons en poussière.
La modernité nous pousse à chercher de plus en plus d'autonomie, à avoir plus de contrôle sur le monde qui nous entoure et, avec les avancées technologiques, à nous sentir de moins en moins liés aux choses du passé, autant sur le plan physique que moral.
Dans le passé et dans d'autres parties du monde, l'idée que la mort était une solution à la souffrance était impensable parce que la vie était remplie de souffrance et que la souffrance était considérée comme allant de soi. La faim et la maladie ont été omniprésentes et incontrôlables pendant la plus grande partie de l'histoire de l'humanité. Les gens devaient trouver un sens et un but à leur vie indépendamment de leurs circonstances physiques, et ils étaient conscients des limites profondes de leur capacité à contrôler le monde qui les entourait.
Le contrôle que l'on s'attend à pouvoir exercer est unique à notre époque. Bon nombre des demandes d'euthanasie et de suicide assisté ne visent pas à mettre un terme à la souffrance; elles relèvent plutôt d'un désir de contrôle. Dans la plupart des cas, la souffrance physique peut être atténuée par une gestion efficace de la douleur et des soins palliatifs. La maladie et le recours à la gestion de la douleur peuvent entraîner une perte d'autonomie et de contrôle ou un changement de capacité, ce qui peut être très angoissant.
Contrairement aux hypothèses modernes, la bonne nouvelle, c'est que les gens s'adaptent souvent à des circonstances inattendues. Malgré notre désir de contrôler notre vie à l'avance, nous pouvons souvent trouver un sens et du bonheur dans des circonstances que nous pensions insoutenables.
Ma thèse de maîtrise portait sur la mesure du bonheur. L'un des enseignements que l'on peut tirer de ce tout nouveau domaine d'étude, c'est que, lorsque les circonstances sont négatives, les degrés de bonheur mesurables s'adaptent beaucoup plus vite et dans une bien plus large mesure qu'on pourrait le croire. Je pourrais penser que le fait de devenir muet me rendrait particulièrement malheureux. Toutefois, si c'était le cas, certaines données indiquent que je trouverais des moyens de m'adapter, et que mon bonheur n'en serait pas aussi affecté que je l'aurais d'abord cru. Bien entendu, si je devais un jour devenir muet, le bonheur des autres en prendrait aussi pour son grade.
Notre désir de contrôler tous les aspects de notre vie provient en partie de notre désintérêt tragique à l'égard de la sagesse traditionnelle. Dans plusieurs cultures, y compris les cultures des Premières Nations du Canada, on admire les aînés pour leur expérience et leur sagesse et on leur accorde une place de choix dans les familles et au sein de la communauté. Il n'est donc pas surprenant, à la lumière de leur respect envers les personnes âgées, que de nombreux membres des Premières Nations soient opposés à l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Mon ami, l'ancien député libéral Robert-Falcon Ouellette, a déjà dit que le fait que les personnes âgées choisissent de se suicider envoie un message dangereux aux jeunes.
Toujours sur la question de l'autonomie, je pense que beaucoup d'entre nous pourraient être amenés à réaliser que ce qui rend la vie digne d'être vécue n'est pas tant notre sentiment d'autonomie, mais plutôt la place que nous occupons au sein d'une communauté enrichissante qui valorise la dignité humaine. Nous devons réfléchir aux éventuelles répercussions de cette culture de l'euthanasie sur le tissu social.
Le fait de souffrir ensemble nourrit notre sentiment d'appartenance à la communauté. Or, trop souvent, on exclut les personnes souffrantes, et c'est tragique. Perdre ce sentiment d'appartenance est probablement une plus grande source de souffrance que la cause initiale de la souffrance.
Souvenons-nous de l'époque où l'on accompagnait les gens dans leur souffrance. L'intimité qui se dégageait de ces situations de vulnérabilité et de dépendance permettait de créer des moments uniques et significatifs. Lorsque les gens ont peur de devenir un fardeau, nous devons leur dire que nous les aimons, qu'ils ne sont pas un fardeau et que c'est plutôt une occasion pour eux de partager leur fardeau avec nous. Nous ne pouvons pas prétendre vivre dans une société caractérisée par le bonheur et le sens si les communautés qui la constituent ne sont pas prêtes à souffrir ensemble. Le mot « compassion » lui-même vient du latin, et signifie « souffrir ensemble ».
Quoi qu'il en soit, nous ne parlons pas assez souvent de la mort. Personne ne veut se faire rappeler qu'il mourra un jour et qu'après sa mort, ses opinions cesseront probablement d'intéresser qui que ce soit en dehors de sa famille. Dans le contexte du projet de loi, on a beaucoup parlé de l'idée que pour certaines personnes, à certains moments, la mort est raisonnablement prévisible ou ne l'est pas. Or, la mort est raisonnablement prévisible pour chacun d'entre nous. J'espère que nous saurons nous exprimer et voter de manière à ce que nous puissions envisager notre mort à nous avec sérénité.
Il est bon de connaître ses limites et d'essayer de trouver le bonheur et un sens à son existence malgré les incertitudes de la vie tout en offrant davantage de soutien à ceux qui doivent s'adapter à de nouvelles circonstances difficiles.
Nous devons mieux appuyer l'inclusion des personnes handicapées et nous avons désespérément besoin d'améliorer la gestion de la douleur et les soins palliatifs. Nous devons bâtir des collectivités. Nous devons être une société qui cherche à partager le fardeau de l'un et de l'autre pour que personne ne sente qu'il en est un.
Pendant le temps de parole qu'il me reste, je tiens à parler de l'historique de ce projet de loi. Avant 2015, divers projets de loi ont été présentés à la Chambre à ce sujet. Dans tous les cas, une majorité de conservateurs, de libéraux et de néo-démocrates s'y sont opposés. La situation juridique a changé en 2015 quand la Cour suprême a invalidé la loi en vigueur. À l'époque de l'arrêt Carter, on s'attendait à un régime juridique à portée limitée.
Certains s'inquiétaient de cette décision, soutenant que le simple fait d'ouvrir la porte à l'étude de cette question mènerait vers une pente glissante une fois que l'on aurait violé le principe sacré selon lequel les médecins ne doivent pas causer de tort. Les taux de suicide assisté grimperaient en flèche, on ferait fi des mesures de sauvegarde et les patients se sentiraient obligés d'avoir recours à l'euthanasie et au suicide assisté pendant des moments de vulnérabilité extrême.
D'autres pensaient qu'il serait possible de permettre cette pratique sans s'engager sur une pente glissante. Ces personnes croyaient qu'il serait possible de soustraire à la pratique normale de la médecine un petit pan de cette dernière qui aurait une portée limitée.
Dans les faits, la descente sur cette pente abrupte est dramatique, car les taux annuels ont quintuplé de 2016 à 2019. Je me demande si les députés se sont demandé jusqu'où ils veulent voir ces taux monter. Nous entendons de nombreuses histoires d'horreur sur les expériences des personnes en lien avec l'euthanasie dans le système de santé.
J'attends avec impatience de pouvoir exprimer mes autres préoccupations au sujet des dispositions de ce projet de loi, en plus de parler de certains autres cas, lorsque la Chambre reprendra le débat sur ce sujet.