La Chambre reprend l'étude, interrompue le 26 février, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
:
Monsieur le Président, nous débattons aujourd'hui d'un projet de loi qui vise à supprimer les mesures de protection qui encadrent le régime actuel relativement à l'euthanasie et au suicide assisté. Le débat s'est ouvert hier, et je souhaite préciser ma pensée.
Hier, j'ai parlé de certains des problèmes philosophiques qui sous-tendent la volonté du gouvernement de supprimer ces mesures de protection. Dans une société où l'euthanasie et le suicide assisté sont permis par la loi, on comprend mieux ces principes philosophiques lorsqu'on tient compte de l'expérience des personnes et des familles qui ont été touchées par cette pratique, et des préoccupations des gens qui seront encore plus touchés par son élargissement et par la suppression des mesures de protection.
À l'époque de l'arrêt Carter, on s'attendait à la mise en place d'un régime juridique à portée limitée. Toutefois, nous constatons que l'élargissement se poursuit à une vitesse alarmante sur le plan des politiques et des pratiques avec ce projet de loi. Étant donné que ce projet de loi a été présenté avant l'examen législatif prévu, il semble que le rythme auquel on retire les mesures de protection et on élargit les critères d'admissibilité continuera de s'accélérer. Depuis la légalisation de l'euthanasie, les taux d'euthanasie et de suicide assisté ont augmenté de manière spectaculaire chaque année, passant d'environ mille en 2016 à cinq fois plus en 2019. L'augmentation de ces taux ne montre aucun signe de ralentissement.
Nous entendons de plus en plus d'histoires d'horreur sur la façon dont le régime actuel a déjà changé la dynamique du système de santé. Ma grand-mère était une survivante de l'Holocauste, je connais donc les effets traumatisants qui se font encore sentir bien des années plus tard et qui peuvent même ne jamais totalement disparaître pour bon nombre de survivants. Un exemple d'euthanasie à la maison de soins infirmiers Louis Brier à Vancouver — un établissement juif qui compte des survivants de l'Holocauste parmi sa clientèle — a été particulièrement traumatisant pour les résidants et les employés.
La Dre Ellen Wiebe a rencontré Barry Hyman et sa famille au printemps 2018 et elle a déterminé qu'il répondait à tous les critères. Elle s'est plus tard rendue à la maison de soins infirmiers et elle a fermé la porte de la chambre de M. Hyman sans consulter le personnel ni l'informer de ses intentions. La Dre Wiebe a tué M. Hyman dans la soirée du 29 juin, sans consulter les principaux dispensateurs de soins du patient à la maison de soins infirmiers. Elle avait peut-être de bonnes intentions, mais le fait qu'elle s'introduise en douce dans une maison de soins infirmiers et qu'elle nous demande ensuite de nous fier à ses notes comme preuve du consentement du patient soulève de graves préoccupations.
Le Dr Keselman, directeur de la maison de soins infirmiers Louis Brier, est d'accord. Il a déclaré:
Imaginez comment se sentent les employés, les résidants et leur famille. Nous avons beaucoup de survivants de l'Holocauste. On parle d'une médecin qui s'est faufilée dans la chambre d'un résidant et qui l'a tué sans le dire à personne. Les résidants se sentiront en danger sachant qu'une personne est entrée en cachette et qu'elle a tué un autre résidant.
Clairement, dans ce cas, la Dre Wiebe est allée trop loin. Je doute que la plupart des médecins agissent ainsi, mais des analyses effectuées dans d'autres pays montrent qu'un petit nombre de médecins militants favorables à l'euthanasie sont surreprésentés parmi les cas qui présentent des problèmes. La majorité des médecins font de leur mieux, mais beaucoup de morts peuvent résulter des choix d'un petit groupe de personnes qui vont trop loin.
Dans le rapport d'une étude qui portait sur l'euthanasie en Hollande entre 2012 et 2016, les bioéthiciens David Miller et Scott Kim, des National Institutes of Health des États-Unis, ont constaté que, là où les exigences n'étaient pas assez rigoureuses, l'application de la loi aux gens vulnérables pouvait poser de graves problèmes.
Pendant la période étudiée, MM. Miller et Kim ont recensé 33 cas où les médecins avaient contrevenu à au moins une règle lorsqu'ils ont aidé quelqu'un à mourir, bien que, apparemment, aucune de ces erreurs n'ait justifié de poursuites au criminel. Les deux chercheurs ont souligné en particulier la surreprésentation de certains médecins militants parmi les cas qui ont soulevé des préoccupations.
En 2016, j'ai pris la parole à la Chambre au sujet d'un autre cas où un médecin canadien avait déclaré, avant même d'examiner son patient dépressif, que celui-ci était admissible à l'euthanasie parce qu'il « pourrait facilement avoir des plaies de lit puis mourir d'une infection ». Dans ce cas, la mort d'une personne a été déclarée raisonnablement prévisible avant même qu'elle soit examinée parce qu'elle pouvait en théorie mourir de plaies de lit qui ne s'étaient même pas encore déclarées.
Il est étonnant que nous puissions étudier ces cas au Canada, étant donné les énormes lacunes en matière de collecte de données. On ne prévoit nullement un examen juridique préalable visant à déterminer si les critères sont respectés. Il n'y a aucune norme nationale en matière de collecte de données. En fait, dans bien des cas de mort par euthanasie, le certificat de décès n'indique même pas que c'est la cause du décès.
La plupart des personnes qui ont eu de mauvaises expériences ne peuvent pas en témoigner. Les données dont parle le gouvernement sont gravement limitées en raison de ces réalités. Durant le débat au sujet du dernier projet de loi sur l'euthanasie, nous avons essayé de proposer des mécanismes pour améliorer la collecte de données et la production de rapports pour rendre possibles l'évaluation et la protection, mais, à l'époque, le gouvernement a malheureusement fait la sourde oreille.
Ceux qui ont vécu une expérience négative et ont survécu sont réticents à se manifester, et c'est compréhensible. Toutefois, j'aimerais raconter l'histoire d'une personne proche de moi, avec sa permission. Cette personne a eu un échange négatif avec le système après le lancement du régime. Voici l'histoire de Taylor.
Taylor Hyatt est une femme dans la vingtaine qui faisait partie de mon personnel. Elle est atteinte de paralysie cérébrale. Elle est rayonnante, douée et très dynamique. Il y a quelques années, elle s'est rendue à l'hôpital avec les symptômes du rhume. On lui a dit qu'elle aurait probablement besoin d'oxygène et on lui a demandé si c'est ce qu'elle voulait. Elle a répondu « oui, bien entendu », mais les médecins ont insisté et lui ont demandé si elle en était certaine. Taylor s'est fait demander si elle voulait bel et bien de l'oxygène. Elle n'avait qu'une pneumonie.
À la lecture de ce que le gouvernement propose pour rendre plus courantes l'euthanasie et l'aide médicale à mourir, pour élargir les critères d'admissibilité et supprimer les quelques mesures de sauvegarde existantes, il y a lieu de poser la question: « Êtes-vous certains? »
Comme ces exemples le montrent, il est justifié de s'inquiéter des cas où l'euthanasie ou l'aide médicale à mourir serait pratiquée sur-le-champ ou sans témoin. Si plusieurs proches et membres du personnel de la santé peuvent constater, sur une période donnée, que la personne est certaine de vouloir opter pour cette procédure, il y a moins de risques que des abus soient commis ou qu'on exploite sa vulnérabilité.
Imaginons toutefois le cas suivant. Un lundi, les enfants vont visiter leur mère à l'hôpital. Elle semble avoir une bonne journée. À aucun moment, il n'est question de désir de mourir. Elle éprouve une certaine douleur, mais l'infirmière dit avoir une bonne idée de la façon de la soulager. L'infirmière pense qu'elle doit ajuster la dose de certains médicaments afin de réduire la douleur et elle précise qu'elle en parlera au médecin à la première occasion. Les enfants quittent l'hôpital l'esprit tranquille.
Le mercredi suivant, les enfants apprennent que leur mère est décédée. On leur dit que lorsqu'elle a rencontré le médecin, elle éprouvait d'énormes souffrances et qu'elle a exprimé sa volonté de mourir. En conséquence, elle a été tuée sans délai. Les enfants n'ont pas eu la chance de lui dire au revoir et ils ignorent si le médecin a eu tort ou raison.
Leur mère voulait peut-être vraiment mourir, mais il est possible qu'elle ait vécu un moment de découragement qui aurait passé. Ses enfants ne connaîtront jamais les détails ou la situation exacte. Faute de témoins et d'un examen juridique, ils ont accès à très peu de preuves. Si leur mère voulait vraiment mourir, c'était son droit. Toutefois, aurait-il été complètement déraisonnable que le médecin attende quelques jours afin que les enfants aient l'occasion de parler de cette décision avec leur mère?
Ce cas précis montre exactement ce sur quoi nous devrions nous pencher pendant notre étude de ce projet de loi. Le système juridique actuel exige la présence d'au moins deux témoins indépendants qui ne sont pas des employés rémunérés, en plus d'une période de réflexion de 10 jours. Je tiens à souligner, comme d'autres députés l'ont déclaré et comme le gouvernement a généralement échoué à le reconnaître, qu'il existe déjà un mécanisme pour lever la période de réflexion de 10 jours.
Toutefois, la période de 10 jours est une règle générale qui est ouverte aux variations. Elle établit le principe général et primordial selon lequel la vie d'une personne ne devrait pas lui être enlevée en raison d'un sentiment de désespoir passager ou parce que ses doses de médicaments sont temporairement inadéquates.
C'est incompréhensible de réduire le nombre de témoins et d'éliminer la période de réflexion, comme le gouvernement le propose, alors que des dispositions sont déjà prévues pour y renoncer et gérer cette situation efficacement au cas pas cas.
D'autres députés ont peut-être vécu des expériences similaires. Je peux affirmer qu'un de mes amis proches souffrait de dépression il y a quelques années. Son état d'esprit fluctuait drastiquement de jour en jour. Certains jours, il ne pouvait pas s'imaginer continuer, tandis que d'autres jours, il se sentait redevenir lui-même, selon ses propres mots.
Reconnaissant la réalité de ces fluctuations et le caractère évolutif de l'état de la situation des personnes, il m'apparaît horrible que quelqu'un puisse choisir, et obtenir, l'euthanasie ou l'aide au suicide en seulement quelques heures, sans la présence de témoins indépendants ni période de réflexion. Par conséquent, le gouvernement doit supprimer du projet de loi les dispositions qui portent sur la réduction du nombre de témoins et l'élimination de la période de réflexion.
Le gouvernement a prévu dans ce projet de loi un article relatif à ce qu'on appelle le consentement préalable. Le mécanisme est le suivant: en tant que patient répondant aux critères, je pourrais demander à mourir le 1er juin, même si j'avais alors perdu mes capacités. Mon consentement actuel suffirait pour que l'on m'ôte la vie le 1er juin. Toutefois, le projet de loi ne prévoit pas la nécessité de me demander comment je me sens le 1er juin.
Supposons que je sois aux prises avec une perte de capacité et que j'en craigne les conséquences, sans savoir ce que ce serait que de régresser mentalement comme les médecins l'ont prédit. Supposons que, dans cet état de crainte, je signe un consentement préalable, mais que, le 1er juin, alors que j'ai effectivement perdu une grande partie de mes capacités, j'aie en fait une qualité de vie bien supérieure à celle que je redoutais.
Le consentement préalable que j'ai donné dans l'ignorance de ma situation future doit-il prévaloir contre les sentiments que j'éprouve à ce moment-là? Il ne s'agit pas d'une simple spéculation.
Je me permets de citer un article du Washington Post sur une affaire néerlandaise concernant une directive anticipée. On peut y lire ce qui suit:
La patiente, désignée dans les documents officiels sous le seul numéro de « 2016-85 », avait fait, par directive anticipée, une demande d'euthanasie en cas de démence. Or, la directive était formulée de manière ambiguë, et la patiente n'était plus en mesure de préciser sa volonté au moment de son placement en maison de retraite, quoique son mari eut demandé l'euthanasie en son nom.
Malgré l'absence d'une déclaration limpide de la part de la patiente, un médecin a conclu que sa souffrance était insupportable et incurable, en dépit de l'absence de maladie physique en phase terminale, et a préparé l'injection mortelle.
Pour s'assurer la docilité de la patiente, le médecin lui a donné un café contenant un sédatif et, lorsque la femme a encore reculé à l'approche de la seringue, il a demandé aux membres de la famille de l'immobiliser. Après 15 minutes passées à essayer de trouver une veine, le médecin a administré l'injection mortelle.
Dans ce projet de loi, le gouvernement a essayé d'éviter ce cas extrême en précisant que le consentement préalable ne s'appliquerait qu'à une date donnée et que la procédure ne devrait pas se poursuivre si le patient refusait clairement l'euthanasie. Malheureusement, cela laisse encore une énorme place aux abus.
Dans le genre de situation que je viens de mentionner, supposons que la patiente reçoive un sédatif plus puissant afin qu'elle n'ait pas du tout conscience de ce qui se passe et qu'elle ne résiste en aucune façon. Ce genre de situation serait permise selon ce projet de loi. On ne serait pas obligé d'aviser la patiente ou de la consulter au moment d'administrer l'aide médicale à mourir. Si la patiente a accordé son consentement d'avance, on considère que c'est suffisant.
Dans presque tous les cas, le fait que les dispositions législatives en place exigent qu'on obtienne le consentement au moment de l'acte médical est important, et c'est essentiel pour respecter l'autonomie du patient. Pour que je sois vraiment libre, il ne faut pas que je sois assujetti aux directives que j'ai données par le passé. Les directives que j'ai fournies auparavant ne devraient pas dicter mon comportement futur de façon irrévocable.
On pourrait toujours permettre le consentement préalable, mais en apportant des modifications afin de mettre en place un mécanisme permettant d'aviser et de consulter le patient au moment d'administrer l'aide médicale à mourir, même si ses facultés sont limitées. J'encourage le gouvernement à envisager cette possibilité.
Le gouvernement devrait être prêt à considérer ces problèmes et ces solutions, et il devrait envisager, d'une part, de retirer les dispositions du projet de loi qui élimineraient dangereusement des mesures de sauvegarde et, d'autre part, de renforcer les dispositions entourant le consentement préalable afin que le patient soit avisé et consulté au moment d'administrer l'aide médicale à mourir.
Enfin, prenons un instant pour réfléchir aux objectifs des mesures de sauvegarde.
Certains députés jugent qu'il n'est pas nécessaire de prévoir des mesures de sauvegarde concrètes, car nous devrions croire en la capacité des professionnels de la santé et des patients de prendre les bonnes décisions. Le secrétaire parlementaire s'est servi de données générales sur des tendances dans ce domaine pour laisser entendre qu'il n'y a pas de risque d'abus.
Soyons bien clairs: les mesures de sauvegarde ont été mises en places non pas pour les cas généraux, mais bien pour les cas exceptionnels. Même si la vaste majorité des cas ne sont pas problématiques, nous tentons d'instaurer des mécanismes de vérification raisonnables afin de détecter les cas d'abus et les situations où des personnes vulnérables peuvent subir des pressions pour demander l'aide médicale à mourir, même si ce n'est pas ce qu'elles veulent.
Nous n'avons pas besoin de policiers parce que la plupart des gens violent la loi, mais parce que certains le font. De même, nous n'avons pas besoin de services d'incendie ni de règles et de protocoles exhaustifs en matière de prévention des incendies parce que la plupart des logements brûlent, mais parce que certains d'entre eux pourraient prendre feu.
J'espère que le débat permettra de montrer qu'il existe actuellement un nombre minime de mesures de protection juridiques, et que nous pouvons prévoir des mesures de sauvegarde raisonnables, telles qu'une brève période de réflexion pouvant être levée et la présence obligatoire de témoins indépendants qui, comme les gicleurs dans cette salle et les gardiens de sécurité veillant sur nous, s'assurent qu'il n'y a aucun dérapage.
Dans l'intérêt des personnes vulnérables, ne renvoyons pas les gardiens de sécurité et n'enlevons pas les gicleurs uniquement pour des motifs idéologiques.
:
Monsieur le Président, c’est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd’hui dans cette enceinte pour parler du projet de loi et des modifications que nous proposons à la Loi canadienne sur l’aide médicale à mourir.
[Français]
Les mesures proposées répondent à la décision dans l'affaire Truchon de la Cour supérieure du Québec, qui a conclu qu'il est inconstitutionnel de refuser l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes qui remplissent tous les autres critères d'admissibilité, mais qui ne sont pas près de la fin de leur vie.
[Traduction]
Alors qu'il se préparait à donner suite à cette décision, le gouvernement du Canada a saisi l’occasion pour envisager d’autres mesures qui reçoivent un large appui. C’est la raison pour laquelle nous proposons des changements qui permettront de rendre la Loi canadienne sur l’aide médicale à mourir à la fois plus claire et plus précise.
Au cours des derniers mois, j’ai été à l’écoute d’un grand nombre de Canadiens, car il était important pour moi, en tant que ministre de la Santé, de savoir exactement ce qu’ils pensaient. Mes collègues et moi avons organisé une série de tables rondes et avons entendu plus de 125 spécialistes, universitaires, éthiciens, médecins, infirmières praticiennes, représentants d’associations de handicapés, groupes autochtones et autres parties prenantes. J’ai également fait des démarches auprès de mes collègues provinciaux et territoriaux, et mes collaborateurs ont travaillé étroitement avec leurs homologues de toutes les régions du Canada.
En janvier, j’ai eu l’occasion de rencontrer Cynthia Clark, à Calgary, dont le mari a reçu l’aide médicale à mourir l’été dernier. Son point de vue, tout comme celui de beaucoup d’autres personnes qui ont personnellement vécu cette situation, m’a été des plus précieux.
J’ai aussi écouté avec beaucoup d’attention les médecins qui, au cours des quatre dernières années, ont dispensé l’aide à mourir avec beaucoup de compassion et de générosité. Ils n’ont pas hésité à me dire ce qui marchait bien et aussi ce qui ne marchait pas très bien.
Nous avons entendu beaucoup de témoignages personnels comme celui de Cynthia, et ces témoignages nous ont aidés à élaborer les changements que nous proposons aujourd’hui. Je m’en voudrais de passer sous silence les nombreux commentaires que nous avons reçus dans le cadre de notre consultation en ligne. En l’espace de deux semaines, nous avons reçu plus de 300 000 réponses.
[Français]
Il est évident que certains domaines pourraient être améliorés pour faciliter un meilleur accès, protéger la personne vulnérable et respecter son choix.
Je crois qu'avec ce projet de loi, nous avons trouvé une approche équilibrée qui reflète l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.
[Traduction]
Protéger la sécurité des personnes vulnérables tout en respectant l’autonomie des Canadiens reste notre objectif primordial. C’est la raison pour laquelle le projet de loi propose deux séries de mesures de sauvegarde à respecter, selon que la mort naturelle est raisonnablement prévisible ou non.
La prévisibilité raisonnable d’une mort naturelle ne sera plus un critère pour déterminer si une personne a le droit de recevoir l’aide médicale à mourir. En revanche, cela aidera les médecins à déterminer quelles mesures de sauvegarde doivent être prises. Cette proposition correspond à ce que nous avons entendu pendant nos tables rondes.
Ceux qui décident de l’admissibilité des candidats à l’aide médicale à mourir nous ont dit qu’ils comprenaient bien le concept et qu’ils se sentaient capables de l’appliquer. Avec la nouvelle loi, ils emploieront le critère de la mort naturelle raisonnablement prévisible pour déterminer non pas l’admissibilité du patient, mais les mesures de sauvegarde qui s’appliqueront.
Pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible, nous proposons d’assouplir les mesures de sauvegarde actuelles en supprimant notamment la période de réflexion de 10 jours. En effet, les patients en fin de vie ont eu le temps de bien réfléchir avant de demander l’aide médicale à mourir, et il est inutile de prolonger leurs souffrances en imposant un délai supplémentaire.
Le système actuel exige également que deux témoins indépendants confirment que la personne qui recevrait l'aide médicale à mourir est bien celle qui a signé la demande et qu’il n’y a pas d'imposture, comme ce serait le cas si quelqu’un avait imité sa signature. Au cours de nos consultations, nous nous sommes rendu compte que cette condition représentait un obstacle important pour beaucoup de gens, à la fin de leur vie.
Nous proposons de n’exiger qu’un seul témoin et de permettre que ce témoin soit une personne payée pour fournir des services de santé ou des soins personnels. Bien entendu, une personne ne pourra pas agir comme témoin si elle compte parmi les légataires du patient ou si elle est susceptible de recevoir un avantage pécuniaire ou matériel à la mort de celui-ci. Toute personne participant à la détermination de l’admissibilité ou dispensant l’aide médicale à mourir ne pourra toujours pas servir de témoin.
Pour les patients dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible, nous proposons de créer une nouvelle série de sauvegardes bien définies. Nous estimons qu’il est important, même si notre objectif est de rendre la procédure plus accessible, de nous assurer que le maximum de considération sera accordé aux demandes d’aide médicale à mourir présentées par des personnes dont la mort n’est pas prévisible.
Ces nouvelles mesures de sauvegarde devraient permettre de mieux protéger les personnes vulnérables. Par exemple, le projet de loi propose une période minimum de 90 jours pour évaluer une demande d’aide médicale à mourir lorsque la mort n’est pas imminente. Ce délai permettra d’envisager et de discuter d’autres options, avec le personnel médical, pour atténuer les souffrances de la personne qui a demandé l’aide médicale à mourir.
Le projet de loi exige également que la personne qui demande l’aide médicale à mourir soit informée s’il existe des services de consultation psychologique, des services de soutien en santé mentale, des services de soutien aux personnes handicapées et des soins palliatifs susceptibles de l’aider à donner un consentement éclairé.
Nous savons que la majorité des médecins s’assurent déjà que leurs patients sont informés de toutes les options et de toutes les formes d'aide qui leur sont accessibles. Cette disposition souligne l’importance de la relation médecin-patient. Elle permet à un médecin et à son patient de décider si l’aide médicale à mourir est une bonne décision et elle donne suffisamment de temps au patient pour envisager d’autres options, ce qui est crucial pour les personnes qui ont ce genre de décisions à prendre. Cette disposition respecte pleinement le principe du consentement éclairé et de l’autonomie individuelle.
En vertu de la loi actuelle, les personnes qui sont frappées d’incapacité ne peuvent pas être admissibles à l’aide médicale à mourir parce qu’il faut donner son consentement immédiatement avant la procédure. Cela signifie que certaines personnes qui étaient admissibles à l’aide médicale à mourir ont choisi de mettre un terme à leur vie plus tôt qu’elles ne l'auraient voulu, par crainte de ne plus avoir la capacité de présenter une demande.
C’est la raison pour laquelle nous proposons une renonciation au consentement final pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible et dont l’admissibilité à l’aide médicale à mourir a été approuvée. Ainsi, les patients en fin de vie qui risquent d’être frappés d’incapacité avant la date choisie pourront quand même recevoir l’aide médicale à mourir sans craindre d'être disqualifiés si jamais ils perdent leurs capacités. Cet amendement a reçu un accueil très favorable auprès des parties prenantes, des Canadiens et des médecins.
Le Canada a eu quatre ans pour mesurer l’impact de la loi actuelle, qui a été adoptée en juin 2016, et il y a encore beaucoup d’enjeux complexes qui méritent d’être examinés de façon plus approfondie.
En décembre 2016, le gouvernement du Canada a demandé au Conseil des académies canadiennes de mener des études indépendantes sur trois types de demandes d’aide médicale à mourir qui ne sont pas couvertes par la loi actuelle: les demandes présentées par des mineurs ayant une certaine maturité, les demandes anticipées et les demandes où le trouble mental est la seule condition médicale invoquée.
Le Conseil des académies canadiennes a demandé à un groupe multidisciplinaire de 43 spécialistes d’examiner un grand nombre d’études sur le sujet, y compris des recherches universitaires canadiennes et étrangères.
[Français]
Nous avons déposé ces rapports au Parlement en décembre 2018. Ils nous fournissent un examen complet et réfléchi de ces sujets très difficiles. J'encourage tous les députés à lire ces rapports alors que nous poursuivrons nos discussions sur les modifications proposées à la loi et à l'examen parlementaire qui sera lancé plus tard cette année.
[Traduction]
Les spécialistes reconnaissent en général que le fait d’autoriser les demandes anticipées des personnes souffrant par exemple de la maladie d’Alzheimer bien avant qu’elles n’y soient vraiment admissibles est une question extrêmement complexe et qu’il faut prendre le temps d’y réfléchir et de faire des consultations avant de l’inclure dans la loi.
Pendant les tables rondes, j’ai personnellement entendu des professionnels de la santé exprimer un certain malaise parce qu’ils se sont rendu compte que des malades, au fur et à mesure de l’évolution de leur état, n’avaient plus le même désir d’obtenir l’aide médicale à mourir qu’au moment où ils avaient reçu leur premier diagnostic. Le rapport du groupe de spécialistes du Conseil des académies canadiennes qui examinait la question des demandes anticipées est arrivé à la même conclusion.
D’un autre côté, nous savons que beaucoup de Canadiens aimeraient qu’il soit possible de présenter une demande anticipée, car cela les rassurerait de savoir qu’ils pourront éviter de souffrir plus tard.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que ce dossier mérite un examen parlementaire approfondi. Cela nous donnera l’occasion de nous attaquer à des questions plus délicates, auxquelles personne n’a encore trouvé de réponse, même les professionnels de la santé qui prodiguent ce service depuis quatre ans.
Les modifications proposées à la Loi sur l’aide médicale à mourir excluent toutes les demandes où le trouble mental est la seule condition médicale invoquée.
[Français]
Cela ne signifie pas que les personnes atteintes de maladies mentales ne sont pas admissibles, cela signifie que la maladie mentale ne peut pas être la seule condition sous-jacente. Il s'agit d'un autre domaine complexe qui mérite une discussion plus approfondie.
[Traduction]
Depuis que la loi fédérale est entrée en vigueur, en 2016, Santé Canada a publié quatre rapports intérimaires qui contiennent beaucoup d’information sur la façon dont elle est appliquée d'un océan à l'autre.
En novembre 2018, nous avons pris des règlements pour mettre en place un système de surveillance permanent qui définit les obligations des médecins, des infirmiers praticiens et des pharmaciens relativement à la déclaration des cas d’aide médicale à mourir. Un premier rapport sur l’application de ces règlements sera publié au printemps 2020.
Depuis que la Loi sur l’aide médicale à mourir est entrée en vigueur, en 2016, plus de 13 000 Canadiens ont choisi cette option. Nous nous y attendions. Nous avons observé une augmentation progressive de ce nombre au cours des trois dernières années. Il représente un peu moins de 2 % de la totalité des décès recensés au Canada, ce qui est comparable à ce qu'on voit ailleurs dans le monde. Si les Canadiens sont de plus en plus nombreux à recourir à l’aide médicale à mourir, c’est principalement parce qu’ils sont plus nombreux à savoir que c’est une option légale et à la considérer comme acceptable.
Le gouvernement fédéral estime que la déclaration des cas est indispensable à la transparence du système et à la confiance du public dans la loi. C’est la raison pour laquelle nous proposons des modifications visant à rassembler davantage de données afin d’avoir un tableau plus complet de l’aide médicale à mourir au Canada.
À l'heure actuelle, seuls les praticiens qui reçoivent une demande écrite d’aide médicale à mourir et les pharmaciens qui délivrent la substance qui sera utilisée sont tenus de fournir des données, mais il est devenu évident que la collecte des données obtenues uniquement à partir des demandes écrites que reçoivent les médecins et les infirmiers brosse un tableau incomplet de l’identité des demandeurs et de leurs motifs.
Une fois modifiée, la loi permettra de prendre de nouveaux règlements en partenariat avec les provinces et les territoires afin de recueillir des données sur toutes les évaluations de l'aide médicale à mourir, y compris celles réalisées par les autres professionnels de la santé faisant partie de l'équipe soignante. La collecte de données sur toutes les demandes, et tous les cas, d'aide médicale à mourir au Canada cadre tout à fait avec l'objet initial de la loi.
Il me semble que nous pouvons convenir que les Canadiens atteints de maladies limitant l'espérance de vie méritent la meilleure qualité de vie possible lorsqu'ils approchent de la fin de leur vie. Les soins palliatifs et les soins de fin de vie soulagent les patients de la douleur et de la détresse associées à une maladie en phase terminale. Le soutien aux soins à domicile et aux soins palliatifs fait partie de nos grandes priorités et de nos efforts pour améliorer le système de santé.
Dans le budget de 2017, nous avons fait de nouveaux investissements historiques dans les soins de santé afin d'améliorer l'accès aux services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie, ainsi qu'aux soins communautaires et à domicile, y compris les soins palliatifs.
Afin d'améliorer encore l'accès aux soins palliatifs dans tout le pays, le gouvernement a travaillé en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et les intervenants pour définir le Cadre sur les soins palliatifs au Canada, qui a été déposé au Parlement en 2018. Nous avons publié un plan d'action en appui à chacune des priorités qui y sont énoncées.
Je tiens à assurer à la Chambre que ce projet de loi répond aux préoccupations exprimées par les professionnels et les experts lors des tables rondes.
[Français]
Je continuerai de travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires, ainsi que les principaux partenaires pour soutenir la mise en œuvre des modifications proposées à la loi, si elles sont adoptées au Parlement.
[Traduction]
Nous entendons notamment collaborer avec les provinces, les territoires, les partenaires du réseau de la santé et les organismes de réglementation afin de faire connaître les pratiques exemplaires et l'information sur l'encadrement clinique et d'autres aspects de la mise en œuvre, ce qui comprend la formation et les examens rétrospectifs.
J'ai un immense respect pour les professionnels qui, depuis quatre ans, fournissent ce service avec énormément de discernement et de compassion. Leur expérience nous a aidés à rédiger un projet de loi qui répond mieux aux besoins des Canadiens et qui est construit de manière à favoriser l'autonomie, tout en laissant au professionnel et au patient la latitude de travailler en plus étroite collaboration.
L'aide médicale à mourir est un sujet complexe et très personnel. En proposant ces modifications, le gouvernement a soigneusement pris en compte le besoin d'autonomie individuelle et la protection des personnes vulnérables.
Le public est très favorable au changement et je pense que nous avons trouvé une approche qui tient compte de l'intérêt supérieur de tous les Canadiens. J'encourage vivement tous les députés à appuyer les modifications proposées.
:
Monsieur le Président, je suis heureux d'ajouter ma voix à ce débat, que je considère particulièrement important. Il s'agit d'un enjeu important, et je crois qu'il faut discuter de bon nombre de ses éléments.
Je vais restreindre mes commentaires aux problèmes que me pose ce projet de loi, aux éléments qui me préoccupent, et au fait que je crois sincèrement que le gouvernement va adopter une approche très collaborative au sujet de cette mesure législative. Si nous adoptons une telle approche, les Canadiens seront convaincus que nous avons élaboré une mesure qui répond vraiment à leurs besoins et à leurs préoccupations.
En parlant de préoccupations, j'en ai justement quelques-unes, à commencer par ce que je considère comme un grave manque de consultation.
La loi doit faire l'objet d'un examen en juin prochain. Il s'agit de l'examen quinquennal obligatoire. Si j'ai bien compris, le gouvernement a demandé une prolongation de quatre mois du délai pour corriger les dispositions de la loi invalidées par la Cour supérieure du Québec.
Si le délai est prolongé de quatre mois et que l'examen obligatoire de la loi est prévu en juin, pourquoi se presser? Pourquoi s'être précipité pour présenter ce projet de loi avant l'examen obligatoire, qui sera évidemment vaste et beaucoup plus exhaustif que toute consultation qui aurait eu lieu en lien avec le présent projet de loi? Si j'ai bien compris, ce projet de loi n'a fait l'objet que d'environ deux semaines de consultations. À mon avis, c'est nettement insuffisant compte tenu de la gravité du sujet abordé.
C'est là ma première véritable préoccupation. Pourquoi se presser? Il n'y a pas le feu. La Cour nous a accordé plus de temps pour mener cette tâche à bien, et je crois que nous devrions prendre le temps d'effectuer l'examen obligatoire et de consulter les Canadiens, puis de décider de la voie à suivre. Voilà ma principale préoccupation.
Je tiens à préciser que je vais partager mon temps de parole avec le député de . Je remercie la jeune page qui vient de me rappeler à l'ordre. Elle fait un excellent travail.
Je vais maintenant me pencher sur les soins palliatifs. Aujourd'hui à la Chambre, la a vanté les grands investissements effectués par le gouvernement dans les soins de santé, mais elle n'a pas vraiment parlé d'investissements particuliers dans les soins palliatifs. Je pense qu'il est essentiel de tenir compte de ce point dans les discussions sur le projet de loi. Je rappelle à la ministre que le projet de loi , Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada, a été adopté en 2017, lors de la législature précédente, et que son préambule dit clairement:
[...] que le rapport final précise qu’une demande d’aide médicale à mourir ne peut être véritablement volontaire si le demandeur n’a pas accès à des soins palliatifs appropriés pour alléger ses souffrances;
Cette loi a été adoptée par le Parlement. Or, si nous cherchons à étendre le champ d'application de l'aide médicale à mourir sans accroître également l'accès aux soins palliatifs, nous rendons un très mauvais service aux Canadiens puisque l'accès aux soins palliatifs au Canada est au mieux médiocre. Je vais brièvement parler de ma propre expérience dans ce domaine.
Mes deux parents ont souffert d’un cancer incurable. Ma mère n’a pas pu entrer dans un établissement de soins palliatifs parce qu’il n’y en avait pas de disponible. Elle est donc décédée à l’hôpital. Mon père n’a pas pu non plus recevoir de soins palliatifs, mais heureusement ou malheureusement, selon la façon dont on voit les choses, sa maladie a été plus longue que celle de ma mère et nous avons pu obtenir des soins privés à domicile pour alléger ses souffrances et être certains qu’on s’occupait bien de lui. Cependant, il était évident qu’il n’aurait pas accès à des soins palliatifs pendant sa maladie.
Ce genre de situation touche les Canadiens d’un océan à l’autre, et la ministre s’est empressée de présenter ce projet de loi. Pourquoi la ministre n’a-t-elle pas présenté un projet de loi corollaire, une mesure législative en parallèle, ou annoncé une augmentation du financement des soins palliatifs?
Dans la circonscription que je représente, Dufferin—Caledon, il y a un centre de soins palliatifs extraordinaire qui s’appelle Bethell Hospice. Le centre ne compte qu’environ 15 lits. C’est la seule option de soins palliatifs qui existe dans la circonscription de 200 000 habitants que je représente.
Les députés peuvent bien imaginer que de nombreuses personnes sont dans l’impossibilité de recevoir des soins palliatifs. Cela fait de l’aide médicale à mourir une option beaucoup plus attrayante pour ces personnes.
Je répète qu’il s’agit d’une violation évidente de dispositions législatives adoptées par la Chambre. Lorsque les gens n’ont pas la possibilité de recevoir des soins palliatifs adéquats, on peut se questionner sur leur consentement à l’aide médicale à mourir. Je suis extrêmement préoccupé par l’absence de plan de la part du gouvernement pour investir dans les soins palliatifs.
La ministre a laissé entendre que des mesures de protection importantes sont en place pour les personnes qui souffrent d’une maladie mentale, quelle qu’elle soit. Toutefois, je ne sais pas exactement en quoi consistent ces mesures. Elle a laissé entendre que le simple fait d’avoir ce type de problème de santé empêcherait quelqu’un d’obtenir l’aide médicale à mourir. Comment définit-on cela? Comment pouvons-nous prouver qu’il s’agit du seul problème?
Rien n’oblige une personne à consulter un psychiatre pour qu’il détermine qu’elle ne souffre pas d’un épisode de dépression grave. J’ai moi-même traversé des stades et des phases extraordinaires de dépression, au cours desquels je ne voulais plus vivre. Je ne voyais pas de psychiatre à l’époque. Aurais-je pu bénéficier de cela alors que je traversais une période particulièrement sombre? Nous savons que la santé mentale est un problème répandu au pays.
Je reviens à mon premier point, qui est le suivant: pourquoi tant de précipitation? Pourquoi n'attendons-nous pas l’examen quinquennal? Nous devons prendre le temps de trouver des moyens de protéger tous les Canadiens en leur offrant l’option de l’aide médicale à mourir, s’ils veulent s’en prévaloir, mais en veillant aussi à protéger les gens qui peuvent choisir cette option en raison d’un manque de soins palliatifs ou parce qu'ils ont des problèmes de santé mentale.
Ce sont là certaines des principales préoccupations que j’ai à l’égard de ce projet de loi.
Pour revenir à la consultation, donner aux Canadiens deux semaines pour exprimer leurs préoccupations en ligne, c’est loin d’être une consultation suffisante. Je crois comprendre que la plupart des commentaires ont été présentés en ligne. Ce n’est pas une bonne façon de prendre le pouls des Canadiens sur une question aussi importante dont on parle à la grandeur du pays. Je vais continuer de demander pourquoi il n’y a pas eu de consultations plus vastes sur une période plus longue.
Je sais que cette question sera étudiée en comité, mais étant député depuis maintenant cinq ans et demi, je connais les limites extrêmes imposées aux comités. En général, nous avons un groupe de six témoins qui disposent de dix minutes chacun pour faire leur déclaration. Ensuite, les députés ont au mieux six minutes pour tenter de soulever un point.
Si quelqu’un prétend qu’une étude en comité aura une portée beaucoup plus large, ou du moins plus large que l’examen quinquennal obligatoire, je ne suis respectueusement pas d’accord avec cette personne.
Les comités font de l’excellent travail, mais ils subissent également une énorme pression à cause des projets de loi à l’étude et du manque de temps. Prétendre qu’une ou deux semaines, ou trois réunions suffiront au comité pour analyser ce projet de loi et en débattre, je pense que ce n’est pas une bonne réponse. Nous devrions reporter l’étude du projet de loi jusqu’à la tenue de l’examen quinquennal obligatoire, en juin, ce qui nous permettrait d’avoir une discussion beaucoup plus approfondie sur toutes les questions qui y sont soulevées.
Ce sont là mes observations et mes préoccupations au sujet du projet de loi. J’espère vraiment que le gouvernement prendra bonne note de ces commentaires, qu’il agira dans un esprit de collaboration et de coopération et qu’il n’essaiera pas de faire adopter ce projet de loi en faisant fi des préoccupations exprimées par les députés de l’opposition.
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Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi , qui modifiera le Code criminel, et plus particulièrement l'article 241. Il s'agit de la disposition du Code qui criminalise le fait de conseiller à une personne de se donner la mort ou d'aider quelqu'un à se donner la mort.
Le projet de loi a été présenté pendant la législature précédente à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter. Cette dernière avait conclu que les droits des demandeurs garantis par la Charte avaient été violés en raison d'une interprétation stricte de l'article 241.
Fait intéressant, un des objectifs du projet de loi , qu'on trouve au paragraphe six du préambule, est le suivant:
[...] le fait de permettre l'accès à l'aide médicale à mourir aux adultes capables dont la mort est raisonnablement prévisible établit l'équilibre le plus approprié entre, d'une part, l'autonomie des personnes qui demandent cette aide et, d'autre part, les intérêts des personnes vulnérables [...]
On trouvait la même chose dans les dispositions pertinentes du Code criminel. En effet, selon ces dispositions, une personne est admissible à l'aide médicale à mourir si, entre autres choses:
sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l'ensemble de sa situation médicale [...]
Tout cela est sur le point de changer à cause de la décision Truchon.
Je parle du projet de loi , qui vise à supprimer le critère de prévisibilité raisonnable de la mort et à élargir l'accès à l'aide médicale à mourir à un grand nombre de gens. J'ai décidé de m'exprimer à propos de ce projet de loi en raison des nombreuses lettres et autres formes de correspondance que j'ai reçues d'habitants de ma circonscription.
J'ai reçu quelques lettres en faveur de l'élargissement de l'aide médicale à mourir, mais la grande majorité d'entre elles m'encouragent plutôt à m'y opposer.
La correspondance que je reçois reprend deux grands thèmes. D'abord, la notion de prévisibilité raisonnable de la mort doit être maintenue, car elle constitue une défense efficace des intérêts de la société et des valeurs canadiennes. Ensuite, nous devrions consacrer davantage d'efforts à l'amélioration des soins palliatifs.
Pour reprendre les mots d'une lettre, le Canada devrait être un pays reconnu pour ses soins palliatifs modernes, et non comme un pays où l'aide médicale à mourir ne fait que s'élargir. Nous devrions soulager la souffrance du patient, et non éliminer le patient.
Je vais lire des extraits de lettres que deux personnes ont fait l'effort d'écrire.
La première personne que j'aimerais citer est le Dr den Hollander, qui déclare ce qui suit:
Si le Canada doit permettre l'aide médicale à mourir (même si je souhaiterais qu'il n'en soit rien), il nous incombe de veiller à ce que les cas demeurent rares. Les conditions d'admissibilité devraient être resserrées et non assouplies. Il faut plus, et non moins, de mesures de protection. La rigueur est de mise et non les approximations. Sans ces protections, les personnes vulnérables subiront des pressions de membres de la famille, d'amis et de médecins pour recourir à l'aide médicale à mourir.
La deuxième est une dame prénommée Ramona. Elle travaille dans le domaine de la santé, dont les soins palliatifs. Elle cite elle-même une personne à qui elle a prodigué des soins et qui est décédée au Centre de soins palliatifs Langley: « Je veux bien vivre pendant mon agonie. » Ramona ajoute: « J'ose crois que c'est dans ce but que les soins de santé ont été créés: pour aider les gens de leur vivant et non pour précipiter leur mort. »
C'est en gros ce que me disent les électeurs qui communiquent avec moi.
Le projet de loi découle de la décision de la Cour supérieure dans l'affaire Truchon. Les plaignants affirmaient que la version modifiée de l'article 241 du Code criminel lésait leurs droits en vertu de la Constitution, alléguant que la décision Carter, sur laquelle reposait le projet de loi , n'exigeait pas que la fin de vie d'une personne soit raisonnablement prévisible, et c'est vrai. Ce n'est pas ce qui était demandé dans la décision Carter.
Deuxièmement, ils ont dit que le critère de fin de vie prévu dans la loi portait atteinte au droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte, et au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, garanti par l’article 7 de la Charte. Le gouvernement fédéral, agissant par l’entremise du bureau du procureur général, a fait la bonne chose à l’époque. Il a défendu sa loi. C’est ce que doit faire le procureur général. Le projet de loi C-14 reflétait l’opinion bien réfléchie de la législature précédente. C’était la loi. Le procureur général doit défendre la loi.
Je rappelle que la Cour supérieure du Québec a rejeté les arguments avancés par le procureur général. Elle a dit ne pouvoir accepter les deux premiers objectifs avancés par le procureur général concernant l’affirmation de la valeur inhérente et l’égalité de la vie de chaque personne et l’importance de la prévention du suicide.
De l’avis du juge qui a rendu cette décision, ces deux principes ne constituaient pas la philosophie sous-jacente du projet de loi . Il s’agissait de protéger des personnes vulnérables contre toute incitation, dans un moment de faiblesse, à mettre fin à leur jour.
Je rappelle aussi que le procureur général du Canada n’a pas fait appel de cette décision. C’est ce qu’il aurait dû faire. N’importe quel procureur général qui se respecte en appellerait d’une décision qui remet en question les lois du Parlement. Le procureur général a choisi de ne pas le faire. Voilà donc pourquoi nous subissons maintenant des pressions pour modifier la loi, alors que nous devrions plutôt faire ce que prévoyait le projet de loi , c’est-à-dire procéder à un examen complet de l’ensemble de la loi.
C’est ce que nous devrions faire. Où est l’urgence? Ce sentiment d’urgence est dû au fait que le procureur général n’a pas interjeté appel de cette décision. Il aurait fallu que cette décision soit soumise à l’examen du système judiciaire et se rende jusqu’à la Cour suprême du Canada.
Sans le critère de la mort raisonnablement prévisible comme mesure de sauvegarde, voici ce qui reste. Une personne qui demande l’aide médicale à mourir y est admissible si elle souffre d’une maladie ou d’un handicap grave et incurable, si elle est dans un état de déclin avancé ou si sa souffrance physique ou psychologique lui est intolérable, ce qui est un critère tout à fait subjectif. Le critère de prévisibilité raisonnable de la mort a été supprimé.
Examinons maintenant quelques situations hypothétiques. Imaginons une personne atteinte de la maladie de Parkinson ou de sclérose en plaques ou une personne devenue paraplégique à la suite d’un terrible accident. En vertu de ce nouveau régime, si le projet de loi est adopté, les gens qui ne sont pas mourants, mais qui satisfont à tous les autres critères, aussi subjectifs soient-ils, seront admissibles au suicide sanctionné par l’État. Comme l’a dit une personne de ma circonscription, nous devrions faire en sorte que le Canada soit reconnu pour ses services de soins palliatifs modernes et avancés, et non comme un pays qui élargit le recours à l’aide médicale à mourir.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
C’est un honneur pour moi de prendre la parole dans cette Chambre au sujet du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne les dispositions sur l'aide médicale à mourir au Canada.
Pour la préparation de ces modifications, les Canadiens ont été largement consultés en janvier 2020. Environ 300 000 Canadiens ont répondu au questionnaire en ligne; de plus, le , la et la ont rencontré des parties prenantes à Halifax, Montréal, Toronto, Vancouver, Calgary, Winnipeg, Ottawa et Québec pour discuter des modifications proposées au cadre national sur l’aide médicale à mourir.
Parmi les spécialistes et les parties prenantes consultés, il y avait des médecins, des infirmiers, des juristes, des organisations autochtones nationales et des représentants des personnes handicapées. La forte participation aux consultations en ligne et aux rencontres locales témoigne de l’importance de cette question pour l’ensemble des Canadiens. De plus, les résultats des consultations ont considérablement influé sur l’approche adoptée par le gouvernement pour faire en sorte que l'aide médicale à mourir réponde encore mieux aux besoins des Canadiens.
Le projet de loi propose de modifier le Code criminel afin de permettre aux personnes qui veulent mettre un terme à leurs souffrances de recourir à l’aide médicale à mourir, que leur mort naturelle soit raisonnablement prévisible ou non.
Le projet de loi supprime la prévisibilité raisonnable d’une mort naturelle de la liste des critères d’admissibilité. Il exclut aussi expressément les demandes lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.
Le projet de loi prévoit deux séries de mesures de sauvegarde, selon que la mort naturelle est raisonnablement prévisible ou non. Les mesures de sauvegarde qui existent déjà sont assouplies pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible. Pour celles dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible, le projet de loi prévoit de nouvelles mesures de sauvegarde.
Conformément au principe du « rien ne doit se faire sans nous », je voudrais dire que le gouvernement continue d’examiner attentivement les questions relatives à la vulnérabilité et au choix pour les personnes handicapées. Les modifications proposées visent à accroître l’autonomie et la liberté de choix des personnes admissibles qui veulent mettre un terme à leurs souffrances en demandant l’aide médicale à mourir.
En même temps, notre objectif est de protéger les personnes vulnérables et de respecter le droit à l’égalité des droits et la dignité des personnes handicapées. Bref, ce projet de loi permet de maintenir et de renforcer les mesures de sauvegarde afin d’assurer les meilleures conditions pour un consentement éclairé, tout en respectant l’autonomie individuelle.
Pour ce qui est du consentement préalable, un grand nombre de participants étaient d’accord pour qu’on autorise les demandes préalables des personnes qui ont été jugées admissibles à l’aide médicale à mourir, mais qui craignent de perdre leur capacité à y consentir avant que celle-ci leur soit dispensée. Le projet de loi permet aux personnes qui risquent de perdre la capacité de prendre une décision de s’entendre avec leur médecin pour recevoir l’aide médicale à mourir à la date qu’elles ont choisie, même si elles ont perdu leurs capacités avant cette date.
Le projet de loi prévoit que le consentement préalable est invalide si la personne manifeste un refus que la substance lui soit administrée pour l’aider à mourir. Il précise également que des paroles ou des gestes involontaires en réponse à un contact, comme l’insertion d’une aiguille, ne constituent pas une manifestation de refus ou de résistance.
De plus, le projet de loi autorise une personne admissible qui a choisi de s’administrer elle-même une substance mortelle à donner un consentement préalable pour qu’un médecin lui administre cette substance si elle ne réussit pas à le faire par elle-même et qu'elle perd sa capacité à consentir à cet acte. Ce type de consentement préalable sera accessible à toutes les personnes admissibles, quel que soit leur pronostic.
J’aimerais dire quelques mots sur les progrès que le gouvernement a réalisés au chapitre des droits des personnes handicapées au Canada. En fait, l’an dernier, le gouvernement a fait adopter la Loi canadienne sur l’accessibilité, qui vise à identifier, supprimer et prévenir les obstacles à l’accessibilité chaque fois que les Canadiens ont des contacts avec des services de compétence fédérale.
Cette loi représente l'un des plus considérables progrès pour les droits des personnes handicapées depuis l’adoption de la Charte en 1982. Elle vise à entraîner une transformation culturelle pour une plus grande inclusion des personnes handicapées au Canada grâce à l'accessibilité. Elle a permis de créer un nouvel organisme, Normes d’accessibilité Canada, qui sera chargé d’élaborer et de réviser des normes d’accessibilité, et de promouvoir des recherches novatrices sur l’accessibilité. Le PDG et le conseil d’administration ont été nommés, et l’organisme est à l'œuvre depuis l’été dernier.
Cette loi a également créé la Semaine nationale de l’accessibilité, qui a lieu fin mai — début juin de chaque année. Cette semaine dédiée à l’accessibilité est l’occasion de promouvoir l’inclusion et l’accessibilité dans les collectivités et dans les lieux de travail, et de célébrer les contributions des personnes handicapées au Canada.
C’est aussi l’occasion de célébrer les efforts des personnes, des collectivités et des lieux de travail qui s’emploient activement à supprimer les obstacles qui limitent les chances offertes aux handicapés. La loi s’applique pour l’instant aux organisations sous réglementation fédérale, mais nous prévoyons qu’elle aura également des effets sur le reste du pays au fur et à mesure que les gens seront conscients de ce qu’il est possible de faire pour mieux inclure les personnes handicapées.
Notre gouvernement prend des mesures concrètes pour faire respecter les droits des personnes handicapées. La formulation précise du projet de loi en témoigne. Des représentants des organisations de personnes handicapées et d’éminents chercheurs dans ce domaine ont participé aux consultations dans tout le pays. Leur contribution a servi de base aux réformes proposées dans le projet de loi.
Nous sommes bien conscients que l’inclusion des personnes handicapées ne se limite pas à l’adoption d’une loi. C’est la raison pour laquelle nous continuons de travailler avec elles et d’autres intervenants pour lutter contre les préjugés et les partis pris. Nous devons impulser un changement de culture afin que les contributions importantes que les personnes handicapées apportent au Canada puissent être reconnues et appréciées au même titre que celles des autres Canadiens. À l'avenir, nous continuerons d’accroître l’inclusion sociale et économique des personnes handicapées.
Nous poursuivrons nos efforts pour que toutes ces personnes soient traitées avec la dignité et le respect qui leur sont dus, surtout lorsqu’il s’agit de situations aussi personnelles et aussi délicates que la décision de mettre un terme à sa vie. Il faut que les voix de tous les Canadiens, y compris celles des personnes handicapées, continuent d’être entendues sur la question de l’aide médicale à mourir.
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Monsieur le Président, nous avons une occasion exceptionnelle de corriger la loi sur l’aide à mourir et de protéger le droit individuel qu'ont tous les Canadiens de faire un choix aussi fondamental et profondément personnel pour eux-mêmes.
Je m’étais opposé aux dispositions législatives sur l’aide à mourir lors de la dernière législature parce qu’elles étaient trop restrictives. Elles ne respectaient pas l’arrêt Carter de la Cour suprême et elles me semblaient inconstitutionnelles, et on dirait que j'avais raison. Un tribunal québécois a jugé la loi inconstitutionnelle et nous avons convenu, à juste titre, de nous plier à cette décision. Nous avons une autre chance de bien faire les choses.
Si nous sommes impatients de voir la suite des choses, nous devrions aussi revenir sur l’arrêt Carter de la Cour suprême.
Certains députés ont parlé de trouver un équilibre entre, d’une part, la liberté fondamentale des individus de choisir pour eux-mêmes et l’autonomie de l’individu de faire un choix aussi profondément personnel et, d’autre part, la protection des personnes vulnérables.
Ceux qui ont lu l’arrêt Carter de la Cour suprême sauront qu’elle est arrivée à cet équilibre en énonçant plusieurs garanties qui ressemblent à ceci: pour bénéficier de l’aide à mourir, la personne doit vivre des souffrances intolérables et permanentes; elle doit être dans un état grave et irrémédiable et souffrir d’une maladie incurable; et elle doit être capable de donner clairement son consentement.
À la dernière législature, le gouvernement a ajouté, à tort selon moi, un critère d'admissibilité selon lequel le décès doit être raisonnablement prévisible. Ce critère est inutilement restrictif. Je reviendrai sur une cause entendue par les tribunaux qui permet de bien illustrer mon argument.
La nouvelle loi vise à corriger deux injustices fondamentales. Premièrement, elle retirera la notion de « prévisibilité raisonnable » des critères d'admissibilité. Deuxièmement, elle donne suite au cas d'Audrey Parker.
Nous sommes en présence d'une autre injustice fondamentale, car Audrey Parker était admissible à l'aide médicale à mourir, sauf qu'elle a fini par s'enlever la vie de façon prématurée, se privant ainsi de temps qu'elle aurait pu passer avec sa famille et ses proches. Elle craignait de perdre ses facultés et d'être incapable de donner son consentement vers la toute fin, malgré le fait que c'était exactement ce qu'elle voulait.
Le Conseil des académies canadiennes a déterminé trois niveaux pour les demandes anticipées, c'est-à-dire lorsqu'une personne est déjà admissible à l'aide médicale à mourir, comme dans le cas d'Audrey Parker, lorsqu'une personne a reçu un diagnostic et n'est pas encore admissible, mais est sur la voie de l'admissibilité, et lorsqu'une personne n'a pas encore reçu de diagnostic, ce qui l'éloigne plus encore de l'admissibilité. Le projet de loi propose une solution à l'une de ces catégories, mais il faudrait régler de façon plus globale la question des demandes anticipées.
La loi est-elle parfaite? Non, mais elle justifie que nous l'appuyions à l'étape de la deuxième lecture. Un certain nombre de préoccupations méritent toutefois d'être soulignées.
Premièrement, bien que le décès raisonnablement prévisible ne soit plus un critère d'admissibilité, il y a d'autres obstacles à franchir pour les personnes dont la mort n'est pas imminente. L'un des deux praticiens qui évaluent l'admissibilité doit bien connaître le problème de santé. Bien que cela semble tout à fait raisonnable en théorie, ma seule recommandation aux membres du comité chargés d'examiner la question, c'est qu'ils veillent à ce que cela ne constitue pas un obstacle impossible en pratique, particulièrement dans les régions rurales, où ce genre d'expertise n'existe pas toujours.
Le projet de loi crée aussi une période minimale, et je dirais même arbitraire, de 90 jours pour l'évaluation de la demande. Cela ressemble à une façon détournée de prolonger la période de réflexion. Ce serait beaucoup plus logique qu'il n'y ait pas de limite de temps et que l'évaluation se fasse dans le cours normal des choses, ou à tout le moins dans un délai beaucoup plus court, parce qu'on parle de gens qui souffrent énormément et qui sont capables de prendre la décision eux-mêmes.
Est-ce que cela règle les cas comme celui d'Audrey Parker? J'estime que oui, pour une large part, mais il y a lieu de se demander quelles implications entraîne le fait d'exiger que la date de la procédure principale soit connue. Si Audrey Parker avait pu dire: « Je ne sais pas exactement combien de temps il me reste. Je sais que le moment n'est pas venu, mais qu'il viendra bientôt », exigerait-on qu'elle fixe une date précise? Allons-nous mettre les gens dans une situation qui les oblige à fixer une date plus tôt que voulu?
La santé mentale pose un véritable défi. Le projet de loi propose un critère supplémentaire:
Pour la détermination de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, la maladie mentale n’est pas considérée comme une « maladie, une affection ou un handicap grave et incurable » [...]
À première vue, cela semble raisonnable à bien des égards, car nous pouvons d'emblée imaginer des cas où la maladie mentale nuit à la capacité à donner son consentement et à se conduire en personne compétente, mais ce n'est pas toujours vrai.
Je sais que mes collègues conservateurs ont quelques réserves. Je suis aussi conscient du nombre de députés conservateurs qui viennent de l'Alberta. Conséquemment, je tiens à mentionner une affaire de la Cour d'appel de l'Alberta qui date de 2016.
L'affaire concerne une femme de 58 ans, « E.F. », qui souffrait d'un grave trouble de conversion ou trouble psychogénique.
La cour a écrit ceci:
Elle souffre de spasmes musculaires involontaires qui irradient de son visage jusqu'au sommet et aux côtés de sa tête ainsi que jusqu'à ses épaules, ce qui lui cause de la douleur intense et constante et des migraines. Ses paupières restent fermées à cause des spasmes [...] Son système digestif ne fonctionne pas [...] Elle a beaucoup de mal à dormir et [...] elle est non ambulatoire [...] Son trouble est diagnostiqué comme étant d'ordre psychiatrique, mais sa capacité générale et sa capacité cognitive à prendre des décisions éclairées, notamment donner son consentement pour mettre fin à ses jours, ne sont pas diminuées.
Cette femme a pu se prévaloir de l'aide médicale à mourir parce que nous n'avions pas encore mis en place une loi inconstitutionnelle pour l'empêcher d'avoir recours au régime. La Cour d'appel de l'Alberta a déterminé que cette femme était lucide et apte à donner son consentement. La cour a ajouté que la femme avait consulté son mari et ses enfants adultes, qui étaient tous d'accord avec son choix.
Je trouve inquiétant que nous envisagions d'exclure complètement la maladie mentale, même dans les cas où elle n'empêche pas la personne de donner son consentement ou d'être apte à prendre une décision. Nous envoyons le message que ces personnes sont incapables de faire des choix fondamentaux et profondément personnels pour elles-mêmes et qu'elles ont moins de droits que nous. C'est une attitude absolument inacceptable dans notre société.
Cette question a représenté un problème récurrent pour le ministère de la Justice. Lorsqu'il a défendu sa position dans l'affaire E.F. et qu'il a perdu devant la Cour d'appel de l'Alberta, il a fait valoir que, selon les critères actuels, seule une maladie en phase terminale était admissible. La cour n'était pas du même avis. Le ministère a soutenu qu'une affection psychiatrique ne devrait pas être admissible. Encore une fois, il a perdu devant la Cour d'appel de l'Alberta.
Par conséquent, pour respecter la décision Carter et les précédents qui ont été établis depuis cette décision, je ne pense pas que nous devrions prévoir une telle exclusion absolue dans la loi.
Dans la décision Carter, la Cour suprême a noté ce qui suit:
Au Canada, le fait d’aider une personne à mettre fin à ses jours constitue un crime. Par conséquent, les personnes gravement et irrémédiablement malades ne peuvent demander l’aide d’un médecin pour mourir et peuvent être condamnées à une vie de souffrances aiguës et intolérables. Devant une telle perspective, deux solutions s’offrent à elles: soit mettre fin prématurément à leurs jours, souvent par des moyens violents ou dangereux, soit souffrir jusqu’à ce qu’elles meurent de causes naturelles. Le choix est cruel.
Comme l'a déclaré la Cour d'appel de l'Alberta: « La situation est cruelle, que la maladie engendrant les souffrances soit classée comme terminale ou non. » Chose certaine, il est toujours question de cruauté, peu importe si les souffrances relèvent principalement d'un trouble psychiatrique.
Pour conclure sur ce sujet, ce projet de loi, s'il est adopté sans amendements, fera de la maladie mentale un problème moins grave que la maladie physique, un préjugé contre lequel nous nous sommes battus avec vigueur dans d'autres contextes.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous devons aborder les demandes directes anticipées plus sérieusement que ne le prévoit ce projet de loi. Je sais que nous pourrons discuter de cela de manière générale plus tard cette année, alors que nous y reviendrons. À mon avis, si les gens apprennent qu’ils souffrent d’une maladie dont on peut clairement prévoir l’évolution, ils devraient pouvoir décider de leur avenir. Je voudrais que la détermination de mon propre avenir fasse partie de mes libertés fondamentales. En outre, nous devrions pouvoir déterminer notre propre avenir en présentant des demandes anticipées de façon plus générale et plus aisée, même si nous n’avons pas reçu de diagnostic.
Je reconnais que le Conseil des académies canadiennes a déterminé qu'il faut davantage de certitude. Comment? Grâce à des clauses de caducité. Si nous ne révisons et ne confirmons pas notre demande anticipée dans un certain délai, elle disparaît. Cela permettrait d’établir la certitude.
Il y a d’autres choses à examiner dans cette loi, dont les mineurs matures, parce que les mineurs ont la capacité de prendre des décisions qui transformeront leur vie dans des contextes médicaux autres que l’aide médicale à mourir. Cependant, quoi qu’il en soit, cette loi doit prévoir que toute personne admissible à l’aide médicale à mourir conformément aux critères énoncés dans l’arrêt Carter continue d’y être admissible en vertu de la présente loi. En fin de compte, c’est une question de liberté fondamentale et de dignité.
:
Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de .
Je suis bien heureux de participer à ce débat, qui sort du cadre habituel du travail politique bien souvent partisan qui est le nôtre en tant qu'élus.
Dans ma vie de parlementaire, c'est la troisième fois que je suis appelé à débattre la question de l'aide médicale à mourir et à voter à ce sujet. En effet, j'ai siégé à l'Assemblée nationale du Québec pendant sept ans, et je siège ici, à la Chambre des communes, depuis 2015 grâce à l'appui des citoyens de ma circonscription.
[Traduction]
J'ai été élu à l'Assemblée nationale en 2008. En 2010, en qualité de député de cette assemblée, j'ai participé au premier débat tenu au Québec et dans une assemblée législative canadienne sur cet enjeu.
J'ai également participé, il y a quatre ans, au tout premier débat de la Chambre des communes sur la question. Bref, c'est la troisième fois au cours de ma carrière parlementaire que je prends part au débat et que je vote sur cet enjeu très délicat, personnel et non partisan.
[Français]
C'est pourquoi je tiens à rappeler certaines règles cardinales qui doivent guider notre action de parlementaires dans ce débat qui n'appelle, à notre point de vue, aucune partisanerie. Les échanges dans le cadre de ce débat peuvent être difficiles, mais ils doivent être respectueux.
Le respect du vote libre est l'une des règles cardinales qui doivent régir ce débat. À mon point de vue, il n'y a pas de bonne ni de mauvaise position dans ce débat. Il n'y a que les positions avec lesquelles nous sommes à l'aise en tant qu'êtres humains. Que l'on soit pour ou contre, il n'y a pas de ligne politique partisane derrière cela. Il n'y a que l'opinion que nous avons, que nous partageons et que nous analysons.
Il faut donc avoir un esprit très ouvert et respecter le fait que certains collègues de notre parti ne partagent pas notre point de vue, alors que certains collègues d'autres partis le partagent. C'est correct. Il n'y a strictement rien de mauvais dans cela. Il n'y a que des positions que l'on affirme et avec lesquelles on peut ne pas être à l'aise.
Il faut respecter le débat. Il faut respecter l'opinion personnelle. Il faut respecter le fait que dans ce débat, il n'y a pas de place pour la partisanerie et qu'il n'y a pas de bonne ni de mauvaise position. Il y a des positions sur lesquelles on est d'accord et d'autres sur lesquelles on n'est pas d'accord. Il faut respecter cela.
Sur le fond des choses, il y a aussi certains éléments que l'on doit garder en tête. À notre point de vue, il y a certaines failles dans ce projet de loi.
D'abord, il faut respecter la liberté de conscience des médecins qui sont appelés à prodiguer l'aide médicale à mourir. Si la conscience d'un médecin l'empêche de procéder dans une telle situation, il doit pouvoir l'affirmer et ne pas avoir à le faire. J'ai parlé à beaucoup de personnes dans le cadre de ce débat, auquel je prends part depuis très longtemps. Tous les gens à qui j'ai parlé me disent que les médecins peuvent démontrer une certaine ouverture à un moment donné, mais changer d'idée à un autre moment. Jamais un médecin ne devrait être contraint d'agir si sa conscience lui dicte de ne pas le faire.
De plus, il faut toujours garder en tête que l'aide médicale à mourir, par sa nature même, est la dernière étape possible des soins de santé qui peuvent être prodigués. Il ne faut jamais oublier que les soins palliatifs sont là pour assurer aux malades une vie digne malgré la tragédie qui les frappe. Il faut donc respecter la conscience des médecins et mettre l'accent sur les soins palliatifs.
Une autre règle cardinale doit être respectée dans ce type de débat: ne pas se presser.
[Traduction]
Je tiens à rappeler aux députés que le premier débat qui s'est tenu au Québec sur la question a duré 6 ans, et que trois gouvernements et trois premiers ministres ont dû s'en mêler. Ce sujet a suscité un important débat, à la fois vigoureux et réfléchi. L'opinion de toutes les personnes qui ont participé au débat a été clairement exprimée. Il ne faut pas précipiter les choses. Nous devons prendre notre temps.
Pour certaines personnes, on parle de suicide assisté. C'est une question très délicate. Il ne faut surtout pas en précipiter l'étude. Nous devrions suivre l'exemple du Québec, qui s'est penché sur la question pendant six ans. Bien sûr, cela ne prendra pas six ans cette fois-ci, mais pour ouvrir le débat, c'était nécessaire.
[Français]
Respectons le besoin de ne pas précipiter le débat.
Pourquoi débattons-nous aujourd'hui le projet de loi ?
Lorsque le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes en 2016, je faisais partie du comité qui l'avait étudié et nous savions déjà que certains éléments allaient en être contestés par des citoyens et que les tribunaux allaient se prononcer. C'est justement ce qui est arrivé lorsque, le 11 septembre 2019, la Cour supérieure du Québec a invalidé la notion de « mort naturelle raisonnablement prévisible » du projet de loi devenu la Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois relativement à l'aide médicale à mourir.
Je ne le savais pas avant de faire les recherches nécessaires, mais il est intéressant de remarquer que l'actuel ministre de la Justice, un homme pour qui j'ai respect et estime eu égard à son passé d'homme de droit et de professeur à l'Université McGill, avait voté contre le projet de loi C-14. Or aujourd'hui, en sa qualité de ministre de la Justice, il propose la réponse du gouvernement fédéral au jugement de la Cour supérieure du Québec, sous la forme du présent projet de loi, lequel règle certaines choses, mais en met d'autres de côté.
Le premier élément fondamental du projet de loi C-7 est qu'il élimine le délai d'attente de 10 jours qu'impose la loi actuelle comme période tampon entre la décision de la personne et l'opération comme telle pour assurer que le deuxième avis prévu par la Loi a bien été obtenu. La Cour a estimé que cette disposition n'était pas bonne, et le ministre a décidé de se ranger à cet avis.
Rappelons aussi que la Loi actuelle, adoptée il y a quatre ans, prévoit un examen de ses dispositions dans quelques mois à peine, dès juin 2020.
Le gouvernement a décidé de prendre acte du jugement de la Cour supérieure du Québec et d'agir. C'est son droit. Nous estimons cependant, et ce, peu importe que l'on soit en faveur de cette question ou non, que ce sujet touche à des questions vraiment fondamentales, qu'il soulève des préoccupations juridiques très complexes, et qu'il aurait été préférable de porter ce jugement en appel pour que les plus hauts juristes du pays, c'est-à-dire les neuf juges de la Cour suprême, puissent en étudier toutes les ramifications possibles.
Ce projet de loi évite également toute la question de la maladie mentale. C'est une très bonne chose, car, à notre point de vue, il est très difficile de définir le moment où une maladie mentale devient irréversible et peut remettre en question la nature libre et entière du consentement.
Comme je l'ai dit tantôt, la pire chose à faire dans ce dossier, c'est de provoquer les événements. Il ne faut pas nous précipiter. Cette préoccupation sera peut-être débattue à un moment donné, mais, pour le moment, allons-y une étape à la fois.
Puisque mon temps de parole arrive à sa fin, j'aimerais simplement rappeler que, dans ce débat d'une question si délicate et fragile, la pire chose à faire est d'y aller à la vitesse grand V et d'attaquer les gens sur leurs convictions au lieu de respecter leur choix. Prenons le temps de faire les choses correctement sur cette question qui est si délicate, mais aussi tellement importante.
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Madame la Présidente, le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel, aide médicale à mourir, est un document qui, je crois, a été rédigé avec l’intention d’offrir de la compassion à ceux qui souffrent de douleurs inconcevables et insupportables en leur permettant d'écourter légalement leurs souffrances et de mourir dans la dignité. La mesure est bien intentionnée. Le gouvernement veut se hâter d’étendre cette compassion aux personnes qui souffrent au-delà de tout entendement.
Toutefois, en tant que personne visionnaire et à titre de législatrice qui se soucie du bien-être et de la prospérité à long terme de notre pays, j’invite tous les députés à s’arrêter quelques instants pour orienter le dialogue vers les effets à long terme de ce projet de loi et vers les répercussions qu’il aura sur les principes directeurs de l’élaboration des lois.
Je ne prends pas la parole sur ce projet de loi avec l’autorité morale d’une personne qui a atteint un point de souffrance aussi intense que les personnes qui ont le droit de présenter une demande d’aide médicale à mourir. D'ailleurs, je ne crois pas que la plupart des députés puissent s’exprimer sur cette question en se fondant sur leur expérience personnelle. Cependant, je prends la parole ici pour parler de cette question parce qu’il y a une force dans ma vie qui m’a aidée à traverser des nuits très sombres, où l’adversité, la douleur et des cycles répétés d’injustice étaient si déchirants qu’ils épuisaient ma volonté de combattre, au point que je remettais parfois en question la valeur de mon existence.
J’ai vu cette force tirer des toxicomanes, des cancéreux et des personnes souffrant de dépression profonde hors d’une profonde paralysie psychologique et de l’obscurité. Cette force transcende les distinctions raciales, sexuelles, socio économiques et autres. Elle est presque aussi vitale que la vie elle-même. C’est une force qui est centrale à l’existence du genre humain, et cette force, c’est l’espoir. Bien que certaines personnes réussissent mieux à nourrir leurs espérances que d’autres, d’autres personnes encore cessent de percevoir toute lueur d’espoir parce que leur douleur étouffe cette petite flamme.
Nous avons tous un cœur bienveillant, nos collectivités et notre nation se targuent d’avoir de la compassion. Il est donc de notre devoir de tout essayer pour aider ces gens à retrouver l’espoir qu’ils ont complètement perdu. L’espoir est un parcours qui exige une recherche incessante jusqu’à ce qu’on le retrouve.
Nous l'avons vu chez Terry Fox. Cet homme est notre symbole national d'espoir, parce que malgré son pénible combat contre le cancer, il a fait le sacrifice que l'on connaît pour mener sa campagne de sensibilisation à la recherche sur le cancer à travers le pays parce que lui-même était en quête d'espoir et qu'il voulait le propager à d'autres. L'inspirante histoire de son triomphe contre l'adversité, même si sa vie a été tristement fauchée à un si jeune âge, continue d'influer sur les Canadiens de nos jours, parce que les Canadiens en ont fait un héros national, parce que nous donnons de la valeur à l'espoir. Nous avons constaté le pouvoir de l'espoir qui a poussé Terry à franchir la ligne d'arrivée au moment de son dernier souffle.
Nous ressentons l'espoir chaque fois qu'Équipe Canada envoie une délégation d'athlètes paralympiques aux Jeux olympiques. Nombre d'entre eux ont survécu à de profondes souffrances physiques, émotionnelles et mentales. C'est avec leur détermination, leur discipline et leur excellence qu'ils ont relevé leurs défis.
Notre nation repose sur des valeurs compatibles avec la préservation de la vie et le droit d'être prospère. Nous investissons des millions de dollars chaque année dans des services de premiers répondants, des soins médicaux, des infrastructures et des lois pour protéger la vie, la subsistance et la prospérité de la population.
Cependant, accélérer l'administration de substances causant la mort est contraire à la quête d'espoir qui vit dans l'être humain. Notre propre Constitution repose sur les principes que la vie humaine a de la valeur et que chaque personne a le droit de prospérer et d'avoir accès aux possibilités qui lui permettront de s'épanouir.
Bien que la volonté de faciliter l'accès à l'aide médicale à mourir soit motivée par des motifs de compassion et de respect de la dignité, cette décision n'ouvre pas moins la porte à des situations très complexes qui mèneront à encore plus de souffrances, même pour ceux qui demeurent en vie.
J'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur l'histoire d'Alan Nichols, un homme qui vivait dans ma province, la Colombie-Britannique. Comme l'a rapporté CTV en septembre dernier, la famille d'Alan insiste sur le fait qu'il souffrait d'une dépression et n'aurait jamais dû être admissible à l'aide médicale à mourir.
Voici ce que son frère Gary a déclaré à la chaîne CTV:
Il n'avait aucune maladie mortelle. Il pouvait se déplacer. Il était capable de faire presque tout ce qu'il faut pour survivre.
Comme de nombreux autres Canadiens, la vie d'Alan s'est trouvée bouleversée lorsque son père est décédé. Son père avait été très impliqué dans sa vie, et son décès avait laissé Alan particulièrement vulnérable. Il a cessé de prendre ses antidépresseurs. Il est devenu de plus en plus en colère, et il s'est isolé.
Il ne sortait plus en public, il ne rencontrait personne, il ne mangeait pas comme il faut.
Voilà comment Gary a décrit la situation.
La famille d'Alan sait qu'il s'était débarrassé de tous les meubles de sa résidence, en ne conservant qu'un lit et une chaise. En raison de sa dépression, il refusait de prendre ses médicaments et de manger. Un autre aspect troublant de l'histoire d'Alan est que, malgré les tentatives de sa famille d'être présente pour lui et de veiller sur sa vie, le personnel hospitalier ne partageait aucune information avec elle et l'empêchait de connaître des faits importants.
L'histoire se poursuit, mais je vais m'arrêter là. Il s'agit de renseignements accessibles à tous.
Ce que je veux faire ressortir, c'est qu'il s'agit d'une question très complexe qui touche un aspect important, nécessaire tant pour notre existence que pour notre pays: l'espoir. En raison du caractère irréversible de la mort, il y a peu que l'on peut faire après coup, car lorsque le fil de l'espoir est coupé, il n'y a plus personne pour bénéficier de cet espoir.
Au lieu de nous précipiter pour adopter ce projet de loi, nous devrions plutôt nous attaquer à des choses comme l’épidémie de suicides parmi les communautés et les jeunes des Premières Nations. Nous devrions aussi nous employer à garantir aux Canadiens un meilleur accès à des soins de santé mentale afin qu’ils aient un meilleur accès à l’espoir lorsqu’ils vivent des situations de souffrance, notamment ceux qui souffrent tellement qu’ils envisagent l’aide médicale à mourir. Nous devons nous y employer jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment de mesures pour engendrer l’épanouissement de l’espoir et de la prospérité humaine afin d'empêcher qu'une possible culture de la mort ne s’empare de notre nation si nous devions être trop rapides et laxistes dans nos décisions sur les enjeux entourant la mort.
Je suis peinée de voir d’autres personnes souffrir, mais je suis aussi peinée de penser que, comme législateurs, notre priorité est d’accélérer l’accès à la mort plutôt que d’accélérer l’accès à l’espoir.
Avec ma déclaration d’aujourd’hui, j’espère inspirer tous les députés à prendre en compte non seulement la dignité des personnes qui souffrent et cherchent une libération par la mort, mais aussi la dignité de l’existence et de la prospérité humaine à long terme.
La suppression de la période d’attente obligatoire de 10 jours réduit la protection des membres vulnérables de la société. La loi originale du gouvernement, le projet de loi , avait fait l’objet de vastes consultations. Son examen parlementaire est prévu pour cet été. Je demanderais au gouvernement libéral de respecter le processus et de laisser l’examen suivre son cours plutôt que de légiférer avec précipitation sur cet enjeu très délicat et complexe. Accordons-nous ce délai, parce que la mort est irréversible.
J’ai décidé d’examiner ce projet de loi à travers un filtre d’espoir et en préservant une culture d’espoir, comme une force qui guide les lois que nous adoptons non seulement aujourd’hui, mais pour des décennies et des siècles à venir. En conséquence, j'interviens aujourd’hui au nom de l’espoir et j’invite mes collègues de tous les partis à examiner ce projet de loi à travers le prisme de l’espoir et de la préservation de l’espoir dans notre pays.
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Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui au sujet d'un projet de loi très important. En l'étudiant, je n'ai pu m'empêcher de repenser au processus d'élaboration du projet de loi et aux débats qui l'ont entouré et qui nous ont amenés là où nous en sommes aujourd’hui.
Si les députés qui ne siégeaient pas à la Chambre à l'époque veulent avoir une idée de l'étendue des discussions et des débats qui ont eu lieu, je leur recommande de jeter un coup d'œil à certaines des observations faites dans les comités permanents et au cours des nombreuses discussions préparatoires ainsi qu'aux différentes présentations qui ont été données et à l'étude préalable qui a été effectuée.
J'avais pris beaucoup d'intérêt aux discussions à l'époque parce que, comme le député qui vient de parler l'a dit, nous avions entendu beaucoup d'histoires personnelles. Quand les gens me demandent ce que j'aime, dans mon travail à la Chambre, je leur réponds que c'est la diversité des débats que nous avons, et il y a notamment les débats comme celui d'aujourd'hui, qui m'apprennent quelque chose. Je suis reconnaissant de pouvoir entendre les histoires que l'on présente à la Chambre.
Nous cherchons tous à protéger les personnes vulnérables dans notre société. En même temps, en tant que législateurs, il est important que nous puissions venir en aide aux personnes admissibles à l'aide médicale à mourir. C'est une question très difficile.
Beaucoup d'entre nous pensaient que l'adoption du projet de loi nous permettrait d'aller de l'avant dans ce dossier. Même lorsque le débat sur cette question battait son plein, l'avis général était qu'il incombait de réexaminer la question après quelques années pour se pencher sur ce qui s'était passé durant ce temps. Nous sommes sur le point d'en arriver là.
Toutefois, en septembre dernier, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision. Selon les députés conservateurs, nous aurions dû porter cette décision en appel. Je respecte leur opinion. Je ne crois pas nécessairement que cela aurait été la meilleure marche à suivre pour le gouvernement. Nous avons plutôt choisi d'apporter maintenant des changements à la mesure législative, dans l'espoir de mieux servir les Canadiens.
Cela dit, quand l’été viendra, il y aura beaucoup de discussions parce que c’est prévu. En ce qui concerne le débat sur le projet de loi , et je ferai part de quelques réflexions personnelles à propos des soins palliatifs, j’aimerais que nous parlions de la santé mentale. J’espère qu'il en sera question, ainsi que des soins palliatifs, lorsque nous ferons l'examen approfondi de la loi.
Je suis certain de ne pas être le seul et que les 338 députés en conviendront, en ce qui concerne les soins de santé au Canada, deux enjeux se présentent: les services en santé mentale et les services de soins palliatifs. J’ai été porte-parole en matière de santé, il y a 15 ans, au Manitoba. À l'époque, le dialogue différait de celui qu'on entend depuis plusieurs années sur ces deux dossiers extrêmement importants.
Il y a des années de cela, la Colombie-Britannique a décidé de s'attaquer au problème de la santé mentale et d'y consacrer un ministère. Il y avait un ministre de la Santé et un ministre de la Santé mentale.
Je parle de cela parce que les provinces ont de plus en plus conscience du problème de la santé mentale et de son importance. Le gouvernement du Canada a investi des centaines de millions de dollars au cours des dernières années et il continue d’investir dans la santé mentale et les soins palliatifs dans tout le pays. Quand on regarde où nous en sommes aujourd’hui, on peut dire que les assises sont très solides.
Il faut réfléchir au chemin parcouru. Il y a eu de nombreuses consultations auxquelles ont participé littéralement des milliers de personnes, et il y a eu de nombreuses heures de débat et de dialogue, voire des milliers d’heures. Je ne peux citer des chiffres, mais je sais qu’entre les réunions des comités à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi , les consultations publiques menées dans les diverses régions du pays, par toutes sortes de moyens, ont permis à des centaines de milliers de Canadiens de donner leur avis sur le sujet.
En janvier 2020, il y a aussi eu des consultations et des tables rondes dans différentes régions du pays. Il y a eu une enquête dont on a fait mention aujourd’hui à plusieurs reprises. Environ 300 000 Canadiens ont pris part à cette enquête au début de l’année. Je ne sais pas si tous les résultats en ont été rendus publics, mais je suis sûr que les personnes qui ont aidé à élaborer le projet de loi que nous débattons aujourd’hui ont mené des consultations en bonne et due forme et ont pris toutes les idées en compte. Je sais que le ministère de la Justice et le ministère de la Santé suivent ce débat et écoutent ce que les députés ont à dire.
D’un point de vue personnel, et je me fonde sur l’expérience acquise au fil des ans, je souhaite faire état de deux préoccupations. L’une concerne les services de santé et l’autre, le projet de loi lui-même. Je m'explique.
Si nous demandions aux Canadiens ce qui les rend fiers d’être Canadiens, il serait souvent question de nos services de santé. Je crois que c’est probablement la raison numéro un. J’ai parlé de la maladie mentale et des soins palliatifs. J’ai pu constater personnellement l’évolution que ces derniers ont connue.
Ma grand-mère a séjourné à l’hôpital de Saint-Boniface. De nombreux hôpitaux de notre pays ont des services de soins palliatifs. Bon nombre d’entre eux accueillent en particulier des aînés qui ne peuvent pas obtenir les soins de qualité nécessaires dans des établissements de soins pour personnes âgées ou le soutien nécessaire dans leur collectivité et à leur domicile. Ils se retrouvent alors confinés à l’hôpital.
Nombreux sont ceux qui vont avoir recours aux soins palliatifs des hôpitaux parce qu’il n’y a pas d’unités de soins palliatifs désignées dans les établissements de soins de santé. C’est ce qui est arrivé à ma grand-mère. Elle était atteinte d’un cancer en phase terminale, et nous l’avons vu dépérir au fil des semaines. Les membres de la famille qui la visitaient trouvaient cela très difficile.
Nous avions une relation très particulière, elle et moi, comme c’est souvent le cas avec les grands-parents. Nous étions nombreux à nous demander pourquoi elle devait être hospitalisée. Même si elle était séparée de l’urgence et des autres services de l’hôpital, elle était quand même dans un hôpital. C’est une situation spéciale mais pas nécessairement des plus agréables.
Finalement, ma grand-mère est décédée. Puis, plusieurs années plus tard, j’ai accompagné mon père dans les jours qui ont précédé son décès. Il a quitté son domicile pour aller à l’hôpital, et nous avons été très chanceux qu'il soit admis au Centre de santé Riverview. C’est un centre où les grandes fenêtres et l'ambiance chaleureuse donnent l’impression que les soins y sont très différents.
Je réfléchis à cela. J’étais présent au moment du décès de mon père, et nous avons pu discuter plusieurs jours auparavant. Il avait peur de ce qui allait lui arriver, parce qu’il avait été témoin de ce qui était arrivé à sa mère, ma grand-mère, à l’hôpital de Saint-Boniface. Il n’avait pas le choix, mais nous avons parlé de la possibilité que ce choix existe.
Connaissant mon père, je pense qu’il aurait été très heureux de la façon dont ses jours se sont terminés. J’attribue cela au traitement de première classe qui lui a été prodigué dans cet établissement particulier. J’aurais souhaité que ma grand-mère soit placée dans le même genre d’établissement. Je ne veux pas minimiser la qualité du travail fantastique des fournisseurs de soins à l’Hôpital de Saint Boniface, mais l’ambiance y était tout à fait différente.
Au cours du débat sur le projet de loi , nous avons entendu de nombreuses histoires comme celle que vient de raconter le député d’en face. Elles sont très touchantes et convaincantes et elles nous amènent à nous demander ce que nous pouvons faire ici, au Parlement, pour assurer la prestation des meilleurs services de santé possible.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je défends avec vigueur un cadre national. Il n’est pas nécessaire que ce soit un système où il y a une chose en Colombie-Britannique et une autre au Canada atlantique ou au Québec, ou dans les provinces qui n’ont pas les mêmes moyens économiques ou les mêmes ressources financières pour fournir le type de services qu’elles devraient fournir. C’est là que le gouvernement national a un rôle à jouer.
J'ai écouté les observations formulées à la Chambre à savoir quelle devrait être la prochaine étape ou quelles sont les graves préoccupations à l'égard de la loi en vigueur. J'invite les députés à réfléchir à ce que nous pouvons faire dans les prochains mois.
Contrairement à ceux de l'Assemblée législative du Manitoba, les comités permanents de la Chambre des communes peuvent être extrêmement efficaces. C'est vraiment incroyable le niveau d'autorité, de compétence et de participation dont nous pouvons faire preuve lorsque nous laissons de côté la partisanerie et nous appliquons à faire ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens. Quand je regarde ce que nous avons fait dans le contexte du projet de loi , je n'ai aucun doute que nous pouvons nous mobiliser de nouveau.
Le discours qui a précédé le mien donne une idée de ce qui s'est produit lors du débat sur le projet de loi . J'encourage les députés de tous les partis, que ce soit par la voie du Comité permanent de la santé ou par d'autres moyens que nous trouverons collectivement, à participer à l'étude et à pousser la portée géographique de cette dernière au-delà d'Ottawa.
Nous devrions peut-être examiner ce qui se fait dans les régions et les provinces et visiter certains centres de soins palliatifs. Les façons de faire peuvent varier considérablement d'un endroit à l'autre.
Nous devons nous pencher là-dessus. Par exemple, au Manitoba, nous devrions examiner ce qui se fait à Winkler, à Flin Flon ou à Winnipeg. Nous devrions voir la différence entre les services du centre de santé Riverview et ceux de l'hôpital Seven Oaks.
Dans quels secteurs et de quelle façon le gouvernement national pourrait-il accroître le plus possible les bienfaits des soins palliatifs que les Canadiens veulent et méritent, compte tenu des limites actuelles? Seul le gouvernement national peut le déterminer. Je crois qu'il aura un rôle très important à jouer.
Plus tôt aujourd'hui, le comité permanent du commerce a présenté l'ACEUM, c'est-à-dire l'accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Bien des membres de ce comité ont pris des photos et étaient très optimistes par rapport à ce qu'ils ont réussi à accomplir.
J'exhorte le comité de la santé — si c'est bien lui qui se chargera de l'étude — à prendre son rôle très au sérieux au moment de produire un rapport qui pourrait changer la vie des Canadiens.
Je crois sincèrement que les gens sont prêts à aider ce comité à atteindre son objectif. Ce rapport sera aussi important, voire davantage, que le rapport que le comité du commerce a présenté aujourd'hui et qui, d'après ce que j'ai cru comprendre, a été appuyé à l'unanimité par les députés. D'après les discours qu'on entend jusqu'à présent, je crois que personne ne pourrait remettre en question ce que j'ai dit à ce sujet.
Je ne saurais trop encourager le comité à se pencher sur la question de la santé mentale en se basant sur les principes que j'ai mentionnés à l'égard des soins palliatifs. Le gouvernement fédéral doit assumer un plus grand leadership à l'échelle nationale dans ce dossier extrêmement important. J'espère qu'il le fera, mais, en raison du temps qu'il me reste, je vais seulement faire quelques observations très brèves.
Les modifications proposées prévoient une renonciation au consentement final pour les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, c'est-à-dire les personnes dont la demande d'aide médicale à mourir a été évaluée et approuvée et qui ont pris des dispositions auprès de leurs praticiens afin de fournir leur consentement au préalable parce qu'elles risquaient de perdre leur capacité de prendre une décision avant la date qu'elles ont choisi pour recevoir l'aide médicale à mourir.
Je tiens également à souligner que le gouvernement sait pertinemment que l'administration de l'aide médicale à mourir à des gens dont la mort n'est pas prévue à court terme comporte des risques accrus. Par conséquent, le projet de loi propose des mesures de sauvegarde additionnelles pour les cas où la mort naturelle d'une personne n'est pas raisonnablement prévisible.
Ces nouvelles mesures de sauvegarde visent à garantir que suffisamment de temps est consacré à l'examen, par une personne compétente, des demandes d'aide médicale à mourir de gens dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible, et que ces derniers sont informés des moyens à leur disposition pour soulager leurs souffrances et les envisagent sérieusement.
J'aimerais parler d'un autre élément qui revêt beaucoup d'importance pour moi, mais j'attendrai peut-être à la période de questions et de réponses.
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Madame la Présidente, en commençant, j'aimerais annoncer que je vais partager mon temps de parole avec ma très estimée collègue de .
Le débat que nous tenons actuellement en est un qui se doit d'être tenu dans la réserve, la dignité et la sérénité. Il n'y a nulle place ici pour toute partisanerie. La question est grave et notre décision aura des répercussions majeures sur la vie de nombreux citoyens et citoyennes, et peut-être même un jour sur nous-mêmes, car nous allons tous un jour ou l'autre quitter ce monde. C'est une fatalité.
Ce qui est triste dans toute cette histoire, c'est que notre société, par l'entremise de décisions prises au sein même de ce Parlement, a forcé des gens qui souffrent à souffrir davantage. En effet, des personnes atteintes de maladies graves se sont vues dans l'obligation de faire appel au système judiciaire pour faire respecter leurs droits les plus fondamentaux et, pire encore, à faire une grève de la faim pour avoir accès à l'aide médicale à mourir en satisfaisant le critère de mort raisonnablement prévisible. Se rend-on compte de ce que nous avons demandé à ces patients souffrants?
Au bout de la misère et devant déjà composer tous les jours avec des souffrances épouvantables sur les plans physique et psychologique, des gens gravement malades ont dû affronter les tribunaux ou se placer dans une situation de mort prévisible. Le système de justice, on le sait, est rempli d'embûches. Les frais tout autant que les délais sont la plupart du temps déraisonnables. C'est un véritable parcours du combattant que ces personnes ont dû vivre, parce que nous avons décidé à la place des gens affectés.
Nous avons failli à la tâche de prendre des décisions éclairées et de respecter les libertés des personnes. Siéger à la Chambre est un énorme privilège doublé de lourdes responsabilités. Nous devons être à la hauteur de la fonction que nous occupons. Je demande donc à l'ensemble des députés de la Chambre de ne pas faillir cette fois-ci. De valeureux malades ont dû affronter le système pour nous mener à une décision sage et éclairée. Il y a un sens très clair aux directives de la Cour supérieure du Québec. Ayons le courage et la clairvoyance de les appliquer et adoptons le principe de ce projet de loi, qui mérite d'être bonifié en comité.
Le jugement Baudouin donnant raison à Nicole Gladu et à Jean Truchon est très clair: « Le Tribunal n’entretient aucune hésitation à conclure que l’exigence de la mort naturelle raisonnablement prévisible brime les droits à la liberté et à la sécurité de M. Truchon et de Mme Gladu, garantis par l’article 7 de la Charte. »
Il faut bien lire ces dernières lignes. On y parle de droit à la vie et de liberté de choisir. Qui de nous peut prétendre choisir pour l'autre? Je nous mets en garde contre la tentation de penser à nous-mêmes. Je nous mets en garde contre le fait de voter selon nos propres croyances, nos propres philosophies ou notre propre religion. Il faut préserver le libre choix et, pour choisir, il faut des options. La base du jugement obtenu après une très longue attente et une angoisse continue est très claire: il s'agit de droits et libertés. Ainsi, personne ne peut choisir pour une autre personne. Nous devons lever les barrières afin que chacun puisse vivre ses derniers moments à sa façon, librement et sans contrainte. Évidemment, il ne faut pas négliger de protéger les plus vulnérables selon la règle bien enracinée dans la pratique médicale du consentement libre et éclairé. Éclairé par l'exposition à toutes les options possibles, et libre de toute pression indue.
Ce projet est un pas dans la bonne direction. Il inclut des mesures de précaution importantes et prévoit l'étude d'autres questions importantes qu'il faut analyser. Il prévoit entre autres d'exclure les personnes souffrant uniquement de maladies mentales. Je pense qu'il s'agit d'une décision prudente. Cette question extrêmement complexe devra faire l'objet d'une étude plus approfondie. Nous ne pouvons pas trancher sur cette question présentement, d'où la nécessité de l'étudier correctement, sans escamoter d'étapes.
Il faudra aussi étudier la question des demandes anticipées pour les personnes nouvellement diagnostiquées d'une affection pouvant avoir une incidence sur leur capacité de prendre des décisions dans l'avenir. Ce sont là des questions extrêmement délicates que nous devrons étudier avec grand soin et beaucoup de précaution. Il est donc prudent de ne pas les inclure pour le moment.
Ce projet de loi vise globalement à permettre aux gens souffrant de maladies dégénératives et incurables d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible ou non, sauf pour les cas de maladies cognitives dégénératives, comme je viens de le mentionner.
Pour les gens dont la mort est raisonnablement prévisible, il s'agit d'assouplir les règles en retirant le délai de 10 jours entre la demande écrite et la prestation du service. Le délai de 10 jours peut être retiré si une personne a été évaluée et que sa demande d'aide médicale à mourir a été approuvée si des dispositions ont été prises avec son praticien pour obtenir une renonciation au consentement final parce qu'elle risque de perdre sa capacité de prise de décision avec l'avancement de la maladie ou encore avec l'administration de médicaments visant le soulagement. Ainsi, s'il arrivait que la douleur, même avec les soins, ne puisse être soulagée, le patient aura pu, lors de sa demande, signer et convenir d'un renoncement au deuxième consentement.
Cette dernière mesure permet d'allonger la période de vie totale dans une relative qualité. La personne n'est donc pas obligée de demander trop rapidement l'aide médicale à mourir parce qu'elle a peur de perdre sa capacité de le faire.
Pour les gens dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, un délai de 90 jours est nécessaire entre la demande et les prestations du service de l'aide médicale à mourir, à moins que des évaluations aient été faites et que la perte de capacité soit imminente. Il faudra donc appliquer ce délai de façon raisonnable et raisonnée. Qui de nous est en mesure de garantir que 90 jours seront suffisants pour certains? Qui de nous est en mesure de dire si un délai de 90 jours sera un enfer beaucoup trop long à vivre pour d'autres? Nous sommes en droit de nous questionner sur l'application de ce délai. Personne ne peut le dire. C'est pourquoi cet article et l'ensemble de ce projet de loi devront être mis en œuvre de façon censée, variable et intelligente. Le praticien est la meilleure personne pour juger de ce qui est valable et de ce qui ne l'est pas en collaboration, par l'écoute et, bien sûr, le traitement humain de son patient. En fin de compte, c'est le patient lui-même, son bien-être, sa dignité qui devront être la priorité.
Dans cette cause, je le rappelle à tous, il est question de dignité, mais surtout de droits et libertés. Ainsi, chaque individu, lorsqu'il arrive en fin de vie, doit avoir la possibilité d'exercer un choix, et ce choix ne peut revenir qu'à la personne elle-même. Évitons d'imposer nos propres valeurs, nos propres orientations, et assurons-nous simplement d'encadrer la pratique et le droit de l'aide médicale à mourir de façon convenable. Respectons la liberté de chacun. C'est fondamental.
J'invite tous les parlementaires de la Chambre à prendre conscience de la grande responsabilité qui repose sur nos épaules. Nous avons entre les mains le destin de centaines de milliers de personnes. Nous avons entre les mains non seulement les souffrances de fin de vie de ces gens-là, mais aussi les souffrances et les angoisses de leurs familles. C'est atroce de voir souffrir un proche en fin de vie et de se sentir impuissant à l'aider. Certains députés de la Chambre pourraient se poser des questions sur les choix personnels. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous devons déterminer comment appliquer de façon raisonnable l'encadrement de cette loi très complexe et, à travers tout cela, maintenir le libre choix des personnes.
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Madame la Présidente, c'est avec beaucoup d'humilité que je prends la parole à la Chambre aujourd'hui pour parler du projet de loi .
Beaucoup de députés ont des histoires bien personnelles au sujet de la fin de vie de l'un de leurs proches. En tant que porte-parole du Bloc québécois pour les aînés, il est évident que j'en ai entendu parler. Je rappellerai donc dans mon exposé le travail effectué par le Bloc sur cette question, la sensibilité toute québécoise quant à l'aide médicale à mourir et, finalement, la position de certains groupes d'aînés et de femmes qui sont venus me rencontrer.
Rappelons d'abord le contexte. En septembre 2019, la Cour supérieure du Québec a donné raison à Mme Nicole Gladu et à M. Jean Truchon, tous deux atteints d'une maladie dégénérative grave, en affirmant qu'un des critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir est trop restrictif. Ce critère, celui de « mort naturelle raisonnablement prévisible », est présent dans la Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois relativement à l'aide médicale à mourir, du gouvernement fédéral, ainsi que dans la Loi concernant les soins de fin de vie, du gouvernement provincial.
La juge Christine Baudouin le dit très bien dans son jugement: « Le Tribunal n'entretient aucune hésitation à conclure que l'exigence de la mort naturelle raisonnablement prévisible brime les droits à la liberté et à la sécurité de M. Truchon et de Mme Gladu, garantis par l'article 7 de la Charte. » Ces deux personnes contestaient qu'on leur ait refusé l'aide médicale à mourir parce que leur mort n'était pas imminente.
Rappelons maintenant la position du Bloc québécois et soulignons le travail exceptionnel du député de , à qui j'offre d'ailleurs mes plus sincères sympathies. Je le remercie de son travail dans ce dossier, car, comme il l'a si bien remarqué, les législateurs n'ont pas fait leur travail avec le projet de loi . La conséquence est que l'on judiciarise des questions qui sont sociales et politiques. Nous devons éviter que des personnes souffrant de maladies graves et irréversibles soient dans l'obligation d'utiliser les tribunaux pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, ce qui serait dramatique. Or, si nous n'arrivons pas à couvrir les maladies cognitives dégénératives, ce genre de situation va arriver.
Cependant, nous sommes d'avis qu'il faut être très prudent avant de se prononcer sur les questions de santé mentale. C'est pourquoi nous sommes soulagés de constater que le projet de loi ne traite pas de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement de maladies mentales. En effet, cette question nécessite davantage de réflexion, d'études et de consultations, ce qui sera fait notamment au Comité permanent de la santé après l'adoption d'une motion déposée par mon collègue de Montcalm.
En deuxième partie de mon discours, je vais parler de la sensibilité québécoise à toute cette question. En effet, c'est le Québec qui a adopté en premier au Canada une loi portant sur l'aide médicale à mourir. Wanda Morris, d'un groupe pour le droit de mourir dans la dignité en Colombie-Britannique, a d'ailleurs souligné que le comité ayant étudié la question avait recueilli l'unanimité de tous les partis à l'Assemblée nationale, ce qui est un modèle pour le reste du Canada.
Mme Morris se disait confiante en voyant que cela fonctionnerait au Québec et que les gens étaient heureux de cette possibilité de mourir dans le respect. La loi québécoise, pilotée par Mme Véronique Hivon, était le fruit de plusieurs années de recherches et de consultations auprès de médecins, d'éthiciens, de patients et de citoyens. D'ailleurs, 79 % des Québécoises et des Québécois seraient en faveur de l'aide médicale à mourir, contre 68 % dans l'ensemble du Canada.
Comme l'a déclaré Véronique Hivon lorsque les partis politiques rassemblés à l'Assemblée nationale ont salué à l'unanimité, en 2015, le jugement de la Cour suprême sur l'aide médicale à mourir:
C’est vraiment un grand jour pour les personnes malades, pour les personnes qui sont en fin de vie, pour le Québec et pour tous les Québécois qui ont participé à [...] ce débat profondément démocratique que l'Assemblée nationale a eu le courage de mettre en place en 2009 [...] Je pense que, collectivement, le Québec a vraiment tracé la voie, et on l'a fait de la plus belle manière possible: de manière non partisane, totalement démocratique.
En troisième lieu, j'aimerais vous faire rapport d'une rencontre que j'ai eue avec l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, dans le cadre de mes fonctions de porte-parole des aînés et de la condition féminine. Durant cette rencontre, l'AFEAS m'a fait part de ses préoccupations par rapport à l'aide médicale à mourir. Je cite ici le guide d'animation 2018-2019 de l'AFEAS:
Est-ce que l'aide médicale à mourir fait partie de la qualité de vie? Pour les personnes qui n'en peuvent plus d'attendre la fin et qui répondent aux nombreux critères que l'on doit rencontrer pour obtenir cette aide, cette occasion d'exprimer leurs dernières volontés est sans doute bienvenue. Ce sursaut d'autonomie peut être rassurant et peut permettre d'envisager la mort plus sereinement [...] Les procédures pour obtenir l'aide médicale à mourir étant très contraignantes, les personnes qui y ont recours le font probablement pour une raison bien simple: elles n'ont plus d'espoir [...] Cette procédure n'est pas accessible aux personnes qui ne sont pas en fin de vie [...] Des personnes qui sont atteintes de maladies dégénératives, qui souffrent dans leurs corps et dans leurs têtes, n'ont pas accès à l'aide médicale à mourir.
Plusieurs personnes ne sont pas admissibles à l'aide médicale à mourir en raison de cette loi fédérale qui encadre cette pratique qui avait été imposée par une décision de la cour en février 2015. Des citoyens lourdement hypothéqués par des maladies dégénératives sont forcés de recourir aux tribunaux pour mettre fin à leurs souffrances, quatre ans après l'arrêt Carter.
En février 2015, la Cour suprême a même invalidé deux articles du Code criminel qui interdisaient aux médecins canadiens de prodiguer l'aide médicale à mourir. Dans l'arrêt Carter, le plus haut tribunal déclarait admissibles à l'aide médicale à mourir les adultes en mesure de consentir clairement à mettre fin à leur vie, si la personne est « affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables [...] lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition ».
Toujours selon l'AFEAS, les critères de la Cour suprême étaient très larges. Le gouvernement canadien a inséré, dans les critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir, le concept de mort naturelle raisonnablement prévisible, uniquement pour les personnes en fin de vie, ce qui exclut énormément de personnes qui souffrent atrocement, physiquement et moralement.
Tout le processus est basé sur l'intensité de la souffrance évaluée par un médecin et un comité d'experts. On ne tient pas toujours compte de l'évaluation de la personne malade. Dans les exigences requises pour avoir droit à l'aide médicale à mourir, il n'existe aucun critère de compassion. Une personne peut être en fin de vie et être incapable de faire la demande elle-même, étant dans l'incapacité de pouvoir communiquer. La loi ne touche que les personnes qui sont en mesure de donner leur consentement lucide et éclairé jusqu'à la toute fin, ce qui peut donner lieu à de véritables drames, voire de la cruauté pour ceux et celles qui souffrent pendant des années.
En ce qui concerne le consentement préalable, l'AFEAS parlait du cas d'Audrey Parker, une femme d'Halifax décédée le 1er novembre 2018 sous assistance médicale qui a laissé une vidéo tourner trois jours avant sa mort. Dans un clip de trois minutes, elle disait qu'elle n'aimerait rien de plus que se rendre à Noël, mais que, si elle devenait inapte en cours de route, elle perdrait son choix d'une mort belle, paisible et, encore plus important, sans douleur.
Le Barreau du Québec croit que la loi devrait être modifiée pour respecter les critères de l'arrêt Carter et ainsi éviter des contestations judiciaires qui devront être menées par des personnes qui ne devraient pas avoir à supporter un tel fardeau.
Un comité d'experts s'est penché sur ce dossier et recommande sous certaines conditions d'abréger les souffrances des malades qui ont préalablement exprimé leur volonté de recevoir l'aide médicale à mourir, mais qui deviennent par la suite inaptes à exprimer leur consentement, notamment les personnes atteintes de diverses formes de démence ou de pertes cognitives comme la maladie d'Alzheimer. C'est pourquoi l'AFEAS demande, en ce qui a trait aux droits de la personne, que le processus de l'aide médicale à mourir s'appuie davantage sur les droits des personnes et sur le respect de leurs volontés.
En ce qui concerne la mort naturelle raisonnablement prévisible, elle demande que la mention « mort naturelle raisonnablement prévisible » soit enlevée des critères d'admissibilité. Quant au consentement préalable, elle demande que le consentement éclairé de la personne soit respecté et qu'il puisse se donner à l'avance. D'ailleurs, toujours au sujet du consentement préalable, elle demande que le consentement anticipé, énoncé et enregistré par la personne elle-même soit reconnu.
En conclusion, le débat d'aujourd'hui montre bien la nécessité d'agir pour que les personnes souffrant de maladies dégénératives et incurables ne soient plus obligées de passer par les tribunaux pour contester les modalités entourant l'admissibilité à l'aide médicale à mourir et pour assurer le meilleur continuum de soins possibles.
Pour que chacun puisse mourir dans la dignité, agissons.
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Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Je tiens d'abord à dire qu'il s'agit d'un sujet assurément difficile pour bien des Canadiens qui nous regardent. Nous tentons de concilier la conviction profonde que la vie est précieuse avec le droit à la liberté et le droit de prendre ses propres décisions en toute indépendance. Dans ce contexte, les parlementaires doivent réfléchir non seulement à leurs propres valeurs, mais aussi à ce que les tribunaux ont statué.
Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême a déterminé que, à la lumière de l'article 7 de la Charte, les dispositions du Code criminel sur le suicide assisté ne sont pas valides. Selon elle, une catégorie de personnes avait le droit de demander à des médecins et à des infirmiers de les aider à mourir. Par conséquent, en 2016, le Parlement a dû présenter une mesure législative en ce sens.
À l'époque, c'est moi qui avais le plaisir de présider le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. J'ai écouté des témoignages qui reflétaient une foule d'opinions. J'ai prêté l'oreille à des professionnels de tous les camps, notamment des médecins, des infirmières, des psychologues, des gens représentant les personnes handicapées et des groupes qui défendaient le droit de mourir dans la dignité. Nous avons élaboré une loi visant à combler tous ces fossés. Nous savions que cette loi ne serait pas en vigueur éternellement. Nous savions que, en tant que société et que pays, nous tirerions des leçons de son application et que nous y proposerions des modifications.
En fait, je me félicite que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne ait apporté des modifications substantielles au projet de loi. Nous avons ajouté un article sur la protection de la liberté de conscience pour que les professionnels de la santé ne soient pas obligés de fournir l'aide médicale à mourir si cela va à l'encontre de leur liberté de conscience ou de leurs valeurs morales. Nous avons dit que la loi devait être réexaminée cinq ans après sa promulgation pour tenir compte des différentes catégories de personnes qui avaient été exclues de la loi initiale, comme les mineurs matures et les personnes souffrant de maladies mentales, ainsi que pour revoir la question des directives anticipées, qui permettent aux gens d'arrêter leur décision avant de sombrer dans la démence.
Nous avons également exigé que l'examen se penche sur les soins palliatifs et leur accessibilité dans tout le Canada, car ces deux questions sont intrinsèquement liées. Nous ne voulons pas que les gens décident un jour de recourir à l'aide médicale à mourir faute de soins palliatifs appropriés.
Cet examen est imminent. Je sais que les Canadiens de tout le pays auront l'occasion de se prononcer sur ces questions.
Cependant, les tribunaux ont pris une autre décision.
[Français]
Dans la cause Truchon-Gladu, au Québec, la cour a décrété qu'une classe de personnes avait droit à l'assistance médicale à mourir selon l'arrêt Carter. La loi adoptée en 2016 avait enlevé cette classe de personnes de la liste des personnes admissibles à l'aide médicale à mourir. Nous devons donc enlever la section qui limite l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible. Le but de cet amendement à la loi originale est d'enlever cette classe de personnes et de permettre aux gens qui satisfont à tous les autres critères d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, même si leur mort n'est pas raisonnablement prévisible.
[Traduction]
Je soutiens cette position, car non seulement j'ai examiné les décisions des tribunaux, mais j'ai également suivi le vécu des Canadiens au cours des quatre dernières années.
Nous avons entendu parler de gens qui enduraient de terribles souffrances et qui auraient dû avoir droit à l'aide médicale à mourir, puisqu'ils satisfaisaient à tous les critères de la loi, sauf que personne ne pouvait dire avec une certitude raisonnable que leur mort surviendrait dans un avenir proche. Partout au Canada, les gens dans cette situation nous ont dit que la loi était injuste. Dans l'affaire Truchon et bien d'autres, les tribunaux ont laissé entendre que cette exigence était inconstitutionnelle. Le gouvernement s'efforce donc de respecter la décision rendue par le tribunal dans l'affaire Truchon et de supprimer de la loi le critère de la mort raisonnablement prévisible.
Toutefois, le gouvernement modifie également la loi pour tenir compte d'autres difficultés qui se sont révélées depuis.
Nous n'avons jamais parlé — ou si nous l'avons fait, ce n'est que rarement — de la question des gens qui décident de mettre fin prématurément à leur vie parce qu'ils craignent de perdre plus tard la capacité de prendre cette décision. Les gens ne devraient pas écourter leur vie parce qu'ils ont peur de ne plus être aptes à prendre une décision affirmative aux termes de la loi un mois plus tard. Si on peut donner quelques semaines ou un mois de plus aux gens avec leur famille, il faut le faire.
Par conséquent, on modifie la loi pour permettre aux gens de donner leur consentement à l'aide médicale à mourir même s'ils perdent la capacité de prendre cette décision tout en établissant des mesures de sauvegarde. Si le jour prévu, la personne ne veut plus recevoir l'aide médicale à mourir, même si elle n'a plus sa capacité à consentir, il suffit d'un mot, d'un geste qui n'est pas involontaire pour que le consentement disparaisse.
Je tiens à apporter cette précision, car on a beaucoup parlé de ce sujet aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'une directive anticipée. On parle de personnes qui savent exactement de quelle maladie elles sont atteintes, qui en souffrent déjà, dont l'état est grandement détérioré, dont les souffrances ne peuvent aucunement être soulagées par un traitement médical qui leur est raisonnablement accessible et qui ont, après évaluation par deux professionnels de la santé et déclaration devant un témoin indépendant, décidé de consentir à mettre fin à leur vie à une certaine date, même si elles auront alors perdu leur capacité de consentir.
Il s'agit d'un changement très important, et j'en félicite le gouvernement.
Je souhaite également me pencher sur la manière dont nous avons réfléchi à cette catégorie de personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible. Dans ce cas, nous avons fixé un délai d'attente de 90 jours, par contraste avec les 10 jours prévus dans la loi actuelle. Nous avons agi avec le sérieux qui s'impose. Nous sommes conscients des différences et des défis que suscite cet enjeu chez les personnes dont la mort n'est pas imminente.
Par exemple, une personne peut vivre un événement catastrophique et sa situation peut changer du tout au tout. Nous voulons que cette personne dispose d'un délai de réflexion adéquat avant d'opter éventuellement pour l'aide médicale à mourir. Nous avons également prévu une exception pour les personnes qui pourraient perdre leur capacité de donner leur consentement pendant cette période de 90 jours.
Les amendements du projet de loi reflètent bien l'évolution de la société canadienne.
[Français]
Je veux juste indiquer que, quand nous avons adopté la loi en 2016, très peu de juridictions dans le monde permettaient l'aide médicale à mourir. Cela existait en Belgique, aux Pays-Bas, en Uruguay et dans cinq ou six États des États-Unis.
Nous étions l'une des premières nations dans le monde à accepter l'aide médicale à mourir. Pour cette raison, notre vision était d'y aller tranquillement.
[Traduction]
Cette nouvelle modification de la loi originale est en phase avec l'évolution de la société canadienne. En effet, les Canadiens, bien plus qu'en 2016, acceptent et soutiennent l'aide médicale à mourir, car ils ont pu observer le développement de cette pratique. Nous avons constaté les difficultés que posait la loi actuelle, et nous avons pris des mesures pour l'améliorer, tout en nous conformant à la décision Truchon.
:
Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi , alors que nous nous engageons dans ce qui, je l'espère, sera une discussion très animée et passionnée sur des questions qui intéressent beaucoup les Canadiens, notamment les résidants de ma circonscription, Pontiac. Depuis de nombreuses années, ils me parlent de cette question dans leurs lettres et lorsque je fais du porte-à-porte, alors je suis heureux de l'occasion de discuter de certains aspects des changements proposés par notre gouvernement à la législation fédérale sur l'aide médicale à mourir.
Il est opportun d'exprimer certaines des idées tirées de trois études importantes sur des questions très complexes et sensibles qui n'ont pas été incluses dans la loi fédérale de 2016 sur l'aide médicale à mourir. Il s'agit des demandes de personnes pour lesquelles le trouble mental est le seul problème médical invoqué, des demandes préalables et des demandes de mineurs matures. J'espère pouvoir parler de ces trois aspects, mais j'aurai peut-être seulement le temps d'en aborder deux.
Au moment du débat sur le projet de loi en 2016, les parlementaires n'ont pas pu trouver de terrain d'entente sur la manière de traiter ce type de demandes dans le cadre du premier régime d'aide à mourir au Canada. Compte tenu de la nature particulièrement difficile de ces questions et du temps très limité dont ils disposaient pour délibérer sur les approches acceptables pour le Canada en raison de l'échéancier fixé par la Cour suprême, les parlementaires ont décidé collectivement qu'une étude et un examen plus approfondis des données probantes étaient nécessaires.
La loi adoptée en 2016 prévoyait donc l'obligation pour le gouvernement de procéder à des examens indépendants. Des délais stricts étaient fixés dans le projet de loi . Les études devaient être commandées dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi canadienne sur l'aide à mourir, et le gouvernement était tenu de présenter les rapports définitifs des études dans un délai supplémentaire de deux ans. Les deux échéances ont été respectées.
En décembre 2016, le gouvernement a demandé au Conseil des académies canadiennes — un organisme indépendant qui réalise des études spécialisées fondées sur des données probantes pour éclairer l'élaboration des politiques publiques — de se charger de ces études. Les rapports qui en découlent ont été présentés en décembre 2018. Ils reflètent un examen complet des recherches universitaires et stratégiques, des mémoires des intervenants et de l'expérience internationale dans les trois domaines en question.
Ils présentent aussi un large éventail de points de vue rencontrés au sein des professions de la santé, de diverses disciplines universitaires, des groupes de défense et des aînés autochtones. En gros, tous les points de vue existant au Canada ont été pris en considération. Conformément à la pratique du Conseil des académies canadiennes, ces rapports ne contiennent pas de recommandations.
Deux de ces rapports, celui sur les demandes des personnes dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental et celui sur les demandes anticipées, ont été particulièrement utiles au gouvernement pour répondre à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Truchon.
[Français]
D'abord, j'aimerais parler de la question des troubles mentaux. En vertu de la Loi actuelle, très peu de personnes atteintes d'un trouble mental constituant la principale source de leur souffrance sont susceptibles d'être admissibles à l'aide médicale à mourir. Il en est ainsi parce que la plupart des troubles mentaux n'entraînent pas une « mort naturelle raisonnablement prévisible ».
Or, la suppression du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible introduit la possibilité pour les personnes atteintes de troubles mentaux d'être considérées comme étant admissibles à l'aide médicale à mourir si elles en respectent les autres critères.
Au cours des récentes consultations fédérales et de tables rondes sur l'aide médicale à mourir, nous avons entendu de nombreuses préoccupations de la part de participants qui estimaient que l'on n’en savait pas assez pour étendre en toute sécurité l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la souffrance est causée uniquement par un trouble mental. Les participants ont estimé que la question méritait un examen plus approfondi.
Nous savons également qu'il y a généralement très peu de soutien de la part des praticiens de la santé mentale, tels que les psychiatres et les psychologues, et des organisations représentant les personnes atteintes de troubles mentaux pour élargir cette admissibilité. Le rapport du Conseil des académies canadiennes sur cette question a relevé un certain nombre de difficultés liées à la prestation de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux.