FEWO Rapport du Comité
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Des solutions adaptées aux femmes du Québec
Opinion complémentaire du Bloc Québécois
Dès le printemps dernier, nous savions que la pandémie de COVID-19 ainsi que les mesures de santé publique visant à y répondre allaient influencer la vie des femmes et changer le portrait de la condition féminine. La pandémie allait aussi mettre en lumière des réalités sur le rôle social des femmes, par exemple leur prépondérance dans les emplois qui relèvent de l’économie de soins et de l’aide aux personnes.
Il était naturel que le comité permanent de la condition féminine étudie la question de l’impact de la pandémie sur les femmes plus en profondeur. Nous avons participé pleinement à cet exercice et tenons à saluer l’apport indispensable des nombreux témoins qui ont permis au comité d’affiner sa compréhension du phénomène à l’étude en explorant toute la variété des situations vécues par les femmes et les filles au cours de la dernière année.
La COVID-19 a été un défi généralisé qui a exigé des efforts d’adaptation dans tous les secteurs de la société. Cela dit, nous ne pouvons faire autrement, alors que nous luttons encore de jour en jour contre le virus, que de remercier sincèrement, humblement, et avec tout l’amour qui est le nôtre, celles qui prennent soin de nous. Nous pensons à celles qui soignent, celles qui accompagnent nos ainés, celles qui s’occupent de leurs proches et à celles qui font tout pour maîtriser les effets de la pandémie sur l’éducation et l’instruction de nos enfants.
La pandémie a infligé des torts à des millions de femmes et de filles par le monde. L’évaluation de cet impact est cruciale. Le fait que la pandémie affecte les femmes et les hommes de façon différenciée est maintenant de notoriété publique, car les faits et les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Au Québec, les taux d’infections à la COVID-19 chez les femmes, oscillant entre 54% et 60%, sont plus élevés. Les femmes sont plus affectées, car elles sont plus exposées. Elles représentent 79% des infections parmi le personnel de la santé.
Au Québec l’an dernier, 120 000 femmes auraient perdu leur emploi, alors que ce chiffre est de 55 100 pour les hommes. En novembre 2020, 84% des femmes avaient récupéré leur emploi, comparativement à 89% chez les hommes.
Mais le travail des femmes dépasse l’horizon du domaine statistique et le confinement a alourdi le fardeau des tâches domestiques. Les mères l’affirment elles-mêmes dans les sondages d’opinion comme dans les témoignages personnels : s’occuper des enfants en contexte de télétravail est épuisant.
Nous ne pouvons passer sous silence l’une des conséquences les plus alarmantes : nous sommes confrontés à une augmentation marquée et observable des actes de violence envers les femmes et les filles. Au Canada, un crime violent sur quatre signalé à la police est un cas de violence conjugale. Le confinement exacerbe le danger de l’isolement et l’isolement amplifie la violence.
En bref, les impacts sont nombreux et de nature variée. Ils doivent être bien analysés et pris en compte dans la réponse des pouvoirs publics à la pandémie et en faveur du relèvement à venir.
Le Bloc Québécois estime que l’apport principal de l’étude du comité réside dans les apprentissages factuels sur la réalité des femmes en temps de pandémie et la compréhension accrue que peuvent en retirer les parlementaires. Les interventions gouvernementales doivent être alignées sur les besoins de celles et ceux qui interviennent directement auprès des citoyennes : les professionnelles du réseau de la santé, les enseignantes et les éducatrices, les intervenantes communautaires et les groupes de femmes.
Si la pandémie a affecté les femmes de diverses façons, au niveau de la santé physique et mentale, du travail et de la sécurité économique, ainsi qu'au niveau de la sécurité physique personnelle, l’aide publique la plus directe relève majoritairement du secteur de la santé et des services sociaux.
Au Québec, cette aide est apportée de façon complémentaire par le système public de santé et les partenaires du milieu communautaire qui interviennent directement auprès des clientèles. Aussi, les femmes qui sont au front pour donner des soins travaillent majoritairement dans le secteur public québécois.
Nombre des recommandations au gouvernement élaborées par le comité sont des solutions qui pourraient être appropriées pour le Canada, mais qui ne sont pas nécessairement adaptées au contexte québécois, souvent parce que le Québec a déjà élaboré une réponse au problème soulevé. L’État québécois a développé ses propres programmes et ses propres politiques dans ses champs de compétences constitutionnels.
En réalité, en matière de politique familiale, de politique sociale et selon la structure de son réseau de solidarité, le Québec fait classe à part. Le Québec a un réseau unique, cohérent et intégré de services de santé et de programmes sociaux et les politiques fédérales uniformes viennent souvent dédoubler et complexifier l’application des programmes québécois lorsque le gouvernement du Québec n’en a pas la complète maîtrise d’œuvre.
Cette réalité ne peut pas être ignorée et doit être prise en compte pour que soit pensée une intervention fédérale qui soit à la fois efficace et respectueuse de la différence québécoise. La prise en compte de la spécificité québécoise est consubstantielle d’une intervention fédérale qui soit positive pour le Québec et favorable aux femmes et aux filles du Québec.
Le Québec a fait le choix de la solidarité. Même si les familles de classe moyenne avec enfants paient plus d’impôts, considérant les prestations auxquelles elles ont droit, elles conservent finalement dans leurs portefeuilles un revenu plus élevé que dans le reste du Canada. En Amérique du Nord, le Québec demeure l’endroit où la richesse est le mieux répartie.
Une politique familiale qui favorise la participation des femmes au marché du travail
Plusieurs recommandations du comité ne concernent pas vraiment le Québec, dont la politique familiale est radicalement différente de celle du Canada.
Prenons les services de garde. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) :
Le Québec « a mis en œuvre l’une des politiques de services d’éducation et de garde à l’enfance les plus ambitieux et les plus intéressants en Amérique du Nord. (…) Aucune des provinces (canadiennes) n’a fait preuve de la même clarté visionnaire que le Québec pour aborder les besoins des jeunes enfants et des familles[1] »
Nous comprenons le comité de réclamer pour le Canada des mesures inspirées de celles dont les femmes du Québec jouissent déjà. Pourvu que le Québec soit complètement exempté de toute ingérence fédérale, nous ne pouvons qu’appuyer leur démarche.
En effet, l’effet de la politique familiale québécoise sur la participation des femmes au marché du travail a été spectaculaire. Le taux d’emploi des femmes québécoises en âge d’avoir des enfants (25-44 ans) a bondi de 10% entre 1997 (année de création des centres de la petite enfance) et 2015, passant de 69,7% à 79,3%. Pendant ce temps, il ne progressait que de 3% en Ontario, passant de 72,8% à 75,9%.
Et il y a les congés parentaux.
Au Canada, les congés de maternité (offerts aux femmes) et les congés parentaux (qui peuvent être pris par l’un ou l’autre des parents) prennent la forme d’une prestation spéciale de l’assurance-emploi. Toutes n’y ont pas accès et le montant de la prestation est peu élevé.
Aussi, après des années de lutte menée notamment par les groupes de femmes, le Québec a réussi à se retirer du régime canadien en 2006, il y a 15 ans, pour créer le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).
Plus accessible et plus généreux, le régime québécois a porté ses fruits. Les femmes québécoises sont plus nombreuses que les femmes canadiennes à jouir d’un congé de maternité payé (97,3% contre 83,1%) et celui-ci dure en moyenne six semaines de plus (45,4 semaines contre 39,6)[2].
Non aux ingérences; oui à des programmes fédéraux adaptés à la réalité des Québécoises
C’est en soustrayant le Québec des programmes fédéraux que les Québécoises ont pu faire ces avancées. Et c’est notamment ce pour quoi le Bloc Québécois refuse systématiquement les ingérences fédérales et les normes pancanadiennes. Plus notre société est libre, mieux les Québécoises se portent.
Cependant, dans les domaines qui relèvent du palier fédéral, la moindre des choses qu’Ottawa peut faire est de cesser de pénaliser le Québec lorsqu’il fait ces choix différents et féministes.
Actuellement, l’accès au régime d’assurance-emploi est basé sur le nombre d’heures travaillées au cours de la dernière année. Avec le congé de maternité d’un an que nous avons au Québec, les Québécoises sont systématiquement exclues de l’assurance-emploi si elles perdent leur emploi pendant leur congé. Le gouvernement fédéral devrait ajuster son programme à la réalité des Québécoises plutôt que de les discriminer.
Cette mesure simple ne vient évidemment pas remplacer la nécessaire réforme globale de l’assurance-emploi. Le régime, conçu à l’époque industrielle, n’est absolument pas adapté à la réalité actuelle du marché du travail. Les femmes en souffrent tout particulièrement. Davantage présentes dans les emplois atypiques, elles ont moins accès au régime que les hommes. Plus de 60% des femmes qui perdent leur emploi n’ont pas accès à l’assurance-emploi et sont à risque de tomber dans la pauvreté.
Payer sa juste part pour la santé
Le gouvernement fédéral peut et doit agir pour atténuer les effets préjudiciables de la COVID-19 sur les femmes. La meilleure façon de le faire est d’assumer les responsabilités qui sont les siennes, dans les champs de compétences qui sont les siens.
En matière de santé, la responsabilité du fédéral est d’assumer sa part de financement, qui est passée de 50% dans les années 60 à 22% aujourd’hui. Le gouvernement fédéral doit impérativement répondre au front commun des provinces et hausser les Transferts canadiens en matière de santé (TCS). Le Bloc Québécois exige que la contribution fédérale s’élève dès cette année à 35% des coûts.
Le gouvernement doit également cesser de chercher à imposer des normes pancanadiennes aux programmes qu’il met en place. Les parlementaires du Bloc Québécois sont opposés à ce que le fédéral s’arroge le droit de dicter au Québec et aux provinces ce qui est bon pour leurs populations. Cette vision hiérarchique de la fédération canadienne est paternaliste et contraire au principe du fédéralisme asymétrique.
Ce dont les établissements de soins de longue durée ont besoin, ce ne sont pas de normes, mais bien de ressources. De plus, les normes pancanadiennes ne tiennent pas compte des particularités régionales et des besoins spécifiques des provinces.
À travail égal, salaire égal
Le gouvernement fédéral doit agir en matière d’équité salariale. Le Canada a adopté sa première Loi sur l’équité salariale en 2018, qui doit s’appliquer au secteur public fédéral et au secteur privé sous réglementation fédérale, mais cette dernière n’est pas encore entrée en vigueur. Le règlement du gouvernement se fait attendre.
L’écart salarial entre les sexes n’est pas le même au Québec qu’au Canada. Alors qu’au Québec, une femme gagne en moyenne 90% du salaire d’un homme, ce chiffre est de 78% au Canada hors Québec. Cet écart s’explique notamment par le fait qu’au Québec, l’équité salariale est un droit inscrit dans la Loi sur l’équité salariale depuis 1996.
Toutes les travailleuses et tous les travailleurs du Québec devraient jouir des mêmes droits. Le gouvernement fédéral devrait agir pour que les travailleuses des secteurs qui relèvent de sa responsabilité ne souffrent plus d’écarts salariaux.
Le Bloc Québécois proactif pour la relance inclusive
Le Bloc Québécois fait son devoir pour être une force de propositions. Nos attentes vis-à-vis du prochain budget sont aussi pensées pour répondre aux besoins réels des femmes, pour venir en aide le plus rapidement aux femmes ainées, et pour appuyer toutes les autres, en particulier dans les régions du Québec, dans leur engagement personnel pour la relance de notre économie.
Le relèvement après la pandémie est l’occasion de miser sur nos forces vives en tant que nation, ce qui inclut le rôle de leader des Québécoises et leur pleine participation aux prises de décisions publiques.
Alors que nous travaillerons sans relâche à poursuivre la construction de notre modèle social pour faire reculer la pauvreté et renforcer l’égalité chez nous, nous souhaiterons aussi le meilleur aux femmes et aux filles du Canada, qui doivent-elles aussi pouvoir compter sur des institutions et des politiques qui établissent l’égalité des chances et ont des impacts positifs réels et concrets sur leur niveau de bien-être.
[1] Politique sur les services éducatifs et de garde à l’enfance; Direction de l’éducation, OCDE