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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Le mois de la fierté commence demain dans ma province, l’Ontario, et je ne peux imaginer un moment plus opportun pour travailler à l’adoption du projet de loi à la Chambre des communes. Pendant le Mois de la fierté, les Canadiens LGBTQ2 célèbrent ce qu'ils sont et leur liberté de s’identifier comme ils le souhaitent et d’aimer qui ils veulent, mais il reste des gens qui voudraient nier les droits fondamentaux de la communauté LGBTQ2, qui croient que l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre peuvent et doivent être modifiées par une thérapie de conversion pour correspondre à l’idée étroite de ce qui est « normal » ou « naturel ». Le projet de loi C-6 mettrait fin à cette situation.
En criminalisant la thérapie de conversion, notre gouvernement fait une déclaration. Nous affirmons clairement que la thérapie de conversion est dégradante, abusive et discriminatoire, et que le traumatisme à vie qu’elle cause doit cesser. J’ai entendu cet appel de la part de mes électeurs de Parkdale—High Park et de ceux qui croient à l’égalité et à la fin de la stigmatisation dans tout le pays. À la veille du Mois de la fierté de 2021, j’espère que tous les députés qui siègent à la Chambre conviennent qu’une pratique fondée sur des mythes séculaires et des stéréotypes préjudiciables à la communauté LGTBQ2 n’a pas sa place au Canada.
J'aimerais maintenant aborder le projet de loi lui-même. Il propose des réformes qui protégeraient complètement les enfants contre les méfaits connus de la thérapie de conversion, et les Canadiens contre la commercialisation de cette pratique et contre le fait d’être forcés de la subir.
[Français]
Ces réformes ont été inspirées par un mouvement grandissant contre les thérapies de conversion mené par les survivants et soutenu par des alliés communautaires, des chercheurs et des spécialistes, dont un grand nombre ont partagé leurs connaissances et leurs expériences avec le Comité permanent de la justice et des droits de la personne dans le cadre de notre étude du projet de loi.
Ce vaste corpus a inspiré certains amendements importants du Comité et mis en relief les conclusions des données probantes: les thérapies de conversion causent des préjudices aux personnes qui y sont soumises. Le projet de loi C-6 vise à mettre fin à cet affront à la dignité humaine et fait partie intégrante des efforts que nous continuons de déployer pour protéger les personnes LGBTQ2.
[Traduction]
Comme beaucoup l’ont souligné à juste titre, les origines de la thérapie de conversion trahissent ses fins discriminatoires et néfastes. Je tiens à souligner le témoignage de Jack Saddleback. Lorsque j’étais au comité de la justice, il nous a rappelé de façon poignante dans son témoignage l’histoire de la thérapie de conversion au Canada. Elle est inextricablement liée à l’érosion de la culture autochtone et de la compréhension de la diversité des genres et de la sexualité, ainsi qu’à la souffrance des jeunes bispirituels dans les pensionnats, un sujet auquel nous avons tous beaucoup pensé ces derniers jours. En réfléchissant aux préjudices que ce projet de loi vise à prévenir, nous ne pouvons oublier le traumatisme intergénérationnel personnel enduré par les personnes bispirituelles et les communautés pour lesquelles la « conversion » a souvent été synonyme d’assimilation.
Au cours des années 1980 et 1990, la pratique de la thérapie de conversion était devenue très répandue dans notre pays. Même si nous avons adopté la Charte en 1982 et renforcé notre engagement collectif à protéger les droits et libertés fondamentaux des Canadiens, la dignité et la qualité inhérentes à la vie des jeunes et des adultes LGBTQ2 ont continué à être menacées par des interventions qui ont vilipendé et pathologisé leurs différences. Ces interventions cherchaient à changer qui ils étaient.
Dans son témoignage et ses mémoires, The Inheritance of Shame, le survivant Peter Gajdics a décrit sans ambages le traumatisme qu’il a subi en tant qu’homosexuel soumis à une thérapie de conversion entre 1989 et 1995. Il se souvient d’avoir été pratiquement emprisonné dans une « maison ressemblant à une secte » et d’avoir été soumis à des séances prolongées de thérapie par le cri primal, à des doses presque mortelles de médicaments et à des séances de « reparentage » pour guérir sa « masculinité brisée ». Quand aucune de ces méthodes n’a fonctionné, il a été soumis à une thérapie par aversion pour supprimer ses désirs homosexuels. Selon lui, il s’agissait d’armes choisies pour mener « une guerre contre sa sexualité ».
Les noms, les moyens et les méthodes de la thérapie de conversion ont changé au fil des ans, souvent dans le but d’échapper à un examen de plus en plus minutieux et à une condamnation scientifique. Nous avons entendu cela dans les questions posées au député de . Cependant, la prémisse erronée et haineuse de la pratique, voulant que l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre des personnes LGBTQ2 sont des désordres qui doivent être « réparés » ou « réhabilités » pour qu’elles puissent vivre une vie épanouie et digne, a persisté. Le mémoire soumis au comité de la justice conjointement par le Dr Travis Salway et l’équipe de recherche du Centre pour l’équité en matière de santé sexuelle et de genre mentionne ce point.
Dans son rapport intitulé « Conversion Therapy in Canada: A Guide for Legislative Action », le Dr Wells souligne ce point. Nous disposons également de données probantes tirées du Rapport 2020 de l’expert indépendant des Nations unies, qui a conclu que les pratiques de conversion infligent une douleur et des souffrances graves, entraînant des dommages psychologiques et physiques durables et sont intrinsèquement dégradantes et discriminatoires. Les pratiques de thérapie de conversion partent du principe que les personnes d'orientation sexuelle diverse ou d'identité de genre variant sont en quelque sorte inférieures, sur le plan moral, spirituel ou physique, et doivent donc changer leur orientation ou leur identité pour y remédier.
L’expert indépendant des Nations unies reconnaît que toutes les formes de thérapie de conversion sont déshumanisantes et nuisibles, qu’elles soient censées rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre. Le rapport fait écho à la mise en garde de Florence Ashley adressée aux législateurs canadiens de rejeter toute tentative de séparer les pratiques de conversion des transgenres des pratiques de conversion des gais.
Comme Florence Ashley le fait remarquer dans l’un de ses mémoires, ces pratiques ont une histoire commune et se recoupent considérablement dans leurs formes contemporaines. Ni les personnes LGBQ trans ni les personnes LGBQ cisgenres ne peuvent être suffisamment protégées sans protéger pleinement l’autre.
[Français]
C'est précisément pour cette raison que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a amendé le projet de loi afin de clarifier que ce dernier a toujours visé à protéger toutes les communautés LGBTQ2.
Nous avons entendu les survivants et les experts nous dirent que les efforts visant à réduire et à réprimer les expressions de genre des personnes transgenres, queers et bispirituelles font partie de plus vastes interventions conçues pour les « rendre » cisgenres. Les amendements apportés au préambule du projet de loi et à la définition de thérapie de conversion pour inclure la mention de « l'expression de genre » reflètent les grandes préoccupations communes aux intervenants.
En réponse aux expériences et aux mises en garde des intervenants au sujet de la nature des thérapies de conversion, le Comité permanent de la justice a aussi amendé l'infraction relative à la publicité afin de cibler la promotion de la thérapie de conversion, notamment la promotion de sa prémisse sous-jacente, non scientifique et haineuse.
L'infraction proposée cible clairement les messages publics discriminatoires qui sont associés à la fois à la publicité des prestations de services particuliers de thérapies de conversion et à la promotion des thérapies de conversion de façon plus générale.
[Traduction]
Je suis très heureux que le Comité de la justice ait renforcé ce projet de loi, malgré les nombreuses tentatives de l’opposition officielle de le retarder et de stopper son cheminement. Je suis particulièrement reconnaissant aux survivants, aux défenseurs et aux alliés de la cause qui sont venus éclairer le processus. En défendant inlassablement leur cause, ils ont mis en lumière une lacune législative flagrante dans la protection de la dignité intrinsèque et de l’égalité de toutes les personnes LGBTQ2. C’est une lacune qui a permis à des commentaires haineux de s’envenimer et de déshumaniser des pratiques, et une lacune que ce projet de loi est soigneusement conçu pour combler.
Les pratiques qui nient la diversité de l’expérience humaine au lieu de la célébrer n’ont absolument pas leur place dans notre pays. Le projet de loi vise à mettre fin à de telles pratiques, notamment en faisant la promotion de valeurs qui sont fondamentales à l’identité canadienne, soit l’égalité, la dignité, la diversité et le respect de la différence. Unissons-nous pour promouvoir ces valeurs et appuyons le projet de loi .
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Madame la Présidente, je tiens tout d'abord à souligner que je représente à la Chambre la circonscription de Kitchener—Conestoga, territoire traditionnel des communautés Haudenosaunee, Anishinaabeg et Neutre. Je voudrais également rappeler à mes collègues qu’historiquement, à l’ère précoloniale, les personnes à genre variable ou ayant diverses identités sexuelles étaient acceptées au sein des communautés autochtones.
Les deux dernières lettres ajoutées à la longue série formant le sigle emblématique d'un ensemble de communautés renvoient au mot « bispirituel ». À mon avis, nous pouvons tirer des enseignements de l’idée qu'une personne puisse avoir deux esprits et par conséquent, être considérée au sein d’une communauté comme ayant de grandes capacités spirituelles. Dans la plupart des communautés autochtones, les personnes bispirituelles sont considérées, aimées et respectées comme des personnes uniques.
Je prends la parole aujourd'hui à la Chambre à l'occasion de la troisième lecture de cet important projet de loi. Je suis fier de me prononcer en faveur du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel relativement à la thérapie de conversion. Le projet de loi propose de mettre fin à cette pratique néfaste. Il fait comprendre clairement à toute personne ou organisation qui préconise ou pratique les thérapies de conversion que cela est inacceptable au Canada.
Aujourd'hui, je parlerai de l'importance de ce projet de loi et des raisons pour lesquelles ces prétendues thérapies n'ont pas leur place dans notre société. Nous devons protéger la santé et la sécurité de tous, et surtout de nos jeunes. Je parlerai de l'effet du projet de loi, qui n'interdira pas les discussions sur le sujet et ne criminalisera pas les réflexions ou les opinions des gens. Il interdira plutôt une pratique selon laquelle l'identité d'une personne peut être considérée comme mauvaise et doit être changée. Voilà ce qui serait interdit. C’est d'une importance capitale.
Respecter l'égalité signifie promouvoir une société dans laquelle il est établi que chaque personne a droit au respect. Il s'agit de créer une culture qui donne aux gens la liberté d'être qui ils sont, d'aimer ceux qu'ils veulent, de conserver leur amour-propre et d'être aimés et acceptés non seulement par leur famille, mais également par la société. C'est ce que nous souhaitons affirmer avec le projet de loi .
Les thérapies de conversion constituent une pratique cruelle qui stigmatise les communautés lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre, queer et bispirituelle du Canada et qui les discrimine. Ce sont des tentatives malavisées de: changer l'orientation sexuelle des personnes qui appartiennent à ces communautés pour leur imposer une orientation hétérosexuelle; transformer l'identité sexuelle d'une personne en une identité cisgenre; réprimer ou limiter les attirances ou les comportements non hétérosexuels.
En adhérant à ces thérapies, on laisse entendre qu'une orientation sexuelle qui n'est pas hétérosexuelle et une identité de genre qui n'est pas cisgenre peuvent être corrigées et doivent l'être. Une telle pensée discriminatoire stigmatise les personnes LGBTQ2 et porte atteinte à leur dignité et à leur droit à l’égalité. L’idée qu'il soit possible de changer ces personnes et que l'on doive le faire est ancrée dans l’homophobie, la biphobie et la transphobie. Bref, il s’agit d’une pratique discriminatoire qui ne correspond pas aux valeurs canadiennes.
Les thérapies de conversion ont été discréditées et dénoncées par les associations professionnelles comme étant nuisibles, en particulier pour les enfants. L’Association des psychiatres du Canada a déclaré qu’elle s’opposait à l’utilisation des thérapies de conversion. La Société canadienne de pédiatrie a qualifié cette pratique de « nettement contraire à l’éthique ». La Société canadienne de psychologie s’y oppose et note qu'il n'existe « aucune preuve scientifique de son efficacité ».
En fait, aucune association canadienne de professionnels de la santé n’approuve actuellement les thérapies de conversion, bien que des régimes d'assurance-maladie provinciaux en permettent l'usage dans le système de santé public.
Les personnes et les organisations qui préconisent ce genre de pratiques croient à tort que certaines personnes ont moins de valeur en raison de leur orientation non hétérosexuelle ou de leur identité ou expression non cisgenre. Ceux qui s'imaginent qu'il faut les forcer à changer font complètement fausse route.
Le projet de loi définit une thérapie de conversion comme une pratique, un traitement ou un service visant à modifier l’orientation sexuelle d’une personne pour la rendre hétérosexuelle, à modifier son identité de genre pour la rendre cisgenre ou encore à réprimer ou réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuel.
Je note que la définition d'une thérapie de conversion qui est contenue dans le projet de loi se limite aux pratiques, aux traitements ou aux services visant un processus particulier qui modifie une partie fondamentale de l’identité d’une personne. Le projet de loi criminaliserait le fait de faire suivre une thérapie de conversion à un mineur, de faire sortir un mineur du Canada pour qu’il suive une thérapie de conversion à l’étranger, d’amener une personne à suivre une thérapie de conversion contre son gré, de tirer un profit ou un avantage matériel de la prestation de thérapies de conversion et de faire de la publicité pour offrir des thérapies de conversion.
J’ai eu de nombreuses conversations avec des électeurs au sujet de leurs idées et de leurs préoccupations. Les personnes avec lesquelles j’ai parlé, qui n’étaient pas favorables au départ, ont été heureuses d'apprendre ce que le projet de loi ne fait pas lorsque je le leur ai expliqué. Voici ce que le projet de loi ne fait pas. Le projet de loi n’interdit pas les conversations sur la sexualité entre les personnes et leurs parents, les membres de leur famille, les guides spirituels ou toute autre personne. Rien dans le projet de loi ne limite le droit d’une personne à son propre point de vue sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ni le droit d’exprimer ce point de vue, y compris, par exemple, dans le cadre de conversations privées entre des personnes qui s'interrogent sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre et des conseillers, des membres de leur famille, des amis ou des représentants religieux.
Je répète que rien, dans cette loi, n’interdit ce genre de discussions légitimes sur son identité ou la découverte de son identité. Il s’agit plutôt de criminaliser une pratique qui est préjudiciable aux Canadiens et qui n’a pas sa place dans notre pays. Ce sont les jeunes qui souffrent le plus lorsqu'on tente de les forcer à devenir ce qu’ils ne sont pas. Les jeunes homosexuels qui sont soumis à l'idée que leur nature doit être rectifiée risquent de se mettre à la détester et à avoir peur d'être rejetés par leur famille et leurs amis. C'est d'ailleurs souvent ce qui arrive, et cette détestation de soi et cette peur sont toutes deux très dommageables pour la santé mentale.
Les thérapies de conversion ont de nombreux effets néfastes. Elles sont liées à une variété de répercussions psychosociales, dont la dépression, l’anxiété et l’isolement social. Ces effets sont profonds. Une personne qui a subi une thérapie de conversion, surtout une jeune personne, peut subir un traumatisme à vie. Elle aura l’impression de ne pas être digne ou d’avoir honte de son identité. Elle aura l’impression de devoir vivre dans le mensonge ou même de ne pas mériter de vivre, ce qui l’amènera à avoir des pensées ou des comportements suicidaires. Nous ne pouvons pas et nous ne tolérerons pas cela au Canada.
Je veux que tous les habitants de ma circonscription, Kitchener—Conestoga, et de tout le Canada sachent qu’ils sont acceptés. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m’assurer qu’ils sont en sécurité et qu’ils ont la possibilité de se faire entendre. Il a été important pour moi non seulement d’écouter, mais aussi de comprendre, d’apprendre et de partager ce que j’ai appris. J’ai participé à des colloques et à des festivals, j’ai pris la parole lors de festivités entourant la fierté gaie et j’ai organisé de nombreuses assemblées publiques en ligne pour approfondir les discussions sur notre communauté LGBTQ2. J’ai également transmis les voix et les idées de mes concitoyens à Ottawa.
Respecter l’égalité signifie promouvoir une société dans laquelle chacun est reconnu comme méritant le même respect et la même considération. Je suis fier que notre communauté, ici dans la région de Waterloo, avance ensemble. Le fait que des drapeaux de la fierté flotteront pour la première fois dans les écoles publiques et catholiques envoie un message fort de soutien à nos jeunes.
Les organisations artistiques ont été à l’avant-garde de l’acceptation et de la défense des droits, et je suis sûr que nos artistes continueront à faire entendre leur voix pour l’égalité. Un souvenir dont je suis particulièrement reconnaissant est le jour où je me suis fièrement rendu dans le canton de Wilmot, mon propre drapeau de la fierté à la main, pour en faire don à la cérémonie de juin dernier. Il a été hissé et déployé publiquement pour la première fois dans l’histoire du canton.
En conclusion, nous avons parcouru un long chemin en tant que société, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Donnons l’exemple aux Canadiens et faisons ce travail ensemble. Le débat d’aujourd’hui est important, car plus vite la société acceptera les droits de chacun, plus vite nous ferons savoir aux gens que nous les acceptons pour ce qu’ils sont, et non pour ce que nous pensons qu’ils devraient être. Cela permettra aux personnes d’apporter leurs talents et leurs idées à notre communauté. Quand nous célébrons nos enfants pour ce qu’ils sont, ils réussissent mieux et nous devenons meilleurs en tant que nation. Je demande instamment à tous les députés de cette Chambre d’appuyer cet important projet de loi.
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Madame la Présidente, c'est avec humilité que j'ai décidé de parler aujourd'hui du projet de loi à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes.
Ce projet de loi vise à décourager et à dénoncer les thérapies de conversion en criminalisant certaines activités liées à celles-ci, avec l'intention de protéger la dignité humaine et l'égalité des Canadiens et des Canadiennes. Il vise à modifier le Code criminel de manière à interdire à quiconque de faire de la publicité en vue d'offrir de la thérapie de conversion; de faire suivre une thérapie de conversion à une personne sans son consentement, de faire suivre une thérapie de conversion à un enfant; d'agir en vue de faire passer un enfant à l'étranger pour qu'il y suive une thérapie de conversion; de bénéficier d'un avantage matériel provenant de la prestation de thérapies de conversion.
Quand nous nous faisons élire à la Chambre, nous sommes remplis de bonne volonté et nous désirons aider nos concitoyens. Nous pensons que notre expérience passée va nous permettre d'aborder tous les sujets qui nous seront présentés. Je dois faire un aveu: nous sommes un peu naïfs lorsque nous pensons que nous avons tout vu en politique, puisque nous avons fait de la politique municipale ou provinciale ou puisque nous avons travaillé dans toutes sortes de domaines.
Depuis 2015, j'ai appris beaucoup de choses sur de nombreux enjeux qui touchent toutes les sphères de notre société. De l'aide médicale à mourir à la réaction gouvernementale à une pandémie mondiale que personne n'avait vu venir, nous sommes toujours surpris par la variété de sujets sur lesquels nous aurons à nous prononcer et sur lesquels nous ne sommes pas toujours aussi bien préparés que nous le souhaiterions.
Je suis né à Sherbrooke, dans une famille de la classe moyenne. En grandissant, j'ai exercé toutes sortes de métiers — j'ai été journaliste, vendeur d'ordinateurs et maire de Thetford Mines, entre autres —, sans jamais côtoyer régulièrement des personnes de la communauté LGBTQ2. Ce n'est qu'au cours des dernières années, lorsque j'ai vraiment embrassé davantage ma carrière politique, que j'ai eu de plus en plus de contacts avec des représentants de cette communauté.
Par là, je ne veux pas dire que je ne connaissais personne qui faisait partie de cette communauté. En effet, certains membres de ma famille et certains amis étaient ouvertement gais ou lesbiennes. Cependant, je n'avais jamais vraiment discuté avec eux et avec elles de leur réalité quotidienne et de leurs interactions avec les autres.
Comme plusieurs d'entre nous, j'ai malheureusement été témoin, à l'école, des rires, des sarcasmes et de l'intimidation envers certains jeunes qui étaient différents. Tout le monde sait à quel point les jeunes d'autrefois étaient méchants, et à quel point les jeunes d'aujourd'hui le sont encore.
Ce qui m'a le plus surpris et choqué a été d'apprendre, ici, à la Chambre, qu'il existait des thérapies visant à forcer les jeunes qui sont à la découverte d'eux-mêmes à suivre des traitements pour les empêcher de devenir ce qu'ils sont véritablement, sous prétexte qu'on les soigne.
Lire des témoignages au sujet des thérapies de conversion m'a profondément touché. Je me suis immédiatement demandé ce que je ferais si c'était un de mes enfants. Voilà pourquoi j'ai décidé de prendre la parole aujourd'hui. J'ai trois enfants magnifiques, et je leur souhaite le meilleur pour l'avenir. Ils sont grands maintenant.
Comme je l'ai dit lors de la deuxième lecture du projet de loi , je les aime pour ce qu'ils sont, et non pour ce que je souhaiterais qu'ils soient. Je les aime parce que ce sont des personnes complètes, autonomes et qui font leurs propres choix. Bien sûr, en tant que père, je peux tenter d'influencer leurs choix. Je peux les aider à faire les bons choix et les aider à se reprendre quand ils font de mauvais choix. Surtout, en tant que parents, mon épouse et moi pouvons être là pour eux en toutes circonstances.
Lorsque j'ai su ce qu'étaient les thérapies de conversion, je me suis demandé s'il pouvait me venir à l'esprit, en tant que père, de vouloir changer qui ils sont. La réponse est jamais. En tant que père, rien ne m'amènerait à vouloir changer qui ils sont. Jamais, au grand jamais, il ne me serait venu à l'idée de payer pour qu'ils subissent des thérapies afin de changer ce qu'ils sont. Je peux payer pour les aider à affronter les aléas de la vie, mais je voudrais qu'ils puissent les affronter comme ils sont, et non comme je voudrais qu'ils soient.
Je suis clair et je l'ai toujours été: la vie peut nous amener à faire de mauvais choix, mais elle ne peut pas nous permettre de choisir qui on est. L'orientation sexuelle et le genre d'une personne ne sont pas une question de choix, d'après moi. J'ai lu des témoignages de jeunes à qui on a fait subir ces thérapies de conversion. Je peux assurer sans hésiter le moins du monde que, comme père, je n'aurais jamais soumis mes enfants à des traitements pareils. Ce sont mes valeurs actuelles et ce que je crois intrinsèquement être la chose juste à faire, en fonction des connaissances que j'ai aujourd'hui.
Quand j'ai appris que ces thérapies existent, j'ai voulu en savoir plus. Comme je le mentionnais plus tôt, je n'en avais sincèrement jamais entendu parler avant que ce sujet ne soit soulevé ici à la Chambre des communes. J'ai dû faire mes propres recherches. Malheureusement, les thérapies de conversion sont peu ou sûrement pas assez documentées au Québec. Leurs conséquences sur le Québec et sur les citoyens membres de la communauté LGBTQ+ au Québec sont malheureusement peu documentées également.
J'ai donc relu avec attention certains témoignages du Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur le projet de loi C-6. Ce que j'ai lu est profondément troublant. Je me permets de citer quelques extraits de certains témoignages, particulièrement celui d'Erika Muse, qui dit être une survivante de la thérapie de conversion transgenre.
Elle explique qu'elle a suivi une thérapie de conversion à Toronto dans une clinique d'identité sexuelle pour jeunes du Centre de toxicomanie et de santé mentale, maintenant fermé. Elle y a été patiente pendant sept ans, de 16 à 23 ans. Le médecin qui la traitait a refusé de lui donner des soins d'affirmation de genre sous forme d'hormones et de chirurgie jusqu'à ses 22 ans. Selon Erika:
Au lieu de cela, il m'a administré ce qu’il appelait un « traitement de renonciation » pour jeunes transgenres. Il m’a interrogée au cours d'une thérapie conversationnelle pendant des heures, en m’attaquant de façon inquisitoire, en me blessant et en essayant de détruire mon identité et mon estime personnelle. Il s'efforçait de me faire ressentir de la honte et de la haine envers moi-même.
Cette jeune femme dénonce le fait que le Canada est un pays qui a exporté cette façon de faire dans d'autres pays. Les thérapies de conversion ont porté toutes sortes d'autres noms comme autogynéphilie, dysphorie de genre d'apparition soudaine, attente vigilante ou thérapie de renonciation. Selon Erika:
Quel que soit leur nom, ces méthodes ont toutes une chose en commun. Ce sont toutes des thérapies et des pratiques de conversion des personnes transgenres. Elles présentent l'état transgenre comme un mauvais état d'esprit, une idée fausse à éliminer. Elles visent à empêcher les personnes transgenres de vivre leur propre vie.
Quand on lit des propos comme ceux-là, cela nous amène à vouloir effectivement changer les choses. Je suis convaincu que, dans une société comme la nôtre, on ne peut pas accepter que l'on force des gens à suivre des thérapies pour changer qui ils sont.
Il aurait été possible pour le gouvernement d'obtenir un plus grand consensus à la Chambre des communes pour ce projet de loi. Malheureusement, malgré les amendements déposés par le Parti conservateur et les démarches entreprises auprès du parti gouvernemental, il semble qu'on ait préféré faire de la petite politique. Il aurait pourtant été possible d'avoir l'unanimité de la Chambre.
Le Parti conservateur a présenté des amendements qui m'apparaissent sensés pour permettre d'obtenir un consensus sur la portée du projet de loi, notamment en protégeant les discussions privées avec les parents, des professionnels de la santé et différents représentants pastoraux. J'aurai l'occasion d'y revenir plus tard.
Je vais dire d'abord pourquoi je considère à titre personnel que les thérapies de conversion, quelles qu'elles soient, n'ont pas leur place au Canada, ni ailleurs dans le monde.
En 2012, l'Ordre des psychologues du Québec a publié un avis sur les thérapies de conversion. Voici un extrait de ce rapport qui traite des considérations éthiques, déontologiques et illégales des thérapies:
Étant donné l'état de la recherche sur ces questions, il serait contraire à l'éthique et à la déontologie de présenter aux personnes homosexuelles désireuses de s'engager en psychothérapie, une intervention visant à changer l'orientation sexuelle comme une façon de les traiter. Non seulement ce n'est pas avéré, mais cela risquerait de susciter de faux espoirs et être à la source d'une plus grande détresse devant l'échec prévisible de ce traitement.
De plus, en soi, proposer une intervention qui vise à changer l'orientation sexuelle, surtout si la personne ne le demande pas expressément, peut avoir pour effet de corroborer la fausse croyance qu'être homosexuel c'est anormal, d'accroître la détresse, voire la honte de certains qui constatent ne pas correspondre aux attentes sur ce plan et de miner l'estime de soi. La recherche démontre d'ailleurs que les interventions visant à changer l'orientation sexuelle peuvent avoir un impact négatif important et plonger la personne dans une détresse plus grande que celle qui l'a amenée en psychothérapie [...]
On parle là de dépression, d'anxiété et d'idées suicidaires.
Je poursuis:
Par conséquent, il est plutôt indiqué d'offrir de la psychothérapie dans le but de traiter la dépression ou l'anxiété, de soulager la détresse, de soutenir l'estime de soi et d'aider la personne à faire face aux difficultés qu'elle peut rencontrer et ainsi favoriser son épanouissement sans égard à son orientation sexuelle.
C'est tout à fait sensé, et c'est une très bonne entrée en matière pour mettre la table sur le projet de loi qui vise à rendre criminel le recours aux thérapies de conversion au Canada. Je peux aussi rappeler la position adoptée par le gouvernement du Québec qui a manifesté clairement son intention d'interdire les pratiques de conversion dans la province. Cela traduit, je pense, le souhait de la majorité des Québécois, à savoir qu'ils souhaitent que l'on mette fin à ces pratiques. Ainsi, le projet de loi 70 du gouvernement du Québec vise à interdire à quiconque, gratuitement ou contre rémunération, de solliciter une personne pour qu'elle s'engage dans un processus de conversion d'orientation sexuelle.
Quand la loi sera adoptée, le contrevenant s'exposera à une amende pouvant atteindre 50 000 $, voire 150 000 $ dans le cas d'une personne morale. Le Québec est prêt à le faire; il y a d'autres administrations au Canada qui l'ont déjà fait — je pense à la Ville de Vancouver. Je pense que c'est ce qu'il faut faire, car nous sommes rendus là.
Au Canada, on estime qu'il y a au moins 47 000 hommes et femmes qui ont déjà subi une thérapie de conversion. Il n'existe pas, malheureusement, de nombre de cas au Québec, car le phénomène est peu répertorié. En tant que parlementaires, nous avons le devoir de protéger les plus vulnérables de nos communautés, incluant les membres de la communauté LGBTQ qui ont été victimes de pratiques dégradantes, déshumanisantes, dans le but de modifier leur orientation sexuelle contre leur gré.
Il devient évident qu'une interdiction fédérale de cette pratique est essentielle pour mettre un couvercle sur ce genre de pratique à l'échelle du pays. À l'échelle internationale, un certain nombre de professionnels et d'organisations de la santé ont soulevé des préoccupations au sujet de la pratique de la thérapie de conversion.
En 2012, l'Organisation mondiale de la santé publiait déjà un communiqué dans lequel elle a déclaré que la thérapie de conversion constituait « une grave menace pour la santé et les droits des personnes touchées ».
La Société canadienne de psychologie a publié une perspective semblable en 2015, lorsqu'elle a déclaré que « [l]a conversion ou la thérapie réparatrice — un autre terme utilisé — peut entraîner des résultats négatifs comme la détresse, l'anxiété, la dépression, une image négative de soi, un sentiment d'échec personnel, de la difficulté à maintenir des relations et le dysfonctionnement sexuel ».
D'un point de vue global, la thérapie est dommageable et fausse. C'est une pratique qui devrait et qui devra être complètement interdite.
Aucun Canadien, peu importe son âge ou ses antécédents, ne devrait être mis dans une situation où son identité est contestée et remise en question. En particulier, personne ne devrait être menacé ou autrement forcé à subir cette forme de thérapie contre sa volonté. On le sait et je l'ai dit précédemment, ces personnes peuvent être humiliées et forcées à avoir honte de qui elles sont par cette pratique. C'est une réalité inacceptable.
Permettez-moi de citer un autre témoignage du Comité, celui-là de Peter Gajdics, qui souhaitait formuler certaines recommandations pour le projet de loi C-6. Il nous a relaté son expérience auprès d'un psychiatre autorisé. Il était alors légalement adulte puisqu'il avait 24 ans au début de sa thérapie, et 31 ans à la fin. Voici ce qu'il a dit:
J'étais déjà homosexuel déclaré avant de rencontrer ce psychiatre. Après le début de mon counselling, il m'a dit que des antécédents d'agression sexuelle dans mon enfance avaient créé une fausse identité homosexuelle et que le but de ma thérapie serait donc de me guérir d'un traumatisme ancien afin, comme il l'a dit, de rectifier mon orientation sexuelle et de revenir à mon hétérosexualité innée.
Ce diagnostic a été suivi de séances prolongées de cri primal, de multiples médicaments à usage psychiatrique pour réprimer mes désirs homosexuels, d'injections de chlorhydrate de kétamine, de séances de reparentage pour guérir ma masculinité brisée et, aucune de ses méthodes n'ayant fonctionné, d'une thérapie par aversion.
Aux doses les plus élevées, ces médicaments qu'il me prescrivait étaient presque mortels, et j'ai fait une surdose [...]
Il est inacceptable d'entendre des témoignages comme celui-là dans un pays civilisé comme le nôtre, le Canada. Plusieurs autres témoignages du même genre nous viennent de partout au pays, alors que plusieurs personnes se sont manifestées dans les forums publics pour faire connaître les effets que cette pratique a eus sur leur vie.
Une personne a dit qu'elle restait marquée par les expériences auxquelles elle a participé lors d'une retraite de conversion d'une seule fin de semaine, il y a un certain nombre d'années. Les gens qui ont participé à ces thérapies ont l'impression qu'ils ne seront jamais en mesure d'oublier l'expérience, citant à quel point il est difficile de traiter, non pas la raison pour laquelle ils participaient à ces thérapies, mais ce qui s'y était passé.
Ils ont qualifié de traumatisantes bon nombre des activités auxquelles ils ont participé. Par exemple, des personnes ont été forcées de marcher sur un long chemin tout en étant harcelées verbalement par des organisateurs en raison de leur mode de vie, de libérer leur colère en frappant violemment un sac avec un bâton de baseball, ou encore de reconstituer des cas antérieurs de sévices sexuels qu'elles avaient vécus. Il semble que le but était de diminuer leurs sentiments et leurs émotions.
Tous ces participants notent que, dans certains cas, l'objectif était de les reconditionner et de les changer intrinsèquement. Pour d'autres, il s'agissait de leur enseigner à ne pas agir et à ne pas suivre leurs désirs naturels. Des exemples comme cela, il y en a beaucoup, et ces thérapies et leurs activités ont également causé beaucoup de dommages chez les participants: cauchemars, dépression ou idées suicidaires.
Il est manifeste que nous sommes tous contre les thérapies de conversion forcées. Le gouvernement aurait pu rallier encore plus de députés à la Chambre s'il avait tenu compte des commentaires qu'il avait reçus lors du dépôt du premier projet de loi pour bannir les thérapies de conversion.
À l'origine, le site Internet du ministère de la Justice indiquait clairement que les conversations privées entre un parent et un jeune étaient protégées. L'actuel projet de loi n'est pas aussi explicite, par contre, et les propositions d'amendement présentées par mes collègues au Comité permanent de la justice et des droits de la personne ont été rejetées. Ces propositions auraient pourtant permis d'obtenir un appui encore plus large, plus consensuel, qui aurait permis au projet de loi C-6 d'être adopté encore plus facilement.
Nous n'avons pas retardé le projet de loi comme se plaisent à le dire les libéraux. C'est totalement faux. Nous souhaitions une discussion constructive pour obtenir le consensus le plus large possible sur le projet de loi C-6. Nous avons donc saisi l'occasion de l'étude du Comité pour présenter des amendements. Malheureusement, les libéraux ont décidé de ne pas y accéder et ainsi de ne pas obtenir ce large consensus.
En terminant, je ne m'identifie pas moi-même à un groupe LGBTQ+ et je ne peux donc pas prétendre savoir ce que ressent une personne qui a été mise au ban, intimidée et ridiculisée à cause de ce qu'elle est. Cependant, je peux dire comme père de famille et comme Québécois qu'il est plus que temps que ce pays mette fin aux thérapies de conversion, pour le mal qu'elles ont fait au nom d'un supposé bien et, surtout, pour le mal qu'elles ne feront plus jamais.
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Madame la Présidente, c'est un honneur de prendre la parole dans le cadre de cet important débat et de cette discussion au sujet du projet de loi qui vise à interdire les thérapies de conversion et à criminaliser cette pratique.
Contrairement à ce que j'ai entendu dans certaines des objections exprimées à la Chambre aujourd'hui, je ne crois pas que le projet de loi empêchera les conversations dont l'objectif est d'explorer son identité sexuelle, notamment avec des amis, des membres de la famille, des enseignants, des travailleurs sociaux, des psychologues, des chefs religieux, etc.
Des voix: Oh, oh!
M. Mark Gerretsen: Madame la Présidente, les députés d'en face me chahutent parce qu'ils considèrent que je fais fausse route à ce sujet, mais je ne crois sincèrement pas que ce soit le cas.
Il n'y a pas très longtemps, dans ma région, Kingston, la question des thérapies de conversion a fait surface. Au début de l'année, ou peut-être à l'automne dernier, on apprenait qu'un centre de culte de Kingston pratiquait des thérapies de conversion depuis des années. Cette situation a été révélée et documentée dans le cadre d'un reportage en trois parties de Global News, qui a permis aux gens de bien comprendre ce qui se passait dans notre région. L'affaire a même fait les manchettes nationales en raison de la gravité des activités menées par le centre en question. Ce reportage a ouvert les yeux à bien des gens de la collectivité concernant ce qui se tramait à l'intérieur des murs du centre et plusieurs ont été traumatisés d'apprendre en quoi consistait les thérapies de conversion.
Une personne en particulier a été celle qui a tiré la sonnette d'alarme. Il s'agit de Ben Rodgers. Il a décidé de parler de ce qu'il a vécu pendant les nombreuses années où il a suivi une thérapie de conversion au Third Day Worship Centre de Kingston. S'il a décidé de révéler son expérience au public, c'est qu'il s'inquiétait de ce que d'autres pourraient subir s'ils participaient aux activités du centre de culte, alors je profite de l'occasion pour lire la description offerte par Ben de l'expérience qu'il a vécue au Third Day Worship Centre de Kingston.
Il a écrit:
Mon nom est Ben Rodgers, et je suis un rescapé des thérapies de conversion!
À l'âge de 19 ans, j'ai été soumis à une forme de thérapie de changement offerte par une église appelée Third Day Worship Centre, à Kingston, en Ontario. Cette église voulait me réformer pour faire de moi un « vrai homme » de Dieu, un homme « honnête et hétérosexuel ». Lorsque j'ai annoncé que j'étais gai, j'avais 18 ans, j'étais un cadet, un footballeur, un chanteur, un acteur, un écrivain et un artiste. Je faisais aussi du bénévolat. J'étais membre de l'équipe liturgique des jeunes et je m'impliquais beaucoup dans mon église et ma communauté. Ma mère est retournée vivre à Kingston peu après. Mon frère et son épouse ainsi que ma mère, qui habitait un logement pour grand-mère dans leur sous-sol, étaient tous membres de cette église et ils s'opposaient farouchement à mon homosexualité.
À 19 ans, j'ai été accepté au conservatoire. Cet été-là, j'ai emménagé avec ma mère [...] pour économiser avant mon départ pour le conservatoire. J'ai fréquenté le milieu gai de Kingston, qui se tenait dans un petit bar appelé Shay Foo Foo’s, où je me suis fait de nouveaux amis.
Peu après, j'ai commencé à participer aux activités du centre pour jeunes adultes du Third Day Worship Centre. Je me suis complètement laissé prendre! Il y avait l'équipe liturgique avec son allure de groupe rock, l'équipe de danseurs, les missions humanitaires, l'évangélisme et l'école biblique! Je me suis complètement laissé prendre!
Au début, ce n'était pas si mal. Je me sentais accepté et aimé. Je croyais qu'ils voulaient vraiment m'aider et [...] ils me donnaient l'impression de connaître le chemin que Dieu avait choisi pour moi et de savoir comment me « réformer ». C'était trop beau pour être vrai et je suis tombé dans le panneau. Je voulais faire partie de tout cela. Je voulais chanter et prier. Je voulais faire partie de l'équipe liturgique, mais pour faire partie de l'église, de ses missions, il fallait en devenir membre.
En tant que chrétien, j'avais encore du mal à accepter d'être gai. Ces nouveaux dirigeants, ainsi que ma mère et ma famille, n'approuvaient pas mon orientation sexuelle. Je ne savais plus quoi faire. C'est alors que j'ai commencé à participer aux séances de mentorat offertes par les nouveaux chefs religieux et à leur demander conseil en privé. On m'a appris et fait comprendre que j'étais piégé par « l'ennemi » ou « le diable » et ses démons. On m'a fait écrire une liste de péchés; on m'a fait confesser tout ce qui pouvait m'empêcher d'avancer avec Dieu.
J'ai confié à ces chefs le fait qu'enfant, j'avais été agressé sexuellement par un cousin plus âgé. À cause de cette rencontre — ou, du moins c'est ce que ces chefs religieux m'ont fait croire —, j'avais laissé un homme profiter de moi et invité l'ennemi à m'assujettir aux démons de la luxure et de l'homosexualité. J'ai eu l'impression et la conviction que c'était de ma faute et que j'étais possédé par des démons. C'est pour cette raison, et faute d'avoir une figure paternelle, que j'agissais ainsi et que je « choisissais » de vivre un « mode de vie homosexuel, qui est une abomination évidente aux yeux de Dieu ».
Vint ensuite une sorte de cérémonie de prière en vue de me rendre hétérosexuel. C'était une prière rien que pour moi afin d'éloigner les gais ou, du moins, les démons, comme ils les appelaient.
On m'a ordonné d'observer, pendant trois jours, un jeûne sec, c'est-à-dire un jeûne qui consiste à ne rien manger ni boire. Il s'agit, à vrai dire, d'une pratique assez dangereuse, et cela ne doit jamais se faire sans un encadrement médical, ce qu'on ne m'a pas proposé. À la fin du jeûne, je devais assister à la messe dominicale, après quoi je devais m'asseoir au premier rang parce que le pasteur, Francis Armstrong, sa femme et le conseiller clérical allaient, à la fin de la messe, prier pour moi.
Après trois jours sans eau ni nourriture, je me trouvais maintenant avec leurs mains sur mon visage, ma tête et mes épaules. J'avais l'impression que ces gens criaient et hurlaient dans leurs « langues mystiques » pendant qu'ils pressaient leurs mains sur moi. Jusqu'au moment où je devais soit céder et laisser faire, soit abandonner et les laisser gagner. Je me souviens que je me suis affaissé au sol et qu'ils ont continué à bannir les démons et à prier pour que je sois « correct ».
Après cela, on m'a offert une place dans leur école biblique et j'ai appris au fur et à mesure qu'il fallait faire ce qu'on vous disait ou on ne voulait rien avoir à faire avec vous. On m'a ordonné de pratiquer l'abstinence et de délaisser complètement toutes les choses et toutes les personnes qui avaient un lien avec mon ancienne « vie gaie ». Ils avaient également des règles très strictes sur la façon dont je devais agir et ce que j'avais le droit de faire. Ils contrôlaient qui je pouvais rencontrer et quand et comment je pouvais agir avec ces personnes. Il m'était notamment interdit d'être seul avec d'autres hommes.
Cette situation a duré plus d'un an. Pendant ce temps, j'ai dû jouer le rôle d'un « hétéro » et nier qui j'étais vraiment. J'ai dû mentir à moi-même et aux autres. J'ai perdu des morceaux de moi-même. J'ai perdu ma foi dans le processus.
Après avoir été expulsé de l'école biblique et avoir été viré de mes fonctions pastorales, j'ai été lentement poussé hors de l'église. J'ai perdu le logement que je louais et tous ceux que je connaissais. Cela signifie que j'ai dû essayer d'apprendre qui j'étais après avoir coupé une grande partie de moi-même et de la personne que j'essayais d'être.
On m'a fait me sentir comme si je n'avais aucune valeur, comme si je n'étais ni aimable ni digne d'être aimé et que je comptais moins que les autres uniquement parce que je suis homosexuel. On m'a appris à me détester et me sentir sale et contre nature. Toutes ces idées étaient des mensonges, des mensonges qu'ont m'a appris à croire et à endurer. Je peine encore à surmonter ces mensonges. J'ai dû vivre beaucoup de souffrances dans ma vie avant de développer suffisamment de force pour me défendre et retrouver mon identité.
Nous devons maintenant nous battre pour aider les personnes qui subissent ces tortures encore aujourd'hui. Ces personnes qui n'ont pas encore trouvé leur voix ou le soutien dont elles ont besoin pour s'en sortir.
Le gouvernement doit intervenir et protéger les gens comme moi: des personnes vulnérables qui ont fait des choix parce qu'elles étaient sous l'emprise d'autrui ou à qui on raconte de tels mensonges, des personnes qui sont terrorisées. Aidez à mettre un terme aux activités de ces organisations et à faire taire leurs dirigeants et les responsables de ces souffrances.
Mon histoire n'est qu'une parmi tant d'autres. Nos voix doivent être entendues!
Ce sont les mots de Ben Rodgers, comme je l'ai mentionné au début de mon discours. Je suis très honoré de le représenter à titre de député et, dans le cadre du débat sur cet important projet de loi, de faire part à la Chambre de son expérience. Ben est un héros. Il a réussi à reconnaître le mal qu'on lui infligeait afin de pouvoir raconter son histoire et de sonner l'alarme publiquement sur ce qui se passe au Third Day Worship Centre, à Kingston, en Ontario. Grâce à Ben, la communauté est devenue très consciente du problème et elle a vivement réagi pour exiger que les choses changent.
Nous pouvons ne pas être d'accord sur les nuances du libellé du projet de loi. Nous pouvons trouver des raisons de ne pas l'appuyer. Néanmoins, je suis très content. Je félicite le député conservateur précédent qui, quand je lui ai posé une question, a répondu que le plus important est de bannir les thérapies de conversion. J'espère que cela signifie qu'il va voter en faveur du projet de loi, comme bon nombre de ses collègues conservateurs l'ont fait à l'étape de la deuxième lecture.
Il a aussi dit que le gouvernement avait présenté ce projet de loi, que c'était sa faute, qu'il aurait pu le rendre plus clair, mais qu'il avait choisi de le présenter ainsi. Le gouvernement a aussi accepté les amendements proposés par le comité. Les membres libéraux du comité ont travaillé avec les membres néo-démocrates et, je suppose, ceux du Bloc, afin de présenter des amendements. Le gouvernement a certainement respecté le processus parlementaire et laissé le comité faire son travail afin qu'il présente à la Chambre son rapport visant un projet de loi amélioré, dont nous débattons en ce moment.
J'espère sincèrement que mes collègues conservateurs qui ont voté en faveur de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, qui ont démontré qu'ils sont disposés à faire preuve de leadership dans ce dossier et qui ont des réserves au sujet de certains mots admettront que nous avons respecté le processus parlementaire. Manifestement, ils hésitent, ce qui n'est pas le cas de la majorité des députés. Le projet de loi est maintenant de retour à la Chambre. Au bout du compte, l'important, ce n'est pas de décortiquer le moindre mot afin de déterminer ce qu'il signifie, mais bien d'adopter cette mesure législative afin que des gens comme Ben ne soient plus victimes d'abus et qu'on ne leur dise plus dans leur lieu de culte qu'ils sont impurs. C'est plus important que de rester fixé sur une définition parce que quelqu'un pense qu'elle signifie peut-être autre chose, ce qui n'est pas le cas, comme l'ont d'ailleurs compris la majorité des députés de la Chambre.
J'espère vraiment que les députés conservateurs n'utiliseront pas cela comme motif pour ne pas appuyer le projet de loi. Je sais qu'il y aura de la dissension chez les députés à la Chambre. Quelques députés s'opposeront au projet de loi, probablement ceux qui m'ont chahuté tout à l'heure pendant mon discours, et c'est très bien. Toutefois, plus il y aura de députés qui l'appuieront, mieux ce sera. Je crois qu'il est assez évident que nous n'obtiendrons pas l'appui unanime de la Chambre, mais nous pouvons certainement montrer qu'un grand nombre de députés peuvent unir leurs efforts pour obtenir un consentement quasi unanime au sujet d'une question importante pour les Canadiens. Il s'agit d'une question importante pour une partie de la population, qui a connu beaucoup de difficultés au fil des ans et qui a tenté à maintes reprises de secouer les gouvernements de l'époque pour leur faire prendre conscience que les gens ne sont pas différents en raison de leur identité.
J'encourage tous les députés à voter en faveur de la mesure législative afin, comme l'a dit un député bloquiste tout à l'heure, de la faire adopter à la Chambre avant la fin de la session parlementaire pour que nous puissions en faire une loi, criminaliser cette pratique et faire en sorte que les personnes comme Ben Rodgers contribuent à protéger les gens à l'avenir.
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Madame la Présidente, j'aborderai ce débat sérieux sur le projet de loi et la nécessité de protéger les Canadiens des thérapies de conversion en parlant de personnes que j'ai connues et qui ont souffert parce qu'on les a incitées, à leur insu, à suivre des traitements inadéquats ou les y a forcées.
Ma première expérience a été dans le domaine médical, quand j'ai travaillé à l'hôpital psychiatrique Souris Valley. Dès son ouverture, en 1921, cet hôpital offrait aux personnes atteintes d'une maladie mentale des traitements expérimentaux qui étaient considérés comme étant d'avant-garde. L'établissement avait la réputation d'être un précurseur dans les programmes thérapeutiques. Parmi les premières méthodes utilisées, notons celle du choc insulinique, de l'hydrothérapie, des électrochocs ainsi que la lobotomie.
Une lobotomie est une forme de psychochirurgie, un traitement neurologique d'un trouble mental qui consiste à sectionner la majorité des fibres du cortex préfrontal. Elle était utilisée pour traiter des troubles mentaux, qui sont déterminés par un ensemble de facteurs se rapportant à la façon dont une personne pense, se comporte, se sent ou perçoit les choses, mais elle servait aussi, parfois, à soigner d'autres maladies. Cette opération a été fort populaire dans certains pays occidentaux pendant plus d'une vingtaine d'années, même s'il était généralement admis qu'elle avait souvent des effets secondaires graves. L'amélioration des symptômes après l'opération constatée par certaines personnes se faisait au prix d'autres handicaps. Dès ses débuts, cette opération fut controversée, notamment parce que les risques étaient grands par rapport aux avantages.
L'une des patientes dont je m'occupais s'appelait Annie. Elle était l'une des rares personnes ayant subi une lobotomie à cette époque au Canada. Aujourd'hui, la lobotomie est devenue une procédure décriée, un synonyme de barbarie médicale et un exemple flagrant de violation des droits des patients par le corps médical.
Ce qui me paraît incroyable, c'est que l'inventeur de la procédure a été l'un des lauréats du prix Nobel de physiologie ou de médecine en 1949 pour la « découverte de la valeur thérapeutique de la lobotomie dans le traitement de certaines psychoses ». De toute évidence, compte tenu de ce que nous savons aujourd'hui, une telle récompense aurait été jugée répréhensible.
Voici une autre expérience personnelle mettant en cause une méthode de thérapie de conversion. Cela s'est passé il y a 30 ans, alors qu'une famille qui m'était chère était aux prises avec un problème de comportement. Leur enfant souffrait, depuis son jeune âge, de problèmes de colère et de rébellion. Le traitement recommandé aux parents était d'envoyer leur jeune à un camp de plein air où l'on enseignait la discipline et où il pouvait tisser des liens avec ses pairs. Quel ne fut pas le chagrin des parents lorsqu'ils ont appris que leur adolescent avait été contraint à la soumission, sans aucun soutien ni encadrement compatissant, et que celui-ci avait fait une tentative de suicide. Les parents l'ont sorti de cet endroit pour l'hospitaliser près de chez eux. Ils ont appris plus tard qu'à un très jeune âge, leur enfant avait été traumatisé par des agressions sexuelles.
Dans ces deux scénarios, ce qui était considéré, à l'époque, comme un traitement de pointe, avant-gardiste ou approprié était manifestement abusif et inacceptable.
Aujourd'hui, tant dans le libellé de ce projet de loi que dans les milieux scientifique et médical, les thérapies de conversion ne s'appliquent par définition qu'aux membres de la communauté LGBTQ2. Je suis en faveur de l'interdiction de ces thérapies, mais pas sous cette forme, parce que ce projet de loi va au-delà des thérapies de conversion. Le projet de loi contrevient de toute évidence à la Charte des droits et libertés en ce qui a trait aux membres de la communauté LGBTQ2 et à d'autres Canadiens.
En effet, la définition de thérapie de conversion ne fait aucune distinction entre l'orientation et le comportement. Voici la définition fournie dans le projet de loi :
[...] thérapie de conversion s'entend d'une pratique, d'un traitement ou d'un service qui vise à modifier l'orientation sexuelle d'une personne pour la rendre hétérosexuelle, à modifier l'identité de genre ou l'expression de genre d'une personne pour la rendre cisgenre ou à réprimer ou à réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels ou toute expression de genre non cisgenre. Il est entendu que la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent à l'exploration et au développement d'une identité personnelle intégrée sans privilégier une quelconque orientation sexuelle, identité de genre ou expression de genre.
La définition de la thérapie de conversion inclut en fait le counseling visant à atténuer un comportement sexuel indésirable. Cela signifie que, si le counseling prodigué à une personne qui n'est pas hétérosexuelle porte sur la réduction de la consommation de pornographie ou de la dépendance sexuelle sans qu'il ne soit pour autant question de changement d'orientation, il y aurait malgré tout infraction criminelle.
Il y a des raisons légitimes de croire que des personnes de toute orientation pourraient aspirer à atténuer leur comportement. Toutefois, cette définition permettrait seulement aux Canadiens hétérosexuels d'obtenir ce soutien, pénalisant ainsi les Canadiens LGBTQ2. Il s'agit d'une violation directe du droit à l'égalité prévu dans la Charte canadienne des droits et libertés. Toute conversation serait ainsi criminelle, y compris celles entamées par des personnes LGBTQ2 qui souhaitent obtenir des réponses en matière de sexualité afin d'en discuter sérieusement avec les membres de leur famille, leurs amis ou des leaders spirituels.
Aucun corps médical ou organisation professionnelle de counseling en Amérique du Nord n'utilise la définition créée par le gouvernement dans le projet de loi . Voici comment la Société canadienne de psychologie définit le travail du psychologue: « Le psychologue étudie la façon de penser, de se sentir et de se comporter d'un point de vue scientifique et applique ces connaissances en vue d'aider les personnes à comprendre, à expliquer et à modifier leur comportement. »
Outre le fait qu'elle n'est retenue par aucun corps médical ou organisation professionnelle de counseling en Amérique du Nord, la définition qui figure dans le projet de loi est contradictoire. Le gouvernement affirme que les Canadiens LGBTQ2 peuvent explorer leur sexualité, mais une telle exploration est impossible si ces personnes n'ont pas également la possibilité de réduire les comportements à l'égard desquels les autres Canadiens pourraient obtenir de l'aide.
Bien des raisons peuvent inciter une personne à vouloir réduire des comportements indésirables, sans pour autant changer son orientation. Pourtant, le projet de loi empêcherait tout soutien à l'orientation visant à réduire les comportements non hétérosexuels. Personne ne s'imaginerait que des personnes hétérosexuelles désireuses de réduire un comportement sexuel comme la consommation de pornographie ou la sexomanie cherchent à changer d'orientation sexuelle. Les personnes de la communauté LGBTQ2 à la recherche du même genre de soutien professionnel pourraient elles aussi simplement vouloir réduire un comportement sexuel sans pour autant changer d'orientation. Or, aux termes de ce projet de loi, elles ne pourraient pas obtenir de l'aide à cause de leur orientation sexuelle ou identité de genre. Une disposition sur l'exploration n'assurerait pas l'accès à un tel soutien thérapeutique.
Le projet de loi s'applique aux conversations entre parents et enfants et avec des amis de confiance ainsi qu'aux discussions délicates avec des chefs religieux et des conseillers en orientation. Par ailleurs, cette mesure ne prévoit aucune exception pour les conversations entre parents et enfants. Les conversations avec les personnes que je viens de mentionner auprès desquelles on cherche, à juste titre, conseils et soutien, seraient effectivement criminalisées au même degré que les pratiques dommageables et inacceptables que l'ensemble des députés souhaitent interdire. À l'heure actuelle, n'importe quel service de counseling pour réduire certaines activités sexuelles pourrait être considéré comme une thérapie de conversion et, de ce fait, donner lieu à une poursuite judiciaire. Nous pourrions remédier à cette lacune.
Dans le projet de loi , la disposition sur l'exploration elle-même dicte les résultats des consultations des patients. Alors que même les professionnels en counseling s'efforcent d'éviter de diriger leurs patients, pourquoi le gouvernement dicte-t-il les résultats dans ce projet de loi? Les professionnels en counseling agissent un peu comme un GPS. Ils ne donnent que des instructions, c'est le client qui décide de la destination.
Le gouvernement utilise une définition de thérapie de conversion qui n'est pas utilisée par les gouvernements d'autres pays. Ailleurs dans le monde, aucune interdiction visant les thérapies de conversion n'interdit le counseling concernant des comportements non hétérosexuels indésirables. J'ai examiné un document de recherche, que je serais heureuse de fournir, qui énumère 152 définitions de la thérapie de conversion utilisées ailleurs dans le monde, y compris celles utilisées par tous les gouvernements que Wikipédia énumère comme ayant adopté une loi ou un règlement à ce sujet, par les Nations unies, par l'Église unie du Canada et par des militants LGBTQ2 comme Kris Wells. Aucune de ces définitions ne comprend de counseling en matière de comportement sexuel qui ne vise pas à changer l'orientation sexuelle.
Le projet de loi a une portée beaucoup trop vaste, et est fondé sur le fait que le Canada interdit deux types de counseling: celui sur la réorientation sexuelle et celui sur la réduction d'un comportement sexuel qui ne vise pas à changer l'orientation sexuelle. Voilà pourquoi cette interdiction est si dangereuse. Aucun corps médical ou gouvernement dans le monde ne définit ainsi la thérapie de conversion.
La définition qui suit, qui provient des Nations unies, reflète mieux ce que devrait être la définition de thérapie de conversion dans le projet de loi :
« Thérapie de conversion » est une expression générique désignant des pratiques de nature très diverse, qui se fondent toutes sur la croyance selon laquelle l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne peuvent et devraient être changées. Ces pratiques visent à transformer (ou le prétendent) une personne gay, lesbienne ou bisexuelle en une personne hétérosexuelle, et une personne trans ou de genre variant en une personne cisgenre.
Voilà le genre de définition que ce projet de loi devrait contenir.
En raison de la définition boiteuse des thérapies de conversion, le projet de loi limiterait la liberté de choix et la liberté d'expression des Canadiens LGBTQ2. Alors que le projet de loi permettrait de prendre des mesures pour changer le sexe d'un enfant, y compris de la chirurgie et du counseling, il n'accorderait pas la même liberté à ceux qui souhaitent retrouver le sexe qu'ils avaient à la naissance. Il limiterait les conversations intimes visant à diminuer le comportement sexuel, ainsi que les tentatives de détransition des personnes.
Ce projet de loi englobant criminaliserait non seulement les personnes qui écoutent ceux qui procèdent à une transition ou qui l'ont déjà fait, ou qui discutent avec elles, mais aussi ceux qui ont suivi le processus de transition, qui ont procédé à une détransition, et qui racontent maintenant leur histoire à d'autres. Une simple recherche sur Internet permettra aux députés de constater un large éventail d'idées, d'opinions et de récits individuels de personnes qui ont souffert de la dysphorie de genre. Non seulement ces personnes seraient criminalisées par le projet de loi , mais elles seraient également contraintes au silence par l'application du projet de loi , en raison de leurs communications sur les médias sociaux.
Nombre de ces histoires sont celles de personnes qui ont décidé à un jeune âge de commencer à utiliser un traitement hormonal ou de subir une chirurgie pour modifier leur corps. Pour beaucoup, ces décisions n'ont pas apaisé les troubles de dysphorie de genre et, dans de nombreux cas, elles ont aggravé les problèmes d'image et d'identité de soi.
Je vais présenter quelques-uns des témoignages pour qu'ils soient consignés au compte rendu aujourd'hui.
Elle Palmer, une youtubeuse, a commencé à prendre de la testostérone à l'âge de 16 ans. Pendant de nombreuses années, elle a éprouvé une haine de soi et, pour reprendre ses mots, a entamé un processus de transition, non pas pour avoir l'air plus masculine, mais pour cacher certains éléments de son corps. Selon elle, la transition était la forme ultime d'automutilation. Elle voulait tout changer d'elle-même et ne voyait aucune possibilité de se sentir bien dans son corps. À l'époque, elle ignorait qu'il était possible de ne pas détester son corps.
Max, un autre témoin, a déclaré sans équivoque qu'une transition de genre n'était pas la solution pour guérir la dépression sévère dont elle souffrait. Selon elle, elle avait besoin d'une transition dans sa vie, mais pas d'une transition de femme à homme.
En se fondant sur sa propre expérience et ce qui ressort de ses conversations avec d'autres personnes ayant suivi une détransition et une réidentification, Cari prévient que « la transition n'est pas la seule solution pour traiter la dysphorie de genre ». Elle parle de sa propre expérience. On lui a prescrit des hormones après quatre séances de thérapie. Elle signale que, à ces séances de thérapie, on n'a nullement tenté de régler les problèmes personnels qu'elle a mentionnés. De plus, pas une seule personne du milieu médical ou de celui de la santé psychologique n'a tenté de la dissuader de changer de genre ou ne lui a offert une autre option que celle d'attendre d'avoir 18 ans. Elle a dit: « J'ai suivi une détransition parce que je savais que je ne pouvais pas continuer d'éviter de faire face à ma situation [...] et parce que reconnaître ma réalité en tant que femme est essentiel à ma santé mentale. »
Lee a parlé ainsi de son expérience: « Il y avait tous ces signaux d'alarme, et j'aurais vraiment aimé que quelqu'un m'en parle. Peut-être qu'alors je n'aurais pas fait la transition. Si j'avais su qu'une personne ayant des antécédents de troubles alimentaires, d'abus sexuel dans l'enfance, de négligence et d'intimidation parce que c'est une femme non conforme à son genre, qu'une personne ayant des pulsions homophobes et misogynes intériorisées n'aurait pas dû être encouragée à faire la transition [...] J'aurais aimé que quelqu'un essaie de m'arrêter [...] La transition [...] n'a pas fonctionné pour moi. »
Il y a une autre histoire que j'ai transcrite à partir d'une publication sur YouTube qui remonte à juillet 2019, mais cette information est maintenant confidentielle, alors je vais raconter l'expérience de l'auteure de cette publication en respectant son anonymat. Je la cite:
« Je suis transgenre depuis l'âge de 15 ans et j'ai 21 ans, maintenant.
Je ne veux pas suivre de traitements médicaux toute ma vie. Je ne veux pas être psychologiquement dépendante d'hormones fabriquées dans un laboratoire.
Ce que je veux, et que j'ai toujours voulu, c'est être en paix avec moi-même. Pas un moi modifié chirurgicalement, mais mon propre moi. Je veux ressentir un amour physique pour mon corps. Ce corps dans lequel je suis née, dans lequel j'ai eu la chance de naître et d'habiter.
Je voulais trouver des moyens de gérer mes problèmes de genre qui ne soient pas une transition médicale, et ces moyens ne m'ont pas été présentés. Il est temps pour moi de faire la paix avec mon côté femme, avec ma féminité.
Même si je ne sais pas comment être une femme, dans le sens où je souffre d'une dysphorie de genre, je suis toujours une femme. Une femme dysfonctionnelle, déglinguée, bizarre, gay, autiste, et complètement authentique.
Je pense que j'étais possédée par quelque chose. Par une idéologie. Les médias sociaux ont certainement joué un rôle dans tout ça.
Il est évident pour moi maintenant que passer de longues heures à visiter le même genre de sites a une sérieuse incidence sur notre cerveau et notre vision du monde.
Quand ce sera le bon moment, je le dirai à mes parents. Je sais qu'ils seront heureux d'entendre cela, car je commence tout juste à comprendre à 21 ans les préoccupations qu'ils avaient à mon sujet quand j'avais 16 ans. La sagesse vient vraiment avec l'âge, n'est-ce pas?
Mais, ouais, essayez de dire ça à une jeune de 16 ans isolée, qui se déteste, qui est non conformiste sexuelle et qui veut faire une transition. Je veux dire, vous allez avoir des problèmes.
C'est juste que je gère ma dysphorie de genre à ma façon maintenant. Je ne veux pas faire toutes ces choses que ces sites en ligne me poussaient à faire, je suppose.
Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui sont comme moi, vraiment, qui vivent la même chose, et j'ai un drôle de sentiment, à savoir qu'il y aura beaucoup plus de gens comme nous dans les années à venir, car les adolescents non binaires et trans d'aujourd'hui atteindront alors la vingtaine.
Donc, si cette vidéo peut servir de ressource aux gens parce qu'ils s'y reconnaissent, parce que nous, les filles masculines et les lesbiennes hommasses nées entre 1995 et 2000, avons vraiment été des cobayes dans cette affaire-là, ce serait bien.
Dans cette affaire-là, quoi que ce soit, qui se passe dans la communauté trans en ce moment. Nous avons été les cobayes et je suis de l'autre côté maintenant, et j'espère vraiment que d'autres, qui vivent les mêmes affres, pourront passer de l'autre côté. Parce que c'est sympa. »
Je n'invente pas ces mots. Il s'agit du témoignage personnel, émotionnel de personnes qui en sont venues à la conclusion que la transition de genre n'est pas une solution permanente à leur dysphorie de genre et qui ont trouvé leur valeur dans leur processus de détransition. Ces personnes ont rendu publique leur histoire de détransition ou leur décision de ne pas subir d'opération chirurgicale ou de traitement hormonal pour changer de sexe et maintiennent avec insistance qu'elles respectent le choix personnel des autres. C'est important. Ces personnes ont des amis que le projet de loi , dans sa forme actuelle, criminaliserait. On ne peut restreindre le discours libre, respectueux et exploratoire des personnes qui ont vécu cette situation et qui nous font part de leur précieuse expérience. En allant trop loin, ce projet de loi nuira aux membres de la communauté LGBTQ2 qui souhaitent effectuer une détransition ou qui, de leur plein gré, désirent obtenir du soutien ou du counseling pour changer un comportement.
Cette interdiction censure le dialogue. Ce n'est pas la définition que donne le projet de loi de « thérapie de conversion » qui censurerait le dialogue sur la sexualité et le genre, mais plutôt sa disposition concernant la publicité. Un ajout apporté par le gouvernement au comité de la justice érige en acte criminel le fait de faire la « promotion » d'une thérapie de conversion. Cela aurait pour effet d'interdire et de criminaliser la publicité sans frais, y compris la publicité verbale.
Le libellé original concernant l'interdiction relative aux publicités se lit comme suit: « Quiconque fait sciemment de la publicité pour offrir de la thérapie de conversion est coupable », et la version modifiée se lirait: « Quiconque fait sciemment de la promotion ou de la publicité pour offrir de la thérapie de conversion est coupable ». Comme la définition de thérapie de conversion dans le projet de loi inclut toute aide obtenue dans le but de réduire un comportement, la promotion verbale d'activités religieuses dont l'objectif est d'inciter les gens à demeurer célibataires, les chroniques qui soutiennent la détransition ou toute annonce au sujet de séances de counseling dont l'objectif est de réduire les comportements non hétérosexuels seraient illégales.
L'organisme Free to Question est un regroupement de gens qui ont fait une détransition, de spécialistes médicaux, de parents, de membres de la communauté LGBTQ2 et de féministes qui souhaitent protéger le droit des professionnels de la santé d'offrir des services et des évaluations éthiques et impartiaux en psychothérapie pour les jeunes atteints de dysphorie de genre. Je crois qu'il convient de répéter qui fait partie de ce regroupement: des gens qui ont fait une détransition, des spécialistes médicaux, des parents, des membres de la communauté LGBTQ2 et des féministes. Ils demandent qu'un passage soit ajouté au projet de loi afin que les professionnels de la santé puissent offrir des services efficaces aux jeunes. Ils demandent qu'on ajoute ceci au projet de loi:
Il est entendu que cette définition ne s'applique pas aux conseils ou aux thérapies prodigués par les travailleurs sociaux, les psychologues, les psychiatres, les thérapeutes, les médecins, les infirmières praticiennes ou d'autres professionnels de la santé quant au moment ou à la pertinence d'une transition sociale ou médicale vers un autre genre, y compris la discussion des risques et des avantages, des solutions de rechange ou des diagnostics et traitements supplémentaires.
Chacun de nous, à la Chambre, a la responsabilité de trouver un équilibre entre les droits et les libertés individuels au sein d'une société diversifiée. La Charte protège une société pluraliste, alors que ce projet de loi crée une situation gagnant-perdant et met à risque le pluralisme parce que la définition des thérapies de conversion utilisée fait plus de mal que de bien.
Le projet de loi , comme bien d'autres projets de loi et règlements présentés par le gouvernement libéral, tente sciemment de contrôler les résultats en se basant sur un endoctrinement idéologique. Il va beaucoup plus loin que l'interdiction des thérapies de conversion, qui fait consensus. Il cherche à contrôler la pensée, le discours et le comportement et à réprimer les libertés démocratiques au moyen de mesures législatives qui vont trop loin.
Je suis en faveur de l'interdiction des thérapies de conversion, mais pas de cette interdiction-ci des thérapies de conversion, parce que cette interdiction ne vise pas seulement les thérapies de conversion. Par conséquent, je ne peux pas appuyer le projet de loi . Tâchons de faire mieux.
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Monsieur le Président, je vous avise que je partagerai mon temps avec mon cher collègue d', ce dont je suis heureuse.
Je me lève pour inscrire mes commentaires dans le débat de troisième lecture sur le projet de loi
Qu'est-ce qu'une thérapie de conversion? C'est une pratique, un service, un traitement qui vise plus ou moins à changer l'orientation sexuelle d'une personne. Il faut s'attarder aux mots: le but ici est de « changer », puisqu'il est question de conversion et donc de changement. J'ai constaté dans mes recherches qu'environ 47 000 personnes ont été soumises au Canada à ce genre de « thérapie » — j'insiste sur les guillemets —, et ce sans aucun succès.
Je pense avoir déjà dit que je suis travailleuse sociale et membre active — ce dont je suis très fière — de mon ordre professionnel. Je veux profiter de l'occasion pour souligner que le Québec a déjà tenu ce débat et qu'il lutte déjà concrètement contre ces thérapies de conversion depuis que la loi 70 a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 9 décembre 2020. L'Ontario et le Manitoba ont également légiféré en ce sens.
L'adoption de la loi 70 constitue un jalon de plus qui confirme la place du Québec comme un chef de file au Canada — mais aussi dans le monde — dans le combat contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Le Québec figure à ce titre comme une grande nation respectueuse, ouverte et qui célèbre la diversité sexuelle. C'est pour moi une grande source de fierté.
Fort de cette conviction profonde, de cette longue tradition de respect et de cette unanimité sur le principe de l'Assemblée nationale, le Bloc québécois est évidemment favorable au projet de loi C-6.
Il faut souligner que le projet de loi que le gouvernement libéral a déposé fait le choix de ne pas interdire complètement les thérapies de conversion, limitant leur interdiction aux personnes mineures, en plus d'en interdire la publicité et la commercialisation, ainsi que l'envoi d'un mineur canadien à l'étranger afin de poursuivre ce type de pseudo-thérapie. Autrement dit, le projet de loi C-6 tente d'interdire l'imposition des thérapies de conversion à des enfants et à des adolescents. Je suis sensible à toute la question de l'adolescence, car c'est la période durant laquelle on apprend à connaître son corps et à faire des découvertes.
Je dois dire que je suis un peu estomaquée que ce sujet soit encore aujourd'hui matière à débat à la Chambre, mais je suis heureuse de constater que la majorité des parlementaires ici présents appuient l'idée d'interdire ce genre de thérapie, à l'exception d'une frange vocale et très militante du Parti conservateur comme on a pu le constater aujourd'hui.
Pourtant le projet de loi me semble pondéré. Il correspond pour moi à un strict minimum. Je suis franchement surprise de devoir faire ce discours puisqu'il me semble tomber complètement sous le sens qu'il est important de respecter la liberté des gens de développer des sentiments amoureux pour qui que ce soit. En effet, il est ici question d'amour et on en parle aujourd'hui. Il me semble important de dire que je souhaite à tous les enfants et à tous les adolescents du Québec et du Canada de pouvoir se sentir respectés, accueillis, compris, inclus et aimés, et ce, peu importe leur orientation sexuelle.
J'ai aussi envie de leur dire que j'éprouve beaucoup d'empathie pour ceux à qui l'on fait croire qu'ils doivent choisir entre leur orientation sexuelle et leur spiritualité, entre leur orientation sexuelle et leur vie en communauté, entre leur orientation sexuelle et leurs perspectives d'avenir, ou dans certains cas entre leur orientation sexuelle et leurs liens familiaux. Ce genre de choix n'a pas lieu d'être dans une société ouverte, sensée et sensible.
En fait, ces dilemmes imposés à certains jeunes sont, à mon avis, absurdes, puisque l'orientation sexuelle n'est justement pas une question de choix. C'est donc aberrant de penser que l'orientation sexuelle va déterminer la place de quiconque dans la société. Il est aussi ridicule de croire qu'une thérapie de conversion pourrait faire autre chose que de brimer l'expression sincère et entière de leur orientation sexuelle. Une thérapie de conversion ne peut pas guérir une maladie qui, au fond, n'est pas une maladie ni même un travers.
Disons-le clairement: la pratique des thérapies de conversion fait violence au respect de l'identité de genre et de l'orientation sexuelle de toutes et de tous. Les thérapies de conversion atteignent directement la dignité humaine.
Le Bloc québécois reconnaît que les groupes qui font la promotion de ces pratiques sont des groupuscules et qu'ils sont minoritaires, et tient à affirmer à grands traits que le respect des croyances doit aller de pair avec, d'une part, le respect de la différence et, d'autre part, l'assurance de l'égalité entre les citoyens et les citoyennes.
Pourtant, les défenseurs des thérapies de conversion présentent d'ordinaire ces supposées thérapies comme un processus bienveillant et comme des séances qui sont pensées et créées pour aider les gens à retrouver la raison et le droit chemin. Ils présentent leurs séances comme des discussions ouvertes sur l'orientation sexuelle.
Comment une discussion peut-elle être ouverte et balancée lorsque l'objectif même est de convertir? Comment peut-on croire qu'il s'agit d'une discussion ouverte lorsque des gens paient pour un service, dans ce cas-ci parfois très onéreux, qui vise à chasser les préférences sexuelles d'une personne? Comment peut-on croire que ces discussions peuvent être bénéfiques, alors qu'elles sont faites auprès de personnes mineures sous la force et la contrainte? À mon sens, poser ces questions, c'est y répondre.
Il y a une différence bien profonde entre la bienveillance et les thérapies de conversion. La bienveillance se fait par l'acceptation, qui, à son tour, s'incarne par des discussions sur le fait qu'il soit normal qu'une personne se questionne sur son orientation sexuelle, fasse différents essais et s'informe sur sa sexualité, et qu'une orientation sexuelle puisse changer au cours d'une vie.
Si on est vraiment dans l'acceptation et l'ouverture, on est capable de reconnaître qu'il est tout à fait normal d'être homosexuel ou de s'inscrire quelque part sur le large spectre de l'orientation sexuelle. Si on est tout à fait ouvert et dans l'acceptation, on comprend qu'une personne puisse, à différents moments de sa vie et tout à fait normalement, vivre autre chose que l'hétérosexualité. Si on est tout à fait ouvert, on comprend qu'être homosexuel, lesbienne, bisexuel ou peu importe son orientation sexuelle est l'équivalent d'être hétérosexuel. Autrement dit, l'orientation sexuelle ne devrait pas avoir une incidence sur la vie ni sur la valeur qu'a une personne.
Ce n'est pas tout à fait être dans l'ouverture que de ne pouvoir tolérer l'idée qu'une personne puisse vivre ses liens amoureux avec la personne qui lui convient. Si on s'inscrit dans une dynamique qui vise à diriger une personne dans ce que l'on considère comme tolérable, si on veut réprimer des sentiments sincères et brimer le droit de vivre dignement son orientation sexuelle, on sera contraint d'utiliser des arguments de peur. On sera donc dans le jugement.
J'aimerais qu'on m'entende bien: il est évident que le Bloc québécois appuiera de façon unanime le projet de loi . Tous nos députés, et je dis bien tous nos députés, voteront en faveur de ce dernier, tout comme à la deuxième lecture.
J'appelle tous les partis politiques à faire de même et à appuyer massivement, sans ambiguïté et unanimement, le projet de loi C-6 afin d'envoyer un message clair que, au Québec et au Canada, on respecte la dignité de toutes les personnes qui, au fond, ne font que vivre par amour.
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Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je me lève à la Chambre pour débattre de ce projet de loi d'ordre social. Par contre, en 2021, nous ne devrions pas avoir à nous lever à la Chambre dans de telles circonstances, puisque les thérapies de conversion n'ont évidemment plus leur place.
Le Bloc québécois est favorable au projet de loi . Pourquoi y est-il favorable? C'est parce que le Bloc québécois est résolument engagé dans la protection et la promotion des droits et libertés des citoyennes et des citoyens du Québec et qu'il a toujours été prêt à combattre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. L'égalité entre les citoyennes et les citoyens est une valeur québécoise fondamentale et un droit inaliénable.
Les pratiques qui nient le droit à l'existence dans le respect de son identité profonde se doivent d'être dénoncées. Historiquement, le Québec a été un chef de file en matière de protection des droits, attendu que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnaît, depuis 1977, l'orientation sexuelle comme un motif prohibé de discrimination et que l'Assemblée nationale du Québec a institué l'union civile en 2002, permettant de ce fait l'union des couples du même sexe.
D'un point de vue moral, il est légitime, dans le cadre d'une société démocratique, d'affirmer des valeurs fondamentales de la collectivité. Au Québec, le respect de l'identité des genres et de l'orientation sexuelle de toutes et de tous constitue une valeur à laquelle la pratique des thérapies de conversion fait violence.
D'un point de vue médical, les thérapies de conversion relèvent de la pseudoscience. Non seulement elles sont dangereuses et dégradantes pour le patient, mais de nombreuses études ont démontré qu'elles étaient inefficaces.
Le Bloc québécois reconnaît que les groupes qui font la promotion de ces pratiques sont des groupuscules et qu'ils sont minoritaires. De plus, le Bloc tient à affirmer que le respect des croyances doit aller de pair avec le respect de la différence et l'assurance de l'égalité entre les citoyennes et les citoyens. J'ajoute que les sociétés québécoise et canadienne sont des sociétés distinctes, mais qu'elles ont beaucoup en commun, notamment sur le plan des valeurs.
Aussi, il est juste que, sur un certain nombre de sujets, elles s'accordent et adoptent des politiques concordantes qui vont dans le sens du progrès des droits. Le Bloc québécois souligne l'initiative du gouvernement du Québec en matière de protection des droits de la personne et accueille favorablement le projet de loi no 70 du ministre de la Justice du Québec, M. Simon Jolin-Barrette. Ce projet de loi vise à mettre fin aux thérapies de conversion.
Le Bloc québécois se réjouit aussi que le gouvernement canadien reconnaisse, au moyen de son projet de loi, que, dans une démocratie, nous sommes en droit d'affirmer des valeurs collectives et d'encadrer légalement les pratiques issues de croyances contraires à ces valeurs.
Pour toutes ces raisons, le Bloc québécois juge appropriées les différentes modifications prévues au Code criminel par le projet de loi C-6.
Qu'est-ce qu'une thérapie de conversion? Je vais donner la définition que l'on retrouvait dans un article publié par Radio-Canada. On pouvait y lire ce qui suit:
Les thérapies de conversion ou thérapies de réorientation sexuelle sont des interventions psychologiques ou spirituelles censées changer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, que ce soit par le biais d'une psychothérapie, de médicaments ou d'une combinaison des deux.
Au Canada, 47 000 hommes appartenant à une minorité sexuelle ont été soumis à une thérapie de conversion. Selon l'Organisation mondiale de la santé, ces pratiques constituent une grave menace pour la santé et les droits des personnes touchées.
Selon la Société canadienne de psychologie, la conversion ou la thérapie réparatrice peut avoir des conséquences négatives, comme la détresse, l'anxiété, la dépression, une image négative de soi, un sentiment d'échec personnel, de la difficulté à maintenir des relations et un dysfonctionnement sexuel.
L'American Psychological Association a publié, en 2009, une étude intitulée Resolution on Sexual Orientation Change Efforts. Selon cette étude, contrairement aux prétentions de ces pratiques, ces interventions sont inefficaces et comportent des risques de préjudice. Elle a aussi rappelé que l'attirance envers les personnes du même sexe était une variation normale du comportement sexuel humain, et elle a noté que les partisans des thérapies de conversion tendent à avoir des opinions religieuses très conservatrices. C'est peut-être là que se trouve le nœud du problème.
J'aimerais parler d'un élément intéressant soulevé par ma collègue de . Le gouvernement a finalement choisi non seulement d'interdire les thérapies de conversion, mais de les criminaliser. Selon plusieurs témoignages, certaines relevaient plutôt de la torture que de la thérapie.
Je pense que nous pouvons nous entendre pour affirmer que cette pratique, majoritairement proposée et soutenue par des groupes religieux, se fonde sur l'idée que l'homosexualité est mal et contre nature et que ce péché, l'un des plus graves, mènerait directement en enfer.
Malheureusement, l'homophobie existe encore et toujours en 2021. On en voit des manifestations presque quotidiennes. Que des groupes religieux continuent à stigmatiser ainsi des personnes homosexuelles est franchement inadmissible. On ne peut plus maintenir cette communauté dans la peur, on ne peut plus forcer un être humain à subir un quelconque processus thérapeutique pour devenir quelqu'un qu'il n'est pas. Plusieurs d'entre nous connaissent dans leur entourage des gens qui ont avoué à quel point il est encore difficile de sortir du placard et de s'affirmer. Ce projet de loi ne règle sans doute pas tous les problèmes de la communauté LGBTQ2S+ et autres, mais il constitue manifestement un pas important pour l'avancement de ce débat.
Nous sommes le 31 mai, et il nous reste 17 jours à siéger au Parlement. On sait que le projet de loi , qui va modifier la pratique électorale dans un contexte de pandémie, a été adopté sous bâillon. Il y a donc urgence d'agir au Parlement. J'estime que la possibilité que des élections soient déclenchées et que tout projet de loi meure au Feuilleton est grande. Comme je le disais, il ne nous reste que 17 jours pour pouvoir aller de l'avant avec ce projet de loi ainsi que tous les autres.
Je pense à mon collègue de , qui travaille très fort pour qu'on donne la priorité au projet de loi à la Chambre et qu'on l'adopte rapidement. Il y a aussi le projet de loi d'Émilie Sansfaçon, qui vise à faire passer de 15 semaines à 50 semaines les prestations de maladie de l'assurance-emploi. Dans un contexte de maladie grave, comme le cancer, il faut être capable d'agir. Maintenant, la question n'est pas de savoir si on est pour ou contre les thérapies de conversion. Je pense qu'on peut s'entendre pour dire qu'elles n'ont plus leur place aujourd'hui.
Il est question, dans ce débat, de l'urgence d'agir. C'est notre responsabilité, en tant que parlementaires. Nous nous retrouvons devant un échéancier que nous ne contrôlons pas, mais que le gouvernement contrôle de son côté. S'il n'en tenait qu'à moi, on aurait la responsabilité d'aller au bout des quatre années de mandat et d'aller au bout de tous les débats qui sont présentés, et ce, pour étudier les projets de loi en profondeur.
Il y a cette urgence d'agir, qui nous est rappelée par le projet de loi sur les thérapies de conversion. J'invite donc les députés du Parlement à réfléchir. Rappelons-nous que des votes doivent être tenus et qu'il doit y avoir renvoi au Sénat. Il est urgent d'avancer.
J'ajouterais aussi qu'un des éléments de réflexion que nous devons avoir, c'est celui de l'importance de la laïcité. Ce thème est fortement mis de l'avant au Québec. En effet, on se retrouve dans un contexte où les groupes religieux ultraconservateurs ont une incidence majeure sur la vie des gens. Voyant tout le rejet que cela apporte bien souvent dans la vie des gens et tous les traumatismes que peut apporter une thérapie de conversion, nous avons la responsabilité morale de les protéger. C'est ce qu'avance le projet de loi du gouvernement.
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Monsieur le Président, c'est un réel honneur de prendre la parole au sujet de l'importante mesure législative qu'est le projet de loi . Comme d'habitude, j'ai fait des recherches, j'ai pris des notes et, comme d'habitude, une fois que c'est à mon tour de prendre la parole à la Chambre des communes, je décide de ne pas parler de tout ce que j'avais pris en note. Je vais plutôt parler de certaines des expériences que j'ai vécues en tant que défenseure de la communauté LGBTQ et souligner certaines relations que j'ai bâties à titre de défenseure de cette communauté. J'ai l'appui de ces personnes concernant ce que je vais dire.
En 2018, j'ai été invitée à assister à la projection du documentaire The Fruit Machine à Ottawa. La réalisatrice a fait un documentaire au sujet du traitement réservé aux membres de la communauté LGBTQ au sein des Forces armées canadiennes des années 1950 jusqu'aux années 1990. L'expérience vécue par ces gens doit être racontée; il faut parler de ce qui s'est réellement passé.
Pour commencer, je voudrais remercier Sarah Fodey du travail qu'elle a accompli pour mettre en lumière cette affaire. Sarah, la réalisatrice du documentaire, a déclaré ceci:
Je veux que les gens ayant visionné ce documentaire soient en colère, à cause de [l'injustice] qui a eu lieu, et qu'ils s'engagent à en parler dans leur propre collectivité. Je veux aussi que les gens pleurent et rient à certains moments du film [...] [Beaucoup de survivants] ont recours à l'humour pour s'en sortir, je suppose [...] Ce sont des gens fascinants. On a envie d'en savoir plus sur eux parce qu'ils vous font rire après vous avoir fait pleurer. C'est une belle combinaison.
Nous devons nous pencher sur l'histoire de la discrimination à l'égard de la communauté LGBTQ au Canada pour reconnaître ce qui s'est passé et voir comment nous pouvons aller de l'avant. C'est pour cela que le projet de loi est une mesure qui permet d'avancer. En toute honnêteté, je dois dire que cela soulève certaines préoccupations. Je n'estime pas pour autant qu'elles sont insurmontables, mais je comprends certaines d'entre elles. Nous devons regarder l'histoire du Canada et ce qui est arrivé aux membres de la communauté LGBTQ. Nous devrions avoir très honte. Je sais qu'en 2018, tous les chefs de parti à la Chambre ont présenté des excuses officielles aux membres des Forces armées canadiennes, de la GRC et à certains membres de la fonction publique, qui ont perdu leur poste et leur carrière parce qu'ils s'identifiaient comme membres de la communauté LGBTQ.
J'aimerais faire un rappel historique. Comme je l'ai mentionné, on peut remonter jusqu'à l'utilisation de la Fruit Machine, « une machine à détecter l'homosexualité ». Pendant la Guerre froide, le Canada a fait enquête sur des employés fédéraux et des membres des Forces armées canadiennes qu'on jugeait vulnérables au chantage de la part d'espions soviétiques. On ne voit plus cela maintenant, en 2021, mais à l'époque, on avait extrêmement peur que l'on se serve de l'identité sexuelle des personnes LGBTQ contre elles pour les faire chanter, et les gens ne savaient pas quoi faire dans cette situation.
Une directive établie peu après la création du groupe de travail sur la sécurité avait donc fait de l'homosexualité un motif suffisant pour que la Gendarmerie royale du Canada surveille et interroge quelqu'un. Pendant quatre décennies, on s'est ingéré dans la vie privée de milliers d'hommes et de femmes dont la carrière et la vie ont été ruinées à cause de cette machine scientifique et du mandat scandaleux qui a été mis de l'avant.
On peut se demander à quoi servait cette machine. En toute franchise, quand on se penche là-dessus, on constate que c'était semblable aux thérapies de conversion. On branchait des gens à cette machine pour vérifier, par exemple, si leurs pupilles se dilataient. Pendant trois ans, des membres des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et de la fonction publique ont été soumis à ce processus et ont dû prouver qu'ils ne faisaient pas partie de la communauté LGBTQ. On se servait de cette machine pour les soumettre à un test semblable à celui du détecteur de mensonges. On leur posait des questions personnelles. On se penchait sur les types de réponses fournies, et l'on vérifiait si les répondants étaient stressés ou s'ils mentaient. Il faut être conscient de la discrimination que de nombreux membres de cette communauté ont subie alors qu'ils voulaient seulement servir notre grand pays.
Les gens étaient fascinés par la conception de cette machine. Bien des gens voulaient en apprendre davantage sur ce dispositif, mais comme il était inefficace, on a cessé de l'utiliser au bout de trois ans. L'histoire de cette machine à détecter l'homosexualité frappe l'imaginaire et reflète bien ce que les membres de la communauté LGBTQ ressentaient à l'égard des mesures comme les thérapies de conversion. Je vois une ressemblance entre ces deux choses.
Lorsque je vois la façon dont les membres des Forces armées canadiennes ont été traités, cela me rappelle un article du Washington Post signé Todd Ross, qui a participé à des combats navals. Je veux lire cet article afin que nous puissions voir ce que nous avons fait au Canada, ce que nous pouvons faire mieux et comment le projet de loi nous permettrait de réaliser des progrès.
Je cite:
En 1989, Todd Ross était opérateur d'équipement d'informations de combat, Marine, sur le NCSM Saskatchewan lorsqu'il a été interpellé sur le système de sonorisation, escorté hors du destroyer par des officiers et informé qu'il faisait l'objet d'une enquête pour espionnage.
Au cours des 18 mois suivants, M. Ross a subi six tests polygraphiques et a été interrogé sur son orientation sexuelle et sa loyauté envers le Canada.
Un jour, il a craqué. Devant un miroir sans tain, il a admis à un étranger ce qu'il n'avait pas encore dit à certains de ses proches confidents.
« Oui », a-t-il dit. « Je suis gai. »
Le marin de 21 ans a reçu un ultimatum: il pouvait accepter une libération honorable ou perdre sa cote de sécurité, ce qui éliminerait toute possibilité d'avancement professionnel. Il a choisi la libération et est rentré chez lui, au Nouveau-Brunswick, où il avait été nommé quelques années plus tôt meilleur cadet de l'armée dans la province.
M. Ross fait partie des milliers de personnes qui ont dû renoncer à leur carrière dans les forces armées, la Gendarmerie royale du Canada et d'autres organismes gouvernementaux pendant la fameuse « purge des gais » qui a eu lieu au Canada entre les années 1950 et 1990. Une contestation judiciaire a mis fin à cette politique en 1992. De nos jours, les victimes de cette purge bénéficient d'une plus grande reconnaissance.
Je veux parler de la personne qui a véritablement lancé le processus de dénonciation de tout ceci. J'ai eu la chance de la rencontrer, non seulement lorsqu'elle a témoigné au Comité de la condition féminine, mais aussi grâce au travail qu'elle a accompli sur la purge LGBTQ. Je parle de Michelle Douglas. Beaucoup de gens à Ottawa la connaissent probablement très bien et sont familiers avec l'excellent travail qu'elle a accompli pour la communauté LGBTQ. Dans son témoignage, elle a parlé de son passage dans les Forces armées canadiennes. Je veux lire un extrait du rapport du Comité. On y lit:
Le Comité a entendu des témoignages qui concordent avec les constatations du rapport Deschamps: bon nombre de témoins ont décrit un milieu de travail sexualisé et dominé par les hommes où sévit une culture d’abus, de discrimination et de harcèlement fondés sur le sexe, l’expression de genre et l’orientation sexuelle. Les femmes et les personnes qui s’identifient comme lesbiennes, gaies, transgenres, queer, bispirituelles ou à d’autres identités de genre et d’orientations sexuelles [...] sont l’objet, dans une mesure disproportionnée, d’inconduite sexuelle et de harcèlement dans les FAC. Le Comité a été informé qu’il ne faut pas croire que les FAC offrent un milieu de travail « non sexiste ». Même si les femmes peuvent exercer leurs fonctions de manière brillante, certaines le font en respectant ou en adoptant « des comportements fortement masculins et, pour certaines, des conceptions du monde, des attitudes et des valeurs masculines ». C’est pourquoi des témoins ont insisté sur la nécessité d’amorcer un changement de culture en vue d’instaurer un milieu de travail plus respectueux et inclusif pour tous les membres des FAC. Michelle Douglas, présidente du Fonds Purge LGBT, a fait la déclaration suivante:
J’estime que [...] la politique des forces armées en ce qui concerne l’inclusion, en particulier des femmes — cisgenres et transgenres — est, en fait, assez bonne. Les forces armées ont, bien entendu, tout ce qu’il faut: la parité salariale, l’accès à des cheminements de carrière, le soutien familial et j’en passe. La création du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle est une bonne chose, tout comme [d'autres politiques et d'autres pratiques qui ont été adoptées pour améliorer la situation].
Il s'agit de choses dont je voulais parler parce que je constate tous les progrès que nous avons réalisés, mais il reste encore du chemin à faire. Pour les membres de la communauté LGBTQ, il s'agit d'une période déterminante. C'est pourquoi je tiens à parler de ce qui commence demain, soit le Mois de la fierté au Canada.
Je serai honnête. En 2018, j'ai été très heureuse de faire 160 000 pas pour la fierté. J'ai parcouru le circuit de la fierté et je me suis jointe à des membres de la communauté des quatre coins du pays pour célébrer leur identité et le fait qu'ils sont exactement comme moi. Ils méritent les mêmes droits, les mêmes possibilités et l'équité dans notre grand pays.
Comme je l'ai dit, le Mois de la fierté est une période très importante. Comme il commence demain, nous devons comprendre d'où il est parti. Il s'agit véritablement d'un mouvement politique. Il découle des choses qui se sont produites dans des milieux comme les Forces armées canadiennes. Nous pouvons aussi parler de New York et des événements qui ont eu lieu là-bas.
Tout cela trouve son origine dans la lutte pour les droits de la communauté LGBTQ. Nous faisons de l'excellent travail du côté de la sensibilisation, de la participation et des rencontres qui permettent aux gens de discuter. Voilà pourquoi je suis très fière d'être députée et de compter d'excellents amis de cette communauté parmi les députés.
Pour ce qui est de mes bons amis à l'extérieur de la Chambre des communes, il y a notamment Anthony, que j'adore et qui est probablement en train de m'applaudir. C'est grâce à d'excellentes conversations avec des gens comme Anthony que mes réflexions peuvent évoluer. La compréhension et la sensibilisation passent par des conversations comme celles-là.
Je ne vivrai jamais dans la peau d'une personne de la communauté LGBTQ. Je suis une femme hétérosexuelle, mariée et mère de cinq enfants. Je n'ai jamais été victime de discrimination à cause de la personne que j'avais choisi d'aimer, mais je comprends que c'est une réalité pour des membres de la communauté LGBTQ. C'est pourquoi il m'apparaît utile que nous nous penchions sur ces jalons importants.
Remontons à 1969, alors que le Canada a décriminalisé les actes homosexuels en promulguant la Loi modifiant le droit criminel. Puis, jetons un coup d'œil à ce qui s'est produit en 1971. Le pays a connu sa première manifestation pour les droits des homosexuels. Dans des villes comme Ottawa, Montréal et Toronto, de même que dans de petites localités, des centaines de personnes se sont rassemblées pour manifester et pour faire valoir les droits des communautés LGBTQ. C'était en 1971, l'année de ma naissance. Cinquante ans plus tard, on en parle encore, on peut encore faire mieux, et le projet de loi constitue un moyen d'y arriver.
Ensuite, la semaine de la fierté gaie a eu lieu en 1973. Cet événement national pour les droits des communautés LGBT s'est tenu en août 1973 à Ottawa, Vancouver, Toronto, Montréal, Saskatoon et Winnipeg. En seulement deux ans, ce mouvement avait pris de l'ampleur.
Malgré cela, il y avait encore beaucoup de discrimination. Puis, l'Intervention Savon a été organisée à Toronto en 1981. Des descentes ont eu lieu. Les policiers ont pris d'assaut des saunas et y ont arrêté presque 300 hommes taxés d'être homosexuels. Ces interventions s'inscrivent dans le mouvement d'obstruction du Canada. On entend beaucoup parler de l'obstruction qui s'est manifestée et du mouvement de fierté, qui a pris naissance aux États-Unis en 1969. L'Intervention Savon constitue l'une des principales arrestations de masse au Canada, et elle s'est produite il y a plus de 35 ans.
Quand on repense à ces événements, que peut-on faire? Nous savons que les policiers ont présenté leurs excuses. Le chef de police de Toronto a présenté des excuses officielles. Ce sont là des occasions d'amorcer le dialogue. De temps en temps, il est acceptable de dire que l'on n’avait pas compris. Il est très important de comprendre ce que certains hommes ont subi pendant l'Intervention Savon et je les remercie de leur témoignage.
En 1988, ici même, dans cette enceinte, le député Svend Robinson se présentait comme le premier député fédéral ouvertement gai. Aujourd'hui, je sais qu'il y en a plusieurs autres. Je suis très fière, car, au bout du compte, nous sommes tous ici pour représenter les Canadiens. Peu importe qui nous aimons, nous sommes avant tout des êtres humains et c'est ce que nous devons nous rappeler quand nous abordons ce sujet. Nous sommes tous égaux. Peu importe qui on aime. Nous sommes tous égaux.
En 1990, nous avons constaté une évolution. La communauté autochtone a commencé à se mobiliser à l'égard de cette réalité et elle a créé le terme « bispirituel ». L'objectif était de souligner que lorsqu'on fait mention de la communauté LGBTQ, on admet aussi les droits des Autochtones qui font partie de cette communauté.
En 1995, l'orientation sexuelle a été incluse dans la Charte canadienne des droits et libertés. C'est le genre de chose qui s'améliore progressivement et qui rend la vie meilleure pour tous les Canadiens. J'en suis très fière. Nous savons qu'en 2000, il y a eu un autre raid policier. Il a eu lieu à Toronto, cette fois-là dans une boîte de nuit fréquentée par des lesbiennes. Nous nous demandons pourquoi on a fait cela. C'est parce que les gens étaient homophobes. On se préoccupait des actions des gens et de leur orientation sexuelle. Selon moi, cela ne regarde personne.
Toutefois, en écoutant le débat d'aujourd'hui, je comprends aussi certaines des inquiétudes soulevées par ceux qui estiment nécessaire de mieux définir le concept. Je suis toujours prête à avoir cette conversation. Je sais que beaucoup de députés diront que telle personne a tort ou raison. Parfois, on n'a pas à avoir tort ou raison. Parfois, il s'agit d'un détail qui pourrait améliorer un peu les choses. J'ai écouté le député de et je sais qu'il insiste, comme toujours, pour rendre les choses un peu meilleures.
Je soulève ce point à la suite d'un témoignage devant le comité. Je vais lire une partie de l'exposé de Timothy Keslick, qui est interprète ASL-anglais. C'est très court, mais il y aborde le besoin de discuter. Les discussions permettent toujours de faire mieux, et nous ne devons pas nécessairement y réfléchir en pensant à des thérapies de conversion. Il s'agit parfois tout simplement de faire preuve de compréhension. Voici ce qu'a dit Timothy:
En vertu de ce projet de loi, ce genre de thérapie me serait enlevé. Le projet de loi ne fait aucune distinction entre une bonne et une mauvaise thérapie. Selon le projet de loi, ma thérapie vise à réduire l'attirance non hétérosexuelle ou, plus précisément, le comportement sexuel. Sans tenir compte du fait que ma thérapie cherche à m'empêcher non pas de fréquenter quelqu'un, mais simplement de fréquenter la mauvaise personne. Elle vise à m'aider à éviter les gens et les situations qui me feraient du tort et qui m'ont déjà fait du mal.
C'est pourquoi je voulais soulever ce point. Quand nous parlons de cette question, nous entendons tant de définitions différentes des termes « conversations » et « discussions ». Je comprends. Quand nous voyons des projets de loi comme le projet de loi être présentés à la Chambre des communes, alors qu'ils sont si mal rédigés, je comprends pourquoi tant de gens ne font pas confiance au gouvernement actuel et ne pensent pas que le gouvernement va faire exactement ce qu'ils souhaitent.
C'est pourquoi, quand j'examine le projet de loi, je me rends compte à quel point les mesures législatives gouvernementales sont mal rédigées. Je comprends l'attitude des gens. Cela ne signifie pas que je doive être d'accord, mais je comprends pourquoi la population éprouve des sentiments partagés.
Si on examine le projet de loi , par exemple, on se rend compte qu'il doit être amendé. Cependant, quand le gouvernement estime avoir raison, il s'entête. Il s'entête encore plus que d'habitude pour ce qui est de ce projet de loi. Au bout du compte, je crois qu'il est impératif que nous ayons des discussions franches et honnêtes. C'est pourquoi nous discutons de ce qui constitue une bonne thérapie et de ce qui constitue une mauvaise thérapie.
Au sein des familles, je pense que la thérapie permet de faire tomber les préjugés, ce qui est probablement l'une des choses les plus impressionnantes que j'ai vues au cours des deux dernières années. Avec la COVID, nous constatons qu'un certain nombre de personnes ont besoin de parler aux autres. J'ai besoin de parler aux autres. Mes collègues ont besoin de parler aux autres. De temps en temps, nous avons juste besoin de demander l'avis de quelqu'un qui ne fait pas partie de la famille ou qui a été dans la même situation.
Je pense à mon propre cas. À ma connaissance, aucun membre de ma famille ne fait partie de la communauté LGBTQ, et c'est correct. Quoi qu'il en soit, je dis qu'il est important que nous ayons ces conversations avec nos enfants, cette liberté de discuter. Je pense à mon fils, qui aura 18 ans dans deux semaines. Il est important que je lui parle de sexualité. Les députés peuvent se demander pourquoi je veux parler de sexualité à mon fils de 18 ans. C'est parce que je veux m'assurer qu'il comprend la notion de consentement. Je veux m'assurer qu'il comprend comment traiter une femme. Je veux m'assurer qu'il a une relation saine.
J'ai déjà vécu des relations malsaines et ce n'est pas une bonne chose. Il faut beaucoup de temps pour que les gens puissent y voir clair, alors parfois ces discussions sont exactement ce dont quelqu'un a besoin. C'est pourquoi lorsque j'entends certains de mes collègues dire que le projet de loi n'est pas bon, je comprends pourquoi ils affirment que le gouvernement rédige des mesures législatives bancales. Nous voulons faire les choses correctement.
J’aimerais reparler de la fierté, des membres de la communauté LGBTQ, et de la raison pour laquelle je soutiendrai globalement ce projet de loi. Je songe au fait qu’au Canada aussi nous avons vu l’effet Fruit Machine. Dans nos propres circonscriptions, nous avons vu que des membres de la GRC et des Forces armées canadiennes, des citoyens qui servent notre grand pays, ont été rejetés parce qu’ils étaient homosexuels.
Que ce soit dans le monde ou dans notre pays, nous ne pouvons plus permettre que des personnes n’aient pas les mêmes chances que d’autres à cause de leur homosexualité. Peu m’importe le sexe des personnes qui s’aiment, du moment qu’ils peuvent s’aimer. Voici ce qui ressort de mes réflexions. Voici les conversations que nous devrions avoir, mais comme elles sont si politiques, nous ne pouvons pas les avoir tout le temps.
J'ai participé à des marches au nom de la communauté LGBTQ. Je la soutiens à titre d'alliée, car je sais que c'est la bonne chose à faire. Je sais qu'il existe encore de la discrimination. J'ai participé à des défilés de la fierté gaie et on m'a hurlé des insultes parce que j'y participais.
J'avais honte pour cette personne qui me criait après pour m'être jointe au défilé, mais j'étais si fière de marcher aux côtés de ces milliers d'autres participants. Si moi, une hétérosexuelle, me fais crier après, je ne peux qu'imaginer le sentiment de cette communauté. Parfois, c'est sur ce genre de choses qu'il faut s'attarder.
C'est une question de compassion. Il s'agit de déterminer la manière dont nous aidons les gens. Il ne s'agit pas de changer leur orientation sexuelle. Je ne crois pas que nous devrions nous concentrer là-dessus. Je crois aux modes de vie sains. Je crois aux relations saines. Je crois à la thérapie par la parole lorsqu'elle est bonne, et non mauvaise.
Je n'approuve pas et n'approuverai jamais les thérapies de conversion, mais je remercie tout le monde de tenir ce dialogue et je demande que nous fassions mieux parfois. Lorsque nous tenons ces discussions, évitons de dire aux gens qu'ils ont tort simplement parce qu'ils sont conservateurs. Plutôt, trouvons une solution ensemble. Malheureusement, dans cette enceinte, cela s'avère extrêmement difficile.
J'appuierai le projet de loi . Il n'est pas parfait, mais je crois au principe qui le sous-tend. J'ai le sentiment intérieur éternel que je dois appuyer les membres de la communauté LGBTQ, et c'est donc ce que je ferai.