propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi , la Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique.
Comme les députés le savent, la transformation liée aux données et au numérique modifie complètement notre façon d'accéder à l'information, d'acheter des biens et des services, de communiquer les uns avec les autres et de vivre dans les collectivités et les villes. La pandémie a accéléré la transformation numérique, et de plus en plus de Canadiens déplacent leurs activités en ligne. Les Canadiens utilisent plus de services numériques et échangent plus de données en ligne que jamais auparavant. Ils veulent avoir l'assurance que leurs renseignements personnels seront protégés.
Récemment, le commissaire à la protection de la vie privée a sondé des Canadiens et a découvert que la grande majorité d'entre eux, soit 92 %, sont préoccupés par la protection de leur vie privée; il s'agit donc d'une question importante pour beaucoup de Canadiens. C'est notamment pourquoi, l'année dernière, j'ai présenté la Charte du numérique, à savoir un ensemble de 10 principes qui jettent les bases qui nous permettront de bâtir une économie numérique novatrice et inclusive, axée sur les gens et fondée sur la confiance.
[Français]
Les principes de la Charte numérique du Canada permettent aux Canadiens d'avoir davantage de contrôle sur leurs données tout en aidant les entreprises du pays à innover, à prendre de l'expansion et à créer des emplois de qualité pour les Canadiens de la classe moyenne de partout au pays.
[Traduction]
J'en profite pour rappeler aux députés que les principes sur lesquels repose la Charte du numérique sont très clairs et tournent autour du contrôle et du consentement. Les Canadiens auront le contrôle des données qui pourront être partagées, ils pourront décider qui pourra utiliser leurs données personnelles — et à quelles fins — et ils auront l'assurance qu'elles sont protégées. Il s'agit d'un des principes clés de la nouvelle charte.
[Français]
La transparence, la portabilité et l'interopérabilité permettront aux Canadiens de gérer facilement l'accès à leurs données personnelles et d'être en mesure de les transmettre sans se faire imposer un fardeau indu.
[Traduction]
Le principe des données numériques pour le bien commun en fait aussi partie. Le gouvernement du Canada veillera à ce que les données des Canadiens soient utilisées de façon éthique et à bon escient, pour créer une valeur ajoutée, promouvoir l'ouverture et améliorer la vie des gens, aussi bien au pays qu'ailleurs dans le monde. Comment faire pour que les données nous aident à résoudre les problèmes qui se présentent à nous?
Viennent ensuite l'application rigoureuse de la loi et une réelle responsabilité. Il y aura des sanctions claires et sévères pour toute violation des lois et règlements à l'appui des principes de la Charte du numérique afin que les Canadiens sachent que leurs renseignements personnels sont protégés.
Comme les députés seront à même de le constater, les principes derrière la Charte du numérique sont bien intégrés au projet de loi à l'étude. Grâce à ces principes, la Charte pourra viser trois grands objectifs: permettre aux consommateurs d'assurer un contrôle significatif de leurs données, favoriser l'innovation responsable et créer un modèle d'application et de surveillance rigoureux et réfléchi.
Que fera le projet de loi pour permettre aux Canadiens de mieux contrôler leurs données et obliger les entreprises à traiter ces mêmes données de façon plus transparente? Il encadrera le consentement de règles strictes, il accordera aux gens le droit d'exiger que leurs données soient effacées et il misera sur la mobilité des données ainsi que la transparence des algorithmes.
Commençons par le consentement. Le projet de loi permettra aux consommateurs de mieux contrôler leurs données en exigeant des organismes qu'ils obtiennent le consentement éclairé des Canadiens. L'information pertinente devra ainsi leur être présentée en termes précis, clairs et simples et non dans un document juridique d'une trentaine de pages que personne ne prend le temps de lire. De cette façon, ils pourront faire des choix éclairés sur la manière dont leurs renseignements personnels seront utilisés.
Pour rendre le consentement plus éclairé sans pour autant avoir des dispositions interminables que personne ne lit, nous proposons une nouvelle exception au consentement pour la collecte et l’utilisation de renseignements nécessaires à des activités commerciales ordinaires que la personne peut raisonnablement s'attendre à devoir fournir.
[Français]
Pour donner un exemple en langage clair, lorsqu'on achète quelque chose à une entreprise et qu'on lui donne son adresse, cette entreprise peut la communiquer à un service de livraison afin qu'on puisse recevoir le produit pour lequel on a payé.
[Traduction]
Selon la loi, l’entreprise devra être transparente quant à l’utilisation qu’elle fait des renseignements personnels, afin que les consommateurs soient clairement informés et que le Commissariat à la protection de la vie privée puisse examiner ces pratiques.
Le deuxième sujet dont je voudrais parler concerne le droit de supprimer des renseignements. Le projet de loi permettrait aux Canadiens de retirer leur consentement et d’exiger que les données en question soient supprimées. Quand des particuliers ne veulent plus faire affaire avec une organisation, l'organisation doit cesser d’utiliser les données les concernant et, à leur demande, les supprimer définitivement. Par exemple, un citoyen canadien pourrait exiger que le site d’un réseau social supprime son profil. C’est très simple, mais c’est très efficace.
Je voudrais maintenant parler de la mobilité des données, dont il est question dans le projet de loi. Pour renforcer le contrôle qu’ils ont sur ces données, les particuliers auraient aussi le droit d’acheminer et de transférer leurs données et leurs renseignements personnels d’une organisation à une autre, et ce, en toute sécurité. À cette fin, le projet de loi prévoit l’adoption de règlements d'habilitation sur la création de dispositifs assurant, en toute sécurité, le transfert et l’interopérabilité des données. Cette approche encouragera l’innovation dans des secteurs comme les services bancaires en ligne, où une approche technique commune permettrait aux Canadiens de profiter, en toute sécurité, du marché des services financiers offerts aux consommateurs.
La transparence algorithmique est un autre sujet qui a été inclus dans le projet de loi, à la suite de consultations approfondies. S’agissant du contrôle exercé par le consommateur, le projet de loi permettrait d’accroître la transparence en ce qui concerne l'utilisation de systèmes de prise de décisions automatisés, comme les algorithmes et les technologies de l’IA, qui sont de plus en plus présents dans l’économie numérique.
Le projet de loi obligerait les organisations à dire clairement qu’elles utilisent des systèmes automatisés pour prendre des décisions ou faire des prédictions importantes à l’égard d’une personne. Il donnerait également aux citoyens le droit de demander des explications quant à une prédiction ou à une décision du système, à savoir comment les données sont recueillies et comment elles sont utilisées.
Je viens de vous donner un bref récapitulatif des dispositions de ce premier volet législatif qui vise à donner plus de contrôle au consommateur.
Le deuxième volet du projet de loi concerne l’innovation responsable.
[Français]
L'économie numérique offre des possibilités considérables aux entreprises canadiennes. Les activités numériques représentent 4,8 % du PIB national, et les industries de technologies de l'information et des communications, ou TIC, sont les plus performantes en matière de recherche-développement dans le secteur privé canadien.
[Traduction]
Les investissements et les données représentent aujourd’hui jusqu’à 40 milliards de dollars. Dans les différents secteurs économiques, les données des entreprises canadiennes ont autant de valeur que tous les autres actifs incorporels, comme les logiciels, la recherche-développement et les droits d’exploration minière, combinés. Nous voyons donc que le potentiel des données est d’une grande importance non seulement pour le temps présent, mais aussi pour l’avenir.
Dans le monde entier, nous assistons à une croissance sans précédent du secteur des technologies. Cette croissance ne pourra que s’accélérer avec le développement de l’intelligence artificielle, ou IA, et de son impact sur notre vie quotidienne. Selon certaines estimations, l’IA va apporter 13,7 billions de dollars à l’économie mondiale d’ici à 2030.
[Français]
En tant que gouvernement, nous reconnaissons aussi l'importance de donner aux entreprises des règles claires, qui leur permettent d'innover, tout en protégeant la vie privée des Canadiens.
La confiance est la pierre d'assise de la croissance économique et de l'innovation. Quand les Canadiens sont assurés que leurs données sont en sécurité et que leur vie privée est respectée, cela crée un espace pour le type d'innovation qui bénéficie à tous.
[Traduction]
Notre gouvernement est convaincu qu’en augmentant la confiance et la prévisibilité sur le marché numérique, les petits entrepreneurs seront incités à créer de nouveaux emplois et de nouveaux débouchés, à développer leurs activités et à mieux exploiter les marchés internationaux.
Le projet de loi tient compte également de la situation des petites entreprises en faisant en sorte que les règles concernant les données et la confidentialité sont équitables, claires, respectées et suffisamment souples pour répondre à leurs besoins.
Les codes de pratique et les programmes de certification sont un moyen d’y parvenir. Pour encourager l’innovation responsable, le projet de loi prévoit la création d’un dispositif reconnaissant l’utilisation des codes de pratique et des systèmes de certification. Cela aidera les organisations à se conformer à la loi et à faire la preuve de leur conformité, ce qui encouragera l’innovation et assurera l’équilibre d’un régime de conformité renforcé.
Les organisations pourront s’adresser au commissaire à la vie privée pour faire approuver leur code de pratique indiquant comment les exigences générales de la loi s’appliquent à tel secteur ou à telle activité. De cette façon, les entreprises sauront que si elles respectent le code, elles sont en conformité avec la loi.
J’aimerais maintenant dire quelques mots sur les renseignements dépersonnalisés. Le projet de loi précise comment les organisations doivent manipuler les renseignements dépersonnalisés. Le mécanisme qui sera mis en place permettra d’assurer la protection des renseignements personnels et l’utilisation novatrice des données, ce qui est dans l’intérêt d’un grand nombre de petites entreprises.
Enfin, parlons des données collectées dans l’intérêt public. En vertu de son deuxième volet sur l’innovation responsable, le projet de loi prévoit une exception au consentement pour des fins socialement bénéfiques, afin d’autoriser clairement des organisations à appuyer des initiatives novatrices comme les fiducies de données, dont se sont dotés un grand nombre d’établissements publics comme les hôpitaux, les universités et les bibliothèques. Ce concept de fiducie de données est très prometteur, car il nous ouvre des pistes de solution pour régler certains des problèmes qui se posent dans notre société.
Par ailleurs, le projet de loi renforce considérablement les dispositions concernant l’exécution de la loi et la surveillance. C’est très important.
[Français]
Grâce à cette proposition, nous disposerons de certaines des sanctions financières les plus sévères au monde pour la violation de nos lois.
[Traduction]
À l’heure actuelle, le commissaire à la protection de la vie privée n’a guère de pouvoir pour faire respecter ses recommandations par les organisations qui ne s’y conforment pas, si ce n’est de faire appel auprès de la Cour fédérale. Mais avec le projet de loi , les choses changent, car le texte renforce le régime de protection de la vie privée et donne au commissaire davantage de pouvoirs, avec un système de contrepoids adéquat.
Le Bureau du commissaire à la protection de vie privée aura de vastes pouvoirs pour prendre des ordonnances, y compris le pouvoir d’obliger une organisation à cesser de collecter ou d’utiliser des renseignements et à les supprimer. Il pourra exercer ce pouvoir s’il constate que les données ont été collectées sans le consentement approprié.
De plus, le commissaire à la protection de la vie privée devra veiller à ce que les organisations qui ne respectent pas la loi en subissent les conséquences. Il aura le pouvoir de recommander des amendes pouvant aller jusqu’à 10 millions de dollars, ou 3 % des revenus de l’entreprise si ce pourcentage représente une somme plus élevée. La liste des infractions criminelles sera allongée et sera assortie d’une amende pouvant aller jusqu’à 25 millions de dollars, ou 5 % des revenus de l’entreprise si ce pourcentage représente une somme plus élevée.
Le projet de loi prévoit également la création d’un nouveau tribunal de la protection des renseignements personnels et des données, qui examinera les appels interjetés au sujet des ordonnances du commissaire et qui percevra les amendes.
[Français]
Ce nouveau tribunal administratif contribuera à garantir l'équité procédurale dans le fonctionnement des nouveaux pouvoirs d'exécution accrus du commissaire. Il permettra aux personnes et aux organismes d'accéder plus facilement à la justice grâce à un mécanisme moins formel d'appel des décisions.
[Traduction]
Avec un tel régime, il est manifestement important pour l’ensemble du dispositif et crucial pour la protection de la vie privée des Canadiens que les entreprises se conforment rapidement à la loi. Nous devons renforcer le pouvoir du commissaire de négocier rapidement une solution dans le cadre d’un accord de conformité. Nous voulons nous assurer que les entreprises canadiennes respectent bien le projet de loi.
Ce nouveau régime suscitera une plus grande collaboration entre le commissaire à la protection de la vie privée, les parties prenantes et les institutions en cause, y compris les organisations fédérales, notamment lorsque le commissaire devra établir des directives. L’objectif est de s’assurer que la loi est claire pour tout le monde, qu’elle est bien expliquée et qu’elle est bien exécutée, afin d’éviter toute confusion chez ceux qui doivent la respecter. Autrement dit, on vise une plus grande clarté.
En résumé, le troisième volet du projet de loi , l’exécution de la loi et la surveillance, prévoit un modèle progressif d'incitatifs pour les organisations qui se conforment rapidement. L’accent est mis sur la conformité. Si la loi n’est pas respectée, de lourdes pénalités seront prévues. Il y aura un nouveau tribunal dont le rôle sera de s’assurer que le mécanisme est équitable, transparent et accessible aux entreprises, quelle que soit leur taille.
Les trois volets du projet de loi se combinent pour offrir aux Canadiens ce dont ils ont besoin pour fonctionner dans une économie numérique: des protections solides pour les renseignements personnels, ainsi que des règles claires que les entreprises devront suivre dans leurs activités d’innovation et de commercialisation de nouveaux produits et services.
Je souligne également que le projet de loi contribue à protéger la vie privée des Canadiens, tout en renforçant la capacité des entreprises canadiennes à faire face à la concurrence internationale. Le Canada sera ainsi bien placé pour se tailler une bonne place sur les marchés internationaux.
Quand la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, aussi appelée la LPRPDE, a été adoptée en 2000, elle était à l’avant-garde mondiale des lois sur la protection des données. En 2002, la Commission européenne a estimé que la LPRPDE offrait une protection adéquate par rapport à la loi de l’UE. Ceci nous a donné un avantage en facilitant les flux de données entre les entreprises canadiennes et européennes.
Plus récemment, en 2018, l’Union européenne a mis en œuvre son Règlement général sur la protection des données. Depuis, elle examine l’adéquation de la loi canadienne avec son règlement. Elle nous a fait clairement savoir que nous devions réformer nos régimes de protection de la vie privée si nous voulions conserver ce statut et maintenir notre avantage. Je pense que le projet de loi permettra de conserver cette adéquation avec la réglementation européenne et de maintenir notre avantage.
Enfin, je voudrais parler des réactions des parties prenantes. L’approche que nous avons adoptée est le fruit de plusieurs années d’études, de consultations publiques et de collaboration. Nous nous sommes beaucoup inspirés du travail considérable qui a été fait par le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, ainsi que d’autres études importantes.
Je peux assurer aux députés que ce projet de loi jouit du soutien d’un vaste éventail de parties prenantes. Goldy Hyder, PDG du Conseil canadien des affaires, s'est prononcé en faveur du projet de loi. Michael Geist, qui est très respecté dans son domaine, a dit que c’était la réforme la plus complète depuis des décennies du système canadien de protection des renseignements personnels. OpenMedia a qualifié le projet de loi d’une grande victoire pour la protection des renseignements personnels au Canada.
[Français]
Nous savons que les Canadiens continueront de se servir des services numériques qui utilisent leurs données personnelles et qu'il n'y a pas de retour en arrière
[Traduction]
J'aimerais terminer par une observation.
Alors que la pandémie de COVID-19 continue de nous rendre de plus en plus dépendants de l'économie numérique, le projet de loi aidera les Canadiens à adhérer à ce monde nouveau, sachant que leurs renseignements personnels seront protégés.
:
Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi , la Loi sur la mise en œuvre de la Charte du numérique. Cette mesure arrive à point nommé, puisque l'ère numérique est déjà bien commencée au Canada et qu'il est essentiel d'apporter plus de clarté et de mesures concrètes autour de la protection des renseignements personnels des Canadiens. En parallèle, il faut toujours penser à protéger les petites et moyennes entreprises et veiller à ce que le Canada demeure concurrentiel à l'échelle mondiale dans le secteur de la technologie, des données et de l'innovation. Certaines des tendances que nous avons constatées ces dernières années m'inquiètent. Je trouve notamment inquiétant le retard qu'accuse le Canada comparativement à ses concurrents, et je crains que certaines parties du projet de loi à l'étude nous fassent encore prendre du retard.
Je crains aussi que nous ayons du retard en matière de sécurité. C'est bien beau de parler de la protection des données personnelles et de règles fondées sur le consentement, mais en cette ère de décryptage quantique, où des ordinateurs peuvent casser un cryptage de 120 bits, s'il est impossible d'assurer la sécurité de nos données, les lois sur le consentement et la protection de la vie privée ne serviront pas à grand-chose.
Je veux décomposer ce projet de loi en des termes simples. On parle de langage simple dans le projet de loi, et je vais donc essayer de parler dans un langage aussi simple que possible, en examinant une question de nature aussi technique. Je veux parler de certains défis et, je l’accorderai au gouvernement, de certaines possibilités que nous entrevoyons avec ce projet de loi. Je tiens aussi à remercier le Comité de l’éthique et de la protection de la vie privée et à souligner le travail qu’il a accompli au cours de la législature précédente, sous la présidence compétente de mon collègue de . Bon nombre des recommandations auxquelles ce projet de loi donne suite émanent du rapport du comité. À mon avis, cela montre bien aux Canadiens que les comités jouent un rôle vraiment important à la Chambre et qu’ils peuvent avoir un effet bénéfique.
Comme je l’ai dit, l’une de mes principales préoccupations à propos de ce projet de loi tient à son incidence sur les petites et moyennes entreprises. On dit depuis plusieurs années que les données sont le nouveau pétrole. Pour de nombreuses entreprises émergentes, l’accès à des données et la capacité à les utiliser seront le facteur déterminant de leur réussite ou de leur échec. Nul besoin de le dire, mais je le dirai quand même: les petites et moyennes entreprises sont le moteur de nos collectivités et nous constatons de plus en plus à quel point elles sont vulnérables, surtout en temps de pandémie.
Nous devons bien voir que ce projet de loi s’inscrit dans le contexte de l’économie et des structures économiques que le gouvernement fédéral a créées au cours des cinq dernières années. Nous avons assisté à une attaque incessante contre les petites et moyennes entreprises, à commencer par la hausse des cotisations au Régime de pensions du Canada. Ces hausses se poursuivront même en janvier prochain, en pleine pandémie. Au moment où des entreprises ferment leurs portes et mettent à pied des travailleurs, le gouvernement envisage d’augmenter encore les coûts pour les employeurs et les employés. C’est tout simplement inacceptable.
Par le passé, les libéraux ont accusé les gens d’affaires d’être des fraudeurs fiscaux lorsqu’ils se prévalaient des exemptions prévues par la Loi de l’impôt. Ils ont décidé d’aller plus loin en augmentant les impôts et en supprimant ces exemptions pour de nombreuses entreprises familiales, y compris pour beaucoup d’entreprises et de familles agricoles de ma circonscription. Avec ce projet de loi, ils ajoutent encore une couche de bureaucratie qui imposera de nombreuses exigences onéreuses aux petites entreprises. Je sais que plusieurs exigences relatives à la protection de la vie privée sont très utiles lorsqu’il est question de grandes entreprises, qui disposent des ressources nécessaires pour les respecter. Je trouve intéressant que le parle du droit de supprimer des renseignements. C’est le cas depuis de nombreuses années sur de nombreuses plateformes de médias sociaux. Cela donne donc l’impression qu’avec ce projet de loi, le gouvernement tente de rattraper ce que les entreprises font déjà en grande partie. Toutefois, nous constatons que les petites entreprises sont de plus en plus dépendantes de la technologie et des données.
Ce projet de loi comporte plusieurs nouvelles exigences. L'une d'entre elles concerne la certification et une autre demande aux entreprises de désigner une personne pour agir comme gardienne de la vie privée. Les entreprises doivent tenir des bases de données et être prêtes à répondre aux clients qui font une demande ou qui veulent effectuer des recherches. L’ajout de ces nouvelles tracasseries administratives ne fera que créer beaucoup de difficultés pour les très petites entreprises, qui peuvent n’avoir que deux ou trois employés ou être exploitées par leur propriétaire seul.
Ironiquement, la mesure profiterait en fait aux grandes entreprises, car face à une augmentation des tracasseries administratives, de petites entreprises pourraient décider de cesser leurs activités. Ainsi, nous assisterons à un regroupement encore plus important de grands acteurs: les Amazon, les Walmart et les entreprises qui sont de grands collecteurs de données personnelles. Notre économie d’entreprises en démarrage florissantes et novatrices commencera à être étranglée par ce projet de loi.
J’espère que, lorsque le gouvernement examinera les amendements présentés lors de l'étude par le comité, il consultera les petites entreprises. Je l’invite à consulter la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante pour se sensibiliser aux difficultés que rencontreront les petites entreprises et pour essayer de fixer une sorte de seuil sous lequel les petites entreprises seront exemptées et n'auront pas à supporter un fardeau indu.
Je vois bien que ce projet de loi vise principalement les grandes entreprises et les géants de la technologie qui utilisent des quantités massives de données personnelles dans leurs activités courantes. Nous savons que ces entreprises sont capables de mieux protéger notre vie privée. J’espère que ce projet de loi pourra susciter de nouveaux engagements à protéger la vie privée des Canadiens. Cependant, comme je l’ai dit, je suis inquiet de constater qu’essentiellement, ces grandes entreprises ont déjà mis en œuvre une grande partie des mesures que le gouvernement propose. Elles disposent de ressources humaines, de services juridiques et de la capacité infinie d’exploiter les marchés de la dette, les marchés obligataires et les marchés boursiers pour financer ces changements. Franchement, les petites entreprises ne peuvent pas faire la même chose.
J’ai posé une question au , à laquelle il n’a pas vraiment répondu, sur la portabilité des données et les répercussions pour les petites et moyennes entreprises. Le ministre a répondu en parlant du droit des consommateurs à demander le transfert de leurs données d’une organisation à une autre. Cela semble être une très bonne chose, mais je ne peux imaginer beaucoup de situations dans lesquelles un Canadien ordinaire entreprendrait ce genre de démarche. Cependant, je n'ai aucune peine à m'imaginer qu'une banque pourrait le faire avec sa filiale du secteur de l’assurance, par exemple. Beaucoup de grandes banques canadiennes possèdent aussi des compagnies d’assurance.
Des barrières ont été érigées autour de ces entreprises pour éviter qu’elles ne deviennent trop grosses et anticoncurrentielles. Les compagnies d’assurance et les banques appartenant à la même société ne peuvent actuellement s’échanger des renseignements, mais sous l’effet de ce projet de loi, il suffirait, pour que de tels échanges soient possibles, que la compagnie d’assurance fournisse un document en langage clair demandant aux clients s’ils souhaitent que leurs renseignements soient communiqués à sa filiale bancaire. Compte tenu de la quantité massive de données que les compagnies d’assurance et les banques possèdent sur les Canadiens, il est facile de voir comment il leur serait rapidement possible d'avoir recours à ce moyen dans leurs pratiques prédatrices. Elles pourraient augmenter leur clientèle en s'emparant de celle des petites et moyennes compagnies d’assurance.
Lorsque je parcours en voiture ma circonscription, Sturgeon River—Parkland, je suis fier d'y trouver une douzaine de petites et moyennes entreprises d’assurance automobile, d'assurance habitation et d'assurance-vie. Des dizaines de milliers de Canadiens travaillent dans cette importante industrie et ils ne sont pas tous à l'emploi des grandes banques. Je crains vraiment que ce projet de loi ne réduise de beaucoup la concurrence sur le marché canadien et j’espère que le gouvernement tiendra compte aussi de ces répercussions.
J'aimerais passer maintenant à la question de l’application de la loi. J’ai vraiment des doutes quant à la capacité du gouvernement à donner suite à ses engagements envers les Canadiens. Les dispositions législatives sur les pourriels et d’autres dispositions encore ne sont que de vaines paroles. Les sanctions prévues dans ces dispositions ne sont pas appliquées lorsque certains actes sont posés.
De la même manière, le projet de loi à l'étude a des dents. Il est question d'amendes pouvant atteindre 10 millions de dollars ou jusqu'à 3 % des revenus mondiaux. Ce sont les mesures les plus sévères de tout le G7, comme l'a souligné le gouvernement, mais je me demande quel pouvoir permettrait au gouvernement d'exiger le paiement de ces amendes. Ceux qui violent potentiellement à répétition la confidentialité de nos données personnelles sont des multinationales gigantesques qui engrangent des milliards de dollars en revenus.
Je me demande si nous devons nous attendre au même genre de contestations que celles qui ont frappé la France lorsque le pays a tenté de percevoir des taxes auprès des géants américains du numérique. Il y a eu une plainte devant l'Organisation mondiale du commerce et des représailles tarifaires ciblant des produits français.
Les libéraux ont-ils seulement pris la peine de réfléchir aux conséquences possibles de l'imposition d'amendes salées à ces entreprises? Le gouvernement croit-il que nos concurrents commerciaux resteront les bras croisés si nous tentons d'exiger le paiement de telles amendes? Les libéraux ont-ils songé aux conséquences que pourrait subir l'économie canadienne et sont-ils prêts à parler ouvertement de ce risque bien réel? Je ne dis pas qu'ils font fausse route, mais nous devons connaître les conséquences potentielles avant d'agir trop rapidement dans ce dossier.
Les innovateurs canadiens sont à l’avant-garde des progrès technologiques et nous pouvons tous en être fiers, à mon avis. On a, cependant, attiré mon attention sur la protection des algorithmes exclusifs de jeunes entreprises du secteur de la technologie qui s’appuient sur des données. Certaines dispositions du projet de loi obligent à une transparence algorithmique, ce qui semble parfait pour les consommateurs, mais il me semble que des entreprises concurrentes pourraient s’en servir pour exposer des renseignements sensibles, confidentiels et exclusifs.
Le gouvernement a-t-il tenu compte des conséquences de ces mesures pour les jeunes entreprises qui souhaitent que leurs algorithmes demeurent exclusifs et confidentiels? Une entreprise peut se trouver dans une situation où elle cherche à être rachetée à une date ultérieure et doit se développer jusqu’au moment où elle peut réellement obtenir la valeur qu’elle pense être la sienne. Toutefois, si ses concurrents peuvent se servir de cette transparence algorithmique pour étudier l’utilisation de ses algorithmes, elle risque de se faire voler des choses en attente de brevets ou qui constituent des atouts dans une négociation de rachat. J’aimerais voir des protections plus rigoureuses pour notre secteur naissant de la technologie, afin d’éviter que les algorithmes de ces entreprises soient exposés.
Ensuite, à propos du projet de loi, le ministre a évoqué vaguement l’exception à des fins socialement bénéfiques. Nous devons creuser cette idée. Le a fourni quelques exemples — le gouvernement, les organismes de santé et l’éducation. Selon moi, peu de Canadiens s’opposeraient à ce que ces organisations bénéficient d’une exception, mais il a mentionné des organismes qui ont pour vocation de promouvoir la protection de l’environnement.
Nous croyons dans une protection environnementale vigoureuse, mais est-ce que nous parlons d’organismes de bienfaisance voués à l’environnement qui peuvent avoir une aile politique ou des objectifs électoraux? Seront-ils exemptés de sorte qu’ils pourront utiliser les données des Canadiens comme bon leur semble? Quelles pourraient être les conséquences, par exemple si nous voulons que nos élections restent à l’abri d’influences étrangères ou si nous souhaitons garantir la transparence des communications politiques? J’aimerais beaucoup que le gouvernement précise ce qu’il veut dire quand il parle de fins socialement bénéfiques, parce que nous vivons à une époque, comme le disait le député de , où se livrent des guerres des données. Si des organismes détournent ces données, les utilisent pour influencer nos élections et notre processus démocratique et qu’on leur accorde une exemption, nous devons vraiment étudier cette question.
À présent, je veux parler des 10 principes de la Charte du numérique présentée par le gouvernement. Nous savons qu’une charte, comme tout énoncé de valeurs, n’est vraiment efficace que si elle s’accompagne de ressources et de mesures d’application. Je voudrais donc souligner quelques-uns de ces principes et parler de questions que je me pose.
Le premier principe concerne l’accès universel: « Tous les Canadiens auront des chances égales de participer au monde numérique et disposeront des outils nécessaires pour ce faire, c'est-à-dire l’accès, la connectivité, la littératie et les compétences. » Comme le disait la députée de , trop de Canadiens, même dans des zones relativement urbaines, dans ce que certains appellent la quatrième côte, disent qu’ils sont loin d’avoir accès à des services à large bande fiables et à haute vitesse.
Pendant des années, les gouvernements successifs ont empoché des milliards et des milliards de dollars dans les ventes aux enchères de fréquences du spectre. Ils annoncent encore et encore, parfois pour la troisième fois, la large bande rurale améliorée. Les libéraux ont promis le Fonds pour la large bande universelle comme solution. Ils ont même affirmé y avoir ajouté 750 millions de dollars il y a quelques semaines, mais on a répondu à des collectivités de ma circonscription qui ont demandé récemment à bénéficier de ce fonds qu’elles ne répondent pas aux critères.
Je viens d’une circonscription assez rurale et on a répondu à ses habitants que, d’après les données, Internet est assez rapide dans leurs collectivités. C’est inacceptable. Qu’on essaie de l’expliquer aux familles agricoles du comté de Sturgeon ou de Parkland, ou aux personnes qui vivent à Stony Plain, à Gibbons et à Morinville.
Nous avons encore des magasins de location de films dans ma circonscription. J’ai demandé à quelqu’un comment ils font pour tenir. En fait, Internet fonctionne tellement mal que pour regarder des films, il faut les louer au magasin local parce qu’on n’a pas accès à Netflix et à tous ces services fantastiques.
Étant donnée la pandémie, de plus en plus de parents veulent compléter l’éducation de leurs enfants à la maison. Ils n’ont pas accès à leur éducation. Le directeur de l’école secondaire de ma localité, l’Onoway Junior/Senior High School, habite à un peu plus d’un kilomètre de l’école en question qui est reliée à Internet haute vitesse par l’Alberta SuperNet, mais à un peu plus d’un kilomètre de distance, le directeur n’a aucun service Internet.
Le gouvernement dit que leur service Internet est assez rapide et qu’ils n’ont pas droit au Fonds pour la large bande universelle, mais si eux n’y ont pas droit, je ne sais pas qui y a droit. C’est inacceptable. Il est temps que les libéraux investissent vraiment des fonds dans de vraies mesures pour que les Canadiens des régions rurales et éloignées aient accès à la large bande.
Le deuxième principe de la Charte du numérique, qui concerne la sûreté et la sécurité, est ainsi libellé: « Les Canadiens pourront compter sur l’intégrité, l’authenticité et la sûreté des services, et devraient se sentir en sécurité en ligne. » Encore une belle promesse que les libéraux n’auront pas tenue.
Je me rappelle que pendant l’été, des fraudeurs ont utilisé les données personnelles de Canadiens sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada pour se faire verser la Prestation canadienne d’urgence. Il ne s’agissait pas d’acteurs étrangers, mais d’acteurs privés qui utilisaient les renseignements sur lesquels ils mettaient la main pour aller sur le compte de Canadiens et cette intrusion a pris de telles proportions que l’Agence du revenu du Canada et Services Canada ont dû fermer leur site.
Des milliers de Canadiens qui voulaient accéder à la PCU n’ont pas pu, pas plus qu’à tous les services utiles sur ces sites Web, parce que le gouvernement n’a pas fait de la sécurité une priorité. La sécurité doit être essentielle pour le gouvernement et pour l’économie numériques. Je comprends que le gouvernement voulait lancer ces programmes rapidement, mais nous voyons de plus en plus les conséquences quand on fait l’impasse sur la sécurité au départ.
Le programme de la PCU n’est pas le seul à avoir été piraté. En février, on a appris que les systèmes du Conseil national de recherches ont été piratés, principalement les bases de données sur la recherche en santé. Cette cyberattaque a été menée par rançongiciel. Les pirates voulaient extorquer de l’argent au gouvernement. Tous les ans, le Conseil national de recherches recueille des données sur plus de 25 millions de consommateurs de soins de santé aux États-Unis et au Canada. En 2017, le Conseil national de recherches a aussi été la cible de pirates qui étaient des acteurs étatiques.
Le piratage informatique demeure une menace assez importante. Les services informatiques sont de plus en plus souvent ciblés par ce type de crimes dans les hôpitaux et ailleurs. Selon une évaluation des cybermenaces, depuis 2016, 172 attaques ont été perpétrées contre des organisations du domaine de la santé. Le coût de ces attaques s'élève à plus de 160 millions de dollars. Ce ne sont là que les attaques connues. C'est à se demander combien d'attaques n'ont même pas encore été découvertes.
Il y a pire. Malgré les multiples atteintes à la sécurité des données et d'importants progrès technologiques, le plan de protection des infrastructures essentielles du Canada n'a pas été mis à jour depuis 2009. J'ai fait allusion tout à l'heure aux projets Manhattan de décryptage de données et d'informatique quantique, que nous voyons dans des pays comme la Chine. Ils menacent de contourner toutes nos techniques de cryptage actuelles. Cela nous montre que le plan est encore plus crucial.
:
Je vous remercie, madame la Présidente.
J'ai brossé rapidement le portrait de cet enjeu, puisque plus d'une trentaine de pays ont déjà implanté un mécanisme de protection. Je pense entre autres à nos amis de l'Union européenne qui, depuis 2016, ont pris le taureau par les cornes. Je crois que nous devons prendre exemple sur eux.
Je salue le dépôt de ce projet de loi. Il était grand temps. Par ailleurs, j'aimerais spécifier quelques éléments que j'ai bien hâte d'étudier rapidement au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Il a été proposé que le commissaire dispose de plus de pouvoirs. Ce projet de loi montre que cela a été bien entendu. Le commissaire pourra apporter des sanctions importantes. Comme le savent tous ceux qui ont pris le taureau par les cornes, à l'heure actuelle, les entreprises sont responsables de protéger les renseignements personnels sous peine de subir des sanctions, qui varient selon les pays. Dans ce projet de loi, on parle d'une sanction de 3 %, ce qui signifie que cela peut aller jusqu'à 10 millions de dollars pour une compagnie comme Facebook, qui repose sur plusieurs milliards de dollars, si elle n'utilise pas une bonne protection de renseignements.
Je me réjouis également d'une autre partie de ce projet de loi. On en a parlé tantôt. Il s'agit du consentement relatif à l'utilisation de nos données et de l'autorisation de transfert. Les entreprises ou les organisations qui possèdent nos données doivent, à tout moment, avoir notre consentement. C'est la base et je m'en réjouis.
Encore une fois, je dis bravo pour ce qui est du pouvoir d'ordonnance accordé au commissaire!
Par ailleurs, un élément me préoccupe beaucoup dans le cas des organisations comme les banques qui relèvent de la compétence fédérale. À mon avis, si une entité doit être exemplaire et démontrer qu'elle protège les renseignements et qu'elle veille aussi à éviter les fraudes, c'est bien le gouvernement.
Dans la première lecture que j'ai faite du projet de loi, je n'ai pas vu où le gouvernement devra respecter ses obligations. Mon honorable collègue en a parlé tantôt. Dans Laurentides—Labelle, un très grand nombre de citoyens me disent qu'ils craignent d'apprendre, dans leur prochaine déclaration, que des gens ont perçu des versements de la PCU sous leur nom. Des gens me disent même qu'ils ont fait le test. Ils ont fait une demande et elle a été bien reçue. Or ces gens reçoivent des prestations d'assurance-emploi.
Il y a aussi des gens qui, après avoir activé leur dossier, se sont rendu compte qu'ils étaient victimes de fraude. Ces gens ont donc fait des démarches et ont déposé une plainte. Malheureusement les réponses ont tardé et parfois même ne sont jamais venues. Je crois que, dans le projet de loi, il devra y avoir également l'obligation d'accueillir les gens qui ont été victimes de fraude et de s'assurer qu'ils seront accompagnés.
Présentement, on est en mode prévention et en mode sanction. Je vais expliquer la prévention, elle est toute simple. La prévention, c’est de s'assurer d'avoir les bons éléments pour valider l'identité d'une personne.
Or ce projet de loi ne propose pas de réforme complète des processus de validation de l'identité de chaque citoyen par l'entremise des organisations ou du gouvernement.
Plusieurs pays sont déjà passés aux actes en ayant deux processus de validation de l'identité. Le premier consiste à valider ce que les gens savent. Si on finit par connaître les renseignements personnels d'un individu et que ses données sont libres, n'importe qui pourra d'emblée faire de la fraude en son nom.
Par ailleurs, il est possible de valider ce qu'un individu possède au moyen de plusieurs outils. On le voit déjà dans le cas des autorisations demandées par une application, comme le message texte. Parfois, on doit appeler de sa résidence. C'est un autre processus de validation très pertinent.
Plusieurs pays utilisent d'autres processus de validation visant à recueillir des informations encore plus personnelles, comme la reconnaissance vocale ou les empreintes digitales. Il faudra aussi faire attention au processus de vérification par la reconnaissance faciale pour s'assurer que les règles sont respectées.
J'ai bien hâte de participer au comité. Je salue l'arrivée de ce projet de loi, mais nous devrons l'amender correctement.
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Madame la Présidente, étant donné le peu de questions et de commentaires, je constate que ma collègue a été très claire. Je vais essayer de l'être tout autant. La barre est haute, mais je vais essayer d'être à la hauteur.
Grosso modo, comme l'a dit ma collègue, on peut dire que ce projet de loi représente une avancée et répond à plusieurs des demandes du commissaire à la vie privée du Canada. Au Québec, nous avons été très marqués par le vol de données survenu chez Desjardins. Cela a été un événement très important. Ce n'était pas le seul, toutefois. Il y a eu des événements similaires en 2017 et en 2018, et il y en a probablement eu des dizaines d'autres dont nous ne sommes pas au courant. En effet, en cas de vol de données, les banques sont tenues d'informer la police et le commissariat à la vie privée du Canada, mais rien ne les oblige à informer la population ni même leurs clients.
Nous aimons bien ce projet de loi parce qu'il énonce une série de principes qui sont liés à la collecte et au partage de renseignements personnels par les entreprises: le consentement libre et éclairé pour la collecte et l'utilisation; la possibilité d'autoriser ou de refuser le transfert des données vers une autre entreprise, comme entre deux institutions financières; la possibilité de retirer son consentement ou de demander d'effacer les données; la transparence dans l'utilisation des algorithmes qui recourent à des données personnelles; ou des critères plus stricts concernant l'utilisation des données dépersonnalisées. Ce projet de loi donne également des pouvoirs réels au commissaire à la vie privée du Canada, prévoit des sanctions importantes en cas de non-respect, et crée le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données. Tout cela est très bien.
Malheureusement, là où le bât blesse, c'est que le projet de loi omet un élément extrêmement important, soit la protection de l'identité en ligne pour éviter la fraude par vol d'identité, en particulier lors de transactions financières. On sait que les Européens ont mis en place toute une réglementation pour forcer les institutions financières à s'assurer de l'identité des gens avant d'autoriser une transaction. Il n'existe rien en ce sens au Canada et le présent projet de loi ne contient malheureusement rien à ce sujet.
Le gouvernement fédéral lui-même ne s'assure pas correctement de l'identité d'une personne avant d'autoriser une transaction électronique. On sait que le défi est d'empêcher que les vols de données ne servent à commettre des fraudes. Un vol de données n'étant déjà pas agréable en soi, il faut à tout prix éviter qu'il ne permette de commettre une fraude.
À Ottawa, dans la foulée du vol de données chez Desjardins, le débat a beaucoup porté sur le numéro d'assurance sociale. On sait que plusieurs voudraient changer leur numéro d'assurance sociale, mais la pratique actuelle ne permet de changer de numéro d'assurance sociale que si l'on a été victime d'une fraude résultant d'un vol d'identité.
De plus, Ottawa a reçu plusieurs demandes visant à modifier la carte d'assurance sociale pour la rendre plus difficile à contrefaire, ce qu'Ottawa avait fait pour les passeports à la demande des Américains au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
Ces deux demandes sont tout à fait raisonnables. Le Bloc est parfaitement d'accord et demande à Ottawa d'y donner suite. Cependant, cela ne va pas suffire à enrayer les fraudes.
La meilleure façon de bloquer une tentative d'usurpation d'identité est de s'assurer que la personne qui veut faire une transaction est bien celle qu'elle prétend être. Cela va de soi. Il y a trois façons de contrôler l'identité d'une personne.
Premièrement, on peut contrôler l'identité d'une personne par ce qu'elle sait, c'est-à-dire par ses renseignements personnels tels que le nom, l'adresse, le numéro d'assurance sociale. Cependant, de tels contrôles d'identité sont de moins en moins fiables avec la multiplication des vols de renseignements. Autrement dit, ce n'est plus très secret quand tout le monde peut savoir à peu près tout sur nous. Forts de ces renseignements, les fraudeurs n'ont qu'à fabriquer une fausse pièce d'identité et le tour est joué.
Deuxièmement, on peut contrôler l'identité d'une personne par ce qu'elle a, c'est-à-dire l'adresse IP de son ordinateur, que l'institution peut reconnaître si la transaction est faite de la maison, ou son téléphone cellulaire, auquel l'institution peut envoyer un texto contenant un code secret.
Troisièmement, on peut contrôler l'identité de la personne par ce qu'elle est. L'institution peut se doter de technologies qui reconnaissent les caractéristiques physiques de la personne comme sa voix, les traits de son visage — au moyen de la reconnaissance faciale —, ses empreintes digitales — de plus en plus fréquemment utilisées par les téléphones cellulaires —, ainsi que son écriture manuscrite — les fameuses signatures.
En 2016, l'Europe a adopté une réglementation qui oblige les institutions financières à utiliser au moins deux de ces trois façons d'identifier quelqu'un avant d'autoriser une transaction. Au Canada, les banques n'ont aucune obligation semblable. Si elles estiment que les mécanismes de contrôle leur coûteraient plus cher que la perte qu'elles assument actuellement en fraudes, elles ont tout intérêt à ne rien faire. Les banques ne paieront pas pour des mécanismes qui seraient plus coûteux que la fraude. C'est la logique du profit, tout simplement.
Nous pouvons tous témoigner qu'il n'est pas rare qu'un magasin nous offre une carte de crédit qu'il nous émet sur-le-champ, sur la seule base des renseignements personnels que nous donnons. Nous devons fournir notre numéro de téléphone, notre adresse et tout le reste, et ça y est, c'est fait. C'est une pratique qui est une véritable porte ouverte à la fraude, et cela doit cesser.
Selon nous, il faut forcer les banques à contrer la fraude. C'est la solution que nous prônons. Nous allons proposer des avenues. Comme ma collègue le disait, nous allons appuyer le projet de loi, mais nous allons proposer des amendements. Nous aurons des propositions concrètes, constructives et cohérentes lorsque viendra le temps de faire l'étude approfondie du projet de loi.
Nous allons proposer des avenues pour contrer la fraude par usurpation d'identité, notamment en nous inspirant de la réglementation européenne dont je parlais, afin de forcer les banques à mettre en place des mécanismes de contrôle d'identité serrés avant d'autoriser une transaction financière. Nous allons aussi proposer d'augmenter les amendes, pour inciter les banques à mieux protéger les renseignements personnels de leurs clients. Nous allons proposer l'obligation qu'elles soumettent un rapport détaillé, à même leur déclaration annuelle, du nombre de fraudes liées au vol d'identité, de même que des pertes engendrées par ces fraudes.
Nous proposerons aussi l'obligation de contacter toute personne dont l'identité aurait été utilisée frauduleusement au sein de l'organisation, qu'un compte ait été ouvert ou non. Comme je le disais tout à l'heure, cette obligation n'existe pas et doit être instaurée. Il y a également l'obligation d'assumer les frais que les victimes auront eu à payer pour recouvrer leur identité. Ces frais doivent incomber aux banques, qui roulent sur beaucoup plus d'argent que les particuliers et la plupart de leurs clients.
Il faut aussi que soit mise en place une ligne de dénonciation anonyme pour les employés au courant de vols d'identité non déclarés ainsi qu'une protection des lanceurs d'alerte. Il y a actuellement un vide en ce qui a trait à la protection des lanceurs d’alerte, comme dans à peu près tous les dossiers. Je m'éloigne un peu du sujet, mais la Chambre devra aussi se pencher sur cette question.
Il faut aussi qu'Ottawa regarde dans sa propre cour. Au-delà des banques, il faut imposer les mêmes contrôles antifraude au gouvernement fédéral lui-même. Le projet de loi ne s'applique qu'aux entreprises privées. Il ne concerne pas le gouvernement fédéral. Actuellement, les contrôles d'identité en ligne d'Ottawa sont manifestement déficients. Avant d'autoriser une transaction, le gouvernement ne prend pas toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que la personne qui fait une demande est bien celle qu'elle prétend être.
Depuis le printemps dernier, on compte de très nombreux cas de fraude par vol d'identité. On se souvient des demandes de la Prestation canadienne d'urgence faites au nom d'autres personnes et des remboursements d'impôt qui sont détournés dans d'autres comptes. Ce n'est qu'au moment de préparer leur déclaration de revenus que certaines personnes vont réaliser qu'elles ont été victimes de fraude par vol d'identité. Ce n'est pas encore fait, cela va arriver bientôt. Dans quelques mois, plusieurs gens vont se rendre compte qu'ils ont été victimes de fraude. Présentement, ils n'en ont aucune idée. C'est un non-sens et c'est inacceptable.
Encore cet automne, des milliers de contribuables ont perdu l'accès à leur compte chez Service Canada, ce qui les a rendus incapables de présenter une demande d'assurance-emploi alors même qu'ils perdaient leur emploi parce que leur région retombait en zone rouge.
Il est bien beau de présenter un projet de loi sur la gestion des données personnelles par les entreprises privées. J'insiste pour dire que nous sommes d'accord sur ce projet de loi et que nous allons voter en faveur de celui-ci. Ce volet est réglé.
Par contre, Ottawa doit au plus vite faire le ménage dans sa propre cour et prendre des mesures immédiates pour contrer la fraude par vol d'identité. Nous disons oui à l'encadrement des entreprises privées, mais également à l'encadrement d'Ottawa et du milieu bancaire.
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Madame la Présidente, c'est avec bonheur que je participe, depuis mon bureau, à cet important débat sur la protection de la vie privée au Canada. Le projet de loi à l'étude édicterait la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données. Il apporterait aussi des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois. Nous débattons donc d'un sujet plutôt complexe, et c'est un débat qu'on souhaite déjà depuis plusieurs années.
Il y a une dizaine d'années que les néo-démocrates demandent une modernisation des lois canadiennes sur la vie privée et la protection des consommateurs. Récemment, nos démarches ont mené à des discussions pancanadiennes à propos d'une charte des droits numériques. Nous avons joué un rôle de premier plan pendant ces travaux et nous avons fortement insisté pour que certains des droits soient discutés non seulement dans un forum public, mais aussi dans les Chambres du Parlement.
Le monde a évolué. Nous avons vu le commissaire à la protection de la vie privée souligner que le Canada est à la traîne en ce qui concerne la protection de la vie privée et les possibilités du monde moderne. La COVID-19 a élargi nos activités en ligne et les points de vulnérabilité non seulement des individus, mais aussi des familles, des écoles, des entreprises et même du Parlement.
Les néo-démocrates ont une position différente de celle des autres partis politiques. Nous pensons que les droits fondamentaux des personnes sont liés à leurs droits numériques. La présence en ligne des personnes et l’empreinte numérique qu’elles laissent sont tout aussi importantes que leurs droits physiques en tant qu’êtres humains.
Quand on regarde autour de nous, quand on voit la capacité qu’ont les gens de participer en ligne, même avec la COVID, on peut constater les échecs de deux décennies de gouvernements libéraux et conservateurs pour ce qui est de brancher les Canadiens, depuis le programme de Maxime Bernier, qu’il a lancé en tant que ministre conservateur, jusqu’à plus récemment alors que nous faisons des pieds et des mains pour que les Canadiens aient accès au monde numérique.
Par ailleurs, les néo-démocrates parlent de la capacité financière de participer à cette démocratie, et pas seulement pour des échanges sociaux. Au fur et à mesure que les gouvernements font passer de plus en plus de services du monde physique à Internet, on peut constater l’affaiblissement de la protection de la vie privée des Canadiens. Nous constatons que, même avec les ressources du gouvernement, nous avons vu des atteintes à la sécurité, même en ce qui concerne les numéros d'assurance sociale. Le secteur privé n'a pas été épargné non plus.
Le Canada a souvent traîné la patte dans le secteur privé, non seulement en matière de surveillance, mais aussi pour ce qui est de punir ceux qui profitent des gens dans la nouvelle ère numérique. Dans notre déclaration des droits numériques, que nous avons présentée il y a plus de deux ans, nous parlions de la protection des renseignements personnels, de même que de la manière dont les gens étaient manipulés par l'entremise de services fournis en ligne. Pendant des années, notre philosophie a été la neutralité du Net. Je vais mettre en évidence quelques nouveaux problèmes liés au projet de loi qui pourraient faire dérailler ce type de philosophie et précipiter les Canadiens vers une plus grande vulnérabilité.
Les exemples de façons dont les Canadiens ont été trompés sont nombreux. Qu’il s’agisse de Yahoo, de Ticketmaster, de Marriott ou d'Equifax, la liste est longue. Plus récemment, un exemple encore plus flagrant, qui a suscité beaucoup d’attention dans le monde entier, a été Facebook et la manipulation pure et simple des données personnelles des gens. Ces personnes étaient utilisées comme des pions sans même savoir quels étaient leurs droits ou être protégées contre cela.
Comme je l'ai mentionné, les lois canadiennes ne permettent pas à notre commissaire à la protection de la vie privée de s’en prendre à certains de ces géants. Par le passé, les gouvernements ont été trop proches des géants du Web et n’ont pas permis aux Canadiens d’avoir un recours approprié en cas d'atteinte à la sécurité des données.
Les dispositions législatives proposées par le gouvernement pour mettre sur pied un tribunal de la protection des renseignements personnels et des données pourraient créer un certain nombre de fausses promesses en matière de reddition de compte. Les personnes nommées au tribunal auraient un champ d'intervention limité.
Premièrement, il ne faut pas croire que les nominations politiques au tribunal seront exemptes de toute ingérence de la part des intervenants du milieu politique et du milieu des affaires. Deuxièmement, il faut pouvoir s'attendre à ce que le tribunal rende des décisions de façon rapide, juste et équitable. Troisièmement, certains problèmes liés au rôle du tribunal soulèvent des préoccupations, le premier de ces problèmes étant que le tribunal pourrait invalider des décisions du commissaire à la vie privée dans bien des domaines. On entamerait alors un processus judiciaire, et il faudrait des années pour régler des dossiers qui pourraient finir par ne plus être pertinents pour les Canadiens.
Les exigences concernant certaines nominations sont également limitées. Par exemple, on n'a pas à inclure un juge de la Cour supérieure, et on ne peut inclure qu'un seul juge dans un tribunal qui pourrait comprendre un à trois membres ou un à six membres. Il faut corriger ces lacunes.
J’aimerais parler des pouvoirs accrus du commissaire à la protection de la vie privée. Celui-ci a demandé clairement, ces dernières années, plus de ressources et de soutien pour traiter les cas d'atteinte à la vie privée et aussi pour exiger une plus grande reddition de comptes. Il est dans l’intérêt de nos entreprises, et pas seulement dans l’intérêt des particuliers, des familles et des institutions, d’avoir un processus clair, afin que les entrepreneurs malveillants qui font du tort aux Canadiens et aux autres entreprises ne soient pas récompensés.
L’une des choses dont je suis le plus fier, en tant que député, c’est d’avoir réussi à faire annuler la déductibilité fiscale des amendes et des pénalités infligées aux entreprises. C’était il y a une quinzaine d’années. Avant, si une entreprise était prise à faire quelque chose d'illégal, elle pouvait quand même amortir une partie de l’amende imposée par le gouvernement au titre d’une dépense liée à son activité commerciale. J’ai réussi à faire changer cela.
Les entreprises qui se livraient à des activités illégales et qui influençaient leurs concurrents déclaraient simplement une perte. Par exemple, des sociétés pharmaceutiques et des entreprises qui polluent l’environnement recevaient des amendes et des pénalités de plusieurs millions de dollars, et au moment de faire leur déclaration d’impôts, elles déduisaient ces amendes de leurs revenus. Pour elles, c’était un moyen de couper l’herbe sous le pied aux concurrents qui, eux, respectaient les règles. C’est ce qui me préoccupe à propos de ce tribunal. Il aura la capacité d’influer dans une certaine mesure sur la stabilité des marchés en infligeant des pénalités et des amendes aux entrepreneurs malveillants.
Si le processus ne fonctionne pas parfaitement et s’il n’est pas considéré comme crédible, il risque d’encourager certains de ces entrepreneurs à mal gérer les renseignements personnels, à manquer de respect aux Canadiens et à les manipuler pour obtenir des informations et pour les orienter vers d’autres achats ou d’autres activités, dans le but de nuire à leurs concurrents. Pour les jeunes entrepreneurs qui doivent affronter ces géants bien établis, la tâche peut être parfois colossale.
En général, les conditions sont réunies, même dans notre économie de marché, pour que les jeunes entrepreneurs puissent faire face à la concurrence. J’ai constaté tout récemment que, dans le secteur de la vente au détail, les entreprises doivent payer un supplément pour avoir de l’espace sur le terrain. Amazon et d’autres entreprises utilisent également la manipulation pour orienter les consommateurs vers des produits et des services particuliers et les détourner d’autres fournisseurs. Cela va à l’encontre du principe de la neutralité du Net et pourrait aussi inciter des gens et des membres de leur famille à faire certains achats ou visionnements dans des conditions de marché différentes, au lieu de les laisser choisir librement selon leurs goûts.
Je voudrais dire aussi que les partis politiques fédéraux sont exemptés des dispositions concernant la surveillance. Nous ne comprenons pas pourquoi les libéraux acceptent cela. Il devrait être clair que les partis politiques aussi doivent faire preuve de transparence et de responsabilité en ce qui concerne les données et les renseignements personnels. Nous allons préparer des amendements en ce sens, car nous croyons fermement qu'ils devraient rendre des comptes.
Pour que notre démocratie soit synonyme de confiance et de responsabilité, il faut de la transparence. Nous avons vu le sensationnalisme des publicités politiques pendant les dernières campagnes électorales et le favoritisme qui s’est installé sur Internet. Nous avons vu aussi comment il était possible de recueillir un nombre phénoménal de données afin de manipuler le vote et d’orienter les gens vers d’autres sujets de discussion.
Les renseignements personnels collectés par les partis politiques devraient aussi être clairement réglementés. De cette façon, on accordera davantage confiance aux renseignements qu’ils obtiennent. Et surtout, notre démocratie sera renforcée par la protection des renseignements personnels, plutôt que d’être affaiblie par les exemptions proposées aujourd’hui par le gouvernement.
Nous voulons aussi poursuivre nos activités commerciales, conformément à la LPRPDE. Cela concerne davantage la transparence des activités commerciales.
S’agissant de la transparence algorithmique, les algorithmes peuvent orienter les achats et les activités, mais ils peuvent aussi manipuler les gens. Et ils vont le faire de plus en plus grâce à l’intelligence artificielle, pour tous nos produits et nos services, qu’il s’agisse des moteurs de recherche, des achats faits auprès de différentes entreprises et de toutes sortes d’activités. Il est important que, dans ce domaine, il y ait de la reddition de comptes et de la surveillance.
En ce qui concerne la protection des renseignements personnels des Canadiens, il y a toutes sortes de choses qui sont en train de se produire. Ce projet de loi ne va pas être accepté facilement. Il faudrait revenir sur différentes structures à cet égard. Encore une fois, les néo-démocrates réclament un projet de loi sur le numérique depuis des années, et je voudrais souligner un certain nombre de choses importantes.
Sans une société juste, ouverte et équitable au sujet de notre empreinte numérique, ce sont notre démocratie, notre économie et, surtout, les investissements dans ce pays qui seront menacés. Nous n’aurons pas le même niveau de surveillance qu'en Europe ou aux États-Unis, ce qui est très important pour maintenir le flux d’investissements au Canada.
Si nous voulons que les Canadiens de toutes les régions du pays aient accès à des services de télécommunications et si nous voulons investir là-dedans, nous devons songer aux milliards de dollars qui ont déjà été injectés dans ce but, sans compter ceux qui vont l’être. Il faut que tout soit fait correctement, surtout en période de pandémie.
Au fil des ans, au fur et à mesure que nous avons investi dans les services en ligne, nous avons créé des opportunités. Quand on voit comment on utilise cet espace pour nous-mêmes, que ce soit pour des activités commerciales ou du divertissement, nous bradons le spectre. Pourtant, c’est l’infrastructure qui nous gouverne. C’est ce qui va nous permettre de passer à la 5G. Nous allons avoir une vente aux enchères du spectre.
Depuis 20 ans, ces ventes aux enchères du spectre ont rapporté 22 milliards de dollars au gouvernement. On voit toutes sortes d’activités dans toutes les régions du pays.
J’ai parlé tout à l’heure de Maxime Bernier, avec les conservateurs, et plus récemment des libéraux. Plusieurs plans ont émergé, qui sont plutôt un salmigondis d’applications. C’est un programme après l’autre. Ils offrent des subventions massives à ces secteurs, qui se chiffrent dans les milliards de dollars. Même le CRTC a un fonds.
Je pourrais en énumérer toute une liste, mais ce que je veux dire, c’est que nous sommes en train de faire tout ce travail et d’investir pour créer un espace sociétal dans notre monde et notre économie numériques. Nous investissons beaucoup là-dedans, et par conséquent, il faut faire les choses correctement, surtout dans un pays comme le Canada, qui est si vaste. Ce n’est pas une tâche facile, mais étant donné notre démographie et le fait que la population est concentrée le long de la frontière et dans d’autres endroits, nous pouvons transformer cela en avantage pour les investissements commerciaux.
Les néo-démocrates estiment que le traitement réservé aux gens en ligne fait partie de nos droits de la personne. Cela comprend la responsabilisation des entreprises en ce qui concerne la cyberintimidation, la protection de la vie privée, la vitesse et l’abordabilité. Ces éléments se conjuguent. Si nous n’adoptons pas ce type d’approche comme philosophie, nous risquons d’avoir plus de gagnants que de perdants. Ce serait comme si nous avions des possibilités d’éducation perdues et nous obligions le gouvernement à faire la bonne chose, soit rendre les choses plus abordables.
J’ai parlé de la concentration de notre population. Il est important d’incorporer cet élément dans le projet de loi alors que nous étendons enfin l’accès aux régions rurales et éloignées, de même que la sécurité et la responsabilisation à l’égard de ces renseignements.
Nous avons beaucoup parlé de la préservation des différentes cultures et de la nécessité de créer des possibilités d’affaires pour les régions qui ont été affaiblies en raison de leur géographie ou du manque de connectivité avec de grandes populations, mais si nous ne mettons pas en place un système fondé sur des règles qui leur permettrait de livrer concurrence sur un pied d’égalité, elles seront laissées de côté. Plus particulièrement, nous pourrions offrir aux petites entreprises plusieurs possibilités d’évoluer, de passer à une échelle supérieure, des collectivités pourraient en fait jouir d’un certain pouvoir pour accéder à de nouveaux marchés et maintenir leur dynamisme et leur cohésion. Cependant, si cela n’est pas fait de manière à assurer la protection de la vie privée en ligne et à permettre aux entreprises de rivaliser sur un pied d’égalité, ces possibilités seront perdues.
L’une de nos préoccupations générales, non seulement en ce qui concerne notre pays, mais aussi le reste du monde par rapport à certains géants du Web, se rapporte au regroupement de services et à la façon dont les services en ligne sont utilisés. Au Canada, notre concurrence n’a pas été la plus forte à certains moments, mais il y a une possibilité à saisir, et c’est pourquoi ce projet de loi est si important.
À l’approche de la vente aux enchères du spectre, les néo-démocrates ont fait valoir que faire payer le maximum aux compagnies de télécommunications qui entrent sur le marché, puis de voir comment les choses se passent, crée la situation avec laquelle nous vivons actuellement: moins de concurrence et des prix plus élevés, et des prix qui, bien honnêtement, limitent la participation de la population à l’univers numérique. C’est l’une de nos préoccupations, et nous avons donc suggéré de transformer totalement la vente aux enchères du spectre, comme beaucoup d’autres pays l’ont fait, et de l’utiliser comme un moyen de se connecter à moindre coût en faisant part de nos attentes, comme dans un modèle de demande de propositions. Lorsque nous recevrons les soumissions, nous aurons peut-être un peu moins d’argent au départ, mais les attentes seront plus élevées et les exigences de connexion des collectivités rurales ou isolées seront connues. Les entreprises de télécommunications utiliseront le spectre ou le perdront. C’est l’une des choses qui, à notre avis, pourraient être vraiment avantageuses pour faire progresser les différents programmes.
Essentiellement, à l’heure actuelle, les collectivités doivent presque se mettre à genou pour avoir accès à des services de télécommunication et obtenir du soutien afin qu’on leur offre des services à des prix plus compétitifs et attrayants. Notre modèle inverserait les rôles. Le milieu des affaires s’attendrait à ce que le spectre coûte moins cher, mais l’échéancier pour connecter les Canadiens serait strict, et les entreprises devraient utiliser le spectre qui leur a été attribué sans quoi il leur serait retiré. L’industrie a fait savoir que le plan du NPD pourrait être mis en place et connecter l’ensemble des Canadiens dans un délai de quatre ans: 98 % en trois ans et la dernière petite partie dans la dernière année, en raison de la difficulté plus grande dans certains endroits.
C’est important et crucial, car ce projet de loi établirait le cadre pour tout cela. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous croyons que ce tribunal est l’une des curiosités les plus intéressantes, et il y a d’autres points à aborder à ce sujet. Toutefois, si nous dépensons tout cet argent, si nous passons tout ce temps et nous élaborons cette politique sans faire ensuite ce qu’il faut, nous aurons alors une approche faible et irresponsable en matière de surveillance pour garantir que le Canada n’éprouve pas de problèmes à cet égard. Cela va déjà créer une distorsion dans nos lois de politique publique. Je crains que le projet de loi dans sa forme actuelle, si ces points ne sont pas affinés, fausse le marché pour les années à venir.
Il est fort probable que le Parlement ne se penchera pas à nouveau sur cette question de sitôt. Il a fallu beaucoup trop de temps pour en arriver là. Nous devons faire adopter le projet de loi dans un parlement minoritaire, nous devons le faire adopter au Sénat, et au bout du compte, nous devons le faire approuver par le . Cela va prendre du temps et de la détermination, ce que nous avons chez les néo-démocrates. Nous voulons améliorer le projet de loi, nous voulons nous assurer qu’il soit plus solide, car si nous ne réussissons pas à améliorer ces points, nous allons empirer les choses. C’est pourquoi, lorsque nous réfléchissons à l’importance de cette question dans le cadre de notre politique publique actuelle et de nos ressources, nous devons tenir compte des préoccupations liées à la COVID-19 et ses effets sur les services à large bande, notamment en ce qui a trait aux conséquences sur l’éducation, la participation et l’engagement.
Pour conclure, la différence pour les néo-démocrates, c’est que nous croyons que les droits de la personne et les droits numériques doivent être aussi reconnus que les droits physiques. Alors que de plus en plus de façons de faire hybrides sont adoptées dans les lieux de travail, les écoles et les autres types d’activités, ce projet de loi est un pas en avant, mais il faut le renforcer, et l’on peut compter sur nous pour le faire. Notre intention est de permettre au Parlement de faire son travail, mais surtout de nous assurer d’avoir des lois qui seront efficaces pour protéger les Canadiens.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Nous passons de plus en plus de temps en ligne et nos lois doivent tenir compte de cette réalité. La protection de la vie privée fait partie des droits de la personne et elle est intrinsèquement liée à notre autonomie personnelle.
La Convention 108 du Conseil de l’Europe dit: « Le but de la présente Convention est de protéger toute personne physique, quelle que soit sa nationalité ou sa résidence, à l’égard du traitement des données à caractère personnel, contribuant ainsi au respect de ses droits de l’homme et de ses libertés fondamentales et notamment du droit à la vie privée ». Le Règlement général sur la protection des données dit: « Le présent règlement protège les libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, et en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel ».
La collecte de données se fait à une échelle incroyable, ce qui peut être une force aussi bien positive que négative; par conséquent, nous avons besoin de définir précisément les droits relatifs à la protection de la vie privée et les droits numériques et nous avons besoin d'une autorité de réglementation forte pour les faire respecter.
Notre projet de loi est un pas dans la bonne direction, et il constitue une réforme complète et nécessaire de la LPRPDE. Je me souviens d’avoir présenté, en juin 2018, un projet de loi visant simplement à donner de nouveaux pouvoirs au commissaire à la protection de la vie privée, que notre comité de la protection des renseignements personnels avait recommandé à l’unanimité à deux reprises. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis, grâce à ce projet de loi étoffé. OpenMedia a dit que c’était une grande victoire pour la protection des renseignements personnels au Canada.
Certains spécialistes et, assurément, plusieurs députés ont déjà parlé de la façon dont on pourrait améliorer le projet de loi ou ont posé des questions sur les lacunes qu'il faudrait peut-être corrigées, mais il n’en reste pas moins qu’il mérite notre soutien à l'étape de la deuxième lecture. J’ai hâte de travailler avec mes collègues de tous les partis pour l’améliorer une fois qu’il aura été renvoyé au comité.
Pour travailler en comité de façon non partisane, il faut faire un effort. Je félicite mes collègues du Parti conservateur de et de , mon collègue du NPD de et mon collègue libéral de . Nous avons travaillé très fort sur les questions de protection de la vie privée pendant la dernière législature. Nous avons contribué à fonder le Grand comité international, auquel sont représentés 10 pays et dont le rôle est de discuter de ces questions. Nous avons organisé à Ottawa la deuxième réunion de ce comité, et nous avons présenté le rapport intitulé « Vers la protection de la vie privée dès la conception » en février 2018.
Les parlementaires parlent des travaux des comités et du fait qu'ils sont souvent ignorés parce qu'ils ne se traduisent pas toujours par un texte de loi. C’est pourtant le cas ici.
Nous avions recommandé des règles plus strictes en ce qui concerne le consentement et nous constatons que le projet de loi prévoit des règles plus strictes. Nous avions recommandé la transparence algorithmique et nous constatons que le projet de loi C-11 contient des dispositions à cet égard dans les cas où des systèmes sont utilisés pour faire des prédictions ou des recommandations ou pour prendre des décisions au sujet des consommateurs. Nous avions recommandé la portabilité et l’interopérabilité des données. Nous avons tout cela dans le projet de loi C-11.
Le projet de loi donne des pouvoirs accrus au commissaire à la protection de la vie privée. J’ai dit qu’il était nécessaire d’avoir un régulateur musclé, notamment pour émettre des ordonnances, faire des audits et imposer des amendes. Le projet de loi donne au commissaire le pouvoir d’émettre des ordonnances et de faire des audits. Nous avons aussi un nouveau tribunal, et même si je comprends la réserve ou les questions de certains députés sur la façon dont il est constitué, je pense que ce nouveau tribunal peut se comparer à la structure du commissariat à la concurrence et du tribunal de la concurrence, même si on peut éventuellement l’améliorer. Quoi qu’il en soit, ce tribunal aura le pouvoir d’imposer des amendes conséquentes, de l’ordre de 10 millions de dollars, jusqu’à un maximum de 25 millions pour les infractions les plus graves.
Pour revenir au travail accompli par le comité, je voudrais rappeler plusieurs anecdotes qui soulignent l’importance de ce projet de loi.
C’était, je crois, à l’automne 2017, et nous étions en plein dans notre étude de la réforme de la LPRPDE, que le député de , l’ancien député de Skeena-Bulkley Valley, je ne pense pas me tromper, et nous sommes allés rencontrer des élus à Washington. Nous avons assisté à des audiences au sujet du piratage des données d’Equifax et nous avons aussi rencontré des représentants de Facebook. À l’époque, lorsque le député de avait demandé aux gens de Facebook ce qu’ils pensaient des nouveaux règlements qui étaient en préparation, ils avaient répondu qu’il était inutile d’adopter de nouveaux règlements au Canada étant donné la solidité du dispositif mis en place par la LPRPDE, et que, si de nouveaux règlements étaient adoptés, cela pourrait avoir un impact sur la décision de Facebook d’investir au Canada. Nous avons certainement fait beaucoup de chemin depuis cette époque où les géants de la tech pouvaient faire du lobbying contre un renforcement des règlements sur la protection des renseignements personnels.
Nous avons vu que Mark Zuckerberg n’a pas comparu devant le Grand comité international, même s’il s’est dit prêt à travailler avec les parlementaires du monde entier, et nous pouvons affirmer avec certitude que l’époque de l’autoréglementation est révolue et qu’il faut mettre en place une réglementation efficace. Et c’est ce qu’on nous propose aujourd’hui.
S’agissant du consentement, j’aimerais vous faire part d’une autre anecdote qui s’est passée en comité. Encore une fois, nous recevions des représentants de Facebook. Nous étions en train de discuter du scandale de Cambridge Analytica et du contexte canadien de cette appli tierce, qui avait diffusé tellement de renseignements. Je crois que moins de 300 Canadiens avaient utilisé cette appli, mais que des milliers avaient vu leurs renseignements personnels divulgués. À l’époque, j’avais demandé à Facebook: « Comment se fait-il qu’avec le consentement éclairé, des milliers de Canadiens aient accepté que leurs amis partagent leurs renseignements sur cette appli tierce pour ensuite les partager avec Cambridge Analytica? ». Sans sourciller, un représentant de Facebook m’a répondu que ça faisait partie de leurs conditions.
Cela fait ressortir le caractère problématique du consentement dans la loi actuelle et la nécessité de définir ce qu’est un consentement véritable. Fort heureusement, notre commissaire à la protection de la vie privée, même s’il était dénué de vrais pouvoirs, a poursuivi son enquête et, constatant que Facebook avait violé nos lois en vigueur, il a décidé de s’adresser aux tribunaux. Nous savons qu’avec des règles plus rigoureuses en matière de consentement, le représentant de Facebook n’aurait pas pu nous dire sans sourciller que les personnes concernées avaient vraiment donné leur consentement.
Il faut utiliser un langage clair. J’irai même plus loin pour dire que, surtout du point de vue du consommateur, il faut se méfier du consentement par défaut. Nous devons nous en méfier. Lorsque le consommateur a de bonnes raisons de penser que les renseignements vont être diffusés et utilisés d’une certaine façon, le consentement explicite n’est pas nécessaire, mais quand il y a des utilisations secondaires, qui ne sont pas prévisibles par le consommateur, dans ce cas, nous devons certainement prévoir un mécanisme pour que celui-ci donne explicitement son consentement. Il faut que les consommateurs sachent clairement comment leurs renseignements personnels seront utilisés.
J’insiste sur la protection du consommateur, parce que dans notre loi sur la protection de la vie privée et dans notre loi sur la protection du consommateur, le gouvernement dit clairement que, lorsque j’achète un téléphone, je n’ai pas besoin de lire toutes les conditions pour être protégé. La loi sur la protection du consommateur rend implicites toutes sortes de garanties. Je n’ai pas besoin de lire toutes les conditions pour garantir la protection de mes droits en tant que consommateur, mais par contre, quand je télécharge une appli, je suis censé lire toutes ces conditions. Ce n’est pas une position tenable quand on veut protéger les consommateurs. Nous ne pouvons pas leur demander de lire toutes les conditions et la totalité de leur contrat pendant qu’ils téléchargent leur appli, surtout qu’ils passent de plus en plus de temps en ligne, comme je le disais tout à l’heure. Il faut que nos lois reflètent cette réalité.
Il y a bien sûr des améliorations assez simples à apporter à ce projet de loi. Le tribunal devrait comprendre davantage d’experts en protection de la vie privée. Cela me paraît évident. Nous devons aussi réfléchir davantage aux règles concernant le consentement afin, éventuellement, de les renforcer. J’aimerais aussi qu’en plus d’exiger des explications sur les algorithmes, on demande des comptes.
Je sais que certains ont mentionné que les partis politiques n'ont pas été inclus. Je ne sais pas si les partis politiques devraient être assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, mais ils devraient être assujettis à la législation en matière de vie privée. Si le gouvernement n'a rien prévu d'autre à ce sujet, alors je crois que la LPRPDE est peut-être le bon véhicule.
Enfin, je crois qu'il faut surtout penser aux enfants en ce qui concerne les règles entourant le consentement et la protection des enfants sur Internet. J'ai déjà écrit et fait des déclarations au sujet de mon appui au droit à l'oubli, mais je crois que nous devons surtout travailler aux règles et à la protection des enfants, qui grandissent avec Internet et qui seront présents en ligne toute leur vie.
Je terminerai en affirmant qu'il s'agit d'un projet de loi imposant. Il en est à l'étape de la deuxième lecture et, assurément, il mérite l'appui de tous les députés en principe. Je suis impatient de travailler avec mes collègues et avec des spécialistes du domaine au comité pour renforcer le projet de loi et peaufiner les détails.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour participer au débat sur la Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique.
L’environnement numérique étant en constante évolution aujourd’hui, les Canadiens exigent une meilleure protection de leurs renseignements personnels. Ils demandent également que les organisations soient tenues responsables de la mauvaise utilisation de leurs renseignements. Les parties prenantes nous ont dit qu’elles veulent de la souplesse pour innover de manière responsable et qu’elles souhaitent que nos règles de protection de la vie privée soient cohérentes avec celles qui sont en place partout ailleurs.
Je suis fier de dire que la loi sur la mise en œuvre de la Charte numérique, qui édicterait la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, représente la refonte la plus ambitieuse du régime de protection de la vie privée du secteur privé canadien depuis l’adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, en 2000. La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs apporterait des changements importants pour mieux protéger les renseignements personnels des Canadiens, comme ils l’ont demandé, accompagnés, bien sûr, de lourdes conséquences financières pour ceux qui ne respectent pas la loi.
Dans les années 1990, avant l’adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, d’autres pays ont adopté de nouvelles lois pour garantir la protection de la vie privée et l’essor des possibilités offertes par le commerce électronique et la circulation de l'information dans le monde entier. En particulier, l’Union européenne a adopté une directive sur la protection de la vie privée que ses pays membres doivent transposer dans leurs lois nationales.
Inspiré par le droit européen, le Québec a présenté en 1994 la première loi sur la protection de la vie privée dans le secteur privé au Canada. Il s’agissait d’un pas important, mais cela a aussi ouvert la voie à un ensemble disparate de lois provinciales sur la protection de la vie privée. Face à la perspective de règles multiples, voire contradictoires, et de lacunes dans la protection de la vie privée qui pourraient nuire aux Canadiens, le gouvernement fédéral devait agir. Le Canada avait besoin d’une norme nationale de protection de la vie privée pour garantir la confiance des consommateurs et la conformité réglementaire des entreprises.
Au début du nouveau millénaire, on a créé la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques pour répondre aux préoccupations en matière de protection de la vie privée découlant d’une période de perturbations technologiques alimentée par l’essor d’Internet. Elle a fourni un cadre assorti de solides mesures de protection de la vie privée et la souplesse nécessaire pour soutenir les besoins légitimes des entreprises d’utiliser les renseignements personnels. Elle a également fourni un mécanisme par lequel les lois provinciales sur la protection de la vie privée dans le secteur privé pouvaient être considérées comme essentiellement semblables. Cela signifie que lorsqu’une telle loi reçoit cette désignation, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ne s’applique pas aux activités d’une organisation au sein d’une province donnée.
En 2004, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont promulgué des lois sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qui sont considérées comme substantiellement similaires, tout comme la loi du Québec. Depuis 2005, plusieurs nouvelles lois provinciales sur les renseignements de santé ont également été adoptées, lesquelles ont été désignées à juste titre comme substantiellement similaires.
La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques continuerait toutefois de s'appliquer au secteur sous réglementation fédérale dans une province et à tout renseignement personnel recueilli, utilisé ou communiqué dans le cadre d'activités commerciales transfrontalières. C’est ce qui a permis de fournir un environnement réglementaire stable et une certaine souplesse aux provinces et de soutenir les intérêts commerciaux du Canada pendant de nombreuses années.
Toutefois, l’environnement dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui a changé. Aujourd'hui, même si, à bien des égards, on peut dire que l'histoire se répète, les risques ont évolué. Le rôle des technologies numériques est beaucoup plus central dans nos vies qu'il ne l'était il y a 20 ans. Il suffit de penser à notre expérience de ces derniers mois avec la pandémie. Pour exploiter tout ce que l’univers numérique moderne a à offrir, il est clair que nous devons moderniser notre loi fédérale sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
Dans une économie mondialisée et connectée, nos lois devaient être harmonisées avec celles des autres pays. Les règles de protection de la vie privée convenues au niveau international, comme les lignes directrices de l'OCDE sur la protection de la vie privée instaurées pour la première fois en 1980, ont été actualisées en 2013. C’est aussi le cas du cadre de protection de la vie privée de l'APEC. En effet, les lois sur la protection de la vie privée fondées sur ces normes internationales ont évolué et progressé en Europe, au Japon, en Amérique du Sud et en Nouvelle-Zélande.
Quels ont été les effets de ces changements? Les principes de base en matière de protection de la vie privée n’ont pas changé, bien que certains aient été élargis, comme l’obligation de rendre des comptes et le signalement des cas d’atteintes à la vie privée. De nouveaux éléments, tels que le renforcement des droits d'effacement et des droits de mobilité, l'accent mis sur la transparence, une plus grande certitude pour les entreprises et les consommateurs grâce à l’accréditation en vertu de codes, et les conséquences plus lourdes en cas de non-conformité, sont les principales caractéristiques de bon nombre de ces changements évolutifs.
Plus près de nous, cet été, le Québec a apporté des modifications à sa loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, et la Colombie-Britannique a récemment mené une étude sur ses propres lois. L'Ontario envisage également d'adopter une nouvelle loi sur la protection de la vie privée dans le secteur privé. Les intervenants nous ont indiqué qu'ils s'inquiètent du fardeau que représente l’existence de multiples lois comportant des exigences différentes. Ils ont demandé une harmonisation ici, chez nous.
Il est clair que les progrès et les réformes prévus par la loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique sont nécessaires. Si nous n'agissons pas, le risque est que la réglementation sur la protection de la vie privée dans tout le pays devienne encore plus fragmentée. Nous devons suivre l'évolution des technologies et des pratiques commerciales et intégrer les meilleurs protocoles, pratiques et mesures de protection internationaux dans nos propres lois nationales. Nous devons également établir une norme commune de protection des renseignements personnels privée applicable au secteur privé dans tout le Canada.
Comme la LPRPDE actuelle, la nouvelle Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs reposera sur les pouvoirs fédéraux en matière de commerce. Elle reconnaît l’importance même d’avoir des activités commerciales à l’échelle nationale et dans une économie qui doit fonctionner par-delà les frontières provinciales. De plus, comme la LPRPDE, elle prévoit un mécanisme pour reconnaître les lois provinciales sensiblement similaires. La réglementation définira les critères et le processus de cette reconnaissance ou d’un réexamen, et elle continuera de permettre une souplesse provinciale importante pour le succès de la LPRPDE. Comme la loi précédente, la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs permettra au commissaire à la protection de la vie privée de collaborer et de coopérer avec ses homologues provinciaux, ce qui est important pour garantir l’uniformité.
Comme le l’a souligné plus tôt aujourd’hui, l’accent devrait toujours être mis sur la conformité. Certains demandent pourquoi nous ne pouvons pas avoir une seule loi nationale. La réponse, évidemment, est que le Canada est une fédération et qu’il y a un partage des compétences. En fait, les provinces assurent une couverture importante que n’apporterait pas une loi nationale en vertu de notre Constitution.
Je me dois de parler aussi du contexte international.
Nous vivons dans un monde interconnecté. Des données circulent constamment d’un pays à l’autre. En 2002, la Commission européenne a reconnu que la LPRPDE fournit une protection adéquate en comparaison du droit européen, ce qui a permis la libre circulation des renseignements personnels entre les entreprises canadiennes et européennes. Cependant, en 2018, un nouveau règlement européen, le Règlement général sur la protection des données, est entré en vigueur. Il met à jour des exigences existantes et ajoute de lourdes sanctions financières en cas de contravention. L’Union européenne examine actuellement ses décisions existantes en matière d'adéquation, y compris celle qui s’applique au Canada.
C’est pourquoi le gouvernement a lancé en 2019 la Charte canadienne du numérique. Ses 10 principes directeurs offrent des fondations solides sur lesquelles bâtir une économie numérique et des données novatrices et inclusives. Les principes visant à garantir l’interopérabilité, des règles du jeu équitables, une application rigoureuse et une véritable responsabilisation sont manifestement repris dans la loi sur la mise en œuvre de la Charte du numérique.
Je tiens à remercier les députés de leur attention aujourd’hui et je peux leur assurer que notre approche concernant la protection de la vie privée respecte le droit à la vie privée des Canadiens. Elle est pragmatique et fondée sur des principes, elle répond à nos besoins commerciaux et elle fournit un cadre cohérent sur lequel les Canadiens et les parties prenantes peuvent s’appuyer.
Avec le projet de loi , nous continuerons d’encourager le commerce et l’investissement et de développer une économie qui transcende les frontières provinciales et internationales.
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Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre de nouveau la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi . Imprimé, ce texte de loi fait près d'un pouce d'épaisseur. C'est un projet de loi monstrueux pour les gens d'ici. C'est aussi un projet de loi opportun. J'ai hâte de l'examiner de plus près. Je n'ai pas encore eu l’occasion de le lire en entier, mais j’aimerais en parler.
C'est une question qui préoccupe beaucoup de Canadiens. L'une des choses que je tiens à souligner tout d’abord, c’est que lorsque des gens sont en ligne comme internautes virtuels, s’ils croient obtenir un produit gratuit, c’est une erreur parce qu’en réalité, ils sont le produit. C'est ce dont il faut se souvenir, et beaucoup de gens ne semblent pas s'en rendre compte. C'est une notion que je n'ai pas vue dans ce projet de loi et qui est importante. Je crois qu'elle est absente du projet de loi, bien qu’il puisse ne pas viser cet objectif en particulier.
Nous pourrions avoir une sorte de campagne de sensibilisation du public, un peu comme nous l'avons fait pour les cigarettes. Par le passé, on a sensibilisé les gens au fait que fumer la cigarette cause le cancer. Nous pourrions faire la même chose pour les profils en ligne, montrer les dangers et tout ce qui se fait en ligne.
De plus, la députée de est intervenue sur la manière dont sont réellement utilisées nos données. Nous croyons faire un jeu amusant ou un test de personnalité, mais en fait, nous fournissons des données. Ces données peuvent être recueillies commercialement pour l’envoi de publicités et la promotion de certains produits.
Nous continuons de voir des atteintes de plus en plus massives à notre vie privée. Je ne sais pas ce qu'il en est des autres députés, mais ce qui m'a sauté aux yeux, à la première lecture rapide de ce projet de loi, c'est l'expression « transparence des algorithmes ». C'est une chose qui me fascine vraiment.
Le week-end dernier, mon ami m’a raconté une expérience qu’il a faite avec des amis: il a pris son téléphone, l'a posé sur la table, et ils se sont mis à parler de lapins blancs pendant trois à quatre minutes. Ils ont simplement prononcé les mots « lapins blancs » souvent. Ensuite, ils ont activé son téléphone, sont allés sur Facebook et ont vu que les publicités reçues portaient sur les lapins blancs. Nos téléphones nous écoutent et des algorithmes font la promotion de certaines choses.
J'imagine que nous pourrions désactiver cette fonction et couper les micros de nos téléphones tout le temps si nous savons le faire, si nous nous soucions suffisamment de ce genre de chose ou si nous nous en inquiétons. Il y a une blague qui circule selon laquelle les Chinois nous écoutent. Ce n'est qu'une conjecture. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment quelqu'un qui nous écoute de l’autre côté, mais par contre, il y a bien un algorithme qui observe nos communications et qui tente de nous proposer des produits qui nous intéressent.
L'histoire du lapin blanc est intéressante. Ce ne sont pas forcément des mots prononcés dans les conversations courantes. Je sais que si l’on se connecte au WiFi de quelqu'un d'autre, nous recevons tout à coup des publicités différentes. Mon cousin a une table de coupe au plasma CNC pour le métal. C'est vraiment chouette, mais ce qui est intéressant, c'est que lorsque je vais chez lui et que je me connecte à son WiFi, auquel cette table de coupe au plasma CNC est également connectée, je commence à recevoir des publicités pour des tables de coupe au plasma. C'est incroyable et fascinant. La question de la transparence des algorithmes est parmi les plus passionnantes qu'aborde cette loi.
Parfois, sur Facebook, on reçoit des publicités. On peut cliquer sur « X » pour s'en débarrasser. On se demande pourquoi ces publicités apparaissent. Si je pouvais avoir une réponse à cette question, ce serait formidable.
Cela m'intéresse. Comment le système est-il alimenté pour que je reçoive cette publicité en particulier? C'est ce que je veux vraiment savoir. À ce stade, il semble qu'il n'y ait strictement aucun recours permettant de savoir pourquoi ces publicités apparaissent. Qu'ai-je fait en particulier pour que les données recueillies à mon sujet sur Internet et le portrait de moi qui en a été déduit fassent en sorte que cette publicité arrive sur mon fil? Je suis extrêmement curieux de savoir si ce projet de loi nous permettra d'obtenir la transparence nécessaire pour le savoir. Je ne suis pas nécessairement convaincu que ce sera le cas, mais c'est une idée qui me fascine.
L'autre élément qui n’est pas du tout traité dans ce projet de loi, je pense, c’est la question des plateformes de médias sociaux ou des plateformes Internet qui jouent le rôle de babillards électroniques ou de diffuseurs de contenu. Cela reste un point d’achoppement. Des représentants des principales plateformes de médias sociaux ont été entendus par le comité, et nous avons vu que des pays un peu partout dans le monde cherchent à résoudre ce problème. C'est précisément ce que les gouvernements devraient faire.
Gouverner et légiférer signifie de concevoir un système qui établit un équilibre entre les intérêts de tous les habitants de la manière de notre choix. C’est ce que cela signifie que d’être une démocratie. C’est ce que cela signifie que de s’autogouverner, si l’on veut. Dans bien des cas, nous voyons des groupes organisés déployer des efforts de pression efficaces, en particulier les groupes ayant des intérêts commerciaux spéciaux, qui ne permettent pas nécessairement au gouvernement de parvenir à cet équilibre.
Nous voyons dans les nouvelles comment nous nous débattons pour y arriver. Certaines grandes plateformes de médias sociaux ont amassé des richesses qui dépassent celles de nombreux pays. Certains des plus grands pays au monde sont en mesure de leur faire concurrence, mais les plus petits n’ont pas les ressources dont disposent nombre de ces grandes sociétés médiatiques, donc cela crée de la tension. J’applaudis ce projet de loi parce qu’il essaie d’avoir cette discussion.
Puis-je faire confiance aux libéraux pour faire le nécessaire? Non, typiquement non, mais je les félicite d’avoir déposé ce projet de loi et de lancer la conversation. Ce sera une longue conversation. Comme je l’ai déjà dit, le document fait un pouce d’épaisseur.
Le député de vient de faire un commentaire. Je ne sais pas trop ce qu’il a dit, mais je suis sûr qu’il me félicitait pour mon discours. J’apprécie son geste et je l’en remercie.
En ce qui concerne la transparence par rapport aux algorithmes, l’élément clé qui, selon moi, n’est pas pleinement reflété dans ce projet de loi est la question de savoir si les plateformes modifient le contenu, si elles le publient ou si elles choisissent les gagnants et les perdants. Cette transparence me préoccupe beaucoup, et je pense qu’elle préoccupe beaucoup de gens au pays. Il est intéressant qu’elle préoccupe à la fois des gens de la droite et de la gauche. C’est une source de préoccupation pour tous les partis politiques. C’est une préoccupation pour les différentes idéologies et, de façon générale, pour le contenu modifié et ce qui est publié sur la plateforme.
C’est aussi une préoccupation pour les plateformes comme telles, en ce sens qu’un message particulier provenant d’une plateforme peut contribuer à alimenter un effet de meute. Les gens pourraient alors réellement s’y attaquer.
Il n'y a pour ainsi dire aucune protection dans le cas des plateformes parce qu’on ne sait trop si elles sont responsables du contenu qu'elles hébergent et qui est diffusé un peu comme si elles étaient des babillards. Le cas échéant, on ne sait pas non plus si elles sont responsables du contenu au même titre qu’un journal le serait. C’est la principale difficulté.
Je ne suis pas convaincu, à ce stade-ci, que les algorithmes seront communiqués de manière transparente, mais il est important que les plateformes puissent dire aux gens: « Voici l'algorithme que nous utilisons pour diffuser l'information. Nous ne sommes pas responsables de cette information, et c’est ainsi que le système fonctionne. » Il n’y a aucune ingérence humaine. C’est seulement une méthode sophistiquée de transmettre aux gens l'information qu’ils veulent voir, qui est importante à leurs yeux et qu’ils trouvent utile.
Dans l’ensemble, je dirais que l'on fait les choses correctement. Ce sont les messages politiques qui suscitent certaines préoccupations. Facebook a déjà déployé beaucoup d’efforts à cet égard, mais je dirais qu’il y a toujours un éventail de messages politiques. Il y a des messages politiques explicites, ce qui est relativement facile à surveiller et à gérer, mais il y a aussi les messages politiques qui ne viennent pas des principaux acteurs. Comment doit-on gérer les messages politiques qui viennent d’un citoyen canadien ordinaire? C’est là qu’il sera réellement important pour nous de voir à ce qu'il y ait une transparence adéquate relativement aux algorithmes.
Il y a une autre chose que j’aimerais voir et que je n’ai pas encore vue. Un des éléments que le gouvernement a cherché à promouvoir dans le cadre de ce projet de loi est le droit à la protection contre la haine ou l’extrémisme violent. C’est important pour moi. La gestion d'Internet et des plateformes en ce qui a trait au contenu sexuellement explicite et dégradant est un dossier sur lequel j’ai travaillé au Parlement. En 2017, la Chambre a adopté à l'unanimité une motion demandant au gouvernement d’étudier les répercussions du contenu sexuellement explicite violent et dégradant.
C’est une question sur laquelle nous ne nous étions pas penchés depuis 1985. Je n’étais même pas né en 1985, alors c’est dire comme cela fait longtemps. Le député de me regarde en hochant la tête. Je ne sais trop ce qu'il veut dire par là à mon sujet ou à propos de lui, mais c’était il y a assez longtemps, avant que je vienne au monde et avant l’avènement d’Internet.
Une étude sur les effets du contenu violent et sexuellement explicite avilissant a été réalisée en 1985. Je me revois très bien, en 1991, aller chez mon oncle. Il avait Internet. J’en avais entendu parler et je voulais voir de quoi il retournait. Il m’a donc montré la prise téléphonique murale. J’ai demandé si c’était tout et il m’a répondu qu’on allait regarder. Il a allumé l’ordinateur. Il avait un écran géant et une grosse tour qui bourdonnait à côté de son bureau. Les députés se souviennent peut-être du bruit qui sortait du haut-parleur quand on se connectait à Internet. Je me souviens de la toute première fois où j’ai vu Internet. Nous sommes allés sur dogpile.com, qui était un des premiers moteurs de recherche. C’était le début d’Internet pour moi, en 1991.
Nous voilà près de 30 ans plus tard et nous nous demandons toujours comment le gérer. Il s’agit d’une autoroute publique de l'information. Nous avons des autoroutes publiques dans tout le pays et le gouvernement gère un système de délivrance de permis pour les personnes qui veulent emprunter les routes et autoroutes publiques. Il n’y a pas de controverse à ce sujet. C’est, semble-t-il, une manière efficace de les gérer. Comme elles sont tangibles et que nous les voyons devant nous, elles sont gérables. En réalité, nous avons affaire à l’autoroute de l’information. Jusqu'ici, il y a très peu de directives sur le rôle du gouvernement dans la gestion des attentes des Canadiens.
Beaucoup de parents à qui j’ai parlé cherchent des outils pour protéger leurs enfants en ligne, et s’entendre dire qu’ils devraient simplement être de meilleurs parents ne les satisfait pas. Ils veulent que les fournisseurs de services Internet les aident. Ils veulent que leur gouvernement les aide. Ils veulent avoir des recours face aux grandes plateformes. Ce serait intéressant à voir.
Le gouvernement dit qu’il ne devrait pas y avoir place pour la haine et l’extrémisme violent sur Internet. Je suis d’accord en principe. Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’imagerie vidéo. Par ailleurs, je suis préoccupé par la liberté de parole et, notamment, par l’utilisation de mots et de messages dactylographiés. Je suppose que c’est un peu plus difficile à gérer. Cependant, notamment en ce qui concerne les images et le contenu vidéo, je crois que la marge de manœuvre du gouvernement est grande, surtout par rapport au contenu violent et sexuellement explicite et extrêmement avilissant que nous voyons depuis 2007.
Depuis, nous en relevons les répercussions sur la société canadienne par un certain nombre d’indicateurs, qui se détériorent d’ailleurs. Nous le voyons particulièrement avec les enfants, dont les indices de solitude et d’isolement grimpent. Tout cela est aggravé par les confinements dus à la COVID.
Nous devons veiller à tenir compte de tout cela. Le droit à la protection contre la haine et l’extrémisme violent est nécessaire et il faut le garantir. C’est à cela que servent les gouvernements. C’est cela que nous devons faire, et le faire bien. Je me réjouis donc de la suite du débat sur ce sujet.
Je voudrais enfin attirer l’attention, car cela me semble intéressant, et j’espère quelques réponses du gouvernement, sur le projet de loi, la procédure de la Chambre et la mise en œuvre du projet de loi au fil du temps. Je dois dire qu’il a été remis sans cérémonie au Parlement. Je ne m’y attendais pas. Je travaille sur ces questions depuis un moment et je ne l’ai pas vraiment vu venir.
J’avais écrit au à ce sujet et je me demandais comment il allait le gérer parce que je me rappelle avoir vu dans sa lettre de mandat qu’il devait essayer d’éliminer la haine et l’extrémisme violent diffusés au Canada par Internet. J’avais quelques idées et des questions à ce propos. Je lui ai donc écrit. Je n’ai pas reçu de réponse annonçant l’arrivée du projet de loi. Je suis donc un peu surpris de la façon dont il a été présenté.
J’aimerais aussi savoir ce qu’il en est de la rumeur qui court à la Chambre selon laquelle le projet de loi sera renvoyé au comité de l’éthique. Je me demande pourquoi. Il me semble destiné au comité de l’industrie, qui examine généralement ce type de texte. Je suis donc dans l’incertitude. Le comité de l’éthique est saisi d’un certain nombre d’autres questions et je me demande pourquoi le bruit court que le projet de loi lui sera renvoyé, alors que le comité de l’industrie semble mieux correspondre à l’orientation souhaitée pour ce projet de loi en particulier.
Je vais continuer de suivre le débat sur le projet de loi. Je m’attends à un débat rigoureux. Je sais qu’étant donné la taille du projet de loi, nous en discuterons pendant un moment, que ce soit à la Chambre, au Sénat ou en comité, et que les Canadiens en général en discuteront aussi.
Je sais que ce sera un sujet chaudement débattu. Je suis impatient de poursuivre les débats et j'attends vos questions.
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Monsieur le Président, j’aimerais dire d’abord que je partagerai mon temps de parole avec le député de Richmond Hill.
J’interviens ici sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin.
D’entrée de jeu, je tiens à remercier le et son équipe d’avoir présenté le projet de loi , Loi édictant la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données. Ce sont des éléments importants au moment où nous nous penchons collectivement, en tant que pays, sur les questions de protection de la vie privée liées à l’énorme quantité de renseignements constamment recueillis et qui existent sur nous tous.
Nous vivons à une époque où, avec un téléphone cellulaire, nous avons plus de renseignements à notre portée que nous en aurions dans plusieurs bibliothèques réunies. Nous pouvons consulter des renseignements personnels sur presque toute personne ayant un profil public et certainement sur toute personne ayant créé un profil sur l’une des principales plateformes, qu’il s’agisse de Facebook, Twitter, Instagram, TikTok ou LinkedIn, et la liste s’allonge.
Ces constats ont soulevé des questions évidentes pour nous tous, comme décideurs politiques ou même comme consommateurs à titre individuel, en ce qui concerne la façon dont ces renseignements sont utilisés, reproduits, copiés et exploités à mauvais escient. Nous avons vu le pire au fil des ans sur des plateformes comme Facebook, où les renseignements peuvent avoir été réutilisés à maintes reprises.
Trois éléments majeurs sont au cœur de ce projet de loi. Le premier et le plus important est le contrôle que les usagers pourront exercer sur les renseignements personnels se trouvant dans les bases de données.
Le deuxième a trait à l’innovation. Je sais que l’intervenant précédent a parlé de l’équilibre dont nous avons besoin pour garantir la liberté d’expression et le respect de la vie privée.
Le troisième élément consiste à veiller à ce que l’innovation se poursuive. L’innovation est absolument importante pour un pays comme le Canada. Je connais de nombreux innovateurs dans ma collectivité qui ont obtenu des succès exceptionnels. J’ai parlé de beaucoup d’entre eux ici. Le campus de Scarborough de l’Université de Toronto est doté d’un centre de coordination qui a vu naître de nombreux innovateurs locaux qui se sont développés dans ma circonscription de Scarborough—Rouge Park.
Des députés connaissent peut-être la société Knowledgehook. Il s’agit d’une société fondée par mon bon ami Travis Ratnam. Elle vient d’obtenir une somme de financement supplémentaire de 20 millions de dollars pour élargir son programme. Il s’agit d’une plateforme qui permet à des étudiants et à des enseignants de collaborer pour utiliser l’intelligence artificielle, concevoir des programmes d’études et faire en sorte que les faiblesses de chaque étudiant sont mises en évidence pour les enseignants afin que ceux-ci puissent y réagir.
Des questions de protection de la vie privée se posent dans toutes ces nouvelles formes de technologie. Nous nous inquiétons du lien qui existe, par exemple, entre des entreprises qui collectent des données à des fins d’assurance — qu’il s’agisse d’assurance-maladie, d’assurance-vie ou d’assurance automobile — et les données en question, qui sont parfois faciles à trouver pour un usage quotidien.
Tous ces enjeux sont devenus plus prononcés à l’époque de la COVID. Nous constatons par exemple que l’enseignement est maintenant en ligne pour de nombreux élèves dont les parents choisissent de les garder à la maison pour qu’ils fassent l'école sur Internet, ou pour de nombreux étudiants d’établissements d’enseignement postsecondaire qui suivent leurs cours virtuellement. Je reviens toujours au campus de Scarborough de l’Université de Toronto, qui est situé dans ma circonscription, mais il y a aussi le collège Centennial, où la plupart des étudiants apprennent virtuellement. Là encore, ces situations ont compliqué les défis à relever pour assurer le respect de la vie privée.
La Charte du numérique dont nous sommes saisis permet réellement aux consommateurs de contrôler leurs renseignements personnels et elle favorise l’innovation et une solide surveillance de l’application de la loi. Malheureusement, ce dernier aspect a été assez faible au Canada au fil des ans. Nous n’avons pas une application de la loi adéquate. En fait, la loi en matière de technologie elle-même est difficile à faire respecter que ce soit au Canada ou dans d’autres parties du monde.
Il est crucial que nous examinions le mécanisme d’application prévu dans ce projet de loi. C’est ce qui rend ce projet de loi accessible aux personnes susceptibles de porter plainte. Le mécanisme d’application prévoit que des personnes soient nommées par décret.
Je tiens à parler de la façon dont notre gouvernement, depuis son entrée en fonction en 2015, a réussi à mettre en place des mécanismes appropriés pour nommer des personnes à ces organismes importants, y compris les tribunaux judiciaires et administratifs, mais aussi à d’autres organismes qui prennent des décisions cruciales.
Nous nous attachons à utiliser un système fondé sur le mérite qui garantit que la personne est parfaitement qualifiée pour prendre des décisions sur une question donnée. Pour ma part, mon travail au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration a été une expérience d’apprentissage fantastique. J’ai vu de mes propres yeux comment la CISR est passée d’un processus de nomination fondé sur le favoritisme à un processus fondé sur le mérite. Nous constatons que les décisions rendues par la CISR reflètent pleinement la qualité des candidats que nous retenons comme commissaires.
Lorsque nous examinons des nominations, nous misons sur la méritocratie, mais aussi sur la diversité. Nous constatons que dans les gouvernements précédents, les nominations à la magistrature ont souvent privilégié les hommes. En réalité, au cours des dernières années, nous avons atteint la parité des sexes. Nous cherchons à la renforcer et nous travaillons à une plus grande diversité parmi d’autres groupes au Canada, dont les personnes handicapées. Je crois qu’un mécanisme d’application est essentiel et nous avons pris des mesures concrètes sous ce rapport.
Fait à noter, ce tribunal pourrait imposer des sanctions pécuniaires. Par exemple, une pénalité de 3 % des revenus mondiaux ou de 10 millions de dollars est prévue pour les organisations qui ne se conforment pas à la loi. Pour une entreprise comme Facebook, Google ou l’une des grandes sociétés, une pénalité de 3 % de leurs revenus mondiaux est considérable. La sanction maximale est de 5 % des revenus mondiaux, ou 25 millions de dollars pour certains types de contraventions.
Le gouvernement et le ont présenté un projet de loi très important. Il semble avoir l’appui de tous les partis. Je suis particulièrement impressionné par la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels qu’il est prévu de créer dans ce projet de loi et par les mécanismes qui permettent aux personnes d’accéder au type de recours requis.
J’attends avec impatience les questions de mes amis d’en face.
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Monsieur le Président, je suis ravi de m'exprimer au sujet de la Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique. J'aborderai l'approche équilibrée prévue dans les dispositions sur la conformité à la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et le contrôle de son application.
Les Canadiens se sont exprimés et ils veulent que leurs renseignements personnels soient bien gérés, sinon, que des conséquences musclées soient infligées aux individus responsables. Par exemple, des conséquences financières seraient un outil efficace pour protéger la vie privée des consommateurs, tout comme aider d'emblée les organisations à respecter la loi.
Je suis fier de pouvoir affirmer que la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs prévoit une approche très équilibrée pour favoriser la conformité et le contrôle d'application, de manière à aider les entreprises à se conformer au respect de la vie privée dès le départ et à appliquer des mesures de contrôle graduelles pour corriger les problèmes au fur et à mesure qu'ils sont relevés. Cette loi inciterait les entreprises à établir une saine gestion des renseignements personnels dès le départ, et confierait un rôle important au commissaire à la protection de la vie privée pour les aider à y parvenir.
En vertu de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, les entreprises pourraient s’adresser au commissaire à la protection de la vie privée pour un examen sans risque de leur programme de gestion de la vie privée et les aider à se conformer à la loi. Le commissaire pourrait également demander un examen de leur programme d’entreprise, sans utiliser ce qu’il trouve pour les forcer à se conformer. Il s’agit d’une étape très importante dans la résolution rapide des problèmes. Dans le cadre du régime actuel de protection de la vie privée, les entreprises régies par la loi sont déjà tenues d’établir un programme de gestion de la vie privée, ce qui serait maintenu dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs.
Les programmes de gestion de la vie privée peuvent couvrir un large éventail de questions, comme la façon dont les entreprises traitent les fournisseurs de service ou les tiers qui appuient leurs activités, la manière dont elles réagissent aux violations de la sécurité, l’évaluation des risques en matière de vie privée, les mesures d’atténuation adoptées, et ainsi de suite.
Toutefois, ce qui est nouveau, c’est de permettre au commissaire à la protection de la vie privée d’examiner ces politiques et pratiques en dehors du cadre d’une enquête. Cela permettrait de disposer d’un espace sûr dans lequel le commissaire pourrait donner des conseils aux entreprises, qui pourraient rapidement prendre des mesures. Pour sa part, le commissaire pourrait constater de visu les défis auxquels les organisations sont confrontées et leurs besoins en matière de vie privée.
Nous savons que ces changements intéresseront grandement les entreprises canadiennes, en particulier les petites entreprises et celles qui démarrent.
La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs reconnaît également que toutes les organisations ne sont pas les mêmes. Certaines traitent de quantités minimes de renseignements personnels, et pour d’autres, ces renseignements sont au cœur de leur modèle d’entreprise. Par conséquent, la Loi permettrait aux entreprises de mettre au point leurs programmes en fonction du volume et de la sensibilité des renseignements personnels qu’elles traitent, ainsi que de leurs revenus.
Le commissaire à la protection de la vie privée a depuis longtemps un rôle dans la recherche et la publication de lignes directrices. Le a également depuis longtemps la possibilité de demander au commissaire d’effectuer des recherches sur des questions liées à la protection de la vie privée. Cette capacité restera dans la Loi. Cependant, le ministre pourra désormais demander au commissaire de procéder à des recherches sur la mise en œuvre ou le fonctionnement de la Loi. Cela aiderait le gouvernement à savoir dans quelle mesure celle-ci fonctionne bien.
Le commissaire à la protection de la vie privée a produit de nombreux documents d’orientation au fil des ans. Nous appuyons ce rôle essentiel. Nous voulons renforcer la pratique de longue date du commissaire à la protection de la vie privée qui consiste à consulter les parties prenantes dans l’élaboration des lignes directrices. Cette pratique serait désormais inscrite dans la loi, de sorte que les orientations pourront être éclairées par ce qui se passe sur le terrain.
Le commissaire à la protection de la vie privée consulterait également les organismes gouvernementaux, le cas échéant. Il peut arriver que la politique gouvernementale ait une influence, par exemple, dans les politiques commerciales ou de santé publique.
Ces derniers mois nous ont montré combien il est crucial pour les organismes fédéraux d’adopter une réponse unifiée à nos défis les plus urgents. En légiférant, nous donnons aux Canadiens la certitude que les orientations ont été débattues avec ceux qui sont sur le terrain.
J’ai mentionné comment le projet de loi garantirait que les organisations tiennent compte de la protection de la vie privée dès le départ. Travailler avec les organisations et donner des conseils individuels est un rôle fondamental du commissaire à la protection de la vie privée. Nous voulons éviter tout problème, mais il y aura des organisations qui ne feront pas les choses correctement.
Cette nouvelle mesure législative confère aux personnes le droit de contester la conformité d'une organisation à l'égard de la loi, et leur permet de déposer des plaintes auprès du commissaire à la protection de la vie privée. Il s’agit là d'un exercice important de leur droit à la vie privée, et le commissaire à la protection de la vie privée conserve sa capacité de lancer une enquête pour faire suite à une plainte lorsqu’il existe des motifs raisonnables de le faire. Elle encourage également la résolution des problèmes le plus rapidement possible dans le processus, et prévoit un mécanisme de règlement des différends.
Les accords de conformité, un nouvel outil créé dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, demeurent dans cette loi sur la protection de la vie privée. Les entreprises sont encouragées à négocier une entente avec le commissaire, sans que des mesures plus formelles comme des ordonnances soient imposées. Si aucun règlement n’est possible en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le commissaire présente des recommandations à l’issue d’une enquête et les tribunaux peuvent être saisis de l’affaire. Le tribunal entreprend alors une nouvelle instance et rendra peut-être une ordonnance. Peu d'affaires, cependant, ont suivi cette voie.
Au titre de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, le commissaire peut également rendre des ordonnances. Pour garantir l’équité, une nouvelle procédure, appelée investigation, sera appliquée au sein du bureau du commissaire à la protection de la vie privée avant que des ordonnances soient rendues. À l’issue de l’investigation, le commissaire présente ses conclusions et ses décisions et peut ordonner à une organisation de modifier ses pratiques pour les rendre conformes.
Le commissaire à la protection de la vie privée peut également recommander des sanctions administratives pécuniaires à un nouveau tribunal pour certaines infractions à la loi. Le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données entendra tout appel d'une décision du commissaire et décidera s’il y a lieu d'imposer des sanctions et, le cas échéant, pour quel montant.
Lors de nos consultations, de nombreuses parties prenantes du secteur ont exprimé leur souci concernant les sanctions, qui peuvent avoir une incidence considérable sur les résultats d’une entreprise et même entraîner la faillite de petites entreprises. En imposant la tenue d’une investigation avant que des ordonnances soient rendues et en séparant l’imposition de sanctions des autres responsabilités du commissaire, la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs assure une plus grande prudence dans les décisions d'imposer ou non des sanctions.
Nous prévoyons que certaines entreprises contesteront les ordonnances et les recommandations du commissaire. Nous ne souhaitons pas alourdir le fardeau des tribunaux. C’est une autre raison de créer un nouveau tribunal, moins officiel qu'une cour de justice et propre à faciliter l’accès à la justice pour les entreprises et les particuliers. Une fois que ce tribunal a rendu une décision, l'entreprise ou le particulier qui le souhaite peut s’adresser à la Cour fédérale et demander une révision judiciaire.
Comme mes collègues peuvent le constater, il s’agit dans l’ensemble d’une approche très équilibrée et progressive. La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs met fortement l’accent sur des activités de conformité proactives, comme l’examen de programmes de gestion de la protection des renseignements personnels, l’élaboration d’orientations et la consultation. En présence d’infractions, l’objectif est la résolution. Si cet objectif ne peut être atteint, les choses deviennent plus formelles. Cette approche graduelle de l’exécution de la loi s'appuie sur l’équité, la transparence et la possibilité réelle pour tous d'obtenir la conformité aux règles, ce que nous savons que les Canadiens souhaitent.
Il a été dit à maintes reprises que la législation sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé devait être plus sévère. Non seulement la Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique réglerait ce problème, mais elle le ferait de manière à ce que les entreprises qui veulent faire ce qu’il faut soient incitées à le faire dès le départ.
Je suis ravi d’avoir eu l’occasion de parler de la façon dont cet important projet de loi fonctionne pour répondre aux préoccupations des Canadiens de manière pondérée.
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Monsieur le Président, c’est un grand honneur de prendre la parole au sujet du projet de loi .
Nous sommes submergés de données qui semblent échapper à tout contrôle, être perdues par des sociétés et parfois volées à des gouvernements. Les données personnelles que nous confions de notre propre gré sont recueillies à la vitesse de l’éclair au moyen de milliards d’octets. Cela a un impact considérable sur notre vie privée et sur ce tout ce qui est retenu ou déduit à notre sujet dans notre vie quotidienne, par exemple si nous avons une bonne cote de crédit ou non, si nous avons les moyens d’acheter une automobile ou lorsque nous allons prendre un verre avec un collègue. Cela est encore plus évident aujourd’hui en cette période de crise sanitaire où nous sommes confinés à la maison et faisons un plus grand usage d’Internet.
Aujourd’hui, des données sont recueillies sur presque tout ce que nous faisons, qu’il s’agisse de prendre un taxi Uber ou de commander un repas. Je crois sincèrement que nous devons nous assurer que les renseignements personnels des gens sont protégés.
Pourquoi est-il important de protéger la vie privée? C’est une question qui a été soulevée dans le cadre du débat mondial sur le sujet et elle est encore plus pertinente en raison de la pandémie qui a conduit des millions de personnes à travers le monde à dépendre des ordinateurs pour accomplir des fonctions nécessaires à leur survie. Dans le discours sur la protection de la vie privée sur Internet ou la surveillance de masse, certains disent que cette invasion à grande échelle ne pose pas de réel danger et que les gens n’ont rien à cacher. Les personnes qui se livrent à ces actes malveillants ont raison de vouloir se cacher et protéger leur vie privée.
Ces arguments supposent qu’il existe de bonnes personnes et de mauvaises personnes dans le monde. Les mauvaises personnes, celles qui complotent pour faire tomber les gouvernements et planifier des attaques publiques, sont celles qui se soucient de leur vie privée. En revanche, il y a de bonnes personnes qui vont travailler, paient des impôts, s’occupent de leurs enfants et utilisent Internet non pas pour détruire la société, mais pour lire les nouvelles ou trouver une recette. Ces personnes ne font rien de mal et n’ont aucune raison de se cacher.
Dans une entrevue menée en 2009, on a interrogé le PDG de longue date de Google, Eric Schmidt, au sujet des différentes façons dont son entreprise portait atteinte à la vie privée de centaines de millions de personnes à travers le monde. Il a répondu à peu près ceci: « Si vous faites quelque chose et vous ne voulez que personne ne le sache, commencez donc par ne pas faire cette chose. » Cette déclaration soulève de nombreuses interrogations, la première étant que c’est ce même Eric Schmidt qui a interdit à ses employés, chez Google, de parler au magazine en ligne CNET après la publication par ce dernier d’un article rempli de renseignements personnels et privés, obtenus exclusivement au moyen du moteur de recherche et des produits Google.
Quelques décennies après la création d’Internet, autrefois considéré comme un outil incomparable de libéralisation de la démocratie, cet outil est devenu une incroyable zone de collecte massive et aveugle de données. En 2018, l’Union européenne a adopté le Règlement général sur la protection des données, un instrument phare qui a envoyé au Canada le signal que notre Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui datait des années 1990, n’avait pas le mordant nécessaire pour s’attaquer aux géants du Web.
Le projet de loi prévoit de nouvelles mesures de protection des renseignements personnels. Le remplacement de la LPRPDE par la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs étofferait les mesures prévues par la loi au lieu de nous obliger à recourir exclusivement aux interprétations du commissaire à la protection de la vie privée. C’est une bonne chose.
La structure comprendra un tribunal de la protection des renseignements personnels et des données qui jouera un rôle clé dans l’application de la loi en examinant toutes les décisions rendues par le commissaire et en infligeant des pénalités en cas de non-conformité. Il y aura un tribunal d’experts composé de trois à six membres, mais ce qui est intéressant, c’est que le nombre d’experts pourrait se limiter à un seul, ce qui est peut-être une lacune dans la loi.
Quels sont ces nouveaux droits à la vie privée? Le premier concerne la mobilité des données. Sous réserve des règlements et sur demande d’un particulier, une organisation doit, dès que possible, communiquer les renseignements personnels qu’elle a recueillis auprès de lui à l’organisation que ce dernier désigne. La mobilité des données est une réalité de la vie, et c’est une bonne chose. Il faudra discuter du format dans lequel les données seront transférées.
En ce qui concerne la transparence des algorithmes, si l’organisation a utilisé un système décisionnel automatisé pour faire des prédictions ou formuler des recommandations, elle doit, à la demande d’une personne, fournir une explication des prédictions, des recommandations ou des décisions, ainsi que des renseignements personnels utilisés pour faire les prédictions. Cela semble être une intention raisonnable et c’est quelque chose qui devrait pouvoir se faire sans déroger au code.
En ce qui concerne la dépersonnalisation, le projet de loi dit ceci:
Lorsque l’organisation dépersonnalise des renseignements personnels, elle veille à ce que les procédés techniques et administratifs utilisés soient proportionnels aux fins auxquelles ces renseignements sont dépersonnalisés...
Enfin, il y a les nouvelles modalités d’application de la loi. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada aura le pouvoir de rendre des ordonnances qui lui permettront d’assurer la conformité à la loi et de recommander des pénalités importantes.
Soit dit en passant, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Dans certains cas, les pénalités recommandées sont les plus sévères du G7, c’est donc dire qu’elles sont élevées. L’éventail élargi d’infractions peut mener à une amende maximale de 5 % des recettes globales de 25 millions de dollars. Il y a aussi des pénalités administratives.
L’un des problèmes que je vois dans tout cela, c’est que la loi et les pénalités semblent menaçantes, mais il faudra se demander si les modalités d’application ont suffisamment de mordant.
La loi comprend des dispositions sur la dénonciation qui protègent les personnes qui ont signalé des cas présumés de violation de la vie privée et un droit privé d’action qui permettra aux particuliers de réclamer des dommages-intérêts pour les pertes ou les préjudices subis en raison de violations de la vie privée.
De nouvelles normes de consentement sont prévues. Il s’agit d’un domaine qui pose un gros problème pour les particuliers. Combien de personnes se sont inscrites à un site qui contient trois pages de renseignements auxquels elles sont censées consentir? Je dirais que très peu de gens prennent le temps de lire cela en détail. Le projet de loi prévoit donc l’utilisation d’un langage clair et la simplification du consentement. Compte tenu de la portée du projet de loi, cela sera peut-être difficile à réaliser, mais c’est un objectif valable.
Les pratiques trompeuses visant à obtenir un consentement au moyen d’informations fausses ou trompeuses rendent le consentement invalide, et les personnes peuvent retirer leur consentement en tout temps. Néanmoins, il reste à savoir si les gens consentent à de multiples activités ou à une seule activité. Cela devrait être clarifié.
Le domaine des données est en grande partie inconnu et cela nous amène à nous demander qui possède nos données. Selon nous, les gens devraient être les seuls propriétaires de leurs données.
Le mot « consentement » revient 68 fois dans le Règlement général sur la protection des données. Il revient 118 fois dans le projet de loi , dans la version présentée à l'étape de la première lecture. C'est excellent. Qui pourrait s'opposer au consentement à fournir des données? Il pourrait sembler paradoxal de remettre en question le consentement dans un monde axé sur la vie privée, parce que cette notion va de pair avec notre autonomie. Dans les faits, ce n'est pas pratique, voire indésirable, et cela explique pourquoi la Loi sur la protection des renseignements personnels se trouve en si piteux état. Il est primordial que la loi soit rédigée de manière à laisser le moins de place possible à l'interprétation.
Le projet de loi énonce certaines normes, comme:
L’organisation peut recueillir ou utiliser les renseignements personnels d’un individu à son insu ou sans son consentement si la collecte ou l’utilisation est faite en vue d’une activité d’affaires mentionnée au paragraphe (2) [...]
Le paragraphe en question indique:
a) une personne raisonnable s’attendrait à une telle collecte ou à une telle utilisation;
b) les renseignements personnels ne sont pas recueillis ou utilisés en vue d’influencer le comportement ou les décisions de l’individu.
Le problème est le suivant: si cela est sujet à interprétation, on pourrait se retrouver avec une interprétation très large. Espérons que cette loi, avec la réglementation qui en découlera, définira clairement ce qui est permis et ce qui ne l'est pas.
Au bout du compte, bon nombre des services que nous utilisons perturbent, façonnent et améliorent notre vie de façons que nous n'aurions même pas pu imaginer il y a à peine quelques décennies. Que cela nous plaise ou non, ce sont les géants du Web qui sont responsables de cette nouvelle réalité. Comme pour tout autre intervenant clé, le gouvernement devrait créer une politique collaborative efficace et sérieuse tout en exigeant des consultations. C'est bien beau de mener des consultations préalables mais, maintenant que nous avons présenté un projet de loi, nous devons nous assurer de bien faire les choses. Nous devons nous assurer que l'industrie — en particulier les petites entreprises — demeure concurrentielle. Le projet de loi sera renvoyé au comité de la protection des renseignements personnels et de l'éthique aux fins d'examen. On pourrait faire valoir de manière convaincante que le comité de l'industrie devrait lui aussi étudier ce projet de loi.
Par conséquent, il faut mener les consultations qui s'imposent. Il n'y a aucune raison de ne pas le faire. J'espère que le gouvernement veillera à ce que le projet de loi fasse l'objet de consultations appropriées.