propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi , qui est identique à l'ancien projet de loi .
Je suis ravi de présenter à nouveau ce projet de loi. Je sais que tous les députés souhaitent que le travail amorcé par l'honorable Rona Ambrose en 2017, lorsqu'elle a présenté le projet de loi , aboutisse enfin grâce à l'adoption rapide de ce projet de loi au cours de la présente session parlementaire.
Malheureusement, une crise de santé publique a interrompu abruptement l'étude du projet de loi par le Parlement ainsi que les travaux du comité de la justice. Cette crise a créé des défis sans précédent dans toutes les sphères de la société canadienne, y compris dans le système de justice. La pandémie a révélé et exacerbé les conditions sous-jacentes qui minent depuis longtemps le système de justice canadien. Elle a mis en évidence le fait que l'accès à la justice est jonché d'obstacles inacceptables pour les personnes les plus vulnérables de notre société. La présentation de ce projet de loi arrive à un moment où la nécessité de protéger les personnes les plus vulnérables n'a jamais été aussi évidente, tout comme l'importance d'avoir un système de justice qui traite tout le monde de manière équitable.
[Français]
Renforcer la confiance du public envers notre système de justice pénale, particulièrement celle des survivantes d'agression sexuelle, est au cœur du projet de loi . Parmi les parties prenantes du système de justice pénale, il est difficile d'imaginer des personnes plus vulnérables que les femmes qui trouvent le courage de porter plainte en cas d'agression sexuelle.
L'objectif du projet de loi est de veiller à ce que les survivantes d'agression sexuelle soient traitées avec dignité et respect lorsqu'elles se présentent devant les tribunaux et à ce qu'elles puissent avoir confiance dans le fait que le juge saisi de la cause appliquera le droit relatif aux agressions sexuelles de façon juste et exacte, conformément à l'intention du Parlement.
[Traduction]
Il n'a jamais été aussi primordial que tous ceux et celles qui servent la population disposent des outils adéquats et fassent preuve de la compréhension nécessaire pour garantir que chaque personne soit traitée avec le respect et la dignité qu'elle mérite, peu importe son parcours de vie ou la situation dans laquelle elle se retrouve. Cela pourrait renforcer la confiance des survivants d'agressions sexuelles et, de manière plus générale, celle de la population envers notre système de justice. Il n'y a aucune place pour les préjugés et les stéréotypes dans nos tribunaux.
Je sais que le gouvernement n'est pas le seul à être déterminé à s'attaquer à ce problème; les parlementaires le sont aussi, toutes régions et allégeances politiques confondues. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui contribuera à faire en sorte que les juges nommés aux cours supérieures suivent une formation continue sur le droit relatif aux agressions sexuelles et sur le contexte social.
En tant que ministre de la Justice et procureur général du Canada, je prends très au sérieux la responsabilité qui m'incombe de préserver l'indépendance judiciaire, un principe constitutionnel qui est un des fondements de notre démocratie. L'indépendance judiciaire exige que les juges soient libres de juger chaque affaire en fonction de son bien-fondé sans ingérence ni influence d'aucune sorte, peu importe la provenance. C'est pourquoi l'indépendance judiciaire requiert un contrôle judiciaire de l'éducation juridique offerte, et je salue le travail qu'accomplissent le Conseil canadien de la magistrature et l'Institut national de la magistrature en la matière au Canada. Pour que ce principe soit appliqué au projet de loi actuel, les efforts du gouvernement visant à garantir la formation des juges sur le contexte social et les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles ne doivent pas compromettre l'indépendance du pouvoir judiciaire.
Dans le même ordre d'idées, je veux exposer les principaux éléments de la mesure législative proposée. Le projet de loi , comme on l'a souligné précédemment, est identique à l'ancien projet de loi , qui était lui-même essentiellement similaire à l'ancien projet de loi d'initiative parlementaire . Il importe de noter également que le projet de loi comprend les amendements apportés au projet de loi , qui avaient été adoptés à l'unanimité par la Chambre des communes et qui visaient à inclure la formation sur le contexte social dans les exigences du projet de loi. Cette condition a précisément pour but de fournir aux magistrats qui sont saisis d'affaires judiciaires les connaissances approfondies et les pratiques exemplaires dont ils ont besoin pour mieux cerner les facteurs socioculturels qu'ils rencontreront vraisemblablement dans le cadre de leurs fonctions.
Le projet de loi comprend également les amendements recommandés par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lors de son étude du projet de loi .
Le premier élément clé du projet de loi est qu'il propose de modifier la Loi sur les juges afin d'exiger que les candidats à la magistrature des cours supérieures s'engagent à suivre une formation portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social. Cela fera partie du processus de demande, et cette exigence deviendra un critère d'admissibilité à une nomination à une cour supérieure.
Il n'est pas facile d'accroître la confiance des gens, surtout celle des survivantes d'une agression sexuelle, à l'égard de notre système de justice pénale et de les convaincre que celui-ci les traitera avec dignité, équité et respect. La tâche est d'autant plus difficile lorsque les médias rapportent que des juges font exactement le contraire. Nous entendons parler de cas très médiatisés où les juges se sont appuyés sur des stéréotypes ou des mythes concernant la façon dont la victime d'une agression sexuelle aurait dû se comporter et ont erré dans l'application d'une loi soigneusement rédigée pour éviter cela.
En obligeant les nouveaux juges à suivre une formation, on veut veiller à ce que la vaste législation et jurisprudence en matière d'agressions sexuelles soient bien appliquées dans les salles d'audience. On s'assurera ainsi qu'ils reçoivent l'éducation et la formation nécessaires pour bien comprendre le contexte social dans lequel ils exercent leurs fonctions, afin que les préjugés personnels ou sociétaux, ou les mythes, et les stéréotypes n'exercent aucune influence sur leurs décisions.
Depuis une trentaine d'années, le droit pénal a énormément changé afin de faciliter la dénonciation des agressions sexuelles, d'améliorer la manière dont l'appareil de justice pénale traite la violence sexuelle et de faire tomber les préjugés discriminatoires contre les personnes ayant survécu à une agression sexuelle, ces préjugés découlant de mythes et de stéréotypes sur la manière dont une « vraie » victime devrait se comporter. Voilà pourquoi le Code criminel interdit désormais toute forme d'activité sexuelle non consensuelle, définit clairement la notion de consentement, précise les circonstances dans lesquelles il ne peut y avoir de consentement et encadre la recevabilité de certains types d'éléments de preuve afin que l'on cesse enfin de perpétuer ces mythes et ces stéréotypes néfastes.
La législation canadienne sur les agressions sexuelles est de bonne tenue, mais elle est inévitablement complexe. S'appliquant à la plus intime des interactions humaines, elle doit, pour être efficace, être comprise et bien appliquée. Voilà pourquoi il est aussi important de sensibiliser les juges et d'adopter le projet de loi .
[Français]
Le deuxième élément clé vise à préciser que, pour élaborer ces formations sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles, le Conseil canadien de la magistrature doit d'abord consulter des groupes et des personnes concernés selon ce qu'il juge pertinent, y compris des survivants d'agressions sexuelles et des groupes qui leur viennent en aide. Ainsi, le Conseil profitera de différents points de vue sur les agressions sexuelles éclairées par le vécu et l'expertise de la collectivité.
[Traduction]
Pour changer la culture de l'appareil de justice pénale, il faudra la collaboration assidue de tous ceux qui en font partie, en plus du soutien des parties intéressées et de la société civile. Toutes les parties prenantes à l'appareil de justice doivent être bien formées, pas seulement les juges. Nous avons d'ailleurs l'intention d'étendre la portée de nos efforts, avec la collaboration des provinces, des territoires et du milieu de la justice, mais nous ne devons jamais perdre de vue le rôle central et déterminant que jouent les juges aux yeux du public.
[Français]
Le troisième élément clé du projet de loi exigera que le Conseil canadien de la magistrature soumette au ministre de la Justice, aux fins de dépôt au Parlement, un rapport annuel faisant état des formations offertes sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et précisant le nombre de juges qui y ont participé. Cette exigence vise à accroître la responsabilisation quant à la formation des juges en exercice sur ces questions et à servir d'incitatif à la participation.
[Traduction]
Le dernier élément du projet de loi modifierait le Code criminel afin d'obliger les juges à motiver leurs décisions prises en vertu des dispositions du Code criminel sur les agressions sexuelles. Cette modification vise à accroître la transparence des décisions judiciaires lors des procès pour agression sexuelle en rendant les motifs accessibles, par écrit ou dans le compte rendu des délibérations. Je tiens à mentionner que la modification proposée pour que les juges donnent les motifs de leur jugement dans les affaires d'agression sexuelle s'inscrit dans le droit fil de trois exigences actuelles.
L'obligation de fournir les motifs sera ajoutée aux autres dispositions du Code criminel touchant les agressions sexuelles. On s'assure ainsi que toutes les dispositions liées aux infractions d'ordre sexuel sont claires et faciles d'accès pour ceux qui les mettent en application. Cela s'inscrit dans un effort visant à empêcher une mauvaise application des dispositions législatives liées aux agressions sexuelles en s'assurant que les décisions dans ces affaires ne sont pas influencées par des mythes ou des stéréotypes au sujet des victimes d'agression sexuelle et du comportement que ces personnes devraient avoir. Cela concorde avec la conclusion de la Cour suprême du Canada, qui a statué que ces mythes et ces stéréotypes déforment la fonction de recherche de la vérité qui est confiée au tribunal.
[Français]
Le fait d'être juge s'accompagne de lourdes responsabilités. Je vais citer l'honorable juge Charles Gonthier, ancien juge de la Cour suprême du Canada:
Le juge constitue le pilier de l’ensemble du système de justice et des droits et libertés que celui-ci tend à promouvoir et à protéger. Ainsi, pour les citoyens, non seulement le juge promet-il, par son serment, de servir les idéaux de Justice et de Vérité sur lesquels reposent la primauté du droit au Canada et le fondement de notre démocratie, mais il est appelé à les incarner […].
Puis, le juge Gonthier a ajouté ceci:
[...] les qualités personnelles, la conduite et l’image que le juge projette sont tributaires de celles de l’ensemble du système judiciaire et, par le fait même, de la confiance que le public place en celui-ci.
Compte tenu du rôle crucial des juges dans le maintien de la démocratie et de la primauté du droit, le public s'attend, à juste titre, à ce que les juges aient une conduite exemplaire. Comme l'a déjà énoncé le Conseil canadien de la magistrature:
[1] Dès que leur nomination à la magistrature est envisagée, et chaque jour par la suite, on s’attend des juges des cours supérieures du Canada qu’ils soient des juristes compétents. On s’attend également à ce qu’ils démontrent des qualités personnelles, telles l’humilité, l’impartialité, l’empathie, la tolérance, la considération, le respect d’autrui et qu’ils aient une bonne connaissance des enjeux sociaux et comprennent les valeurs sociales.
[2] En bref, les Canadiens et Canadiennes s'attendent non seulement à ce que leurs juges connaissent le droit, mais aussi à ce qu'ils fassent preuve d'empathie, reconnaissent et remettent en question toute attitude personnelle ou sympathie qu'ils ont pu avoir dans le passé et qui pourrait les empêcher d'agir avec équité.
[Traduction]
Pour que les juges soient capables de répondre à ces attentes du public, il est impératif qu'ils se tiennent au courant de l'évolution du droit et du contexte social en constante évolution dans lequel ils s'acquittent de leurs fonctions. Pour assurer l'excellence des jugements, les juges doivent posséder des connaissances juridiques aussi pertinentes qu'approfondies afin d'être en mesure de rendre les décisions difficiles et déterminantes propres aux fonctions qui leur sont confiées. C'est pourquoi la formation des juges est un élément essentiel du projet de loi dont nous sommes saisis.
Le projet de loi a été élaboré avec soin pour respecter le principe de l'indépendance judiciaire. Il comprend notamment les recommandations du comité sénatorial visant à apporter des amendements au projet de loi qui ont été soigneusement conçus pour répondre aux préoccupations soulevées par des représentants de la magistrature.
[Français]
À cet égard, je tiens à souligner que des représentants de la magistrature sont venus devant le comité de la Chambre pour réclamer des modifications supplémentaires au projet de loi C-5. Il est important de souligner le dialogue respectueux que les projets de loi et ont amené entre les représentants des branches judiciaires et législatives. J'ai bon espoir que ce sera aussi le cas avec ce projet de loi. Les partenaires dans ce dialogue tiennent tous à ce que le système de justice inspire confiance aux survivantes d'agression sexuelle et les traite avec le respect et la dignité auxquels elles ont droit.
Le Canada a la chance de pouvoir compter sur une magistrature parmi les plus solidement indépendantes, les plus compétentes et les plus réputées du monde. Le Conseil canadien de la magistrature, avec le soutien et la collaboration de l'Institut national de la magistrature, est un chef de file mondial en matière de formation des juges. La magistrature du Canada a très à cœur d'assurer la meilleure formation aux juges. Je salue leur collaboration en la matière. Enfin, le Canada est un pionnier de la sensibilisation au contexte social de la justice.
Dans sa politique en matière de perfectionnement professionnel, le Conseil canadien de la magistrature reconnaît que pour être efficace la formation des juges doit comprendre une sensibilisation au contexte social, de façon à éviter que les décisions judiciaires soient influencées par des préjugés personnels ou sociaux, des mythes et des stéréotypes.
Étant donné l'importance de cet aspect, l'Institut national de la magistrature vise à ce que tous les programmes traitent à la fois des règles juridiques de fond, du développement des compétences et de la sensibilisation au contexte social.
[Traduction]
Il est important de reconnaître la contribution significative du Conseil canadien de la magistrature et de l'Institut national de la magistrature pour permettre aux juges d'avoir accès à la formation dont ils ont besoin.
Au Canada, nous avons la chance d'avoir un système judiciaire solide et indépendant. Il ne faut pas le tenir pour acquis. En tant que parlementaires, nous devons le protéger et le promouvoir. Le projet de loi vise à établir un équilibre entre le besoin légitime d'accroître la confiance du public et le fait de préserver soigneusement la capacité de la magistrature à exercer un contrôle sur la formation des juges.
[Français]
Le gouvernement a consacré aussi des ressources importantes au soutien en la matière. Dans le budget de 2017, il a accordé 2,7 millions de dollars sur cinq ans au Conseil canadien de la magistrature et 500 000 $ par année par la suite pour veiller à ce qu'un nombre accru de juges aient accès à un perfectionnement professionnel, en accordant une importance accrue à la formation tenant compte des questions de sexe, de genre et de sensibilité culturelle.
Notre gouvernement collabore aussi avec les parties prenantes pour assurer la disponibilité des formations pertinentes pour l'ensemble de la magistrature canadienne, c'est-à-dire les juges qui ne sont pas nommés par le gouvernement fédéral.
Cela dit, j'espère que ce projet de loi servira d'appel pour chacun d'entre nous dans le système de justice afin d'examiner attentivement si d'autres mesures pourraient être prises en vue de renforcer la confiance que les survivants d'agression sexuelle et le public ont envers notre système de justice.
[Traduction]
Enfin, après la présentation du projet de loi par Mme Ambrose, un certain nombre de provinces ont emboîté le pas et ont fait de même. Au moins une province, l'Île-du-Prince-Édouard, a adopté une loi similaire et je crois comprendre que d'autres examinent attentivement des réponses stratégiques et législatives. Je signale que d'autres pays ont déjà adopté une loi similaire à celle qui est proposée. Il est temps que toutes nos compétences agissent.
Même si nous croyons qu'il est crucial de présenter à nouveau le projet de loi , ce n'est pas la seule mesure que nous pouvons prendre à titre de gouvernement. Nous avons donné la priorité au soutien des victimes et des survivants d'actes criminels par tout un éventail de moyens, notamment le versement de fonds aux provinces et territoires pour leur permettre d'élaborer de meilleurs programmes, de fournir des conseils juridiques gratuits et indépendants et, dans certains cas, d'assurer la représentation de victimes d'agressions sexuelles. Tel que souligné dans le discours du Trône, le gouvernement s'engage aussi à s'appuyer sur la stratégie de lutte contre la violence fondée sur le sexe et à travailler avec des partenaires sur l'élaboration d'un plan d'action national.
Le projet de loi envoie à tous les Canadiens, en particulier aux survivants d'agressions sexuelles, le message que leurs élus les écoutent, qu'ils se soucient de ce qu'il advient de leurs affaires et qu'ils sont prêts et résolus à prendre toutes les mesures possibles pour que le système judiciaire soit équitable et réactif. Cette responsabilité nous incombe à tous: les législateurs, les juges, les procureurs, les policiers et le public.
[Français]
On constate actuellement un grand élan national en faveur de changements réels et durables dans notre système de justice.
Le présent projet de loi représente une étape modeste, mais importante en ce sens. Il offre l'occasion aux parlementaires d'agir selon leurs convictions et de démontrer à toute la population canadienne, et particulièrement aux survivants d'agression sexuelle, que leur voix est importante, et que si une personne ose dénoncer une agression, elle sera entendue et traitée avec la dignité et le respect que chaque membre de notre communauté est en droit d'exiger.
Je prie chacun de mes collègues parlementaires de franchir ce pas vers un système de justice plus constructif, plus résilient et mieux adapté aux besoins de ceux et celles qu'il sert.
[Traduction]
Je demande à tous mes collègues d'appuyer cet important projet de loi non partisan.
:
Je m'excuse, monsieur le Président. J'étais tellement impatiente de commencer mon intervention que j'ai oublié de demander la permission. Je remercie tous les députés.
C'est assurément un honneur de prendre la parole au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel, concernant les agressions sexuelles. Ce projet de loi revêt une importance spéciale pour moi qui suit une avocate, une femme, une fière maman de quatre enfants, une enfant qui a survécu à la violence sexuelle et, surtout, une défenseure de longue date des victimes d'agressions sexuelles, qu'elles soient hommes, femmes, garçons ou filles.
Le projet de loi , qui était précédemment le projet de loi , a été initialement présenté en février 2017 par Rona Ambrose. Il a reçu énormément d'appui de la part des parlementaires et des intervenants. Je profite de l'occasion pour remercier Mme Ambrose d'avoir présenté cette mesure législative qui se fait attendre depuis trop longtemps et d'avoir soutenu avec ardeur ce dossier crucial.
Les conservateurs ont fièrement appuyé la loi juste au cours de la dernière législature, parce qu'ils reconnaissent que, trop souvent, le système judiciaire fait peu de cas des expériences des victimes d'agressions sexuelles. La loi faisait partie de notre plateforme électorale aux dernières élections. Je suis ravie que l'actuel gouvernement ait mis de côté les considérations partisanes et adopté le projet de loi en mars dernier.
Le projet de loi permettra de restaurer et de maintenir la confiance du public dans l'appareil judiciaire et il garantira aux victimes d'agression sexuelle que ce même appareil de justice les respectera si elles décident de se faire entendre. Nous savons que seule une petite fraction — à peine 5 ou 10 % — des agressions sexuelles sont dénoncées.
J'ai moi-même été agressée sexuellement à l'âge de 12 ans, et j'étais dans la quarantaine quand j'en ai parlé à ma mère pour la première fois. J'étais une enfant et j'avais peur, alors je ne me suis jamais ouverte aux autorités. Selon une étude menée par Justice Canada, environ les deux tiers des personnes qui survivent à une agression sexuelle disent ne pas faire confiance à la police, aux tribunaux et à l'appareil de justice en général — et on sait que le processus peut être encore plus intimidant pour les enfants.
Il faut absolument que les députés canadiens s'attaquent de front à ce problème afin que davantage d'agressions soient signalées aux autorités et que les victimes fassent davantage confiance au système et il faut pour cela qu'ils fassent tomber les obstacles qui dissuadent ces mêmes victimes de se manifester.
Nous devons rendre le processus judiciaire plus transparent en améliorant la formation et la reddition de comptes des juges, et c'est précisément ce que fera la mesure législative à l'étude. Le projet de loi modifiera la Loi sur les juges afin de mieux encadrer les nominations aux cours supérieures en obligeant les personnes qui souhaitent poser leur candidature à suivre une formation continue — il pourrait par exemple s'agir de colloques — portant sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social connexe.
Cette formation aiderait les juges à prendre en considération les questions délicates qui sont souvent au cœur de ces affaires, ce qui leur permettrait de mieux comprendre le contexte social dans lequel les crimes reprochés ont eu lieu. Nous voulons nous assurer que les juges sont suffisamment outillés pour bien comprendre les aspects juridiques à considérer lorsqu'ils examinent les faits propres à chaque affaire. Le projet de loi obligerait également le Conseil canadien de la magistrature à recueillir des données et à en faire rapport annuellement au Parlement pour rendre compte de l'organisation des colloques d'information qu'il conçoit sur le droit relatif aux agressions sexuelles, ainsi que de la participation à ces colloques.
Enfin, le projet de loi modifierait le Code criminel pour exiger que les juges nommés motivent par écrit les décisions rendues à l'égard des cas d'agression sexuelle. Ensemble, ces exigences aideraient les juges de la Cour supérieure à acquérir les connaissances et les compétences nécessaires afin de bien instruire les procès liés aux agressions sexuelles, de tenir compte des difficultés et des traumatismes fréquemment vécus par les victimes, de rétablir la confiance à l'égard du système de justice et de traiter ces victimes avec la dignité et le respect qu'elles méritent.
Ayant pratiqué le droit familial pendant de nombreuses années, j'ai vu de trop nombreux cas où la cause de séparation, de divorce ou de réparation était la violence familiale envers la conjointe, l'épouse, les enfants ou les beaux-enfants.
En tant que membre bénévole du conseil d'administration d'un organisme qui soutient le traitement de la toxicomanie, j'ai vu les effets dévastateurs de la violence sexuelle sur des victimes qui, dans bien des cas, ont réagi en s'automutilant et en sombrant dans la toxicomanie.
En tant qu'ancienne membre du Tribunal canadien des droits de la personne, je comprends également que l'instruction des causes délicates n'est pas tâche facile. Je sais que les juges de partout au pays travaillent fort et longtemps pour assurer l'équité du processus judiciaire.
Cependant, le fait demeure que, à trop de reprises, lorsqu'ils ont à trancher dans de telles affaires, des juges s'en remettent de façon inappropriée à des mythes et à des stéréotypes ou laissent des intervenants les répéter devant le tribunal au sujet du comportement que devrait adopter une victime d'agression sexuelle, ou admettent des preuves qui n'auraient pas dû l'être. C'est inacceptable.
En 2017, la Cour d'appel de l'Alberta a ordonné la tenue d'un nouveau procès pour un Albertain de 55 ans accusé d'avoir agressé sexuellement à répétition sa belle-fille adolescente sur une période de 6 ans. Lors du procès, même si le juge trouvait que les preuves concernant le beau-père étaient incroyables, la cour d'appel a déterminé que le juge s'était appuyé sur des mythes et stéréotypes concernant la façon dont une victime d'agression sexuelle devrait se comporter. Au moment de rendre sa décision de non-culpabilité, le juge de première instance a mentionné qu'il avait des doutes dans cette affaire, parce que la prétendue victime avait affirmé à la police s'entendre « plutôt bien » avec son beau-père et qu'elle avait dit de sa relation avec lui qu'elle était « correcte, j'imagine ».
Dans la décision rendue en première instance, le juge a affirmé ceci:
[...] on pourrait s'attendre d'une victime d'agression sexuelle qu'elle adopte un certain comportement en réponse à l'agression ou, du moins, qu'elle cherche à éviter l'agresseur;
La Cour d'appel de l'Alberta, à raison, a manifesté son désaccord et affirmé ceci:
Cet appel montre bien à quel point les mythes et les stéréotypes sont bien ancrés et qu'il est tentant d'y avoir recours.
Malheureusement, il existe de nombreux autres exemples du même genre.
En 2019, la Cour suprême du Canada a jugé qu'on devrait refaire le procès d'un homme accusé d'avoir agressé sexuellement et assassiné Cindy Gladue, une Métisse, après une mauvaise manipulation des preuves concernant le comportement sexuel antérieur de Mme Gladue lors du procès initial. La juge Karakatsanis a expliqué que l'admission en preuve des antécédents sexuels rendait les jurés plus susceptibles d'accepter le mythe nuisible selon lequel, en raison de son comportement sexuel antérieur, il était plus probable que Mme Gladue ait consenti à l'agression sexuelle présumée, une agression si brutale qu'elle est morte au bout de son sang dans la salle de bain d'un motel.
Par ailleurs, dans l'arrêt R. c. Goldfinch, aussi rendu en 2019, la Cour suprême a conclu que la juge du procès avait commis une erreur en admettant la preuve du comportement sexuel antérieur de la plaignante avec l'accusé, ce qui a pu mener les jurés à statuer sur l'affaire en se fondant sur la croyance erronée que la plaignante avait consenti à l'acte présumé parce qu'elle avait donné son consentement par le passé.
Bref, à bien trop de reprises, les mythes et les stéréotypes ont été omniprésents dans les tribunaux, et les juges comme les jurés ont été indûment influencés par la façon dont, selon eux, une victime d'agression sexuelle devait se comporter. De fausses informations sur l'expérience des victimes d'agression sexuelle et de sévices sexuels ont mené les juges à prendre des mauvaises décisions, provoquant des erreurs judiciaires, et ont donné lieu à des appels et à des nouveaux procès inutiles.
En tant que législateurs, nous devons comprendre que les victimes revivent un traumatisme lorsqu'elles participent à ces procès. La tenue d'un procès en bonne et due forme peut éviter les appels et les nouveaux procès. Les mythes et les stéréotypes n'ont pas leur place dans la salle d'audience. Il faut absolument que le système de justice traite les victimes d'agression sexuelle avec la dignité et le respect qu'elles méritent. Il est essentiel que les victimes d'agression sexuelle aient confiance dans le système judiciaire. Nous devons contribuer à éliminer les obstacles qui ont empêché les victimes de porter plainte. Ce projet de loi, qui propose une formation et une reddition de comptes accrues, répondrait à chacune de ces problématiques et enverrait aux victimes d'agression sexuelle le message clair que le gouvernement du Canada est là pour elles.
Évidemment, le système de justice est fier de reposer sur le principe qu'une personne accusée est présumée innocente jusqu'à preuve du contraire. Je tiens à assurer aux Canadiens que le projet de loi en question et la formation qu'il propose ne porteront pas préjudice à l'accusé; au contraire, il fera en sorte que la balance de la justice soit juste et équilibrée, tout en faisant preuve de compassion et en garantissant que les victimes d'agression sexuelle ont accès à la justice qu'elles méritent et qu'elles puissent de nouveau faire confiance au système.
Je vous invite à vous joindre à moi pour soutenir les victimes d'agression sexuelle en appuyant le projet de loi et leur montrer que leurs voix sont entendues.
:
Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat du projet de loi , qu'on appelle aussi la Loi juste. Il s'agit d'une mesure législative importante. Une première version en avait été présentée en 2017 par l'ancienne chef conservatrice Rona Ambrose. C'était alors le projet de loi , Loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles. Je tiens à remercier Mme Ambrose d'avoir défendu ce projet de loi et son contenu important au cours des quelques dernières années.
Mme Ambrose a toujours été une ardente défenseure des femmes et des victimes d'agression sexuelle. Le projet de loi avait obtenu un appui général de la part des intervenants et des parlementaires de tous les partis. Les conservateurs avaient été fiers d'appuyer la Loi juste au cours de cette législature, reconnaissant que trop souvent le système de justice ne se préoccupe pas du vécu des victimes d'agression sexuelle.
L'adoption de cette mesure législative était également prévue dans la plateforme du Parti conservateur aux dernières élections, ce dont je me félicitais. Je suis heureuse qu'on débatte de ce projet de loi. Je vais maintenant prendre quelques minutes pour parler de cette mesure législative, qui veillera à ce que les victimes d'agression sexuelle soient traitées avec dignité par la justice.
Au bout du compte, le projet de loi vise à instaurer la confiance. La Loi juste exigera des juges qu'ils poursuivent leur formation sur des sujets se rapportant au droit concernant les agressions sexuelles et au contexte social. Les victimes d'agressions sexuelles doivent savoir que les personnes qui entendent leur cause ont la formation, le bagage et la perspective nécessaires pour leur assurer un procès équitable. Pour que les victimes d'agressions sexuelles hésitent moins à signaler leurs agressions, il faut un système judiciaire sur lequel elles peuvent compter pour les traiter de façon équitable.
Il faut aussi un système dans lequel les dispositions législatives concernant le consentement sont comprises. Si l'on tient compte de ces points, il est facile d'appuyer le projet de loi. S'il est adopté, le projet de loi obligera également les juges à fournir les motifs de leurs décisions dans les cas d'agression sexuelle. Il s'agit d'un autre pas important dans la bonne direction qui apportera plus de clarté au processus. En exigeant que ces décisions soient justifiées, nous disposerons de documents qui permettront, notamment, de comprendre le raisonnement d'un juge.
Il y a bien des années, j'ai suivi une formation au Justice Institute of British Columbia à Vancouver parce que j'avais été nommée à un tribunal de réglementation. J'ai appris à formuler clairement par écrit le raisonnement qui m'avait amené à prendre une décision. Lorsque j'ai entendu parler de ce projet de loi pour la première fois, j'ai été surprise de constater qu'il n'y avait rien de tel dans les cas où les juges devaient motiver leurs décisions dans les affaires d'agression sexuelle.
Que les juges expliquent clairement les facteurs qui ont influencé leur prise de décision pour les causes d'agressions sexuelles améliore la transparence, qui est très importante pour les tribunaux et les victimes. En outre, cela pourrait contribuer à ce que les décisions rendues soient plus réfléchies. On entend parler de cas où le système de justice n'a pas respecté le traumatisme des victimes d'agressions sexuelles. La réalité est qu'à l'heure actuelle, il y a des lacunes évidentes dans le processus existant. Ces lacunes ont pour conséquence que les victimes d'agressions sexuelles considèrent que le système de justice échoue lamentablement à respecter leur traumatisme.
Certaines victimes d'agressions sexuelles ont dit qu'elles avaient complètement perdu confiance dans le système judiciaire. Il n'y a pas si longtemps, les victimes d'agressions sexuelles, surtout les femmes, étaient blâmées pour les agressions sexuelles commises contre elles. Avant que des lois ne soient instaurées pour améliorer le processus, il arrivait souvent aux juges de prendre en considération des éléments comme la longueur de la jupe de la femme ou encore l'existence d'une relation antérieure avec son agresseur quand venait le temps de déterminer si l'acte reproché était de nature criminelle.
Bien que ce qui s'est passé à cette époque nous laisse aujourd'hui incrédules, nous sommes encore loin d'avoir les outils qui garantissent que la magistrature, qui est formée pour se pencher sur les cas d'agression sexuelle, agisse au meilleur de ses capacités. En fait, nous constatons que de telles histoires arrivent encore bien trop souvent en 2020, au Canada et partout dans le monde. Je suis certaine que beaucoup d'entre nous en avons des exemples.
Nous avons entendu parler de reproches adressés aux victimes et de stéréotypes. C'est inacceptable et pourtant, cela se fait encore. Une histoire me revient à l'esprit plus souvent que d'autres. Il s'agit d'un juge qui, pendant les procédures judiciaires, a demandé à une victime d'agression sexuelle pourquoi elle ne pouvait pas garder ses genoux serrés. De tels propos sont scandaleux. Ils font ressortir les lacunes dans la formation offerte aux juges en matière d'agression sexuelle.
Selon les statistiques du ministère de la Justice du Canada, 83 % des agressions sexuelles ne sont pas signalées à la police, ce qui veut dire que quatre agressions sexuelles sur cinq ne font l'objet d'aucun rapport de police. Les auteurs de ces agressions ne sont donc pas traduits en justice et ne risquent pas d'être déclarés coupables.
Ces chiffres sont renversants et ils soulèvent d'importantes questions: pourquoi quatre victimes d'agression sexuelle sur cinq estiment-elles qu'elles ne peuvent pas signaler ce qui s'est passé? Est-ce parce qu'elles pensent qu'elles seront blâmées? Est-ce parce qu'elles pensent qu'on ne les croira pas? Est-ce parce qu'elles pensent qu'il manque de preuves? Est-ce parce qu'elles ont honte? C'est peut-être parce qu'elles ont entendu parler d'autres cas d'agression sexuelle qui n'ont pas été pris au sérieux. Malheureusement, je connais une femme qui a décidé de ne pas signaler un incident qui lui est arrivé.
Dans d'autres études menées par le ministère de la Justice dans ce dossier, on a demandé à des victimes d'agression sexuelle d'évaluer leur niveau de confiance dans la police, les processus judiciaires et le système de justice pénale en général. Peu de participants ont indiqué avoir une grande confiance dans ceux-ci.
Le projet de loi permettra d'accroître la confiance au moins dans le système judiciaire. Les victimes d'agression sexuelle seront protégées et elles sauront que le juge responsable de leur cas a reçu une formation récente sur le droit relatif aux agressions sexuelles et qu'il comprend le contexte moderne des situations qui peuvent survenir. C'est important. Si le projet de loi permet d'accroître un tant soit peu la confiance des victimes d'agression sexuelle afin qu'elles signalent à la police ce qui leur est arrivé, il tombe donc sous le sens de l'adopter.
D'autres facteurs importants du ministère de la Justice m'ont frappée. Par exemple, le taux le plus élevé d'agression sexuelle concerne les femmes âgées de 15 à 24 ans et les agressions sexuelles signalées par les victimes sont très souvent commises par une personne que la victime connaît, ce qui n'est pas aussi souvent le cas pour d'autres crimes tels que les agressions physiques et les vols.
Les jeunes femmes doivent croire que le système judiciaire est équitable et être convaincues qu'elles peuvent lui faire confiance, même dans un cas où elles doivent dénoncer une personne qu'elles connaissent. Quel message le système judiciaire envoie-t-il si une jeune femme victime d'agression sexuelle estime qu'elle n'a pas droit à un procès équitable? Le système de justice pénale doit s'efforcer d'éradiquer les stéréotypes et les préjugés.
La Chambre doit tout faire pour améliorer le processus de soutien aux victimes d'agressions sexuelles. Nous devons garantir que les victimes ont droit à un processus équitable et impartial. Toute mesure législative ayant cet objectif devrait être adoptée.
Dans un café de ma circonscription, j'ai discuté avec une femme qui m'a expliqué en détail l'agression qu'elle avait subie. Je ne savais pas quoi lui dire. La seule phrase que j'ai pu prononcer, c'est « je suis vraiment désolée que cela vous soit arrivé ».
Les gens de Kelowna—Lake Country nous écrivent et nous téléphonent, à mon équipe et moi, pour nous parler de la Loi juste et de l'amélioration du processus qui entoure les victimes d'agression sexuelle. J'ai aussi beaucoup de conversations avec les gens de ma région pour savoir quelle a été leur expérience de ce processus à l'échelle locale et ce qu'on pourrait faire, selon eux, pour l'améliorer. Nous savons que ce genre d'agression existe bel et bien dans la région d'Okanagan. La Loi juste est l'un des éléments qui pourront nous aider à régler ce problème.
Je me réjouis à la perspective de voir le projet de loi passer à la prochaine étape du processus parlementaire. C'est une mesure législative importante pour les survivants d'une agression sexuelle. J'espère que les députés voteront en sa faveur.