Que, étant donné que la pandémie et la pression qu'elle exerce sur les finances publiques créent l'urgence de mettre fin aux échappatoires dont certains contribuables se prévalent en utilisant les paradis fiscaux, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait:
a) modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu pour que les revenus que les sociétés canadiennes rapatrient de leurs filiales dans les paradis fiscaux cessent d'être exempts d'impôt au Canada;
b) revoir la notion d'établissement stable pour que les revenus comptabilisés dans des coquilles vides que des contribuables canadiens ont créées à l'étranger pour fins fiscales soient imposés au Canada;
c) forcer les banques et les autres institutions financières de compétence fédérale à divulguer, dans leurs rapports annuels, la liste de leurs filiales à l'étranger et le montant d'impôt auxquelles elles auraient été assujetties si leurs revenus avaient été comptabilisés au Canada;
d) revoir le régime fiscal applicable aux multinationales du numérique, dont les affaires ne dépendent pas d'une présence physique, pour les imposer dorénavant selon le lieu où elles mènent des activités plutôt que selon leur lieu de résidence;
e) travailler à l'établissement d'un registre mondial des bénéficiaires réels de sociétés-écrans pour lutter plus efficacement contre l'évasion fiscale;
f) profiter de la crise des finances publiques, engendrée à l'échelle mondiale par la pandémie, pour lancer auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques une offensive vigoureuse contre les paradis fiscaux, dont l'objectif est de les éradiquer.
— Monsieur le Président, je ne saurais dire à quel point je suis heureux aujourd'hui de m'exprimer sur cette motion. Je remercie d'ailleurs mon collègue de de m'avoir appuyé pour sa présentation.
Alors que nous faisons face à une crise majeure des finances publiques, nous devons nous interroger sur les façons dont nous pourrions finir par rééquilibrer les finances publiques. Deux options viennent toujours à l'esprit des gouvernements: augmenter les impôts ou réduire les services. Cela revient donc à dire: ponctionner davantage d'argent dans les poches des contribuables ou leur imposer un régime d'austérité. Or, pendant que nous évaluons comment administrer cette médecine de cheval à la population, des gens évitent de faire leur devoir et ne contribuent pas à la mesure de leurs moyens.
Cette semaine, lors de son discours au Congrès, le président Biden disait que, selon une étude, 55 des plus grandes entreprises aux États-Unis n'auraient pas payé un sou d'impôt fédéral l'année dernière, bien qu'elles aient réalisé des profits de quelque 40 milliards durant la même période. Comment est-ce possible?
Deux mécanismes permettent aux entreprises de mettre des sous à l'abri du fisc. Il y a d'abord les échappatoires fiscales, qui sont des mesures prévues par la loi. Lorsqu'on est bien nanti, on peut embaucher toute une armée de comptables et de fiscalistes qui permettent de trouver les meilleurs moyens de ne pas payer sa juste part. Tant les entreprises que des individus peuvent y recourir. Le président Biden a fait référence aux gens les plus riches aux États-Unis, qui ont un taux d'imposition moindre que les gens de la classe moyenne. C'est inadmissible, c'est odieux et c'est scandaleux. Il faut donc revoir les échappatoires fiscales.
Il y a également les paradis fiscaux. Qu'est-ce qu'un paradis fiscal? C'est un territoire où les impôts sont presque nuls. Des entreprises créent dans ces territoires des compagnies satellites, des filiales souvent fictives, afin que leurs profits se retrouvent à l'abri du fisc. Ces filiales n'ont aucune raison d'être autre que de permettre aux entreprises d'y mettre de l'argent à l'abri du fisc. Il ne s'y déroule aucune opération ni activité économique. Ce ne sont que des coquilles vides qui permettent aux entreprises d'éviter de payer leur dû à la société.
Qu'ils soient plus ou moins opaques, les paradis fiscaux sont connus de tous et de toutes, tout comme leurs conséquences sur les finances publiques. Ces stratagèmes montés par des experts-comptables et autres financiers ou fiscalistes peuvent aller jusqu'à l'évasion fiscale, permettant de cacher purement et simplement les revenus et les fortunes de leurs clients au fisc. Toutes ces voies sont des moyens que certaines personnes utilisent pour échapper à leur devoir, soit celui de payer leur dû à l'État, alors que le reste des contribuables continuent de contribuer à l'effort.
Ce qui rend la chose d'autant plus inquiétante, c'est que, dans bien des cas, ces paradis fiscaux rendent possible l'évitement fiscal ou l'évasion fiscale et deviennent souvent des maillons essentiels à des activités criminelles internationales, permettant de blanchir l'argent du crime organisé. Les gouvernements constatent, impuissants, la présence de ces paradis fiscaux qui créent une certaine iniquité fiscale entre les pays, ou s'en font carrément complices.
On constate que, avec les progrès technologiques, il est très facile de transférer instantanément des données et des sommes d'argent, ce qui rend les opérations beaucoup plus difficiles à suivre.
En 2016, l'économiste et juriste James S. Henry arrivait à un total ahurissant de plus de 36 000 milliards de dollars américains placés dans des paradis fiscaux. On parle de 36 trillions de dollars américains.
En 2017, pas moins de 40 % des transactions financières internationales auraient transité, d'une manière ou d'une autre, par des paradis fiscaux, selon l'économiste Gabriel Zucman.
Le Fonds monétaire international estime que l'utilisation des paradis fiscaux occasionne, pour les États, des pertes annuelles faramineuses de l'ordre de 800 milliards de dollars. Cela représente environ 600 milliards de dollars par année au chapitre de l'impôt sur le revenu des entreprises et 200 milliards de dollars par année au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers.
Les paradis fiscaux constituent donc un enjeu politique sur lequel la Chambre doit impérativement se pencher. Leur disparition est dans l'intérêt de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Nous ne devons plus donner la part belle aux profiteurs, qui ont intérêt à ce que ces paradis fiscaux perdurent.
Il faut dire que les entreprises canadiennes ne sont pas particulièrement exemplaires en la matière, puisqu'un tiers de tous les investissements canadiens à l'étranger sont faits dans des paradis fiscaux. Selon Statistique Canada, les entreprises canadiennes ont investi, en 2019, 381 milliards de dollars dans les 12 principaux paradis fiscaux.
Toujours en 2019, le directeur parlementaire du budget confirmait qu'il ne s'agissait pas vraiment d'investissements, mais bel et bien d'opérations comptables visant à éviter l'impôt. De son côté, l'Agence du revenu du Canada estimait que l'utilisation des paradis fiscaux par les entreprises canadiennes privait le fisc de revenus atteignant 11,4 milliards de dollars annuellement, dont plus de 75 % proviennent des grandes entreprises. C'est quatre fois plus que ce que l'Agence estimait perdre par l'utilisation des paradis fiscaux de la part des particuliers, dans un rapport publié l'année précédente. Je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a un certain laxisme, et on ne peut pas y assister sans réagir.
En 2018, la se vantait, à la Chambre, que l'Agence du revenu du Canada allait récupérer 15 milliards de dollars grâce à ses enquêtes sur la fiscalité internationale. Le rapport annuel de l'Agence indique un résultat pas mal plus modeste. On y parle d'un maigre 25 millions de dollars, soit 600 fois moins que ce qu'avait estimé la ministre au départ.
Récemment encore, nous avons appris que, cinq ans après la fuite des Panama Papers, l'Agence du revenu du Canada n'avait porté aucune accusation et n'avait réclamé que 21 millions de dollars en impôts impayés, et ce, pour tout le Canada.
Or Revenu Québec, de son côté, a récupéré la somme de 21 millions de dollars, en plus des 12 millions de dollars qu'elle a réclamés et qui ne sont pas encore payés, pour un total de 33 millions de dollars, et ce, pour le Québec seulement. Pourtant, le Québec n'a pas accès aux informations fiscales internationales auxquelles l'Agence du revenu du Canada a accès.
On constate donc que l'Agence du revenu du Canada et le gouvernement fédéral sont des plus laxistes au chapitre de la poursuite des fraudeurs. Le gouvernement fédéral est d'autant plus complice du recours accru aux paradis fiscaux qu'il a littéralement légalisé leur usage.
Dès 1994, le gouvernement libéral de Jean Chrétien a permis aux entreprises de rapatrier leurs revenus qu'elles comptabilisaient à la Barbade, et ce, sans payer le moindre sou d'impôt. Paul Martin, qui était le ministre des Finances de ce gouvernement, a d'ailleurs profité de ce changement réglementaire en y enregistrant sa compagnie Canada Steamship Lines.
Le gouvernement Harper, du Parti conservateur, est même allé plus loin en légalisant 18 nouveaux paradis fiscaux grâce à un changement réglementaire. Il s'en est ajouté cinq depuis, dont trois sous l'actuel gouvernement libéral, dans son mandat précédent, ce qui nous amène à 23 paradis fiscaux légalisés par simple voie réglementaire.
La Chambre des communes n'a jamais eu à se prononcer sur le sujet. Un simple changement réglementaire, qu'on a tenté de camoufler dans un fatras de documents, aura permis ce changement majeur.
Or, comme je le disais, tous ces changements ont été faits par règlement. La Chambre des communes n'a jamais été appelée à se pencher sur le sujet. Le Canada est donc un acteur de premier plan dans les paradis fiscaux à l'échelle internationale, mais on peut se demander s'il le fait pour de bonnes raisons.
En fait, on constate qu'il y a un lien étroit entre le gouvernement fédéral et certains paradis fiscaux des Antilles, puisque le Canada prend la parole non seulement en son propre nom, mais parle aussi au nom de certains de ces paradis fiscaux. Pensons à des pays comme la Barbade, les Bahamas, Antigua-et-Barbuda, le Bélize, la Dominique, la Grenade, la Jamaïque, Saint-Christophe-et-Niévès, ainsi que Sainte-Lucie pour lesquels le Canada est le porte-parole lors des assemblées annuelles du Fonds monétaire international. Il faut le faire!
Ainsi, les paradis fiscaux ont choisi que le Canada défende leurs intérêts dans les institutions financières internationales, mais qui défend les intérêts des Québécoises et des Québécois, et des Canadiennes et des Canadiens?
À cette situation des plus discutables, on constate que les multinationales en lien avec Internet ont droit à une carte chouchou qui leur permet de faire affaire au Canada, sans payer un sou d'impôt. Dans le budget, il y a quelques indications que cela va changer, mais pourquoi a-t-on attendu si longtemps, alors que les entreprises québécoises et canadiennes, elles, paient leurs impôts?
Cette négligence, cette désinvolture, cette complicité fédérale donne évidemment lieu à un important manque à gagner pour les finances publiques. Le Québec n'a guère de marge de manœuvre sur le plan fiscal puisque, pour imposer un revenu, il faut savoir qu'il existe. Or, c'est le gouvernement fédéral qui est signataire des conventions fiscales et des accords de partage de renseignements et il est le seul autorisé à demander des renseignements fiscaux, et ce, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Comme je le disais, le laxisme d'Ottawa entraîne un manque à gagner, notamment pour le Québec qui, comme je le disais aussi, ne dispose pas d'une grande marge de manœuvre. Tout cet argent qui lui échappe serait d'une aide précieuse pour investir notamment dans la santé, l'éducation ou les infrastructures.
Il est également dommage que le projet de loi sur la déclaration de revenus unique n'ait pas été adopté, car il aurait donné à Revenu Québec un accès direct aux renseignements fiscaux étrangers. Cela aurait été une bonne chose puisque Revenu Québec s'est révélé beaucoup plus efficace que l'Agence du revenu du Canada pour récupérer l'argent caché dans les paradis fiscaux. Si Revenu Québec a su mieux faire que l'Agence du revenu du Canada sur la simple base de fuites journalistiques, imaginons ce qu'il pourrait faire en ayant un accès direct aux renseignements fiscaux à l'étranger.
Or, la motion M-69 propose un certain nombre de solutions:
a) modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu pour que les revenus que les sociétés canadiennes rapatrient de leurs filiales dans les paradis fiscaux cessent d'être exempts d'impôt au Canada;
Il faudrait aussi abroger le paragraphe 5907(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu, dont j'ai fait état plus tôt.
b) revoir la notion d'établissement stable pour que les revenus comptabilisés dans des coquilles vides que des contribuables canadiens ont créées à l'étranger pour fins fiscales soient imposés au Canada;
On parle de « coquilles vides » qui n'ont pas d'activité réelle, mais qui devraient faire en sorte que les impôts soient malgré tout payés au Canada.
c) forcer les banques et les autres institutions financières de compétence fédérale à divulguer, dans leurs rapports annuels, la liste de leurs filiales à l'étranger et le montant d'impôt auxquelles elles auraient été assujetties si leurs revenus avaient été comptabilisés au Canada;
En 2019, les six grandes banques canadiennes ont connu une année record et généré des profits de 46 milliards de dollars. C'est 50 % de plus que les profits qu'elles faisaient 5 ans plus tôt. En 2020, malgré la pandémie, elles ont déclaré des bénéfices de 41 milliards de dollars. Même si leurs profits augmentent, leurs contributions fiscales diminuent. On ne peut que présumer que c'est grâce à leurs investissements dans les paradis fiscaux.
d) revoir le régime fiscal applicable aux multinationales du numérique, dont les affaires ne dépendent pas d'une présence physique, pour les imposer dorénavant selon le lieu où elles mènent des activités plutôt que selon leur lieu de résidence;
e) travailler à l'établissement d'un registre mondial des bénéficiaires réels de sociétés-écrans pour lutter plus efficacement contre l'évasion fiscale;
f) profiter de la crise des finances publiques, engendrée à l'échelle mondiale par la pandémie, pour lancer auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques une offensive vigoureuse contre les paradis fiscaux, dont l'objectif est de les éradiquer.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer au débat d’aujourd’hui, qui porte sur la motion M-69.
Mettre fin à l’évasion fiscale et à l’évitement fiscal est une question prioritaire pour le gouvernement. Nous nous sommes mis à la tâche et nous avons fait de grands progrès dans ce dossier. Si la motion M-69 soulève des préoccupations, c'est uniquement à cause de ce qu'il faudrait faire concrètement pour y donner suite. Les Canadiens s’attendent à ce que la fiscalité soit juste et efficace et à ce qu'elle soit conforme à leurs grandes priorités. Ils méritent que ce soit le cas. Les entreprises canadiennes devraient payer leur juste part d’impôt, mais elles devraient aussi être en mesure de rivaliser sur un pied d’égalité avec leurs homologues étrangères afin de pouvoir croître, créer des emplois et payer des impôts au Canada.
C’est à cet égard que les lacunes de cette motion sont les plus évidentes. Elle comprend des éléments qui sont mal ciblés pour atteindre les résultats souhaités et qui pourraient avoir des conséquences néfastes pour les entreprises et les contribuables. De plus, les objectifs qu'elle cherche à atteindre seraient mieux atteints grâce aux mesures gouvernementales de lutte contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal qui sont déjà en cours.
J’aimerais parler de certaines des conséquences de la motion M-69.
La motion propose, par exemple, que les revenus que les sociétés canadiennes rapatrient en provenance de leurs filiales dans les paradis fiscaux cessent d’être exonérés d’impôt au Canada. En bref, la motion préconise une modification de ce qu’on appelle la « règle du surplus exonéré » aux fins de l’impôt sur le revenu. Cette règle permet le rapatriement, par une société canadienne, du revenu d’une filiale qu'elle exploite activement à l’étranger, sous forme de dividendes libres d’impôt canadien, à condition que la filiale se trouve dans un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale ou un accord d’échange de renseignements à des fins fiscales et qu'elle touche le revenu dans ce pays.
En modifiant ces règles de l’impôt sur le revenu, cette proposition représenterait un changement majeur dans la politique fiscale internationale du Canada. Elle paraît bien conçue pour atteindre les objectifs qui sont manifestement visés, mais elle pourrait aussi avoir plusieurs conséquences indésirables.
Premièrement, elle placerait les règles fiscales canadiennes en décalage par rapport aux normes internationales. La règle du surplus exonéré existe au Canada depuis longtemps et est conforme au traitement fiscal que la plupart des autres pays industrialisés appliquent au revenu tiré d’une entreprise exploitée activement par les sociétés étrangères appartenant à leurs résidents.
Deuxièmement, la proposition pourrait nuire à la compétitivité des entreprises canadiennes. L’exonération du surplus s’applique seulement aux revenus des entreprises actives à l'étranger. Elle fait en sorte que les filiales étrangères d’entreprises canadiennes ayant des activités dans des pays avec qui nous avons signé une convention fiscale ou un accord d’échange de renseignements en matière fiscale se voient appliquer des taux d’imposition similaires et se trouvent sur un pied d’égalité avec d’autres entreprises actives dans ces pays. Limiter l’exonération du surplus risque par conséquent de nuire à la compétitivité internationale des entreprises canadiennes qui ont des activités à l’étranger.
Troisièmement, la proposition ne rapportera peut-être pas de recettes importantes, si tant est qu’elle en rapporte, et elle risque en même temps de réduire le montant des bénéfices rapatriés et investis dans des entreprises canadiennes. En fait, elle encouragerait les entreprises canadiennes qui n’ont pas besoin de toucher à court terme à leurs bénéfices gagnés à l’étranger à les laisser à l’étranger pour éviter de payer des impôts à leur rapatriement. Moins de bénéfices réalisés à l’étranger seraient donc rapatriés et investis dans des entreprises canadiennes, ce qui réduirait les revenus canadiens imposables produits par ces investissements ou résultant du versement de dividendes aux actionnaires canadiens.
Par ailleurs, les entreprises canadiennes risquent de payer plus d’impôts sur leurs bénéfices réalisés à l’étranger à des gouvernements étrangers et pas au Canada. Cela pourrait se produire parce que la proposition prévoit de fixer un taux d'imposition minimum des sociétés étrangères affiliées sous lequel la règle du surplus exonéré ne s'appliquera plus. Les entreprises qui doivent rapatrier leurs bénéfices réalisés à l’étranger à court terme et qui souhaitent profiter de l’exonération du surplus seront incitées à dégager ces bénéfices dans des filiales situées dans des pays dont les taux d’imposition sont supérieurs à ce taux, mais inférieurs au taux canadien.
Il y aura moins de bénéfices après impôt à rapatrier et à réinvestir dans des entreprises canadiennes, ce qui réduira aussi les revenus canadiens imposables produits lorsque ces bénéfices sont réinvestis ou distribués aux actionnaires. De plus, le régime fiscal canadien comporte déjà un ensemble de règles qui sont mieux ciblées pour couper court au type d’évasion fiscale que cette proposition semble viser. Ces règles visant le revenu étranger accumulé tiré de biens sont conçues pour empêcher les contribuables d’éviter des impôts canadiens en gagnant des revenus d’investissement ou certains types de revenus très mobiles tirés de l’exploitation active d’une entreprise à l’étranger dans des pays où les impôts sont peu élevés.
Les règles visant les revenus étrangers accumulés tirés de biens assujettissent ces types de revenus à l’imposition canadienne lorsqu’ils sont gagnés par des sociétés étrangères appartenant à des résidants canadiens ou à des sociétés canadiennes, ce qui garantit que le traitement fiscal est le même que si le revenu avait été gagné au Canada. En ciblant les revenus plus mobiles, plutôt que le revenu tiré de l’exploitation active d’une entreprise en général, ces règles évitent dans une large mesure le type d’effets négatifs sur la compétitivité que la motion M-69 entraînerait. La motion offre donc une mauvaise solution là où une meilleure solution existe déjà.
Le gouvernement est déjà conscient des risques que posent les mécanismes de planification fiscale dont les multinationales se servent pour payer moins d'impôt. Nous continuons de mettre en œuvre des solutions qui atteignent les objectifs souhaités sans entraver les entreprises canadiennes. Rappelons que le gouvernement du Canada participe avec 138 États aux travaux du Cadre inclusif de l'OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, afin d'élaborer une approche multilatérale pour la modernisation des règles fiscales internationales. Ces travaux portent notamment sur l'élaboration d'un impôt minimum mondial, un projet qu'on appelle souvent le « pilier deux ». Selon ce nouveau système fiscal, les grandes multinationales paieraient un taux d'impôt minimum convenu et des pays comme le Canada pourraient imposer les bénéfices réalisés à l'étranger quand ils sont réalisés au lieu d'attendre qu'ils soient rapatriés au Canada, si ces bénéfices ont été imposés à l'étranger à un faible taux.
Nous avons pour objectif de décourager l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices en réduisant les avantages qu'il y a à générer des revenus dans des pays où les impôts sont peu élevés et en nous appuyant, pour ce faire, sur un consensus multilatéral, ce qui est plus efficace qu'une approche unilatérale. Les travaux en cours permettraient donc de répondre à bon nombre, voire à la totalité, des préoccupations soulevées dans la motion.
En conclusion, j'ai utilisé mon temps de parole pour parler des graves problèmes associés à un seul des éléments de la motion. Cela devrait amener les députés à réfléchir à la valeur de cette motion. Si le débat continue, je présenterai avec plaisir beaucoup d'autres éléments de réflexion.
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Monsieur le Président, je remercie mon collègue de d'avoir déposé cette motion, quoique je trouve un peu spécial qu'il demande l'appui des députés de la Chambre, tout en critiquant le travail qui a été fait par les conservateurs en matière de lutte contre l'évasion fiscale.
Aujourd'hui, nous avons une autre occasion de démontrer aux Canadiens et aux Canadiennes que les conservateurs sont fermement résolus à lutter contre l'évasion fiscale. Nous croyons qu'il est important de maintenir le sens de l'équité en matière de fiscalité, et ce, à tous les niveaux. En termes simples, ceux qui évitent de payer de l'impôt, ce qui est illégal, ne devraient pas pouvoir s'enrichir sur le dos des Canadiens honnêtes et travailleurs.
Le monde est encore en train de se battre contre la pandémie de la COVID-19. Comme on le sait, les économies ont été secouées et cela a créé beaucoup d'incertitude sur le plan financier. Il est donc plus que jamais important que des mesures soient prises pour garantir la sécurité de nos systèmes fiscaux et la perception de l'impôt par les gouvernements.
Le déficit hors de proportion dans lequel nous plonge actuellement le gouvernement libéral vient renforcer le besoin urgent de mettre un terme à l'évasion fiscale. L'argent qui fuit dans les paradis fiscaux va être nécessaire pour aider les arrière-petits-enfants de nos enfants à payer la carte de crédit illimitée que le gouvernement libéral a entre les mains.
Diverses estimations suggèrent que le Canada perd chaque année entre 5 milliards et 10 milliards de dollars en raison de l'utilisation des paradis fiscaux. Plus précisément, un rapport publié en novembre 2020 par Tax justice Network suggère que le Canada perd chaque année 7,9 milliards de dollars dans les paradis fiscaux. Cela équivaut au salaire annuel d'environ 100 000 infirmières. C'est beaucoup d'argent.
Selon un rapport publié par l'Assemblée nationale du Québec en mars 2017, on estime que les paradis fiscaux ont empêché la province de Québec de percevoir, au moyen de l'impôt, entre 0,8 milliard et 1 milliard de dollars. Selon l'Institut de recherche en économie contemporaine, le Québec perd en fait entre 1 milliard et 2 milliards de dollars. Si l'on se fie à de nombreuses autres estimations, ce chiffre est encore plus élevé.
Le rapport publié par Tax Justice Network estime que le Canada est responsable de pertes fiscales s'élevant à 10 milliards de dollars, qui pourraient aussi être payables à d'autres pays. Bien que les Canadiens aient beaucoup à perdre à cause des pratiques d'évasion fiscale, c'est important d'être conscient que d'autres pays du monde sont également touchés de manière importante par ces pratiques illégales et frauduleuses. Évidemment, il convient de noter que les pays les plus pauvres ont tendance à souffrir davantage des problèmes liés à l'évasion fiscale.
Entre avril 2014 et mars 2020, les tribunaux canadiens ont condamné 263 personnes pour évasion fiscale. Est-ce beaucoup ou peu? On ne le sait pas. Selon les condamnations, ces 263 personnes avaient caché 118 millions de dollars en impôt fédéral. En fin de compte, les amendes ont été de 32 millions de dollars et de 230 années de prison. Cela paraît beaucoup, mais si l'on compare cela aux chiffres réels de l'évasion fiscale au Canada, on se rend compte que c'est très peu. Ce n'est pas une mince affaire, surtout que l'on n'a pas encore réussi à atteindre l'objectif que chacun paie tous ses impôts.
On doit continuer à prendre des mesures pour s'assurer que les impôts sont dûment payés et que ceux qui cherchent à se soustraire à tort de leurs obligations sont tenus responsables de leurs gestes. Les sociétés frauduleuses établies dans les paradis fiscaux ont non seulement évité de payer leurs impôts, mais elles ont également détroussé des travailleurs canadiens de leurs fonds personnels. Un récent cas démontrait que plus de 500 millions de dollars ont été siphonnés du Canada vers l'île de Man, dans le but de cacher de l'argent aux créanciers. Dans ce cas particulier, ce sont d'énormes sommes d'argent, y compris des fonds de retraite entiers, qui ont été perdues en raison d'activités frauduleuses.
Bien que les dirigeants des entreprises impliquées aient été reconnus coupables de fraude, la majeure partie de l'argent qu'ils avaient gagné grâce à leurs activités illégales n'a jamais été retrouvée; ce sont les payeurs de ces fonds de pension qui ont été floués. Malheureusement, ces Canadiens, et plusieurs autres, ont été privés de leurs économies et ces derniers n'auront jamais l'occasion de les récupérer. Il faut donc mettre en place des mesures afin que les fraudeurs ne soient plus en mesure de profiter des Canadiens de cette façon.
Selon le Parti conservateur, les particuliers et les entreprises doivent payer leur juste part d'impôt. L'évasion fiscale des entreprises entraîne des coûts économiques et sociaux importants. C'est tout à fait inacceptable de voir les plus grandes entreprises du monde et les individus les plus riches se moquer du système fiscal canadien, ou de n'importe quel autre système.
Les gouvernements se font voler des milliards de dollars de revenus tandis que de grandes inégalités se créent. En fin de compte, les plus grandes victimes sont les consommateurs, les petites entreprises et l'économie en général.
Tout au long de son histoire, le Parti conservateur du Canada a maintenu un bilan solide en matière de lutte contre l'évasion fiscale et de répression des paradis fiscaux. En fait, l'ancien gouvernement conservateur a introduit plus de 85 mesures visant à éliminer les échappatoires fiscales et à améliorer l'équité et l'intégrité de notre régime.
Par exemple, le budget de 2013 a introduit des changements aux programmes d'observation de l'Agence du revenu du Canada qui ont amélioré l'efficacité et ont accru l'intégrité du régime fiscal en ciblant les fraudeurs fiscaux considérés à haut risque. Ces changements ont fini par générer des revenus annuels supplémentaires de plus 1,5 milliard de dollars.
Pour revenir un peu plus en arrière, le regretté ministre des Finances, Jim Flaherty, avait annoncé une initiative de lutte contre les paradis fiscaux dans le cadre du budget de 2007. Il déclarait à cette époque:
Lorsque des sociétés multinationales utilisent cette échappatoire fiscale, les contribuables canadiens se trouvent à subventionner indirectement les activités internationales de ces sociétés. Notre objectif consiste à rendre notre régime fiscal plus équitable et à réduire encore davantage les impôts et les taxes pour les travailleurs canadiens, tout en préservant l'avantage fiscal global du Canada [...]
Cette initiative de lutte contre les paradis fiscaux avait été lancée dans le but d'empêcher les entreprises multinationales d'utiliser des structures pour générer deux déductions de dépenses pour un seul investissement. De plus, cette initiative visait à nommer un groupe consultatif d'experts chargé de trouver des moyens d'améliorer de manière générale et de tirer parti de l'équité de la compétitivité du régime fiscal mondial du Canada.
Je tiens aussi à rappeler que les conservateurs ont appuyé un rapport de 2016 du Comité permanent des finances portant sur les problèmes d'évasion et d'échappatoires fiscales. Ce rapport recommandait spécifiquement que la Loi de l'impôt sur le revenu soit revue et que des mesures soient prises pour améliorer la coordination entre l'Agence du revenu du Canada et le ministère de la Justice dans les enquêtes et les poursuites liées aux cas d'évasion fiscale.
Le Parti conservateur a toujours été ferme en matière de lutte contre l'évasion fiscale dans le but d'assurer l'équité et la prospérité pour tous les Canadiens. Nous allons toujours continuer dans ce sens.
Cependant, il y a encore beaucoup de chemin à faire. Un rapport de 2019 réalisé par l'Agence du revenu du Canada révèle que 20 % des répondants estiment que les avantages de frauder le fisc l'emportent sur les risques, 13 % estiment que l'évasion fiscale n'est pas si grave, et 26 % des répondants ne pensent pas que leurs tentatives d'évasion seront découvertes. C'est donc dire tout le chemin qu'il reste à parcourir pour contrer l'évasion fiscale. Un message clair doit être envoyé à la population.
Pour en revenir à la motion 69, je veux dire à mon honorable collègue que légiférer sur ces questions devra être fait avec soin et attention et que certains articles de sa motion méritent davantage de réflexion. Cet examen sera pour un autre jour, cependant. Aujourd'hui, le Parti conservateur croit lui aussi qu'il faut, en temps de crise, s'assurer que tous les impôts légalement dus par les Canadiens sont dûment payés; en faire moins serait inapproprié.
J'espère que mes collègues pourront bientôt approfondir ces questions dans le cadre d'une étude du Comité permanent des finances sur l'évasion fiscale. Notre parti a une feuille de route quand même assez étoffée en matière de lutte contre l'évasion fiscale. Nous allons toujours défendre les intérêts supérieurs des Canadiens d'un océan à l'autre.
En conclusion, notre parti va appuyer la motion pour qu'elle soit étudiée en comité. La lutte contre la fraude et l'évasion fiscale est une lourde tâche parce que tous ceux qui les pratiquent disposent de moyens quasi illimités pour éviter de payer leur dû à l'État canadien. Les parlementaires ont un rôle clair à jouer, celui d'envoyer le message tout aussi clair que ces pratiques sont illégales, injustes et inéquitables et qu'elles ne seront jamais tolérées.
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Monsieur le Président, j'espère que vous n'avez pas trop porté attention aux deux derniers discours que nous venons d'entendre, car cela ressemblait beaucoup à la valse des hypocrites.
Ces gens disent une chose et font le contraire. En effet, on cherche des bébites, on cherche des excuses. Quand on trouve des choses qu'on ne veut pas voir, on dit que c'est compliqué, que c'est difficilement applicable ou qu'il faut attendre l'OCDE. Ces gens-là ont des ressources incroyables, mais ils cherchent des faux-fuyants pour ne pas agir.
Nous le voyons autant du côté des conservateurs que de celui des libéraux. En ce qui concerne l'évasion fiscale et l'utilisation des paradis fiscaux, le système a été bâti sous des gouvernements conservateurs et libéraux, avec l'appui des grandes banques canadiennes et des grandes firmes de comptables qui s'amusent, depuis des années, à faire profiter les millionnaires, les milliardaires et les grandes compagnies canadiennes du fait de ne pas avoir à payer leur juste part d'impôt.
Je tiens à dire que le NPD suit le dossier de l'évasion fiscale et de la lutte aux paradis fiscaux et qu'il y travaille depuis des années.
J'ai déjà félicité mon collègue de Montarville pour la motion M-69, que nous débattons aujourd’hui. Je tiens également à souligner le travail du député de Joliette, qui a ce dossier à cœur depuis des années et qui a fait plusieurs interventions à cet égard. Je peux dire que nous allons dans la même direction.
Je tiens toutefois à mettre en garde mes collègues. J'avais déjà déposé une motion au sujet de la lutte aux paradis fiscaux, lors de la précédente législature. La motion que nous avions déposée à la Chambre avait été adoptée, et les libéraux avaient voté en faveur. Toutefois, ils ont par la suite signé de nouvelles conventions fiscales avec d'autres paradis fiscaux.
Je souhaite la meilleure des chances à mon collègue de Montarville. Or il faut faire attention: les conservateurs ou les libéraux peuvent parfois voter en faveur d'une déclaration d'intention, d'un bon principe avec lequel nous sommes d'accord en tant que progressistes et parti politique de gauche, mais cela ne donne pas toujours les résultats escomptés. Espérons que ce sera différent cette fois-ci. Mon collègue pourra toujours compter sur le caucus du NPD pour exiger plus de justice et d'équité dans cette sphère.
Le principe de l'utilisation des paradis fiscaux n'est pas très compliqué. J'en ai parlé plus tôt. Il a été expliqué par bien des gens, notamment par Alain Deneault, qui a écrit le livre Une escroquerie légalisée: précis sur les « paradis fiscaux ». Contrairement à ce que mon collègue conservateur disait, il faut lutter contre toutes les actions qui sont illégales. C'est évident, mais le problème est que l'utilisation des paradis fiscaux, avec toutes les ententes et les traités qui sont signés depuis des années, est en bonne partie légale. C'est le principe de la non double imposition.
Selon ce principe et selon l'utilisation des paradis fiscaux, on ne pourrait pas imposer deux fois un même revenu ou un même profit. Je vais donner un exemple assez simple, soit celui de la Barbade, qui est le plus vieux paradis fiscal avec lequel le Canada a une entente depuis 1980 — si ma mémoire est bonne.
Des gens envoient leur argent, leurs profits ou leurs revenus à la Barbade. Là-bas, ils paient 1 % d'impôt sur ce profit. Une fois qu'ils rapatrieront leurs billes ici, au Canada, ils nous diront qu'ils ont déjà payé de l'impôt. Ils ne voudront pas qu'on impose deux fois le même revenu. Comme il s'agit d'une entreprise, elle devrait payer ici 15 % d'impôt au minimum. S'il s'agit d'un particulier, ce serait 30 % d'impôt, par exemple. Je donne ces pourcentages au hasard, mais le principe est qu'on ne peut imposer leurs revenus deux fois.
Pourquoi, cependant, ne pourrait-on pas annuler l'avantage de l'utilisation des paradis fiscaux en leur disant qu'ils ont été imposés de 1 % à la Barbade, mais que, quand ils reviendront au Canada, quand ils rapatrieront leurs billes pour les mettre dans des comptes au Canada, on devra leur imposer la différence?
On les ferait donc payer l'impôt qu'ils n'ont pas payé ici, au Canada. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire payer 14 % d'impôt à quelqu'un qui n'a payé que 1 % d'impôt sur les profits de sa compagnie parce qu'il les a envoyés à la Barbade?
Cela enlèverait tout incitatif à l'utilisation de tels stratagèmes. Au bout du compte, ils ne paieraient pas plus d'impôt, mais ils paieraient exactement le même pourcentage que les autres citoyens québécois et canadiens et que les autres entreprises, petites ou grandes, au Canada. Cela maintiendrait le principe de l'équité fiscale et enlèverait tous les avantages d'utiliser ces stratagèmes, qu'Alain Deneault appelle non pas la « non double imposition », mais la « double non-imposition », c'est-à-dire qu'on n’est imposé nulle part finalement. On paie là-bas, en impôt, des pourcentages négligeables. Ensuite, on ne paie rien ici sous prétexte que ces revenus ont déjà été imposés.
Selon le député de Montarville, les partis qui se succèdent au pouvoir, libéraux et conservateurs, disent parfois qu'ils sont impuissants. Or, le NPD ne pense pas qu'ils sont impuissants. Nous pensons qu'ils sont complaisants, et même complices, car ils travaillent en fonction de cela. Ils veulent que cela fonctionne ainsi et ils travaillent en commun accord avec les grandes banques canadiennes. Depuis des années, ces dernières ont des succursales dans ces pays à palmiers, où il fait beau et chaud, pour éviter que les plus riches d'entre nous, les millionnaires et les milliardaires, ne paient leur juste part pour nos services publics de santé, de transports en commun, d'éducation, et d'universités bien financées et non privatisées.
Uniquement à la Barbade, le plus vieux paradis fiscal avec lequel le Canada fait affaire, c'est plus de 80 milliards de dollars canadiens qui y sont cachés et auxquels on n'a pas accès. Voilà les conséquences de l'utilisation des paradis fiscaux: cela mine l'égalité entre les citoyens, ainsi que notre capacité à agir.
Les paradis fiscaux se sont multipliés au cours des ans. Un des exemples les plus manifestes et frappants est celui des îles Caïmans, où il se trouve plus d'entreprises enregistrées que de citoyens. Cela peut vouloir dire deux choses: soit leurs habitants ont vraiment un grand sens de l'entrepreneuriat et possèdent chacun deux ou trois compagnies, soit les îles Caïmans sont devenues une espèce de boîte postale où les compagnies font semblant d'avoir une succursale. Des immeubles au complet accueillent uniquement des boîtes postales, permettant à une compagnie de prouver qu'elle y a une adresse et ainsi ne pas payer d'impôts.
Tous ces stratagèmes sont connus et les gouvernements canadiens, dirigés par les partis traditionnels, ne font absolument rien depuis des années. Cela a de grandes conséquences, surtout en ces temps de pandémie où il est nécessaire, non seulement de beaucoup investir pour lutter contre la COVID-19, mais également d'assurer une relance économique qui va être équitable, juste, verte et qui va prendre en considération les changements et l'urgence climatiques. On a l'occasion maintenant de faire les choses autrement.
Les dépenses ou les investissements du gouvernement sont considérables et c'est normal. Nous vivons au-dessus de nos moyens, par contre, et en y réfléchissant, il va falloir à un moment donné faire des compressions. On en reviendra alors au bon vieux discours d'austérité si cher aux conservateurs, selon lequel il faut couper dans les services publics et dans les services aux familles, aux aînés et aux étudiants.
Au NPD, ce n'est pas du tout la voie que nous voulons suivre. Quand on ne regarde que les dépenses gouvernementales sans s'intéresser aussi aux recettes, on fait erreur. Comme parti de gauche progressiste, nous nous disons qu'une bonne partie des recettes que l'on peut aller chercher est le fruit de la lutte contre les paradis fiscaux.
Il faut saisir cette occasion. Il y a quelques années, le ministère des Finances disait que le Canada perd environ 16 milliards de dollars par an à cause des paradis fiscaux, une estimation très prudente. Pour sa part, le Conference Board du Canada parle de plus de 90 milliards de dollars. Cet organisme n'est pourtant pas réputé comme étant une association socialiste internationale qui veut saigner à blanc les grandes banques et les plus riches. Disons donc qu'il s'agit de dizaines de milliards de dollars.
Pourquoi ne peut-on pas, tous ensemble, saisir cette occasion et dire que cela suffit et que l'on met fin à cela? Je comprends qu'il est possible d'accomplir beaucoup de choses plus efficacement en coalition ou de façon multilatérale avec nos partenaires de l'OCDE, et c'est une bonne chose.
Cependant, la plupart des conventions fiscales qui existent au Canada sont des conventions bilatérales, c'est-à-dire entre le Canada et un autre pays. Il n'est donc pas besoin d'attendre que les Nations unies ou l'OCDE agissent. Si elles le font, c'est bien et nous allons collaborer, mais nous pouvons agir de notre propre initiative. Cela nous rapporterait plus d'argent et ce serait plus équitable pour nos entreprises, qui paient leurs impôts de manière tout à fait correcte au Canada.
Le NPD a d'autres mesures à proposer pour augmenter les recettes: un impôt sur la fortune pour les gens qui gagnent plus de 20 millions de dollars par année, ainsi qu'un impôt sur les profits excessifs engrangés par les Amazon ou Netflix de ce monde. À ce dernier sujet, un rapport du directeur parlementaire du budget affirmait qu'un impôt temporaire sur les profits excessifs de ces entreprises pourrait rapporter jusqu'à 8 milliards de dollars par année.
Il faut donc saisir ces occasions et le NPD va être très fier d'appuyer la motion M-69. Elle va dans la bonne direction, mais il y a encore beaucoup d'autres choses que l'on peut faire pour accroître l'équité fiscale. Le NPD a un paquet de bonnes idées à partager sur la question.