CIMM Rapport du Comité
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Les demandeurs d’asile à la frontière canadienne
Introduction
Chaque jour, peu importe la saison, des personnes et des familles entrent au Canada à pied en provenance des États-Unis en quête d’asile. La grande majorité le fait au Québec, au chemin Roxham, à un jet de pierre du point d’entrée officiel de Saint‑Bernard-de-Lacolle. À la suite d’une motion adoptée le 28 octobre 2022[1], le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes (le Comité) a étudié les conditions des demandeurs d’asile, en mettant l’accent sur ceux qui arrivent par ce chemin. Entre le 15 novembre 2022 et le 25 novembre 2022, le Comité a entendu 27 témoins et a reçu deux mémoires.
Le chapitre 1 du présent rapport trace les grandes lignes du cadre législatif et des processus à la frontière entre le Canada et les États-Unis. Le chapitre 2 traite de l’avenir de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis, en commençant par des statistiques et de l’information au sujet du passage de clandestins. Le chapitre 3 décrit l’incidence des retards sur les demandeurs d’asile et les pressions exercées sur la communauté d’accueil, mais présente également des exemples de réussite de demandeurs d’asile et de personnes protégées au Canada, ainsi que leurs contributions en tant que membres de notre société.
Chapitre 1 : Cadre législatif et formalités à la frontière
Dans le présent chapitre, on décrit brièvement la législation canadienne qui a une incidence sur les mouvements des migrants à la frontière : la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)[2], l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) entre le Canada et les États-Unis, ainsi que la Loi sur la mise en quarantaine. Il donne également un aperçu des processus que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ont élaboré pour intercepter et contrôler les demandeurs d’asile à la frontière. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) assument également des responsabilités envers les demandeurs d’asile.
Cadre législatif du Canada lié aux demandeurs d’asile
Le Canada, en tant que signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés des Nations Unies et de son protocole de 1967[3], a intégré ses obligations internationales à sa loi nationale, la LIPR[4]. Comme Rema Jamous Imseis, représentante du Canada, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’a indiqué :
Garantir un accès sûr et sans entrave aux procédures de demande d’asile est une obligation juridique que le Canada, ainsi que 148 autres États, s’est engagé à respecter. Nous comprenons que la tâche d’accueillir des demandeurs d’asile et de veiller à la protection de ces droits essentiels présente toujours son lot de défis[5].
Le système d’octroi de l’asile au Canada est un programme complètement distinct du programme de réinstallation qui concerne les réfugiés vivant à l’extérieur du Canada[6]. Les objectifs de la LIPR sont clairs en ce qui concerne les demandeurs d’asile :
c) de faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d’une procédure équitable reflétant les idéaux humanitaires du Canada;
d) d’offrir l’asile à ceux qui craignent avec raison d’être persécutés du fait de leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques, leur appartenance à un groupe social en particulier, ainsi qu’à ceux qui risquent la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités[7].
Les ressortissants étrangers qui demandent l’asile lors de leur entrée au Canada sont examinés au point d’entrée par des agents de l’ASFC qui sont des agents d’immigration désignés[8]. Ces agents doivent déterminer si la demande est recevable et peut être déférée à la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la CISR[9]. Au paragraphe 101 (1) de la LIPR sont énoncés sept motifs pour lesquels une demande peut être jugée irrecevable et ne peut être renvoyée à la CISR. Ces motifs sont liés à l’admissibilité de la personne au Canada[10], à ses antécédents de demandes au Canada[11] ou à ses antécédents de demandes dans un autre pays. Depuis décembre 2004, l’alinéa 101 (1) e) de la LIPR rend une demande irrecevable si la personne est arrivée au Canada en passant par les États-Unis sans y présenter une demande. Pendant que leur demande est en cours d’examen, les demandeurs d’asile ne peuvent pas être traduits en justice parce qu’ils ne disposent pas des documents appropriés, ou en raison de la façon dont ils sont entrés au Canada[12].
Les demandes d’asile sont entendues par la CISR. Les personnes dont la demande est jugée fondée reçoivent le statut de personne protégée. Si la demande est rejetée, et que la personne a épuisé tous ses recours, le gouvernement du Canada a l’obligation de ne pas la renvoyer dans un pays où elle risque la persécution, un concept appelé « non-refoulement », et de proposer un examen des risques avant renvoi[13]. L’ASFC est responsable du renvoi des demandeurs d’asile déboutés[14].
L’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les pays tiers sûrs
L’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique pour la coopération en matière d’examen des demandes de statut de réfugiés présentées par des ressortissants de pays tiers (l’Entente sur les tiers pays sûrs, ou ETPS) a été signé le 5 décembre 2002[15] et est entré en vigueur le 29 décembre 2004[16]. Il réaffirme que les demandeurs d’asile doivent présenter leur demande d’asile dans le premier pays où ils peuvent le faire. Cela signifie qu’à un poste frontalier officiel (également appelé point d’entrée), les demandeurs d’asile en provenance des États-Unis ne peuvent pas présenter une demande d’asile et ne seront pas admis au Canada à moins d’être visés par une exception, par exemple s’il s’agit de mineurs non accompagnés ou de personnes ayant de la famille au pays. Comme Richard Wex, président et premier dirigeant, CISR, l’a rappelé : « l’[ETPS] a été conclue […] à la faveur des négociations canado-américaines sur le périmètre de sécurité. Celles-ci ont pris plus d’acuité après le 11 septembre[17] ». Les États-Unis sont le seul pays désigné dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR)[18] à répondre aux critères énoncés à l’article 102 de la LIPR, comme être signataire de la Convention sur les réfugiés de 1951 et de la Convention contre la torture de 1984, ainsi qu’être doté de politiques et d’usages respectant les obligations découlant de ces conventions[19].
Aaron McCrorie, vice-président, Renseignement et exécution de la loi à l’ASFC, a expliqué que l’ETPS « s’applique aux personnes qui présentent une demande d’asile à des points d’entrée désignés, mais pas aux demandeurs d’asile qui entrent au Canada ailleurs qu’aux postes frontaliers officiels. […] [L’]ASFC ne peut pas refuser l’entrée aux demandeurs d’asile qui arrivent des États‑Unis par le chemin Roxham[20]. »
En 2017, des demandeurs d’asile ont commencé à traverser la frontière sans passer par un point d’entrée officiel en grands nombres (notamment au Québec, au Manitoba et en Colombie-Britannique), ce qui a poussé le Comité à étudier cet enjeu en 2017 et en 2018[21]. Consignées pour la première fois dans les statistiques en 2017, ces personnes sont désignées comme des personnes ayant franchi la frontière de façon irrégulière, par opposition aux personnes qui présentent une demande d’asile directement à un poste frontalier officiel (dans un aéroport ou à un bureau intérieur).
En réponse à cet afflux, en 2017, IRCC a lancé une importante campagne d’information aux États-Unis afin de dissiper les mythes à propos du système d’immigration canadien[22]. Christiane Fox, d’IRCC, a indiqué que l’honorable Ahmed Hussen (qui était alors ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté) s’était rendu au Nigeria, tandis que l’honorable Pablo Rodriguez et Emmanuel Dubourg, député, étaient allés aux États-Unis pour renseigner les membres de diverses communautés au sujet du système d’octroi de l’asile du Canada[23]. IRCC souligne qu’il y a eu une diminution des volumes de demandes d’asile irrégulières en 2018 et en 2019[24].
Par conséquent, le Comité recommande :
De décourager les passages irréguliers à la frontière
Recommandation 1
Que le gouvernement du Canada s’efforce activement de décourager les passages irréguliers à la frontière par le chemin Roxham et ailleurs au moyen de déclarations publiques, de messages sur les médias sociaux et de visites dans des pays sources importants pour parler aux médias et décourager ce genre de passages tout en encourageant l’immigration régulière des nouveaux arrivants potentiels par les nombreuses voies qui s’offrent à eux.
La Loi sur la mise en quarantaine : La fermeture de la frontière (2020–2021)
Les arrivées massives au chemin Roxham ont ensuite connu une forte baisse en 2020 et en 2021[25], lorsque la frontière était fermée aux ressortissants étrangers, en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine, dans le contexte de la pandémie de COVID-19[26]. Comme l’entrée leur était interdite, les ressortissants étrangers en provenance des États-Unis qui voulaient présenter une demande d’asile étaient renvoyés aux États-Unis[27]. Un décret à cet effet a été renouvelé tous les mois jusqu’en novembre 2021[28].
Lorsque les restrictions liées à la COVID-19 ont été allégées au chemin Roxham en novembre 2021, le nombre de demandeurs d’asile a grimpé en flèche. À titre comparatif, en octobre 2021, 96 demandeurs d’asile ayant franchi la frontière de façon irrégulière ont présenté des demandes d’asile. En novembre 2021, le nombre de demandeurs a atteint 832 et il est passé à 2 778 en décembre de la même année[29].
Processus au chemin Roxham et à Saint-Bernard-de-Lacolle
Lorsqu’on pense aux événements qui se produisent dans le monde, on constate que le grand volume de demandeurs d’asile à la frontière n’est pas un phénomène exclusif au Canada. Il est d’ailleurs peu probable que cette tendance s’inverse prochainement étant donné l’absence d’action politique visant à s’attaquer aux causes profondes des déplacements de population, de l’intensification des conflits, de l’insécurité et des effets des changements climatiques dans de nombreux pays à l’échelle du globe. Cela demande une approche permettant de concilier des priorités concurrentes de la part des autorités (comme assurer la sécurité du Canada), tout en tenant compte des réalités vécues par une population vulnérable. Michael Duheme, sous-commissaire de la Police fédérale, GRC, a indiqué au Comité :
Le Canada, comme d’autres pays occidentaux, doit gérer la migration irrégulière croissante, ce qui implique de répondre aux besoins humanitaires, tout en veillant à ce que les personnes qui pourraient représenter une menace pour la sécurité publique ne soient pas admises au Canada[30].
Rema Jamous Imseis, du HCR, a dit que, le plus frappant, c’était « l’approche humaine et pleine de dignité des autorités et la manière organisée dont le Canada traite ces demandes[31] ». Eva-Gazelle Rududura, vice-présidente, Unis pour une intégration consciente au Canada, a indiqué à quel point elle était surprise de « [n’avoir] aucune plainte de gens qui ont souffert d’avoir utilisé le chemin [Roxham]. […] Tout le monde était reconnaissant de l’accueil canadien[32]. » On peut voir le chemin Roxham et sa proximité avec le poste frontalier officiel, à Saint-Bernard-de-Lacolle, sur la carte qui se trouve à l’annexe A.
La Gendarmerie royale du Canada
Le Comité a appris que la GRC comptait jusqu’à 800 agents au Québec, et qu’environ 120 d’entre eux étaient actuellement affectés à la région du chemin Roxham, où ils effectuaient des patrouilles à la frontière[33]. Le sous-commissaire Michael Duheme a indiqué au Comité que le mandat de la GRC est complexe et que l’organisation accorde normalement la priorité aux crimes graves, au crime organisé, aux crimes financiers et à la sécurité nationale[34].
Lorsque la GRC intercepte une personne qui tente d’entrer illégalement au pays entre les points d’entrée, elle l’arrête en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi sur les douanes[35]. Une évaluation préliminaire des risques est effectuée dans un délai de 24 heures afin de déterminer si la personne pose une menace pour le Canada ou les Canadiens. L’évaluation des risques comprend une entrevue, l’examen des documents personnels et la fouille des effets personnels afin de confirmer l’identité de la personne. On procède à des vérifications des antécédents afin de déterminer s’il y a eu participation antérieure à des activités illégales, y compris, par exemple, le trafic de drogue, des liens avec le crime organisé ou des liens avec le terrorisme[36]. Le surintendant Martin Roach, agent responsable des enquêtes criminelles par intérim, GRC, a indiqué que, parmi les personnes qui avaient été interceptées au chemin Roxham, certaines étaient liées à des actes criminels, notamment en ce qui concerne la pornographie juvénile et le crime organisé. Il y a également eu des cas dans lesquels les arrivants faisaient l’objet de mandats d’arrestation aux États-Unis pour d’autres infractions criminelles[37]. S’il n’y a aucun élément de criminalité, les demandeurs d’asile sont transférés à l’ASFC[38].
Le Comité recommande donc :
Financement pour la Gendarmerie royale du Canada
Recommandation 2
Que le gouvernement du Canada finance adéquatement la Division C de la Gendarmerie royale du Canada afin qu’elle puisse s’acquitter de ses fonctions dans la province de Québec, notamment ses activités opérationnelles courantes au chemin Roxham, jusqu’à ce que le gouvernement puisse réduire les passages irréguliers à cet endroit, dont le nombre augmente rapidement.
L’Agence des services frontaliers du Canada au point d’entrée
Une fois que la GRC a transféré les demandeurs d’asile à l’ASFC, leur dossier est traité à Saint-Bernard-de-Lacolle. Ce point d’entrée est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et l’ASFC doit déterminer l’admissibilité du demandeur d’asile au Canada ainsi que la recevabilité de sa demande sous le régime de la LIPR. Avant que les demandeurs d’asile « puissent quitter le point d’entrée, ils doivent d’abord se soumettre à un contrôle de santé et de sécurité rigoureux. Cela comprend des vérifications biographiques et biométriques, ainsi que des vérifications de sécurité et d’antécédents criminels[39]. » Lors des vérifications de sécurité, les agents se penchent sur la criminalité de la personne et cherchent à déterminer si elle pose un risque pour le Canada ou les Canadiens. À la frontière, les agents de l’ASFC doivent également déterminer si une demande est jugée recevable et peut être renvoyée devant la CISR pour une audience. Cette décision repose sur trois facteurs principaux : si la personne a commis un crime grave, si elle a déjà présenté une demande au Canada ou si elle a déjà obtenu la protection d’un autre pays.
Aaron McCrorie a indiqué combien de temps il fallait aux agents qui travaillent au point d’entrée pour traiter une demande, et pourquoi : « [I]l faut de quatre à six heures pour l’examen en personne[40] ». Il a expliqué que le délai « dépend de plusieurs facteurs, comme le niveau de détail des renseignements fournis par le demandeur, la disponibilité des renseignements supplémentaires et le fait qu’il y ait lieu ou non de faire d’autres recherches[41] ».
L’ASFC a investi dans des mesures d’hébergement à court terme pour que les demandeurs d’asile disposent d’un espace d’attente approprié pendant le traitement de leur demande : il y a des lits, des douches, des repas et des soins médicaux[42]. Appolonie Simbizi, secrétaire générale, Alliance des Burundais du Canada, a indiqué que son organisme « salu[e] les efforts du gouvernement fédéral, qui a mis en place, tout près du chemin Roxham, des infrastructures de base pour prendre en charge les demandeurs d’asile[43] ».
En raison du volume de demandeurs d’asile, l’ASFC a adapté ses processus, ce qui signifie que les demandeurs d’asile quittent la frontière avec des documents intitulés « Entrée avec examen ultérieur » et « Accusé de réception de la demande d’asile »[44]. L’accusé de réception de la demande d’asile permet à son détenteur d’avoir accès au Programme fédéral de santé intérimaire. Christiane Fox d’IRCC a indiqué au Comité que la CISR, l’ASFC et IRCC se partagent le mandat du système d’asile[45]. Si le demandeur d’asile en fait la demande, l’ASFC lui fournit un formulaire « Fondement de la demande d’asile », qu’il doit remplir. Richard Wex a informé le Comité que la CISR avait prolongé les délais de dépôt et prévu une période transitoire pour la région du Québec (de l’information de base sur le fondement de la demande d’asile doit être fournie dans un délai de 15 jours suivant l’acheminement du dossier)[46]. IRCC est responsable des demandes d’asile présentées au Canada à un de ses bureaux. Pour les demandeurs d’asile à la frontière, Christiane Fox a expliqué que, pendant la durées des mesures de quarantaines imposées par le gouvernement, « en raison du risque pour la santé publique [attribuable à la COVID-19] il a été décidé que le gouvernement paierait les hôtels, et considérant les niveaux actuels, le gouvernement a convenu de continuer à payer[47] ».
Chapitre 2 : Les préoccupations à l’égard du chemin Roxham et l’avenir de l’entente sur les tiers pays sûrs
Les principales préoccupations entendues à propos du chemin Roxham sont le nombre élevé de migrants irréguliers qui arrivent à la frontière, les traumatismes vécus par les réfugiés tout au long du processus et le risque de passage clandestin. Le présent chapitre porte aussi sur l’avenir de l’ETPS, et cherche à déterminer si les États-Unis constituent un pays sûr pour les réfugiés.
Les passages irréguliers en chiffres
L’ampleur de la migration irrégulière dans le monde entier
D’après les statistiques du HCR, un nombre sans précédent, soit 103 millions de personnes dans le monde ont été déplacées de force de chez elles en raison de persécutions, de conflits et de violences au cours des six premiers mois de 2022. Sur ce nombre, 4,9 millions de migrants ont présenté une demande d’asile et n’ont eu d’autre choix que de demander la protection d’un autre pays. Sur ces 4,9 millions de migrants, le Canada accepte moins de 1 % des demandes des réfugiés du monde[48]. De fait, l’afflux total de migrants a connu une hausse au fil des ans, mais la contribution proportionnelle du Canada à la migration humanitaire mondiale a diminué[49].
L’emplacement géographique du Canada est un élément essentiel pour comprendre pourquoi le pays accueille une petite proportion des réfugiés de partout dans le monde. L’accès physique au territoire est limité, étant donné que le pays est entouré de trois océans (au nord, à l’ouest et à l’est) et des États-Unis à sa frontière sud[50]. Malgré son éloignement relatif, le Canada ne s’est pas détourné de ses obligations internationales liées à la migration humanitaire, notamment en ouvrant des voies administratives pour les ressortissants étrangers cherchant à se mettre à l’abri d’une crise internationale (c’est-à-dire en Syrie, en Afghanistan et en Ukraine)[51]. Dans ces cas, des mesures et des programmes ont été mis en place pour régulariser et documenter les migrants avant leur arrivée au Canada. Néanmoins, même si elle n’est pas comparable avec les mouvements migratoires alarmants observés dans la Méditerranée ou à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, la migration irrégulière par le chemin Roxham exerce une pression considérable sur les structures et systèmes en place au Canada[52].
L’ampleur de l’immigration canadienne irrégulière
À la fin de novembre 2022, IRCC a estimé que de 84 000 à 94 000 réfugiés présenteraient une demande d’asile au Canada en 2022, et que, sur ce nombre, de 45 000 à 50 000 réfugiés entreraient au pays de façon irrégulière[53]. Ces chiffres dépassent de beaucoup le précédent record établi en 2017 pour le nombre d’entrées irrégulières au Canada, lorsque 18 836 demandeurs d’asile sont entrés au Canada illégalement[54]. Selon IRCC, ils justifient la tenue de discussions avec le gouvernement des États-Unis en ce qui concerne l’ETPS[55].
Ces projections sont utiles pour IRCC, mais la distinction entre les demandes d’asile des réfugiés régulières et irrégulières n’est pas pertinente du point de vue de la CISR dans le contexte des processus de demande. Comme l’a fait remarquer Richard Wex :
Pour que tout soit bien clair, la Commission ne fait aucune distinction dans son processus décisionnel entre les demandeurs réguliers et les personnes qui franchissent la frontière de façon irrégulière. Pour la décision qu’elle a à rendre, c’est sans conséquence[56].
Un migrant irrégulier bénéficiera donc du même niveau d’équité procédurale qu’un migrant régulier, et le fait qu’il y a eu un passage irrégulier ne sera pas pris en compte par la CISR lorsqu’elle évaluera la crédibilité d’un demandeur d’asile. L’afflux de réfugiés arrivant au chemin Roxham a néanmoins des conséquences directes sur les retards dans le traitement des dossiers, de même que sur l’intégrité et la qualité du travail effectué au sein de la CISR[57].
Le HCR souligne que 61 % des personnes admissibles, mais arrivées irrégulièrement au pays, ont eu gain de cause et ont été acceptées en tant que personnes protégées au Canada[58]. De plus, le tiers des demandeurs d’asile arrivés au pays de façon irrégulière sont acceptés à titre de réfugiés par la Section d’appel des réfugiés de la CISR[59]. En comparaison, le taux d’acceptation moyen pour l’ensemble des demandeurs admissibles demandant l’asile au Canada est de 66 %[60]. Selon le HCR, ces chiffres illustrent le bien-fondé des demandes d’asile présentées par les migrants irréguliers, de même que la fiabilité et la sophistication du système d’octroi de l’asile du Canada.
L’augmentation marquée de migrants irréguliers a été observée ailleurs au Canada[61], mais la grande majorité des passages irréguliers au pays se produisent au chemin Roxham, au Québec. IRCC a affirmé que 90 % des entrées irrégulières au Canada avaient lieu à cet endroit[62]. La GRC a soutenu cette affirmation, et a indiqué qu’entre 2017 et 2021, 95 % des interceptions effectuées par la GRC après des passages illégaux ont eu lieu au chemin Roxham[63]. Ces observations ont poussé IRCC à reconnaître l’importance de réaffecter des ressources d’autres régions vers le Québec, et de partager adéquatement la charge de travail avec leurs partenaires provinciaux[64]. Le chapitre 3 porte sur ces questions.
Les traumatismes vécus par les demandeurs d’asile et les répercussions de l’entrée irrégulière
Expériences traumatisantes vécues par les demandeurs d’asile qui traversent la frontière de manière irrégulière pour venir au Canada
Les chiffres peuvent jeter un certain éclairage sur la question qui nous occupe, mais ils ne permettent pas d’illustrer toute la détresse vécue par les migrants qui entrent de façon irrégulière au Canada. Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont pu faire la lumière sur ces expériences traumatisantes. Que ce soit en parlant de leurs plus récentes visites au chemin Roxham ou en rapportant les histoires de migrants qu’ils ont rencontrés dans le cadre de leur travail, les témoins ont relaté des histoires déchirantes au Comité aux fins de la présente étude. Cette section portera sur les traumatismes et fournira des détails pouvant s’avérer perturbants pour certains lecteurs.
Frantz André, porte-parole et coordonnateur, Comité d’action des personnes sans statut, a parlé, en tant que membre de la communauté haïtienne du Canada, des expériences vécues par les demandeurs d’asile haïtiens arrivant au pays par le chemin Roxham, étant donné qu’une grande proportion des migrants arrivant par cet endroit sont d’origine haïtienne :
Leur arrivée par le chemin Roxham est qualifiée d’« irrégulière ». Ce que nous devons décrire comme non seulement irrégulier, mais également dramatique, c’est le fait que ces migrants haïtiens ont eu à traverser de nombreux pays, en passant par des forêts ou par des zones dans lesquelles ils étaient pris pour cibles par des bandits, lorsque ce n’était pas par des animaux sauvages. Pour ce qui est des femmes migrantes en particulier, plusieurs ont subi des violences sexuelles en route[65].
Marzieh Nezakat, gestionnaire, Programme d’installation et d’intégration des réfugiés, Multilingual Orientation Service Association for Immigrant Communities (MOSAIC), a parlé des difficultés rencontrées par les familles et les enfants pendant leur périple vers le Canada :
Le traumatisme que ces familles ont vécu avec leurs jeunes enfants est inimaginable, d’autant plus que bon nombre de ces personnes ont peut-être été victimes de la traite des personnes pour se rendre au Canada. Pour ces demandeurs d’asile, le fait de ne pas être admis, la culpabilité ainsi que la honte d’avoir franchi la frontière de façon irrégulière et du rejet de leur demande d’asile ont des répercussions[66].
Maureen Silcoff, avocate et ancienne présidente de l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, a raconté l’histoire d’une femme qui tentait d’échapper à la violence fondée sur le sexe dans son pays d’origine. Comme on lui a refusé le droit d’asile aux États-Unis, pour arriver à se rendre au Canada, elle s’est accrochée à l’arrière d’un train de marchandises avec ses deux enfants mineurs « car elle savait que si elle demeurait aux États‑Unis, il y avait de fortes chances qu’elle soit déportée et qu’elle soit à nouveau victime de violence fondée sur le sexe[67] ». On lui a accordé le statut de réfugiée.
Janet McFetridge, mairesse de Champlain, la petite ville américaine située près du chemin Roxham, aperçoit tous les jours des migrants qui font leurs derniers pas en sol américain avant d’entrer au Canada pour y faire une demande d’asile. Les migrants auxquels elle a parlé sont souvent dévorés par la peur et désemparés devant les rigueurs du climat nordique. Ils n’ont pas d’autre option que de traverser la frontière canadienne de façon irrégulière et d’emboîter le pas aux nombreuses personnes vulnérables qui l’ont fait avant eux. Ils peuvent avoir été victimes de persécution par les autorités gouvernementales dans leur pays d’origine, mais ils se dirigent tout de même vers le Canada en sachant qu’ils seront appréhendés par la GRC. Janet McFetridge a souligné que le chemin Roxham était maintenant bien connu et qu’il s’était taillé une solide réputation dans certaines communautés étrangères dont les membres sont en quête de protection[68].
Eva-Gazelle Rududura a parlé au nom des membres de la communauté burundaise. Elle a fait valoir que, même si les migrants qui souhaitent entrer au Canada connaissent le chemin Roxham, elle ne croyait pas que cela avait une incidence sur la décision qu’ils prenaient lorsqu’ils envisageaient de fuir le Burundi[69]. Appolonie Simbizi, de l’Alliance des Burundais du Canada, a quant à elle réitéré : « Ces gens sont dans une impasse. […] [S]i ces gens risquent leur vie en passant par ces chemins même l’hiver lorsque les conditions sont rudes, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autre choix[70]. »
La représentante du HCR a rappelé que les réfugiés qui arrivent au chemin Roxham transportaient avec eux des traumatismes, de la dévastation et des pertes. Les réfugiés peuvent être reconnaissants de l’accueil, mais ils exercent par-dessus tout leur droit de demander la protection du Canada en raison des causes qui ont mené à leur déplacement[71]. Le ministre Fraser est allé dans le même sens que la représentante du HCR, soulignant le fait que personne « ne décide de tout risquer pour traverser la frontière », en quittant tout ce qu’il connaît « pour vivre dans les limbes d’un avenir incertain[72] ». En se fondant sur ses rencontres avec des personnes déplacées, le ministre a reconnu que ces personnes et leur famille n’avaient pas d’autre choix, pour survivre et pour assurer leur bien-être, que de franchir la frontière de façon irrégulière. Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont raconté des histoires révélatrices, qui illustraient le fait que le voyage périlleux que les réfugiés sont prêts à entreprendre pour atteindre le Canada est leur tout dernier recours, parce qu’ils sont désespérés[73].
Le passage de clandestins par le chemin Roxham
Malheureusement pour la GRC, il est difficile d’appréhender les criminels qui profitent de la précarité des migrants et qui aggravent les traumatismes vécus par les demandeurs d’asile à l’extérieur des frontières canadiennes. Comme l’a expliqué le sous-commissaire de la GRC, il est difficile d’amener les migrants à parler de leur expérience une fois qu’ils sont en sol canadien, parce qu’ils ont atteint leur objectif et ne veulent pas se compromettre[74]. Or, on soupçonne les circuits permettant le passage de clandestins de faire partie des structures qui causent davantage de torts aux migrants vulnérables. Des signes révélateurs du passage de clandestins sont observés tous les jours au chemin Roxham, ce qui soulève de plus en plus de préoccupations quant au bien-être des migrants qui traversent la frontière de façon irrégulière pour venir au Canada[75]. Des groupes de migrants arrivent souvent à bord de fourgonnettes, qui renferme parfois jusqu’à 50 personnes qui franchissent la frontière simultanément pour se rendre du côté canadien[76].
La GRC est tout à fait au courant du passage de clandestins au chemin Roxham. La vulnérabilité des personnes déplacées en fait souvent « des proies faciles pour les réseaux de passeurs clandestins, formés de groupes du crime organisé transnationaux qui sont réputés pour leurs actes de violence et leurs autres activités criminelles[77] ». Le sous-commissaire Michael Duheme a confirmé l’existence d’efforts coordonnés pour contrer le passage de clandestins, qui peuvent être déployés au niveau national ou transnational[78]. De nombreux cas de passages clandestins donnent lieu à des mises en accusation par la GRC à l’endroit de groupes établis au Canada et aux États-Unis. L’application du droit pénal est toutefois compliquée à l’extérieur du Canada, étant donné que les autorités américaines ne considèrent pas ces activités comme une infraction de « passage de clandestins »[79].
À mesure que les passages clandestins sont devenus plus flagrants[80], les médias se sont de plus en plus intéressés à cette dangereuse tendance. Frantz André a indiqué avoir participé à l’émission « Enquête », à Radio-Canada, qui s’est penchée sur les activités liées au passage de clandestins en Floride. Frantz André a parlé de « montants incroyables » allant de 8 000 $ à 12 000 $, et mentionné qu’une femme qu’il connaissait avait été refoulée trois fois vers le Chili et dépensé 37 000 $ pour tenter d’arriver à sa destination[81]. Dans ce reportage, il a été révélé que des sommes allant jusqu’à 12 000 $ étaient extorquées aux migrants bien avant qu’ils n’atteignent la frontière sud des États-Unis. Les demandeurs d’asile doivent ensuite verser 10 000 $ de plus pour que les passeurs les transportent jusqu’au chemin Roxham[82]. Il a été souligné que les migrants étaient prêts à tout sacrifier, y compris l’ensemble de leurs moyens de subsistance, pour arriver à destination. Les passeurs, sachant que les migrants qui tentent d’atteindre des contrées plus sûres sont désespérés, n’hésitent pas à tirer profit de leur précarité[83].
Marzieh Nezakat a expliqué que la majorité des familles et des personnes qui franchissent la frontière canadienne avaient « épuisé leurs ressources financières » pour partir de leur pays d’origine, traverser les pays transitoires en Amérique du Sud, passer par les États‑Unis et, finalement, atteindre le Canada[84]. Comme l’a expliqué Marzieh Nezakat, le passage de clandestins a une incidence directe sur la capacité du Canada d’intégrer les réfugiés et de régulariser leur statut. Leurs traumatismes sont non seulement aggravés par le fait de s’être retrouvés dans des systèmes de passage de clandestins pour arriver à atteindre le Canada, mais ils sont également contraints d’épuiser toutes leurs ressources financières pour tenter de passer par les pays transitoires. À leur arrivée, comme ils doivent attendre passablement longtemps avant d’obtenir un permis de travail, « ils doivent demander l’aide de la collectivité ou des organismes d’aide à l’établissement ou, en dernier recours, travailler illégalement, ce qui, en soi, est une tout autre histoire, car ils sont exposés à la discrimination, à la stigmatisation et à toutes sortes d’abus potentiels de la part d’employeurs[85] ».
Enquêter sur la traite de personnes à la frontière canado‑américaine
Recommandation 3
Que la Gendarmerie royale du Canada prenne appui sur ses relations de longue date avec Interpol, le Federal Bureau of Investigation et divers organismes d’application de la loi étatiques et locaux aux États-Unis afin d’enquêter sur les organisations criminelles qui font la traite de personnes à la frontière canado-américaine et de porter des accusations contre elles au besoin.
Entente sur les tiers pays sûrs : Propositions pour l’avenir
Avantages et conséquences de l’Entente
Malgré l’insécurité et les traumatismes affligeants vécus par les migrants qui en viennent à traverser la frontière canadienne de façon irrégulière, le nombre de migrants irréguliers a augmenté inexorablement au chemin Roxham. De nombreuses raisons peuvent expliquer cette hausse, comme les décisions administratives prises aux États-Unis qui ont une incidence sur les droits des réfugiés en sol américain. En 2017, on a observé une augmentation subite du nombre de passages irréguliers au Canada après que la Maison-Blanche a restreint la désignation de statut de protection temporaire pour certains ressortissants étrangers, et les Haïtiens ont été menacés d’être déportés massivement vers leur pays d’origine[86]. Or, malgré toutes les raisons pouvant expliquer la hausse des entrées irrégulières au Canada, le principal enjeu demeure la façon dont l’application de l’ETPS régit la frontière.
Les témoins qui travaillent auprès des migrants irréguliers ont vivement dénoncé l’ETPS dans sa forme actuelle au Canada. Ils ont souligné qu’elle pousse de nombreux demandeurs d’asile à utiliser des points d’entrée non officiels comme le chemin Roxham, et ont décrit les conséquences socioéconomiques qu’elle a sur les demandeurs d’asile. Les représentants d’IRCC ont admis que le système d’octroi de l’asile devrait s’efforcer à travailler en faveur des plus vulnérables :
Si nous prenons les demandeurs d’asile, vous avez tout à fait raison : les gens prennent de grands risques pour traverser soit à Roxham, soit à d’autres postes frontaliers. Je pense que le Canada doit réfléchir à la façon dont nous nous organisons pour protéger les plus vulnérables. Nous sommes d’avis que les points d’entrée sont le moyen le plus sûr de présenter une demande d’asile au Canada et, cela étant, nous devons mettre en place un système qui permette de les traiter[87].
Le ministre a également soutenu que l’ETPS devrait être maintenue parce qu’elle est complémentaire aux objectifs généraux des politiques et des directives canadiennes en matière d’immigration. Il a pris la défense de l’ETPS et a indiqué qu’« [il] n’y a pas d’incohérence logique à promouvoir des voies de migration régulière tout en faisant preuve de compassion envers les personnes les plus vulnérables du monde qui viennent dans notre pays[88] ». Le ministre a fait valoir que l’ETPS était l’outil approprié pour l’atteinte d’un équilibre équitable entre ces deux grands objectifs.
Selon la représentante du HCR, les ententes bilatérales et multilatérales comme l’ETPS peuvent comporter des avantages lorsqu’elles aident les États à respecter leurs obligations juridiques internationales[89]. Une entente de ce type permet de veiller au partage des responsabilités entre les parties signataires grâce à l’emploi d’approches régionales, et peut contribuer à améliorer les systèmes de protection et d’octroi de l’asile[90]. De fait, le représentant de la CISR a indiqué que l’ETPS avait été mise en place à cette fin : pour promouvoir la sécurité et le partage international des responsabilités[91]. La représentante du HCR a rappelé que de telles ententes doivent au moins garantir que des systèmes d’octroi de l’asile sûrs et efficaces sont maintenus dans chaque État signataire, et préciser qu’aucun pays ne renverra les personnes déboutées en situation de danger[92]. Les représentants du HCR s’entendaient pour dire que les États-Unis répondent aux critères d’un tiers pays sûr. Au sujet des États-Unis en particulier, Rema Jamous a déclaré : « Le HCR ne dirigerait pas des réfugiés à des fins de réinstallation vers un pays qu’il n’estime pas sûr[93]. »
Maureen Silcoff a néanmoins souligné que « les effets délétères de l’entente […] dépassent, de toute évidence, ses avantages[94] ». Les organisations suivantes, qui ont comparu devant le Comité, ont convenu qu’il serait préférable de suspendre l’ETPS :
- Le Centre de réfugiés[95], dont les représentants ont conclu que la suspension de l’ETPS serait bénéfique tant pour l’administration publique des demandes d’asile que pour les services d’établissement venant en aide aux réfugiés[96];
- Le Comité d’action des personnes sans statut, dont le représentant a réitéré que l’élimination de l’ETPS éviterait aux migrants d’employer des routes dangereuses pour atteindre le Canada, et leur permettrait d’entrer au pays dignement[97];
- L’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, qui a indiqué que, sans l’ETPS, il y aurait une meilleure répartition des demandeurs d’asile à l’échelle du Canada, ce qui se traduirait par une meilleure accessibilité aux services sociaux et judiciaires[98]. La suspension de l’ETPS contribuerait également à atténuer une partie de la pression exercée sur l’ASFC et sur les sections de la CISR au Québec[99];
- La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, qui a convenu que la suspension de l’ETPS favoriserait une arrivée plus ordonnée et contrôlée des migrants à la frontière et pourrait atténuer la pression exercée sur les services sociaux du Québec (en matière d’assistance et d’aide juridique) destinés aux nouveaux arrivants[100].
Stéphane Handfield, avocat chez Handfield et Associés, a également recommandé que l’ETPS soit suspendue, et que les demandes d’asile soient présentées à l’ensemble des points d’entrée officiels le long de la frontière canadienne, comme c’était le cas avant l’entrée en vigueur de l’Entente, en 2004[101]. Il a indiqué que l’article 10 de l’ETPS accorde aux pays signataires le pouvoir de suspendre unilatéralement l’Entente :
Chacune des parties peut, par avis écrit donné à l’autre, suspendre l’application du présent accord pour au plus trois mois. Une telle suspension peut être renouvelée pour des périodes additionnelles d’au plus trois mois[102].
Utiliser ce mécanisme afin de suspendre temporairement l’ETPS pourrait permettre au Canada d’observer comment les choses se passent sur le terrain. Ainsi, le gouvernement du Canada pourrait déterminer s’il serait opportun pour son système de traitement des demandes d’asile de revenir aux conditions qui prévalaient avant l’entrée en vigueur de l’ETPS[103].
Il convient de souligner que le ministre Sean Fraser ne croyait pas que la meilleure solution serait de suspendre l’ETPS. Le ministre a rejeté l’affirmation selon laquelle la suspension de l’ETPS serait souhaitable pour assurer la sécurité globale des migrants. Il prévoit que la suspension de l’ETPS pourrait être un « facteur d’attraction » qui pourrait pousser « des milliers et des milliers de personnes [à] se mettre en danger » dans le cadre de leur périple de migration[104]. Le ministre a également souligné que la suspension de l’Entente pourrait exacerber le passage de clandestins[105].
En matière de contrôle frontalier, le ministre Fraser prône une approche favorisant les voies de migration régulières par l’entremise des points d’entrée officiels[106], mais rappelle également que le gouvernement du Canada a le devoir de respecter ses obligations en droit international et national, ainsi que d’offrir une protection aux personnes qui cherchent à échapper à des situations qui les rendent vulnérables[107]. Il a déclaré que « nous devons […] rester compatissants avec les personnes qui fuient des situations de vulnérabilité, mais pas nécessairement comme stratégie pour poursuivre la croissance économique[108] ». Le ministre croit plutôt qu’il faut se concentrer et miser sur les mesures facilitant l’accès aux voies régulières de migration pour les ressortissants étrangers qui souhaitent immigrer pour des raisons économiques légitimes, et adapter les programmes afin de combler les principales lacunes liées à la main-d’œuvre[109], notamment par l’entremise de plateformes internationales de coopération[110].
De l’avis du ministre Fraser, l’ETPS encourage les gens à présenter une demande d’asile dans le premier pays sûr qu’ils atteignent. Dans le cas du passage au Canada par le chemin Roxham, le premier pays sûr est les États-Unis, ce qui leur éviteraient d’avoir à prolonger leur périlleux voyage pour arriver au Canada[111]. Le ministre a ajouté que l’actuel système d’octroi de l’asile pâtirait d’un afflux découlant de la suspension de l’Entente : « la suspension de l’entente sur les tiers pays sûrs pourrait entraîner le passage d’un grand nombre de personnes, de manière régulière ou irrégulière, dans différentes régions du pays, par des moyens auxquels nous ne sommes pas préparés actuellement[112] ».
Par ailleurs, d’autres témoins ont remis en doute l’affirmation du ministre Fraser selon laquelle la suspension de l’ETPS se traduirait par une hausse de la migration vers le Canada. Maureen Silcoff a expliqué que l’ASFC avait présenté des preuves en ce sens à la Cour fédérale, lorsque le Conseil canadien pour les réfugiés a contesté la constitutionnalité de l’ETPS (question qui sera abordée à la prochaine section), mais que celles-ci n’avaient pas été acceptées comme preuves admissibles durant le procès[113]. Elle a plutôt fait état de commentaires formulés par un haut fonctionnaire d’IRCC, qui a soutenu, au contraire, que la suspension de l’ETPS aiderait à corriger la situation au chemin Roxham parce que « les gens pourraient traverser aux postes frontaliers » pour entrer au Canada[114]. Maureen Silcoff a donc prôné la suspension de l’entente, affirmant qu’elle contribuerait à « répartir les entrées le long de la frontière d’un océan à l’autre et [à] mettre fin à la canalisation au Québec », ce qui améliorerait l’accès aux services d’établissement[115].
Stéphane Handfield, lui non plus, n’était pas au courant de statistiques donnant à penser que la suspension de l’ETPS entraînerait une augmentation du nombre de demandes d’asile au Canada[116]. En outre, il a soutenu que le message actuellement véhiculé par le gouvernement était que, concrètement, rien n’empêche les demandeurs d’asile d’entrer au pays pour y présenter leur demande en franchissant la frontière de façon irrégulière[117]. Si l’entente était suspendue, le message envoyé aux migrants qui cherchent à obtenir la protection du Canada demeurerait sensiblement le même. Toutefois, les migrants n’auraient plus à interagir avec des passeurs pour atteindre leur objectif. De plus, le droit d’asile des migrants (y compris un droit d’appel) serait intégralement reconnu lorsqu’ils atteindraient un point d’entrée désigné[118].
Des représentants d’IRCC ont fait allusion à des activités liées à la modernisation de l’ETPS. Or, toute analyse préparée dans le cadre des négociations en cours étant considérée comme de l’information protégée, les représentants d’IRCC n’étaient pas disposés à la fournir[119]. Christiane Fox a également bien pris soin de ne pas révéler le contenu des négociations :
Je ne veux pas m’étendre sur les sujets qui peuvent ou non faire l’objet de discussions. Je pense que je peux dire que nous examinons tous les éléments pour améliorer l’entente sur les tiers pays sûrs, mais je ne voudrais pas entrer dans les détails compte tenu des conversations bilatérales qui sont en cours[120].
En ce qui concerne l’ETPS, le ministre Sean Fraser a également convenu qu’il fallait « l’améliorer et la moderniser ». Il a ajouté que les gouvernements du Canada et des États-Unis « travaillent ensemble depuis plusieurs années pour trouver la voie à suivre[121] ». Il a fait remarquer qu’« avoir une entente imparfaite est de loin préférable à ne pas avoir d’entente du tout, mais nous devrions constamment chercher des moyens d’améliorer la qualité de nos ententes avec nos partenaires dans le monde[122] ».
Le comité recommande :
D’affirmer que les États-Unis sont un tiers pays sûr
Recommandation 4
Que le gouvernement du Canada affirme publiquement que les États-Unis d’Amérique sont un tiers pays sûr, c’est-à-dire que les demandeurs d’asile qui arrivent aux États-Unis devraient d’abord demander une protection à titre de réfugiés aux États-Unis au lieu du Canada.
Les États-Unis en tant que pays sûr et les procédures connexes devant la Cour suprême
Une contestation fondée sur la Charte a été portée devant la Cour suprême du Canada en ce qui concerne la constitutionnalité de l’ETPS[123]. La décision de la Cour aura une influence déterminante sur l’avenir de l’Entente. La Cour fédérale a tout d’abord invalidé l’ETPS, mais la Couronne a porté la décision en appel, et la Cour d’appel fédérale a maintenant confirmé la validité de l’Entente. La Cour suprême du Canada a autorisé l’appel du Conseil canadien pour les réfugiés en 2021, et celle-ci a été saisie de l’affaire en octobre 2022. Au moment de rédiger le présent document, on s’attend à ce qu’une décision soit rendue sous peu.
Tout au long de ce litige, la position du gouvernement du Canada est demeurée la même : les États-Unis d’Amérique sont un pays sûr pour que les réfugiés présentent leur demande d’asile[124], et l’ETPS est constitutionnelle[125]. Le ministre Fraser a indiqué au Comité que le Canada est « obligé de surveiller » un certain nombre de facteurs « en permanence », notamment « [l’adhésion des États-Unis] à certains traités, leurs politiques et leurs pratiques et le fait qu’ils disposent d’un système d’asile fonctionnel qui permet aux gens de voir leur demande être jugée équitablement[126] ».
IRCC a élaboré un plan d’urgence en prévision de différentes décisions que pourrait rendre la Cour suprême, mais le Ministère n’a pas transmis le contenu de ce plan au Comité parce que celui-ci est considéré comme confidentiel. La Couronne, en tant que défendeur dans cette affaire, a cherché à obtenir un délai de grâce d’un an en cas de décision défavorable. Selon IRCC, si ce délai est accordé, cela fournirait le temps nécessaire pour élaborer un plan permettant d’atténuer tout risque lié à la sécurité publique, aux opérations à la frontière ou au fonctionnement du système d’octroi de l’asile au Canada, de même que pour répondre aux préoccupations du tribunal[127].
Affirmation que les États-Unis sont un tiers pays sûr lors d’instances judiciaires afférentes
Recommandation 5
Que le gouvernement du Canada maintienne sa position et continue d’affirmer que les États‑Unis d’Amérique sont un tiers pays sûr lors d’instances judiciaires afférentes.
Comme nous l’avons indiqué précédemment, le HCR estime qu’il revient aux pays signataires de déterminer en quoi consiste un pays sûr aux termes de l’ETPS. De fait, chaque partie à l’Entente a la responsabilité de mener des examens à intervalles réguliers afin de veiller à ce que celle-ci respecte les normes juridiques de base qui s’appliquent en droit international relatif aux réfugiés[128]. Le HCR a reconnu que des « améliorations ont été apportées au système [des États-Unis] pour les demandes relatives à la violence fondée sur le genre ou la violence liée à des gangs[129] », notamment parce que l’Affaire A-B- a été annulée par décret en juin 2021, et parce que le président Biden s’est engagé à rétablir le droit d’asile pour les personnes tentant d’échapper à la brutalité de gangs[130]. Selon le ministre Fraser, ces derniers développements aux États-Unis tendraient à « faire pencher la balance vers la satisfaction de la norme que nous exigerions » pour que le pays soit considéré comme sûr[131].
Questionnés par les membres du Comité, plusieurs témoins se sont rangés du côté de la position du Conseil canadien pour les réfugiés devant la Cour suprême du Canada : c’est‑à‑dire qu’ils considéraient que les États-Unis ne constituent pas un pays sûr pour les demandeurs d’asile. Janet McFetridge, mairesse de Champlain et citoyenne américaine, a quant à elle fait valoir que le système d’octroi de l’asile des États-Unis était « extrêmement dysfonctionnel » compte tenu de la situation à la frontière sud de ce pays et du nombre de migrants qui arrivent au Canada[132].
Frantz André, représentant du Comité d’action des personnes sans statut, soupçonnait les États-Unis de contourner l’ETPS en rejetant les demandes d’asile des personnes qui auraient dû être admises dans ce pays. Il a également affirmé que l’entente entre le Canada et les États‑Unis était discriminatoire[133]. Il a déploré que 28 000 Haïtiens aient été déportés des États‑Unis sans avoir eu la possibilité de faire entendre leur cause[134]. Il a également souligné que les migrants subissaient couramment de mauvais traitements et du racisme aux États-Unis, et que l’approche rigide employée par les États-Unis en matière de migration humanitaire provoquait la migration irrégulière au chemin Roxham[135]. À cet égard, Frantz André a brossé un tableau déconcertant de la façon dont le système américain avait été présenté dans les médias[136]. Il a souligné que, même si les États-Unis avaient prolongé, en novembre, le statut de protection temporaire pour les ressortissants haïtiens présentant des demandes d’asile, il y a beaucoup d’angoisse et d’incertitude au sein de la diaspora haïtienne quant au statut de ses membres dans ce pays où ils arrivent[137].
Appolonie Simbizi, de l’Alliance des Burundais du Canada, a convenu que la dégradation de la situation au chemin Roxham « découle du système de protection des demandeurs d’asile aux États‑Unis, qui est en panne depuis plusieurs années[138] ». Selon elle, « l’incertitude du système de protection » et les retards dans le traitement des demandes d’asile aux États-Unis laissent de nombreux migrants dans une « impasse[139] », séparés de leur famille, pendant qu’ils attendent qu’une décision ultime soit prise au sujet de leur vie. Elle a également souligné que les demandeurs d’asile qui sont rejetés aux points d’entrée désignés au Canada risquent souvent d’être détenus aux États-Unis.
Maureen Silcoff a plus particulièrement expliqué que les États-Unis ne constituaient pas un pays sûr pour les réfugiés, parce que la loi est tellement restrictive qu’elle entraîne un traitement injuste pour des classes ou des groupes de personnes cherchant à se protéger contre la persécution[140]. Elle a donné l’exemple de personnes qui demandent l’asile par crainte de persécution fondée sur le sexe, qui sont grandement touchées par le caractère restrictif du système, et plus particulièrement la règle qui interdit le dépôt d’une demande d’asile après un an[141], ces personnes étant nombreuses à ne pas agir tout de suite en raison des traumatismes qu’elles ont vécus, de même que parce qu’elles ont honte, pour des raisons culturelles[142].
Maureen Silcoff a également souligné le fait que les États-Unis traitent la détention « comme un outil de gestion de l’immigration[143] », par opposition à la façon dont elle devrait être utilisée selon le HCR, et à la façon dont elle est traitée au Canada, c’est-à-dire que la détention devrait constituer un dernier recours et une solution temporaire. Stéphane Handfield souscrivait à cette affirmation et a informé le Comité qu’aux États-Unis, « les migrants qui sollicitent l’asile sont détenus dans des prisons de droit commun, aux côtés de criminels, et parfois même de criminels endurcis », tandis qu’au Canada, les migrants sont placés « dans un centre de détention de l’immigration conçu à cet effet, qui accueille les femmes, les enfants et les familles[144] ».
Pour illustrer la situation, Pierre-Luc Bouchard, avocat spécialiste des réfugiés et chef du département juridique au Centre de réfugiés, a raconté l’histoire suivante :
Pour ma part, j’ai rencontré tout juste ce matin une personne de la communauté LGBTQ+ qui provenait de la Sierra Leone. Comme le font probablement plusieurs migrants, cette personne est descendue jusqu’en Équateur, car c’était le seul endroit où elle pouvait aller, et est remontée ensuite jusqu’au Canada. En arrivant aux États‑Unis, cette personne a été détenue pendant des mois. Pour la faire libérer, un organisme communautaire de la Floride, le LGBTQ Freedom Fund, a dû fournir 5 000 $ afin de payer sa caution. Une fois cette personne libérée, on lui a fixé un bracelet électronique à la cheville. Quand ses chaînes lui ont été retirées, elle s’est présentée au Canada en empruntant le chemin Roxham, et le processus de demande d’asile a alors commencé[145].
Exceptions prévues à l’Entente sur les tiers pays sûrs
Plusieurs témoins ont formulé des recommandations sur les façons de moderniser l’ETPS. Frantz André, pour sa part, estimait qu’« il faut un peu réviser le pouvoir discrétionnaire que les agents des services frontaliers ont de renvoyer certaines personnes[146] ». De nombreux témoins ont également recommandé, à défaut de suspendre l’Entente, de revoir les exceptions qui y sont prévues. Actuellement, l’ETPS s’applique à l’ensemble des bureaux d’entrée et exige des migrants qu’ils présentent leur demande d’asile dans le premier pays où ils arrivent, sauf s’ils peuvent bénéficier d’une exception. À l’heure actuelle, les exceptions existantes se limitent aux considérations relatives à l’unité familiale (exceptions concernant les membres de la famille), à l’intérêt supérieur des enfants (exception relative aux mineurs non accompagnés) et à l’intérêt public (exception d’intérêt public)[147].
En 2009, le gouvernement du Canada a éliminé une exception prévue à l’ETPS, qui permettait à des ressortissants originaires de « pays faisant l’objet d’un moratoire[148] » de présenter des demandes d’asile à la frontière canadienne. Il s’agissait notamment des pays vers lesquels il n’expulse pas les demandeurs de statut de réfugié déboutés[149]. Abdulla Daoud, directeur général du Centre de réfugiés[150], Frantz André, du Comité d’action des personnes sans statut[151], Eva-Gazelle Rududura, d’Unis pour une intégration consciente au Canada,[152] et Maureen Silcoff ont tous recommandé de rétablir l’exemption pour les pays faisant l’objet d’un moratoire, à défaut de suspendre l’ETPS.
L’article 6 de l’ETPS dispose que « l’une des parties, ou l’autre, peut, à son gré, décider d’examiner toute demande du statut de réfugié qui lui a été faite si elle juge qu’il est dans l’intérêt public de le faire ». Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Canada a uniquement exercé son pouvoir discrétionnaire pour exempter des demandeurs d’asile faisant face à la peine de mort[153]. Maureen Silcoff a recommandé que la souplesse offerte par cette disposition serve à élargir l’ETPS et à exempter les réfugiés présentant des demandes d’asile fondées sur la persécution liée au sexe. Elle a également souligné que le HCR a déjà formulé une recommandation en ce sens en 2002[154]. Les voies permettant de protéger les survivants contre la violence fondée sur le sexe et la brutalité de gangs ont été rétablies aux États-Unis en 2021, après l’annulation par l’administration Biden de la décision dans l’Affaire A-B-, mais des préoccupations subsistent quant à la viabilité des demandes d’asile fondées sur le sexe en sol américain.
Maureen Silcoff a également recommandé d’élargir l’exception liée à l’intérêt public afin d’exempter les réfugiés qui risquent d’être incarcérés dans des centres de détention[155], de même que les personnes exclues du système d’octroi de l’asile aux États-Unis en raison du seuil d’un an. Ces modifications pourraient permettre de résoudre certains enjeux qui font des États‑Unis un pays peu sûr pour un certain nombre de demandeurs d’asile.
De nombreux témoins ont également formulé des recommandations concernant les changements à éviter lors d’une éventuelle modernisation de l’ETPS. Par exemple, le Centre de réfugiés a déploré que le gouvernement ait élargi l’application de l’ETPS en vertu de la LIPR, par l’entremise du projet de loi C-97 sur le budget[156], rendant ainsi inadmissibles à une audience devant la CISR les demandeurs d’asile dont la demande avait été refusée aux États-Unis[157]. Maureen Silcoff a également prévenu que, dans le cadre de la modernisation de l’ETPS, il ne faudrait pas élargir l’application de l’entente aux passages irréguliers entre les points d’entrée, puisque cela pousserait « plus de gens à entrer de façon irrégulière, sans être repérés et sans qu’il y ait de contrôle, ce qui, bien sûr, mettra plus de vies en danger[158] ». Après avoir entendu tous les témoignages qui précèdent concernant l’ETPS, le Comité recommande :
L’avenir de l’Entente sur les tiers pays sûrs
Recommandation 6
Que le gouvernement du Canada travaille avec les États-Unis d’Amérique afin de moderniser l’Entente sur les tiers pays sûrs.
Exception dans l’intérêt public pour les demandes fondées sur la persécution liée au genre
Recommandation 7
Que le gouvernement du Canada élargisse les exemptions prévues dans l’Entente sur les tiers pays sûrs afin d’inclure les demandes fondées sur la persécution liée au genre comme exception liée à l’intérêt public, et rétablisse l’exemption pour les demandeurs de statut de réfugié qui sont originaires de pays visés par un moratoire.
La nécessité de ne pas fermer physiquement le chemin Roxham
Au minimum, les témoins convenaient que fermer physiquement le chemin Roxham en barricadant la route ne constituait pas une option viable. Selon Vincent Desbiens, avocat et membre de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration :
[L]a simple fermeture du chemin Roxham serait encore plus dévastatrice que le statu quo si nous conservions l’Entente sur les tiers pays sûrs. […] Fermer le chemin Roxham n’empêcherait pas les demandeurs d’asile de venir au Canada, mais, s’ils traversaient la frontière n’importe où, cela réduirait la capacité du gouvernement à les identifier rapidement, comme il le fait actuellement au moyen de leurs empreintes digitales et de leurs papiers d’identité[159].
Fermer le chemin ne ferait qu’accroître les risques pour les demandeurs d’asile, qui contourneraient probablement les barricades et emprunteraient plutôt d’autres itinéraires dangereux pour atteindre le Canada[160]. Les représentants d’IRCC convenaient également que fermer le chemin Roxham n’était pas dans les plans pour l’instant, et que les mesures immédiates devaient être axées sur l’amélioration des infrastructures existantes :
Nous ne fermons pas le chemin Roxham pour le moment. Nous devons gérer efficacement la situation actuelle, c’est-à-dire la réalité sur le terrain, chaque jour, d’une centaine de personnes ou plus qui traversent. Par conséquent, nous avons mis en place des systèmes. Nous travaillons de concert avec nos partenaires de la GRC et de l’ASFC. Vous avez absolument raison de dire que des personnes très désespérées traversent, alors nous essayons de fournir ces mesures de soutien, et c’est que ce nous continuerons à faire[161].
Chapitre 3 : Les difficultés liées au traitement actuel des demandeurs d’asile au Canada et leurs répercussions au Québec
Le présent chapitre décrit les derniers développements en ce qui concerne les technologies utilisées par la CISR et l’ASFC pour relever les défis de taille liés au traitement des demandes d’asile au sein des deux organismes gouvernementaux. Le chapitre traite également de la situation actuelle au Québec, en mettant en évidence les problèmes qui touchent les ressources et les mesures de soutien destinées aux demandeurs de statut de réfugié. Finalement, il renferme des histoires de réussite vécues par des demandeurs d’asile et des personnes protégées, malgré les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Utilisation de la technologie pour relever des défis liés au traitement des demandes d’asile
Cette section porte sur l’adoption de technologies à la CISR et à l’ASFC visant à résorber les arriérés considérables, qui engendrent de longs délais de traitement des demandes d’asile. Ces technologies comprennent les audiences virtuelles à la CISR et un portail numérique à l’ASFC.
Problèmes de traitement récurrents à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié
La CISR a subi des pressions considérables et des changements substantiels au cours des six dernières années. Ces pressions résultent de plusieurs facteurs, notamment l’augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile au Canada qui attendent que leur demande soit traitée, de même que les répercussions de la pandémie. Le nombre important de nouvelles demandes s’est ajouté à un arriéré qui a commencé bien avant la pandémie, et la propagation de la COVID‑19 en mars 2020 a interrompu les audiences de la CISR pour toute personne dont le processus était en cours.
En 2017 et en 2018, le nombre de demandeurs d’asile franchissant la frontière de façon régulière et irrégulière a connu une hausse considérable et, selon Richard Wex, « a largement dépassé » la capacité de traitement de la CISR, ce qui a entraîné « l’arriéré le plus important et les temps d’attente les plus longs des 30 dernières années d’existence de la Commission[162] ». Cette situation a exercé une pression extrême sur le système de traitement de la CISR. Voici ce qu’a expliqué Richard Wex :
À l’époque, nous avions évalué qu’en l’absence d’intervention, l’arriéré atteindrait bien au‑delà de 200 000 demandes d’ici 2022–2023. […] À notre avis, le système était au bord de l’effondrement à ce moment‑là. Par conséquent, en 2018–2019, la CISR a réagi en élaborant un programme de croissance et de transformation ambitieux[163].
Pour contribuer à résorber l’arriéré, la CISR a reçu des investissements temporaires provenant de divers budgets fédéraux afin de permettre de doubler le nombre de demandes traitées. Dans le budget de 2022, on a ensuite converti en financement permanent le financement qui avait été octroyé de façon temporaire, ce qui a permis à la CISR de maintenir sa capacité de traitement rehaussée. La CISR recevra plus précisément 600 millions de dollars en financement sur quatre ans et 150 millions de dollars par la suite[164]. Pour compléter ce financement, elle « recevra également d’autres fonds sur deux ans pour traiter les demandes supplémentaires[165] ».
Les calculs internes indiquent que la capacité de traitement actuelle de la CISR est de 50 000 demandes par année, et que pour chaque tranche de 10 000 demandes au-delà de la capacité de traitement, la CISR a besoin de 45 à 50 millions de dollars additionnels par année. En novembre 2022, il y avait un écart de plus de 10 000 demandes dans le système, et la CISR s’attendait à recevoir un total de 75 000 demandes à traiter pour l’année 2022[166], et le nombre de demandes en attente à la CISR était de 65 000. Sur ces demandes, le tiers était en suspens, parce que la CISR attendait des documents ou des vérifications de sécurité[167].
La CISR a aussi créé un groupe de travail chargé de traiter rapidement ce qu’il a défini comme les « demandes moins complexes ». Richard Wex a donné des détails sur le groupe de travail :
Ce groupe de travail est composé de membres de la Section de la protection des réfugiés […] qui y a affecté 10 % de son effectif actuel. Depuis la création de ce groupe, il y a à peu près quatre ans, environ 20 % des audiences ont été menées à terme.
Cela a pour effet d’accélérer l’accès à la justice pour les personnes dont la demande a subi un arriéré et d’optimiser l’utilisation de nos ressources. Voilà un exemple parmi tant d’autres qui montre comment nous avons cherché à susciter et à lancer de nouvelles idées et de nouvelles approches pour réduire effectivement les délais de traitement[168].
Perla Abou-Jaoudé, avocate représentant l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration, a expliqué que ses clients avaient déjà dû attendre environ deux ans pour que la CISR traite leur demande après avoir reçu leur Document du demandeur d’asile d’IRCC. Selon d’autres témoins, il fallait attendre au moins un an avant de recevoir le Document du demandeur d’asile d’IRCC[169]. Elle a toutefois observé une accélération de la tenue d’audiences devant la CISR plus récemment. Dans une réponse d’IRCC déposée auprès du Comité, les délais de traitement récurrents à la CISR se déclinent de la manière suivante :
L’âge moyen des demandes d’asile en attente d’une décision à la Section de la Protection des Réfugiés (SPR) au 31 octobre 2022 était de 13 mois.
Le délai moyen de traitement des demandes finalisées à ce jour en 2022 (janvier à octobre) était de 23 mois.
En date de novembre 2022 et basé sur la capacité actuelle de la SPR, le temps d’attente prévu pour les nouvelles demandes reçues est de 16 mois. Le temps d’attente prévu pour les demandes d’asile est de 20 mois[170].
Perla Abou-Jaoudé a toutefois soutenu que le plus grand enjeu n’était pas le temps d’attente à la CISR, mais plutôt le manque d’accès à un avocat par les demandeurs d’asile[171]. Cette question sera abordée plus en détail plus loin dans la sous-section « Accès aux avocats », sous « Le Québec sous pression : Hébergement et mesures de soutien temporaires pour les demandeurs d’asile ».
Devant le Comité, Richard Wex a expliqué que, malgré des « gains durement réalisés » en ce qui concerne le temps de traitement des demandes d’asile pendant la pandémie, le nombre de demandeurs d’asile qui entrent au Canada (la grande majorité par le chemin Roxham) faisait en sorte que la CISR était de nouveau mise à rude épreuve. Il a expliqué ce qui suit :
[L]e nombre de demandes en attente d’admissibilité à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et à l’Agence des services frontaliers du Canada augmente rapidement. Cette année, on s’attend à ce que plus de 90 000 demandes soient reçues, ce qui est bien au‑delà de la capacité de traitement annuelle du système et de la CISR, qui peut atteindre 50 000 demandes. Les renvois à la Commission dépassent maintenant notre capacité annuelle de traitement, ce qui entraîne une fois de plus une augmentation du nombre de cas et des temps d’attente[172].
Ces délais de traitement répétitifs sont le reflet de la nature imprévisible des vagues de demandeurs d’asile qui arrivent au Canada, mais ils résultent également d’autres facteurs en jeu, notamment la nécessité de résorber les arriérés qui existaient avant la pandémie de COVID‑19 et les arriérés liés aux délais de traitement attribuables à la COVID-19, et de tenir compte de la transition numérique de la CISR, notamment la transition vers les audiences virtuelles.
Audiences virtuelles de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié
Richard Wex a donné des précisions au sujet de la transition de la CISR vers le numérique :
[L]a Commission est passée à un modèle opérationnel d’audiences virtuelles et sans papier. Tous les dossiers ont été numérisés depuis. Les arbitres travaillent maintenant presque entièrement avec des dossiers numériques. Un portail électronique a été créé et bien reçu par la communauté des avocats. Plus de 98 % de nos audiences sont maintenant tenues virtuellement[173].
Richard Wex a indiqué que la transition vers des audiences virtuelles était un élément clé qui avait permis à la CISR de maintenir ses inventaires et ses délais d’attente dans les limites raisonnables. Il a cité un rapport du HCR sur les tendances mondiales, dans lequel il était indiqué que le Canada est l’un des quatre pays à avoir réussi à réduire considérablement le nombre de demandes d’asile à l’étape de la détermination du statut de réfugié par rapport à l’année précédente[174].
La transition, qui fait en sorte que la grande majorité des audiences se tiennent maintenant virtuellement, a soulevé de nombreuses questions et préoccupations chez les témoins, qui s’inquiétaient notamment de l’accès à la justice et se demandaient si cela créait un plus grand fossé entre le demandeur et les personnes chargées de déterminer le bien-fondé de leur demande[175]. Un témoin, Frantz André, a indiqué qu’à son avis, les audiences virtuelles sont « complètement dépourvues d’humanité, surtout lorsqu’un demandeur d’asile n’est pas aux côtés de son avocat ou qu’il se retrouve avec une connexion Wifi qui ne fonctionne pas[176] ».
Délais de traitement de l’Agence des services frontaliers du Canada pour la détermination de la recevabilité des demandes d’asile
L’ASFC a connu des retards de traitement en ce qui concerne la détermination de la recevabilité des demandeurs d’asile au Canada. Pour chaque demandeur d’asile qui se présente à la frontière, un agent de l’ASFC doit déterminer l’admissibilité de la personne avant d’évaluer la recevabilité de demande d’asile au Canada.
Toutefois, en raison du nombre très élevé de migrants qui se présentent au chemin Roxham à Saint-Bernard-de-Lacolle, les agents de l’ASFC ne sont pas en mesure de procéder à toutes les évaluations de recevabilité à leur arrivée[177]. Aaron McCrorie a expliqué qu’il y avait « à l’origine un processus à deux volets. Nous faisions une évaluation initiale à l’arrivée, puis nous reportions l’examen de la demande à une date ultérieure qui devait être fixée lors d’une entrevue [de recevabilité] au centre de traitement urbain[178]. »
Cette situation a créé un arriéré qui, en date de novembre 2022, faisait en sorte qu’un demandeur d’asile devait attendre 18 mois avant de passer son entrevue de recevabilité[179]. IRCC a informé le Comité qu’en date du 30 septembre 2022, 80 % des décisions relatives à de recevabilité rendues pour les demandes irrégulières présentées pendant la période de huit semaines précédant le 30 septembre 2022 avaient été complétées dans un délai de 202 jours[180]. Les solutions pour faire face à la flambée de volumes de demandes d’asile comprennent la réaffectation de ressources d’autres régions afin de soutenir l’ASFC au Québec, le partage de la charge de travail avec des fonctionnaires d’IRCC et la création d’un portail numérique[181].
Le Portail canadien de la protection des réfugiés
Les agents de l’ASFC à la frontière encouragent désormais les demandeurs d’asile à utiliser le Portail canadien de la protection des réfugiés, créé par IRCC pendant la pandémie[182]. Aaron McCrorie, de l’ASFC, a indiqué que le portail était « plus convivial », employait un langage simple et était plus précis[183]. Le 1er novembre 2022, l’ASFC a lancé un nouveau processus appelé « Processus en une étape », qui permet aux demandeurs d’asile dont la documentation est complète (passeport et adresse électronique valide) d’être entièrement évalués à leur arrivée et d’être admis au Canada, en quittant la frontière munis du document du demandeur d’asile (ou « papier brun »). Ces demandeurs d’asile disposent de 45 jours pour soumettre leur demande par l’entremise du Portail canadien de la protection des réfugiés[184].
Des témoins ont toutefois soulevé des préoccupations quant au fait d’obliger les demandeurs d’asile à posséder et à utiliser un ordinateur ainsi qu’une connexion Internet pour présenter leur demande, parce qu’ils n’ont pas tous accès à un ordinateur personnel ou à une connexion Internet stable. Pierre-Luc Bouchard a dit ce qui suit : « il y a beaucoup de formalités administratives. […] [Certains demandeurs d’asile] ont beaucoup de difficulté avec l’ordinateur[185]. » Frantz André a indiqué au Comité que le portail du gouvernement n’est pas intuitif : « le portail du gouvernement, qui devrait permettre de trouver de l’information ou d’envoyer des documents, est très difficile à utiliser[186] ». Frantz André a également mis en lumière une difficulté commune pour les demandeurs d’asile de certaines communautés : « actuellement un des problèmes est que les gens sont mal préparés. Comme les dossiers sont très mal montés, quand les gens arrivent à l’audience, il y a un plus grand nombre de membres de certaines communautés qui sont refusés et déportés[187]. »
Documentation additionnelle avant l’obtention du document du demandeur d’asile
Lorsque les demandeurs d’asile arrivent au Canada, l’un des premiers documents qu’ils doivent obtenir est le document du demandeur d’asile, communément appelé « papier brun », qui est valide pour une période de deux ans. Dans le mémoire qu’il a soumis au Comité, le Centre de réfugiés a décrit l’importance de ce document pour un demandeur d’asile :
Le Papier Brun confère aux personnes une certaine stabilité sociale et économique à travers : Éligibilité à un permis de travail; Éligibilité à un permis d’étudier; Aide sociale; Soins de santé fédéraux; Garderie conventionnée; Possibilité de logements réservés aux réfugiés.
Ne pas être en mesure d’avoir accès à ces opportunités les fait encore plus dépendre de l’assistance sociale au lieu d’offrir aux demandeurs d’asile une possibilité de travailler sur un marché qui fait face à une pénurie de main d’œuvre[188].
Il était courant d’émettre le document du demandeur d’asile (ou « papier brun ») au moment de son arrivée au Canada. Or, à mesure que le nombre de demandeurs est devenu de moins en moins gérable, il s’est produit ce que le Centre de réfugiés décrit comme une « dégradation dans les processus bureaucratiques et les promesses » faites aux demandeurs d’asile par le gouvernement du Canada, et un autre document, l’Accusé de réception de la demande d’asile, est souvent délivré, venant remplacer le document du demandeur d’asile.
L’Accusé de réception de la demande d’asile n’octroie pas les mêmes droits au demandeur que le document du demandeur d’asile (pas de permis de travail et pas de pièce d’identité avec photo). Il permet plutôt de fixer la date d’un futur rendez-vous, au cours duquel le demandeur pourra obtenir le document du demandeur d’asile. L’Accusé de réception de la demande d’asile permet toutefois au demandeur de se prévaloir du Programme fédéral de santé intérimaire. Le Centre de réfugiés a indiqué que plus de 90 % des 312 demandeurs d’asile avec lesquels il avait travaillé depuis que l’Accusé de réception de la demande d’asile a commencé à être délivré avaient reçu un accusé de réception, assorti d’un rendez-vous pour l’obtention du document du demandeur d’asile[189]. Au départ, le temps d’attente pour l’obtention de ce document était de trois à six semaines, mais récemment, le temps d’attente moyen pour l’obtention d’un rendez-vous est passé de 16 à 18 mois à partir de la date de l’émission[190]. De plus, Abdulla Daoud a indiqué qu’à partir du moment où il entre au Canada, un demandeur d’asile pouvait devoir attendre jusqu’à quatre ans avant de trouver la sécurité au pays[191].
Document « Contrôle complémentaire »
« Contrôle complémentaire » est un autre document émis par l’ASFC qui permet de repousser le moment auquel le demandeur fera sa demande en fixant une date ultérieure à laquelle il se présentera pour que l’on entame le processus. Abdulla Daoud a confirmé que ce document faisait en sorte que les demandeurs d’asile doivent attendre de 12 à 24 mois de plus pour obtenir leur document du demandeur d’asile[192]. Ce document est émis spécifiquement aux demandeurs d’asile qui franchissent la frontière de façon irrégulière, et non pas à ceux qui présentent leur demande au Canada.
En raison des délais de traitement accrus engendrés par ces nouveaux documents, le Comité recommande :
De cesser d’émettre le document « Contrôle complémentaire ».
Recommandation 8
Que l’Agence des services frontaliers du Canada cesse d’émettre le document « Contrôle complémentaire » aux demandeurs d’asile irréguliers.
Conséquences pour les demandeurs d’asile
De nombreux témoins ont fait valoir que, si le document du demandeur d’asile (ou « papier brun ») n’était pas émis immédiatement, les demandeurs d’asile ne pouvaient pas travailler légalement parce qu’ils n’arrivaient pas à obtenir de permis de travail, ce qui les empêchait de décrocher un emploi légal[193]. Frantz André a bien décrit le problème :
[Le] « papier brun », qui permet d’obtenir un permis de travail, nécessite que d’autres documents préliminaires soient remplis et envoyés électroniquement pour analyse de la demande. Cependant, n’ayant pas les capacités techniques ou la capacité d’écrire dans l’une des deux langues officielles, plusieurs migrants envoient des documents tardivement, de sorte qu’il y a une longue période d’attente avant l’obtention du permis de travail. Ainsi, ils n’ont d’autre choix que de continuer à recevoir l’aide de dernier recours, qui est insuffisante pour répondre à leurs besoins de base et qui les maintient dans une situation de précarité. […] Plusieurs font le choix de travailler au noir et sont alors à la merci d’agences de placement qui ne respectent pas les normes du travail ou d’employeurs qui les exposent à des conditions de travail abusives[194].
Le fait de ne pas pouvoir travailler légalement entraîne de nombreuses conséquences non voulues pour les demandeurs d’asile, qui ne peuvent notamment pas subvenir à leurs besoins. Cette situation pousse les demandeurs d’asile « dans un cycle de pauvreté systémique[195] » et accentue « le stéréotype que les “réfugiés ne viennent que pour profiter de notre système de sécurité sociale, et n’ont pas besoin de protection”[196] ». Les conditions des demandeurs d’asile peuvent ainsi s’aggraver. Des témoins ont insisté sur le fait que ne pas être en mesure de subvenir à ses besoins en occupant un emploi légal est une vulnérabilité que les demandeurs d’asile ne devraient pas subir au Canada. De nombreux témoins ont réclamé l’obtention rapide de permis de travail pour les demandeurs d’asile, idéalement le jour de leur arrivée.
Ne pas remettre le Document du demandeur d’asile aux demandeurs a une autre conséquence imprévue : ceux-ci ne disposent pas d’une pièce d’identité avec photo, ce qui les rend encore plus vulnérables en matière de logement, d’emploi, d’éducation et de soins de santé. Pour résoudre ce problème, le Centre des réfugiés a proposé d’une part qu’une carte d’identité temporaire avec photo soit délivrée par le gouvernement fédéral lorsque le document du demandeur d’asile ne peut être délivré, et que la période de validité du document passe de deux à quatre ans d’autre part[197].
Compte tenu des répercussions négatives sur les demandeurs d’asile qui n’ont pas accès à un emploi légal et à une pièce d’identité avec photo, le Comité recommande :
Émission d’un permis de travail et du document du demandeur d’asile à l’arrivée
Recommandation 9
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada travaillent de concert pour émettre un permis de travail et un document du demandeur d’asile à l’ensemble des demandeurs d’asile admissibles dès leur arrivée au Canada, qu’ils aient franchi la frontière canadienne de façon régulière ou irrégulière.
Prolongation de la période de validité du document du demandeur d’asile
Recommandation 10
Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada prolonge automatiquement la période de validité du document du demandeur d’asile si la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ne rend pas sa décision finale avant la date d’expiration de ce document.
Nouvelle politique sur l’obtention de permis de travail avant la détermination de la recevabilité
Les retards importants, qui empêchent les demandeurs d’asile d’obtenir rapidement des permis de travail, ont mené à la mise en œuvre d’une nouvelle politique publique par IRCC le 16 novembre 2022. Cette dernière vise à faire passer à un mois le temps d’attente pour obtenir un permis de travail, tout en permettant aux demandeurs d’asile d’obtenir un permis de travail avant de connaître la décision relative à leur recevabilité, processus qui connaît aussi des retards[198]. La nouvelle politique vise à la fois les personnes qui arrivent à la frontière à compter de maintenant et celles qui franchissent déjà les étapes du système[199].
Voici ce que le ministre d’IRCC a indiqué au Comité :
[N]ous nous devons de continuer à faire des investissements pour accélérer le processus. Nous avons consacré 1,3 milliard de dollars au système d’asile dans le dernier budget fédéral. Nous avons récemment apporté un changement pour réduire les délais avant qu’une personne reçoive un permis de travail et faire en sorte qu’elle puisse le faire avant d’avoir reçu une décision d’admissibilité, et les personnes ont maintenant accès aux services sur présentation du document reconnaissant leur demande d’asile, ce qui se produit beaucoup plus tôt dans le processus.
Ce n’est pas parfait. Nous devons accélérer les choses, mais nous prenons déjà des mesures pour essayer d’améliorer la qualité de certaines des circonstances que vous avez soulevées[200].
Eva-Gazelle Rududura a quant à elle dit au Comité : « En général, les personnes qui se sont exprimées ont indiqué avoir bénéficié d’une bonne orientation relativement au déroulement des formalités administratives ainsi qu’une aide à la navigation pour obtenir les services de soutien dont elles avaient besoin[201]. » Rema Jamous Ismeis a rappelé à quel point il était important de continuer de renforcer l’efficacité du triage et du traitement afin de faire preuve de souplesse face à l’augmentation du nombre de demandes[202]. L’Alliance des Burundais du Canada a soutenu que davantage de ressources devraient être allouées à la GRC, à l’ASFC et à tous les organismes concernés, afin de favoriser un travail plus efficace et plus sécuritaire[203].
Ajout de ressources à la frontière
Recommandation 11
Que le gouvernement du Canada s’assure que des ressources additionnelles soient allouées à la Gendarmerie royale du Canada, à l’Agence des services frontaliers du Canada et à tous les organismes pertinents à la frontière afin de continuer à gérer adéquatement et humainement le nombre de demandeurs d’asile qui traversent la frontière au chemin Roxham ou à d’autres points d’entrée irréguliers, et ce dans le but de favoriser un traitement plus rapide des demandes d’asile et d’assurer des conditions de travail plus sûres pour les agents du gouvernement.
Le Québec sous pression : Soutien temporaire aux demandeurs d’asile et hébergement
Les demandeurs d’asile qui entrent au Canada ont droit à un permis de travail et à des services essentiels, comme des soins médicaux de base. Or, comme on l’a vu ci-haut, il arrive que des demandeurs doivent attendre des mois, voire des années, avant d’avoir accès à des mesures de soutien. De plus, les demandeurs d’asile qui arrivent à la frontière canadienne se concentrent largement au Québec. De fait, 90 % des demandeurs d’asile qui franchissent la frontière canado-américaine le font au chemin Roxham. Vincent Desbiens a expliqué qu’une fois qu’un demandeur d’asile a présenté sa demande au Québec, il pouvait s’avérer pratiquement impossible de déménager dans une autre province :
Certains diront que, bien que l’arrivée des demandeurs d’asile ait lieu au Québec, ceux-ci peuvent se déplacer rapidement ailleurs au Canada. À vrai dire, la réalité est tout autre. Premièrement, leur mobilité est restreinte, car ils doivent attendre la réception de leur permis de travail par la poste pour subvenir aussitôt que possible à leurs besoins. Ils vivent dans la précarité financière, alors que l’accès au logement est déjà difficile et que le prix de la nourriture ne fait que grimper. Durant ce temps, l’ensemble des services sociaux disponibles en vue de leur intégration débute au Québec, sur les plans tant juridique que social. Une fois que les demandeurs ont trouvé un avocat, loué un logement et inscrit leurs enfants à l’école, il devient beaucoup plus difficile pour eux d’aller vivre ailleurs[204].
Depuis janvier 2022, le Québec a reçu près de 45 000 des 72 000 demandeurs d’asile arrivés au Canada jusqu’en novembre 2022, que ceux-ci soient réguliers ou irréguliers, « une distinction que personne ne fait en matière de services ou d’hébergement », selon le directeur général de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, Stephan Reichhold[205]. Le fardeau qui incombe au Québec en matière de logement, de services sociaux et d’autres mesures de soutien est donc plus lourd que celui qui incombe à toutes les autres provinces et à tous les territoires.
Lorsque le ministre d’IRCC a témoigné devant le Comité, il a parlé des contributions faites par le gouvernement fédéral au système québécois :
Il y a des défis très réels pour nos partenaires provinciaux, au Québec, en l’occurrence, et pour les partenaires municipaux. C’est pourquoi nous avons créé des programmes pour couvrir le coût des soins de santé et contribuer au coût du logement. Nous avons des accords de location de logements temporaires, et nous continuons à travailler avec les provinces et les municipalités pour veiller à ce que la capacité de leur système d’hébergement, par exemple, ne soit pas dépassée.
Nous devons continuer à traiter les gens avec compassion pour maintenir notre réputation de pays accueillant et compatissant dans le monde, mais aussi pour faire en sorte que les coûts de cette difficulté très concrète ne sont pas simplement transférés aux provinces et aux municipalités. Ce ne sont pas des défis faciles à relever, mais il est de notre responsabilité, en tant que gouvernement, de respecter les obligations juridiques nationales et internationales qui nous incombent[206].
Stephan Reichhold a indiqué que la relation qui prévaut entre les gouvernements du Québec et du Canada, dans le dossier des demandeurs d’asile, rappelait celle d’un couple de parents divorcés « qui ne veut pas s’entendre sur la prise en charge des enfants. Chacun renvoie la balle à l’autre et les deux se chicanent tout le temps, de sorte que les enfants sont laissés à eux-mêmes[207]. » Malgré cette description de la relation fédérale-provinciale, le gouvernement fédéral a fourni de l’hébergement temporaire aux demandeurs d’asile au Québec et en Ontario depuis le début de la pandémie, et a indiqué qu’il avait l’intention de continuer de le faire. De plus, le Programme d’aide au logement provisoire temporaire a aidé les provinces et les municipalités à rembourser une partie des coûts d’hébergement des demandeurs d’asile[208].
En novembre 2022, environ 5 000 demandeurs d’asile résidaient dans des hébergements temporaires, tant à l’échelle du gouvernement fédéral qu’au Québec. En moyenne, ils y demeurent de trois à quatre semaines, et ils sont alors « laissés à eux-mêmes[209] ». Stephan Reichhold a déploré la précarité de leur situation :
Avec un chèque de 750 $ par adulte, on ne peut pas trouver de logement ni nourrir une famille. Il y a beaucoup d’enfants dans le lot. On voit aussi une augmentation importante de femmes enceintes, qui sont incapables de voir un médecin.
J’appelle cela une urgence humanitaire. […] Les gouvernements devraient se responsabiliser et, comme dans les cas de catastrophes naturelles, mettre en place des ressources[210].
De nombreux témoins se préoccupent des niveaux de soins reçus par les demandeurs d’asile et du fait que les services mis à leur disposition diminuent, en partie à cause de l’afflux de migrants et de leur concentration à Montréal[211]. Frantz André et Vincent Desbiens ont dénoncé un autre problème très grave : le transfert de certains demandeurs d’asile du Québec vers l’Ontario, alors que ceux-ci ne savent pas qu’ils s’en vont dans une autre province, ou sans leur consentement. Vincent Desbiens a expliqué ce qui suit : « [Ces personnes] n’avaient pas réellement le désir d’aller vivre sur le territoire ontarien et de subir un autre parcours migratoire, ayant déjà suffisamment souffert pour parvenir jusqu’au Canada[212]. » Frantz André a donné des détails à ce sujet, affirmant que certains demandeurs avaient reçu un court préavis pour se trouver un hébergement au Québec ou changer d’établissement[213]. Il convient de noter que ce ne sont pas tous les demandeurs d’asile au Québec à qui on donne ce choix. Le processus semble passablement aléatoire et des familles peuvent être séparées.
Les témoins ont formulé différentes recommandations visant à régler ces problèmes, notamment : renforcer les capacités d’accueil dans les endroits où les gens vont traverser la frontière afin d’éviter des problèmes humanitaires[214]; solidifier les normes et les institutions favorisant les relations intergouvernementales liées aux demandes d’asile, y compris la collaboration opérationnelle entre les groupes de travail fédéraux-provinciaux; inclure l’« asile » comme enjeu dans le cadre du Forum des ministres responsables de l’immigration; créer une vision fédérale-provinciale-territoriale commune en matière d’immigration humanitaire; et régulariser les accords de financement fédéraux[215]. Mireille Paquet, titulaire de la chaire de recherche en politique de l’immigration de l’Université Concordia, a soutenu que le fait de donner suite à ces recommandations contribuerait à améliorer la confiance et la prévisibilité pour les gouvernements provinciaux et territoriaux, ce qui pourrait influer sur leur volonté de continuer à prendre part au système d’octroi de l’asile[216]. Elle a également recommandé la négociation d’un plan de responsabilité partagée pour l’hébergement des demandeurs d’asile qui attendent la détermination de leur statut, ainsi que la création d’une tribune fédérale‑provinciale‑municipale consacrée à la migration (notamment en ce qui concerne les demandeurs d’asile et les passages à la frontière), étant donné que le rôle des municipalités canadiennes en matière d’immigration a pris de l’ampleur au fil du temps et est actuellement sous-évalué[217]. Par conséquent, le Comité recommande :
Ressources additionnelles pour les organismes d’établissement
Recommandation 12
Que le gouvernement du Canada accorde des ressources aux organismes d’établissement qui facilitent l’intégration au Québec et au Canada des demandeurs d’asile qui traversent la frontière au chemin Roxham ou à d’autres passages frontaliers irréguliers.
Manque de ressources et d’accès aux mesures de soutien
Accès aux soins de santé
En ce qui concerne les problèmes d’accès aux soins de santé et à l’assurance maladie pour les demandeurs d’asile, un programme fédéral de soins de santé, le Programme fédéral de santé intérimaire (semblable à la RAMQ au Québec), leur est offert. Or, selon Yannick Boucher, directeur, Développement stratégique et recherche, Accueil liaison pour arrivants, ce programme est vraiment mal connu, y compris des travailleurs de première ligne[218]. Comme les demandeurs d’asile ne sont pas admissibles à la RAMQ, mais que le programme fédéral est peu connu, il arrive qu’ils ne réussissent pas à avoir accès aux services ou qu’on les oblige à payer ces services. Pour régler ce problème, Yannick Boucher recommandait de lancer une campagne de sensibilisation auprès des travailleurs de la santé et de créer une liste d’employés ayant suivi une formation sur le programme, ce qui permettrait de traiter rapidement les demandeurs d’asile nécessitant des soins à leur arrivée[219]. Le Centre de réfugiés recommandait également de mettre les programmes de formation à jour afin de sensibiliser les travailleurs de la santé aux questions raciales et culturelles lorsque ceux-ci traitent des patients[220].
Comme il est essentiel que les travailleurs de la santé soient sensibilisés aux réalités raciales et culturelles lors de leurs interactions avec les demandeurs d’asile, le Comité recommande :
Sensibilisation au Programme fédéral de santé intérimaire pour les travailleurs de la santé
Recommandation 13
Que le gouvernement du Canada collabore avec les provinces et les territoires pour mieux sensibiliser les travailleurs de la santé au sujet du Programme fédéral de santé intérimaire dans le respect des champs de compétences du Québec et des provinces.
Accès à un avocat
De nombreux témoins ont soutenu que l’accès aux avocats constituait un autre problème important pour les demandeurs d’asile arrivant au Québec par le chemin Roxham. Perla Abou-Jaoudé a plus précisément soutenu que le problème en soi n’était pas le long temps d’attente avant que le demandeur d’asile ne comparaisse devant la CISR, mais bien son accès à la justice et à un avocat. Richard Wex a corroboré ce témoignage en expliquant que la CISR a prolongé les délais de dépôt de la demande d’asile, le principal formulaire utilisé « en reconnaissance du fait que la pression est telle au chemin Roxham qu’il est difficile pour beaucoup de ces demandeurs d’avoir accès à un avocat aussi rapidement qu’auparavant[221] ». Frantz André a décrit comme « un défi majeur[222] » la difficulté pour un demandeur d’asile de trouver un avocat en immigration, que ce soit par l’entremise de l’aide juridique ou au privé.
Vincent Desbiens a souligné que, lorsqu’un demandeur d’asile n’était pas en mesure de trouver un avocat, cela nuisait à ses revendications et, de ce fait, l’empêchait d’obtenir à long terme la sécurité dont il avait besoin : « Il va de soi que cette incapacité à avoir accès à la justice engendre chez ces nouveaux arrivants une grande détresse psychologique et émotionnelle, à court et à moyen termes[223]. »
Histoires de réussite, malgré les difficultés
Tout au long de la présente étude, le Comité a entendu de nombreux témoins qui ont décrit les périples éprouvants de nombreux demandeurs d’asile qui sont venus au Canada. Leurs histoires sont tragiques, déchirantes, magnifiques et inspirantes. Pour certains, « ces parcours migratoires laissent des séquelles et des traumatismes[224] ». Pour d’autres, leur périple est le début d’un nouveau chapitre. Rema Jamous Imseis a décrit au Comité les réussites connues par les réfugiés au Canada :
Pour les réfugiés qui parviennent à trouver une solution au Canada, la recherche démontre qu’ils apportent plusieurs contributions à cette société multiculturelle riche et dynamique. Les données du recensement fournissent de solides preuves empiriques à l’appui de l’affirmation selon laquelle l’investissement du Canada dans les réfugiés porte ses fruits. Par exemple, après 20 ans au Canada, les réfugiés contribuent davantage en impôt sur le revenu que ce qu’ils reçoivent en services sociaux. D’autres paramètres clés, notamment l’accession à la propriété, la création d’emplois et le degré de scolarité, permettent de conclure que les réfugiés apportent d’importantes contributions au Canada[225].
Appolonie Simbizi a également témoigné de l’intégration réussie de demandeurs d’asile à la société canadienne : « [D]es témoignages montrent que les demandeurs qui sont passés par le chemin Roxham et qui ont été bien accueillis en tant que réfugiés s’intègrent bien à la société et participent activement à l’avancement de notre pays, au même titre que les autres citoyens[226]. »
Eva-Gazelle Rududura a raconté l’histoire émouvante d’une Burundaise qui est arrivée seule au chemin Roxham alors qu’elle était enceinte. Elle a reçu des salutations en français, ce qui l’a rassurée non seulement parce que c’était sa langue maternelle, mais également en raison de l’accueil chaleureux qu’elle a reçu. Après avoir rempli des formulaires, elle a été dirigée vers un arrêt d’autobus pour se rendre au YMCA de Montréal, où elle a séjourné temporairement. Au YMCA, une femme lui a conseillé de se rendre au bureau de l’immigration afin de signaler qu’elle préférait rejoindre son oncle à Ottawa. Eva-Gazelle Rududura a ensuite révélé que cette femme est l’épouse de l’actuel président d’Unis pour une intégration consciente au Canada, Corneille Nibaruta, qui l’a rejointe quelques années plus tard au Canada. Aujourd’hui, tous les deux travaillent à la Gendarmerie royale du Canada[227].
Eva-Gazelle Rududura a donné des détails sur les succès connus par les membres de la communauté burundaise du Canada, qui pour la plupart ont « d’abord bénéficié du statut de personne protégée » au Canada. Selon elle, cette communauté est composée de fonctionnaires, de travailleurs de la santé, d’entrepreneurs à succès qui créent des emplois au Canada et d’ingénieurs chevronnés, notamment une canado-burundaise qui travaille sur des projets comme le bras spatial canadien et l’arrivée d’Internet au pôle Nord. Elle a également souligné que la contribution de la communauté canado-burundaise à la francophonie canadienne est considérable[228].
Comme de nombreux témoins l’ont souligné avec éloquence, les contributions des demandeurs d’asile et des réfugiés au Canada dépassent largement ce qu’ils reçoivent lors de leur arrivée au Canada, peu importe s’ils franchissent la frontière de façon régulière ou irrégulière. Le Comité reconnaît que les migrants jouent un rôle indispensable au sein de la société canadienne et remercie tous les intervenants qui ont raconté leur histoire dans le cadre de la production de ce rapport.
[1] Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM), Procès-verbal, 28 octobre 2022.
[2] Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, ch. 27.
[3] Nations Unies, Agence des Nations Unies pour les réfugiés, La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, « Convention de 1951 relative au statut des réfugiés » et « Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés ».
[4] La LIPR désigne les demandeurs d’asile comme des « demandeurs du statut de réfugié », mais le terme « demandeur d’asile » est utilisé dans le présent rapport.
[5] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis, représentante au Canada, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés).
[6] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1305 (Christiane Fox, sous-ministre, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada).
[7] LIPR, alinéas 3 (2) c) et 3 (2) d).
[8] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), CIMM 42.6, Procédure d’asile antérieure à 2004, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022.
[9] LIPR, paragraphe 99 (3) et article 100. En 2019, on a modifié la LIPR afin d’enjoindre aux agents d’examiner la recevabilité d’une demande avant de la renvoyer à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), ce qui a permis d’éliminer le délai de trois jours pour ces renvois (Loi no 1 d’exécution du budget de 2019, L.C. 2019, ch. 29).
[10] L’inadmissibilité, en ce qui concerne le fait de juger une demande irrecevable et ne pouvant être renvoyée à la CISR, repose sur des motifs précis : sécurité, atteinte aux droits de la personne ou aux droits internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée.
[11] Les demandes antérieures au Canada peuvent entraîner l’irrecevabilité d’une demande d’asile renvoyée à la CISR si la demande antérieure a été approuvée, rejetée, retirée ou abandonnée, ou si la personne a été jugée irrecevable.
[12] LIPR, article 133.
[13] LIPR, articles 112 et 115.
[14] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1305 (Christiane Fox).
[15] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Version finale de l’entente sur les tiers pays sûrs.
[17] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1335 (Richard Wex, président et premier dirigeant, Commission de l’immigration et du statut de réfugié).
[18] Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR), DORS/2002-227, article 159.1. Voir Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, qui accompagne le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2004-217, p. 1622–1627.
[19] LIPR, paragraphe 102 (2).
[20] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1315 (Aaron McCrorie, vice-président, Renseignement et exécution de la loi, Agence des services frontaliers du Canada).
[21] CIMM a entendu des témoins à propos de l’afflux de demandeurs d’asile à la frontière canado-américaine le 28 septembre 2017, le 3 octobre 2017 et le 5 octobre 2017. Le Comité est revenu sur la question en mai 2018 (3 mai 2018 et 29 mai 2018) et après une réunion d’urgence le 16 juillet 2018, il a tenu trois réunions le 24 juillet 2018 (réunions numéro 117, 118 et 119).
[22] IRCC, CIMM 42,3, Documents IRCC sur les flux migratoires irréguliers, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022.
[23] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1310 (Christiane Fox)
[24] IRCC, CIMM 42.3 Documents IRCC sur les flux migratoires irréguliers, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022.
[25] L’interdiction de présenter une demande d’asile ne s’appliquait pas aux citoyens des États-Unis ou aux apatrides qui résident habituellement aux États-Unis et présentant une demande d’asile contre les États-Unis, aux mineurs non accompagnés présentant une demande d’asile contre les États-Unis et aux parents (ou tuteurs légaux) d’un citoyen américain mineur présentant une demande d’asile contre les États-Unis.
[26] Loi sur la mise en quarantaine, L. C. 2005, ch. 20, art. 58.
[27] Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2020-55, article 41.
[28] Le premier décret date du 20 mars 2020, Décret visant la réduction du risque d’exposition à la COVID-19 au Canada (interdiction d’entrée au Canada en provenance des États-Unis), C.P. 2020-0161. Le dernier décret était le C.P. 2021‑0961.
[29] IRCC, Demandes d’asile par année — 2021, « Interceptions par la GRC ». Le nombre d’« interceptions par la GRC » fait référence aux demandeurs d’asile appréhendés entre les points d’entrée et ne reflète pas les autres passages frontaliers.
[30] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1320 (Michael Duheme, sous-commissaire, Police fédérale, Gendarmerie royale du Canada).
[31] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis).
[32] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1620 (Eva-Gazelle Rududura, vice-présidente, Unis pour une intégration consciente au Canada).
[33] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1325 (Michael Duheme); CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1325 (Martin Roach, officier responsable des enquêtes criminelles par intérim, Division C, Gendarmerie royale du Canada).
[34] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1330 (Michael Duheme).
[35] Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.), paragraphe 11 (1). Toute personne arrivant au Canada ne peut y entrer qu’au bureau de douane, doté des attributions prévues à cet effet, qui est ouvert, et doit se présenter sans délai devant un agent. Elle est tenue de répondre véridiquement aux questions que lui pose l’agent dans l’exercice de ses fonctions.
[36] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1320 (Michael Duheme).
[37] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1340 (Martin Roach).
[38] Ibid., 1325.
[39] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1315 (Aaron McCrorie). Les vérifications biométriques comprennent les empreintes digitales et les photographies.
[40] Ibid., 1345.
[41] Ibid., 1315.
[42] Ibid.
[43] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1650 (Appolonie Simbizi, secrétaire générale, Alliance des Burundais du Canada).
[45] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1305 (Christiane Fox).
[46] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1355 (Richard Wex); CISR, MISE À JOUR — Procédure temporaire concernant la présentation du formulaire Fondement de la demande d’asile au Québec prolongée jusqu’à nouvel ordre, 29 mars 2018; CISR, Avis de pratique : Procédures temporaires révisées pour la présentation du formulaire Fondement de la demande d’asile au Québec, 22 septembre 2017.
[47] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1340 (Christiane Fox).
[48] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis).
[49] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1430 (Yannick Boucher, directeur, Développement stratégique et de la recherche, Accueil liaison pour arrivants).
[50] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1305 (L’honorable Sean Fraser).
[51] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1600 (Abdulla Daoud, directeur général, Le Centre de réfugiés).
[52] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1705 (Stephan Reichhold, directeur général, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes).
[53] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1315, 1350 (Christiane Fox); CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1350 (Richard Wex).
[54] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1410 (Stéphane Handfield, avocat, Handfield et associés, avocats, à titre personnel).
[55] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1330 (Christiane Fox).
[56] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1335 (Richard Wex).
[57] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1440 (Stéphane Handfield).
[58] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis).
[59] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1720 (Azadeh Tamjeedi, juriste principale et chef de l’unité de protection, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés).
[60] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1655 (Maureen Silcoff, avocate et ancienne présidente, Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés).
[61] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1420 (Marzieh Nezakat, gestionnaire, Programme d’installation et d’intégration des réfugiés, Multilingual Orientation Service Association for Immigrant Communities).
[62] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1325 (Christiane Fox).
[63] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1320 (Michael Duheme).
[64] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1315 (Aaron McCrorie).
[65] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1555 (Frantz André, porte-parole et coordonnateur, Comité d’action des personnes sans statut).
[66] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1420 (Marzieh Nezakat).
[67] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1655, 1735 (Maureen Silcoff).
[68] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1655 (Janet McFetridge, mairesse de Champlain, New York, Plattsburgh Cares).
[69] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1620 (Eva-Gazelle Rududura).
[70] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1715 (Appolonie Simbiz).
[71] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis).
[72] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1405 (L’honorable Sean Fraser).
[73] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1650 (Appolonie Simbizi).
[74] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1330 (Michael Duheme).
[75] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1720 (Janet McFetridge).
[76] Ibid., 1655.
[77] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1320 (Michael Duheme).
[78] Ibid., 1330.
[79] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1355 (Martin Roach).
[80] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1340 (Michael Duheme).
[81] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1625 (Frantz André).
[82] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1435 (Stéphane Handfield).
[83] Ibid.
[84] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1420 (Marzieh Nezakat).
[85] Ibid.
[86] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1610 (Frantz André).
[87] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1345 (Christiane Fox).
[88] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1440 (L’honorable Sean Fraser).
[89] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1725 (Rema Jamous Imseis).
[90] Ibid., 1710.
[91] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1335 (Richard Wex).
[92] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1710 (Rema Jamous Imseis).
[93] Ibid., 1705.
[94] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1655 (Maureen Silcoff).
[95] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1630 (Pierre-Luc Bouchard, avocat spécialiste des réfugiés et chef du département juridique, Le Centre de réfugiés).
[96] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1630 (Abdulla Daoud).
[97] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1635 (Frantz André).
[98] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens, avocat, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration).
[99] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1725 (Perla Abou-Jaoudé, avocate, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration).
[100] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1720 (Stephan Reichhold).
[101] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1425 (Stéphane Handfield).
[102] Ibid., 1410.
[103] Ibid., 1435.
[104] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1500 (L’honorable Sean Fraser).
[105] Ibid., 1455.
[106] Ibid., 1335.
[107] Ibid., 1505.
[108] Ibid., 1420.
[109] Ibid., 1415.
[110] Ibid.
[111] Ibid., 1435.
[112] Ibid., 1430.
[113] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1710 (Maureen Silcoff).
[114] Ibid., 1655.
[115] Ibid.
[116] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1435 (Stéphane Handfield).
[117] Ibid., 1425.
[118] Ibid., 1410.
[119] IRCC, CIMM 42.2 Rapports et analyses de l’Entente sur les tiers pays sûrs, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022.
[120] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1330 (Christiane Fox).
[121] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1450 (L’honorable Sean Fraser).
[122] Ibid.
[123] Le Conseil canadien pour les réfugiés soutenait que les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour les réfugiés et que l’ETPS contrevient à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne).
[124] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1310 (Christiane Fox).
[125] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1410 (L’honorable Sean Fraser).
[126] Ibid.
[127] IRCC, CIMM 42.2 Rapports et analyses de l’Entente sur les tiers pays sûrs, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022.
[128] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1705 (Rema Jamous Imseis).
[129] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1725 (Azadeh Tamjeedi).
[130] Affaire A-B-, 27 I&N Dec. 316 (A.G. 2018) [disponible en anglais seulement]. Dans l’Affaire A-B-, Jeff Sessions, le procureur général des États-Unis pour l’administration Trump, a renversé une décision rendue par la Commission d’appel de l’immigration, rendant ainsi les survivants de la violence familiale des demandeurs inadmissibles aux fins de l’obtention du statut de réfugié.
[131] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1410 (L’honorable Sean Fraser).
[132] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1710 (Janet McFetridge).
[133] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1615 (Frantz André).
[134] Ibid., 1555.
[135] Ibid., 1625.
[136] Ibid., 1555.
[137] Ibid., 1610.
[138] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1650 (Appolonie Simbizi).
[139] Ibid.
[140] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1725 (Maureen Silcoff).
[141] États-Unis, Immigration and Naturalization Act (INA) §208(a)(2)(B). Un demandeur d’asile doit démontrer « à l’aide d’éléments de preuve clairs et convaincants que la demande a été présentée dans l’année qui a suivi la date d’arrivée [du demandeur] aux États-Unis » [traduction].
[142] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1730 (Maureen Silcoff).
[143] Ibid.
[144] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1440 (Stéphane Handfield).
[145] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1630 (Pierre-Luc Bouchard).
[146] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1615 (Frantz André).
[147] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1405 (L’honorable Sean Fraser).
[148] Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2009-210, voir le résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui l’accompagne, p. 1470–1475.
[149] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1655 (Maureen Silcoff).
[150] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1645 (Abdulla Daoud).
[151] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1645 (Frantz André).
[152] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1645 (Eva-Gazelle Rududura).
[153] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1655 (Maureen Silcoff).
[154] Ibid.
[155] Ibid., 1735.
[156] Le projet de loi C-97, déposé lors de la 1re session de la 42e législature, s’appelait également Loi n° 1 d’exécution du budget de 2019. Frantz André a dit craindre que l’élargissement de l’ETPS, tout comme le projet de loi C-97, ne touche les personnes se présentant au pays après avoir présenté une demande dans un autre pays du Groupe des cinq (Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis) et ne provoque plus de détresse chez les migrants cherchant à obtenir la protection du Canada. CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1635 (Frantz André).
[157] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1635 (Abdulla Daoud).
[158] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1655 (Maureen Silcoff).
[159] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens).
[160] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1720 (Stephan Reichhold).
[161] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1345 (Christiane Fox).
[162] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1305 (Richard Wex).
[163] Ibid.
[164] IRCC, CIMM 42,8 Financement dédié aux temps d’attente des CISR, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022.
[165] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1310 (Richard Wex).
[166] Ibid., 1400.
[167] Ibid., 1330.
[168] Ibid.
[169] Richard Wex a expliqué qu’il y a un décalage de six à douze mois entre le moment où la demande d’asile est traitée par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et IRCC et le moment où la demande est traitée par la CISR. Abdulla Daoud a aussi déclaré que le temps d’attente pour obtenir le Document du demandeur d’asile peut être plus long que 12 mois. CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1355 (Richard Wex); CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1645 (Abdulla Daoud); CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1715 (Perla Abou-Jaoudé).
[170] IRCC, CIMM 42,12 Principaux pays d’origine des demandes d’asile rejetées, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022, p. 1.
[171] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1715 (Perla Abou-Jaoudé).
[172] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1310 (Richard Wex).
[173] Ibid.
[174] Ibid.
[175] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1715 (Perla Abou-Jaoudé); CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1645 (Frantz André).
[176] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1645 (Frantz André).
[177] Saint-Bernard-de-Lacolle est le seul bureau de l’ASFC du Canada qui utilise des structures temporaires pour accueillir les demandeurs d’asile. CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1315 (Aaron McCrorie).
[178] Ibid., 1345.
[179] Ibid., 1305, 1315, 1345.
[180] IRCC, CIMM 42,1 Délais de traitement pour les demandeurs d’asile en situation irrégulière, La réponse d’IRCC à une demande d’information faite par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 18 novembre 2022.
[181] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1315 (Aaron McCrorie).
[182] IRCC, Guide 0174 — Guide de demande d’asile présentée depuis le Canada par l’intermédiaire du portail IRCC.
[183] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1350 (Aaron McCrorie). Généralement, lorsque les utilisateurs saisissent leurs propres renseignements en ligne, cela permet de sauter une étape (celle où une autre personne saisit l’information en consultant des formulaires papier), ce qui peut permettre d’éviter des erreurs (comme des erreurs d’orthographe ou la mauvaise date de naissance).
[184] Ibid.
[185] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1630 (Pierre-Luc Bouchard).
[186] Ibid., 1555.
[187] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1615 (Frantz André).
[189] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1600 (Abdulla Daoud).
[191] CIMM, Témoignages, 22 novembre 20222, 1600 (Abdulla Daoud).
[192] Ibid., 1635.
[193] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1415 (Yannick Boucher); CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens); Le Centre de réfugiés, Mémoire, 14 novembre 2022, p. 1–2; CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1625 (Frantz André); CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis); CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1420 (Marzieh Nezakat).
[194] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1555 (Frantz André).
[195] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1600 (Abdulla Daoud).
[197] Ibid., p. 6–7, 12.
[198] IRCC, Politique d’intérêt public temporaire visant à dispenser les demandeurs d’asile, au Canada, de certaines exigences relatives à la délivrance de permis de travail ouverts.
[199] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1350 (Christiane Fox).
[200] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1455 (L’honorable Sean Fraser).
[201] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1605 (Eva-Gazelle Rududura).
[202] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis).
[203] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1650 (Appolonie Simbizi).
[204] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens).
[205] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1705 (Stephan Reichhold).
[206] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1445 (L’honorable Sean Fraser).
[207] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1710 (Stephan Reichhold).
[208] CIMM, Témoignages, 18 novembre 2022, 1305 (Christiane Fox).
[209] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1730 (Stephan Reichhold).
[210] Ibid.
[211] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1640 (Frantz André), CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1705 (Stephan Reichhold), CIMM, Mémoire, Mireille Paquet, Chaire de recherche en politique de l’immigration, Université Concordia, 2 décembre 2022, p. 4.
[212] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens).
[213] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1555 (Frantz André).
[214] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1620 (Eva-Gazelle Rududura).
[215] CIMM, Mémoire, Mireille Paquet, 2 décembre 2022, p. 4.
[216] Ibid.
[217] Ibid.
[218] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1435 (Yannick Boucher).
[219] Ibid.
[221] CIMM, Témoignages, 25 novembre 2022, 1355 (Richard Wex).
[222] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1555 (Frantz André).
[223] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1700 (Vincent Desbiens).
[224] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1555 (Frantz André).
[225] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1645 (Rema Jamous Imseis).
[226] CIMM, Témoignages, 15 novembre 2022, 1655 (Appolonie Simbizi).
[227] CIMM, Témoignages, 22 novembre 2022, 1605 (Eva-Gazelle Rududura).
[228] Ibid.