CIMM Rapport du Comité
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Sommaire
Les permis de travail « fermés », autrement connus comme « permis de travail liés à un employeur donné », causent des restrictions à la mobilité qui, combinées à une grande dépendance envers l’employeur, exposent les travailleurs étrangers temporaires à l’exploitation et à l’abus. En effet, les travailleurs liés à un seul employeur, dont ceux qui viennent au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), sont susceptibles, s’ils ne se conforment pas aux conditions de leur permis de travail fermé, de perdre leurs logements ou leurs accès aux services médicaux et sociaux, de subir des pertes financières ou d’être rapidement déportés.
Les employeurs canadiens comptent de plus en plus sur le PTET ces dernières années pour contrer le manque de main-d’œuvre : le nombre de nouveaux permis délivrés aux termes du programme a plus que doublé depuis 2020[1]. En 2023, le rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage des Nations Unies s’est penché sur le PTET lorsqu’il a visité le Canada. Dans ses conclusions préliminaires, il a qualifié les volets des programmes consacrés aux postes à faible salaire et à l’agriculture de « terreau propice aux formes contemporaines d’esclavage ». Selon lui, ce sont les permis de travail fermés qui rendent les travailleurs particulièrement vulnérables, notamment parce que ceux-ci « ne peuvent pas changer d’employeur et risquent la déportation si leur emploi prend fin[2] ».
En novembre 2023, le Comité a entrepris lui aussi une étude sur les permis de travail fermés et les travailleurs étrangers temporaires. Notamment, il a examiné les conditions sous‑jacentes aux enjeux du point de vue du travail et de la mobilité, le rôle important que joue le PTET pour l’économie canadienne, l’efficacité des protections actuelles, et la déclaration de fin de mission du rapporteur spécial. Le présent rapport rend compte des témoignages qu’ont livrés les représentants des employeurs et du secteur privé, des travailleurs eux-mêmes et du gouvernement. Il relate aussi la comparution d’un ancien travailleur étranger temporaire, ainsi que celle du rapporteur spécial.
Il faut comprendre le contexte de l’étude, soit notamment la déclaration de fin de mission et le témoignage du rapporteur spécial des Nations Unies. Celui-ci, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes, a dit ce qui suit :
En ce qui concerne le traitement des travailleurs migrants, j'ai exprimé de graves préoccupations au sujet des volets du Programme des travailleurs étrangers temporaires qui touchent les postes à bas salaire et les emplois dans l'agriculture.
Un large éventail d'intéressés, y compris près de 100 travailleurs migrants, que j'ai rencontrés dans les différentes régions du Canada m'ont communiqué directement de l'information au sujet de conditions de travail épouvantables, notamment des heures de travail excessives, des tâches physiquement dangereuses, des salaires peu élevés et l'absence de rémunération des heures supplémentaires, sans compter les cas de harcèlement sexuel, d'intimidation et de violence de la part de l'employeur. Bon nombre des travailleurs qui essaient de négocier de meilleures conditions de travail seraient menacés ou même congédiés sur‑le‑champ.
À mon avis, le principal facteur contribuant à rendre les travailleurs migrants plus vulnérables à l'exploitation au Canada est le principe du permis fermé qui lie les travailleurs à des employeurs précis. On crée ainsi une relation de dépendance qui permet souvent aux employeurs d'exercer un contrôle strict sur les travailleurs, ce qui augmente considérablement les risques d'exploitation et d'abus[3].
Le présent rapport se divise en quatre parties. Dans la première, on décrit le processus par lequel le gouvernement émet des permis de travail fermés dans le cadre du PTET, la croissance que connaît ce programme depuis 2014, et la critique des conditions de travail dans le PTET qu’a exprimée le rapporteur spécial dans sa récente déclaration de fin de mission. La deuxième partie expose comment le PTET protège actuellement les travailleurs, notamment en leur ouvrant des voies vers la mobilité ouvrière. Dans la troisième partie, on explique comment les permis de travail fermés peuvent exposer les travailleurs à l’abus, et on précise les risques et les avantages des permis ouverts et sectoriels. Enfin, des changements possibles au PTET sont proposés, comme l’amélioration de l’accès à la résidence permanente.
[1] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Résidents temporaires: les détenteurs de Permis de travail du Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTÉT) et du Programme de mobilité internationale (PMI) – Mises à jour mensuelles d’IRCC - Canada - Titulaires de permis de travail du programme des travailleurs étrangers temporaires selon la province / le territoire de destination envisagé(e), la profession envisagée (codes à quatre chiffres de la CNP 2011) et l'année à laquelle le permis est entré en vigueur.
[2] Tomoya Obokata, rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage des Nations Unies, End of Mission Statement, 6 septembre 2023 [traduction].
[3] CIMM, Témoignages, 26 février 2024, 1105 (Tomoya Obokata, rapporteur spécial, Nations Unies).