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FAAE Rapport du Comité

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Le régime de sanctions du Canada : Transparence, responsabilisation et efficacité

Introduction

Au commencement de 2022, les forces russes étaient amassées près de la frontière russo-ukrainienne et le gouvernement de la Russie lançait aux partenaires transatlantiques de l’Ukraine des ultimatums jugés largement inacceptables. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait prévenu que si la Russie poursuivait cette campagne d’agression, elle ferait « face à des mesures économiques jamais imposées auparavant, aux conséquences énormes[1] ». Malgré cet avertissement, le 24 février 2022, la Russie a décidé de rejeter les voies diplomatiques et d’enfreindre le droit international en procédant à une invasion à grande échelle de l’Ukraine. La riposte annoncée a fait ressortir d’emblée la gravité de la situation. Le président américain Joe Biden a signifié que les « sanctions sévères » imposées par les États-Unis (É.-U.) à la Russie, en coordination avec des partenaires tels que le Canada, le Japon, le Royaume-Uni et les 27 États membres de l’Union européenne (UE), « limiteraient la capacité de la Russie à faire des affaires en dollars, en euros, en livres et en yens » et « réduiraient sa capacité de rester concurrentielle dans une économie du XXIe siècle axée sur la haute technologie[2] ».

Parmi les « conséquences importantes[3] » qu’il avait promises, le Canada a imposé des restrictions à l’encontre d’individus et d’entités russes, ainsi que des membres clés du gouvernement russe et de leurs contacts[4]. Il a annulé les licences d’exportation valides vers la Russie et a cessé d’en délivrer de nouvelles; il a interdit à toutes les institutions financières canadiennes d’effectuer des opérations avec la Banque centrale russe et a interdit les transactions ayant trait aux fonds d’investissement souverains russes. De plus, grâce à un effort concerté, certaines banques russes[5] ont été exclues de SWIFT, le système global de paiements entre les banques[6].

Lors de sa comparution devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (le Comité) de la Chambre des communes, le 24 mars 2022, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a parlé d’une « mobilisation sans précédent » en vue de l’imposition de sanctions à la Russie[7]. À ce moment, le Canada avait frappé de sanctions plus de 1 000 individus et entités russes et biélorusses[8], interdit l’importation de pétrole brut russe et empêché les avions et les navires russes et biélorusses d’entrer au Canada. La ministre Joly a expliqué au Comité que les sanctions avaient un « but clair, net et précis, soit d’étouffer le régime russe et les individus qui ont financé et permis cette invasion[9] ». Lorsqu’elle s’est présentée de nouveau devant le Comité au début d’août 2022, elle a déclaré que le Canada avait « le régime de sanctions le plus strict du G7 en ce qui concerne l’Ukraine[10] ».

En septembre 2022, il est devenu apparent que les sanctions contre la Russie étaient très variées et de grande portée. Or, malgré les contraintes et les coûts économiques et sociaux, la Russie a poursuivi inexorablement ses violences contre l’Ukraine. Bien que l’on ait continué à annoncer de nouvelles sanctions, l’accent était dorénavant mis sur leur mise en œuvre et leur application. Dans ce contexte, le Comité a décidé que le moment était venu d’étudier l’efficacité du régime de sanctions du Canada[11]. À cette fin, il s’est appuyé sur le rapport qu’il avait produit en février 2023 sur la réponse du Canada à la guerre et, de manière plus générale, sur les recommandations qu’il avait formulées en 2017 à la suite d’une étude approfondie sur le cadre législatif régissant les sanctions au Canada. Ce cadre a été modifié à plusieurs reprises depuis 2017 afin d’en élargir la portée, mais il est aussi devenu plus complexe. Outre ces changements, le Comité était d’avis qu’un examen du régime était opportun et nécessaire, puisqu’à son avis, les sanctions constituent maintenant un instrument essentiel de la politique étrangère du Canada. En effet, leur utilisation est devenue à la fois plus fréquente et plus étendue. D’ailleurs, la société civile canadienne réclame l’imposition de sanctions dans bien des circonstances, notamment dans le cadre des travaux du Comité portant sur d’autres conflits et crises dans le monde.

Aux fins de son étude sur le régime de sanctions du Canada, le Comité a entendu des témoins dans le cadre de six réunions tenues entre le 1er juin et le 27 septembre 2023 et a reçu des mémoires, dont la liste figure en annexe. En bref, les travaux du Comité ont fait ressortir qu’imposer des sanctions est un moyen de parvenir à une fin, d’atteindre certains objectifs stratégiques. L’efficacité de l’imposition de sanctions, en tant qu’outil, dépend de la forme et de l’utilisation de ces sanctions, et est mesurée par rapport aux fins recherchées. En même temps, il a été rappelé au Comité que les sanctions ne sont pas imposées en vase clos. D’autres facteurs économiques et politiques peuvent en amplifier ou en atténuer les effets.

Le Comité a donc cherché à déterminer s’il fallait affûter cet outil et si le cadre législatif et l’appareil gouvernemental qui façonnent et permettent l’imposition de sanctions devaient être renforcés. Dans le présent rapport, le Comité examine ces questions et présente ses conclusions. Le rapport donne d’abord des renseignements généraux sur le régime de sanctions du Canada. Il résume ensuite les principales conclusions du Comité en ce qui concerne l’application du régime, les ressources qui lui sont consacrées et son efficacité. Enfin, il traite de la cohérence de la législation canadienne relative aux sanctions et de l’uniformité avec laquelle elle est appliquée à l’encontre d’États et de ressortissants étrangers. Tout au long du rapport, le Comité utilise comme point de référence ses recommandations de 2017[12].

Survol du régime de sanctions du Canada

Cadre législatif

Le terme « sanction » ne figure pas dans les règlements canadiens ou la Charte des Nations Unies (ONU). Il sert à désigner un éventail de mesures que l’ONU ou les États, agissant de manière autonome, peuvent imposer afin de limiter ou d’interdire des activités qui seraient autrement jugées permissibles. Lorsqu’elles visent des individus ou des entités, les sanctions prennent généralement la forme d’interdictions relatives à des opérations, ce que l’on appelle souvent un « gel des avoirs ». Essentiellement, il s’agit d’interdire des opérations financières avec des personnes désignées, ce qui a pour effet de geler leurs avoirs. Les États peuvent également imposer des sanctions « sectorielles » ou « économiques » de portée variée à des États étrangers.

Le Canada impose des sanctions en vertu de règlements, qui sont pris conformément à la Loi sur les Nations Unies, à la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) et à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski). La première de ces lois est le mécanisme législatif qui permet au Canada de mettre en œuvre les décisions du Conseil de sécurité de l’ONU, qui ont force exécutoire pour tous les membres de l’organisation. La LMES et la Loi Magnitski établissent le régime de sanctions « autonomes » du Canada et sont donc au cœur d’une grande partie du présent rapport. Le gouvernement canadien peut invoquer ces lois pour imposer des mesures qui viennent s’ajouter à celles autorisées par le Conseil de sécurité de l’ONU ou pour en appliquer, dans certaines circonstances, même si le Conseil ne prend aucune mesure[13].

Aux termes de la LMES, il est possible pour le gouverneur en conseil d’imposer des sanctions à un État étranger s’il juge qu’au moins un des critères suivants a été rempli :

  • une organisation internationale d’États dont le Canada est membre demande que des mesures économiques soient prises contre un État étranger;
  • une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale;
  • des violations graves et systématiques des droits de la personne ont été commises dans un État étranger; ou
  • un agent public étranger ou une personne qui lui est associée est responsable ou complice d’actes de corruption à grande échelle[14].

Les deux derniers critères ont été ajoutés à cette loi en 2017 par le projet de loi ayant édicté la Loi Magnitski. Bien que la LMES et la Loi Magnitski prévoient toutes les deux des critères déclencheurs liés à la corruption et à la violation des droits de la personne, leur application diffère, et cette question est abordée dans la dernière section du présent rapport. Les sanctions prévues dans la LMES s’appliquent à des individus et des entités, y compris des institutions étatiques. De plus, puisque ces sanctions sont liées à un État étranger, la LMES permet l’imposition d’un éventail plus vaste de restrictions et d’interdictions que la Loi Magnitski, notamment en ce qui concerne le transfert de données techniques et de technologies; l’importation, l’exportation, la vente ou l’expédition de marchandises visées; l’amarrage de navires et l’atterrissage ou le survol d’aéronefs.

Aux termes de la Loi Magnitski, le gouverneur en conseil peut uniquement imposer des sanctions à des ressortissants étrangers. S’il estime qu’un étranger est responsable ou complice d’actes de corruption à grande échelle ou de violations graves des droits de la personne à l’endroit de défenseurs de droits de la personne ou d’activistes dans un État étranger, il peut désigner cette personne ou l’inscrire sur une liste[15].

Outre le gel des avoirs des personnes visées par les sanctions, des mesures permettant de « saisir, de confisquer, d’aliéner et de redistribuer des biens appartenant à des personnes sanctionnées », ainsi que certaines garanties procédurales, ont été ajoutées à la LMES et à la Loi Magnitski en juin 2022[16]. Ce sont là des mesures complexes pour lesquelles il n’existait aucun précédent[17]. Le Comité a entendu que le Canada a été le premier pays à adopter une telle loi sur la saisie des actifs[18].

À cette législation canadienne de base sur les sanctions s’ajoutent des mécanismes connexes. Parmi ceux-ci, des dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme du Code criminel, qui permettent au Canada d’inscrire des entités terroristes sur une liste et « d’appliquer des mesures criminelles appropriées[19] », et le mécanisme de contrôle du commerce avec des pays au comportement préoccupant prévu dans la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, et sa liste des pays visés. En outre, la Loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus peut être utilisée pour fournir une forme d’aide, comme « première étape d’une possible entraide juridique[20] ». Cette aide, qui prend la forme d’un gel des avoirs des dirigeants ou anciens dirigeants qui ont détourné des biens de façon inappropriée, est apportée sur demande lorsqu’il y a des troubles internes ou une situation politique incertaine dans un État étranger[21]. Enfin, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés permet de refuser l’entrée au Canada à des ressortissants étrangers visés par des sanctions[22].

Processus de désignation

Comme le nombre de désignations en vue de sanctions a augmenté, certains ont soulevé des questions quant à la manière dont sont prises les décisions relatives aux individus et aux entités visés.

Pour ce qui est des sanctions onusiennes, le Canada est tenu, comme on l’a mentionné, de donner suite aux décisions du Conseil de sécurité de l’ONU. Par conséquent, lorsque le Conseil établit un régime de sanctions et dresse la liste des individus et des entités visés par un gel des avoirs et des interdictions de voyager, le gouvernement canadien doit mettre le tout en application en adoptant un règlement en vertu de la Loi sur les Nations Unies.

En ce qui a trait aux sanctions autonomes, Affaires mondiales Canada (AMC) a insisté auprès du Comité sur le fait que ces sanctions sont « un des nombreux outils dont nous disposons pour intervenir, pour signaler des pays ou pour amener sur eux des effets punitifs ». Pour décider si les sanctions constituent le moyen le plus approprié, il faut d’abord déterminer « quels [sont les] intérêts et quels [sont les] points faibles » de la relation du Canada avec la cible. Le Ministère cherche à déterminer quels outils dont dispose le Canada auraient « le plus grand impact[23] ». L’unité ministérielle responsable de la politique en matière de sanctions fournit « le soutien, les conseils, les enjeux à considérer et les ramifications éventuelles lorsque les directions géographiques », c’est-à-dire les responsables des relations avec les pays et les régions, « cherchent des moyens supplémentaires pour faire pression[24] ». Lors d’une étude précédente, le Ministère a expliqué au Comité que « [l]es contextes politiques et internationaux plus vastes sont également pris en compte pour déterminer si les sanctions ou tout autre outil de la politique étrangère canadienne peuvent constituer une réponse appropriée[25] ». Dans le cadre de cette analyse, le Ministère tient compte des « répercussions potentielles sur, entre autres, les entreprises, les intérêts et les vastes objectifs de la politique étrangère du Canada[26] ». En outre, durant la présente étude, le Ministère a fait valoir que dans le cadre de la politique canadienne en matière de sanctions, il y a « beaucoup » d’échange d’information entre les partenaires et alliés clés[27].

Affaires mondiales Canada a donné l’exemple des sanctions imposées à la Russie en vertu de la LMES pour expliquer que les fins recherchées par le gouvernement façonnent les décisions en matière de désignations. Dans ce cas, les sanctions ont été conçues pour faire pression sur le président Poutine.

Ce sont des personnes qui sont proches de lui. Ce sont des membres de la Douma. Des centaines de ces personnes figurent sur la liste, soit parce que nous savons qu’elles sont complices — en raison de leur vote à la Douma —, soit parce qu’elles ont la capacité de changer le cours des choses. Nous voulons les convaincre d’exercer des pressions sur le régime. Il y a aussi les oligarques, parce que nous savons qu’ils sont proches du régime. Premièrement, ils ont profité d’un régime criminel et, deuxièmement, ils ont la capacité d’exercer des pressions sur les décideurs politiques[28].

Sont donc désignées les personnes qui « profitent des produits de leurs activités illicites » et celles qui sont coupables par association[29]. Par conséquent, le processus de sélection est mené avec soin. Le Ministère a insisté sur le fait que les sanctions ne sont « pas du tout un outil qui vise à empêcher des Russes d’entrer au Canada ou de faire affaire avec des Canadiens[30] ».

Comme on l’a indiqué précédemment, le gouverneur en conseil peut prendre un règlement en vertu de la LMES ou de la Loi Magnitski s’il est d’avis qu’un ou plusieurs critères déclencheurs de la loi sont remplis. Lorsqu’il s’agit de déterminer les individus ou les entités pouvant être visés par des sanctions en application de ces règlements, Affaires mondiales Canada a expliqué que le processus repose sur la collecte d’« assez de preuves auprès de sources accessibles pour constituer un dossier qui respecte la procédure établie et les droits des personnes visées[31] ». Le Comité a entendu que chaque décret proposant une nouvelle réglementation est susceptible d’être contesté, et que c’est un rôle qui revient au ministère de la Justice[32]. Lorsque les critères de la loi sont remplis et que les processus de vérification et de consultation sont menés à bien, un décret peut être pris dans le cadre du système réglementaire. En définitive, il revient au gouverneur en conseil de décider d’imposer ou non des sanctions, « sur la recommandation du ministre des Affaires étrangères[33] ».

Intensification des sanctions autonomes

La présente étude a porté principalement sur le rôle joué par le Canada à l’« ère des sanctions autonomes[34] », un qualificatif utilisé dans un mémoire. Selon un témoin, la tendance actuelle est attribuable à l’« impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui au chapitre des sanctions au Conseil de sécurité de l’ONU[35] ».

En 2016, la dernière fois que le Comité s’est penché sur ces questions, le Canada avait imposé des sanctions en lien avec cinq États en vertu de la LMES et en lien avec quatre États aux termes à la fois de la Loi sur les Nations Unies et de la LMES. La Corée du Nord était également inscrite sur la liste des pays visés en application de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, qui exige l’obtention d’une licence auprès du ministère des Affaires étrangères pour exporter ou transférer des biens ou des technologies vers un pays inscrit sur la liste. Au 29 novembre 2016, 992 individus et entités étaient assujettis à des interdictions relatives aux opérations en vertu de la LMES, et 12 entités russes étaient visées par des restrictions en matière d’émissions de titres de créance et d’actions[36]. À l’heure actuelle, des sanctions en lien avec 16 pays ont été mises en place conformément à la LMES[37]. En date du 10 novembre 2023, la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes, qui comprend les sanctions imposées en vertu de la LMES et de la Loi Magnitski (adoptée en 2017 après la publication du rapport du Comité[38]), comptait 4 046 entrées[39]. La plupart des sanctions autonomes imposées par le Canada le sont encore en vertu de la LMES, qui prévoit maintenant des critères déclencheurs liés à la violation des droits de la personne et à la corruption. En tout, 73 entrées figurant sur la Liste consolidée concernent des ressortissants étrangers dont le nom a été inscrit sur la liste en application de la Loi Magnitski[40].

Affaires mondiales Canada a indiqué qu’en réponse à l’agression de la Russie contre l’Ukraine et à d’autres crises dans le monde, le Canada a imposé, entre le début de 2022 et le 1er juin 2023, 79 séries de sanctions autonomes, « si bien que le recours à cet outil de politique étrangère a augmenté globalement de 150 % par rapport aux cinq années précédentes réunies[41] ». Une autre témoin a fait remarquer que la « montée en grade du Canada sur le plan de la pratique des sanctions autonomes » se fait « en étroite collaboration avec l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que d’autres pays[42] ». Le Comité s’est fait dire que cette réponse plurilatérale « permet au Canada de s’unir à ses alliés pour lutter contre les violations du droit international et de jouer en quelque sorte un rôle de chef de file dans le domaine de la politique étrangère internationale et de la politique de sécurité[43] ». La coordination des sanctions est d’ailleurs un « multiplicateur de force[44] ».

Le principal message du rapport produit par le Comité en 2017 était le suivant : le régime de sanctions du Canada doit être renforcé. Par exemple, le Comité a recommandé au gouvernement de « réformer les structures chargées des régimes de sanctions et leur accorder des ressources adéquates, afin de pouvoir imposer de manière efficace des sanctions contre les États et les personnes visées[45] ». Selon Affaires mondiales Canada, depuis la publication de ce rapport en 2017, le Ministère « a pris des mesures importantes pour améliorer la gestion et la cohérence du régime, y compris la mise en place d’une capacité spécialisée pour la politique et les opérations liées aux sanctions[46] ». Il a toutefois signalé que « le paysage mondial a radicalement changé » et que « le contexte des sanctions s’en est trouvé transformé comme jamais auparavant[47] ». Pour ces raisons, les « exigences et les difficultés associées à la mise en œuvre, à l’application et à la réglementation des sanctions du Canada se sont multipliées de façon exponentielle[48] ».

Les autres sections du présent rapport traitent de ces exigences et difficultés. Le Comité tient d’ailleurs à signaler qu’un grand nombre de ces préoccupations ont été soulevées lors de témoignages présentés au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui a formulé des recommandations qui cadrent avec celles contenues dans le présent rapport[49].

Affûter l’outil et renforcer le dispositif

Application du régime canadien de sanctions

Les sanctions sont un outil de politique étrangère, et c’est le gouvernement qui décide de les utiliser. Or, ce sont des intervenants des secteurs privé et non lucratif qui doivent agir et se conformer aux règlements pour donner effet aux mesures prises. Dans le cadre de la présente étude, des témoins ont parlé du fardeau qu’ils doivent supporter pour se conformer aux règles et ont souligné qu’ils avaient besoin de meilleures directives, de plus de clarté et de transparence pour y parvenir.

Désignations

Pour respecter le régime de sanctions, les Canadiens doivent savoir quels individus et quelles entités sont désignés et quelles sont les interdictions liées aux activités, aux opérations et aux transferts. De plus, les parlementaires, les chercheurs et les membres de la société civile qui examinent et analysent ces décisions doivent en comprendre les motifs. Le Comité a d’ailleurs entendu que les sanctions ne peuvent avoir l’effet voulu, c’est-à-dire envoyer un message, que si les gens sont au courant des mesures et des cibles.

Dans son rapport de 2017, le Comité recommandait la publication d’une liste consolidée contenant « tous les renseignements nécessaires pour aider à bien identifier les personnes et entités qui y figurent » aux termes de la LMES. Le Comité souhaitait également que l’on « indiqu[e] clairement » les raisons pour lesquelles une personne est désignée ou cesse d’être désignée, ajoutant que cette information devrait être « facilement accessible au public sur le site Web des sanctions d’Affaires mondiales Canada[50] ». Dans le cadre de la présente étude, le Comité a appris qu’une telle liste avait bien été établie, mais qu’il est encore difficile de comprendre pourquoi le Canada y a inscrit certaines personnes.

Andrea Charron, qui est professeure à l’Université du Manitoba, a fait remarquer que la liste des sanctions autonomes du Canada est « difficile à consulter[51] ». Dans son mémoire, elle reconnaît qu’il y a des « limites aux renseignements qui peuvent être communiqués publiquement au sujet des personnes inscrites en raison du secret du Cabinet et des restrictions quant à la façon dont les renseignements personnels peuvent être recueillis, partagés et publiés en raison de considérations liées à la protection des renseignements personnels[52] ». Elle a toutefois laissé entendre que les grandes lignes des communiqués de presse accompagnant généralement l’annonce des décisions relatives aux sanctions sont insatisfaisantes, soulignant que « les circonstances exactes de l’inscription sur la liste de certaines personnes ou entités ne sont pas toujours précisées[53] ». Selon elle, les alliés du Canada publient des listes détaillées, « y compris des renseignements d’identification et les raisons de l’inscription[54] ».

D’après la professeure Charron, la liste que publie le Canada « peut être bien ainsi pour le gouvernement, mais elle ne fonctionne pas pour les personnes ayant besoin d’accéder aux informations pour faire appliquer les sanctions[55] ». Thomas Juneau, professeur agrégé à l’École supérieure d’Affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, a exprimé une préoccupation semblable. Il a indiqué qu’il est difficile de demander des comptes au gouvernement au sujet de ses politiques en matière de sanctions lorsqu’on « a accès aux listes des entités et des individus sanctionnés, mais c’est à peu près tout[56] ». Ce ne sont pas seulement les personnes au Canada qui ont besoin de bien comprendre le régime de sanctions. La professeure Charron a souligné que les sanctions ont pour but de donner un avertissement, écrivant dans son mémoire qu’en « n’informant pas les cibles qu’elles ont été inscrites, le Canada perd une occasion » de faire passer son message. Selon elle, « le Canada doit énoncer clairement la transgression et ce qu’il faut pour que les sanctions soient levées[57] ».

Un autre moyen de favoriser la responsabilisation consiste à publier des annonces détaillées, qui précisent la nature des violations des droits de la personne ou des actes de corruption qui ont été commis et qui mentionnent les victimes de ces crimes. Le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne estime que la communication de ces détails renforcerait les éléments des sanctions qui consistent « à nommer et à dénoncer », permettant ainsi de stigmatiser les auteurs de ces infractions et d’habiliter « les victimes en leur donnant la parole[58] ». D’après cet organisme, ce genre d’annonces « pourrait également contribuer à soutenir la liberté des médias et les efforts de la société civile sur le terrain en atténuant la désinformation et en fournissant des données crédibles aux campagnes en faveur de la démocratie et des droits de la personne[59] ».

Dans le but de renforcer la transparence du régime de sanctions du Canada et d’en faciliter le respect, le Comité recommande ce qui suit :

Application du régime canadien de sanctions

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada donne des explications détaillées pour toutes les mesures imposées conformément à la législation relative aux sanctions autonomes, notamment les raisons précises pour lesquelles des individus et des entités ont été inscrits en vertu de la réglementation pertinente.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada veille à ce que la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes soit facile à utiliser, consultable et régulièrement mise à jour, et que chaque entrée contienne les renseignements nécessaires pour faciliter le respect du régime et présente les motifs de l’inscription.

Directives en matière d’interprétation

Lorsqu’une personne est désignée au moyen de la réglementation sur les sanctions, toutes les entreprises canadiennes – y compris les banques – sont tenues de vérifier dans leurs systèmes s’ils sont en possession d’actifs liés à la personne visée. Le cas échéant, elles doivent geler ces actifs et en aviser la GRC[60]. Dans son rapport de 2017, le Comité recommandait au gouvernement de fournir des directives détaillées « au public et au secteur privé au sujet de l’interprétation des règlements sur les sanctions pour faire respecter le plus possible ces règles[61] ». Dans le cadre de la présente étude, Affaires mondiales Canada a indiqué, qu’à son avis, cette recommandation avait été « mise en œuvre de façon constante[62] », mentionnant à l’appui qu’il avait créé une page Web autonome contenant « une foire aux questions détaillée, ainsi que des renseignements pour guider les parties intéressées, les entreprises et les particuliers[63] ». Le Ministère a également souligné ses efforts en matière de sensibilisation.

D’autres témoins ont laissé entendre que le gouvernement doit en faire plus pour répondre aux préoccupations de longue date quant à l’absence de directives sur le régime de sanctions du Canada. Selon Lawrence Herman, avocat du cabinet Herman & Associates, Cassidy Levy Kent, il s’agit d’une source de préoccupation parce que les sanctions ont une « incidence majeure » sur les relations d’affaires et les transactions commerciales. Au meilleur de la connaissance de ce témoin, depuis la publication du rapport de 2017, « rien n’a été fait pour améliorer ou renforcer les directives ou la transparence en ce qui a trait à la mise en œuvre par le gouvernement du régime de sanctions[64] ». Bien qu’AMC ait publié des avis sur la conduite des affaires avec des entités du Myanmar et de la région de Xinjiang de la République populaire de Chine, ce genre de documents « n’est pas produit régulièrement dans le cadre du processus exhaustif[65] ».

Le Comité a entendu que les membres de l’Association des banquiers canadiens « ont consenti énormément d’efforts pour se conformer au régime [de sanctions du Canada] qui continue d’évoluer et, par le fait même, le soutenir ». Reconnaissante des mesures prises par le gouvernement pour garder à jour la liste des sanctions autonomes et de sa volonté croissante de collaborer avec les parties intéressées pour régler des questions liées aux sanctions, Angelina Mason, l’avocate en chef et vice-présidente principale des Affaires juridiques et du risque de l’Association, a également fait valoir qu’il faut « des lignes directrices écrites et accessibles au public », un besoin qui est maintenant « parfaitement compris » selon elle[66].

Selon Mme Mason, la publication de telles directives est « une pratique courante des autorités responsables de l’application des sanctions dans d’autres pays, comme le Royaume‑Uni et les États-Unis, ainsi que dans d’autres contextes réglementaires au Canada[67] ». Les États‑Unis, par exemple, ont une « foire aux questions[68] » qui comprend quelque 1 300 réponses. Le Comité sait aussi que l’UE publie des réponses précises – y compris des explications portant explicitement sur l’imposition de mesures à la Banque centrale de Russie, les biens à double usage, les cryptoactifs – et que le tout est accompagné de directives[69]. Le document consolidé détaillant toutes les réponses relatives aux sanctions contre la Russie compte 348 pages[70].

Un tel modèle n’est pas sans précédent au Canada, même si l’information publiée n’est aussi détaillée qu’aux États-Unis et au sein de l’UE. Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) offre des directives aux entreprises[71] et fournit des « interprétations de politiques » aux personnes et aux entités qui ont des obligations en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et des règlements connexes depuis 2008[72]. Sa base de données d’interprétation des politiques compte actuellement 135 entrées.

Ce que les intervenants recherchent, ce sont des directives sur le régime de sanctions du Canada qui présentent des explications détaillées pour des « scénarios factuels précis », conçus pour « interpréter ces sanctions[73] ». En l’absence de directives, il semble, d’après Mme Mason, que « par mesure de précaution, on finit par ne pas pouvoir aller de l’avant parce que les choses ne sont pas claires en ce qui a trait aux exceptions[74] ». On parle alors d’un excès de zèle dans l’application des règles et d’évitement des risques, des comportements qui peuvent avoir une incidence sur des activités qui n’étaient pas nécessairement visées lorsque le gouvernement a mis en place les sanctions. Ce point est abordé de nouveau plus loin dans le contexte des activités des organismes d’aide humanitaire.

Le Comité a été consterné de constater, dans le cadre de son étude en 2023, que l’une des mesures les plus importantes que peut adopter le gouvernement du Canada pour améliorer l’application de son régime de sanctions est la mise en œuvre d’une recommandation qu’il a formulée en 2017. Le Comité estime que le gouvernement, en tant qu’organisme de réglementation, doit fournir des directives en matière d’interprétation, sans compter qu’il est dans son intérêt de le faire. Conscient que le Ministère ne peut pas, comme il l’affirme, donner des conseils juridiques au public, le Comité ne croit pas que les directives écrites recommandées tombent dans cette catégorie. Autrement, le gouvernement du Canada ne publierait pas de lignes directrices dans d’autres contextes liés à la réglementation. Comme l’ont souligné des témoins, de telles directives aideraient grandement les « premiers agents d’application de la loi[75] » du Canada dans ce contexte, soit les institutions financières et les entreprises, à appliquer les règles et favoriseraient la mise en œuvre de la politique canadienne en matière de sanctions à l’échelle voulue.

Recommandation 3

Que, dans un délai raisonnable, le gouvernement du Canada publie des directives plus détaillées sur la législation relative aux sanctions autonomes ainsi que sur les mesures réglementaires adoptées conformément à cette législation afin d’en faciliter et d’en améliorer le respect.

Permis

Conformément à la LMES et la Loi Magnitski, le ministre des Affaires étrangères peut délivrer des permis autorisant des activités ou des opérations précises qui seraient normalement interdites par les règlements. Il est recommandé aux Canadiens qui se demandent s’ils doivent obtenir un permis de consulter les règlements et d’obtenir les conseils d’un avocat du secteur privé[76].

Des témoins ont exprimé des préoccupations au sujet de ce processus. Angelina Mason a souligné que d’autres pays avaient mis en place des mécanismes « simplifiés[77] ». Généralement considéré comme étant le pays le plus important pour ce qui est des sanctions, les États‑Unis délivrent couramment des licences générales qui « autorisent certains types de transactions pour une catégorie de personnes, sans qu’il soit nécessaire de demander une licence particulière[78] ». Selon Mme Mason, cette approche « n’a pas été retenue au Canada, bien qu’elle soit possible aux termes de la loi[79] ». L’Association des banquiers canadiens a cru comprendre qu’Affaires mondiales Canada « a été inondé de demandes de permis en raison du manque d’orientation et de clarté de la loi[80] ». Il semblerait que ce volume élevé de demande ait créé un arriéré, ce qui fait en sorte que les Canadiens « attendent des réponses officielles dans des délais incertains[81] ».

Interrogé à ce propos, Affaires mondiales Canada a indiqué au Comité qu’« on ne prévoit pas à l’heure actuelle d’établir une norme de service précise ». Ses représentants ont toutefois reconnu la « croissance exponentielle des demandes de permis », ce qui a obligé le Ministère « à traiter en priorité celles qui revêtent la plus haute importance[82] ». Le Ministère a également fait valoir que « chaque situation est unique » et qu’il faut donc évaluer les demandes « au cas par cas » pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de répercussions négatives sur la sécurité nationale du pays[83].

La gestion des demandes de permis est complexe, car les demandes peuvent toucher un large éventail d’activités, de biens et d’opérations. Dans une étude antérieure, le Comité a étudié les répercussions géopolitiques de la décision du Canada d’octroyer un permis (qui a ensuite été révoqué) pour l’entretien de turbines utilisées pour un gazoduc appartenant à l’État russe alors que la Russie se servait de ses réserves d’énergie comme une arme pour faire pression sur les partenaires de l’Ukraine[84]. Toutefois, dans le cadre de la présente étude, un scénario de permis très différent a été présenté au Comité montrant qu’une sanction imposée à une banque empêche une tante d’acheminer de l’argent à sa nièce pour des frais de scolarité[85].

Conscient de la complexité de ces enjeux et de la nécessité d’assurer l’efficacité des sanctions sans réduire le devoir de diligence raisonnable, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada publie des informations complètes à l’intention du public expliquant les processus par lesquels les sanctions sont imposées et les exemptions sont accordées, et qu’il actualise ces informations lorsque nécessaire.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada mette en place des normes de service pour le traitement des demandes de permis présentées en vertu de la législation sur les sanctions autonomes, tout en tenant compte du caractère exceptionnel de ces permis et de la rigueur avec laquelle le processus doit être mené.

Exceptions à des fins humanitaires

Comme il est indiqué précédemment, les régimes de sanctions peuvent avoir des conséquences imprévues lorsqu’ils sont conçus et appliqués de manière à induire un comportement axé sur la réduction des risques. Une telle réaction peut avoir un effet négatif sur l’action humanitaire.

Le chef de mission au Canada du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Alain Dondainaz a résumé ainsi ces conséquences : « [L]es acteurs du secteur privé hésitent de plus en plus à soutenir les activités humanitaires dans certains contextes en raison des risques de sanctions, en particulier dans les contextes où les régimes de sanctions se chevauchent[86]. » L’organisme a également noté une baisse du nombre de fournisseurs disposés à soutenir des activités humanitaires dans « des contextes perçus comme présentant un risque élevé de sanctions[87] ». En raison des risques juridiques, opérationnels et liés au devoir de diligence qu’ils craignent courir, des organismes humanitaires impartiaux « doivent discuter avec des entités gouvernementales et des groupes armés non étatiques pour négocier l’accès et mener à bien leur travail d’aide là où sont les besoins ». Comme l’a expliqué M. Dondainaz, « les risques accrus peuvent également limiter la capacité des donateurs à financer des organisations humanitaires impartiales dans certains contextes[88] ». Selon le CICR, il est possible d’atténuer ces risques et de réduire les obstacles connexes; il suffit de prévoir « des dérogations permanentes et bien définies pour des motifs humanitaires, exclusivement applicables aux activités humanitaires menées par des organisations humanitaires impartiales ». Ce genre d’exceptions garantirait le respect du droit humanitaire international sans compromettre les objectifs des régimes de sanctions[89].

En décembre 2022, en réponse aux préoccupations entourant les opérations humanitaires dans des contextes visés par des sanctions, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2664, qui établit une exception permanente et uniforme, en ce qui concerne le gel des avoirs, pour l’aide humanitaire, et ce pour tous les régimes de sanctions des États membres de l’ONU[90]. Les modifications apportées en juin 2023 par le gouvernement du Canada à 14 des règlements pris en vertu de la Loi sur les Nations Unies visaient à permettre au Canada de s’acquitter de ses obligations envers l’ONU et à ajouter des exceptions pour l’aide humanitaire à ces règlements, comme l’a souligné le Conseil de sécurité.[91].

Austin Shangraw, conseiller juridique du CICR, a dit de la Résolution 2664 qu’il s’agissait d’une « mesure très importante » et d’un « modèle très important qui pourrait inciter de nombreux pays à inclure ce type d’exclusions humanitaires à leurs régimes de sanctions[92] ». Le CICR souhaite en fait que des exceptions soient établies pour l’ensemble du régime de sanctions du Canada[93] pour protéger les activités humanitaires en apportant la clarté et la certitude nécessaires[94]. Il a également demandé que les exceptions mises en place par le Canada s’appliquent à toutes les opérations en lien avec des activités humanitaires, « ce qui signifie que les opérations administratives nécessaires à la mise en œuvre de ces activités sont visées par la dérogation » (salaire des employés, location de bureaux, achats de biens et de services, etc.)[95]. Il souhaite également que l’on reconnaisse que les activités humanitaires ne se limitent pas aux interventions visant à répondre à des besoins essentiels et comprennent, par exemple, les visites à des détenus, l’élucidation du sort des personnes disparues et le soutien aux services essentiels[96]. Enfin, dans son mémoire, l’organisme demande que des orientations stratégiques concernant la mise en œuvre des exceptions soient fournies au secteur privé[97].

La Croix-Rouge canadienne était d’accord avec ces points. Elle a par ailleurs insisté pour que ces futures exemptions à des fins humanitaires « fassent référence à leur application à des tiers lorsqu’ils travaillent avec des organisations humanitaires dans des situations régies par des sanctions[98] », soutenant que tous les règlements canadiens relatifs à des sanctions devraient être rédigés en conséquence[99]. De façon plus générale et dans le but d’assurer une application uniforme, la Croix-Rouge canadienne a demandé que tous les ministères améliorent « l’interopérabilité fonctionnelle avec les autres cadres législatifs qui régissent le secteur humanitaire[100] » lorsqu’ils mettent à jour ou modifient le régime de sanctions, ce qui vaut aussi pour les dispositions relatives au financement du terrorisme dans le Code criminel[101].

De plus, la Croix-Rouge canadienne a souligné l’importance des communications avec le public. Elle souhaite que l’on fasse valoir « la nature apolitique de l’aide humanitaire et la nécessité cruciale de fournir une aide humanitaire impartiale à ceux qui en ont besoin[102] », donnant à titre d’exemple les informations sur les sanctions communiquées par les États‑Unis à la suite du séisme dévastateur en Türkiye et en Syrie en février 2023. À cette occasion, les États‑Unis ont indiqué que même si les régimes de sanctions américains applicables à la Syrie prévoyaient déjà « des exemptions solides en matière d’aide humanitaire », le département du Trésor avait décidé de délivrer « une licence générale afin d’autoriser les activités de secours pour que les organismes d’aide puissent se concentrer là où les besoins sont les plus importants, c’est-à-dire sauver des vies et aider à la reconstruction[103] ». Un communiqué accompagnant cette information répondait à une série de questions sur les activités permises, informant, entre autres, les institutions financières américaines qu’elles pouvaient traiter les opérations concernant des activités humanitaires autorisées menées par des organisations du gouvernement syrien, « à moins de savoir ou d’avoir des raisons de savoir qu’une opération n’est pas autorisée ». En outre, ces documents précisaient ce qui constitue des « activités de secours en cas de catastrophe », offrant des exemples et des liens vers des foires aux questions[104].

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada mette en place des exceptions claires, cohérentes et générales pour l’aide humanitaire qui s’appliquent à l’ensemble des régimes de sanctions et de la législation connexe, conformément au droit humanitaire international et aux résolutions applicables du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada publie des directives détaillées qui expliquent les exceptions relatives à l’aide humanitaire prévues dans le cadre des régimes de sanctions canadiens, conformément aux principes de protection de l’aide humanitaire impartiale en droit humanitaire international.

Dialogue et expertise

D’après les témoignages, il faudrait améliorer la collaboration au Canada en ce qui concerne les sanctions. Erica Moret, recherchiste en chef et coordonnatrice du Sanctions and Sustainable Peace Hub au Geneva Graduate Institute, a recommandé la création au Canada d’un « groupe trisectoriel » réunissant des représentants du gouvernement (notamment ceux chargés de la conception des sanctions et de l’application de la réglementation), de la société civile et du secteur privé. À ce sujet, elle a souligné qu’il était important qu’un tel groupe se réunisse régulièrement, précisant que certains « pays ont jugé important de mettre en place des mécanismes d’échanges réguliers entre les parties prenantes concernées. Ces mécanismes doivent être assez souples pour tenir compte des situations changeantes sur le terrain et permettre la modification de politiques au besoin[105]. » Elle a ajouté qu’un tel processus risque d’être long, car il faut que des liens de confiance se tissent[106].

En particulier, le Tamil Rights Group a recommandé « d’accroître la transparence et la participation de la société civile et des organisations non gouvernementales [ONG] ». Selon sa secrétaire générale Katpana Nagendra, l’organisation estime « que les ONG devraient avoir une façon claire et officielle de soumettre des demandes de sanctions[107] ». Dans le même ordre d’idées, B’nai Brith Canada a soutenu que le gouvernement devrait être tenu de répondre lorsque des organisations de la société civile lui transmettent des informations sur des violations des droits de la personne et des actes de corruption et lui demande d’imposer des sanctions en conséquence. L’organisation a proposé que dans sa réponse, le gouvernement explique sa décision de mettre en place ou non des mesures[108].

Certains témoins souhaitaient aussi que l’on formalise le dialogue qui a cours, faisant référence au rôle de surveillance, au travail sur le terrain et à l’expertise des organismes. Mme Nagendra a fait valoir que les organismes, comme le Tamil Rights Group, qui documente la situation en matière de respect des droits de la personne au Sri Lanka et cherchent des voies juridiques pour assurer la responsabilisation, ont accès à « un large éventail de données pour aider à établir la chaîne de commandement et à identifier les auteurs de violations graves des droits de la personne[109] ». Selon elle, Affaires mondiales Canada « devrait collaborer plus étroitement avec notre groupe et d’autres organisations pour établir les preuves et déterminer l’identité des auteurs de crimes à sanctionner[110] ».

Des vues semblables ont été exprimées par Human Rights First, un organisme à but non lucratif qui a mis en place une « coalition mondiale de 300 groupes de la société civile pour défendre l’utilisation de sanctions ciblées en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption, à la fois aux États-Unis et dans d’autres pays dotés de programmes de sanctions de type Magnitski[111] ». D’après cet organisme, « un tiers de toutes les sanctions Magnitski américaines ont été fondées sur des recommandations de la société civile[112] », ce qui est révélateur de l’influence et des fonctions de la société civile. Amanda Strayer, avocate superviseure de Human Rights First, a souligné que l’une de ces fonctions est de recueillir les informations nécessaires aux désignations, ajoutant que l’information de ces groupes est « fondée sur des années de recherche, de surveillance, d’entretiens avec les victimes et de documentation sur le terrain ». Elle a indiqué que la société civile « joue un rôle essentiel dans la compréhension de l’impact des sanctions et de leur application[113] ». Enfin, Mme Strayer a expliqué comment les groupes de la société civile « identifient les lacunes dans la mise en œuvre des programmes de sanctions et exhortent les gouvernements à faire un usage plus équitable de ces outils[114] ».

Au Canada, les efforts de la coalition sont dirigés par le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, qui a réitéré que « certains des précédents et certaines des politiques les plus efficaces » en matière de sanctions sont proposés par des membres de la société civile et mis en œuvre par le Parlement[115]. Dans cette optique, le Centre a suggéré que les rôles et processus de surveillance soient enchâssés dans les lois canadiennes. Le Centre aimerait que le public ou les parlementaires puissent « demander au gouvernement de prendre des sanctions, de réaffecter des actifs ou d’exiger une explication complète si le gouvernement refuse[116] ».

Le Comité a demandé à Elisabeth Braw, agrégée supérieure de l’American Enterprise Institute, comment il est possible de protéger la nature imprévisible des sanctions (soit l’effet de dissuasion obtenu par la surprise) tout en veillant à ce que les parlementaires comprennent le pourquoi de certaines décisions. Elle a répondu que la création d’un « organe consultatif auquel participerait le gouvernement et le Parlement […] permettrait d’assurer une certaine surveillance et d’apporter une légitimité à ces décisions », mais elle n’a pas été en mesure de donner d’exemples existants d’un tel organe[117] ».

Parlant du rôle des universités et des chercheurs, la professeure Charron a affirmé qu’il y a « très peu d’engagement » de la part du gouvernement. Selon elle, Affaires mondiales Canada « a besoin de chaires de recherche en politique étrangère et en sanctions en particulier[118] ».

Le Comité convient qu’il est important de développer l’expertise en matière de sanctions au Canada et de faciliter les échanges avec le gouvernement. En revanche, il s’inquiète de l’équité procédurale et est conscient que le gouvernement doit respecter la nature factuelle du processus relatif aux désignations de sanctions, conformément au cadre législatif canadien. Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 8

Que le gouvernement envisage de créer un organe consultatif externe sur les sanctions, regroupant des représentants de la société civile, du secteur financier et du secteur privé, qui se réunirait régulièrement afin de favoriser un dialogue éclairé sur le régime de sanctions du Canada et d’établir un processus efficace pour la collecte d’information et de documents.

La gouvernance du régime de sanctions du Canada et les ressources qui y sont consacrées

Les témoignages ont révélé que la mise en œuvre des mesures préconisées plus haut dans le présent rapport et des recommandations qui suivent nécessitera des ressources financières et humaines supplémentaires au sein du gouvernement. Pour que ce mécanisme soit efficace, il faut une coordination formelle et la possibilité de compter sur une expertise spécialisée.

Capacité

Le gouvernement du Canada a reconnu la nécessité de renforcer ses capacités en matière de sanctions. Dans le budget de 2018, il a annoncé son intention d’accorder à Affaires mondiales Canada et à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) 22,2 millions de dollars sur cinq ans afin de « renforcer le régime de sanctions du Canada, ce qui comprend des fonds pour élaborer une politique en matière de sanctions, assurer la coordination avec des partenaires internationaux et prodiguer des conseils aux Canadiens sur les obligations liées aux sanctions[119] ». Le 7 octobre 2022, lorsqu’il a annoncé des sanctions visant l’Iran, le gouvernement a fait état de plans pour investir 76 millions de dollars,

pour renforcer la capacité du Canada à instaurer des sanctions et [celle du gouvernement] à agir plus rapidement pour geler et saisir des biens de personnes faisant l’objet de sanctions, notamment par l’intermédiaire d’un bureau spécialisé au sein d’Affaires mondiales Canada et d’un soutien supplémentaire à la [Gendarmerie royale du Canada] pour l’aider à enquêter, à repérer les biens et à rassembler des preuves[120].

Lorsque le Comité a commencé son étude, le site Web du Ministère indiquait qu’il existait déjà une Direction de la coordination des politiques et des opérations des sanctions à Affaires mondiales Canada[121]. Après avoir interrogé des responsables, le Comité n’a pas vu de manière évidente en quoi le bureau annoncé serait substantiellement différent de la direction existante. Le Ministère a fait état de sa vision générale consistant à « regrouper dans un seul service tout le savoir-faire en matière de sanctions[122] ».

Le Comité a appris qu’avant le dépôt de son rapport de 2017, « il y avait peut-être deux ou trois personnes », à Affaires mondiales Canada, qui travaillaient à temps plein sur les sanctions. Après la création de la direction, « elles étaient environ une dizaine ». Selon le Ministère, les 76 millions de dollars permettront d’augmenter « de façon importante » la capacité[123]. Mais même ainsi, à titre de comparaison, une autre témoin a informé le Comité que la nouvelle unité qui s’occupe des sanctions au Royaume-Uni « a connu une croissance spectaculaire ces derniers temps, et compte maintenant environ 160 personnes[124], et que des centaines de personnes travaillent aussi sur le régime de sanctions au sein du Trésor américain[125].

Le surintendant Denis Beaudoin a dit au Comité que la GRC a « eu son mot à dire au sujet des 76 millions de dollars annoncés ». Cependant, la GRC a « constaté depuis que le contournement des sanctions est un problème plus vaste que prévu ». Ce constat n’est pas si surprenant, a expliqué le surintendant Beaudoin, étant donné le recours accru aux sanctions depuis 2022. Sur ce point, il a fait remarquer que « [s]i on ne sanctionne ou ne cible pas beaucoup de gens, il n’y pas le même degré de contournement des sanctions ». Malgré tout, il a indiqué que si le Canada continue d’imposer des sanctions comme il le fait, « nous aurons certainement besoin de plus de ressources pour mieux les appliquer[126] ».

D’après l’expérience d’Erica Moret, qui a fourni des conseils en matière de recherche et de politiques stratégiques à l’unité des sanctions d’Affaires mondiales Canada, cette unité « est composée d’employés extrêmement dévoués, experts et travaillants, qui se sont bien adaptés à l’évolution rapide du contexte des sanctions mondiales[127] ». Cependant, compte tenu de « la montée en flèche » des sanctions, Erica Moret a dit croire qu’une augmentation des effectifs, de la formation, de la capacité et des ressources « semble justifiée[128] ». Comme on l’a déjà indiqué, il y a eu un élargissement important des sanctions adoptées depuis la publication du rapport de 2017 du Comité. Par exemple, 1 455 individus et 483 entités sont visés par des interdictions relatives aux opérations uniquement en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie[129], sans compter les restrictions touchant certains secteurs, comme ceux des finances et de l’énergie. D’autres mesures ont été mises en place, par exemple des interdictions relatives aux biens inscrits sur la Liste des marchandises et technologies réglementées, ainsi que l’interdiction de fournir des services aux industries pétrolières, gazières, chimiques et manufacturières russes. De même, le transport maritime de pétrole brut russe et de certains autres produits pétroliers russes est interdit, à moins que les produits ne soient achetés à un prix égal ou inférieur au prix indiqué dans la Liste de plafonnement des prix du pétrole de la coalition du G7+[130].

Le professeur Juneau a insisté pour sa part sur le fait que les sanctions nécessitent le recours à une main-d’œuvre importante – c’est-à-dire qu’elles sont « faciles à annoncer, mais difficiles à mettre en œuvre[131] ». Selon lui, bien qu’il soit compréhensible de vouloir imposer davantage de sanctions à l’Iran et à la Russie, entre autres acteurs préoccupants, le fait est que « nous ne pouvons déjà pas respecter nos engagements actuels, sans parler des nouveaux engagements[132] ». De l’avis du professeur Juneau :

Le fait est que nous avons besoin de ressources. Il n’y a pas d’autre solution. Les 76 millions de dollars annoncés l’automne dernier dans le cadre du train de sanctions contre l’Iran constituent un premier pas positif, mais il faut garder à l’esprit qu’il faut des années pour créer les capacités nécessaires. Il faut embaucher des gens, leur donner des habilitations de sécurité dans un contexte où nous avons déjà d’énormes arriérés, les former à des postes hautement spécialisés, etc.[133].

À la suite de cette observation, la professeure Charron a insisté sur la nécessité d’avoir « une formation adaptée au Canada » en ce qui concerne les sanctions[134]. Angelina Mason a abondé dans le même sens en affirmant, compte tenu de la complexité du régime canadien de sanctions, qu’« il est essentiel que tout ministère ou organisme gouvernemental qui participe au régime, y compris AMC, dispose des ressources nécessaires, et que le personnel reçoive une formation approfondie sur cet aspect très technique de la loi et en ait une connaissance suffisante[135] ».

D’autres témoins ont parlé des ressources que le Canada consacre à l’application des restrictions économiques et commerciales qu’il met en place. Lawrence Herman a été interrogé sur le rôle de l’ASFC en matière d’application de la loi par rapport à l’activité déclarée du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis, notamment en ce qui concerne la prévention de l’importation de marchandises produites en ayant recours au travail forcé de la minorité ouïghoure en République populaire de Chine[136]. Il a répondu que l’ASFC « fait un excellent travail à l’aide de ses ressources existantes », mais que le travail entourant les interdictions et les inspections pose des problèmes pratiques considérables. M. Herman a convenu « qu’il est un peu gênant de voir à quel point les États-Unis […] parviennent à appliquer aussi énergiquement les sanctions et à quel point notre application semble timide ». La différence dans les résultats, a-t-il dit, est une question de ressources[137].

En matière de sanctions, les activités d’application peuvent aussi devoir s’étendre jusqu’à l’étranger. Les sanctions canadiennes doivent être respectées par tout le monde au Canada, mais aussi par les ressortissants canadiens qui se trouvent à l’étranger ou y exercent des activités[138].

Kelsey Gallagher, de Project Ploughshares, a laissé entendre lors de son témoignage que pour éviter le contournement des sanctions, il faut regarder les voies d’approvisionnement pouvant être établies par des entreprises canadiennes dans des États tiers[139]. Il a formulé des allégations au sujet du Streit Group, un fabricant de véhicules blindés ayant un siège social canadien en Ontario qui « a établi des usines de fabrication parallèles dans plusieurs pays dont le régime de contrôle des exportations est déficient[140] ». Selon lui, il semblerait que ce groupe « cible les pays qui sont des paradis pour le contrôle des exportations et s’en sert pour fournir des biens militaires à ses clients les plus problématiques en évitant les embargos sur les armes[141] ». Les embargos en question seraient liés aux régimes de sanctions de l’ONU. M. Gallagher a ajouté que bien « qu’une enquête de la GRC aurait été lancée en 2016 à la suite d’allégations de non-respect des sanctions, aucune conclusion n’a été rendue publique et aucune mesure subséquente n’a été annoncée[142] ». À son avis, un moyen de régler le problème serait de procéder à « un examen de l’application des contrôles du courtage au Canada, lesquels ont été intégrés à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation en 2018[143] ».

Conscient de l’importance fondamentale des ressources pour l’élaboration, la mise en œuvre et l’application efficaces des sanctions, le Comité fait les recommandations suivantes :

La gouvernance du régime de sanctions du Canada et les ressources qui y sont consacrées

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada rende compte au Parlement de la mise en œuvre des plans d’investissement de 76 millions de dollars annoncés en octobre 2022 pour renforcer la capacité du Canada à appliquer ses sanctions, ainsi que des résultats obtenus.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada alloue des ressources budgétaires aux unités chargées des sanctions au sein d’Affaires mondiales Canada, de la Gendarmerie royale du Canada, de l’Agence des services frontaliers du Canada et de tous les autres ministères et organismes concernés, qui tiennent compte de l’importance croissante de la politique en matière de sanctions et sont à la hauteur de la complexité et des difficultés de plus en plus grandes associées à la mise en œuvre et à l’application des sanctions.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada renforce les programmes de formation spécialisés dans le domaine des sanctions à l’intention de tout le personnel concerné.

Recommandation 12

Que, dans le cadre de l’augmentation des ressources budgétaires et celles consacrées à la formation recommandée plus haut, le gouvernement du Canada prenne des mesures précises pour renforcer la capacité de la Gendarmerie royale du Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada à appliquer le régime de sanctions du Canada.

Recommandation 13

Que, pour donner suite à la recommandation faite par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes dans son rapport de 2017 – intitulé Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada : honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin –, et compte tenu de l’évolution de la situation depuis, le gouvernement du Canada revoie la façon dont il applique ses lois sur les sanctions autonomes ainsi que la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, afin de s’assurer qu’il maximise l’efficacité de leurs aspects complémentaires et les ressources qui y sont consacrées. Cet examen doit chercher à déterminer si les différentes unités au sein d’Affaires mondiales Canada chargées de l’administration de ces lois doivent être fusionnées entièrement ou en partie.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada, de concert avec ses partenaires étrangers et en étroite collaboration avec d’autres organismes concernés d’application de la loi, élabore une stratégie pour s’attaquer au non-respect des sanctions – notamment à la recherche des paradis pour le contrôle des exportations à l’étranger et des pays les plus accommodants en la matière – tout en renforçant l’application des contrôles existants.

Rôles et responsabilités

En plus de l’affectation des ressources, le Comité s’est penché sur les rôles et les responsabilités en matière de sanctions au sein du gouvernement du Canada. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer la structure gouvernementale, le représentant d’Affaires mondiales Canada a indiqué que son ministère est l’organisme de réglementation et la ministre des Affaires étrangères « est l’administratrice générale du régime de sanctions et joue un rôle de surveillance[144] ». C’est donc le ministère qui est chargé de déterminer les désignations[145]. L’application du régime de sanctions du Canada est du ressort de l’ASFC et de la GRC, qui mènent des enquêtes lorsqu’il y a des motifs de penser que le contournement des sanctions est de nature criminelle[146]. L’ASFC s’occupe quant à elle des questions d’inadmissibilité[147].

Affaires mondiales Canada préside le « comité interministériel de gouvernance », et le Ministère est convaincu que la « coopération est beaucoup plus large et plus efficace[148] ». Lorsqu’on a demandé à l’ASFC de dire qui était le responsable de la coordination interministérielle de l’application des sanctions, Fred Gaspar, vice-président de la Direction générale du secteur commercial et des échanges commerciaux, a décrit « un processus itératif » et a parlé de comités de travail. Tout en reconnaissant que « [p]ersonne n’est responsable des modèles organisationnels ministériels », M. Gaspar a insisté sur le fait « qu’il n’existe aucun obstacle organisationnel pouvant nuire à notre coopération », avant d’ajouter : « Nous travaillons ensemble tous les jours[149]. » S’exprimant au nom de la GRC, le surintendant Beaudoin a dit aussi : « Nous savons qui, dans les ministères, s’occupe des sanctions. Les voies de communication sont ouvertes, et tout le monde peut convoquer des réunions sur n’importe quel sujet au besoin[150]. »

En adoptant une approche globale à l’égard de l’appareil gouvernemental du Canada, le Comité a cherché également à comprendre comment l’application des sanctions s’inscrit dans les efforts plus larges de lutte contre la criminalité financière. Dans le budget de 2022, le gouvernement a annoncé son intention de créer une agence canadienne des crimes financiers, et il a réitéré son engagement à cet égard dans le Budget de 2023. Le représentant du ministère des Finances a informé le Comité que Sécurité publique Canada était « en train d’élaborer diverses options pour définir le champ d’action et le mandat futurs de cette agence[151] ». Il a ajouté que le contournement des sanctions – en tant que crime financier – « fait partie de la gamme des crimes potentiels pour lesquels cette agence pourrait fournir un soutien, soit à titre consultatif, soit dans un rôle d’application de la loi[152] ». Il existe déjà le CANAFE, que le Canada a créé il y a plus de 20 ans « pour jouer un rôle dans l’échange de renseignements sur le blanchiment d’argent, le financement des activités terroristes et les menaces à la sécurité nationale[153] ». Lorsque certains changements inscrits dans la loi d’exécution du budget de 2023 seront entrés en vigueur[154], les entités réglementées seront tenues « de rendre compte directement au CANAFE en matière de sanctions, [de contournement des sanctions] et de biens liés aux sanctions[155] ».

D’autres informations pertinentes pour combattre la criminalité financière pourraient être produites à partir du « registre public, gratuit et adaptable de la propriété effective des sociétés régies en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions », que le gouvernement est en train de mettre en œuvre[156]. La mesure législative requise a été déposée par le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. Bien qu’il s’agisse d’une « une initiative législative importante et percutante », il a été rappelé au Comité que la plupart des sociétés sont constituées en vertu d’une loi provinciale et que « le patrimoine immobilier ne fait pas partie du registre fédéral proposé, ce qui exclut une tribune importante utilisée pour le blanchiment de sommes d’argent acquises illégalement[157] ».

Il semble que le gouvernement soit encore en train de réfléchir à la manière dont s’articuleront les diverses pièces du dispositif de lutte contre le contournement des sanctions et la criminalité financière. Lorsque le Comité a entamé son étude, le gouvernement du Canada a lancé une consultation publique « afin d’examiner les moyens d’améliorer le Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes ». La consultation a révélé que l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait soulevé les questions de savoir si et comment ce régime « devrait répondre et s’adapter à ces menaces[158] ». Un chapitre du document d’accompagnement de la consultation traite de la création de la nouvelle agence canadienne des crimes financiers. Le gouvernement a demandé aux répondants de donner leur avis sur la question de savoir si le mandat de cette agence, qui sera « responsable » de l’application de la loi en matière de criminalité financière, devrait inclure un volet de lutte contre le contournement des sanctions[159]. Le document réitère également l’intention du gouvernement « d’examiner le mandat du CANAFE afin de déterminer s’il devrait être élargi pour contrer le contournement des sanctions et le financement des menaces à la sécurité nationale et économique[160] ». Le document reconnaît que le mandat et le cadre juridique actuels du CANAFE le limitent à analyser des cas présumés de contournement des sanctions que lorsque c’est lié à de l’éventuel blanchiment d’argent ou financement d’activités terroristes. Ce cadre « limite la capacité du CANAFE à déterminer les tendances, les typologies et les indicateurs [de contournement] des sanctions qui pourraient être utiles au secteur financier et à l’application de la loi[161] ».

Il est possible de tirer des leçons d’autres pays aux vues semblables. Par exemple, le Comité a appris[162] qu’en mars 2023, le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé qu’il élargirait sa Division contre la cleptocratie[163] au sein de son Agence nationale de lutte contre la criminalité « afin de cibler un plus grand nombre de membres de l’élite corrompue et de leurs facilitateurs, tout en renforçant l’efficacité des sanctions du Royaume-Uni[164] ». En plus des mesures élargies énoncées pour combattre le crime économique, le plan triennal du Royaume-Uni fait état de l’intention du gouvernement d’accroître la capacité de cette division « afin de cibler les membres de l’élite corrompue en s’attaquant à leurs avoirs cachés au R.-U., notamment en appuyant des activités intergouvernementales relatives aux violations des sanctions et en travaillant en partenariats avec des organismes de différentes régions du globe afin de réprimer ces individus et de les priver de leurs actifs[165] ».

Dans le cadre de sa réflexion sur les mandats et les fonctions qui existent au Canada en ce qui concerne les politiques de sanctions et de lutte contre le contournement des sanctions, le Comité a examiné d’autres modèles structurels. Aux États-Unis, l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) ou Bureau de contrôle des avoirs étrangers du département du Trésor, joue un rôle de premier plan dans l’administration et l’exécution des programmes de sanctions économiques et commerciales[166]. En outre, l’OFAC est considéré comme faisant partie du « Bureau du terrorisme et du renseignement financier » du Trésor[167]. Le Trésor indique que son travail sur les sanctions est « mené en partenariat étroit » avec d’autres instances du gouvernement américain, « notamment le département d’État et le Conseil national de sécurité, qui décident de la politique étrangère et des objectifs stratégiques que les sanctions servent, ainsi que le département de la Justice ». Le département d’État « met également en œuvre certains pouvoirs de sanctions en consultation avec le Trésor[168] ». Erica Moret a expliqué au Comité que le Canada « n’a pas d’organisme d’enquête ou d’application de la loi comme le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain[169] ». Pourtant, comme elle l’a laissé entendre dans son témoignage, cette composante du régime de sanctions du Canada est devenue plus importante que jamais. Elle a fait remarquer que « la Russie et d’autres acteurs utilisent des techniques poussées […] de contournement en coordination avec d’autres pays ciblés par des sanctions », une réalité qui a fait que l’application est maintenant « le nœud du problème[170] ».

Les témoins ont fait part au Comité de leurs différents points de vue sur la question de savoir s’il serait approprié – et faisable – pour le Canada d’adopter un modèle de type OFAC. Le professeur Juneau a déclaré qu’il était favorable à l’idée « qu’Affaires mondiales Canada joue officiellement un rôle plus important dans la coordination des sanctions ». Il a insisté sur le fait que le système américain est « très différent du nôtre, non seulement en raison de sa taille, mais aussi parce que le système gouvernemental des États-Unis est différent ». En même temps, il a reconnu que « le bureau américain du contrôle des avoirs étrangers joue un rôle de coordination très fort qu’AMC ne peut pas jouer en raison des cloisonnements qui existent au sein de notre système et des difficultés à échanger des renseignements avec l’ASFC, la GRC et d’autres organismes qui participent au contrôle et à l’application des sanctions ». Quoi qu’il en soit, il a dit penser « qu’une partie de la réponse consisterait à donner à AMC davantage d’outils[171] ». Le professeur Juneau a parlé également de la place que le bureau des sanctions d’AMC – annoncé en octobre 2022 – pourrait occuper au sein de l’appareil gouvernemental canadien. Il a fait remarquer qu’on ne sait pas exactement quelle est l’étendue du pouvoir de coordination et de rassemblement de ce bureau ni quel pouvoir « d’intimidation et de persuasion il aura pour contraindre les ministères à échanger des renseignements et à travailler ensemble », mais il a dit espérer que ce pouvoir sera « plus important qu’il l’est en ce moment[172] ».

L’autre point de vue qui a été exprimé devant le Comité est qu’il faut désormais mettre « l’accent sur le droit national et l’application nationale[173] ». À l’appui de ce point de vue, Michael Nesbitt, professeur de droit à l’Université de Calgary, a fait remarquer qu’aucune accusation n’a été portée en vertu de la Loi Magnitski, et que seules une personne et une entreprise ont été accusées de violations en vertu de la LMES, qui a été promulguée en 1992. L’accusation portée contre la personne « s’est effondrée », et celle contre l’entreprise s’est soldée par une entente sur plaidoyer[174].

Le professeur Nesbitt a laissé entendre que le Canada aurait avantage à se doter d’un régime d’application du droit civil pour les sanctions « prévoyant des amendes nettement plus élevées pour coïncider avec les dispositions de gel et de saisie » qui ont été adoptées en 2022. Il a ajouté que si le pays ne dispose que d’un régime pénal, aussi rigoureux soit-il, il risque de se heurter à ce qu’il appelle le « dilemme du renseignement à la preuve[175] ». Il croit qu’un régime de droit civil « permettrait d’infliger des amendes plus élevées, ce qui aurait un effet plus dissuasif et présenterait l’avantage d’éviter certains des aspects gênants de notre régime pénal sur le plan de la divulgation et la norme élevée de preuve dans les procès criminels[176] ».

Sur la question de l’appareil gouvernemental, le professeur Nesbitt a demandé que l’on réexamine la possibilité qu’AMC soit traité et doté de moyens comme s’il était le « seul organe responsable » de la gestion des sanctions autonomes du Canada[177]. À cet égard, il a souligné les rôles et les besoins en ressources de l’ASFC et de la GRC, et laissé entendre que le CANAFE et le Service canadien du renseignement de sécurité « devraient avoir davantage de pouvoirs en matière de participation et de partage de renseignements », ce qui est peut-être aussi le cas du Centre canadien pour la sécurité et du Conseil du Trésor. Enfin, le professeur Nesbitt a fait remarquer qu’on « oublie souvent » le rôle du Service des poursuites pénales du Canada, et ajouté qu’à son avis, ce service « n’a pas d’expertise interne[178] » en matière de sanctions.

Brandon Silver, directeur de la politique et des projets au Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, a déclaré que le Canada doit adopter « une approche pangouvernementale pour imposer des sanctions ». Selon lui, cela pourrait se faire grâce à la création d’« un point de convergence pour garantir la coopération entre les ministères et avec les alliés internationaux[179] ». M. Silver a affirmé que ce point de convergence permettrait d’améliorer la coordination « entre les nombreux ministères et organismes gouvernementaux qui sont souvent malheureusement dissemblables et isolés les uns des autres, qu’il s’agisse du CANAFE, de la GRC, du SCRS, du ministère de la Justice, d’Affaires mondiales Canada et d’autres organismes de ce type[180] ». Dans son mémoire au Comité, M. Silver fait référence à différents modèles aux États-Unis et au Royaume-Uni, et suggère la mise sur pied d’un groupe de travail intergouvernemental pour soutenir le bureau des sanctions à AMC ainsi que le point de convergence qu’il propose[181].

Le Comité prend acte de l’observation du professeur Nesbitt selon laquelle il manque actuellement à l’appareil gouvernemental canadien un organisme semblable à l’OFAC des États‑Unis, qui peut créer des « liens » entre les objectifs qui sous-tendent la politique de sanctions, les désignations qui donnent effet à cette politique, et les activités de conformité et d’application qui les soutiennent. Ces liens sont établis, a-t-il dit, grâce à l’expertise en ce qui concerne les flux financiers et les structures des entreprises[182]. Le travail que le Canada et ses alliés ont accompli ensemble pour lutter contre le contournement des sanctions russes montre pourquoi ces liens sont importants. Parmi les « typologies » de contournement qui ont été décelées, il y a l’utilisation de membres de la famille et de proches collaborateurs pour assurer un accès continu à la richesse et son contrôle, notamment par le transfert de la propriété effective d’entités juridiques et d’autres biens. Les autres façons de contourner les sanctions sont d’investir dans l’immobilier pour détenir des biens, et d’utiliser des structures de propriété complexes et l’expertise de « facilitateurs » pour éviter l’identification[183].

Après avoir passé en revue tous ces rôles et responsabilités, le Comité a jugé qu’il est nécessaire de mieux préciser l’obligation de rendre compte en matière de sanctions. Néanmoins, devant la complexité de ces questions et les différents points de vue exprimés, le Comité n’est pas prêt à se prononcer sur la manière précise dont devrait s’y prendre l’appareil gouvernemental canadien, sans avoir préalablement procédé à un examen plus approfondi de cet aspect de son étude plus large. Le Comité fait donc la recommandation suivante :

Recommandation 15

Que, dans un délai raisonnable, le gouvernement du Canada procède à un examen complet des mandats, des pouvoirs, des mécanismes de coordination et des liens hiérarchiques des ministères et des organismes qui l’appuient dans la mise en œuvre de son régime de sanctions, en accordant la même importance aux besoins et aux défis associés à la politique de sanctions, à leur administration et à leur application, et qu’il publie les résultats de cet examen. De plus, que dans le cadre de cet examen complet, le gouvernement du Canada étudie d’autres modèles ou systèmes utilisés par les alliés aux fins d’application, de coordination et de surveillance des sanctions.

Recommandation 16

Que, dans le budget de 2024, le gouvernement du Canada fournisse des détails sur la structure et le mandat de l’Agence canadienne des crimes financiers qu’il a proposé de créer.

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada envisage de désigner, au sein de l’Agence canadienne des crimes financiers proposée, une unité qui serait responsable de l’application des sanctions.

La coordination à l’échelle multilatérale du régime de sanctions du Canada

Même si le Comité a concentré son étude sur le régime de sanctions du Canada, il a bien compris que les sanctions que prend le Canada interagissent avec un ensemble complexe d’acteurs étatiques et privés et qu’elles sont imposées dans une économie mondialisée. Les témoignages à ce sujet ont révélé que bien que le Canada puisse agir seul ou de concert avec ses alliés, le comportement et les décisions d’autres acteurs auront inévitablement une incidence sur l’efficacité de ses sanctions.

Limites de la portée

Lors de son témoignage devant le Comité, Elisabeth Braw a souligné le fait que le contexte de mondialisation des échanges du XXIe siècle est différent de l’époque de la guerre froide, pendant laquelle les pays occidentaux représentaient, collectivement, « une formidable puissance économique ». Aujourd’hui, selon elle, « quand nous appliquons des sanctions dissuasives ou punitives, leur efficacité peut être compromise si un pays refuse de nous emboîter le pas, n’appuie pas cette ligne de conduite, ne s’en soucie pas ou décide de tirer profit des difficultés du pays sanctionné ». La Chine, par exemple, développe ses échanges avec la Russie depuis 2022, tout comme l’Inde et d’autres pays. Résultat : les sanctions occidentales sont « moins efficaces que si l’activité commerciale avec le pays sanctionné était complètement paralysée », a fait observer Mme Braw[184].

Elle a ajouté que, maintenant que le recours à des sanctions est de plus en plus attendu, les dirigeants des pays visés tiennent compte de ces sanctions « dans leur analyse des coûts et des avantages quand ils préparent l’opération que les pays occidentaux essaient d’empêcher ». Selon son évaluation, ce calcul est l’un des principaux problèmes que posent les sanctions, « la grande utilité des sanctions en fait un instrument extrêmement prévisible et dont l’effet dissuasif est beaucoup moins puissant[185] ». Qui plus est, l’analyse des coûts et des avantages est différente selon qu’on a affaire à un régime autoritaire ou à une démocratie. Les dirigeants d’un régime ciblé, comme le régime russe, « font primer leurs intérêts sur ceux de leur pays » quand vient le temps d’assumer le coût des sanctions, a indiqué Mme Braw[186]. C’est la raison pour laquelle elle a insisté sur la nécessité de prévoir des sanctions dont le but est de frapper précisément les dirigeants d’un pays ciblé.

En raison de la place dominante des États-Unis et de l’Union européenne dans l’architecture financière internationale, et des sanctions imposées, des systèmes de rechange sont recherchés. Le Comité a appris que la Chine avait mis en place le Cross-Border Interbank Payments System (CIPS ou système de paiement interbancaire transfrontalier) et la Russie, le System for Transfer of Financial Messages (SPFS ou système de transfert de messages financiers). Le responsable mondial des sanctions économiques de la Banque Royale du Canada, G. Stephen Alsace, a indiqué qu’il n’y avait pas eu une augmentation importante de transactions passant par ces systèmes de rechange, mais qu’il « y a une hausse, et il y a certainement un risque de fuite de capitaux de ce système [SWIFT][187] ».

L’amplification des effets des sanctions grâce au travail avec les partenaires à l’harmonisation des mesures

D’autres témoins ont laissé entendre que les voies de contournement des sanctions décrites ci-dessus peuvent être bloquées, du moins en partie, grâce à une meilleure coordination. Malgré cela, des témoins ont dit au Comité qu’il fallait demeurer réaliste quant à la mesure dans laquelle la portée des sanctions autonomes peut être étendue, et lui ont rappelé qu’il existe des contraintes législatives à la coopération qui peut être poursuivie.

Sophie Marineau, doctorante en relations internationales, a fait remarquer que les sanctions contre la Russie ont été imposées par « énormément de pays » et que cela « a fait sortir de leur neutralité historique certains pays, comme Monaco et la Suisse ». Elle a indiqué que la Russie a pu se tourner vers d’autres partenaires économiques, surtout à la Chine et d’autres pays du bloc BRICS, « soit des États qui tentent de contester un peu l’ordre international actuel[188] ». Elle a ajouté qu’il serait « extrêmement difficile » de convaincre la Chine d’infliger des sanctions à la Russie étant donné que la Chine « marche sur une très fine ligne de neutralité », suivant laquelle elle s’efforce d’éviter d’encourager la guerre de la Russie contre l’Ukraine, mais aussi tout ce qui pourrait déstabiliser la Russie ou détériorer ses propres relations avec l’Occident. C’est la raison pour laquelle, pour reprendre les propos de Mme Marineau, il ne faut pas tant chercher à limiter « les chevaliers noirs » (c’est-à-dire les pays qui nuisent à la cohésion des sanctions) qu’à voir comment « rallier d’autres partenaires à la cause des sanctions[189] ».

Paul James Cardwell, professeur de droit au King’s College de Londres, a rappelé au Comité l’effet amplificateur de sanctions coordonnées lors de son témoignage qui s’est concentré sur les pratiques en vigueur dans l’UE. Il a indiqué que l’UE est « capable d’être puissante » lorsque ses 27 pays membres peuvent s’entendre sur des sanctions à prendre. En outre, il a mené des travaux de recherche avec des collègues sur la « tendance, depuis le milieu des années 2000, à inviter les États tiers voisins de l’Union européenne à s’aligner sur les sanctions de l’Union européenne ». Ces travaux ont révélé qu’il y a généralement de 5 à 10 États de plus qui décident de s’aligner sur les sanctions de l’UE, ce qui a pour effet de leur donner plus de poids[190].

La professeure Charron a fait valoir pour sa part que, lorsque c’est possible, le Canada devrait adapter sa rhétorique à l’égard des sanctions à celle de l’UE et d’autres partenaires pour s’assurer que les messages sont cohérents et que les normes sont renforcées. Elle a établi qu’à ce jour, la coordination transatlantique concernant les sanctions pour violations des droits de la personne « se concentre presque exclusivement sur la Chine et la Russie[191] ». Pour que la coordination des sanctions soit perçue comme un moyen de défendre des normes universellement acceptées, et non comme une simple convergence d’« intérêts géopolitiques », la professeure Charron croit que l’inscription coordonnée sur les listes doit se faire « dans les cas de violations graves des droits de la personne en dehors des rivaux géopolitiques[192] ». Elle a aussi laissé entendre que l’efficacité des sanctions devrait faire l’objet d’un suivi coordonné, notamment par l’échange d’informations sur les indicateurs. Le Groupe de travail sur les élites, les mandataires et les oligarques russes, auquel le Canada participe, en est un bon exemple. Erica Moret a fait valoir que ce groupe de travail « utilise l’échange de renseignements et la coordination pour cibler des personnes et les entités russes sanctionnées et exercer des pressions sur elles[193] ».

Outre la poursuite de la coordination sur les objectifs dans leur ensemble, d’autres témoins ont fait état des raisons pour lesquelles les pays qui prennent des sanctions devraient mieux coordonner les mesures qu’ils veulent imposer. Vladzimir Astapenka s’est adressé au Comité en tant que représentant du Cabinet de transition uni du Bélarus, qui a été constitué en août 2022 par la cheffe de l’opposition en exil Sviatlana Tsikhanouskaya pour représenter « les intérêts nationaux véritables du Bélarus[194] ». M. Astapenka a mentionné que différents niveaux et types de sanctions ont été appliqués contre la Russie et le Bélarus respectivement, depuis que la Russie a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine, le 24 février 2022, avec la complicité du régime du président bélarusse Alexandre Loukachenko. Ces différences existent, selon lui, malgré l’union douanière qui permet « que les produits circulent […] librement entre les deux pays[195] ». M. Astapenka a fait remarquer que lorsqu’il y a des échappatoires, « nous favorisons le contournement de ces sanctions et l’émergence de stratagèmes clandestins ou semi-clandestins d’approvisionnement de biens ». À ce propos, il a aussi fait remarquer que les échanges commerciaux de pays comme l’Arménie et le Kirghizistan avec la Russie et le Bélarus « atteignent des sommets[196] ».

Abordant la question des échappatoires d’un point de vue général, Kelsey Gallagher a informé le Comité que des marchandises à double usage provenant de pays occidentaux « ont été intégrées à de nombreux systèmes d’armes que la Russie a déployés dans le cadre de ses attaques incessantes contre l’Ukraine[197] », notant que ces marchandises peuvent être redirigées vers des pays tiers. Or, comme l’a fait observer M. Gallagher, bien qu’il présente des rapports annuels sur les exportations de biens militaires, le gouvernement du Canada ne publie « presque aucune information sur nos exportations de marchandises à double usage, contrairement à ce que font différents États aux vues similaires[198] ». Ce témoin a recommandé la publication de données, qui devraient inclure, à tout le moins « la valeur de ces exportations, la description des marchandises et leurs utilisateurs finaux autorisés ». Selon lui, le fait de mettre l’accent sur « les transferts vers des destinations permettant de contourner les contrôles à l’exportation nous donnerait une meilleure idée des risques de prolifération de technologies canadiennes stratégiques à l’étranger[199] ».

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada publie chaque année des données complètes sur les exportations canadiennes de marchandises à double usage, comme il le fait pour le matériel militaire, notamment sur la valeur de ces exportations, la description des marchandises et leurs utilisateurs finaux autorisés.

Brandon Silver a parlé quant à lui de la coordination des sanctions, et des conséquences de l’absence d’une telle coordination, du point de vue de pays qui, comme le Canada, ont adopté des lois leur permettant d’imposer des sanctions comme celles prévues dans la Loi Magnitski – c’est-à-dire des sanctions ciblées en réponse à des violations des droits de la personne et à des actes de corruption. Selon lui, dans ces pays, « les décisions découlant de lois de Magnitski sont très majoritairement prises unilatéralement et sans coopération structurée entre les alliés, malgré nos intérêts et nos valeurs partagés, malgré les menaces auxquelles nous pourrions tous vouloir réagir[200] ». M. Silver a laissé entendre que les conséquences concrètes sont une fuite éventuelle des avoirs vers des pays qui n’imposent pas de sanctions et le fait que la « décision peut perdre de son poids et le pays risque de voir sa réputation entachée si les sanctions sont perçues comme une aberration parmi les autres démocraties, jugées plus raisonnables, au lieu d’être vues comme une réussite dans la quête de justice et de reddition de comptes[201] ». Pour empêcher cela, le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne propose la mise sur pied d’un « groupe contact de pays » ayant adopté des lois de type Magnitski, groupe qui « aiderait grandement à coordonner les sanctions et à leur donner un caractère multilatéral, en plus de créer un forum de partage sur les pratiques exemplaires[202] ».

En même temps, il a été rappelé au Comité que la coordination est limitée par les cadres législatifs des États qui appliquent des sanctions. Le représentant d’Affaires mondiales Canada a indiqué que même s’il y a des points communs, chaque pays a « ses propres déclencheurs » dans les lois qu’il adopte, ainsi que différents seuils d’acceptabilité « de ce qui constitue un ensemble suffisant de preuves » quand il est question de désignations[203]. Cela étant dit, le gouvernement a déjà informé le Comité de la coordination possible en ce qui concerne les sanctions économiques, notamment pour l’interdiction des importations d’aluminium et d’acier russes et les efforts conjoints visant à imposer un prix plafond sur le pétrole brut et les produits pétroliers raffinés d’origine russe[204].

Pour maximiser l’impact des sanctions du Canada, dans le cadre des objectifs stratégiques que partagent et poursuivent le Canada et ses partenaires aux vues similaires, le Comité fait la recommandation suivante :

La coordination à l’échelle multilatérale du régime de sanctions du Canada

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada augmente ses investissements dans des ressources dédiées à la diplomatie entourant l’application des sanctions dans le but de maximiser le nombre de partenaires qui imposent des mesures identiques ou semblables, de combler toutes les lacunes dans la mise en œuvre des sanctions et d’empêcher tout contournement éventuel des sanctions.

L’efficacité du régime de sanctions du Canada

La dernière fois que le Comité a fait une étude sur le régime de sanctions du Canada, il a cherché à savoir si les sanctions « fonctionnent[205] ». La réponse, à l’époque comme aujourd’hui, dépend du contexte et de l’intention. Les différents régimes de sanctions peuvent avoir des objectifs distincts, visant à modifier, empêcher ou condamner un comportement, et le but déclaré peut changer avec le temps. Comme indiqué, l’atteinte de l’objectif stratégique peut dépendre de la mesure dans laquelle le régime est multilatéral et son application, harmonisée, ainsi que des attributs de la cible. De plus, comme nous le verrons en détail ci‑après, les États visés par des sanctions ont un poids économique et politique plus ou moins important sur l’échiquier mondial, et certaines relations entre pays et certains flux économiques sont plus importants ou plus sensibles aux perturbations que d’autres. Quand on a affaire à des personnes et des entités précises, alors que la fonction de dénonciation d’une désignation relève du contrôle de l’État qui impose les sanctions, l’effet concret des sanctions – l’interdiction de transactions – dépend de la question de savoir si la personne concernée détient des biens dans le pays qui impose les sanctions ou cherche à effectuer des transactions avec des personnes se trouvant dans ce pays[206].

Objectifs et cibles

Sophie Marineau a présenté un cadre analytique pour aider le Comité à comprendre les facteurs permettant de déterminer l’effet des sanctions qu’imposent le Canada et ses partenaires. Même s’il est « impossible de définir le niveau exact des mesures à prendre pour que celles-ci aient une incidence réelle sur la politique de l’État sanctionné », Mme Marineau a fait état de certains facteurs « déterminants pour influencer l’efficacité d’un régime de sanctions[207] ».

Le premier facteur susceptible d’amener un changement de comportement est le « coût économique imposé à l’État sanctionné[208] ». Le deuxième facteur en importance est le régime politique du pays en question. Mme Marineau a fait valoir que les sanctions ont beaucoup plus de chances d’avoir d’effet sur une démocratie que sur une autocratie. La stabilité est un autre facteur à prendre en compte. Mme Marineau a indiqué qu’un État faible « souffrant de problèmes économiques sera plus vulnérable à l’application d’un régime de sanctions ». Ce qui n’est pas non plus à négliger, c’est le « lien entre l’État qui impose les sanctions et l’État sanctionné[209] ». L’importance des relations économiques et des recettes commerciales qui sont menacées est particulièrement pertinente à cet égard. Ensuite, il y a le degré de cohésion internationale. Selon Mme Marineau, le succès des mesures dépendra de la décision de la majorité des partenaires économiques de l’État ciblé de lui infliger des sanctions. Sans une telle cohésion, a-t-elle expliqué, cet État « peut trouver d’autres fournisseurs en remplacement de celui ou ceux qui imposent les sanctions[210] », faisant écho aux limites évoquées par Elisabeth Braw. Le dernier facteur est le temps; selon Mme Marineau :

Les sanctions forcent souvent les États sanctionnés à se replier sur eux-mêmes et à développer leurs propres industries pour assurer leur autosuffisance, ou à trouver de nouveaux partenaires économiques pour remplacer ceux perdus en raison des sanctions. À long terme, ce phénomène a pour conséquence de rendre l’État sanctionné plus apte à vivre en autarcie ou moins dépendant des importations et des biens des États qui imposent les sanctions. Les effets des sanctions deviennent alors extrêmement limités[211].

Cela étant dit, un autre témoin a indiqué que le facteur temps ne doit pas tant concerner la capacité d’adaptation de l’État ciblé que la patience dont doivent faire preuve les États qui imposent des sanctions pour que les restrictions économiques appliquées aient l’effet voulu[212]. En somme, Mme Martineau a indiqué que c’est l’« effet cumulatif » des facteurs qu’elle a décrits qui détermine l’efficacité d’un régime de sanctions[213].

La difficulté à évaluer l’efficacité des sanctions est évidente dans le cas des mesures que le Canada et ses partenaires ont prises à l’encontre de la Russie en réponse à son attaque contre l’Ukraine. Lorsqu’on lui a demandé ce que ces mesures avaient permis d’accomplir, le représentant d’Affaires mondiales Canada a insisté sur les objectifs consistant à imposer des contraintes, à isoler et à demander des comptes[214], et il a répondu que « [l]a Russie a vu réduire considérablement sa capacité de mener sa guerre » et que son « économie s’est contractée[215] ». Le représentant du Ministère a fait état du nombre d’entreprises étrangères qui ont quitté la Russie, ainsi que des restrictions imposées sur les matériaux et les composantes nécessaires à la production d’armement. Même si les sanctions n’ont pas forcément été le « coup de grâce », le Ministère croit « sans contredit » qu’elles ont fait mal à l’économie russe[216]. À ce propos, le représentant du Ministère a insisté sur l’importance de comparer les prévisions actuelles pour l’économie russe avec la situation antérieure au 24 février 2022[217]. En octobre 2023, le Fonds monétaire international (FMI) a relevé ses prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Russie pour 2023 de 0,7 à 2,2 %. Cependant, le FMI attribue cette croissance à l’effet à court terme des dépenses du gouvernement russe pour l’effort de guerre. Dans une perspective plus large, avant la guerre, le FMI avait estimé la croissance potentielle de la Russie à environ 1,5 % du PIB. Ce chiffre a depuis été ramené à 1 % du PIB[218].

Mme Marineau a décrit de manière semblable les difficultés auxquelles se heurte la Russie. Elle a mentionné, par exemple, qu’« environ 70 % des actifs des banques russes détenus à l’international » sont devenus inaccessibles, et que « [p]rès d’un tiers du budget russe est maintenant consacré aux dépenses militaires, ce qui a pour effet de ralentir le développement économique russe[219] ». Cela dit, Mme Marineau s’est montrée prudente pour ce qui est d’attribuer une causalité directe aux sanctions. Compte tenu de la complexité de l’économie mondiale et de la place qu’y occupe la Russie, il est difficile de déterminer les effets qui « sont attribuables aux sanctions à elles seules, et encore plus aux sanctions canadiennes seulement ». Pour ces raisons et compte tenu de l’importance « primordiale » de la cohésion internationale dans l’application des sanctions, Mme Marineau a dit au Comité que « les efforts du Canada doivent être analysés dans une perspective plus globale où les efforts de tous les États partenaires comptent[220] ».

Coûts immédiats

Le Comité a surtout tenté de comprendre l’efficacité des sanctions autonomes du Canada par rapport à celles d’autres États. Cela dit, il lui a été rappelé que les sanctions comme celles prévues dans la Loi Magnitski[221], qui ciblent des personnes, peuvent avoir un effet immédiat et réel. Selon Brandon Silver, ce genre de mesures ciblées a été un « outil puissant »; elles « protègent aussi la souveraineté canadienne contre les effets corrosifs des capitaux étrangers corrompus et contre les atteintes aux droits venant de ceux qui cherchent à s’unir pour miner notre démocratie et nos établissements financiers[222] ».

Telle était l’intention de la loi. L’honorable Raynell Andreychuk a été la marraine au Sénat du projet de loi qui est devenu la Loi Magnitski du Canada. Selon elle, le but était de « faire des droits de la personne un pilier égal à celui de la politique étrangère » dont traitait déjà la LMES[223]. Même si la situation en Russie – où Sergueï Magnitski « a été détenu sans procès et torturé et en est mort le 16 novembre 2009 dans une prison de Moscou[224] » – était inquiétante, le projet de loi avait une portée universelle. Il visait à soutenir les défenseurs des droits de la personne et leur famille partout dans le monde. Ce sont des gens « qui ont sacrifié leur vie, qui ont été emprisonnés et torturés et qui ont subi d’innombrables pertes […] parce qu’ils ont défendu ce qui était juste et équitable dans leur pays[225] », a insisté l’honorable Raynell Andreychuk. Selon l’ancienne sénatrice, le projet de loi a été conçu pour empêcher les auteurs de ces crimes d’avoir accès aux États ayant adopté des lois de type Magnitski. Elle a dit que « [n]ous ne voulons pas que leur argent soit placé dans des banques au Canada ni dans des biens immobiliers au Canada. Nous ne voulons pas que ces gens se trouvent dans nos pays[226]. »

Il a été démontré que l’interdiction de territoire prévue par la Loi Magnitski a fonctionné. Le représentant de l’ASFC a parlé au Comité des désignations faites en vertu de la Loi Magnitski, en disant que « [t]outes les personnes identifiées ont été stoppées à l’étranger par un refus de visa ». Qui plus est, il n’y a aucun « cas enregistré de personnes arrivant au Canada qui auraient dû être renvoyées, et c’était bien l’objectif du principe Magnitski[227] ».

Le professeur de droit Craig Martin a aussi rappelé au Comité qu’il ne fallait pas oublier l’aspect préventif des sanctions. Il a fait remarquer que l’application des sanctions est souvent conçue en termes de nombre de poursuites engagées, un objectif qui, selon lui, fait « oubli[er] en quelque sorte que les sanctions trouvent souvent leur efficacité quand les institutions financières refusent de traiter des transactions, par exemple, ou que des avocats conseillent à leurs clients de ne pas s’adonner à un commerce donné ». Les sanctions peuvent avoir « un effet très marqué », a indiqué le professeur Martin, même en l’absence de poursuites[228].

Effet global

Même en tenant compte de ces complexités, d’autres témoins ont dit qu’il était nécessaire de procéder à une analyse plus rigoureuse de l’efficacité du régime de sanctions du Canada. La capacité de mener cette analyse, cependant, pourrait nécessiter l’élaboration de nouveaux outils, avec les investissements que cela requiert. Selon Erica Moret, au Canada et ailleurs, les mécanismes d’évaluation de l’efficacité des sanctions « sont encore très rudimentaires[229] ».

Pour commencer, le professeur Juneau a fait remarquer qu’il est difficile d’évaluer l’efficacité quand, bien souvent, « l’objectif déclaré des sanctions n’est pas le même que l’objectif de facto ». En prenant comme exemples l’Iran et la Russie, il a expliqué que comme le changement de comportement du régime – qui est l’objectif déclaré – « ne se produira pas », l’affaiblissement du régime devient l’objectif de facto, un résultat qu’il est plus difficile de mesurer. Parlant de l’Iran, il a dit que le pays accusait « une croissance économique négative, une inflation à deux chiffres et un taux de chômage très élevé », mais il a souligné le fait qu’il était « très difficile de dire » jusqu’à quel point ce déclin économique était la conséquence directe des sanctions et dans quelle mesure il était dû à la mauvaise gestion du régime[230]. Par ailleurs, il a averti le Comité que les sanctions peuvent avoir des répercussions inattendues, même lorsqu’elles parviennent à faire payer un tel prix. Dans le cas de l’Iran, il a insisté sur le risque d’enracinement de « l’autoritarisme et [de] la corruption ». Selon le professeur Juneau, le Corps des gardiens de la révolution islamique, qui défend le régime iranien, « a été en mesure de construire un empire économique massif et donc de devenir plus puissant dans le cadre des efforts déployés par le régime pour échapper aux sanctions[231] ».

En plus de la nécessité d’avoir une politique claire pour évaluer l’efficacité, l’accent devrait être mis sur la qualité plutôt que sur la quantité dans les désignations de sanctions, selon d’autres témoins. La professeure Charron a écrit que « [l]e Canada a inscrit plus de 2 000 noms au titre des divers régimes, mais aucune étude n’a été menée pour déterminer si l’inscription de ces entités aide à mettre en avant les droits de la personne et d’autres normes internationales ou incite simplement les entités à renommer et à se réorganiser pour rendre plus difficile le suivi de leurs abus[232] ». Elle a dit que l’approche du Canada consistait « à les imposer et à les oublier »; on ajoute des noms sur les listes des personnes visées par des sanctions, « et c’est la dernière fois qu’on en entend parler[233] ». La professeure Charron estime que « [n]ous passons beaucoup de temps à déterminer qui cibler, mais pas beaucoup à examiner l’effet des sanctions sur les cibles et à déterminer si nous devrions peut-être ajuster le tir en nous alignant sur nos alliés et en réagissant aux événements sur le terrain[234] ».

Cela ne veut pas dire que les mesures que prend le Canada ne sont jamais rectifiées. Les sanctions contre l’armée du Myanmar en sont un exemple. Elles ont d’abord été imposées en vertu de la LMES, en 2007, en réponse à la détérioration de la situation humanitaire et des droits de la personne dans le pays, mais elles ont été allégées en 2012, après des améliorations dans la gouvernance démocratique. La plupart des interdictions imposées au titre de la LMES ont été suspendues à l’époque, mais les désignations à l’encontre de certaines personnes et entités figurant sur la liste et un embargo sur les armes sont demeurées en vigueur[235]. En 2018, des mesures ciblées ont été ajoutées par la désignation de « sept hauts gradés de l’armée qui occupaient des postes d’autorité pendant les opérations de nettoyage contre les Rohingyas de l’État de Rakhine[236] ». Le Comité a appris que le Canada a été l’« un des premiers pays à imposer de nouvelles sanctions » en réaction au coup d’État militaire du 1er février 2021 contre le gouvernement élu de la Ligue nationale pour la démocratie, et a imposé de sanctions supplémentaires depuis lors[237]. Par la suite, Zaw Kyaw, porte-parole du gouvernement d’unité nationale du Myanmar, a demandé que soient effectués des ajustements pour durcir encore plus ces sanctions[238].

Pour que le régime de sanctions du Canada soit réactif, la professeure Charron voudrait que le gouvernement du Canada publie et revoie les mesures de l’effet des sanctions « de façon régulière[239] ». À son avis, le Canada a cherché à améliorer son régime de sanctions « en créant plus de lois et en ajoutant des exigences », pourtant, il n’est pas encore capable de répondre à la question fondamentale qui est de savoir si ses sanctions sont efficaces[240]. Un examen régulier permettrait également de s’assurer que les sanctions sont levées et que les personnes sont radiées de la liste, le cas échéant[241]. Selon le professeur Martin, des rapports transparents peuvent aider à déterminer si les « sanctions visent la bonne personne et si les preuves qui justifient les sanctions sont toujours actuelles, exactes et justes[242] ».

Le Comité convient qu’un rapport sur le régime des sanctions déposé chaque année au Parlement constituerait un grand pas en avant. À cet égard, le Comité retient l’avis de la professeure Charron selon lequel produire un tel rapport ne serait pas une entreprise onéreuse puisque « l’information est facile à obtenir » auprès du gouvernement. Comme l’a dit la professeure, « [i]l suffit que quelqu’un la collige[243] ». Le Comité avait demandé un rapport annuel en 2017 et il continue de penser que les dispositions entourant les rapports sont insuffisantes. Dans le cadre de la LMES, la seule exigence en matière de rapports est que « [d]ans les soixante jours de séance qui suivent la fin de l’application d’un décret ou règlement pris en vertu de la présente loi, le gouverneur en conseil soumet un rapport complet sur cette application » (c.-à-d. après son abrogation)[244]. Concernant la capacité du Comité à effectuer une surveillance efficace, chaque décret ou règlement pris en vertu de la LMES doit être déposé devant le Parlement dans les cinq jours de séance suivant sa prise[245]. Des copies sont transmises au Comité en tant que documents parlementaires, conformément à l’article 32(1) du Règlement, mais aucune analyse supplémentaire n’est fournie. Aucune de ces dispositions n’oblige le gouvernement à revoir régulièrement les régimes de sanctions du Canada pour s’assurer qu’ils demeurent adaptés à leur objectif. Pour ces raisons, le Comité fait les recommandations suivantes :

L’efficacité du régime de sanctions du Canada

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada dépose un rapport annuel au Parlement contenant des informations sur les sanctions autonomes, incluant un aperçu de l’objectif et de l’effet évalué des sanctions visant chaque État étranger concerné, de même qu’un sommaire du montant des avoirs au Canada qui ont été effectivement gelés et des transactions qui ont été bloquées, ainsi que des ordonnances de saisie ou de blocage qui ont été rendues, informations qui peuvent être divulguées conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et dans le respect de la protection des intérêts du Canada en matière de sécurité nationale.

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada revoie régulièrement ses sanctions autonomes afin de s’assurer que les mesures sont calibrées précisément pour atteindre leur objectif et que les désignations connexes demeurent appropriées.

La cohérence et la logique du régime de sanctions du Canada

L’étude et les travaux antérieurs qu’a menés le Comité ont soulevé des questions sur l’exhaustivité, la cohérence et l’application des lois canadiennes sur les sanctions autonomes. Contrairement à ce qui s’est passé en 2016, lorsque la Chambre a ordonné au Comité de passer en revue certaines lois, cette étude avait une portée plus générale et n’a pas examiné la législation canadienne dans le détail. Cela dit, le Comité a retenu finalement l’idée qu’il serait utile que le Canada revoie les approches adoptées par des pays aux vues similaires aux siennes pour déterminer s’il existe des lacunes dans son propre cadre. De plus, alors que certains témoins prônaient la retenue, conscients de la nécessité d’éviter les conséquences indésirables et de veiller à ce que les sanctions restent un outil et non le moteur de la politique étrangère du Canada, d’autres ont fait valoir que les pouvoirs législatifs existants du Canada ne sont pas utilisés de manière aussi large ou cohérente que les circonstances pourraient le justifier.

Paramètres imposés par la loi

L’analyse fournie au Comité s’est concentrée notamment sur les critères déclencheurs liés aux violations des droits de la personne et à la corruption dans la législation canadienne sur les sanctions autonomes. La professeur Charron a indiqué qu’il existe des différences substantielles entre la LMES et la Loi Magnitski, ainsi qu’entre la législation canadienne et celle des principaux partenaires de notre pays. La LMES, a-t-elle noté, s’applique aux violations « graves et systématiques » des droits de la personne, mais « n’énumère ni ne précise les violations des droits de la personne en dehors de ses règlements[246] ». La Loi Magnitski n’exige pas que les violations des droits de la personne soient systématiques et « permet l’imposition de sanctions en réponse à des violations graves et isolées », comme des exécutions extrajudiciaires ou des actes de torture[247]. La professeure Charron a comparé cette approche au Régime mondial de sanctions en matière de droits de l’homme de l’UE, dont elle a dit qu’il a « des critères d’inscription plus précis », décrivant 12 types de violations, tout en permettant l’application de sanctions en réponse à des violations des droits de la personne qui sont répandues, systématiques ou présentent un caractère de gravité particulier au regard des objectifs de la politique étrangère de l’UE[248].

Le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne pense que les dispositions de la LMES et de la Loi Magnitski devraient être harmonisées. Plus précisément, le Centre a fait valoir que l’exigence selon laquelle les violations flagrantes des droits de la personne doivent être « systématiques » devrait être retirée de la LMES, ce qui, selon le Centre, donnerait plus de latitude et permettrait d’aligner la LMES sur la norme de la Loi Magnitski, qui parle de « violations flagrantes[249] ». En outre, le Centre a proposé que la Loi Magnitski soit modifiée pour permettre l’application de ses dispositions à des entités, et pas seulement à des personnes, comme c’est le cas de la LMES[250].

À la lumière de ces considérations, le Comité fait la recommandation suivante :

La cohérence et la logique du régime de sanctions du Canada

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada revoie ses lois sur les sanctions autonomes pour déterminer si une harmonisation ou une élaboration plus poussée des critères déclencheurs en matière de droits de la personne et de corruption seraient nécessaires.

Applications possibles

Certains témoins et mémoires ont suggéré que le Canada pourrait utiliser son régime de sanctions de façon plus systématique. À cet égard, ils ont demandé que le droit international, les normes et les droits de la personne soient soutenus et que les situations particulières des pays soient prises en considération.

Le Centre Raoul Wallenberg a fait valoir que les sanctions autonomes du Canada devraient tenir compte « de l’équité et de la vulnérabilité », conformément à la stratégie nationale de lutte contre le racisme, à la politique étrangère féministe et à l’engagement du Canada en faveur des droits universels de la personne[251]. Pour appuyer ce point, le Centre a fait mention d’une analyse révélant que « dans seulement 7 % des cas de sanctions de type Magnitski au Canada, on a mentionné des victimes féminines et, dans seulement 1 % des cas, des enfants », et qu’aucune des désignations ne parlait de personnes autochtones ou LGBTQ2IA+[252]. C’est le cas même si, comme l’a fait remarquer le Centre,

[l]es personnes LGBTQ2IA+ sont souvent les premières cibles de la répression totalitaire et autoritaire; les attaques contre les peuples autochtones sont souvent au cœur d’attaques plus larges contre les mesures de protection écologique et les défenseurs de l’environnement qui luttent contre les changements climatiques; et l’antisémitisme est toxique pour la démocratie et mine les droits fondamentaux de tous[253].

Le Centre Raoul Wallenberg a présenté d’autres façons dont pourrait s’y prendre le Canada, à son avis, pour cibler ses sanctions dans le but de promouvoir ses intérêts et ses principes. Étant donné le rôle de chef de file que le Canada a assumé en ce qui concerne la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d’État à État, le Centre a suggéré que l’utilisation de sanctions ciblées dans les cas de détentions arbitraires soit généralisée, notamment en en faisant un critère déclencheur spécifique dans la loi[254]. De plus, le Centre recommande que la législation canadienne soit modifiée « afin d’y inclure expressément une demande du procureur de la [Cour pénale internationale, ou CPI], par suite de l’émission d’un mandat d’arrêt de la CPI, comme élément déclencheur de l’examen de la désignation d’une sanction[255] ». Par ailleurs, le Centre a indiqué que les sanctions devraient être appliquées conformément aux décisions découlant des procédures spéciales de l’ONU ou des mécanismes de surveillance des traités[256]. Selon Brandon Silver, prendre ses mesures permettrait de « montrer notre confiance » dans les institutions multilatérales et dans la « force exécutoire » des normes internationales[257].

Amanda Strayer a recensé des « lacunes importantes » dans l’utilisation de la LMES et de la Loi Magnitski du Canada à la lumière des conclusions du rapport intitulé Multilateral Magnitsky Sanctions at Five Years[258]. Ce rapport, publié en 2022, a été coécrit avec le Centre Raoul Wallenberg et traite de l’utilisation des sanctions de type Magnitski par le Canada, l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis[259]. En plus de manquer des occasions de renforcer la multilatéralisation des sanctions et « de ne pas rendre compte aux victimes marginalisées des violations des droits de la personne », le rapport conclut que le Canada imposait rarement des sanctions en réponse à des actes de corruption[260]. Mme Strayer a mentionné également la conclusion du rapport selon laquelle les sanctions canadiennes de type Magnitski ont fait preuve d’un « manque incroyable de diversité géographique[261] ».

D’autres témoins ont concentré leurs présentations sur des situations particulières dans certains pays. Par exemple, Anaïs Kadian a affirmé que les « violations des droits de la personne et du droit international » qu’elle attribue à l’État azerbaïdjanais à l’égard de l’Arménie et des Arméniens de souche dans le territoire du Haut-Karabagh « sont directement visées par l’article 4 de la Loi sur les mesures économiques spéciales du Canada et justifient également l’application de la Loi Magnitski du Canada[262] ». À son avis, le fait qu’aucune sanction n’ait été prise pour condamner ces comportements, dans lesquels Mme Kadian inclut la « saisie de 140 kilomètres carrés du territoire souverain [de l’Arménie] » en 2022 et le blocus subséquent du corridor de Latchine entre le Haut-Karabagh et l’Arménie, a enhardi le gouvernement azerbaïdjanais[263].

L’étude du Comité a attiré l’attention également sur la situation au Sri Lanka. Katpana Nagendra a qualifié la décision du Canada prise en janvier 2023 d’imposer des sanctions à l’encontre de quatre représentants de l’État sri lankais en vertu de la LMES de « grand pas en avant permettant d’exposer les crimes atroces, y compris le génocide, que subissent les Tamouls depuis au moins 1948, comme le pogrom anti-tamoul de 1983 et, plus récemment, le massacre de Mullivaikkal en 2009[264] ». Néanmoins, et même si le Canada a montré la voie avec ces sanctions, Mme Nagendra a expliqué pourquoi son organisation croit que ces mesures doivent être étendues. Selon elle, la « grande majorité des représentants de l’État sri-lankais responsables de violations flagrantes des droits de la personne ne sont toujours pas tenus de rendre des comptes[265] ». De plus, depuis que les quatre désignations ont été faites, « la culture de l’impunité n’a pas changé au Sri Lanka[266] ». En plus des sanctions, le Tamil Rights Group souhaite que les mécanismes de justice internationale, notamment ceux liés à la Cour internationale de justice et à la Cour pénale internationale, soient davantage utilisés et soutenus. À cet égard, Mme Nagendra a fait remarquer que les sanctions ne sont « que le début » de la quête de justice et de reddition de comptes[267]. Ces points ont été réitérés par une autre organisation à but non lucratif, People for Equality and Relief in Lanka[268]. À la lumière de ce qui précède, le Comité fait la recommandation suivante :

Recommandation 23

Que le gouvernement du Canada revoie sa législation en matière de sanctions autonomes et les approches adoptées par des pays aux vues similaires aux siennes pour déterminer les pratiques exemplaires et s’assurer que le cadre législatif du Canada concorde avec les intérêts et les engagements du pays en matière de sécurité nationale, de politique étrangère et de droits de la personne, et est conçu de manière à permettre au gouvernement de répondre à toutes les circonstances dans lesquelles l’imposition de sanctions peut s’avérer nécessaire.

Dans ses réflexions sur la législation canadienne en matière de sanctions, le Comité a gardé à l’esprit le témoignage de l’ancienne sénatrice Raynell Andreychuk, qui avait fait remarquer que le projet de loi qu’elle avait déposé pour l’adoption d’une loi Magnitski canadienne devait être la « première étape » et non la fin du processus[269]. S’exprimant en tant que personne ayant passé des années à travailler sur la politique étrangère canadienne, notamment comme diplomate puis comme présidente des comités sénatoriaux des droits de la personne et des affaires étrangères, entre autres fonctions, l’ancienne sénatrice a rappelé au Comité que le Canada dispose de nombreux leviers en matière de politique étrangère qu’il peut utiliser face à des situations préoccupantes[270]. La façon dont les sanctions s’intègrent dans ce mécanisme et ce contexte plus vastes, a-t-elle laissé entendre dans son témoignage, mérite une plus grande attention. Le Comité est d’accord et, pour conclure le présent rapport, réitère son intention de continuer à soulever cette question et à examiner attentivement les réponses.


[1]                  États-Unis (É.-U.), Département d’État, Secretary Antony J. Blinken at a Press Availability, 7 janvier 2022 [traduction].

[2]                  É.-U., Maison-Blanche, Remarks by President Biden on Russia’s Unprovoked and Unjustified Attack on Ukraine, 24 février 2022 [traduction].

[3]                  Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, Déclaration du premier ministre concernant l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, 23 février 2022.

[5]                  Les banques russes exclues du principal système mondial de messages financiers (SWIFT) étaient déjà assujetties à des sanctions imposées par l’Union européenne et les pays du Groupe des Sept. Voir Commission européenne, Ukraine : l’UE convient d’exclure les principales banques russes de SWIFT, communiqué, 2 mars 2022. Toutefois, ce ne sont pas toutes les banques russes qui ont été exclues de SWIFT afin de permettre le règlement de certaines opérations financières, plus particulièrement en ce qui concerne l’approvisionnement énergétique vers les pays d’Europe. Voir Owen Walker, « EU plans to evict largest Russian lender from Swift but spare energy bank », Financial Times, 4 mai 2022. SWIFT, qui est détenue et contrôlée par ses actionnaires, des institutions financières, et supervisée par les banques centrales du G-10 et la Banque centrale d’Europe, est constituée en vertu de la loi belge et doit se conformer à la réglementation de l’UE [en anglais seulement]. Voir Swift, « Swift and sanctions, », Compliance. L’UE a pris des mesures afin d’exclure sept banques russes le 2 mars 2022, et trois banques biélorusses le 9 mars 2022. Trois autres banques russes et une autre banque biélorusse ont été exclues le 3 juin 2022. Voir Conseil européen, Conseil de l’Union européenne, Mesures restrictives de l’UE à l’encontre de la Russie liées à la situation en Ukraine.

[6]                  Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, Le Canada annonce de nouvelles mesures pour soutenir l’Ukraine, 24 février 2022; Finances Canada, Le Canada et ses partenaires du G7 interdisent les opérations de la Banque centrale russe, communiqué, 28 février 2022; et Commission européenne, Déclaration conjointe sur de nouvelles mesures économiques restrictives, déclaration, 26 février 2022.

[7]                  Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE), Témoignages, 24 mars 2022, 1540 (l’honorable Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères).

[8]                  Depuis 2014, le Canada a imposé des sanctions à 632 entités et 2 149 individus en réaction à l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Voir gouvernement du Canada, Sanctions – Invasion russe de l’Ukraine, consulté le 10 novembre 2023.

[9]                  FAAE, Témoignages, 24 mars 2022, 1540 (l’hon. Mélanie Joly).

[10]               FAAE, Témoignages, 4 août 2022, 1305 (l’hon. Mélanie Joly).

[11]               FAAE, Procès-verbal, 21 septembre 2022.

[12]               Pour une liste complète des recommandations, voir : FAAE, Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada : Honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin, Septième rapport, avril 2017.

[13]               Gouvernement du Canada, « Législation canadienne sur les sanctions », Sanctions canadiennes.

[14]               Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17, par. 4(1.1).

[15]               Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), L.C. 2017, ch. 21, par. 4(2); et FAAE, Réponse écrite du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement lié à la réunion du jeudi 3 février 2022. Comparativement aux « seuils plus précis » prévus dans la Loi Magnitski, qui concerne les violations à l’endroit de « personnes qui participent d’une façon ou d’une autre à de l’activisme ou à la défense des droits de l’homme », il est possible d’imposer les mesures prévues dans la LMES « en réponse à des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne commises dans un État étranger contre toute autre personne » (voir p. 2).

[16]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1110 (Alexandre Lévêque, sous-ministre adjoint, Politique stratégique, ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement); et gouvernement du Canada, Décret concernant la saisie de biens situés au Canada (Volga-Dnepr Airlines ou Groupe Volga-Dnepr) : SOR/2023-120.

[17]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1130 (Alexandre Lévêque).

[18]               Ibid., 1110. Pour plus d’informations sur la première utilisation de ce pouvoir, voir Affaires mondiales Canada, Le Canada entame le premier processus pour bloquer et confisquer les biens d’un oligarque russe sanctionné, communiqué, 19 décembre 2022; et Décret concernant le blocage de biens situés au Canada (Roman Arkadyevich Abramovich) (DORS/2022-279).

[19]               Gouvernement du Canada, « Législation canadienne sur les sanctions », Sanctions canadiennes.

[20]               Ibid.

[21]               Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, L.C. 2011, ch. 10.

[22]               Gouvernement du Canada, « Législation canadienne sur les sanctions », Sanctions canadiennes.

[23]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1135 (Alexandre Lévêque).

[24]               Ibid.

[27]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1145 (Alexandre Lévêque).

[28]               Ibid., 1200.

[29]               Ibid.

[30]               Ibid.

[31]               Ibid., 1115.

[32]               Ibid., 1145.

[33]               Ibid., 1120.

[34]               Andrea Charron, mémoire, 15 juin 2023, p. 1.

[35]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1225 (Erica Moret, recherchiste en chef et coordonnatrice, Sanctions and Sustainable Peace Hub, Geneva Graduate Institute, à titre personnel).

[36]               FAAE, « Annexe A : Le cadre législatif au Canada », Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada : Honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin, avril 2017.

[37]               Gouvernement du Canada, Législation canadienne sur les sanctions.

[38]               Affaires mondiales Canada, Le Canada adopte la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, communiqué, 18 octobre 2017.

[39]               Gouvernement du Canada, La Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes.

[41]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1110 (Alexandre Lévêque).

[42]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1225 (Erica Moret).

[43]               Ibid.

[44]               Ibid.

[45]               FAAE, « Liste des recommandations », Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada : Honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin, Septième rapport, avril 2017.

[46]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1105 (Alexandre Lévêque).

[47]               Ibid., 1110.

[48]               Ibid.

[49]               Voir : Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, Renforcer l’architecture des sanctions autonomes canadiennes : Examen législatif quinquennal de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, dixième rapport, mai 2023; et réponse du gouvernement, 13 octobre 2023.

[50]               FAAE, « Liste des recommandations », Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada : Honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin, Septième rapport, avril 2017.

[51]               FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1735 (Andrea Charron, professeure, Université du Manitoba, à titre personnel).

[52]               Andrea Charron, mémoire, 15 juin 2023, p. 2.

[53]               Ibid.

[54]               Ibid.

[55]               FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1735 (Andrea Charron).

[56]               FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1240 (Thomas Juneau, professeur agrégé, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[57]               Andrea Charron, mémoire, 15 juin 2023, p. 2.

[58]               Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, mémoire, 22 juin 2023, p. 9.

[59]               Ibid.

[60]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1225 (surintendant Denis Beaudoin, directeur, Criminalité financière, Gendarmerie royale du Canada).

[61]               FAAE, « Liste des recommandations », Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada : Honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin, Septième rapport, avril 2017.

[62]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1110 (Alexandre Lévêque).

[63]               Ibid.

[64]               FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1125 (Lawrence Herman, avocat, Herman & Associates, Cassidy Levy Kent, à titre personnel).

[65]               Lawrence Herman, notes d’allocution, 25 septembre 2023 [traduction].

[66]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1115 (Angelina Mason, avocate en chef et vice-présidente principale, Affaires juridiques et risque, Association des banquiers canadiens).

[67]               Ibid.

[68]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1130 (G. Stephen Alsace, responsable mondial des sanctions économiques, Banque Royale du Canada, Association des banquiers canadiens).

[69]               Voir : Commission européenne, « Guidance documents and frequently asked questions », Sanctions adopted following Russia’s military aggression against Ukraine [en anglais seulement]

[70]               Voir : Commission européenne, Commission Consolidated FAQs on the implementation of Council Regulation No 833/2014 and Council Regulation No 269/2014, 23 octobre 2023 [en anglais seulement].

[71]               Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), Directives et ressources pour les entreprises (entités déclarantes).

[72]               CANAFE, Base de données d’interprétations de politiques.

[73]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1120 et 1150 (Angelina Mason).

[74]               Ibid., 1120.

[75]               FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1635 (Andrea Charron).

[76]               Gouvernement du Canada, « Permis et certificats », Sanctions canadiennes.

[77]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1115 (Angelina Mason).

[78]               Ibid. Voir aussi : É.-U., Département du Trésor, Office of Foreign Assets Control (OFAC), Selected General Licenses Issued by OFAC. Pour les licences générales délivrées par le Royaume-Uni, voir Office of Financial Sanctions Implementation et HM Treasury, OFSI General Licences, dernière mise à jour 10 novembre 2023.

[79]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1115 (Angelina Mason). Voir aussi : Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17, al. 4(4)b).

[80]               FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1120 (Angelina Mason).

[81]               Ibid.

[82]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1115 (Alexandre Lévêque).

[83]               Ibid., 1140.

[84]               FAAE, « Levée des sanctions pour les turbines destinées au gazoduc Nord Stream 1 », La guerre d’agression illégale de l’État russe contre l’Ukraine,dixième rapport, février 2023.

[85]               FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1150 (Alexandre Lévêque).

[86]               FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1220 (Alain Dondainaz, chef de mission au Canada, Comité international de la Croix-Rouge).

[87]               Ibid.

[88]               Ibid.

[89]               Comité international de la Croix-Rouge, mémoire, 29 septembre 2023, p. 1.

[90]               Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU), Résolution 2664 (2022), 9 décembre 2022 : paragr. 1. L’exemption remplace et clarifie tous les paragraphes contradictoires des résolutions précédemment adoptées par le Conseil de sécurité et s’appliquera « à toutes les mesures de gel des avoirs qu’il imposera ou renouvellera en l’absence de décision explicite contraire ». En ce qui concerne le régime de sanctions qui s’applique aux interactions avec les talibans en Afghanistan, le Conseil de sécurité a maintenu l’exemption humanitaire spéciale qu’il avait accordée en décembre 2021 au moyen de la Résolution 2615 (paragr. 4). Pour ce qui est du régime de sanctions des Nations Unies contre le Daech et Al-Qaida, la résolution 2664 précise que l’exemption permanente prévue par cette résolution s’appliquera pendant deux ans et note qu’une décision quant à savoir s’il faut la proroger sera prise avant la fin de cette période (paragr. 2).

[92]               FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1255 (Austin Shangraw, conseiller juridique, Comité international de la Croix-Rouge).

[93]               Au sujet du besoin de clarté et d’uniformité en matière d’exemptions humanitaires dans l’ensemble du cadre législatif canadien, la Croix-Rouge canadienne a mentionné la Loi sur les Nations Unies, la LMES, les dispositions du Code criminel concernant le financement des activités terroristes et les lois relatives aux organismes de bienfaisance. Voir FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1255 (Catherine Gribbin, conseillère juridique principale, Droit international humanitaire, Croix-Rouge canadienne). Les organismes non gouvernementaux sont aussi aux prises avec des délais et de l’incertitude en raison des différences sur le plan des exigences et des restrictions parmi les pays imposant des sanctions. Le Comité central mennonite du Canada a dit au Comité que pour mener ses activités humanitaires en Corée du Nord, il doit obtenir des autorisations du Canada en vertu de la LMES et de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation; des licences de l’OFAC) et du Bureau of Industry and Security des États‑Unis; et une permission du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1718. Voir : Comité central mennonite du Canada, mémoire, 5 octobre 2023, p. 4.

[94]               Comité international de la Croix-Rouge, mémoire, 29 septembre 2023, p. 2–3.

[95]               Ibid., p. 3.

[96]               Ibid.

[97]               Ibid., p.3-4.

[98]               Croix-Rouge canadienne, mémoire, 18 octobre 2023, p. 1 et 4.

[99]               Ibid., p. 2 et 4.

[100]             Ibid., p. 2 et 5.

[101]             Le projet de loi C-41, qui a obtenu la sanction royale le 20 juin 2023, établit une exception dans le Code criminel afin d’autoriser l’aide humanitaire dans une région géographique contrôlée par des groupes terroristes, notamment en Afghanistan. Les demandes touchant des activités qui dépassent le cadre de l’aide humanitaire (comme les projets liés à la santé et à l’éducation) seront traitées sur une base individuelle, conformément à un régime d’autorisation. Voir : Sécurité publique Canada, La mesure législative visant à soutenir l’aide humanitaire aux Afghans vulnérables reçoit la sanction royale, communiqué, 23 juin 2023.

[102]             Croix-Rouge canadienne, mémoire, 18 octobre 2023, p. 1.

[103]             É.-U., Département du Trésor, Treasury Issues Syria General License 23 To Aid In Earthquake Disaster Relief Efforts, communiqué, 9 février 2023 [traduction].

[104]             É.-U., Office of Foreign Assets Control (OFAC), Compliance Communiqué: Guidance for the Provision of Humanitarian Assistance to Syria, 8 août 2023 [traduction].

[105]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1245 (Erica Moret).

[106]             Ibid., 1300.

[107]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1120 (Katpana Nagendra, secrétaire générale, Tamil Rights Group).

[108]             B’nai Brith Canada, mémoire, 27 octobre 2023, p. 7.

[109]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1120 (Katpana Nagendra).

[110]             Ibid.

[111]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1220 (Amanda Strayer, avocate superviseure, Responsabilisation, Human Rights First).

[112]             Ibid.

[113]             Ibid.

[114]             Ibid.

[115]             Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, mémoire, 22 juin 2023, p. 14.

[116]             Ibid.

[117]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1155 (Elisabeth Braw, agrégée supérieure, American Enterprise Institute, à titre personnel).

[118]             Andrea Charron, mémoire, 15 juin 2023, p. 4.

[119]             Gouvernement du Canada, « Un régime de sanctions solide », Plan budgétaire, 2018.

[120]             Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, Le Canada imposera de nouvelles sanctions au régime iranien, 7 octobre 2022.

[121]             Gouvernement du Canada, « Contactez-nous », Sanctions canadiennes.

[122]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1115 (Alexandre Lévêque).

[123]             Ibid., 1135.

[124]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1225 (Erica Moret).

[125]             Ibid., 1245.

[126]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1245 (surintendant Denis Beaudoin).

[127]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1225 (Erica Moret).

[128]             Ibid.

[130]             Gouvernement du Canada, Les sanctions canadiennes liées à la Russie.

[131]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1210 (Thomas Juneau).

[132]             Ibid.

[133]             Ibid.

[134]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1720 (Andrea Charron).

[135]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1120 (Angelina Mason).

[136]             Le Comité a appris qu’au Canada, il « n’y a pas eu précisément de cargaisons saisies en raison du travail forcé ». Le régime de travail forcé est administré par le biais du Tarif des douanes. Voir FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1255 (Fred Gaspar, vice-président, Direction générale du secteur commercial et des échanges commerciaux, Agence des services frontaliers du Canada).

[137]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1135 (Lawrence Herman).

[138]             Gouvernement du Canada, « Foire aux questions », Sanctions canadiennes.

[139]             FAAE, Témoignages, 8 juin 2023, 1210 (Kelsey Gallagher, chercheur, Project Ploughshares).

[140]             Ibid.

[141]             Ibid.

[142]             Ibid.

[143]             Ibid.

[144]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1150 (Alexandre Lévêque).

[145]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1235 (surintendant Denis Beaudoin).

[146]             Ibid., 1215.

[147]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1240 (Richard St Marseille, directeur général, Direction des politiques sur l’immigration et des examens externes, Agence des services frontaliers du Canada).

[148]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1150 (Alexandre Lévêque).

[149]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1210 (Fred Gaspar).

[150]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1305 (Surint. Denis Beaudoin).

[151]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1215 (Jeremy Weil, directeur principal par intérim, Gouvernance et opérations des crimes, ministère des Finances).

[152]             Ibid.

[153]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1250 (Annette Ryan, directrice adjointe, Partenariats, politiques et analyse, Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada).

[154]             Les modifications apportées par le projet de loi C-47 (article 181) au paragraphe 7.1(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, exigeant que les entités réglementées rendent compte au CANAFE en ce qui concerne les ordonnances et les règlements pris en vertu de la LMES ou de la Loi Magnitski, entreront en vigueur à la date fixée par décret. Une autre modification apportée par le projet de loi C‑47 a déjà pris effet. Le CANAFE est tenu de communiquer les renseignements désignés au ministre des Affaires étrangères lorsque ces renseignements ont un rapport avec les décrets et règlements pris en vertu de la LMES et de la Loi Magnitski, mais seulement lorsqu’il est déterminé que ces renseignements sont utiles aux fins d’enquête ou de poursuite relativement à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou à une infraction de financement d’activités terroristes. Voir : Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17,al. 55(3)h) et i).

[155]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1250 (Annette Ryan).

[156]             Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Le gouvernement du Canada dépose un nouveau projet de loi visant la création d’un registre de la propriété effective des sociétés, communiqué, 22 mars 2023.

[157]             Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, mémoire, 22 juin 2023, p. 12.

[160]             Ibid., p. 8.

[161]             Ibid., p. 80.

[162]             Réponse écrite à des questions présentée par le professeur Paul James Cardwell, 2 août 2023. Ce dernier précise que le Bureau de mise en œuvre des sanctions financières, qui fait partie du ministère du Trésor du R.-U., est chargé de la mise en œuvre et de l’application des sanctions, en collaboration avec l’Agence nationale de lutte contre la criminalité, le ministère du Commerce international (et l’Unité mixte de contrôle des exportations) et l’Agence de revenue et des douanes de Sa Majesté (HMRC).

[163]             La Division de lutte contre la cleptocratie a été établie en juillet 2022 au sein de l’Agence nationale de lutte contre la criminalité du Royaume-Uni. Ses enquêtes ciblent les membres de l’élite corrompue et les personnes politiquement exposées qui blanchissent leurs avoirs au Royaume-Uni. Voir : Royaume-Uni, Factsheet: economic crime in the UK, document stratégique, 26 octobre 2023 [disponible en anglais seulement].

[164]             Royaume-Uni, Home Office et HM Treasury, New plan puts UK at the forefront of fight against economic crime, communiqué, 30 mars 2023 [traduction].

[165]             Royaume-Uni, gouvernement de Sa Majesté, Economic Crime Plan 2: 2023-2026, p. 52 [traduction].

[166]             É.-U., Département du Trésor, Bureau de contrôle des avoirs étrangers, About OFAC [en anglais seulement].

[167]             OFAC, Mission [traduction].

[168]             É.-U., Département du Trésor, The Treasury 2021 Sanctions Review, octobre 2021, p. 1 [traduction].

[169]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1230 (Erica Moret).

[170]             Ibid.

[171]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1230 (Thomas Juneau).

[172]             Ibid., 1235.

[173]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1215 (Michael Nesbitt, professeur de droit, Université de Calgary, à titre personnel).

[174]             Ibid.

[175]             Ibid.

[176]             Ibid., 1220.

[177]             Ibid.

[178]             Ibid.

[179]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1110 (directeur de la politique et des projets, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, à titre personnel).

[180]             Ibid., 1140.

[181]             Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, mémoire, 22 juin 2023, p. 7.

[182]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1245 (Michael Nesbitt).

[184]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1105 (Elisabeth Braw).

[185]             Ibid.

[186]             Ibid., 1110.

[187]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1130 (G. Stephen Alsace).

[188]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1715 (Sophie Marineau, doctorante, Relations internationales, à titre personnel).

[189]             Ibid.., 1730.

[190]             FAAE, Témoignages, 8 juin 2023, 1110 (Paul James Cardwell, professeur de droit, The Dickson Poon School of Law, King’s College de Londres, à titre personnel).

[191]             Andrea Charron, mémoire, 15 juin 2023, p. 5.

[192]             Ibid.

[193]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1225 (Erica Moret).

[194]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1115 (Vladzimir Astapenka, représentant adjoint, Affaires étrangères, Cabinet de transition uni du Bélarus).

[195]             Ibid., 1135.

[196]             Ibid., 1120.

[197]             FAAE, Témoignages, 8 juin 2023, 1210 (Kelsey Gallagher).

[198]             Ibid.

[199]             Ibid.

[200]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1110 (Brandon Silver).

[201]             Ibid.

[202]             Ibid.

[203]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1145 (Alexandre Lévêque).

[205]             FAAE, « Les sanctions sont-elles efficaces? », Un cadre efficace et cohérent de mise en œuvre des régimes de sanctions du Canada : Honorer la mémoire de Sergueï Magnitski et aller plus loin, avril 2017.

[206]             Des avoirs d’une valeur d’environ 136 millions de dollars au Canada ont été gelés depuis le 24 février 2022 au titre du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, et des transactions financières de 306 millions de dollars ont été bloquées. Cependant, seuls des actifs d’une valeur de 79 000 $ ont été gelés au titre du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran, et « [e]n ce qui concerne Haïti, la GRC n’a pas reçu de renseignements de tiers au sujet d’avoirs bloqués ». Voir GRC, Mise à jour de la déclaration des avoirs gelés en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales visant la Russie, communiqué, 28 septembre 2023.

[207]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1640 (Sophie Marineau).

[208]             Ibid.

[209]             Ibid.

[210]             Ibid.

[211]             Ibid.

[212]             FAAE, Témoignages, 8 juin 2023, 1115 (Benjamin Schmitt, agrégé supérieur, Département de physique et d’astronomie et Centre Kleinman des politiques énergétiques, Université de Pennsylvanie, à titre personnel).

[213]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1645 (Sophie Marineau).

[214]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1125 (Alexandre Lévêque).

[215]             Ibid., 1120.

[216]             Ibid., 1125.

[217]             Ibid.

[218]             Fonds monétaire international, European Department Press Briefing: Economic Outlook in Europe, « Transcript », 13 octobre 2023 [en anglais seulement].

[219]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1645 (Sophie Marineau).

[220]             Ibid.

[221]             Le Centre Raoul Wallenberg préconise que le terme « sanctions Magnitski » pour désigner les mesures prises en vertu des critères liés à la corruption et aux violations des droits de la personne prévus à la fois dans la Loi Magnitski et la LMES. Brandon Silver a laissé entendre que le recours à la LMES – plutôt qu’à la Loi Magnitski – pour appliquer des sanctions contre des personnes responsables de violations des droits de la personne est « une question de rhétorique plutôt que de substance ». Voir FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1135 (Brandon Silver).

[222]             Ibid., 1110.

[223]             FAAE, Témoignages, 8 juin 2023, 1120 (l’honorable Raynell Andreychuk, ancienne sénatrice, à titre personnel).

[225]             FAAE, Témoignages, 8 juin 2023, 1120 (l’honorable Raynell Andreychuk).

[226]             Ibid.

[227]             FAAE, Témoignages, 1er juin 2023, 1305 (Richard St Marseille).

[228]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1705 (Craig Martin, professeur de droit, à titre personnel).

[229]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1240 (Erica Moret).

[230]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1235 (Thomas Juneau).

[231]             Ibid., 1210.

[232]             Andrea Charron, mémoire, 15 juin 2023, p. 3.

[233]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1705 (Andrea Charron).

[234]             Ibid.

[235]             Pour plus de détails, voir gouvernement du Canada, Les sanctions canadiennes liées au Myanmar.

[236]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1220 (Zaw Kyaw, porte-parole, gouvernement de la République de l’Union du Myanmar).

[237]             Ibid.

[238]             Ibid., et 1235. Le Canada a annoncé des sanctions supplémentaires à l’égard du Myanmar, en coordination avec le Royaume-Uni et les États-Unis, après la conclusion de l’étude du comité. Selon le gouvernement, ces mesures « visent à maximiser la pression exercée de manière concertée sur le régime [militaire du Myanmar] pour qu’il fasse marche arrière et à limiter son accès aux ressources et aux revenus essentiels qui assurent le financement de sa violence ». Voir Affaires mondiales Canada, Le Canada annonce des sanctions supplémentaires à l’égard de personnes et d’entités soutenant le régime militaire du Myanmar, communiqué, 31 octobre 2023.

[239]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1635 (Andrea Charron).

[240]             Ibid.

[241]             Les personnes désignées peuvent demander au ministre des Affaires étrangères (la ministre) de faire radier leur nom du règlement du LMES. Le 6 octobre 2023, le gouvernement du Canada a radié le nom d’un individu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie après avoir examiné des preuves qui ont déterminé que la personne en question ne répondait pas aux critères d’inscription. Voir Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie : DORS/2023‑214.

[242]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1735 (Craig Martin).

[243]             FAAE, Témoignages, 27 septembre 2023, 1710 (Andrea Charron).

[244]             Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17, par. 7(9).

[245]             Ibid., par. 7(1).

[246]             Andrea Charron, mémoire, 15 juin 2023, p. 5.

[247]             Ibid.

[249]             Le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, mémoire, 22 juin 2023, p. 5.

[250]             Ibid., p. 5.

[251]             Ibid., p. 8.

[252]             Ibid., p. 8.

[253]             Ibid., p. 8.

[254]             Ibid., p. 9.

[255]             Ibid., p. 10 et 11.

[256]             Ibid., p. 11.

[257]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1110 (Brandon Silver).

[258]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1220 (Amanda Strayer).

[259]             Voir Human Rights First, Open Society Foundations, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne et Redress, Multilateral Magnitsky Sanctions at Five Years, novembre 2022 [en anglais seulement].

[260]             FAAE, Témoignages, 15 juin 2023, 1220 (Amanda Strayer).

[261]             Ibid., 1255.

[262]             FAAE, Témoignages, 6 juin 2023, 1215 (Anaïs Kadian, avocate, à titre personnel).

[263]             Ibid.

[264]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1120 (Katpana Nagendra).

[265]             Ibid.

[266]             Ibid., 1140.

[267]             Ibid., 1140.

[268]             FAAE, Témoignages, 25 septembre 2023, 1225 (Archana Ravichandradeva, directrice générale, People for Equality and Relief in Lanka).

[269]             FAAE, Témoignages, 8 juin 2023, 1125 (l’honorable Raynell Andreychuk).

[270]             Ibid.