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FOPO Rapport du Comité

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Opinion complémentaire du PCC

Les pêches du Canada sont des ressources publiques appartenant aux Canadiens qui, historiquement, sont en mesure d’avoir des moyens de subsistance soutenant leurs collectivités côtières grâce aux avantages économiques de leur travail et de leurs investissements dans les pêches maritimes commerciales. Aujourd’hui, de moins en moins de pêcheurs canadiens indépendants peuvent avoir un accès viable aux pêches maritimes commerciales parce que l’échec de la gestion et de la réglementation fédérales des pêches maritimes commerciales a permis à la propriété étrangère et à la concentration des entreprises d’évincer les pêcheurs canadiens des pêches.

Le gouvernement du Canada détient le pouvoir et la responsabilité de la gestion et de la réglementation des pêches maritimes commerciales[1]. Au-delà de l’objectif de conservation et de maintien des ressources halieutiques pour assurer leur pérennité biologique, le gouvernement est également censé gérer ces ressources publiques pour maintenir les avantages économiques que les Canadiens peuvent en tirer.

En 2002, la décision de la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’affaire Ward c. Canada a déclaré que « [l]a compétence fédérale en matière de pêcheries ne se limite pas à la conservation des stocks de poisson, mais s’étend à la gestion des pêcheries en tant que ressource publique. Cette ressource comporte de nombreuses facettes, dont l’une est de générer des avantages économiques pour ceux et celles qui participent à son exploitation et, de façon plus générale, pour tous les Canadiens et les Canadiennes[2]. »

Le ministère des Pêches et des Océans (MPO) présente publiquement son mandat comme comprenant la gestion des pêches du Canada en « travaillant en collaboration avec les pêcheurs, les collectivités côtières et les peuples autochtones afin d’assurer leur prospérité à long terme, laquelle repose sur le poisson et les fruits de mer[3] ».

Malgré la déclaration de la CSC sur les avantages économiques de la pêche et le mandat du MPO consistant à promouvoir la prospérité continue de la pêche, l’incapacité du gouvernement et du MPO à faire respecter les lois et les règlements et à tenir les engagements pris envers les Canadiens il y a des années n’a fait que placer les avantages économiques et la prospérité de la pêche hors de portée pour de nombreux pêcheurs et les collectivités côtières et autochtones qu’ils soutiennent.

Malgré les modifications apportées en 2019 à la Loi sur les pêches fédérale et les modifications apportées en 2021 aux règlements, dans les deux cas dans le but de préserver et de protéger l’indépendance des détenteurs de permis de pêche commerciale côtière dans le Canada atlantique et au Québec, les pêcheurs de ces régions continuent de voir leur indépendance et leurs avantages réprimés par la concentration des entreprises et la propriété étrangère que les modifications de 2019 et de 2021 étaient censées éliminer.

Les témoignages décrivent comment, malgré les nouveaux règlements fédéraux, le contrôle exercé par les entreprises fait augmenter et baisser les prix compétitifs sur les quais pour les pêcheurs, limitant la capacité des pêcheurs à chercher de nouveaux acheteurs et contraignant les relations de travail à un système d’arbitrage contraignant qui favorise les transformateurs[4]. Les témoignages indiquent que la concentration des entreprises gonfle les coûts des permis à un point tel que les pêcheurs côtiers ne peuvent pas se les offrir ou accéder à de tels niveaux de financement[5].

Les témoins ont détaillé les effets de l’augmentation de la propriété étrangère en déclarant que « les économies côtières connaissent un marasme économique, car les investisseurs étrangers récoltent impunément une part croissante de ces retombées[6] ».

Des témoignages ont également indiqué qu’une société détenue par un gouvernement étranger a été autorisée à conclure des accords dans le Canada atlantique qui incluent des conditions donnant à la société un large contrôle sur la pêche, notamment en garantissant à ses filiales un accès privilégié aux quotas ou aux débarquements, bien que de telles pratiques soient interdites par les règlements fédéraux[7]. Le Comité a été informé que les règlements fédéraux sont contournés par la création, par cette société étrangère, d’une forme d’intégration verticale établie par l’acquisition de contrats qui lui confèrent le contrôle des licences de récolte, un contrôle interdit par les lois et règlements fédéraux[8].

Les députés conservateurs sont très préoccupés par ces circonstances et les pratiques illégales décrites par les témoins, qui résultent de l’incapacité du gouvernement et du MPO à faire appliquer les lois et les règlements spécifiquement conçus pour empêcher de telles pratiques qui désavantagent les pêcheurs canadiens et les collectivités côtières. Depuis l’entrée en vigueur du règlement de 2021, a-t-on dit au Comité, le MPO a ouvert au moins 30 enquêtes pour non-conformité, mais aucune accusation n’a été portée, le MPO ayant plutôt choisi de « ramener gentiment les entreprises à la conformité[9] ».

Alors que les modifications apportées en 2019 à la Loi sur les pêches et les nouveaux règlements de 2021 qui en découlent ont été entrepris pour préserver et protéger l’indépendance des pêcheurs dans la pêche commerciale côtière au Canada atlantique et au Québec, le gouvernement n’a fourni aucune protection de ce type aux pêcheurs et aux collectivités côtières de la Colombie-Britannique.

En 2019, le Comité a déposé son rapport intitulé Les pêches sur la côte ouest : partager les risques et les retombées qui présentait 20 recommandations pour que le gouvernement mette en place des protections pour les pêcheurs et les collectivités côtières de la Colombie‑Britannique comparables à celles établies au Canada atlantique et au Québec[10]. La réponse du gouvernement à ce rapport ne reflète pas l’urgence exprimée par le Comité dans son rapport et ses recommandations. La réponse indique que le gouvernement a procédé à une évaluation des recommandations et, dans la mesure du possible, a commencé à recueillir des renseignements et des données pour éclairer les prochaines étapes, et qu’il consulterait le gouvernement de la Colombie-Britannique, les groupes autochtones, les pêcheurs et d’autres parties[11].

Deux recommandations du rapport de 2019 du Comité portaient sur les concepts d’une commission et d’un programme de prêts pour la pêche en Colombie-Britannique, afin d’aider les pêcheurs existants et les nouveaux arrivants à acheter des permis et des quotas et à faire face aux dépenses liées aux navires de pêche. Au cours de l’étude actuelle du Comité, des témoins ont évoqué les avantages que pourrait offrir un mécanisme fédéral de financement des prêts et l’un d’entre eux a déclaré qu’une telle proposition devrait s’inspirer de Financement agricole Canada, qui fonctionne comme une société d’État et rend compte au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire[12].

Le 5 juin 2023, les fonctionnaires du MPO ont donné au Comité une séance d’information pour informer les membres de la réponse du gouvernement au rapport de 2019 sur la délivrance des permis en Colombie-Britannique. Avant cette mise à jour, le Comité a reçu des témoignages décrivant la capacité limitée du MPO à faire progresser la réponse supposée du gouvernement au rapport de 2019 et indiquant que le Ministère avait bâclé une enquête destinée à déterminer les entités nationales et étrangères qui bénéficient directement ou indirectement des permis et des quotas de pêche commerciale[13]. Lors de la séance de mise à jour du 5 juin 2023, on a demandé au directeur régional du MPO combien de recommandations du rapport de 2019 le MPO avait mises en œuvre et il n’a pas indiqué une seule recommandation[14].

Résumé

Le gouvernement du Canada et le MPO ne parviennent pas à faire appliquer les règlements destinés à protéger les pêcheurs canadiens et les collectivités côtières du Québec et du Canada atlantique, et ils ne parviennent pas non plus à faire progresser l’élaboration de protections comparables pour les pêcheurs et les collectivités côtières de la Colombie-Britannique. Quatre ans après la présentation par le Comité de son rapport et de ses recommandations visant à lutter contre l’augmentation de la propriété étrangère et la concentration des entreprises sur la côte ouest, le gouvernement et le MPO n’ont pas donné suite à l’une des 20 recommandations formulées dans le rapport.

L’absence apparente de ressources allouées à l’application de la loi au Canada atlantique et au Québec et à l’élaboration de mesures de protection pour la Colombie-Britannique constitue un manquement manifeste au devoir de la part du gouvernement du Canada et du ministère des Pêches et des Océans, qui continuent à ne pas veiller à ce que les avantages économiques et la prospérité découlant des ressources publiques des pêches canadiennes soient mis à la disposition des Canadiens et des collectivités côtières qu’ils soutiennent.

Recommandations

1) Que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne commence immédiatement à travailler avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour créer un mécanisme de financement avec une tolérance au risque suffisante pour financer ou refinancer les pêcheurs existants et les nouveaux arrivants, dans toutes les provinces et tous les territoires, afin de remplacer les transformateurs de poisson en tant que cosignataires dans les accords de financement existants et nouveaux, et que ce mécanisme soit mis en œuvre rapidement.

2) Que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne ordonne immédiatement à ses fonctionnaires de hiérarchiser les actions et d’aligner les ressources nécessaires pour permettre l’identification des propriétaires effectifs des permis commerciaux et des quotas dans les pêches de la côte est et de la côte ouest.

3) Que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne lance immédiatement l’élaboration de deux stratégies pour la pêche maritime commerciale, l’une pour les régions du Québec, du Golfe, des Maritimes et de Terre-Neuve-et-Labrador du ministère des Pêches et des Océans et l’autre pour la région du Pacifique, dans le but de conserver et d’accroître la propriété effective des licences commerciales et des quotas pour les pêcheurs canadiens indépendants.


[1] Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.).

[2] Ward c. Canada (Procureur général), [2002] 1 R.C.S. 569.

[4] Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[5] Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[6] Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023.

[7] Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Chambre des communes, Comité permanent des pêches et des océans (FOPO), Les pêches sur la côte ouest : partager les risques et les retombées, 7 mai 2019.

[12] Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 29 mai 2023.

[13] Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023.

[14] M. Neil Davis, directeur régional du MPO, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, Témoignages, 5 juin 2023.