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HUMA Rapport du Comité

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Rapport dissident du NPD : Étude du Comité HUMA sur la financiarisation du logement

Préambule

D’un océan à l’autre, les Canadiens sont aux prises avec les conséquences de la crise du logement. Au cours des trois dernières décennies, le gouvernement fédéral n’a consacré que peu, voire pas du tout, de dépenses au logement social. Le gouvernement conservateur a annulé le Programme national de logement coopératif en 1992. Puis, en 1993, le gouvernement libéral a éliminé le Programme national pour le logement abordable, et, en 1994, il a autorisé la création des fiducies de placement immobilier (FPI)[1]. Trente années de sous-investissement ont entraîné la perte de plus de 500 000 logements sociaux et coopératifs qui auraient pu être construits. En outre, 1 030 000 logements locatifs de moins de 750 $/mois ont été perdus entre 2006 et 2021[2]. En conséquence, le Canada accuse un déficit de plus de 1,5 million de logements abordables.

Le rêve de l’accession à la propriété s’est évaporé, et d’innombrables personnes peinent à payer leur loyer, tandis que des centaines de milliers de Canadiens se retrouvent en situation d’itinérance chaque année. Des campements sont érigés dans nos collectivités, grandes ou petites. Les taux d’inoccupation n’ont jamais été aussi bas et les loyers ont monté en flèche. Dans de grandes villes comme Toronto et Vancouver, le loyer pour un logement d’une seule chambre à coucher a atteint respectivement 2 620 $ et 2 988 $ par mois[3]. Comme le gouvernement fédéral s’est déchargé de ses responsabilités en matière de logement social et coopératif, l’offre de logements a été largement façonnée par les forces du marché dans l’intérêt des propriétaires privés, des grands investisseurs institutionnels et des promoteurs. Au lieu d’être considérés comme un droit humain fondamental, les logements sont aujourd’hui essentiellement traités comme des marchandises et des instruments d’investissement pour les propriétaires fortunés. Ce sont là des conséquences de la financiarisation. Plus que jamais, il faut prendre des mesures audacieuses pour résoudre la crise du logement au Canada et répondre aux besoins criants de nos amis et voisins en matière de logement.

Introduction

À la suite d’une série de rapports déposés par le Bureau de la défenseure fédérale du logement (DFL) sur la financiarisation du logement, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA) s’est penché sur la question. Il a accueilli 29 personnes en audience et a reçu 41 mémoires. L’écrasante majorité des intervenants ont indiqué que la financiarisation nuisait aux locataires et aux Canadiens vulnérables. Une minorité d’entre eux ont défendu l’idée de traiter le logement comme une marchandise. Il s’agissait principalement des représentants des propriétaires financiers. Un message clair se dégage des présentations des témoins et des mémoires reçus : les Canadiens ont besoin que le gouvernement fédéral : a) veille à ce que le logement soit considéré comme un droit humain fondamental et non comme une marchandise; b) mette fin à la perte de logements abordables existants; c) investisse dans la création de nouveaux logements sociaux, et d) protège les locataires contre les rénovations/démolitions-évictions et les hausses de loyer incontrôlées. 

Or, le Comité HUMA n’a recommandé que peu ou pas de mesures définitives. Il a plutôt choisi de continuer d’évaluer, d’examiner et d’envisager les mesures possibles, alors même que les gens ordinaires sont de plus en plus désespérés et que les coûts du logement continuent d’échapper à tout contrôle. Les trente dernières années ont montré que l’approche axée sur le marché adoptée par les gouvernements libéraux et conservateurs successifs a été un échec pour les Canadiens. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) soumet ce rapport dissident pour souligner la nécessité de prendre des mesures urgentes et de considérer le logement comme un droit humain fondamental. Comme l’a indiqué Leilani Farha, l’ancienne rapporteure spéciale sur le droit à un logement convenable de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le respect d’une approche fondée sur les droits en ce qui a trait au logement, comme le prévoit la Loi sur la Stratégie nationale sur le logement, exige que les gouvernements : a) se dotent de toutes les ressources disponibles pour assurer un logement adéquat à tous ceux qui en ont besoin et qu’ils utilisent ces ressources; b) tiennent les acteurs du secteur privé responsables du respect des normes et de l’obtention des résultats en matière de droits de la personne, et c) veillent à ce que toutes les ressources publiques investies dans le domaine du logement (traitement fiscal préférentiel, exonérations fiscales) produisent des résultats en soutien aux droits de la personne[4] [c’est nous qui soulignons].

Répercussions de la financiarisation du logement

Comme l’expliquent Marie‑Josée Houle, la défenseure fédérale du logement (DFL), et les experts du domaine, les sociétés propriétaires et les propriétaires financiers cherchent à maximiser leurs profits en augmentant les loyers et en réduisant le personnel ou les services offerts aux locataires[5]. Ces propriétaires cherchent souvent à acheter des « actifs sous-performants » comme de vieux appartements à loyer modéré, puis à les rénover ou à les démolir et à les reconstruire pour justifier des loyers plus élevés[6]. Au cours de ce processus, les locataires sont souvent déplacés, soit par une expulsion proprement dite (rénovation-éviction ou démolition-éviction), soit parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer l’augmentation de loyer. Dans la plupart des provinces et territoires, le déplacement des locataires permet aux propriétaires d’augmenter les loyers de manière illimitée. Ils peuvent ainsi exiger des nouveaux locataires qu’ils paient quatre, voire cinq fois le prix pour le même logement[7]. Martine August a décrit une corrélation entre la propriété par des FPI et le contrôle des loyers. Elle a constaté des concentrations de propriété par des FPI plus élevées dans les régions où le contrôle est lâche, ainsi que des concentrations plus faibles dans les régions où le contrôle est serré[8].

Dans tout le pays, nous voyons des propriétaires financiarisés qui cherchent activement à augmenter les loyers et à déplacer des personnes. Ils en font une tactique commerciale. La DFL estime qu’à l’échelle nationale, de 20 % à 30 % du parc locatif construit aux fins de location est détenu par des propriétaires financiers[9]. Mme Farha souligne en outre le pouvoir croissant des propriétaires financiers dans des marchés majeurs comme ceux de Toronto et de Vancouver. Elle estime qu’en 2020, à Toronto, les investisseurs étaient propriétaires d’un logement sur cinq, et qu’ils étaient intervenus dans environ 40 % des achats de logements neufs et près de 100 % des ventes de logements multifamiliaux au cours de la même année[10]. Elle estime qu’à Vancouver, les investisseurs possèdent 23,5 % des logements offerts et 44 % de tous les logements construits après 2016[11]. En ce qui concerne les expulsions et les augmentations de loyer, elle écrit que l’« Ontario a connu une hausse de 232 % des demandes d’expulsion pour cause de rénovations de 2015 à 2018, et les données suggèrent des taux d’expulsion plus élevés chez les propriétaires financiers », et que :

Les données pour la ville de Toronto montrent que les demandes d’augmentations de loyer supérieures au taux légal [ALSTL] ont connu une hausse de 250 % entre les exercices 2012-2013 et 2019-2020, les entreprises propriétaires et les propriétaires financiarisés étant responsables de 64 % de toutes les demandes au cours de cette période et de 84 % de tous les logements visés. Alors que les entreprises propriétaires soutiennent généralement qu’elles doivent entreprendre des augmentations de loyer supérieures au taux légal pour financer les rénovations nécessaires, plusieurs propriétaires qui demandent de telles augmentations font état de bénéfices importants, ce qui soulève la question de savoir pourquoi ces coûts devraient être assumés par des locataires qui ont déjà du mal à s’en sortir[12].

Des groupes de propriétaires financiers comme la Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers laissent entendre que le nombre de « rénovictions » demeure faible en termes relatifs et absolus. Pourtant, les informations présentées ci-dessus indiquent qu’il s’agit d’un problème croissant et que les répercussions subies par les locataires concernés n’en sont pas moins préjudiciables. Si rien n’est fait, la situation ne fera qu’aggraver la crise actuelle du logement[13].

En outre, des groupes de défense des locataires comme ACORN et le Centre ontarien de défense des droits des locataires (CODDL) ont constaté que la quête de profits et le manque de transparence des propriétaires financiers institutionnels ont des effets négatifs sur de nombreux locataires établis de longue date. Dans une enquête réalisée auprès d’un échantillon de 606 locataires, ACORN a constaté que les répondants vivant dans un logement appartenant à un propriétaire financier étaient plus susceptibles de subir une série de problèmes que les autres. Il s’agit notamment de problèmes d’entretien (80 % contre 67 %), d’infestations (43 % contre 22 %) et d’ALSTL (19 % contre ~5 % en Ontario)[14]. En outre, plus d’un tiers des personnes interrogées qui vivaient dans un logement appartenant à un propriétaire financier ont déclaré s’être senties menacées lorsqu’elles ont déposé une plainte[15]. De même, le CODDL souligne que « les grands propriétaires financiers disposent de plus de ressources financières et juridiques que les petits propriétaires […] lorsqu’elles cherchent à obtenir des [ALSTL]. La disparité des ressources limite encore davantage la capacité des locataires à contrer ces augmentations[16] ».

Incidence disproportionnée de la financiarisation sur les groupes vulnérables

Plusieurs intervenants ont souligné comment la financiarisation nuit directement et indirectement à d’autres populations vulnérables, en déplaçant des locataires et en aggravant les problèmes d’accessibilité pour ceux qui sont déjà confrontés à des problèmes systémiques liés à la race, au sexe ou aux capacités. En ce qui concerne le déplacement des locataires noirs dans la ville de Toronto, M. Nemoy Lewis constate que 10 % de toutes les expulsions survenues entre 2018 et 2021 ont eu lieu dans des aires de diffusion composées à majorité de Noirs, et que les propriétaires financiarisés étaient responsables de 73 % de ces expulsions[17]. La concentration régionale de logements financiarisés est également préoccupante dans des endroits comme les territoires, où environ 80 % des logements privés multifamiliaux appartiendraient à un seul investisseur, Northview REIT. Cela est particulièrement marqué au Nunavut, où le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (RAFHC) estime que 37 % des ménages ont des besoins impérieux en matière de logement[18]. En ce qui concerne la financiarisation des logements pour personnes âgées, la chercheuse Jackie Brown estime qu’en 2020, 33 % des logements pour personnes âgées appartenaient à des propriétaires financiarisés. Cela inclut 42 % des logements pour retraités et 22 % des places pour les soins de longue durée[19]. En outre, elle constate que ces résidences fournissent systématiquement des soins de qualité inférieure, même par rapport à d’autres prestataires à but lucratif. Elles offrent moins d’heures de soins, comptent moins de personnel et présentent des taux de mortalité plus élevés[20].

La quête de profits des propriétaires et l’augmentation rapide du coût des loyers constituent également un défi de taille pour les personnes handicapées et les victimes de violence familiale. Comme le souligne le Centre canadien pour l’autonomisation des femmes, Statistique Canada a révélé qu’avant la pandémie, près de 1 000 femmes et enfants étaient refusés chaque jour dans les refuges au Canada, principalement en raison de dépassements de la capacité d’accueil[21]. Plusieurs de ces femmes sont des survivantes de violences familiales qui ne peuvent accéder au marché du logement en raison des effets persistants des violences économiques qui les ont laissées avec une faible cote de crédit et un endettement élevé, le tout sans revenus réguliers[22]. Les fournisseurs de logements d’urgence qui œuvrent dans l’aide aux femmes victimes de violence décrivent quant à eux un manque cruel de soutien organisationnel de la part du gouvernement actuel. Dans son mémoire, l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2) souligne que de nombreux coûts associés à l’hébergement d’urgence ne sont couverts par aucun programme de la Stratégie nationale sur le logement (SNL), et elle qualifie les demandes de financement de « procédures extrêmement lourdes et complexes, sans aucune souplesse[23] ». Les personnes vivant avec un handicap, quant à elles, peuvent être amenées à payer elles-mêmes les frais supplémentaires nécessaires à l’adaptation de leur logement, étant donné que les propriétaires ne sont guère tenus d’intégrer les éléments d’adaptation à la conception de toutes leurs constructions[24]. Cela peut être particulièrement prohibitif pour les personnes qui sortent de l’itinérance. Le RAFHC souligne, par exemple, que 46 % des femmes en situation d’itinérance déclarent qu’elles vivent également avec un handicap[25]. Pour citer l’Association of Municipalities Ontario (AMO), un organisme qui représente 443 municipalités de l’Ontario : "des résultats tangibles en faveur d’un secteur du logement inclusif, équitable et abordable ne seront obtenus qu’en adoptant une approche progressive fondée sur les droits de la personne, avec une appréciation spécifique des défis uniques auxquels sont confrontés les Noirs, les Autochtones, les personnes racisées et les autres personnes marginalisées dans l’accès à un logement abordable"[26].

Mesures visant à freiner la financiarisation du logement

Si le Canada veut s’attaquer de manière concrète à la crise du logement, il est essentiel que le gouvernement freine la perte du parc locatif à bas prix existant. Steve Pomeroy, un éminent chercheur, estime qu’au cours de la période précédant l’arrivée de la Stratégie nationale sur le logement, de 2011 à 2016, le Canada a perdu 15 logements abordables pour chaque logement créé[27]. Après l’entrée en vigueur de la Stratégie, entre 2016 et 2021, notre pays a continué de perdre des logements abordables à un rythme plus de deux fois supérieur à celui de la création de nouveaux logements[28]. Pour faire face à cette perte rapide et au problème plus vaste de la financiarisation, les groupes de défense des locataires, ainsi que de grandes organisations à but non lucratif comme la Fédération nationale des retraités, lancent un appel à l’adoption d’un moratoire sur l’acquisition de logements à bas prix existants par des sociétés et des investisseurs[29].

Le Comité a également entendu plusieurs intervenants qui ont recommandé la création d’un fonds d’acquisition à but non lucratif comme mesure immédiate pour freiner cette perte. Cet appel à l’action a reçu un vaste soutien de la part des chercheurs et des représentants des secteurs privé et à but non lucratif. Parmi les intervenants en faveur d’un tel fonds d’acquisition, mentionnons M. Pomeroy, l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine et Canadian Rental Housing Providers for Affordable Housing, une coalition de cinq FPI cotées en bourse[30].

En ce qui concerne les autres mesures, des témoins ont souligné que les FPI jouissent d’un « traitement fiscal préférentiel » bien qu’elles soient structurées comme les autres fiducies de revenu. Elles ne sont pas tenues de payer le taux normal de l’impôt sur les sociétés si elles reversent leurs bénéfices à leurs actionnaires. Mme August a déclaré : « il n'y a aucune justification sociale pour accorder des allégements fiscaux aux [FPI] dans le domaine du logement. Ces entreprises tirent leurs revenus en rendant le logement moins abordable et en nuisant au droit au maintien dans les lieux […]. Il est tout à fait logique de les imposer comme d'autres sociétés[31] ». Le directeur parlementaire du budget estime que la fin de leur traitement préférentiel générerait, pendant la période 2023‑2027, 285,8 millions de dollars qui pourraient être réinvestis dans l’aide au logement[32].

Contrôle de l’inoccupation

Ajoutant sa voix à celles des locataires et des défenseurs du droit au logement, Steve Pomeroy recommande dans son mémoire le rétablissement du contrôle de l’inoccupation. Il décrit la manière dont des agents immobiliers font souvent la promotion de biens immobiliers dont les loyers sont inférieurs à ceux du marché, gage de la possibilité d’en tirer davantage de profits[33]. Cette position a également été soutenue par la Rexdale Community Legal Clinic et Mme August, qui voient dans cette mesure un moyen de dissuader les sociétés financiarisées d’acquérir des logements supplémentaires dans les régions où aucun contrôle des loyers n’est exercé[34]. Sans surprise, la plupart des représentants de l’industrie se sont opposés à la perspective de mettre (ou de remettre) en place un contrôle des loyers.

Investissement dans le logement « très abordable »

Les intervenants des secteurs privé et à but non lucratif ont aussi manifesté leur soutien au logement social en tant que solution de remplacement essentielle par rapport au logement soumis aux lois du marché. Un rapport de la Banque Scotia de 2023 indique que le parc de logements sociaux du Canada est l’un des plus faibles des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les logements sociaux ne comptent que pour 3,5 % de l’ensemble des logements du pays[35]. Ce rapport préconise que le Canada, minimalement, double le parc de logements sociaux, de manière à le faire passer de 655 000 à 1,3 million d’unités. On y indique que cela serait un « début modeste » pour aider à résoudre la crise du logement. De grandes coalitions à but non lucratif comme l’Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Grand Montréal (ACHAT) ont plaidé en faveur d’un objectif plus audacieux : augmenter la part de logements sociaux et à but non lucratif à 20 % de l’ensemble du marché du logement[36].

Allocation pour le logement

Tim Richter, président et directeur général de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, estime que de 531 000 à 770 000 locataires ont été expulsés de leur logement entre 2016 et 2021[37]. Ce chiffre ne tient pas compte des innombrables familles qui ont décidé de déménager d’elles-mêmes parce qu’elles ne pouvaient pas payer les factures ou des personnes qui ont été expulsées par des moyens extra-légaux. La construction de nouveaux logements assortis de loyers aux prix courants dans un délai de trois à cinq ans ne répondra pas à leur besoin urgent d’un logement qu’ils puissent se payer. L’idée d’un élargissement des allocations accordées aux locataires a été défendue par M. Richter, le Canadian Centre for Housing Rights et REALPAC (qui représente plus de 130 groupes d’investissement immobilier)[38].

Transparence et accès à la justice

Outre les défis liés à l’accessibilité financière et à l’occupation, de nombreux participants à l’étude du Comité HUMA ont fait état de problèmes au chapitre de transparence dans le contexte de la financiarisation. Parmi les résultats les plus étonnants, ACORN a constaté que jusqu’à 36 % des personnes interrogées n’étaient pas en mesure d’identifier leur propriétaire. Ce problème a aussi été soulevé par Mme Houle, qui a déclaré que les ventes et reventes fréquentes des propriétés et l’absence d’exigences en matière de divulgation permettent aux propriétaires financiers d’occulter que les édifices leur appartiennent[39]. Les locataires qui souhaitent demander des comptes à ces propriétaires sont désavantagés dès le départ. Les informations de base doivent être transparentes et accessibles à tous les locataires.

Recommandations

À la lumière des éléments probants et des témoignages d’experts décrits ci-dessus, le Nouveau Parti démocratique recommande que le gouvernement du Canada prenne immédiatement les mesures ci-dessous.

Recommandation no 1. Créer un fonds d’acquisition et y investir les sommes nécessaires, puis le mettre à la disposition des fournisseurs de logements des secteurs public, coopératif et à but non lucratif, afin de préserver et d’étendre le parc de logements abordables.

Recommandation no 2. Instaurer un moratoire sur l’achat de logements à loyer modéré par des propriétaires financiarisés.

Recommandation no 3. Éliminer le traitement fiscal spécial des FPI en modifiant le code fiscal fédéral pour rendre leur imposition conforme à celle des autres fiducies de revenu.

Recommandation no 4. Lier le financement public, ainsi que l’offre de financement et d’assurance de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pour les propriétaires privés, à des critères précis en faveur des locataires, comme des loyers inférieurs à ceux du marché, des garanties de non-déplacement et des niveaux d’accessibilité maintenus à perpétuité.

Recommandation no 5. Protéger les locataires en collaborant avec les provinces et les territoires à la mise en place de mesures de contrôle de l’inoccupation. 

Recommandation no 6. Décourager l’achat d’immeubles de placement multiples en imposant des mises de fonds progressivement plus élevées pour l’achat d’immeubles supplémentaires.

Recommandation no 7. S’engager à augmenter le nombre de logements très abordables, en commençant par un objectif minimum de 2 millions d’unités de logement social et en progressant vers une part de 20 % de logements non assujettis aux lois du marché. De plus, aux fins de l’abordabilité, restaurer les subventions de fonctionnement aux fournisseurs de logements des secteurs public, coopératif et à but non lucratif (comme on en offrait jusqu’à ce que le Programme national de logement coopératif et le Programme national pour le logement abordable soient supprimés en 1992 et en 1993 respectivement).

Recommandation no 8 : Afin d’accroître l’offre de logements abordables ou non assujettis aux lois du marché, fournir des subventions accrues et des taux d’hypothèque inférieurs à ceux du marché aux fournisseurs de logements des secteurs public, coopératif et à but non lucratif.

Recommandation no 9 : Supprimer les obstacles au financement des fournisseurs de logements des secteurs public, coopératif et à but non lucratif, et au besoin, prendre de nouvelles mesures pour aider les ONG à procéder aux demandes de financement, lesquelles peuvent être complexes.

Recommandation no 10. Travailler avec tous les ordres de gouvernement pour fournir le financement et l’infrastructure nécessaires à l’accroissement de la densité et de l’offre de logements.

Recommandation no 11. Bonifier l’ensemble des prestations fédérales actuelles destinées aux locataires à faible revenu afin de s’assurer qu’ils ont accès aux mesures de soutien au revenu et d’aide au loyer dont ils ont besoin.

Recommandation no 12. Travailler avec tous les ordres de gouvernement pour fournir des logements supervisés et des services intégrés aux populations vulnérables qui luttent pour trouver ou conserver un logement, dont les personnes qui vivent avec un handicap et les survivants de la violence familiale.

Recommandation no 13. Fournir des ressources de soutien aux locataires aux provinces et territoires, aux municipalités et aux organisations à but non lucratif qui aident les locataires confrontés à des rénovations/démolitions-évictions, des hausses de loyer et d’autres problèmes.

Recommandation no 14. Créer un registre national des loyers, en coopération avec les provinces, les territoires et les municipalités, afin de garantir la responsabilisation et la transparence.


[1] Association des biens immobiliers du Canada et Goodmans LLP, The Canadian REIT Handbook, novembre 2011, p. 5 et 6.

[2] Steve Pomeroy et Duncan Maclennan, Rental Housing in Canada’s Cities: Challenges & Responses, avril 2019, p. 18 (présente les chiffres des pertes entre 2006 et 2016.); mémoire (Steve Pomeroy), mai 2023, p. 12 (présente les chiffres des pertes entre 2016 et 2021.)

[3] Rentals.ca, Rapport national sur les loyers, septembre 2023.

[4] Mémoire (The Shift), mai 2023, p. 5.

[5] HUMA, Témoignages, 9 mai 2023, 1615 (Houle).

[6] Ibid.

[7] Le Manitoba et l’Île-du‑Prince‑Édouard sont les seuls endroits, parmi les provinces et territoires, où on contrôle les augmentations de loyer d’un locataire à l’autre.

[8] HUMA, Témoignages, 16 mai 2023, 1620 (August).

[9] HUMA, Témoignages, 9 mai 2023, 1615 (Houle).

[10] Mémoire (The Shift), mai 2023, p. 7.

[11] Ibid.

[12] Ibid., p. 4 et 7.

[13] Mémoire (Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers et Federation of Rental‑Housing Providers of Ontario), mai 2023, p. 9 et 10.

[14] ACORN Canada, L’impact de la financiarisation sur les locataires, juin 2022, p. 6, 25, 26 et 30.

[15] Ibid., p. 23, 24.

[16] Mémoire (Centre ontarien de défense des droits des locataires), juin 2023, p. 3.

[17] HUMA, Témoignages, 9 mai 2023, 1750 (Houle).

[18] Mémoire (The Shift), mai 2023, p. 7; mémoire (Réseau d’action des femmes handicapées du Canada), mai 2023, p. 3.

[19]Jackie Brown, La financiarisation du logement des personnes âgées au Canada, juin 2022, p. 4.

[20] Ibid., p. 4.

[21] Mémoire (Centre canadien pour l’autonomisation des femmes), mai 2023, p. 3.

[22] Ibid., p. 4.

[23] Mémoire (Alliance MH2), juin 2023, p. 2 et 3.

[24] Mémoire (Réseau d’action des femmes handicapées du Canada), mai 2023, p. 9.

[25] Ibid., p. 7.

[26] Correspondance (Association of Municipalities Ontario), juin 2023, p. 2.

[27] Steve Pomeroy, Why Canada needs a non-market rental acquisition strategy, mai 2020. Pomeroy qualifie d’« abordables » les logements loués à 750 dollars par mois ou moins.

[29] Mémoire (ACORN Canada), mai 2023, p. 2; mémoire (Fédération nationale des retraités), mai 2023, p. 4.

[30] Mémoire (Steve Pomeroy), mai 2023, p. 13 et 14; mémoire (Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine), juin 2023, p. 3 et 4; mémoire (Canadian Rental Housing Providers for Affordable Housing), mai 2023, p. 6 et 7.

[31] HUMA, Témoignages, 16 mai 2023, 1645 (August).

[33] Mémoire (Steve Pomeroy), mai 2023, p. 8 et 11.

[34] HUMA, Témoignages, 16 mai 2023, 1620 (August); mémoire (Rexdale Community Legal Clinic), p. 2.

[35] Rebekah Young, Canadian Housing Affordability Hurts, juin 2023.

[36] Mémoire (Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Grand Montréal), mai 2023, p. 5.

[37] HUMA, Témoignages, 6 juin 2023, 1740 (Richter).

[38] HUMA, Témoignages, 6 juin 2023, 1720 et 1725 (Richter); mémoire (Canadian Centre for Housing Rights), mai 2023, p. 5; mémoire (Association des biens immobiliers du Canada), mai 2023, p. 6.

[39] ACORN Canada, L’impact de la financiarisation sur les locataires, juin 2022, p. 12; HUMA, Témoignages, 9 mai 2023, 1645 (Houle).