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JUST Rapport du Comité

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Réforme du régime canadien d’extradition

Chapitre 1 : Introduction

La coutume de droit international veut que les États soient responsables de poursuivre et pénaliser les infractions criminelles commises sur leur territoire. Toutefois, ils ne sont pas en mesure d’imposer leurs lois hors de leur juridiction[1]. L’extradition est donc le processus par lequel « une personne accusée ou reconnue coupable qui se trouve dans un pays est remise vers un autre État aux fins de poursuite, d’imposition ou d’exécution d’une peine[2] ». C’est la Loi sur l’extradition[3] (la Loi) qui encadre l’administration de cette procédure au Canada.

La Cour suprême du Canada a souligné que l’extradition visait deux objectifs : « s’acquitter avec diligence des obligations internationales du Canada envers ses partenaires et protéger les droits de la personne dont l’extradition est demandée[4] ». C’est cet équilibre qui doit être rétabli, selon les experts en faveur d’une réforme de la Loi.

Les aspects délétères de la Loi ont notamment été mis en lumière par l’affaire Diab[5], qui a choqué les Canadiens. Hassan Diab a été extradé en France et détenu trois ans en prison à sécurité maximale avant d’être relâché, et ce, sans procès. L’affaire en question est démonstratrice pour certains juristes que la Loi devrait être réformée, puisque suivant l’Enquête indépendante conduite par Me Murray Segal pour le compte du ministère de la Justice, il semblerait que malgré les conséquences sur la vie de M. Diab, la Loi aurait tout de même été respectée par la Couronne[6].

Pour certains membres de la communauté juridique canadienne, c’est l’application du fondement juridique et son interprétation subséquente par les cours canadiennes qui posent le plus de problèmes, eu égard notamment aux droits prévus en droit international de la personne, ainsi que dans la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)[7].

Un groupe indépendant composé d’universitaires, d’avocats de la défense et d’organisations de défense des droits de la personne s’est réuni à l’occasion du Colloque de Halifax sur la réforme du droit de l’extradition, tenu à l’Université Dalhousie en septembre 2018. À la suite de ce colloque, un rapport présentant des propositions pour une réforme éventuelle des lois d’extraditions a été publié en octobre 2021[8].

Le 22 septembre 2022, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité) a convenu d’entreprendre une étude exhaustive d’une réforme de la Loi sur l’extradition adoptée en 1999, et d’inviter des témoins à faire au Comité des Recommandations sur la façon de moderniser les procédures d’extradition prévues sous le régime actuel afin qu’elles respectent les libertés civiles des Canadiens et des résidents permanents du Canada[9].

En effet, entre le 1er février 2023 et le 13 février 2023, le Comité a tenu quatre réunions au cours desquelles ont comparu 12 témoins. Le Comité a également reçu 5 mémoires[10].

Il est à noter que le présent rapport intègre certaines propositions issues du Colloque de Halifax, sans se limiter toutefois à celles‑ci.

Chapitre 2 : Processus d’extradition au Canada

2.1      La Loi sur l’extradition

Au Canada, le processus d’extradition, prévu à la Loi, se fait en trois étapes[11] :

  • 1) Arrêté introductif d’instance (décision du Service d’entraide internationale, ministère de la Justice du Canada);
  • 2) Audition de la demande d’extradition (décision du tribunal – phase judiciaire);
  • 3) Arrêté d’extradition (décision du ministre de la Justice du Canada – phase ministérielle).

En plus de la Loi, le droit en matière d’extradition au Canada est régi par les traités internationaux, conformément au principe de réciprocité avec certains partenaires, comme le Royaume-Uni, ainsi que par la Charte.

2.2      La Charte canadienne des droits et libertés

Les articles 6 et 7 de la Charte sont les plus fréquemment invoqués dans les affaires d’extradition. Le paragraphe 6(1) de la Charte énonce le droit d’un citoyen canadien de demeurer au Canada (liberté de circulation)[12]. L’article 7, quant à lui, régit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, auxquels on ne peut porter atteinte « qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale[13] ». Le ministre de la Justice doit toujours tenir compte de l’article 7. S’il est d’avis qu’une extradition serait contraire à l’article 7, celle‑ci ne pourrait avoir lieu, car l’alinéa 44(1)a) de la Loi s’appliquerait[14].

Lors de la phase judiciaire, la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de statuer, dans l’affaire Ferras[15], que les dispositions de la Loi relatives au seuil de preuve produite à l’audience sur l’extradition ne contreviennent pas aux principes de justice fondamentale en vertu de l’article 7 de la Charte[16]. La juge en chef McLachlin, écrivant au nom de la majorité, a alors conclu :

[L]es principes de justice fondamentale applicables aux audiences d’extradition exigent que l’intéressé fasse l’objet d’une décision judiciaire valable quant à la question de savoir si la preuve nécessaire à son extradition, prévue au par. 29(1) de la Loi sur l’extradition, a été établie — c’est‑à‑dire s’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour qu’un jury, ayant reçu des directives appropriées, puisse conclure à la culpabilité. Pour cela, il faut une audience judiciaire valable devant un juge indépendant et impartial ainsi qu’une décision judiciaire fondée sur une appréciation de la preuve et sur le droit[17].

Lors de la phase ministérielle, le ministre doit, avant de délivrer un arrêté d’extradition, être « convaincu que la remise n’irait pas à l’encontre de la Charte[18] ». Le ministre doit aussi prendre en considération l’alinéa 44(1)a) de la Loi, selon lequel le ministre doit refuser l’extradition s’il est convaincu que « l’extradition serait injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances[19] ». En effet, une extradition « injuste ou tyrannique » serait contraire à l’article 7 de la Charte et aux principes de justice fondamentale[20].

Dans le contexte de la présente étude, certains témoins ont commenté la possibilité de rechercher une réparation en cas d’atteinte non justifiée à la Charte[21].

Chapitre 3 : La réciprocité entre partenaires d’extradition

3.1      Comment définir la réciprocité?

En vertu de la Loi,le Canada peut seulement procéder à l’extradition d’un individu appréhendé dans sa juridiction lorsque c’est un État partenaire qui en formule la demande[22]. Ces partenaires doivent être désignés comme tels sous la Loi, à titre de signataires d’un traité bilatéral ou multilatéral applicable en matière d’extradition avec le Canada, ou en étant énumérés en annexe de la Loi[23].

Ces traités d’extradition ont la spécificité de comporter des obligations réciproques entre le Canada et ses partenaires. Selon Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux du ministère de la Justice, « la réciprocité est une caractéristique essentielle de l’extradition en vertu du principe de la courtoisie internationale qui témoigne du respect mutuel que les partenaires doivent avoir envers les différences pouvant exister entre leurs lois et leurs systèmes judiciaires respectifs[24] ».

Lors d’une demande d’extradition, c’est la loi du pays où l’individu est appréhendé qui s’applique, du moment de son arrestation jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à savoir s’il sera rendu aux autorités de l’État qui en fait la demande. Selon Mme Henchey, la réciprocité ne signifie pas que les partenaires utilisent des systèmes et des procédures identiques, mais plutôt « l’idée est de veiller à ce que justice soit faite et d’éviter que la personne se retrouve à l’abri de poursuites si elle n’est pas extradée[25] ».

Mme Henchey a expliqué au Comité qu’en autant que les imperfections des partenaires canadiens ne contreviennent pas aux principes fondamentaux de justice, l’absence de certains garde-fous ne devrait pas automatiquement devenir un obstacle à l’extradition[26].

Selon Mme Henchey, la Loi « a pour objectif l’atteinte d’un équilibre entre les droits d’une personne et les intérêts de l’État requérant[27] ». Pour atteindre cet équilibre, la Loi permet aux justiciables d’ester en justice devant la Cour fédérale, ou encore de demander au ministre de la Justice de les absoudre[28]. Lorsque le tribunal « estime que le ministre n’a pas protégé un droit fondamental prévu dans la Charte, le dossier est renvoyé [à ce dernier] pour [qu’il] revoie sa décision et explique les circonstances[29] ». Les décisions du ministre peuvent ensuite être sujettes à un examen judiciaire devant la Cour fédérale d’appel et la Cour suprême du Canada si elles sont contestées[30]. Il est aussi possible d’atteindre cet équilibre en mettant en place des mesures de protection pour la personne visée par la demande d’extradition. Les trois étapes du processus d’extradition et le principe de double incrimination peuvent être utiles à cet égard, car le Canada ne procède pas à l’extradition d’une personne accusée d’une infraction qui, dans le pays requérant, n’est pas sanctionnée de manière similaire aux termes du droit canadien[31].

Cependant, la Loi a été vivement critiquée par des membres du milieu juridique canadien dans les dernières années; en effet, certains affirment qu’un déséquilibre favorise l’intérêt des États partenaires, au détriment des droits de la personne des individus extradés.

Selon Donald Bayne, avocat d’Hassan Diab, afin de rétablir cet équilibre, il faut essayer de repenser la notion de réciprocité. Puisque « l’extradition est censée s’appuyer sur le principe de courtoisie internationale », c’est une « réciprocité véritable » qui doit prévaloir entre le Canada et ses partenaires[32]. Selon Rania Tfaily, l’épouse de M. Diab, la réciprocité entre les pays ne devrait se limiter aux obligations prévues dans les traités d’extradition. C’est en honorant leurs obligations internationales respectives en matière des droits de la personne que les pays démontrent qu’ils sont véritablement réciproques[33]. À son avis, une « loi plus juste et plus équitable » en matière d’extradition pour les justiciables canadiens ne contreviendrait donc pas nécessairement au principe de courtoise internationale[34].

3.2      La modernisation des traités d’extradition

Devant le Comité, Janet Henchey, du ministère de la Justice, a indiqué que « certains traités n’ont pas été utilisés depuis longtemps [et qu’il] faudrait peut-être les réviser[35] ». Mme Henchey a souligné que ce n’était que tout récemment, depuis trois ou quatre ans, que le ministère de la Justice a reçu le mandat et le financement associé pour renégocier et renouveler les anciens traités[36].

Le Canada est présentement partenaire d’extradition avec au moins 10 pays[37] ayant été identifiés par la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme comme ayant « introduit ou adopté des lois antiterroristes qui vont à l’encontre des droits de la personne[38] ». D’après Matthew Behrens, porte-parole du groupe Women Who Choose to Live, l’extradition vers ces pays contrevient entre autres aux obligations du Canada d’octroyer l’asile aux minorités persécutées, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[39].

Balpreet Singh, conseiller juridique pour l’Organisation mondiale des Sikhs du Canada, a souligné que des considérations politiques, visant la persécution de la minorité sikhe, auraient influencé les négociations du traité d’extradition avec l’Inde[40]. M. Singh suggère donc que le gouvernement du Canada instaure un processus pour examiner périodiquement les traités d’extradition, afin de s’assurer que les pays avec lesquels le Canada a conclu des traités d’extradition respectent leurs obligations internationales en matière des droits de la personne[41].

Timothy McSorley, de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, est également de l’avis qu’il faudrait que le Canada procède « à un examen approfondi de la situation de tous les partenaires avec lesquels [il a] conclu un traité, et enchaîner avec des révisions périodiques pour voir si des changements ont été apportés à leurs lois[42] », notamment en ce qui concerne les lois qui peuvent mener à des violations des droits de la personne pendant la détention des prévenus, nommément la torture[43].

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada commande une étude indépendante pour réviser tous les traités d’extradition et identifie les partenaires qui ont de graves violations des droits de la personne à leur dossier.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada modernise les traités qui sont désuets et qu’il se soustrait des traités avec les partenaires qui contreviennent gravement aux normes internationales des droits de la personne.

Chapitre 4 : Pour une Loi sur l’extradition plus juste et équitable en vertu du droit international de la personne

4.1      La prise en compte des instruments internationaux des droits de la personne et de la discrimination basée sur le sexe

Pour une Loi plus juste et équitable, le Canada devrait remettre les instruments internationaux des droits de la personne au cœur de ses relations avec ses partenaires désignés, en ajoutant des obligations substantives en ce qui concerne la protection contre la torture et la discrimination.

Lawrence L. Herman, avocat en droit international, a indiqué que bien que les obligations prévues dans les traités d’extradition soient généralement conformes aux normes internationales largement acceptées, elles ne sont pas nécessairement gouvernées par des cadres internationaux, mais reflètent plutôt les lois et les politiques publiques canadiennes[44].

D’après Alex Neve, agrégé supérieur, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, « les préoccupations concernant les droits internationaux de la personne doivent être prises très au sérieux et ne pas faire uniquement partie d’un processus politique discrétionnaire[45] ». En ce sens, Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, a souligné que puisque les droits de la personne sont « affirmés, reconnus et protégés par les lois canadiennes et les lois internationales », le Canada « a des obligations [juridiques] à ces deux égards[46] ».

D’après Timothy McSorley, de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, il est impératif que la procédure d’extradition canadienne offre la possibilité « que les droits internationaux de la personne et les obligations relatives aux libertés civiles soient explicitement pris en considération[47] », puisqu’il revient au Canada de protéger les droits de la personne et les libertés civiles de ses ressortissants[48]. Alex Neve a donc suggéré, tel que décrit dans le rapport publié à la suite du Colloque de Halifax[49], que « l’ensemble des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne soient inscrites dans la Loi sur l’extradition[50] ».

De plus, Matthew Behrens a exprimé que le Service d’entraide internationale du ministère de la Justice n’est pas adéquatement outillé pour « effectuer des analyses comparatives entre les sexes plus » et statuer sur la possibilité réelle de discrimination dans ces cas[51]. Par exemple, dans l’affaire M.M.[52], où les États-Unis ont obtenu l’extradition d’une mère ayant fui au Canada avec ses enfants pour échapper à l’abus de leur père, M. Behrens a mentionné que « les motifs de la ministre [de la Justice de l’époque, Jody Wilson-Raybould], étaient [empreints] d’une absence totale de connaissance des conséquences et de la dynamique de la violence contre les femmes[53] ».

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada détermine si les lois et les procédures d’extradition au Canada sont conformes aux normes internationales.

Recommandation 4

Que le Service d’entraide internationale du ministère de la Justice reçoive la formation nécessaire pour conduire une analyse comparative entre les sexes plus dans la conduite de ses fonctions.

4.2      Le risque de torture

Selon l’avocat Donald Bayne, le Canada a le devoir, en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[54] (Convention contre la torture), « de ne pas expulser ou extrader une seule personne vers la torture ou vers des situations où elle serait confrontée à des preuves obtenues sous la torture[55] ». Cette protection est codifiée en vertu du paragraphe 44(1)a) de la Loi[56].

Or, dans les dernières années, il a été allégué que des individus extradés par le Canada avaient subi des traitements, décrits par les auteurs de ces allégations comme assimilables à la torture. Par exemple, Timothy McSorley et Rania Tfaily ont expliqué que l’extradition de M. Diab a été autorisée vers la France malgré des rapports accablants sur les lois et les procédures antiterroristes minant le droit à un procès équitable des personnes poursuivies pour ces actes en France, allant à l’encontre de la Convention contre la torture[57]. Donald Bayne et Timothy McSorley ont affirmé que, à la suite de son extradition, M. Diab a effectivement subi des pressions psychologiques de la part des autorités pénitentiaires françaises, incluant des périodes d’isolement cellulaire prolongé, et ce, pendant près de trois ans de détention dans un établissement à sécurité maximale[58].

Dans l’affaire Boily[59], un autre individu a été exposé à la torture après avoir été extradé vers le Mexique, et une indemnisation de 500 000 $ lui a récemment été accordée par la Cour fédérale du Canada[60].

Janet Henchey a souligné que la « première chose » que fait typiquement le ministère de la Justice lorsqu’il examine une demande d’extradition provenant d’un État partenaire « avec lequel [le ministère n’est pas] parfaitement à l’aise », c’est de consulter le ministère des Affaires étrangères[61]. Il est également possible de consulter le ministère des Affaires étrangères à l’étape ministérielle du processus d’extradition, et le ministre peut prendre connaissance de rapports sur les droits de la personne « pour savoir quelles seraient les conditions pour la personne [extradée] dans le pays étranger[62] ».

En comparaison, l’avocat Anand Doobay[63] a témoigné que les tribunaux du Royaume-Uni sont habilités à évaluer et prendre des décisions sur l’extradition en vertu du risque réel de torture auquel est susceptible de faire face le prévenu. Pour ce faire, le juge étudiera « les rapports des ONG, des pays et du Département d’État américain », et pourra même recourir à des témoins experts[64]. La confirmation indépendante de la présence de torture doit être établie non seulement au niveau objectif, c’est-à-dire une tendance généralement observable, mais également au niveau subjectif, si l’individu fait partie d’une catégorie spécifique de personnes visées[65].

Recommandation 5

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée afin d’ajouter le risque de torture comme motif potentiel pour refuser l’extradition d’une personne visée par une demande.

4.3      Les garanties diplomatiques

De plus, si le Canada souhaite réviser la Loi de manière qu’elle soit plus juste au regard du droit international de la personne, il devrait reconsidérer la manière que les garanties diplomatiques sont formulées et conclues avec les partenaires d’extradition.

Lorsque le ministère de la Justice juge qu’il n’est pas approprié d’extrader une personne[66], par exemple quand les droits de la personne de l’individu sont à risque d’être compromis suivant l’extradition, le ministère de la Justice voudra obtenir des garanties de la part de l’État partenaire[67]. La garantie la plus fréquente est celle portant sur la peine de mort. Puisque la majorité des demandes d’extradition sous soumises par les États-Unis, où la peine capitale est toujours légale dans certains États, le Canada est toujours appelé à obtenir une garantie lorsque la peine de mort représente une possibilité[68], suivant les conclusions de l’affaire Burns[69]. De toutes les garanties qu’obtient le ministère de la Justice, celle-ci « est évidemment la plus facile à contrôler, [et] il n’y a jamais eu de cas où elle n’a pas été respectée » par un partenaire du Canada[70].

Les autres formes de garantie, telles que celles relatives aux conditions dans les établissements pénitenciers et à l’accès aux services consulaires pour les citoyens canadiens, sont beaucoup plus rares et complexes à appliquer[71]. Dans l’affaire Badesha[72], par exemple, le ministère de la Justice avait obtenu des garanties de l’Inde concernant le procès ainsi que les conditions pénitentiaires des accusés[73]. Devant le Comité, Balpreet Singh, de l’Organisation mondiale des Sikhs du Canada, a tenu à souligner que malgré ces garanties, le fait d’extrader un individu vers un pays qui n’a pas signé la Convention contre la torture devrait peser énormément sur la conscience des Canadiens[74].

Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, a souligné que suivant une « approche résolument fondée sur les droits de la personne », le ministre des Affaires mondiales et le ministre de la Justice devraient collaborer pour déterminer si l’extradition peut se faire dans « des conditions qui ne présentent aucun risque pour la personne concernée[75] ». Cela a été le cas dans l’affaire Hurley[76], où les deux ministres « ont discuté des conditions qui devraient être imposées en cas d’extradition vers un pays où il y avait un problème de discrimination systémique contre un homme homosexuel[77] ».

Janet Henchey, du ministère de la Justice, a expliqué qu’une telle approche collaborative était déjà pratiquée avec le ministère des Affaires mondiales :

Quand nous recevons une demande, si elle n’émane pas d’un pays avec lequel nous sommes très à l’aise et avec lequel nous sommes habitués de transiger […] nous consultons alors nos partenaires du ministère des Affaires étrangères pour leur demander des informations sur les conditions du pays en question[78].

C’est ensuite le rôle du ministre des Affaires mondiales de faire le suivi auprès de l’État vers lequel le Canada a extradé le prévenu pour s’assurer du respect des conditions qui ont été négociées[79]. D’après Mme Henchey, dès que la personne est extradée, elle n’est plus sous la responsabilité du ministre de la Justice[80], puisque c’est « le ministère des Affaires étrangères [qui] s’occupe des affaires consulaires, [et] les citoyens canadiens peuvent se prévaloir [des services consulaires] pendant qu’ils purgent leur peine dans un pays étranger[81] ».

Comparativement, le Royaume-Uni a adopté une approche prospective : lorsqu’un risque réel de torture existe et est prouvé devant un tribunal, celui-ci peut ordonner que des garanties diplomatiques soient conclues entre les autorités étatiques[82].

Recommandation 6

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée afin que le gouvernement du Canada soit tenu de négocier des garanties diplomatiques avec un pays partenaire, lorsqu’il y a un potentiel risque de torture suite à l’extradition, et que les tribunaux canadiens soient autorisés à ordonner au gouvernement du Canada de négocier des garanties en ce sens.

Recommandation 7

Que le ministère de la Justice collabore étroitement avec le ministère des Affaires mondiales pour négocier les garanties diplomatiques, et que le ministère de la Justice participe également au suivi pour s’assurer que ces conditions seront effectivement respectées par les partenaires d’extradition.

4.4      L’abus de procédure

Par contre, selon Balpreet Singh, de l’Organisation mondiale des Sikhs du Canada, les promesses diplomatiques ne sont pas une panacée, parce qu’on ne peut pas toujours veiller à ce qu’elles soient appliquées correctement[83]. À ce sujet, l’avocat Anand Doobay a également souligné que les assurances diplomatiques causeront « des difficultés à tous les pays qui essaieront de soulager la tension entre le besoin de coopération et la protection des personnes humaines[84] ». C’est le cas par exemple pour les garanties portant sur la tenue du procès dans un délai raisonnable, et l’absence de mauvais traitements.

Au Canada, d’après Janet Henchey, du ministère de la Justice, « il n’y a rien d’inhabituel à ce que quelqu’un soutienne qu’on ne peut pas l’envoyer vers un pays donné puisque son procès n’aura pas lieu dans un délai raisonnable[85] ». Dans ces situations, le ministre de la Justice demande au partenaire « s’il a des lois qui garantissent la tenue du procès dans un délai raisonnable[86] ». Cependant, en ce qui concerne des garanties pour que le procès du prévenu se déroule dans un délai raisonnable une fois que l’individu est extradé, Mme Henchey a indiqué « qu’il serait indûment restrictif d’insister sur un certain délai, car il y a beaucoup de choses qu’on ne peut pas prévoir quant à la façon dont un procès se déroulera[87] ».

Par exemple, dans le cas de M. Diab, « malgré les assurances données par les Français qu’ils étaient prêts à procéder à procès, ils ne l’étaient manifestement pas[88] ». Rania Tfaily a expliqué qu’au cours des trois ans et deux mois suivant l’extradition de M. Diab, le dossier de preuve s’est progressivement effondré, et le 12 janvier 2018, « les juges français ont conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve permettant de l’accuser et ont ordonné sa libération[89] ». M. Diab a donc été détenu en isolement cellulaire pendant près de trois ans, sans procès, « ce qui constitue une violation manifeste des droits humains internationaux[90] ».

La nouvelle approche introduite au Royaume-Uni, depuis la réforme en 2014, vient régler en partie ce problème. Selon Anand Doobay, les tribunaux anglais peuvent considérer l’argument de l’abus de procédure quand l’individu qu’on souhaite extrader démontre que le Royaume-Uni est prêt à faire abstraction des difficultés de preuve pour essayer de l’extrader[91].

Il est arrivé que des gens soient extradés, puis placés en détention préventive pendant de longues périodes parce que leur procès n’était pas prêt. Le Royaume-Uni a donc adopté une disposition selon laquelle, si une affaire n’a pas été instruite et n’est pas prête à être entendue, il est justifié de mettre fin à l’extradition[92].

Au Canada, une personne a le droit de demander sa mise en liberté provisoire lorsqu’elle fait l’objet d’un mandat d’arrestation en vertu de la Loi[93]. Après avoir été recherchée aux fins d’incarcération et arrêtée, une personne peut demander à la cour une ordonnance de mise en liberté conformément aux mêmes principes juridiques qui s’appliquent à la procédure générale de mise en liberté sous caution décrite dans le Code criminel[94].

Recommandation 8

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée pour donner aux tribunaux canadiens, dans le cas d’abus de procédure par l’État partenaire, le pouvoir de refuser d’ordonner l’incarcération et ainsi mettre fin au processus d’extradition.

Chapitre 5 : Phase judiciaire – Exigences en matière de preuve

5.1      La présomption de fiabilité du dossier d’extradition

Le régime actuel d’extradition canadien prévoit une présomption de fiabilité du dossier du partenaire d’extradition lors de l’audition sur l’incarcération, conformément au paragraphe 33(3)a) de la Loi[95].

Tout en se rappelant qu’une audience d’extradition n’est pas un procès et ne devrait pas être vue comme tel[96], le dossier de la personne visée par la demande d’extradition, certifié par une autorité judiciaire ou un poursuivant de l’État partenaire, est présenté à un juge sans qu’une déclaration sous serment ou d’autres preuves à l’appui soient requises[97]. Il en ressort que les auteurs du résumé de la preuve ou les témoins de fait ne peuvent pas être contre-interrogés en défense, comme c’est le cas dans un processus contradictoire. Les articles de la Loi permettent donc l’admissibilité en preuve du ouï-dire de deuxième ou troisième degré[98].

Janet Henchey, du ministère de la Justice, a spécifié que cette présomption de fiabilité peut toujours être contestée[99]. Elle a ajouté que « [l’]État requérant qui ne présente pas suffisamment de preuves y perd[100] ».

Or, plusieurs témoins ont souligné devant le Comité la difficulté, voire l’impossibilité, de renverser cette présomption de fiabilité en défense et, conséquemment, ont recommandé son abolition[101].

Dans un mémoire envoyé au Comité, le British Columbia Gurdwaras Council et l’Ontario Gurdwaras Committee ont écrit :

Bien que les personnes recherchées soient théoriquement autorisées à contester la fiabilité de la preuve, la présomption d’innocence est renversée, car il leur incombe de réfuter la présomption de fiabilité et il ne sera fait droit à la contestation que lorsque les tribunaux détermineront que la preuve « est si déficiente ou semble si peu fiable que le juge conclut qu’il serait dangereux ou malsain de condamner » ou s’il peut être démontré que la preuve présente un « manque de fiabilité manifeste[102] ».

De son côté, l’avocat Donald Bayne, a mentionné que « dans le cadre de cette loi, un juge [d’extradition] n’est pas du tout autorisé à évaluer la valeur probante de la preuve[103] » et qu’il n’agit qu’en simple exécutant[104]. Selon lui, la plus importante modification au régime actuel d’extradition serait de supprimer cette présomption de fiabilité en renversant le fardeau de preuve sur les épaules du partenaire d’extradition, qui devra établir selon la prépondérance des probabilités que la preuve produite est digne de foi[105]. Il ajoute dans son témoignage :

Dans le système actuel, le fardeau de la preuve est renversé au détriment du Canadien dont on demande l’extradition. C’est lui qui doit démontrer que la preuve produite est « manifestement peu digne de foi », un critère que les tribunaux considèrent désormais comme étant impossible à satisfaire[106].

Mme Henchey a cependant spécifié que le rôle du juge d’extradition n’est pas de déterminer l’admissibilité de la preuve versée au dossier de l’affaire, mais bien si elle est suffisante pour la tenue d’un procès dans le pays qui demande l’extradition[107]. Quant aux exigences de preuve dans le contexte d’une demande d’incarcération, elle a précisé :

Je ne trouve pas logique de hausser les exigences en matière de preuve. Nous connaissons bien les exigences actuelles du système de justice pénale, à savoir la preuve prima facie qui est utilisée dans le cadre d’une enquête préliminaire. Il ne serait pas logique d’exiger une preuve « au‑delà de tout doute raisonnable », car cette norme correspond à celle d’un procès. La norme qui est proposée est celle que l’on utilise dans le cadre d’un procès civil[108]. […]
La prépondérance des probabilités n’est pas une norme qui est utilisée dans le contexte pénal[109].

Cette témoin a également ajouté :

Si nous modifions la loi pour exiger que les témoins soient entendus et contre-interrogés, jamais les audiences d’extradition ne se termineront dans un délai raisonnable[110].

Enfin, certains témoins ont affirmé que le seuil de preuves pour extrader une personne est très bas[111]. L’avocat Anand Doobay a cependant soulevé que dans de nombreux pays, comme l’Azerbaïdjan et la Turquie, « il n’est pas nécessaire de fournir la moindre preuve », le dossier étant instruit sur la foi des allégations seulement[112]. À ce sujet, la représentante du ministère de la Justice, Janet Henchey, a fait remarquer que le régime d’extradition au Canada est l’un des « plus rigoureux au monde[113] ».

Compte tenu de ce qui précède, le Comité partage les préoccupations exprimées par plusieurs témoins sur ce que certains qualifient, en pratique, d’« irréversible » ou d’« irréfutable » présomption de fiabilité du dossier du partenaire d’extradition. Le Comité craint toutefois qu’une élimination totale de cette présomption ne modifie radicalement la nature des audiences sur l’incarcération en les transformant en « procès », ce qui prolongerait indûment les délais d’extradition. Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 9

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée afin d’abaisser le seuil requis pour réfuter la présomption de fiabilité du dossier d’extradition de l’État partenaire lors de l’audience sur l’incarcération.

Recommandation 10

Que l’article 33 de la Loi sur l’extradition soit modifié afin d’y ajouter l’obligation pour l’État partenaire de s’engager à tenir le procès de la personne visée par une demande d’extradition dans l’année suivant sa remise au pays étranger.

5.2      La divulgation de la preuve

Il convient de noter, à propos de la preuve examinée par le juge à l’audience sur l’incarcération, que les « éléments de preuve obtenus au Canada sont admis en conformité avec le droit canadien[114] », comme le prévoit le paragraphe 32(2) de la Loi. Certains témoins se sont exprimés sur l’interprétation de cette disposition.

D’abord, plusieurs témoins ont exprimé la nécessité d’une divulgation complète de toute la preuve pertinente dans une affaire d’extradition[115]. Par ailleurs, la question à savoir si le gouvernement canadien est tenu de divulguer la preuve obtenue au Canada et qu’il détient ou s’il doit divulguer seulement celle rendue disponible par l’État partenaire a été soulevée devant le Comité. Sur le sujet, le professeur Robert J. Currie a précisé que « toute preuve disculpatoire dans les mains de la Couronne canadienne ou de l’État étranger devrait être divulguée à la défense[116] ». De son côté, l’avocat Donald Bayne a fait remarquer au Comité que :

Le principe de la divulgation pleine et entière n’est pas respecté. Les autres pays peuvent déterminer à leur guise ce qu’ils vont révéler ou non. Nous devons simplement leur faire confiance en espérant qu’ils seront aussi honnêtes que les Canadiens le seraient en pareil cas[117].
[…]
Le procureur [représentant la Couronne canadienne] effectue une analyse coût-efficacité. Il se demande si c’est plus avantageux pour lui de divulguer un élément de preuve et d’essayer de le faire admettre, ou si cet élément pourrait nuire à son cas. S’il juge que cela va lui nuire, il peut alors choisir de ne pas s’en servir et de ne pas le divulguer[118].

En revanche, la représentante du ministère de la Justice, Janet Henchey, a affirmé que son département avait un « devoir éthique » de divulguer les éléments de preuve disculpatoires en leur possession ou sous leur contrôle[119]. Dans son témoignage, elle a souligné :

En ce qui concerne l’affirmation récurrente selon laquelle nous nous accrochons aux preuves disculpatoires, je précise que nous ne disposons pas de l’ensemble du dossier, car il se trouve dans l’État étranger, mais si nous avons quelque chose, nous le divulguons. Si c’est disculpatoire, nous allons assurément le divulguer[120].

Il serait utile de noter qu’au Royaume-Uni, le procureur national, jouant le rôle du ministre de la Justice dans les affaires d’extradition, a « l’obligation précise de divulguer les éléments de preuve dont il a connaissance et qui pourraient compromettre ou affaiblir la demande visée par sa poursuite », tel qu’il ressort du témoignage de l’avocat Anand Doobay[121].

Recommandation 11

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée afin d’ajouter une obligation légale pour le ministère de la Justice de divulguer à la personne visée par l’extradition toute preuve disculpatoire, en sa possession, ou dont il a connaissance, et qui pourrait compromettre ou affaiblir la demande de l’État partenaire.

5.3      La difficulté inhérente à l’application des lois étrangères

Lors de l’étude devant le Comité, certains témoins ont suggéré que la personne visée par l’extradition devrait pouvoir présenter les éléments de preuve disculpatoires en défense[122]. Rania Tfaily a souligné que la Loi devrait être modifiée afin de « donner à la personne recherchée une chance réelle de se défendre[123] ».

Certains témoins ont également suggéré que les poursuites pour les infractions à l’origine d’une demande d’extradition devraient avoir lieu au Canada, ou, à tout le moins, que les personnes visées puissent avoir la possibilité de plaider coupable au Canada[124], surtout celles atteintes de « maladie mentale ou d’un trouble du spectre de l’autisme[125] », dont les personnes ayant reçu un diagnostic d’autisme-Asperger[126], ou lorsqu’il y une disproportion importante entre les peines prévues au Canada et celles dans certains pays étrangers[127]. L’avocate Michelyne C. St‑Laurent a également fait part au Comité de la compétence universelle du Canada, depuis 1989, de poursuivre un résident ou un citoyen canadien pour un crime commis à l’étranger[128].

Pour sa part, Janet Henchey, du ministère de la Justice, a réitéré que l’audition de la demande d’extradition n’est pas un procès[129] et qu’il n’est pas souhaitable qu’elle le devienne, notamment afin de ne pas retarder le processus judiciaire dans le pays étranger[130]. Elle a par ailleurs soulevé que les affaires d’extradition font l’objet de nombreux litiges. Même si en moyenne le processus complet d’extradition dure de 18 mois à deux ans, lorsqu’un dossier est très litigieux, il peut durer jusqu’à dix ans[131].

Selon l’avocat Anand Doobay, « la question la plus importante » qui puisse sous-tendre le processus d’extradition est celle de la juridiction[132]. Selon M. Doobay, « dans le monde d’aujourd’hui, qui se caractérise par la mondialisation et les progrès technologiques, il est de plus en plus courant que plus d’un pays soit habilité à intenter des poursuites[133] ». La France, par exemple, refuse intégralement d’extrader ses citoyens – ceux-ci sont traduits en justice devant leurs tribunaux nationaux[134].

Certains, comme l’avocat Donald Bayne, croient que le Canada ne devrait pas extrader « ses ressortissants vers un État requérant, comme la France, qui n’est pas prêt à son tour à extrader ses propres citoyens vers le Canada[135] ».

D’autres, comme le professeur Robert J. Currie, affirment que l’extradition reste :

[U]n outil important et nécessaire qui permet au Canada de respecter ses obligations internationales et de s’assurer que les personnes qui enfreignent la loi soient traduites en justice. Il [se peut qu’il ait] davantage de cas où il [serait plus approprié] de tenir des procès au Canada qu’à l’heure actuelle, mais il y aura toujours de nombreux cas où il conviendra aussi d’extrader une personne.
[…]
Ce que nous aimerions, c’est une manière plus juste de rendre des décisions pour savoir s’il faut ou non extrader une personne et, oui, cela supposera peut-être de tenir compte davantage du fonctionnement du système de justice pénale d’un État étranger, mais ces informations existent quelque part et peuvent être présentées devant un tribunal[136].

C’est cette perspective qu’a adoptée le Royaume-Uni, depuis que le pays a modernisé sa loi et a introduit la règle du forum bar en 2013. Cette règle permet aux tribunaux anglais d’examiner, quand une proportion importante de l’infraction a été commise au Royaume‑Uni[137], « s’il est dans l’intérêt de la justice[138] » que l’infraction soit jugée en Angleterre, plutôt que dans la juridiction de l’État qui réclame l’extradition[139]. Le juge pourra alors considérer des facteurs en lien avec la vie privée et la famille de l’individu[140], tels que les liens de l’individu avec le Royaume-Uni[141], ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant[142].

Ainsi, quand le tribunal estime que « l’extradition est justifiée, compte tenu de la nécessité de poursuivre les auteurs de crimes graves et de collaborer à l’échelle internationale », il est disposé de rendre l’individu recherché aux autorités étrangères[143]. Mais le tribunal dispose également de la souplesse voulue pour tenir compte de l’existence d’autres raisons pour lesquelles l’extradition serait inappropriée[144].

Cependant, Anand Doobay a avoué que l’application du forum bar au Royaume-Uni pouvait s’avérer complexe, et que « la pondération [des] divers facteurs est toujours un problème difficile », surtout quand le tribunal est appelé à concilier le respect des droits de la personne avec la pression diplomatique d’un État qui souhaite remédier à l’impunité d’un acte criminel[145].

D’après les observations de M. Doobay, « habituellement, le tribunal estime que la nécessité d’avoir des accords d’extradition efficaces l’emporte sur le droit au respect de la vie privée et familiale », mais dans de rares cas, celui-ci refuse l’extradition pour des motifs basés sur la vie privée et la famille[146]. Les procureurs du gouvernement maintiennent également une forme de veto, et peuvent émettre un certificat devant la cour qui empêche alors le recours au forum bar[147]. Ils peuvent également produire une lettre d’opinion pour expliquer au juge pourquoi le procès ne devrait pas se dérouler au Royaume‑Uni[148].

Au Canada, seul le ministère de la Justice a la flexibilité nécessaire pour considérer « les informations liées aux circonstances du cas en question », et pour « déterminer si l’extradition est juste et équitable[149] ». Les demandes d’extradition rejetées par le Canada à ce stade sont considérées comme absoutes par le ministre et restent confidentielles[150]. Il n’y a donc pas moyen de savoir quels éléments sont déterminants pour le ministre lorsqu’il exerce sa discrétion dans ces situations.

La loi sur l’extradition du Royaume‑Uni prévoit également la règle du « human rights bar », permettant de présenter au juge durant l’audience sur l’extradition des « arguments liés aux droits de la personne », si la personne visée estime qu’elle est poursuivie « pour une raison injustifiée », conformément aux droits établis dans la Convention européenne des droits de l’homme[151]. Si le juge est convaincu que l’extradition porterait atteinte aux droits de la personne prévus par convention, il doit ordonner la libération de la personne[152].

M. Doobay a aussi dit que, selon lui, il serait impossible de tenir un procès lors d’une audience d’extradition au Canada en appliquant les lois de l’État requérant. Cependant, se servant de l’exemple du Royaume‑Uni à titre de comparaison, il a indiqué que la possibilité d’invoquer la règle du human rights bar pourrait permettre au juge de tenir compte de la preuve relative à une éventuelle violation des droits de la personne :

Dans certains cas, il serait approprié, me semble‑t‑il, d’examiner davantage les éléments de preuve présentés. Là encore, au Royaume-Uni, nous sommes généralement en mesure d’y parvenir grâce aux garanties de normes en matière de droits de la personne. Dans des cas exceptionnels, ces garanties peuvent servir à justifier un examen plus détaillé des éléments de preuve que ce qui serait prévu normalement. […]
Je comprends tout à fait qu’il existe une tension et qu’il n’est pas possible, dans tous les cas, d’insister sur la tenue d’un procès lors d’une audience d’extradition. J’estime toutefois que le régime devrait répondre aux besoins des gens dans des cas exceptionnels qui nécessitent une discussion du critère de la suffisance de la preuve et qui présentent un risque d’injustice[153].

Recommandation 12

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée pour y introduire la règle du forum bar, permettant aux personnes, incarcérées en vue de leur extradition, de déposer une requête devant un tribunal canadien pour que leur cause soit instruite au Canada, lorsqu’une proportion importante de l’infraction a été commise au Canada et qu’il est dans l’intérêt de la justice que l’individu soit jugé au Canada.

Recommandation 13

Que la Loi sur lextradition soit modifiée pour y introduire la règle du human rights bar,permettant aux personnes visées par l’extradition de présenter des preuves durant l’audience sur l’incarcération si elles estiment que l’État partenaire requérant souhaite les traduire en justice pour des raisons incompatibles avec le droit relatif aux droits de la personne, et que si le juge statue en ce sens, la libération de la personne en question soit ordonnée.

Chapitre 6 : Phase ministérielle – Rééquilibrage des rôles du juge et du ministre

6.1      La décision d’extrader une personne

La décision de remettre une personne à l’État partenaire, autrement appelée un « arrêté d’extradition », est exercée par le ministre de la Justice[154], dont le pouvoir d’ordonner l’extradition est encadré par les articles 40 et suivants de la Loi[155].

Le paragraphe 43(1) de la Loi prévoit la possibilité pour la personne intéressée de présenter ses observations au ministre, avant que celui-ci ne rende sa décision, lesquelles peuvent porter « sur toute question touchant [l’] extradition éventuelle vers le partenaire[156] ».

Janet Henchey, du ministère de la Justice, a indiqué que la décision du ministre doit tenir compte des intérêts de l’intéressé et des obligations du Canada en vertu des traités internationaux[157]. Par ailleurs, elle a ajouté que les pouvoirs du ministre sont exercés dans le respect des orientations formulées par la Cour suprême du Canada :

De prétendre que le ministre de la Justice peut faire tout et n’importe quoi parce qu’il dispose d’un grand pouvoir discrétionnaire... La discrétion, c’est fonctionner dans le cadre de la Loi. Si le ministre outrepasse ce cadre, les tribunaux invalideront ses décisions[158].

Mme Henchey a résumé l’exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel, qui exige de tenir compte des droits de la personne visée par la demande d’extradition, comme suit :

[L]a Loi compte de nombreuses dispositions visant à aborder les droits des personnes. La Loi sur l’extradition a pour objectif l’atteinte d’un équilibre entre les droits d’une personne et les intérêts de l’État requérant associés à l’extradition à des fins de poursuite.
Oui, de nombreuses dispositions visent à protéger les droits des personnes. Elles peuvent présenter leurs arguments devant le juge d’extradition. Elles peuvent aussi le faire devant le ministre de la Justice.
Il n’y a pas de restrictions quant à ce qui peut être dit au ministre de la Justice, par exemple. Les personnes peuvent donc évoquer des préoccupations relatives à leur santé, au traitement qu’elles subiront dans le pays étranger, au traitement qu’elles subiront en prison ou à la durée de leur peine. Tous les sujets peuvent être abordés devant le ministre. Il tiendra compte de ce qui a été dit et présentera une évaluation écrite de ces propos.
Ensuite, l’affaire est présentée devant le tribunal, si l’on décide de procéder à un contrôle judiciaire. Toutes les procédures sont tenues devant un juge ou devant le ministre et peuvent faire l’objet d’un appel devant le tribunal, ou d’un examen judiciaire. Il est ensuite possible de se rendre devant la Cour suprême pour demander l’autorisation d’interjeter appel si les personnes ne sont pas satisfaites de la décision[159].

Mme Henchey a ajouté ce qui suit lors de son témoignage :

Le ministre doit décider s’il ordonne l’extradition ou non. Parfois, il juge qu’il n’est pas approprié d’extrader une personne dans certaines circonstances. Parfois, il est possible de régler les problèmes auxquels nous faisons face en demandant des garanties de la part de l’État requérant. Cette situation est rare et s’applique surtout pour la peine de mort. C’est la garantie la plus souvent demandée[160].

Malgré ces considérations, plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité militent en faveur d’un rôle plus accru du juge d’extradition par rapport à celui qu’accorde la Loi au ministre[161].

D’entrée de jeu, l’avocat Donald Bayne a affirmé qu’« au bout du compte, c’est le ministre qui possède tous les pouvoirs », alors que les juges sont dépourvus de la fonction juridique qui relève habituellement de leur ressort[162].

De son côté, le professeur Robert J. Currie a évoqué le concept du « rééquilibrage des rôles », qui dans le cadre du processus d’extradition signifierait un meilleur équilibre entre les rôles des tribunaux et du gouvernement, de même qu’entre les protections de la Charte et l’efficacité administrative[163].

Dans la même veine, Timothy McSorley, de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, a mentionné qu’« il faut rétablir l’équilibre et accroître le rôle des juges dans la pondération de facteurs tels que l’équité, les libertés civiles et les droits de la personne, entre autres, dans la décision finale d’extradition[164] ».

Sur la question, la professeure Joanna Harrington a formulé la Recommandation suivante:

Puisque l’extradition suppose la perte du droit fondamental à la liberté d’une personne, il existe un fondement rationnel permettant d’attribuer un rôle plus solide au juge d’extradition. En effet, à l’époque victorienne, il incombait au juge de déterminer si l’extradition dans les circonstances était injuste ou oppressive. Aujourd’hui, la loi canadienne sur l’extradition exige que le ministre de la Justice prenne cette décision. En conférant un rôle plus solide au juge d’extradition, on permettrait à un tribunal d’examiner directement et ouvertement la situation d’une personne, les valeurs du système juridique canadien et le bilan du pays requérant en matière de droits de la personne[165].

Dans leur mémoire soumis au Comité, le British Columbia Gurdwaras Council et l’Ontario Gurdwaras Committee recommandent d’intégrer à l’étape de l’incarcération du processus d’extradition « de solides protections de la Charte et une surveillance judiciaire efficace », et ce, « au moyen d’une norme de contrôle beaucoup plus élevée, ainsi que d’une considération explicite des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne[166] ».

D’ailleurs, contrairement au régime d’extradition canadien, au Royaume-Uni, c’est le tribunal qui évalue le risque de violation potentielle aux droits de la personne et peut empêcher l’extradition pour ce motif, tel qu’il ressort du témoignage d’Anand Doobay[167].

De son côté, Matthew Behrens a recommandé que la Loi soit modifiée afin qu’elle « respecte les normes internationales en matière de procès équitable[168] ».

Lorsqu’un État demande l’extradition, le ministre est celui qui prend la décision finale. Certains témoins ont suggéré que la décision ultime d’extrader devrait revenir au juge[169]. À ce sujet, Matthew Behrens a précisé que le ministre a un parti pris lorsqu’il décide de donner suite à la demande d’extradition d’un État partenaire, car c’est lui‑même qui a autorisé les procédures d’extradition au Canada en premier lieu :

J’ai l’impression qu’un tribunal serait beaucoup plus indépendant que la personne qui a décidé d’aller de l’avant avec l’extradition. Le ministre a déjà fait clairement savoir sa position en commençant le processus d’extradition. Il a déjà un parti pris. Il a décidé que, dans une affaire donnée, c’est ce qu’il faut faire. Il défend sa cause devant la Cour, alors même que le processus judiciaire lui-même est complètement neutralisé par la Loi sur l’extradition. Il faut que nous renforcions le rôle de l’appareil judiciaire dans ce processus, parce que c’est le seul mécanisme de contrôle qui permettra de veiller à ce que les droits de l’intéressé soient défendus et respectés[170].

Rania Tfaily a indiqué de son côté que, dans le cadre des relations avec les États partenaires, il serait beaucoup plus facile de justifier un refus d’extrader, si celui-ci émane de l’appareil judiciaire et non d’une décision ministérielle[171].

Recommandation 14

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée pour accorder aux tribunaux canadiens le pouvoir de statuer sur l’équité d’une mesure d’extradition.

6.2      Les motifs du refus

La Loi prévoit les motifs pour lesquels le ministre peut refuser l’extradition de la personne visée, édictés aux articles 44 à 47[172].

À titre d’exemple, le ministre refuse l’extradition s’il juge qu’elle serait « injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances[173] » ou lorsque l’extradition demandée par l’État partenaire a pour but de punir un individu en raison de sa race, nationalité, origine ethnique, langue, couleur, religion, convictions politiques, sexe, orientation sexuelle, âge, handicap physique ou mental ou son statut[174].

Des témoins ont noté que le libellé de cet article de la Loi ne correspond pas aux motifs énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne[175] en ce sens que les motifs d’identité de genre et d’expression de genre sont omis[176].

Il convient également de noter que, aux termes de la Loi, le ministre refusera l’extradition seulement si le but principal de l’extradition est de persécuter l’individu pour des motifs de discrimination illicites[177].

Selon Balpreet Singh, de l’Organisation mondiale des Sikhs du Canada, ce critère n’est pas assez souple. Dès lors qu’il y a « un lien causal entre la violation des droits de la personne d’une personne accusée dans un pays étranger et la décision du Canada d’extrader cette personne, les protections offertes par la Charte [devraient] s’appliquer »[178]. D’après l’avocat Anand Doobay, c’est effectivement l’approche qui est privilégiée au Royaume‑Uni :

Les critères [de discrimination illicite] s’appliquent si vous pouvez montrer qu’une personne est poursuivie pour cette raison particulière ou qu’elle risque de subir un certain préjudice après son extradition. Ces critères offrent une assez bonne protection. Il suffit de prouver un lien de causalité. Il faut être en mesure de montrer que c’est l’une des raisons pour lesquelles la personne est poursuivie, et non pas la seule raison. Il faut aussi pouvoir montrer que c’est l’une des raisons pour lesquelles la personne risque de subir un préjudice après son retour. […] Par exemple, […] des conditions de détention plus sévères ou […] davantage de […] violence[179].

De plus, tel que précédemment discuté, de nombreux témoins ont soulevé des préoccupations au sujet du pouvoir du ministre de trancher des questions de nature juridique à l’égard des personnes visées, considérant son rôle politique dans les affaires d’extradition[180].

Par ailleurs, certains témoins ont proposé l’ajout de certains critères pour refuser l’extradition dans un cas donné[181]. À titre d’exemple, le professeur Robert J. Currie a suggéré que « la grande disparité entre les peines du droit pénal canadien et celles du droit pénal des pays étrangers devrait être un motif de refus[182] ».

Dans son mémoire produit suivant sa comparution en Comité, l’avocate Michelyne C. St- Laurent, a suggéré plusieurs modifications à la loi visant à protéger les personnes visées par l’extradition « souffrant de maladie mentale et/ou d’un état neurologique permanent[183] ». Selon la témoin, il pourrait s’agir d’un motif de refus ajouté aux articles 44(1) et 47 de la Loi.

Recommandation 15

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée pour élargir la portée de l’alinéa 44(1)b) et y inclure le critère du lien de causalité en ce qui concerne l’évaluation des motifs de discrimination illicite.

Recommandation 16

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée pour ajouter l’identité de genre et l’expression de genre à la liste des motifs énumérés à l’alinéa 44(1)b), afin de tenir compte du libellé de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Recommandation 17

Que la Loi sur l’extradition soit modifiée afin d’y inclure comme motifs de refus d’extrader, la présence d’une grande disparité des peines du droit pénal canadien avec celles de l’État partenaire.

Chapitre 7 : Transparence et surveillance du processus d’extradition

7.1      Le rôle du Service d’entraide internationale

L’article 7 de la Loi énonce que « le ministre est chargé de la mise en œuvre des accords, de l’application de la présente loi et du traitement des demandes d’extradition procédant de ces textes[184] ».

Dans les faits, l’exercice de ce pouvoir est en majeure partie délégué au Service d’entraide internationale (le SEI), un bureau spécialisé du ministère de la Justice. Ainsi, le SEI mène les procédures d’extradition, dont certains avocats agissent soit à titre de plaideurs, soit à titre de décideurs[185].

Quelques témoins ont attiré l’attention sur ce qu’ils perçoivent comme une apparence de conflit d’intérêts, voire un conflit d’intérêts réel, au sein du ministère, en suggérant de réformer l’organisation actuelle du SEI[186]. L’avocat Donald Bayne a précisé :

Lorsqu’on en arrive à l’étape d’une décision ministérielle, le ministre se tourne vers les mêmes personnes qui s’étaient montrées des défenseurs très ardents dans la salle d’audience pour obtenir des conseils sur l’extradition possible du fugitif. Il y a clairement un parti pris dans ce processus-là aussi[187].

À ce propos, le professeur Robert J. Currie a recommandé au Comité :

[d’]envisager la restructuration du Service d’entraide internationale, le SEI, et à répartir les fonctions entre le personnel et les avocats chargés de défendre la cause au nom de l’État requérant dans notre système accusatoire. Il n’y a rien d’inapproprié à faire cela, mais cette direction du bureau devrait être distincte de la direction où le ministre prend la décision d’extradition, afin que tout ne sorte pas d’une boîte noire[188].

7.2      La publication des données et des informations

Le gouvernement du Canada publie sur son site Web des informations générales au sujet du processus d’extradition[189] et rend disponibles des statistiques sur les demandes des États‑Unis faites au Canada de 2008–2018[190].

Janet Henchey, du ministère de la Justice, a précisé que les médias demandent régulièrement des statistiques, lesquelles leur sont fournies. Selon son témoignage, « les statistiques ne sont pas vraiment un problème[191] ».

Or, plusieurs témoins ont déploré le manque de données actuellement accessibles au public sur les procédures d’extradition, y compris les statistiques ou les politiques internes[192].

Selon la professeure Joanna Harrington, malgré la publication de certaines informations par le gouvernement, le public ne demeure pas suffisamment informé au sujet du processus d’extradition[193].

De son côté, le professeur Robert J. Currie a affirmé devant le Comité que « le monde de l’extradition a toujours été très obscur et qu’il est passé sous le radar du public, et qu’on a laissé s’aggraver des problèmes troublants », comme dans l’affaire d’Hassan Diab[194].

Par ailleurs, Mme Henchey a fait part au Comité qu’il ne serait pas souhaitable que certaines données soient divulguées au public en raison des enjeux liés à la confidentialité des dossiers :

Nous recevons des demandes d’extradition. À ce stade, elles sont confidentielles, sauf si nous y donnons suite. Nous recevons un grand nombre de demandes d’extradition qui n’aboutissent jamais, car nous ne les autorisons pas[195].

Pour répondre à ces préoccupations, le professeur Robert J. Currie a fait le commentaire suivant :

Nous savons tous que les communications transmises d’État à État sont protégées par le secret professionnel, et je ne suis certainement pas en train de dire que tout doit être divulgué. Je sais que cela préoccupe le Service d’entraide internationale. Il y a une distinction à faire entre les communications proprement dites et le fait de les transmettre. On pourrait fournir là beaucoup d’information[196].

Dans le cas particulier des États-Unis, à savoir pourquoi le gouvernement rend accessibles les statistiques pour les demandes initiées par ce pays et pas pour les autres, Mme Henchey a apporté les précisions suivantes :

Nous ne divulguons pas cette information pour tous les pays pour ne pas révéler l’existence d’une demande. Il y a beaucoup de pays avec lesquels nous ne traitons pas très souvent. Il se peut que nous ayons une demande en cinq ans de la part d’un pays particulier. Si nous révélons cette statistique, nous risquons de révéler une demande à laquelle nous n’avons pas donné suite.
Honnêtement, nous pourrions améliorer la divulgation d’une partie de nos statistiques. Cependant, nous ne pouvons tout simplement pas divulguer certaines statistiques, car nous révélerions ainsi des renseignements confidentiels. Nous divulguons cette information pour les États-Unis parce que le nombre de demandes est si important que nous n’allons rien révéler sur une demande particulière en fournissant des statistiques[197].

Recommandation 18

Que le ministère de la Justice rende publiques sur son site, dans les six mois suivant la fin de chaque exercice financier, toutes les données, statistiques et politiques internes, sous réserve des informations confidentielles, dans le but d’assurer la transparence du processus d’extradition et de mieux informer le public.

7.3      L’obligation de faire rapport

Des témoins ont également proposé au Comité de considérer la mise en place d’un mécanisme de surveillance des activités du SEI, afin d’accroître la transparence du processus d’extradition[198]. Sur le sujet, Timothy McSorley, de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, a précisé « qu’une transparence accrue est nécessaire dans les rapports du gouvernement sur le nombre, les types et les différents cas d’extradition, parce que les gens ne savent pas exactement à quoi s’en tenir à ce sujet[199] ».

À cet effet, les professeurs Joanna Harrington et Robert J. Currie sont d’avis qu’une obligation de reddition de compte devrait être insérée dans la Loi, en exigeant du gouvernement la production d’un rapport annuel ou biannuel au Parlement.

Selon Mme Harrington, un mécanisme similaire existe en vertu de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers[200]. Dans son témoignage, elle recommande que l’obligation redditionnelle inclue :

  • une divulgation publique régulière du nombre de demandes d’extradition que le Canada reçoit, de quels pays et pour quels crimes;
  • l’évaluation des demandes reçues, les raisons de tout retard et le résultat final;
  • l’indication si la personne à extrader est un citoyen canadien ou un résident permanent; et
  • une divulgation publique des assurances fournies par un pays étranger qui sont utilisées pour obtenir l’extradition d’une personne[201].

Un autre exemple, soulevé par Robert J. Currie, serait le travail du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité qui supervise le mécanisme canadien de collecte de renseignements et qui reçoit les rapports annuels sur le genre d’activités menées par certains ministères et certaines entités gouvernementales[202]. Sur le sujet, le professeur Currie a recommandé au Comité ce qui suit :

Le Service d’entraide internationale pourrait avoir le mandat, dans le cadre de la Loi sur l’extradition, de produire un rapport annuel ou bisannuel qui fournirait des statistiques au sujet des types de demandes d’extradition qui ont été présentées et de l’état et de l’examen des dossiers, tout en caviardant, bien entendu, toute information secrète et confidentielle[203].

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada dépose annuellement un rapport au Parlement sur la mise en œuvre de la Loi sur l’extradition, notamment mais non limitativement au sujet du nombre d’extraditions présentées au Canada, leur provenance, les infractions visées, l’indication si la personne dont on recherche l’extradition est un citoyen canadien ou un résident permanent et les assurances diplomatiques fournies par l’État partenaire.

Chapitre 8 : Conclusion

Le Comité a entendu des appels à une réforme complète de la Loi sur l’extradition du Canada. Des cas ont été cités comme preuves de préjudices réels, résultant de failles dans nos lois et procédures existantes, ainsi que comme exemples d’injustices qui continueront probablement de se produire en l’absence de réforme. Le Comité a pris connaissance des propositions détaillées sur le type de réforme législative jugée nécessaire, tant dans les témoignages présentés au Comité que dans le rapport du Colloque de Halifax. Des témoins ont également suggéré un certain nombre d’autres changements qui pourraient être apportés pour améliorer le processus d’extradition et qui ne nécessiteraient pas de mesure législative. Le Comité exhorte le gouvernement à agir rapidement pour réformer la Loi sur l’extradition et le processus d’extradition du Canada afin de prévenir de nouvelles injustices, résultant de failles dans le système d’extradition du pays.

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada entreprenne dès que possible une réforme complète de la Loi sur l’extradition et qu’entre‑temps, il envisage d’apporter des modifications non législatives au processus d’extradition, afin d’éviter de nouvelles injustices dans les procédures d’extradition.


[1]              R. c. Hape, 2007 CSC 26.

[2]                     Ministère de la Justice, Service d’entraide internationale – À propos de nous.

[3]              Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18.

[4]              M.M. c. États‑Unis d’Amérique, 2015 CSC 62.

[5]              France c. Diab, 2014 ONCA 374 (CanLII) [disponible en anglais seulement].

[6]              Murray D. Segal, Examen indépendant de l’extradition d’Hassan Diab, Ph. D., Gouvernement du Canada, mai 2019.

[7]              Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.).

[8]              Robert J. Currie, Modifier les lois d’extradition du Canada : Les propositions du colloque de Halifax pour la réforme du droit, Partenariat canadien pour la justice internationale, octobre 2021.

[9]              Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des droits de la personne (JUST), Procès-verbal, 22 septembre 2022.

[10]            Les annexes A et B du présent rapport donnent respectivement la liste des témoins qui ont comparu devant le Comité et la liste des mémoires.

[11]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18; Voir les étapes du processus d’extradition résumées dans : Ministère de la Justice, Infographique : Extradition au Canada; JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1640 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[12]            Voir à ce sujet : États‑Unis c. Cotroni; États-Unis c. El Zein, [1989] 1 R.C.S 1469; États-Unis d’Amérique cFerras; États-Unis d’Amérique c. Latty, 2006 CSC 33, par. 81–83.

[13]            Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), art. 7.

[14]            JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1645 et JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1810 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[16]            Ibid., par. 50.

[17]            Ibid., par. 26.

[18]            Par exemple, voir JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1635 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice); Voir également à ce sujet M.M. c. États-Unis d’Amérique, 2015 CSC 32, par. 26.

[19]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, al. 44(1)a).

[20]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1810 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[21]            Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1555 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada), 1600 (Matthew Behrens, à titre personnel).

[22]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, par. 3(1).

[23]            Ibid., art. 9; JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1645 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[24]            JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1645 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[25]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1800 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[26]            Ibid., 1755.

[27]            JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1700 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[28]            Ibid.

[29]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1810 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[30]            JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1700 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[31]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, al. 3(1)a) et b).

[32]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1705 (Donald Bayne, à titre personnel).

[33]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1550 (Rania Tfaily, à titre personnel).

[34]            Ibid.

[35]            JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1650 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[36]            Ibid.

[37]            Selon un document remis au Comité, ces 10 pays sont l’Autriche, le Danemark, la France, Haïti, l’Inde, Israël, le Nicaragua, les Pays‑Bas, le Pérou et les Philippines : JUST, Mémoire, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, 10 février 2023.

[38]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1635 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[39]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1545 et 1600 (Matthew Behrens, à titre personnel).

[40]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1555 et 1600 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada).

[41]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1625 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada).

[42]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1710 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[43]            Ibid., 1730.

[44]            JUST, Mémoire, Lawrence L. Herman, 13 février 2023, p. 2.

[45]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1720 (Alex Neve, agrégé supérieur, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[46]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1720 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[47]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1635 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[48]            Ibid., 1710.

[49]            Robert J. Currie, Modifier les lois d’extradition du Canada : Les propositions du colloque de Halifax pour la réforme du droit, Partenariat canadien pour la justice internationale, octobre 2021.

[50]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1720 (Alex Neve, agrégé supérieur, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[51]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1550 (Matthew Behrens, à titre personnel).

[52]            M.M. c. États-Unis d’Amérique, 2015 CSC 32.

[53]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1550 (Matthew Behrens, à titre personnel).

[54]            Organisation des Nations Unies, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 26 juin 1987.

[55]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1730 (Donald Bayne, à titre personnel).

[56]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, al. 44(1)a).

[57]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1635 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles); JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1610 (Rania Tfaily, à titre personnel).

[58]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1705 (Donald Bayne, à titre personnel), 1550, 1635, 1725 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[59]            Boily c. Canada, 2017 CF 1021.

[60]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1655 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[61]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1815 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[62]            Ibid.

[63]            En 2010, Anand Doobay a été désigné pour faire partie d’un groupe chargé d’examiner les « lacunes possibles du régime d’extradition » du Royaume-Uni, ainsi que les défauts des pays avec lesquels ce pays a conclu des accords d’extradition. L’objectif de l’examen était de tenir compte « des conséquences graves » sur les droits de la personne lors d’une extradition vers ces pays, « tout en évitant que cela ne devienne un obstacle complet à l’extradition. » : JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1550 (Anand Doobay, à titre personnel).

[64]            JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1645 (Anand Doobay, à titre personnel).

[65]            Ibid.

[66]            JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1650 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[67]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1750 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[68]            Ibid.

[69]            États-Unis c. Burns, 2001 CSC 7.

[70]            JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1650 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[71]            Ibid.

[72]            Inde c. Badesha, 2017 CSC 44.

[73]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1755 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel).

[74]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1615 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada).

[75]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1720 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel).

[76]            R. c. Hurley, 2010 CSC 18.

[77]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1720, 1810 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel).

[78]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1815 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[79]            Ibid., 1750.

[80]            Ibid., 1755.

[81]            Ibid., 1815.

[82]            JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1615 (Anand Doobay, à titre personnel).

[83]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1600 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada).

[84]            JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1640 (Anand Doobay, à titre personnel).

[85]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1805 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[86]            Ibid.

[87]            Ibid.

[88]            JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1645 (Rania Tfaily, à titre personnel).

[89]            Ibid.

[90]            Ibid.

[91]            JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1550 et 1605 (Anand Doobay, à titre personnel); Royaume‑Uni, Extradition Act 2003, ch. 41, art. 12A [disponible en anglais seulement].

[92]            Ibid., 1610.

[93]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, al. 18(1)a).

[94]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, art. 19 (incorpore par renvoi la partie XVI du Code criminel, Mesures concernant la comparution d’un prévenu devant un juge de paix et la mise en liberté provisoire); Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46.

[95]            Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, ch. 18, al. 33(3)a); États-Unis d’Amérique c. Ferras; États-Unis d’Amérique c. Latty, 2006 CSC 33, par. 52.

[96]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1740 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[97]            Dans États-Unis d’Amérique c. Ferras; États-Unis d’Amérique c. Latty, 2006 CSC 33, par. 55, la Cour suprême a rappelé que « certains traités n’exigent pas que la disponibilité de la preuve soit certifiée. Mais cela ne modifie pas les exigences du par. 29(1) de la Loi selon lesquelles le juge d’extradition doit être convaincu du bien‑fondé de l’incarcération en vue de l’extradition ».

[98]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1640, 1655, 1700, 1730 (Donald Bayne, à titre personnel); JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1600 (Me Michelyne C. St‑Laurent, à titre personnel); JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St‑Laurent, 8 février 2023.

[99]            JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1820 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[100]          Ibid., 1740.

[101]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1550, 1635 (Rania Tfaily, à titre personnel), 1705 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel); JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1650, 1655, 1700, 1725, 1730 (Donald Bayne, à titre personnel).

[102]          JUST, Mémoire (soumis conjointement), British Columbia Gurdwaras Council et Ontario Gurdwaras Committee, 16 février 2023, p. 10.

[103]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1640 (Donald Bayne, à titre personnel).

[104]          Ibid., 1715.

[105]          Ibid., 1700.

[106]          Ibid.

[107]          JUST, Témoignages, 8 février 2023 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice); Pour une analyse étayée du rôle du juge à l’audience sur l’incarcération, voir États-Unis d’Amérique c. Ferras; États-Unis d’Amérique c. Latty, 2006 CSC 33, M.M. c. États-Unis d’Amérique, 2015 CSC 32, par. 36 et ss.

[108]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1740 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[109]          Ibid., 1745.

[110]          Ibid., 1815.

[111]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1625 (Me Michelyne C. St‑Laurent, à titre personnel); JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St‑Laurent, 8 février 2023; JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1645 (Alex Neve, agrégé supérieur, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[112]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1610 (Anand Doobay, à titre personnel).

[113]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1810 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[114]          Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, par. 32(2).

[115]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1635 (Rania Tfaily, à titre personnel), 1705 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel); JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1655, 1700, 1705, 1720 (Donald Bayne, à titre personnel), 1635 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[116]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1705 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[117]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1655 (Donald Bayne, à titre personnel).

[118]          Ibid., 1720.

[119]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1810 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[120]          Ibid.

[121]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1555 (Anand Doobay, à titre personnel).

[122]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1550, 1635, 1640 (Rania Tfaily, à titre personnel); JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1635 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles); JUST, Mémoire (soumis conjointement), British Columbia Gurdwaras Council et Ontario Gurdwaras Committee, 16 février 2023, p. 12.

[123]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1640 (Rania Tfaily, à titre personnel).

[124]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1640 (Rania Tfaily, à titre personnel); JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1600, 1620 (Me Michelyne C. St‑Laurent, à titre personnel); JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St‑Laurent, 8 février 2023.

[125]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1620 (Me Michelyne C. St‑Laurent, à titre personnel); JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St‑Laurent, 8 février 2023; JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St‑Laurent, 19 février 2023.

[126]          JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St-Laurent, 19 février 2023.

[127]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1600, 1620 (Me Michelyne C. St‑Laurent, à titre personnel); JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St‑Laurent, 8 février 2023.

[128]          JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St-Laurent, 8 février 2023; Au sujet de la compétence universelle, voir également : JUST, Mémoire, B’nai Brith Canada, 13 février 2023. Voir aussi l’article 7 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46.

[129]          Tel que confirmé par la Cour suprême du Canada dans M.M. c. États-Unis d’Amérique, 2015 CSC 32, par. 38.

[130]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1740 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[131]          Ibid., 1815.

[132]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1640 (Anand Doobay, à titre personnel).

[133]          Ibid., 1550.

[134]          Ibid., 1640; JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1640 (Rania Tfaily, à titre personnel).

[135]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1705 (Donald Bayne, à titre personnel).

[136]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1715 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[137]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1630 (Anand Doobay, à titre personnel).

[138]          Ibid., 1550.

[139]          Ibid., 1640.

[140]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1550 (Anand Doobay, à titre personnel).

[141]          Ibid., 1630.

[142]          Ibid., 1640.

[143]          Ibid., 1555.

[144]          Ibid.

[145]          Ibid., 1630.

[146]          Ibid., 1645.

[147]          Ibid., 1630.

[148]          Ibid.

[149]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1750 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[150]          Ibid., 1750 (environ 25 % des demandes reçues par le Service, selon Janet Henchey du ministère de la Justice).

[151]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1605 (Anand Doobay, à titre personnel).

[152]          Royaume‑Uni, Extradition Act 2003, ch. 41, art. 21.

[153]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1610 (Anand Doobay, à titre personnel).

[154]          Voir la définition de ministre à l’article 2 de la Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18.

[155]          Ibid., par. 40 et ss.

[156]          Ibid., par. 43(1); Sur la procédure applicable en pareil cas, voir : JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1810 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[157]          JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1645 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[158]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1810 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[159]          JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1700 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[160]          Ibid., 1650.

[161]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1600, 1615 (Matthew Behrens, à titre personnel), 1615 (Rania Tfaily, à titre personnel), 1615 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada), 1650 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel), 1655 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel), 1720 (Alex Neve, agrégé supérieur, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[162]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1715 (Donald Bayne, à titre personnel).

[163]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1655 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[164]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1635 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[165]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1650 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel).

[166]          JUST, Mémoire (soumis conjointement), British Columbia Gurdwaras Council et Ontario Gurdwaras Committee, 16 février 2023, p. 12.

[167]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1550 (Anand Doobay, à titre personnel).

[168]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1615 (Matthew Behrens, à titre personnel).

[169]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1615 (Matthew Behrens, à titre personnel; Rania Tfaily, à titre personnel et Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada), 1720 (Alex Neve, agrégé supérieur, École supérieure d’affaires publiques et internationales, Université d’Ottawa, à titre personnel).

[170]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1615 (Matthew Behrens, à titre personnel).

[171]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1615 (Rania Tfaily, à titre personnel).

[172]          Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, arts. 44–47. À ces motifs s’ajoutent ceux développés par la jurisprudence, par exemple, lorsque l’extradition irait à l’encontre des principes de justice fondamentale visés à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Voir à cet égard : M.M. c. États-Unis d’Amérique, 2015 CSC 32, par. 26.

[173]          Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, al. 44(1)a).

[174]          Ibid., al. 44(1)b).

[175]          Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, art. 3.

[176]          Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, al. 44(1)b).

[177]          Ibid.

[178]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1555 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada).

[179]          JUST, Témoignages, 13 février 2023, 1615 (Anand Doobay, à titre personnel).

[180]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1600, 1615 (Matthew Behrens, à titre personnel), 1555 (Balpreet Singh, conseiller juridique, Organisation mondiale des Sikhs du Canada), 1705 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel); JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1715 (Donald Bayne, à titre personnel).

[181]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1615 (Matthew Behrens, à titre personnel), 1710 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel); JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St-Laurent, 19 février 2023.

[182]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1710 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[183]          JUST, Mémoire, Me Michelyne C. St-Laurent, 19 février 2023.

[184]          Loi sur l’extradition, L.C. 1999, ch. 18, art. 7.

[185]          Pour plus de précisions sur le rôle du SEI, voir : JUST, Témoignages, 1er février 2023, 1635 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[186]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1600 (Matthew Behrens, à titre personnel), 1655 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel); JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1715 (Donald Bayne, à titre personnel).

[187]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1715 (Donald Bayne, à titre personnel).

[188]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1705 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[189]          Voir à ce sujet : Gouvernement du Canada, Extradition et entraide juridique; Gouvernement du Canada, Aperçu général de l’extradition en droit canadien; Ministère de la Justice, Infographique : Extradition au Canada.

[191]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1745 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[192]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1650 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel), 1655, 1710 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel); JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1635 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[193]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1650 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel).

[194]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1655 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[195]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1745 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[196]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1710 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[197]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1750 (Janet Henchey, directrice générale et avocate générale principale, Service d’entraide internationale, Secteur national du contentieux, ministère de la Justice).

[198]          Par exemple, voir JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1600 (Matthew Behrens, à titre personnel), 1650 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel), 1710 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel); JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1655 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[199]          JUST, Témoignages, 8 février 2023, 1655 (Timothy McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles).

[200]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1650 (Joanna Harrington, professeure de droit, Faculté de droit, University of Alberta, à titre personnel).

[201]          Ibid.

[202]          JUST, Témoignages, 6 février 2023, 1710 (Robert J. Currie, professeur de droit, Schulich School of Law, Dalhousie University, à titre personnel).

[203]          Ibid.