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LANG Rapport du Comité

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Mesures du gouvernement pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada

Introduction

Le 31 janvier 2022, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (ci-après, le Comité) a adopté une motion pour entreprendre une étude sur les mesures que peut prendre le gouvernement du Canada pour protéger et promouvoir la langue française au Canada et au Québec.

C’est la reprise d’une étude que le Comité avait commencée lors de la 2e session de la 43e législature et pour laquelle il avait réalisé un travail considérable; 25 témoins avaient été entendus. L’ajournement pour le congé estival et la dissolution subséquente du Parlement en vue des élections générales de 2021 ont eu pour effet de mettre fin à ce travail. La motion du 31 janvier 2022 précise que le Comité prendrait en considération les témoignages entendus et les mémoires soumis lors de la précédente législature de sorte qu’ils soient consignés dans son rapport au Parlement. Le Comité a également choisi de bonifier l’étude en invitant 22 nouveaux témoins. Les objectifs de l’étude, demeurés les mêmes, sont les suivants :

  • a) dresser un portrait objectif et détaillé de la situation du français et de l’anglais au Québec, ainsi que des communautés francophones et acadiennes, à partir des principaux indicateurs linguistiques, notamment le français en tant que langue maternelle, principale langue parlée à la maison, les substitutions linguistiques, la principale langue de travail, etc.;
  • b) évaluer l’efficience des politiques linguistiques du gouvernement, et le rôle actuel des lois fédérales et provinciales, quant à l’objectif de protéger et de promouvoir la langue française, ainsi que l’impact de ces politiques sur les mesures législatives provinciales de protection et de promotion de la langue française (et particulièrement la Charte de la langue française au Québec);
  • c) évaluer de possibles modifications à Loi sur les langues officielles en vue d’harmoniser la volonté gouvernementale de protéger le français avec les mesures législatives provinciales[1].

L’étude originale du Comité s’inscrivait dans la suite du discours du Trône de septembre 2020 dans lequel le gouvernement du Canada a reconnu « que la situation du français est particulière » et qu’il a « la responsabilité de protéger et de promouvoir le français non seulement à l’extérieur du Québec, mais également au Québec[2] ». Par la même occasion, le gouvernement s’est engagé à renforcer la Loi sur les langues officielles « en tenant compte de la réalité particulière du français[3] ».

Le présent rapport a été rédigé à la lumière des témoignages et des mémoires recueillis au cours de la 2e session de la 43e législature et de la 1re session de la 44e législature. Alors que la première série de témoignages comporte des commentaires sur la publication intitulée : Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, publiée en février 2021, la deuxième série de témoignages comporte des réflexions sur le projet de loi C‑32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Présenté à la Chambre des communes le 15 juin 2021, le projet de loi C-32 est mort au Feuilleton à la dissolution de la 43e législature.

À l’heure d’écrire ces lignes, un nouveau projet de loi visant à modifier la Loi sur les langues officielles, le projet de loi C-13, a été déposé au Parlement. Au Québec, l’Assemblée nationale étudie le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Pour tout dire, le rapport du Comité arrive à un tournant; les deux ordres de gouvernement s’apprêtent à modifier des aspects de leurs régimes linguistiques respectifs[4].

Les recommandations du présent rapport visent à améliorer la législation, les mesures administratives ainsi que les programmes d’appui du gouvernement du Canada pour protéger et promouvoir la langue française au Canada et au Québec.

Analyse des statistiques sur l’évolution de la langue française au Canada et au Québec

Information complémentaire : Statistique Canada possède un corpus important de données ayant trait à l’évolution de la population de langue française au Canada. En fait, sur la scène internationale, le Canada est le pays dont le recensement général de la population comporte le plus de questions au sujet de la langue.

Ainsi, nous disposons de plusieurs indicateurs[5] pour suivre l’évolution de la population de langue française au Canada, notamment : la langue maternelle[6]; la première langue officielle parlée[7], la langue parlée le plus souvent à la maison, la capacité de soutenir une conversation, la connaissance de la langue et la langue de travail.

Le déclin du français au Canada et au Québec

La question du déclin du français au Canada et au Québec était à l’avant-plan des témoignages recueillis par le Comité. Le démographe Patrick Sabourin a défini l’expression déclin du français de la manière suivante :

[O]n parle d’une baisse du poids démographique des francophones par rapport aux autres groupes linguistiques. Plus le poids du français diminue, moins il est compétitif sur le plan démographique : c’est-à-dire qu’il y aura moins de gens et moins de demandes pour des services en français par exemple, moins de possibilités de travailler en français, moins d’immigrants qui auront l’occasion ou le désir de côtoyer des francophones, etc[8].

Information complémentaire : les statistiques portant sur la langue maternelle démontrent que la population ayant le français comme langue maternelle est en déclin au Canada au Québec :

  • Depuis le Recensement de 1951, le pourcentage de la population de langue maternelle française au Canada est en baisse constante[9].
  • En 1941, la proportion de la population de langue maternelle française du Canada était 29,3 %; en 2016 ce pourcentage avait baissé à 21 %[10].
  • Au Québec, le poids de la population de langue maternelle française est demeuré aux environs de 80 % de 1901 à 2001; il a diminué depuis et se situait à 78 % en 2016[11].
  • Les populations de langue maternelle française vivant à l’extérieur du Québec ont connu une diminution de leur poids démographique depuis 1901[12].
  • Selon le Recensement de 2016, le pourcentage de répondants résidant à l’extérieur du Québec ayant déclaré avoir le français comme langue maternelle était de 3,5 %[13] réponse unique et de 4 % réponses multiples[14].

Commentant les statistiques sur la langue maternelle des Québécois et des Québécoises, M. Charles Castonguay, professeur à la retraite, a expliqué que la situation n’est « pas [plus] rose pour le français au Québec[15] ». De 2001 à 2016, « la majorité francophone du Québec a chuté à un rythme record et a atteint un plancher historique[16] » alors que « l’anglais s’est maintenu au Québec en tant que langue maternelle et a gagné un peu de terrain en tant que langue principale à la maison[17] ».

M. Castonguay a affirmé que, depuis l’adoption de la première Loi sur les langues officielles (1969), « le pourcentage de Canadiens ayant le français comme langue la plus souvent parlée à la maison a diminué tout aussi rapidement[18] ». En ce qui a trait à l’usage de la langue française à la maison chez les Canadiens et Canadiennes de langue maternelle française, M. Castonguay a souligné qu’entre 1971 et 2016, « le nombre de Canadiens de langue maternelle française qui ont adopté l’anglais en tant que langue principale à la maison a augmenté de façon constante, passant de moins de 300 000 […] à plus de 400 000 […][19] ». Ensuite, la composante de la langue maternelle française au sein de la population canadienne est passée de 29 % en 1951 à 21 % en 2016[20]. Selon M. Castonguay, ce phénomène serait attribuable, en grande partie, au « pouvoir d’assimilation extraordinairement puissant de l’anglais[21] ».

Au cours de cette même période de référence, l’assimilation vers l’anglais des Canadiens et des Canadiennes ayant une langue maternelle autre que le français et l’anglais aurait aussi contribué au déséquilibre démographique entre les deux principaux groupes linguistiques :

[L]e nombre de Canadiens de langue maternelle non officielle qui se sont assimilés à l’anglais est passé de 1,2 million à 2,7 millions, tandis que le nombre de ces Canadiens qui se sont assimilés au français n’a atteint qu’un quart de million, une hausse en grande partie attribuable au fait que le Québec choisissait des immigrants qui avaient déjà adopté le français comme langue principale à la maison lorsqu’ils étaient à l’étranger, avant de s’établir au Québec[22].

M. Castonguay a conclu que « dans l’ensemble, le gain global que l’anglais tire de l’assimilation au Canada est passé de moins de 1,5 million de personnes en 1971 à plus de 3 millions en 2016[23] ». En revanche, la langue française « reste enlisée dans une perte globale attribuable à l’assimilation de l’ordre de 180 000 personnes, selon le dernier recensement[24] ».

En ce qui a trait à la population francophone en situation minoritaire, M. Castonguay a affirmé que « le taux d’anglicisation de la population de langue maternelle française hors Québec a augmenté de façon constante, passant de 27 % en 1971 à 40 % en 2016[25] ».

M. Castonguay s’est aussi penché sur le cas particulier de Montréal :

Le changement le plus stupéfiant est celui constaté sur l’île de Montréal, où les jeunes de langue maternelle française sont maintenant plus souvent bilingues que leurs homologues anglophones et adoptent maintenant l’anglais comme langue principale à la maison à un taux de 6 %[26].

Le professeur Marc Termote a aussi commenté le portrait linguistique de Montréal. Il a affirmé que c’est principalement dans cette ville et ses banlieues que les changements linguistiques sont préoccupants compte tenu du fait que c’est là que se retrouve « la moitié de la population québécoise[27] ». Selon M. Termote, le poids démographique des Montréalais et Montréalaises dont le français est la langue d’usage à la maison a baissé. Plus encore, « le même déclin s’observe également en dehors de l’île de Montréal […] dans le reste de la région métropolitaine[28] ».

Des portraits différents selon la variable employée

M. Jean-Pierre Corbeil, ancien directeur adjoint de la division Diversité et statistiques socioculturelles à Statistique Canada, a souligné que ce sont généralement les données sur la langue maternelle ou sur la principale langue d’usage à la maison qui sont utilisées pour décrire l’évolution du français au Québec. À l’extérieur du Québec, on a tendance à prendre la langue maternelle et la première langue officielle parlée comme mesure de la vitalité du français[29].

Comme l’a expliqué M. Corbeil, les données sur l’usage du français dans la sphère privée (la langue maternelle, la langue parlée à la maison, la capacité de soutenir une conversation en français) sont très utiles, mais « les politiques, les chartes et les législations en matière de langue visent essentiellement l’espace public[30] ». Sur ce point, il a précisé ce qui suit :

En ce sens, la collecte et la diffusion d’informations sur la langue de travail et les pratiques linguistiques dans divers domaines d’espace public, comme la langue d’enseignement, les services de garde, les activités culturelles, la langue d’affichage public, les communications et les divers services offerts à la communauté, pour ne nommer que ceux-là, sont très importantes et utiles[31].

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) abondait dans le même sens : « [C]e n’est pas la langue parlée à la maison qui est importante, mais c’est plutôt les Canadiens d’expression française. Évidemment, il est question de 2,7 millions de personnes qui vivent une partie de leur vie en français au quotidien[32]. »

M. Castonguay n’est pas du même avis. Il croit que « le facteur le plus important dans la préservation d’un groupe linguistique, c’est le nombre de ses locuteurs de langue maternelle[33] ». Il argue qu’il ne faut « absolument pas […] sous-estimer l’importance de cet indicateur primordial[34] ». Dans cette même veine, M. Marc Termote favorise l’utilisation de la variable de la langue parlée à la maison – la langue utilisée dans l’espace privé - car « la langue parlée à la maison devient celle des enfants[35] ». Elle est donc importante pour étudier la transmission linguistique intergénérationnelle. Cela dit, M. Termote a tout de même affirmé qu’un « des indices non négligeables, c’est la première langue officielle parlée[36] ». Il a poursuivi en disant que « la première langue officielle parlée, vous la choisissez en fonction de vos connaissances, de votre langue maternelle et de votre langue d’usage à la maison. C’est la langue que vous choisissez quand vous quittez la maison et que vous allez dans l’espace public[37]. »

M. Corbeil a expliqué que le constat que l’on fait sur l’état du français varie selon les indicateurs que l’on utilise et qu’il faut aussi tenir compte des enjeux principaux qui influencent la vitalité de la langue française au Canada, notamment : l’enseignement du français langue première, l’apprentissage du français langue seconde, le recrutement et l’intégration des immigrants de langue française, la transmission intergénérationnelle du français, le faible taux de fécondité et le faible statut du français dans certaines régions du pays[38].

En ce qui concerne le Québec, M. Corbeil a expliqué que l’immigration « est le principal moteur de croissance de la population et que la grande majorité de ces immigrants […] n’ont ni le français ni l’anglais comme langue maternelle[39] ». Il a aussi souligné que « parmi les quelque 180 000 nouveaux immigrants de plus que comptait la région de Montréal, plus de la moitié parlaient une langue tierce le plus souvent à la maison[40] ». Dans l’ensemble de la province, « sur les quelques 1,1 million d’immigrants qui résidaient au Québec en 2016, 55 % déclaraient parler plus d’une langue à la maison[41] ».

Selon M. Corbeil, ces statistiques ne témoignent pas nécessairement du recul automatique du français au profit de l’anglais au Québec, car la réalité linguistique est complexe[42]. C’est pourquoi il a insisté sur l’utilisation de plusieurs indicateurs pour obtenir un portrait global plus fidèle à la dynamique linguistique complexe du Québec. Il a argué qu’il faut aussi prendre en considération la grande diversité des situations et des contextes (région du pays, milieu rural ou milieu urbain, etc.)[43]. Il a donné comme exemple les projections de Statistique Canada qui démontrent que l’usage du français à la maison diminue[44]. Bien qu’un certain nombre d’immigrants continuent de parler une langue maternelle tierce le plus souvent à la maison, au Québec ils utilisent le français comme langue secondaire[45]. Selon M. Corbeil, il s’agit d’une donnée importante, car « on observe qu’au Québec, 80 % de ces gens parlent le français comme langue secondaire, et non comme langue principale, à la maison et que 80 % d’entre eux utilisent le français comme langue principale au travail[46] ». Par ailleurs, depuis les 15 dernières années, « la proportion des immigrants qui tendent à adopter le français comme langue principale à la maison est en croissance[47] ». Un tel constat permet à M. Corbeil d’affirmer que « c’est à la question des indicateurs qu’il faut faire attention[48] ».

M. Corbeil ne laisse pas sous-entendre que le français n’est pas fragilisé au Canada et au Québec. Or, il se préoccupe de la démarche analytique empruntée pour en arriver à un tel constat : « [A]u-delà des informations sur la présence du français comme langue maternelle et comme principale langue d’usage à la maison, il importe de pousser plus loin l’analyse de plusieurs dynamiques et dimensions de l’évolution de la situation du français[49]. » Il est d’avis qu’un certain nombre d’éléments de recherche devraient faire l’objet d’analyses plus approfondies pour améliorer notre compréhension de la dynamique linguistique. En ce qui concerne le paysage linguistique québécois, M. Corbeil croit qu’il faut pousser l’étude des enjeux suivants : la langue de travail et des services au Québec, la sous-représentation des populations issues de l’immigration dans les administrations publiques provinciales, régionales et locales et dans les sociétés d’État de la région métropolitaine de Montréal ainsi que le rôle des trajectoires linguistiques et scolaires, d’une part, et la langue utilisée dans l’espace public au Québec, d’autre part[50].

Pour ce qui est des communautés francophones en situation minoritaire, M. Corbeil a affirmé que des analyses plus fines seraient nécessaires pour mieux comprendre, entre autres choses : la transmission du français aux enfants, le maintien des acquis chez les jeunes dont le français est la langue seconde, les problèmes et les obstacles qui freinent l’accroissement, l’intégration et l’inclusion des immigrants de langue française, les obstacles et les possibilités en matière de trajectoires scolaires en français, du préscolaire à l’universitaire[51]. Pour le Comité, il serait aussi intéressant que l’on s’intéresse à la langue utilisée dans l’espace public.

La capacité du régime linguistique fédéral de protéger et de promouvoir la langue française au Canada et au Québec

Le régime linguistique fédéral

La Loi constitutionnelle de 1867, la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles sont les principaux textes législatifs à la base du régime linguistique fédéral.

En adoptant la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral a conféré à l’anglais et au français le statut de langues officielles et instauré un régime linguistique basé sur les droits individuels. Plus exactement, la partie IV de la Loi sur les langues officielles protège le droit d’une personne de communiquer avec les bureaux du gouvernement du Canada et d’en recevoir des services dans la langue officielle de son choix. La responsabilité d’offrir activement des services dans la langue officielle du citoyen revient aux institutions fédérales. C’est le fondement du bilinguisme institutionnel. Le Commissariat aux langues officielles du Canada explique ce qu’est le bilinguisme institutionnel de la manière suivante :

L’approche du gouvernement fédéral en matière de langues officielles est fondée sur le principe du bilinguisme institutionnel. Par définition, le bilinguisme institutionnel s’entend de la capacité du gouvernement du Canada et de ses institutions de communiquer avec le public dans les deux langues officielles.
Comme le stipule la Loi sur les langues officielles, c’est au gouvernement fédéral que revient la responsabilité de communiquer avec les citoyens canadiens et de les servir dans la langue officielle de leur choix. Le gouvernement du Canada reconnaît qu’il doit répondre aux besoins linguistiques des membres du public et que ce n’est pas à eux de s’adapter à son régime linguistique. En d’autres mots, le gouvernement fédéral canadien doit être bilingue pour ainsi ne pas obliger les citoyens à l’être[52].

L’offre de services fédéraux bilingues comporte un aspect territorial dans la mesure où elle est limitée aux endroits où il y a une présence assez importante de la minorité linguistique. Contrairement au Nouveau-Brunswick où tous les services du gouvernement provincial sont offerts dans les deux langues officielles sur tout le territoire, la désignation linguistique des bureaux fédéraux dépend de deux principaux critères : la demande importante et la vocation du bureau. C’est le Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services qui régit la désignation linguistique des bureaux fédéraux[53]. Le Règlement a récemment fait l’objet d’une révision[54]. Prochainement, de nouveaux facteurs devront être pris en compte dans la désignation linguistique des bureaux fédéraux, notamment leur proximité aux établissements d’enseignement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et une définition plus inclusive de la minorité linguistique qui tient compte des familles bilingues et de la première langue officielle parlée des immigrants.

La partie V de la Loi sur les langues officielles traite du droit des fonctionnaires fédéraux de travailler dans la langue officielle de leur choix. Cette dernière comporte aussi une dimension territoriale dans la mesure ou une liste des régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail, dressée en 1977, circonscrit les régions où un fonctionnaire peut exiger de communiquer à l’oral et à l’écrit avec ses supérieurs, de recevoir des services de l’institution pour laquelle il ou elle travaille et d’avoir accès à des programmes informatiques et du matériel didactique dans la langue de son choix. Les régions désignées bilingues se retrouvent en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick.

En vertu de la partie VII, les institutions fédérales doivent prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cet aspect sera approfondi plus loin dans le rapport. Par ailleurs, le gouvernement du Canada fait la promotion du bilinguisme individuel auprès des Canadiens et Canadiennes qui sont désireux d’apprendre une seconde langue officielle. Pour ce faire, il contribue, par l’entremise d’ententes bilatérales avec les provinces et les territoires, à l’offre de programmes d’enseignement de la langue seconde.

En ce qui a trait à la protection des droits des minorités linguistiques, Me Robert Leckey, le doyen de la Faculté de Droit de l’Université McGill et titulaire de la Chaire Samuel Gale, a affirmé que c’est « l’un des principes sous-jacents qui animent l’ensemble de notre Constitution et qui sont reconnus par la Cour suprême du Canada[55] ». Le plus haut tribunal du pays a statué que « même si les dispositions en matière linguistique sont le résultat de compromis politiques, elles sont le reflet d’un principe large lié à la protection des droits des minorités[56] ».

Enfin, soulignons que les tribunaux canadiens ont confirmé le statut quasi constitutionnel de la Loi sur les langues officielles ainsi que le caractère réparateur des droits linguistiques. Ils ont aussi établi des normes et des principes à partir desquels les droits linguistiques doivent être interprétés.

Les acteurs essentiels

M. Rodrigue Landry, professeur émérite de l’Université de Moncton, a expliqué qu’il y a trois acteurs essentiels qui exercent une influence sur la vitalité d’une langue : la communauté d’intimité, la société civile de la minorité et l’État. Parmi ces trois acteurs, la communauté d’intimité — dont la famille est la cellule de base - est la plus importante sur le plan linguistique puisqu’elle « assure la transmission intergénérationnelle de la langue ainsi que les bases de l’identité des personnes[57] ».

La société civile de la minorité « exerce un leadership inestimable dans la création et le maintien des institutions du groupe, ce qu’on appelle sa complétude institutionnelle[58] ». Elle « agit comme intermédiaire entre les membres de la minorité et l’État[59] ». Sur ce point, M. Éric Forgues, le directeur général de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, a souligné qu’il y a un milieu associatif qui lutte « contre les pressions assimilatrices et que des milliers de francophones et de francophiles contribuent à faire du français une langue vivante[60] ». Ces derniers luttent contre le « lent déclin » du « poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire » et favorisent le regain de vitalité des communautés, notamment dans les régions où leurs « institutions sont fragiles[61] ».

Quant à l’État, il « appuie […] la vitalité de la minorité linguistique en légitimant son existence dans la société par des politiques de reconnaissance des droits individuels et collectifs. Il assure la prestation de programmes et de services dans la langue de la minorité et peut financer des institutions vitales[62]. » En ce qui a trait aux lois et aux politiques linguistiques, elles ont « un effet optimal sur la vitalité d’une minorité linguistique lorsqu’elle favorise la croissance de l’identité collective du groupe et coordonne une synergie de mesures concertées des trois acteurs essentiels à sa vitalité[63] ». La responsabilité de la coordination et de la synergie entre les trois acteurs relève de l’État.

Opinions concernant la capacité du régime linguistique fédéral de protéger et de promouvoir la langue française

Les témoins ont présenté différentes opinions en ce qui a trait à la capacité du régime linguistique fédéral actuel de protéger et de promouvoir la langue française au Canada et au Québec.

De manière générale, le Comité a entendu deux visions de la part des témoins. Selon la première, le régime linguistique fédéral actuel — un modèle axé principalement sur l’égalité législative des deux langues officielles, les droits individuels et les droits collectifs des minorités de langue officielle — peut protéger et promouvoir la langue française, moyennant une révision de la Loi sur les langues officielles.

La seconde vision prône une approche territoriale, basée principalement sur les frontières provinciales du Québec, et l’asymétrie législative en matière de droits linguistiques.

Il importe de noter que l’égalité réelle et l’asymétrie législative ne sont pas synonymes. L’égalité réelle en matière linguistique présuppose que les deux langues officielles ont le même statut devant la loi, mais que la mise en œuvre des droits linguistiques tient compte des besoins et des contextes particuliers dans lequel évoluent les communautés de langue officielle en situation minoritaire. C’est une norme en droit canadien[64]. L’asymétrie législative prévoit l’établissement de régimes linguistiques distincts dans lesquels les langues n’ont pas le même statut légal.

Pour une approche fondée sur l’individu

Me Érik Labelle Eastaugh, professeur et directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques de la Faculté de droit de l’Université de Moncton, reconnaît que, sur le plan sociologique, il existe un déséquilibre entre l’anglais et le français. Or, il a affirmé que cette réalité sociologique n’a pas de base légale.

Selon Me Labelle Eastaugh, l’égalité législative des deux langues officielles — enchâssée dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles — n’a pas pour effet de désavantager le français. Au contraire, elle confère aux collectivités francophones la capacité de s’épanouir malgré le déséquilibre sociologique par rapport à l’anglais en raison, notamment, de l’application du principe de l’égalité réelle[65].

Par ailleurs, Me Labelle Eastaugh a affirmé que la jurisprudence en matière linguistique tient compte du déséquilibre sociologique entre l’anglais et le français au Québec. Dans l’arrêt Ford[66] qui porte sur les exigences en matière d’affichage, la Cour suprême du Canada a reconnu la fragilité du français et le rôle que doit jouer le gouvernement du Québec pour la protection de cette dernière. Dans l’arrêt Solski[67] qui porte sur les « écoles passerelles » au Québec, la Cour suprême a souligné que cette disposition doit être interprétée en tenant compte du contexte particulier de chaque communauté linguistique. Qui plus est, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés s’applique différemment au Québec, en raison d’une exception explicite prévue à la Loi constitutionnelle de 1982[68].

Me Labelle Eastaugh a aussi souligné que la Constitution impose aux deux ordres de gouvernements des obligations particulières quant à la protection de la langue française : « À preuve, le paragraphe 16 (3) de la Charte canadienne des droits et libertés invite le Parlement ainsi que les législatures provinciales à légiférer afin de faire progresser l’égalité de l’anglais et du français dans la société canadienne[69]. » Me Labelle Eastaugh a conclu que, si le Parlement souhaite prendre des mesures additionnelles pour protéger et promouvoir le français, il est possible de le faire dans le cadre du régime linguistique actuel.

Pour une approche fondée sur le territoire

M. Castonguay a présenté une vision diamétralement opposée. Il a affirmé que les « politiques linguistiques fédérales et provinciales ne permettent pas de préserver la dualité linguistique fondamentale du Canada ou le caractère français de la province du Québec[70] ». Il est d’avis que, dès la mise en œuvre de la première Loi sur les langues officielles en 1969, un « conflit était inévitable[71] » entre l’approche du Canada basée sur les droits individuels et l’approche territoriale du Québec favorisant « une seule langue officielle et commune[72] ». Pour M. Castonguay, il est clair qu’un régime linguistique territorial aurait dû prévaloir dans l’aménagement du régime linguistique fédéral :

Plus un groupe linguistique minoritaire est concentré sur un territoire donné, mieux il résiste à l’assimilation à la langue majoritaire. Par conséquent, une politique linguistique visant à préserver le volet français de la population du Canada aurait dû maintenir et promouvoir, d’abord et avant tout, le caractère français du Québec[73].

M. Castonguay croit que « la preuve la plus accablante de la faillite de la politique linguistique du Canada [est] l’anglicisation sans cesse croissante des francophones dans la capitale même du Canada qui a très exactement doublé depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles du Canada[74] ». Il est donc d’avis qu’il « est donc grand temps de s’assurer que la politique linguistique du Canada prévie[nne] la progression de l’érosion du volet francophone d’une dualité linguistique canadienne en déclin[75] ».

M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé de l’Université de Sherbrooke, a fait valoir que la littérature scientifique portant sur les deux principaux types d’aménagement linguistique – celui de la personnalité et celui de la territorialité – démontre, sur le plan théorique, qu’une « seule une approche fondée sur la territorialité peut assurer la survie et l’épanouissement d’une langue minoritaire[76] ». En commentant plus directement le modèle canadien, M. Rousseau a affirmé que, si l’objectif poursuivi est « strictement d’assurer le respect des droits individuels, l’approche fondée sur la personnalité peut être intéressante[77] ». Or, il est d’avis que « pour ce qui est de l’effet sur l’épanouissement de la langue et sur sa survie à travers les générations, l’approche fondée sur la personnalité ne donne vraiment pas de bons résultats, parce que la langue dominante va systématiquement s’imposer[78] ». Il conclut que « traditionnellement, le droit fédéral met un peu trop l’accent sur les droits [individuels][79] » et que « son approche ne donne pas de bons résultats sur le plan sociodémographique, 54 ans après la première Loi sur les langues officielles[80] ».

Me François Côté, auteur et avocat du groupe Impératif français, abonde dans le même sens :

Au Québec, à tout le moins, la langue française doit véritablement être la langue commune, et non faire l’objet d’une simple revendication individuelle. C’est le modèle territorial qui nous permettra véritablement de défendre une langue collective là où elle se trouve en majorité, alors qu’elle est en minorité dans un ensemble fédéral.
On a besoin carrément de rompre avec l’esprit du bilinguisme symétrique pour épouser le bilinguisme asymétrique, avec une facture territoriale, dans l’esprit de Camille Laurin et de la Charte de la langue française. C’est la seule véritable manière d’obtenir des effets de protection linguistique au Québec[81].
L’impact de la Loi sur les langues officielles au Québec

Selon Mme Anne Meggs, ancienne directrice de la recherche à l’Office québécois de la langue française, la partie IV de la Loi sur les langues officielles - la langue des communications et des services offerts au public - imposerait le bilinguisme sur le territoire québécois[82]. L’affichage bilingue du gouvernement du Canada aurait un « effet significatif sur le visage linguistique du Québec » et fait en sorte « qu’il est impossible pour le gouvernement du Québec d’imposer un affichage commercial uniquement en français[83] ».

En revanche, Mme Meggs a comparé la Loi sur les langues officielles à la Loi sur les services en français de l’Ontario en disant que cette dernière n’a pas pour objectif « de faire de l’Ontario une province officiellement bilingue », qu’elle assure plutôt « que les francophones ont accès à des services là où ils habitent[84] ». Cette réflexion lui a permis d’en arriver au même constat en ce qui a trait à la Loi sur les langues officielles : « [L]a Loi sur les langues officielles fait en général la même chose au niveau fédéral. Elle concerne les services offerts dans les institutions fédérales[85]. »

M. Rodrigue Landry a expliqué que la partie IV de la Loi sur les langues officielles a peu d’impact sur l’identité linguistique des gens :

Nos recherches montrent que les contacts avec l’administration publique ne se distinguent pas des autres types de contact langagier dans la sphère publique. Ces contacts langagiers n’ont aucun lien statistique avec l’identité linguistique des personnes; ils sont plutôt liés à la vitalité linguistique subjective, c’est-à-dire à la perception par les personnes du statut et de la vitalité d’une langue dans la société. Cette vitalité subjective n’est que faiblement liée au désir de faire partie de la communauté minoritaire.
Les services publics offerts par le gouvernement fédéral ne représentent qu’une infime partie des expériences langagières dans la sphère publique. La Loi sur les langues officielles a donc peu d’incidence sur le développement langagier des individus[86].

Complément d’information : le Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services – actuellement en vigueur - repose sur le principe des droits linguistiques individuels, mais l’offre des services dans la langue de la minorité est offerte uniquement là où la présence de la minorité et son réseau scolaire sont suffisamment forts pour justifier une telle offre. Par ailleurs, la partie V de la Loi sur les langues officielles comporte une liste des régions bilingues du Canada aux fins de la langue de travail. Selon cette liste, les fonctionnaires fédéraux au Québec peuvent travailler dans la langue de leur choix à Montréal et dans 11 comtés au Québec[87]. Ailleurs en province, les fonctionnaires n’ont pas de recours s’ils souhaitent revendiquer le droit de travailler en anglais, langue de la minorité. Il importe de souligner que le droit de travailler dans la langue de son choix ne donne pas au fonctionnaire fédéral la possibilité de choisir la langue dans laquelle il communique avec le public.

Pour les témoins en faveur de l’asymétrie législative en matière linguistique, la principale pierre d’achoppement de la Loi sur les langues officielles est la partie VII. Relativement récente, la partie VII a été ajoutée à la seconde mouture de la Loi sur les langues officielles en 1988. Selon M. Robert Laplante, directeur de l’Action nationale, la partie VII aurait pour objectif de porter atteinte au régime linguistique québécois : « [U]ne loi peut être conçue pour en défaire une autre. Cette partie de la Loi sur les langues officielles a ceci de particulier qu’elle soutient activement la mise en échec de certaines des aspirations légitimes endossées par l’Assemblée nationale du Québec en matière d’aménagement linguistique[88]. »

Selon Mme Meggs, les « articles de la Loi [sur les langues officielles] les plus problématiques […] sont ceux qui créent le concept d’une minorité anglophone au Canada et qui proposent des mesures pour favoriser l’épanouissement et le développement de cette minorité[89] ». M. Frédéric Lacroix a expliqué ce raisonnement de la manière suivante :

Par un jeu de symétrie, la Loi sur les langues officielles institue une double majorité au Canada: les anglophones seraient majoritaires hors Québec, tandis que les francophones seraient majoritaires au Québec. Cette double majorité est effective seulement si l’on considère que la dynamique linguistique est déterminée par les frontières provinciales. Or, ceci est faux. La dynamique linguistique est déterminée par le pays auquel appartient le Québec, c’est-à-dire le Canada[90].

Les tenants de ce discours estiment que la population anglophone du Québec ne forme pas une minorité, mais qu’elle fait partie de la majorité anglophone canadienne[91] . Ainsi donc, cela devrait être reflété dans le soutien que le gouvernement fédéral accorde aux communautés de langue anglaise au Québec[92]. Pour certains témoins, le financement fédéral actuel cause un déséquilibre, soit un « surfinancement des programmes[93] » ou une « surcomplétude institutionnelle » chez le groupe anglophone au Québec. Ils estiment que le financement fédéral devrait plutôt servir à la protection et à la promotion du français, faute de quoi il pourrait encourager l’anglicisation au Québec, notamment à Montréal[94].

Par ailleurs, Mme Meggs a affirmé que le régime linguistique fédéral « engendre également des embûches pour le Québec à la défense du français hors Québec en créant « une fausse symétrie entre le français hors Québec et l’anglais au Québec…[95] » Elle a illustré ce point en donnant l’exemple suivant : si le Québec, « dénonce la fermeture d’un hôpital français dans une autre province, le Québec nuit à sa propre marge de manœuvre dans la gestion de son système de santé[96] ».

Enfin, Mme Meggs estime que la « fausse symétrie » instituée par le régime linguistique fédéral, « nuit aussi à la cohésion sociale au Québec[97] ».

Les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés relatives aux droits scolaires des minorités de langue officielle auraient nui à l’édification du régime linguistique québécois. Mme Meggs a affirmé que des recours en justice basés sur la Charte canadienne des droits et libertés ont eu comme conséquence l’abrogation « de larges parties de la version originale de la Charte de la langue française, ce qui a limité la capacité du gouvernement du Québec à légiférer en faveur du français […][98] ». Dans cette même veine, M. Rousseau a souligné qu’un « certain nombre de jugements de la Cour suprême sont venus amoindrir la protection accordée au français au Québec. Par conséquent, la Loi 101 [Charte de la langue française], autrement dit le droit linguistique québécois, s’est éloignée du modèle territorial et s’est rapprochée de plus en plus du modèle fondé sur la personnalité[99]. » Selon M. Rousseau, il y a un lien de cause à effet à établir entre les modifications apportées à la Charte de la Langue française à la suite de ces jugements et le déclin du français : « [À] la fin des années 1980, les indices de vitalité du français se sont remis à décliner[100]. »

La territorialité et les francophones en situation minoritaire

Mme Anne Meggs a concédé que, « hors Québec, la situation du français serait sans doute encore plus fragile sans les dispositions linguistiques de la Constitution canadienne et le soutien que le gouvernement fédéral fournit aux provinces pour l’éducation en français à tous les niveaux et à certains groupes de défense du français[101] ».

Une approche territoriale pour la protection et la promotion du français n’est pas nécessairement adaptée aux réalités de toutes les communautés francophones en situation minoritaire. M. Rousseau a affirmé à quatre reprises que le gouvernement du Canada devrait « concentrer ses efforts de promotion du français au Québec, mais également dans les autres régions francophones[102] ». Il était d’avis que les « régions à concentration francophone, qui restent à déterminer[103] » devraient être « les régions limitrophes du Québec, soit le Nord du Nouveau‑Brunswick, l’Est ontarien et le Labrador, et peut-être quelques autres[104] ». Ce n’est que vers la fin de sa comparution que M. Rousseau a concédé que l’approche territoriale n’est pas convenable pour toutes les communautés francophones en situation minoritaire et que le modèle basé sur la personnalité peut être envisagé :

Lorsque l'on vise cet objectif dans une communauté de l'Ouest canadien, ce n'est pas l'approche fondée sur la territorialité que nous allons encourager. Par contre, du point de vue du respect des droits linguistiques individuels, cela peut tout à fait être justifié de proposer des mesures pour les communautés francophones très isolées dans l'Ouest canadien. Il faut tenir compte des deux objectifs[105].

Ces propos ont été notés par Mme Tanya Tamilio, la présidente du Conseil d’administration du Centre communautaire francophone de Sarnia-Lambton (Ontario). Dans la subdivision de recensement de Sarnia (Ontario), la minorité francophone représente 2,4 % de la population. Pour Mme Tamilio, l’idée d’appliquer un régime territorial aux régions à forte concentration francophone – si on exclut le critère de la proximité au Québec - voudrait dire que la communauté francophone de sa région aurait à se rendre « peut-être la région de Toronto, qui est quand même à deux heures et demie de chez nous[106] ». Comme elle a affirmé, « ce n’est pas à la porte[107] ».

Pour un renforcement des mesures visant à protéger et à promouvoir la langue française

Complément d’information

Le 17 février 2021, l’ancienne ministre des Langues officielles, l’honorable Mélanie Joly, a publié un document de réforme intitulé : Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada (le document de réforme). Ce document jette les bases pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles, la pièce maîtresse du régime linguistique fédéral. Notons que la lettre de mandat de la nouvelle ministre des Langues officielles, l’honorable Ginette Petitpas-Taylor, précise qu’elle doit « travailler pour assurer l’avenir de la langue française au Canada en mettant pleinement en œuvre les mesures décrites dans le Livre blanc, Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada[108] ».

Comme mentionné précédemment, certains témoins ont commenté les propositions contenues dans le document de réforme dans l’optique de renforcer les mesures du gouvernement du Canada pour protéger et promouvoir le français au Canada et au Québec. Certains témoins ayant comparu lors de la 1re session de la 44e législature ont également commenté le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Un nouveau projet de loi, le C-13 a été déposé le 1er mars 2022, et le Comité a terminé son étude avant que les témoins aient l’occasion de le commenter.

Opinions générales des témoins francophones aux propositions de modernisation du gouvernement du Canada

De manière générale, le document de réforme a été bien accueilli par les représentants des communautés francophones en situation minoritaire. La FCFA a d’ailleurs affirmé que le projet de réforme « répondait à plusieurs des demandes et des priorités des communautés. […] 80 % de nos demandes y étaient[109]. » M. Alexandre Cédric Doucet, le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick a affirmé ce qui suit :

L’ensemble de la francophonie canadienne se réjouit que, à l’heure actuelle, le gouvernement fédéral démontre un véritable désir de s’attacher à promouvoir la pérennité du français au pays. Nous sommes en droit d’espérer que la vision de la ministre Mélanie Joly trace enfin, une fois pour toutes, une voie vers l’égalité réelle[110].

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec a aussi affirmé qu’elle se « réjouit de la volonté du gouvernement du Canada de moderniser la Loi sur les langues officielles » et que « toutes les mesures visant à améliorer la place du français sont les bienvenues, et c’est pourquoi [elle salue] le dépôt du livre blanc en février dernier[111] ».

Le constitutionnaliste Me Mark Power, a présenté une opinion diamétralement opposée à celles qui précèdent. Sans détour, il a affirmé « que le projet de loi C‑ 32 déposé en juin dernier n’est pas bon pour le français hors Québec. Il n’est pas très bon pour le français au Québec et il n’est pas très bon pour les anglophones du Québec. Il y a énormément de travail à faire pour que la réforme de la Loi sur les langues officielles fédérale puisse nous aider à vivre en français, que nous soyons au Québec ou à l’extérieur du Québec[112]. »

Pour Mme Alepin, « la modernisation de la Loi sur les langues officielles doit accentuer l'appui aux francophones hors Québec[113] ». Elle est d’avis qu’« au Québec, la Loi sur les langues officielles fait partie du problème, pas de la solution[114] ». Elle était donc d’avis qu’il faudrait apporter d’importants changements au régime linguistique fédéral pour « renverser la vapeur[115] », notamment « que les fonds versés en vertu de la Loi sur les langues officielles soient investis massivement dans la protection et la promotion de la langue et de la culture françaises dans toutes les provinces et tous les territoires à majorité anglaise ainsi qu'au Québec[116] »; « la création d'un collège spécialisé dans la radio et la télévision au Québec pour assurer au Québec une protection et une promotion accrues du français à la radio, à la télévision et sur Internet[117] »; et de « soumettre les entreprises relevant de la compétence fédérale aux dispositions de la Loi 101[118] ».

Pour Frédéric Lacroix, des changements aux fondements du régime linguistique fédéral s’impose :

À mon avis, le principe de personnalité doit être abandonné si l'on souhaite véritablement atteindre l'égalité réelle entre le français et l'anglais au Québec. La Loi sur les langues officielles devrait considérer et reconnaître que le Québec est une province de langue française. Cela aurait de nombreuses conséquences pratiques[119].

Selon M. Rousseau, il faudrait « soutenir l'application de la Loi 101 dans les entreprises privées et de compétence fédérale, offrir des subventions aux groupes de promotion du français au Québec, et pas seulement de l'anglais, et implanter davantage de mesures pour garantir le droit de travailler en français aux fonctionnaires fédéraux au Québec et dans les zones limitrophes[120] ».

Questionnés au sujet des délais entourant la présentation d’un projet de loi visant à moderniser la Loi sur les langues officielles, certains témoins ont affirmé qu’ils jouent contre les droits linguistiques et la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Me Darius Bossé a exprimé ses inquiétudes de la manière suivante :

C’est évident que, de jour en jour, le retard dans la mise en œuvre de la modernisation de la Loi cause des torts qui, à un certain moment, deviennent irréparables. Oui, malheureusement, c’est le cas[121].

Mme Angela Cassie, présidente de la Société franco-manitobaine, a affirmé que, compte tenu du processus qui a précédé la rédaction du projet de loi C-32, désormais, le gouvernement doit précéder rapidement :

Le travail qui a précédé le projet de loi C‑ 32, que nous attendions depuis plusieurs années, n’a pas été fait à la hâte. Au contraire, c’est le résultat de plusieurs études et consultations qui remontent à plusieurs années. Tout retard supplémentaire ne ferait qu’affaiblir davantage la position du français dans nos communautés. Le travail parlementaire devrait donc être entamé sans délai[122].

Opinions générales de certains témoins anglophones du Québec aux propositions de modernisation du gouvernement du Canada et les conséquences de celles-ci

Le Quebec Community Groups Network (QCGN), un organisme de représentation des communautés d’expression anglaise du Québec, approuve un certain nombre de propositions contenues dans le document de réforme. Cela étant dit, l’honorable Marlene Jennings, la présidente de l’organisme, a affirmé que certaines propositions représentent « un changement fondamental dans l’engagement du gouvernement fédéral à l’égard des langues officielles, et les effets interprétatifs de ce changement sur les droits des Canadiens en matière de langues officielles ne sont pas clairs[123] ». Les communautés d’expression anglaise du Québec se trouveraient donc « en terrain inconnu ». Par ailleurs, elle a affirmé « qu’à première vue, cela [certaines propositions] pourrait mettre en péril les droits des anglophones du Québec à l’avenir[124] ».

Le QCGN s’est aussi dit déçu que le document de réforme ne se penche pas sur les problèmes particuliers avec lesquels les communautés anglophones doivent composer, notamment : un haut taux de chômage et des revenus médians inférieurs à ceux de la majorité francophone, et ce malgré le fait que les anglophones du Québec affichent un haut taux de diplomation[125]. Comme l’a précisé Mme Jennings, presque un Québécois d’expression anglaise sur cinq vit sous le seuil de pauvreté[126]. Par ailleurs, Mme Jennings a affirmé que le gouvernement du Québec, « le principal employeur […] a levé le pont-levis pour empêcher les Québécois anglophones d’entrer dans son château. À peine 1 % des fonctionnaires québécois sont anglophones[127]. » En ce qui concerne la fonction publique fédérale, « dans toutes les institutions fédérales du Québec assujetties à la mouture actuelle de la Loi sur les langues officielles — c’est-à-dire plus de la moitié des institutions —, les Québécois anglophones sont sous-représentés[128] ». Le QCGN et ses membres souhaitent que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour améliorer le sort des Québécois d’expression anglaise[129].

L’égalité de statut des deux langues officielles mis à l’épreuve?

Comme mentionné précédemment, le QCGN craint les effets de certaines propositions législatives mises de l’avant dans le document de réforme du gouvernement du Canada. Dans cette même veine, le doyen Leckey a commenté le document de réforme en affirmant qu’il « semble que les propositions législatives […] représenteraient une modification fondamentale du cadre et de l’objectif de la Loi sur les langues officielles[130] ». Plus précisément, il se demande « si les propositions reviendraient à s’éloigner de l’égalité de statut des deux langues officielles[131] » telle qu’inscrite au paragraphe 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés :

Le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada[132].

Les propositions potentiellement contentieuses ont trait à la reconnaissance des régimes linguistiques provinciaux et territoriaux dans la Loi sur les langues officielles et à l’octroi de droits uniquement pour les francophones.

La reconnaissance de la spécificité linguistique des provinces et des territoires

Le document de réforme et le projet de loi C-32 proposaient de reconnaître les régimes linguistiques des provinces et des territoires, dont celui du Québec, du Nouveau-Brunswick et, dans une certaine mesure, certaines dispositions en vigueur au Manitoba.

Certains observateurs estiment que la reconnaissance des régimes linguistiques provinciaux et territoriaux pourrait être problématique pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Comme l’a expliqué le doyen Leckey, « le cadre de la loi est neutre par rapport aux provinces. Les mêmes principes juridiques s’appliquent dans l’ensemble de la fédération[133]. » Compte tenu du fait que les droits linguistiques varient « d’une province à l’autre […] » et que « dans certaines provinces, ces droits ne sont pas prévus par la loi[134] », le doyen estime qu’il y a lieu de se demander « quel effet cela [pourrait avoir] sur l’interprétation des droits linguistiques des minorités de langue officielle[135]? ». Sur ce point, le doyen Leckey a proposé la réflexion suivante :

Ce principe de reconnaissance de la dynamique linguistique permettrait-il d’arrimer les exigences de la loi fédérale à ces garanties provinciales variables ? Compte tenu de l’importance symbolique de la loi, les tribunaux pourraient-ils déceler dans son libellé une justification pour une interprétation différente des garanties linguistiques de la Charte, y compris l’article 23?
La proposition s’écarte-t-elle de l’affirmation de la Cour suprême selon laquelle les droits linguistiques doivent, dans tous les cas, être interprétés en fonction de leur objet, de manière à assurer le maintien et l’épanouissement des communautés de langue officielle du Canada[136]?

En ce qui concerne le Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue, le document de réforme et le projet de loi C-32 proposaient d’assurer la pleine mise en œuvre des articles de la Charte canadienne des droits et libertés qui ont trait à cette province (les paragraphes 16 (2), 16.1 (1), 16.1 (2), 17 (2) et 18 (2)) et d’arrimer la Loi sur les langues officielles fédérale à la loi provinciale. Comme l’a expliqué M. Landry, le Nouveau-Brunswick a mis en place un système dans lequel chaque groupe linguistique gère ses propres établissements. Il s’agirait d’un exemple d’autonomie culturelle, « adaptée à la vitalité de chaque communauté[137] ».

De nouvelles mesures législatives proposées pour les droits des francophones

La protection du français au Canada et au Québec

L’article 2 du projet de loi C-32 modifiait le préambule de la Loi sur les langues officielles afin d’en élargir sa portée, notamment pour spécifier l’engagement du gouvernement fédéral à protéger et promouvoir le français en reconnaissant que cette langue est en situation minoritaire. Selon le doyen Leckey, « il s’agirait d’une […] grande première dans la loi linguistique fédérale[138] ».

La majorité des témoins a dit reconnaître que le français, même au Québec, doit faire l’objet de mesures plus robustes pour assurer sa pérennité. La FCFA a affirmé que cet engagement « est non seulement le bienvenu, mais il est nécessaire, vu la vulnérabilité du français[139] ». Dans cette même veine, les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec ont affirmé qu’il est impératif que les gouvernements fédéral et provincial posent des gestes forts et qu’ils coordonnent leurs actions dans le but de sauver et promouvoir le français au Canada[140]. Ils se sont dits « heureux » que le document de réforme « reconnai[sse] le recul du français[141] ».

Le QCGN a dit accepter le fait que la langue française nécessite une attention particulière et qu’elle est la langue officielle du Québec. Son objectif est de soutenir le français au Canada et au Québec tout en revendiquant le droit d’assurer la vitalité des communautés anglophones du Québec[142]. Comme l’a expliqué l’honorable Marlene Jennings, « la majorité des anglophones du Québec y sont restés après la tourmente des années 1970. Le Québec, c’est aussi chez nous, et nous savons que nous devons apprendre le français et l’utiliser dans l’espace public[143]. » Elle a aussi souligné le fait que ce sont des parents anglophones qui ont mis sur pied les premiers programmes d’immersion française et que les institutions communautaires de la minorité desservent tous les Québécois[144].

La langue des affaires et du travail dans les entreprises privées de compétence fédérale au Québec et dans les régions à forte présence francophone

Les règles encadrant l’utilisation du français à titre de langue des affaires et du travail au Québec découlent de la Charte de la langue française, une loi québécoise. Cela dit, la question de la langue des affaires et du travail au Québec a été soulevée au Comité dans le contexte des entreprises privées de compétence fédérale.

Le 24 novembre 2020, l’Assemblée nationale du Québec a été unanime pour adopter une motion concernant la langue de travail et de service dans les entreprises de compétence fédérale au Québec : « [L]a Charte de la langue française doit s’appliquer aux entreprises de compétence fédérale au Québec et exige du gouvernement du Canada qu’il s’engage formellement à travailler avec le Québec afin d’assurer la mise en œuvre de ce changement. » Le 9 décembre 2020, six ex-premiers ministres du Québec ont cosigné une lettre en appui à cette prise de position.

Le 4 novembre 2021, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité une résolution réaffirmant que la protection du français est essentielle et que la Charte de la langue française doit s’appliquer aux entreprises privées de réglementation fédérale au Québec. La résolution en question se lit de la manière suivante :

Que l’Assemblée nation réaffirme l’importance de défendre la langue française au travail afin d’assurer sa pérennité;
Qu’elle reconnaisse que la Loi sur les langues officielles fédérale échoue à protéger la langue française au Québec;
Qu’elle souligne l’importance que la Charte de la langue française s’applique aux entreprises de compétence fédérale, incluant leurs dirigeantes et leurs dirigeants;
Que l’Assemblée nationale exige également que les ministères et organismes fédéraux situés sur le territoire du Québec soient assujettis exclusivement à la Charte de la langue française[145].

Complément d’information : À l’heure actuelle, aucune exigence linguistique n’est imposée aux entreprises privées de compétence fédérale, tant celles situées au Québec que celles qui œuvrent dans les autres provinces et territoires. Cela dit, soulignons qu’un certain nombre de celles dont le siège social est au Québec ont déjà entrepris une démarche de francisation auprès de l’Office québécois de la langue française; elles se sont volontairement assujetties au régime de la Charte de la langue française.

Dans le document de réforme et dans le projet de loi C-32, le gouvernement du Canada avait proposé d’assujettir les entreprises privées de compétence fédérale située au Québec ainsi que celles dont le siège social est situé dans une région à « forte présence francophone[146] » à de nouvelles exigences linguistiques inscrites dans la Loi sur les langues officielles. Ces dispositions, fortement inspirées de la Charte de la langue française du Québec en matière de langue des affaires et du travail, visaient, entre autres choses, à garantir aux consommateurs francophones le droit de communiquer et de recevoir des services en français de la part des entreprises ciblées. Elles devaient également conférer aux employés desdites entreprises le droit de travailler en français, incluant le droit d’être supervisé en français, le droit de recevoir les communications et de la documentation en français et le droit d’utiliser des instruments de travail en français.

Par ailleurs, un article énonçait l’obligation, imposée aux entreprises privées de compétence fédérale au Québec et dans les régions à forte présence francophone, de promouvoir l’usage du français dans ces lieux de travail et d’établir un comité pour appuyer la haute direction desdites entreprises en matière linguistique. Enfin, le projet de loi C-32, à l’instar de la Charte de la langue française, précisait qu’aucun traitement défavorable ne pouvait être réservé aux employés des entreprises privées de compétence fédérale sous prétexte d’une connaissance insuffisante d’une autre langue que le français ou d’une plainte déposée auprès du Commissariat aux langues officielles.

Me Côté avait présenté au Comité trois propositions législatives concernant les obligations linguistiques des entreprises privées de compétence fédérale au Québec. Il avait, entre autres idées, proposé de modifier la Loi sur les langues officielles pour mettre en place un régime particulier de protection de la langue française au Québec et dans la région de la capitale fédérale. Selon Me Côté, les modifications devraient s’inspirer « des articles 45 et 46 de la Charte de la langue française, empêchant toute forme de discrimination ou de pressions linguistiques à l’embauche ou en cours d’emploi[147] ». Cette solution semble être, dans une large mesure, celle qu’avait retenue le gouvernement du Canada dans l’élaboration du projet de loi C‑32.

Alors que les entreprises privées de compétence fédérale situées dans les régions à forte présence francophone devaient s’assujettir à la Loi sur les langues officielles, le projet de loi C‑32 prévoyait reconnaître la spécificité du régime linguistique du Québec en offrant aux entreprises privées de compétence fédérale de cette province le choix de se soumettre à la Charte de la langue française ou à la Loi sur les langues officielles. Sur le plan pratique, cette option aurait permis aux entreprises qui avaient déjà entrepris un processus de francisation de rester dans le giron de la Charte de la langue française. Selon M. Denis Hamel, le vice-président des Politiques et de la main-d’œuvre du Conseil du patronat du Québec, « dans plus de 80 % des cas, les entreprises relevant du fédéral sont déjà conformes à » la Charte de la langue française[148].

Les témoins qui ont commenté la mise en œuvre d’un régime linguistique dans les entreprises privées de compétence fédérale situées au Québec ont souligné que certaines entreprises s’inquiètent « de se retrouver dans une situation « où elles devraient répondre à la fois aux exigences de la Loi sur les langues officielles et à celles de la Charte de la langue française du Québec[149] ». Comme l’a expliqué la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), « l’application de deux systèmes différents créerait des ambiguïtés qui ne sont ni souhaitables ni nécessaires si nous souhaitons vraiment améliorer l’utilisation du français au Québec[150] ».

S’il advenait que les entreprises privées de compétence fédérale au Québec puissent choisir entre les deux régimes linguistiques, l’Office québécois de la langue française transigerait avec les entreprises soumises au régime de la Charte de la langue française. Comme l’a souligné la FTQ, l’« Office québécois de la langue française devrait être l’organisme responsable de l’application des droits en matière de langue de travail au Québec », car « l’expertise de l’Office remonte à près de 45 ans[151] ». Or, c’est le Commissariat aux langues officielles du Canada qui aurait traité des questions linguistiques auprès de celles qui auraient été assujetties à la Loi sur les langues officielles. Concernant les compétences des chiens de garde des langues officielles du fédéral et du Québec, M. Rousseau a affirmé ce qui suit :

Il faut comprendre que l'Office québécois de la langue française a l'expertise nécessaire pour aller voir les entreprises privées et les accompagner dans la francisation. Le commissaire fédéral aux langues officielles, quant à lui, est beaucoup plus spécialisé dans les institutions publiques. Dans les quelques cas où il tente de faire appliquer la loi dans des entreprises privées comme Air Canada, c'est plus ou moins un succès[152]

M. Karl Blackburn, le président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec, a souligné que « les employeurs craignent l’imposition de mesures législatives ou réglementaires sans nuances ou sans distinctions liées à la taille des entreprises qui auraient pour effet d’accroître la lourdeur bureaucratique et qui seraient difficilement applicables, vu le manque de ressources à cet égard[153] ». Le projet de loi C-32 prévoyait une application différente de la Loi sur les langues officielles selon la taille des entreprises. Le seuil aurait été précisé par règlement.

Certains témoins ont demandé que seule la Charte de la langue française soit en vigueur dans les entreprises privées de compétence fédérale. M. Laplante voit les propositions du gouvernement du Canada comme des mesures visant à entraver la pleine mise en œuvre du régime linguistique québécois : « Le gouvernement fédéral n’a pas à contester l’aménagement linguistique du gouvernement du Québec ni à mettre en place des mesures de résistance — on ne peut pas les appeler autrement — à l’imposition et au respect des obligations linguistiques dans les entreprises relevant du fédéral[154]. »

Pour sa part, le QCGN a affirmé reconnaître que « le français est la langue de travail officielle dans la province du Québec et qu’elle est la langue courante dans la sphère publique[155] ». Plus encore, les représentants de l’organisme ont affirmé que « la très grande majorité des Québécois anglophones sont bilingues, et ils peuvent et veulent travailler en français[156] ». Or, le fait qu’on « propose d’inclure des droits […] qui concernent le français seulement[157] » soulève auprès des Québécois d’expression anglaise des inquiétudes concernant l’application du principe d’égalité législative des deux langues officielles.

Le projet de loi C-32 ne garantissait pas aux consommateurs québécois le droit de communiquer et d’obtenir des services en anglais de manière explicite. Cela étant dit, l’alinéa 45.21 (3) proposait que les consommateurs, « s’ils le souhaitent » puissent « communiquer en anglais ou dans toute autre langue avec l’entreprise privée de compétence fédérale ou de recevoir de celle-ci des services dans cette langue, dans la mesure où elle est apte à le faire ».

En matière de langue de travail, le projet de loi C-32 enchâssait le droit de travailler en français dans les entreprises privées de compétence fédérale au Québec, mais l’alinéa 45.22 (3) du C-32, — « Communication dans les deux langues officielles » — confirmait que les droits des employés de travailler en français « n’empêche pas de communiquer ou de fournir de la documentation dans les deux langues officielles pourvu que l’usage du français dans la communication ou la documentation soit au moins équivalent à celui de l’anglais ».

Enfin, le projet de loi C-32 proposait de protéger des droits acquis pour les employés anglophones des entreprises privées de compétence fédérale au Québec. De fait, l’alinéa 45.24 (2) prévoyait qu’un employeur « ne peut traiter défavorablement un employé qui occupe un poste dans un de ces lieux de travail ou dont le poste est rattaché à un de ces lieux de travail à l’entrée en vigueur du présent paragraphe au seul motif qu’il n’a pas une connaissance suffisante du français ».

Plaidoyer pour un organisme central

Un organisme central (ou agence centrale) est « un organisme gouvernemental dont le rôle consiste à aider le Cabinet à réaliser les objectifs généraux du gouvernement tout en protégeant la responsabilité collective des ministres qui en font partie. Les trois organismes centraux traditionnels sont le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère des Finances[158]. » Le Conseil du trésor a déjà des responsabilités de gestion à l’égard des langues officielles. Pour preuve, son rôle et ses responsabilités sont énumérées à la partie VIII de la Loi sur les langues officielles. Depuis le début du processus visant à moderniser la Loi sur les langues officielles, la majorité des intervenants, notamment les organismes de représentation des communautés de langue officielle en situation minoritaire, demande au gouvernement du Canada de modifier la gouvernance du dossier des langues officielles et d’attribuer l’entière responsabilité de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, à un organisme central, en l’occurrence le Conseil du Trésor.

Le document de réforme proposait certains changements législatifs[159] et administratifs[160] à l’égard de la gouvernance du dossier des langues officielles. M. Dupuis, le directeur général de la FCFA, avait d’ailleurs souligné que les membres de la FCFA étaient « heureux de voir qu’une agence centrale, le Conseil du Trésor, était nommée afin de coordonner la politique des langues officielles et d’assurer sa mise en œuvre, ainsi que la reddition de comptes[161] ». Il a affirmé qu’il « faut s’assurer que ce qui sera proposé dans la loi considère ce rôle horizontal. Celui-ci doit être confié à une seule agence gouvernementale[162]. » Le QCGN abondait dans le même sens : « Il y a lieu d’être optimistes quant aux propositions visant à renforcer le rôle du Conseil du Trésor dans la coordination de la Loi[163]… »

Dans les faits, le document de réforme ne proposait pas de confier le rôle stratégique de la coordination horizontale au Conseil du Trésor. Il prévoyait, sur le plan législatif, de « renforcer et élargir les pouvoirs conférés au Conseil du Trésor, notamment celui de surveiller le respect de la partie VII de la Loi » en lui accordant « les ressources nécessaires pour assumer le rôle d’organisme central chargé de veiller à la conformité des institutions fédérales[164] » et de « confier le rôle stratégique de la coordination horizontale à un seul ministre[165] ». Et de fait, le projet de loi C-32 n’a pas su répondre aux attentes de la majorité des intervenants sur le plan de la gouvernance. Pour Me Power, il s’agissait d’une lacune fondamentale du projet de loi C‑32 :

La meilleure façon de protéger le français au moyen de la Loi sur les langues officielles, que ce soit à Ottawa, à Vancouver, au Nouveau‑Brunswick, à Québec, à Montréal ou à Lévis, c’est de faire en sorte, une fois pour toutes, qu’une agence centrale, comme le Conseil du Trésor, soit responsable de l’application de la Loi.
En ce moment, personne n’est responsable. Personne ne met son pied à terre. Au Conseil des ministres, personne ne frappe la table du poing quand c’est nécessaire. Personne n’exige qu’un ministère fédéral quelconque adopte une certaine conduite.
Si le Conseil du Trésor devient responsable de l’application de la Loi et qu’il contraint ses collègues des ministères à agir, cela va certainement permettre de régler plusieurs problèmes, qu’il s’agisse d’affichage ou de la possibilité de travailler en français partout au Canada, que ce soit à Gatineau ou à Bagotville[166].

Me Power a également insisté sur le fait que le Conseil du trésor doit intervenir en amont :

Il faut faire en sorte que le Conseil du Trésor soit tenu d'agir, et non simplement qu'il ait le choix d'agir quand cela va mal, de sorte qu'il intervienne bien en amont, bien avant que les problèmes surviennent et sans égard au travail fait par le Commissariat aux langues officielles, bien avant la judiciarisation d’une plainte devant la Cour fédérale[167].

Mme Lily Crist, la présidente du conseil d’administration de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, a expliqué que c’est précisément l’autorité que peut exercer le Conseil du trésor auprès des autres institutions fédérales qui motive les intervenants à exiger que ce ministère joue un rôle prépondérant à l’égard de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles[168].

De nouveaux pouvoirs pour le commissaire aux langues officielles

Le document de réforme ainsi que le projet de loi C-32 proposait d’accroitre les pouvoirs du commissaire aux langues officielles. Comme l’a expliqué Mme Sarah Boily, la directrice générale des Langues officielles à Patrimoine canadien, il était prévu que la Loi sur les langues officielles accorderait quatre nouveaux pouvoirs au commissaire aux langues officielles :

Le premier pouvoir lui permettrait de rendre publiques les recommandations de ses rapports d’enquête. Le deuxième l’habiliterait à conclure des accords de conformité avec les organismes fédéraux, selon leur volonté, afin de s’entendre sur le redressement de la situation. Le troisième lui permettrait d’émettre des ordonnances. Comme vous le savez, celles-ci sont homologuées par des cours fédérales, ce qui, encore une fois, permet de s’attendre à un comportement donné de la part des organismes fédéraux[169].

Le quatrième pouvoir compris dans le projet de loi C-32 avait trait au travail du commissaire auprès des entreprises privées de compétence fédérale qui auraient été assujetties à la Loi sur les langues officielles.

Mme Lily Crist a affirmé que son organisme était favorable à ce que le commissaire puisse prendre des « sanctions » et émettre des « ordonnances », « y compris la capacité d’infliger des amendes en cas d’infractions aux dispositions de la Loi[170] ». Mme Angela Cassie abondait dans le même sens :

C’est la raison pour laquelle nous voulons que le commissaire ait la possibilité de faire des ordonnances ou d’imposer des sanctions. On a besoin de plus de mordant. Au cours des dernières années, on a vu que l’approche actuelle ne fonctionnait pas. Elle ne pousse pas les gens à agir et à respecter les droits linguistiques[171].

Pour sa part, Me Lepage s’est dit favorable à l’établissement d’un tribunal administratif :

[L]a LLO devrait être modifiée pour rendre obligatoire l’établissement d’un tribunal indépendant pour statuer sur les violations de la LLO et accorder le pouvoir d’imposer des réparations et des pénalités financières. Je suggère de suivre le modèle des tribunaux sur les droits de la personne[172].

Me Roger Lepage a dit avoir constaté, « que les citoyens déposaient des plaintes auprès du commissaire aux langues officielles, que, par la suite, celui-ci faisait une enquête et déposait un rapport assorti de recommandations et que tout cela donnait très peu de résultats[173] ».

Il y a des résultats uniquement lorsque, par la suite, le commissaire lui-même ou le plaignant soumet le cas à la Cour fédérale et que celui-ci est traité au niveau judiciaire.
Selon moi, le processus actuel manque de mordant. Je pense que le commissaire peut continuer à disposer des mêmes pouvoirs. Par contre, lorsqu’il fait un rapport indiquant que la plainte est fondée et que l’intimé n’est pas prêt à résoudre le cas par voie de négociations et d’ententes, la plainte devrait automatiquement être déposée auprès d’un tribunal indépendant. Il s’agirait d’un tribunal des droits linguistiques au Canada. Il aurait les mêmes pouvoirs qu’un tribunal des droits de la personne[174].

La partie VII de la Loi sur les langues officielles

La partie VII de la Loi sur les langues officielles énonce l’engagement du gouvernement du Canada à soutenir le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Comme l’a expliqué M. Forgues, la partie VII de la Loi sur les langues officielles « vise directement les communautés[175] ». Elle « oblige le gouvernement à prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement des minorités et appuyer leur développement[176] ». En citant le juriste Me Michel Doucet, M. Forgues a rappelé au Comité que la partie VII de la Loi a « un caractère réparateur » et « ne vise pas à consacrer le statu quo, mais bien à remédier à l’érosion historique et progressive des minorités de langue officielle […][177] ». M. Rodrigue Landry a souligné l’importance de la partie VII de la manière suivante :

[U]ne politique ou une loi linguistique n’a d’incidence sur la vitalité d’une minorité que si elle favorise la socialisation langagière et culturelle de ses membres. À notre avis, seule la partie VII de la Loi sur les langues officielles semble au moins implicitement offrir un tel potentiel[178].

En raison de l’importance de la partie VII pour lesdites communautés, les témoins étaient nombreux à demander qu’elle soit renforcée.

La décision de la Cour fédérale d’appel à l’égard de la partie VII

En 2018, la Cour fédérale du Canada a émis un jugement qui a eu un impact considérable sur l’interprétation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Dans l’affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social)[179] (décision Gascon) une cause qui concernait les obligations linguistiques d’une institution fédérale dans le contexte d’une dévolution de pouvoirs vers une province, le juge Gascon a affirmé que l’absence d’une définition de « mesures positives » faisait en sorte que n’importe quelle action prise par une institution fédérale pouvait suffire et qu’il n’y avait pas « de seuil minimal » à respecter. Plus encore, les plaintes à l’origine de l’affaire n’étaient pas fondées, car elles portaient sur des mesures précises, alors qu’il était impossible d’évaluer ce qu’est une mesure positive. Ainsi, le jugement de la Cour fédérale a contraint le commissaire aux langues officielles à revoir ses critères pour examiner les plaintes reçues en vertu de la partie VII. Cela a eu pour effet de rendre plusieurs d’entre elles irrecevables et de limiter les conclusions que le commissaire pouvait tirer de ses enquêtes[180].

La prise d’un règlement à l’égard de la partie VII de la Loi sur les langues officielles

La décision Gascon a créé une demande pressante pour la prise d’un règlement d’application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Plusieurs intervenants croyaient que l’utilité même de la Loi sur les langues officielles pour la protection des communautés de langue officielle en situation minoritaire pourrait être remise en cause si le gouvernement du Canada ne fixait pas les modalités d’exécution des obligations de la partie VII. M. Landry a expliqué la problématique de la manière suivante :

D’après ce que je comprends des analyses de juristes interprétant la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, il y a encore beaucoup de travail à faire pour clarifier son objet et sa portée. Que veut dire appliquer des « mesures positives » pour « favoriser l’épanouissement des minorités », « appuyer leur développement » et « promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne » ? À mon avis, si ces buts ambitieux ne se traduisent pas dans des objectifs concrets et réels de vitalité communautaire ainsi que dans des responsabilités et des engagements clairs pour le gouvernement, la Loi sur les langues officielles risque d’être importante en apparence, vu son caractère symbolique pour le pays, mais sans effet substantiel sur l’égalité réelle des deux grandes communautés linguistiques concernées[181].

Dans son document de réforme, le gouvernement du Canada a donc fait connaître son intention de prendre, dans un premier temps, un règlement qui aurait pour effet d’encadrer la prise des mesures positives pour l’ensemble des institutions fédérales et, dans un deuxième temps, « d’instaurer des instruments de politique contraignants concernant les mesures positives[182] ».

La décision de la Cour fédérale dans l’affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social)[183] a été portée en appel par le commissaire aux langues officielles. La décision de la Cour d’appel fédérale est tombée le 28 janvier 2022.

Dans Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social Canada)[184], la Cour d’appel fédérale a renversé la partie du jugement de première instance dans Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social)[185] qui portait sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles, affirmant que « le juge de première instance fait une interprétation de la partie VII qui la vide de tout son sens[186] », qui s’éloigne du libellé de la partie VII et qui « ne tient pas compte de l’objet recherché et donne au règlement une vocation que le législateur n’entendait pas lui donner[187] ».

La Cour d’appel fédérale a affirmé que l’engagement du gouvernement fédéral inscrit à la partie VII doit se faire à la lumière de l’objet de la Loi, du principe de protection des minorités, du principe de progression vers l’égalité de statut et d’usage des deux langues officielles et de l’égalité réelle[188]. Qui plus est, elle a reconnu que la partie VII joue un rôle primordial pour contrer l’érosion des minorités de langues officielles et que cela doit guider la façon dont les institutions fédérales prennent leurs mesures positives[189]. Selon la Cour d’appel fédérale, l’obligation de prendre des mesures positives est continue[190].

En ce qui concerne l’absence d’un règlement, la Cour d’appel fédérale a rappelé que, « l’obligation de prendre des mesures positives est issue de la LLO [Loi sur les langues officielles] elle-même et que ce sont les modalités d’exécution de l’obligation ainsi créée que le gouverneur en conseil “peut” fixer par règlement[191] ». Plus encore, « l’obligation de favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles fait appel à des gestes concrets, reconnaissables en fonction de l’objet recherché, sans qu’il soit nécessaire de les préciser de façon plus ample par règlement[192] ».

Toujours sur la question du règlement, la Cour d’appel fédérale a signifié que « la thèse selon laquelle un règlement serait nécessaire pour permettre que des mesures précises soient prises aurait pour effet de paralyser l’obligation prévue à la partie VII et de contrecarrer son objet plutôt que de favoriser sa réalisation[193] ».

Finalement, la Cour d’appel fédérale a confirmé que les tribunaux peuvent exiger des institutions fédérales fautives une réparation, ce qui peut signifier qu’elles doivent prendre des mesures pour remédier aux torts causés aux minorités de langues officielles concernées[194].

Selon Me Mark Power dont le cabinet d’avocats a représenté la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique tout au long de cette bataille juridique, « la Cour d’appel fédérale a rendu un jugement tout à fait fantastique et favorable à l’avancement du français au Canada[195] ».

En ce qui a trait à la prise d’un règlement pour la partie VII, Me Power a affirmé que les Canadiens et les Canadiennes ne peuvent pas compter sur la possibilité qu’un règlement soit pris. Il est donc impératif que le Parlement enchâsse par règlement des dispositions claires en ce qui a trait à l’interprétation et l’application de la partie VII dans le texte même de la Loi sur les langues officielles :

L’avenir des langues officielles au Canada dépend de consignes très claires et très précises, qui seront données par le Parlement. Ces consignes vont mener à des règlements ou non, mais elles ne peuvent pas dépendre du bon vouloir de ceux qui exercent le pouvoir exécutif. En effet, ceux-ci risquent de ne jamais fixer de règlements. C’est essentiellement ce qu’ont démontré les 40 dernières années[196].

Dans leur mémoire, les avocats du cabinet Juristes Power ont réitéré cet argument en soulignant que les « gains devant la Cour d’appel demeurent incertains[197] », puisque « le gouvernement fédéral pourrait essayer de porter le jugement de la Cour d’appel à la Cour suprême du Canada[198] ». Ensuite, la décision portait sur une problématique spécifique, « c’est-à-dire une entente fédérale-provinciale dans le domaine de l’aide à l’emploi sans clause linguistique robuste[199] ». Conséquemment, son application « dans d’autres contextes (par exemple, sa portée dans le domaine de l’immigration, les contextes où il exige l’adoption de clauses linguistiques et leur portée, ou son utilité afin d’encadrer l’obligation de consulter nos communautés), relève de l’argumentaire[200] ».

Pour ces raisons, les avocats du cabinet Juristes Power ont argué qu’il est « impératif de consacrer les gains découlant du jugement de la Cour d’appel dans une LLO modernisée[201] ».

Pour un renforcement de la partie VII

Depuis un certain nombre d’années, les communautés de langue officielle en situation minoritaire et divers intervenants demandent au gouvernement du Canada de prendre quatre principales mesures pour renforcer la partie VII :

  • faire un usage accru de la recherche pour appuyer l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques;
  • mener des consultations effectives auprès des communautés de langue officielle en situation minoritaire;
  • inclure des clauses linguistiques exécutoires dans les ententes ou accords bilatéraux avec les provinces et les territoires;
  • améliorer les pratiques relatives à la transparence et à la reddition de compte.
La recherche pour améliorer les politiques publiques en matière de langues officielles

Sur le plan de la recherche, M. Forgues a souligné qu’il y a « une communauté de chercheurs et de chercheuses » pouvant « aider le gouvernement dans son intervention[202] ». Cette communauté a « une grande expertise dans le domaine des langues officielles » et « plusieurs personnes […] ont apporté une compréhension fine des facteurs qui influent sur la vitalité linguistique d’une communauté[203] ». Les propos M. Landry font écho à ceux de M. Forgues en ce qui a trait à l’importance de la recherche en matière de politique linguistique :

Revitaliser une langue est un projet ambitieux et complexe. On ne revitalise pas une langue sans un véritable plan d’aménagement linguistique. Cette planification repose sur un programme de recherche étendu et continu qui guide la précision d’objectifs prioritaires, la mise en œuvre d’interventions visant leur atteinte et des évaluations vérifiant leur efficacité[204].
« Par et pour » les communautés de langue officielle en situation minoritaire - les consultations s’imposent

Plusieurs témoins ont affirmé que l’intervention du gouvernement canadien en matière de langues officielles doit se faire conformément au principe du « par et pour ». M. Dupuis définit ce concept comme étant « la capacité des communautés d’assurer leur propre développement[205] ». Il a poursuivi sa réflexion sur le sujet en affirmant que cette approche favorise l’autonomisation des communautés :

Cela s’inscrit dans l’idée que les communautés sont des partenaires de développement du gouvernement fédéral, pas juste des groupes à financer. Dans cette perspective, l’aide fédérale aux communautés doit servir à renforcer la prise en charge de ces communautés[206].

Me Power a expliqué que la décision de la Cour fédérale d’appel dans l’affaire Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social Canada)[207]a précisé davantage le concept des consultations auprès des CLOSM. De fait, la Cour d’appel fédérale a affirmé que les institutions fédérales doivent être « à l’écoute et attentives aux besoins des minorités de langues officielles aux quatre coins du pays et s’interrogent sur l’impact que les décisions qu’elles sont appelées à prendre peuvent avoir sur ces minorités[208] ».

M. Forgues a tenu de préciser que les consultations du gouvernement du Canada doivent privilégier la participation citoyenne : « Les consultations ne doivent pas seulement se limiter aux professionnels de la francophonie […], car, par définition, un organisme défendra toujours un point de vue qui est lié à la raison même de son existence, à sa mission, à ses objectifs…[209] » M. Forgues reconnaît que « ces organismes ont développé une expertise dans leurs secteurs d’intervention[210] » et que « cette expertise n’est pas à négliger[211] », mais il a insisté sur le fait qu’on « a eu tendance à négliger l’expertise citoyenne, ces dernières années[212] ». Il a donc proposé que le gouvernement « encourage la création d’espaces de délibérations citoyens pour définir les besoins et les priorités des communautés et proposer des moyens d’y répondre, mais plus largement, pour définir un projet de société pour la francophonie[213] ». Selon M. Forgues, il y aurait un aspect de transparence et de reddition de compte à considérer: « Le gouvernement et les organismes francophones doivent mieux faire connaître leurs actions et leurs réalisations auprès de la population[214]. »

Selon le document de réforme, un règlement qui fixerait les modalités d’exécution de la partie VII toucherait, entre autres questions, à la consultation des intervenants et à la reddition de comptes des institutions fédérales[215]. Selon les avocats du cabinet Juristes Power, il y a lieu d’aller plus loin. Ils demandent au Parlement « de consacrer l’obligation de consultation énoncée par la Cour d’appel dans la LLO et préciser les paramètres de celles-ci[216] ». Ils ont affirmé que la Loi sur les langues officielles et le projet de loi C-32 ne « consacrent pas le principe du "par et pour" et ne prévoient aucun mécanisme de consultation robuste[217] ». Sur ce point, ils conseillent aux parlementaires de s’inspirer du texte du projet de loi C-11, Loi modifiant la loi sur la radiodiffusion pour la rédaction du prochain projet de Loi sur les langues officielles :

5.2 (1) Le Conseil consulte les minorités francophones et anglophones du Canada lorsqu’il prend toute décision susceptible d’avoir sur elles un effet préjudiciable.
Objectifs des consultations
(2) Dans le cadre de ses consultations, le Conseil doit à la fois :
  • a) recueillir des renseignements pour vérifier ses politiques, décisions et initiatives;
  • b) proposer des politiques, décisions et initiatives qui ne sont pas encore arrêtées définitivement;
  • c) obtenir l’opinion des minorités francophones et anglophones du Canada concernant les politiques, décisions et initiatives faisant l’objet des consultations;
  • d) fournir tous les renseignements pertinents sur lesquels reposent ces politiques, décisions et initiatives;
  • e) considérer leur opinion avec ouverture et sérieux;
  • f) être disposé à modifier ces politiques, décisions ou initiatives;
  • g) fournir une rétroaction, tant au cours du processus de consultation qu’après la prise d’une décision[218].

Le soutien accordé aux organismes communautaires de la minorité

Le soutien fédéral pour les réseaux associatifs et institutionnels des minorités de langue officielle est un domaine d’intervention dont il a souvent été question dans les témoignages des représentants des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Me Daniel Boivin, le président de la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law, a souligné l’importance du soutien financier du gouvernement du Canada pour les associations de juristes d’expression française. Il a réitéré ce que plusieurs témoins avant lui ont dit : il est préférable que le soutien financier soit pluriannuel, car le financement ponctuel ou par projets n’assure pas la permanence des organismes.

Cette revendication est, sans contredit, valable pour les organismes qui œuvrent dans d’autres secteurs, notamment celui de la culture. Mme Tamilio a également exprimé le besoin pour du soutien pluriannuel :

L’épanouissement de la langue française fait généralement partie du mandat des organismes communautaires locaux et des programmes de promotion des langues officielles des gouvernements. Le gouvernement fédéral offre des subventions pour la programmation de base, ce qui représente pour nous 30 000 $ par année pour contribuer à l’épanouissement de la langue française dans une ville de langue française en situation minoritaire. Ce montant ne nous permet d’embaucher qu’un employé travaillant 20 heures par semaine, sans salaire concurrentiel ni avantages sociaux[219].

Les organismes comme celui que représente Mme Tamilio peuvent demander du financement pour des projets spécifiques. Or, pour les plus petits organismes, cette façon de procéder pose d’importants défis :

Du côté communautaire, comme je vous le disais plus tôt, nous recevons 30 000 $ par année. Si nous voulons réaliser des projets, nous devons demander des fonds pour des projets en particulier. Alors, si l’on tient compte du temps qui s’écoule avant d’obtenir l’approbation de notre demande de fonds et du fait que nous avons jusqu’au 31 mars pour mener à bien notre projet, il ne nous reste parfois que six mois pour réaliser un super projet pour la francophonie de la région.
Pourquoi le gouvernement ne pourrait-il pas recueillir nos idées de projets et remettre les fonds dans la réserve destinée à la programmation de base plutôt que nous demander de faire des projets à court terme ? Il pourrait simplement nous donner l’argent et les moyens d’aller dans les communautés pour faire la promotion de la langue[220].

L’appui aux institutions des communautés de langue officielle en situation minoritaire est un des volets du document de réforme. La série de mesures législatives et administratives proposées vise, essentiellement, à engager le gouvernement du Canada, dans le respect des juridictions, à soutenir par diverses mesures, les secteurs clés tels que l’immigration, le continuum en éducation, la gestion scolaire, la santé, la culture, la justice et les autres services. Ces mesures comprennent, entre autres choses, des améliorations sur le plan des consultations, la cueillette de données probantes sur les communautés et une meilleure reddition de compte.

Comme l’a indiqué Me Boivin, le renouvèlement du plan d’action pour les langues officielles est une occasion pour mettre en place une initiative structurante et durable qui assurerait la pérennité d’organismes communautaires[221]. Soulignons que le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : investir dans notre avenir avait augmenté le financement de base des organismes communautaires.

La collaboration intergouvernementale : pour des clauses linguistiques exécutoires

L’appui du gouvernemental du Canada pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire se manifeste dans de nombreux secteurs dont plusieurs tombent dans la juridiction des provinces et des territoires.

Le paragraphe 41 2) de Loi sur les langues officielles circonscrit l’appui du gouvernement du Canada en affirmant que les mesures fédérales prises en vertu de la partie VII doivent respecter les champs de compétence et les pouvoirs des provinces. Par ailleurs, le paragraphe 43 (1) précise que le gouvernement du Canada peut « encourager et aider les gouvernements provinciaux à favoriser le développement des minorités francophones et anglophones, et notamment à leur offrir des services provinciaux et municipaux en français et en anglais et à leur permettre de recevoir leur instruction dans leur propre langue » et « encourager et aider ces gouvernements à donner à tous la possibilité d’apprendre le français et l’anglais ».

Dans le respect des juridictions provinciales et fédérales, le gouvernement du Canada négocie avec les provinces et les territoires des ententes ou des accords bilatéraux dans de nombreux domaines. Cela lui permet de se conformer aux exigences de la partie VII tout en respectant les priorités des autres gouvernements. Soulignons que certaines de ces ententes concernent des programmes universels et d’autres sont spécifiques aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Depuis de nombreuses années, les communautés de langue officielle en situation minoritaire et d’autres intervenants, notamment le Comité, ont mis en lumière le fait que, trop souvent, les clauses linguistiques des ententes – lorsqu’il y en a - sont déclaratoires ou limitées. Elles ne contraignent pas les gouvernements provinciaux et territoriaux, signataires volontaires desdites ententes, de mettre en œuvre le principe de l’égalité réel dans le cadre des ententes de type universel, et dans celles visant les communautés, à respecter les termes de ces ententes à la lettre. Les avocats du cabinet Juristes Power affirment sans ambages qu’en « l’absence de clauses linguistiques exécutoires, les provinces et territoires utilisent ces sommes importantes sans égard aux intérêts des communautés de langue officielle[222] » et que « depuis des décennies, leur inclusion et leur qualité dans les ententes […] sont aléatoires[223] ».

Pour la FCFA l’ajout de clauses linguistiques robustes est un moyen privilégié pour renforcer la partie VII. Comme l’a expliqué M. Dupuis, ces clauses peuvent avoir trait aux responsabilités des deux ordres de gouvernement en matière de transparence et de reddition de compte, un enjeu important dans le contexte d’ententes ou d’accords bilatéraux visant des paiements de transferts entre le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux :

Le gouvernement fédéral transfère énormément de fonds en santé, en éducation et en infrastructure aux provinces et aux territoires. Cependant, souvent, on ne peut pas suivre cet argent et on ne peut pas démontrer qu’il a des retombées sur nos communautés. On pourrait faire un transfert de milliards de dollars en infrastructure aux provinces en y incluant une clause linguistique afin d’obliger les provinces à consulter la minorité pour connaître ses besoins en matière d’infrastructure. Cela nous permettrait de nous assurer que les provinces et les territoires tiennent compte de nos besoins lorsqu’ils établissent leurs priorités, lesquelles ont des répercussions directes sur nos communautés[224].

La récente décision dans l’affaire Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social Canada[225]) a trait à la responsabilité qui revient au gouvernement du Canada d’assurer que les droits linguistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire soient respectés dans les ententes intergouvernementales conclues dans le cadre d’une dévolution de pouvoir. Les avocats du cabinet Juristes Power ont expliqué que l’entente concernant l’offre de services d’aide à l’emploi qui avait été conclue en 2008 entre le gouvernement du Canada et celui de la Colombie-Britannique comportait des clauses linguistiques. Or, « aucune d’elles ne permettait au gouvernement fédéral d’intervenir si la province agissait de manière à nuire à la communauté francophone, malgré les demandes en ce sens formulées par la francophonie[226] ». Les craintes des Franco-Colombiens se sont concrétisées quand la province a adopté un modèle de guichet unique. Dès lors, les services en français ont diminué considérablement et « la plupart des organismes francophones [fournisseurs de ces services] ont perdu leur financement[227] ».

La Cour d’appel fédéral a affirmé que le gouvernement du Canada n’avait pas consulté la communauté francophone et, par conséquent, n’avait pas agi de manière à favoriser l’épanouissement des Franco-Colombiens ni « de manière à pallier ou à atténuer les effets de mesures susceptibles d’avoir un impact négatif, notamment l’obligation d’inclure dans l’entente fédérale-provinciale une clause linguistique lui permettant d’intervenir si la province n’agissait pas de manière à soutenir la vitalité de la communauté d’expression française ou agissait de manière à lui nuire[228] ». Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a « ordonné au gouvernement fédéral de résilier l’entente, ou de la renégocier pour y inclure une clause linguistique permettant « que soit reconstitué, dans la mesure du possible, le réseau de services d’aide à l’emploi avec la participation des organismes francophones selon le modèle qui existait avant la signature de l’Entente, en tenant compte des besoins actuels de la minorité linguistique francophone de la C.-B.[229] ».

Les avocats du cabinet Juristes Power ont expliqué que « l’arrêt de la Cour d’appel exige désormais que les institutions fédérales consultent les communautés de langue officielle en situation minoritaire et incluent des clauses linguistiques dans leurs ententes fédérales-provinciales/territoriales qui leur permettent de s’assurer que les provinces et les territoires n’agissent pas d’une manière qui fait obstacle à la vitalité des communautés de langues officielles en situation minoritaire[230] ».

Or comme nous l’avons écrit précédemment, le jugement porte sur un litige particulier et les gains demeurent incertains. Pour ces raisons, les avocats du cabinet Juristes Power arguent que « le Parlement doit prévoir dans la LLO modernisée une obligation d’inclure des clauses linguistiques robustes dans les ententes fédérales-provinciales/territoriales[231] ». Ils précisent que « ni la LLO, ni le projet de loi C-32 n’exigent l’inclusion de clauses linguistiques dans les ententes fédérales-provinciales/territoriales[232] ». Le projet de loi C-13 ne contient pas de disposition en vue d’exiger des clauses linguistiques dans les ententes signées entre le fédéral et les provinces/territoires. Selon l’avocat Roger Lepage, l’absence d’inclusion de clauses linguistiques lorsque le gouvernement a négocié des ententes pour les garderies, a été une occasion manquée par le fédéral[233].

Soutenir la vitalité du français par l’immigration de langue française

L’immigration francophone dans les communautés francophones en situation minoritaire

L’immigration figure parmi les domaines d’intervention jugés vitaux pour assurer la pérennité des communautés francophones au Canada. C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, les communautés francophones en situation minoritaire travaillent en partenariat avec le gouvernement du Canada pour renforcer leurs capacités de recruter, d’accueillir et d’intégrer des immigrants internationaux francophones. En plus d’enrichir les communautés par l’apport de leur culture, de leurs expériences et de leur savoir, les immigrants francophones contribuent à équilibrer le poids démographique des francophones au pays par rapport à celui de la majorité anglophone.

Le gouvernement prend des mesures pour favoriser l’immigration francophone dans les communautés francophones en situation minoritaire à toutes les étapes du processus d’immigration. En mars 2019, le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC) a lancé la stratégie intitulée Atteindre nos objectifs : stratégie en matière d’immigration francophone dans laquelle il a établi une cible de 4,4 % d’immigrants d’expression française à l’extérieur du Québec d’ici 2023. Selon M. Glen Linder, le directeur général des Relations internationales et intergouvernementales, « IRCC a entrepris de nombreuses initiatives pour atteindre cette cible de 4,4 %, notamment en attribuant des points supplémentaires aux candidats francophones ou bilingues dans le cadre d’Entrée express, un système […] pour gérer les demandes de résidence permanente de travailleurs qualifiés à l’extérieur du Québec[234] ». Toujours selon M. Linder, « la stratégie a donné des résultats positifs. La proportion d’admissions n’a cessé d’augmenter, passant de moins de 2 %, en 2017, pour atteindre 3,6 %, en 2020[235]. » En raison de la pandémie de la COVID-19, la proportion des admissions des francophones pour 2021 est tombée à 2 %[236].

Dans le contexte de la pandémie, IRCC a mis en œuvre un certain nombre de mesures, notamment, une voie d’accès de la résidence temporaire à la résidence permanente. M. Linder a affirmé qu’au « moment de la fermeture de cette voie d’accès, le 5 novembre 2021, le ministère avait reçu plus de 2 300 demandes dans les deux volets réservés aux travailleurs essentiels francophones, et environ 4 700 demandes dans le volet réservé aux étudiants internationaux francophones récemment diplômés[237] ».

Mme Corinne Prince, sous-ministre adjointe intérimaire de l'Établissement et de l’intégration, a expliqué qu’IRCC travaille de près avec les communautés francophones en situation minoritaire. À titre d’exemple, elle a souligné que « l’année dernière, nous avons fait passer de 50 à 80 le nombre de fournisseurs de services francophones hors Québec et nous avons investi plusieurs millions de dollars supplémentaires dans les services francophones[238] ». Par ailleurs, il y a quelques semaines, le ministre Fraser, aurait « ajouté neuf organismes de réinstallation supplémentaires pour aider les réfugiés afghans qui arrivent au pays. Nous avons doublé le nombre d’organismes de réinstallation francophones dans cette annonce, en ajoutant des organismes à Bathurst, à Edmonton, à Grande Prairie et à Fort McMurray[239]. »

Malgré les efforts des communautés francophones et d’IRCC, le gouvernement du Canada n’arrive pas à recruter, accueillir et surtout retenir un nombre suffisant d’immigrants francophones pour augmenter la population francophone à l’extérieur du Québec, ni même en ralentir le déclin. Mme Angela Cassie a expliqué la situation au Manitoba de la manière suivante :

De 2010 à 2019, plus de 4 800 immigrants arrivés au Manitoba avaient la capacité de communiquer en français. Malgré nos efforts, et bien que nous ayons une initiative pour les accueillir, en 2020‑2021, nous n’avons accueilli que 301 immigrants et 109 réfugiés.
Alors, nous avons la capacité et la volonté de les accueillir, mais les approbations accusent un retard. On a vraiment besoin d’accélérer le processus et d’avoir des objectifs encore plus audacieux[240].

M. Martin Normand, le directeur de la Recherche stratégique et des relations internationales à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, a soulevé un problème quant au recrutement d’étudiants étrangers dans les établissements d’enseignement postsecondaire de langue française en situation minoritaire :

Nos établissements, et notre réseau d'établissements à proprement parler, ont fait la promotion, dans des établissements de la francophonie canadienne, de la possibilité de poursuivre des études en français à l'extérieur du Québec. Là où le bât blesse, c'est que, du côté d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, on va souvent utiliser la possibilité de demeurer au Canada à la fin de ses études comme motif pour rejeter une demande[241].

Une étude de Statistique Canada a démontré que, dans certaines provinces, il faudrait tripler le nombre d’immigrants de langue française pour maintenir le poids démographique de la population francophone[242]. Comme l’a précisé Mme Crist, dans sa plus récente étude sur l’immigration francophone, le commissaire aux langues officielles estime que « la non-atteinte de cette cible a entraîné un manque à gagner d’environ 76 000 immigrants d’expression francophone dans nos communautés. Ce chiffre pourrait représenter l’ensemble des francophones de ma province[243]. »

Pour M. Termote, l’immigration francophone ne représente pas une panacée pour répondre aux problèmes démographiques des francophones en situation minoritaire. Il est d’avis que « l’immigration de francophones ou de francophiles à l’extérieur du Québec pourrait résoudre le problème quant à l’avenir du français dans certaines régions, par exemple au Manitoba[244] ». Cela dit, il a souligné que « même si l’on réussit à gagner quelques personnes de plus grâce à l’immigration de personnes francophones ou francophiles dans les communautés hors Québec, cela ne va pas permettre de renverser la tendance que l’on constate dans le reste du Canada[245] ». M. Castonguay partage cet avis. Il a affirmé qu’il « est certain que l'immigration francophone qui s'oriente vers le Québec a des possibilités de s'épanouir et de persister, de contribuer de façon permanente au français au Québec, et donc, au Canada[246] ». Cela étant dit, à l’extérieur du Québec, l’immigration francophone n’a pas les effets escomptés, notamment en raison des transferts linguistiques vers l’anglais qui s’opèrent chez les migrants du Québec et les immigrants internationaux: « [L]es personnes d'origine québécoise qui migrent à l'extérieur du Québec, tout comme les personnes immigrantes internationales qui migrent dans les provinces à l'extérieur du Québec, dès la première génération, s'anglicisent presque au même rythme que leur société francophone d'accueil[247]. » La question des transferts linguistiques est approfondie plus loin dans le rapport.

Le document de réforme sur la Loi sur les langues officielles cible l’immigration comme un domaine d’intervention prioritaire. Le gouvernement du Canada prévoit inscrire dans la Loi sur les langues officielles l’obligation d’adopter une politique sur l’immigration francophone et d’inclure un volet à ce sujet dans la prochaine stratégie fédérale pangouvernementale. M. Dupuis de la FCFA, dont le témoignage précède le dépôt du projet de loi C-32, s’est dit heureux d’un tel engagement. Il a suggéré que la création de cette politique sur l’immigration francophone se fasse en cocréation avec les communautés. Il était d’avis qu’une politique faite sur mesure « par, pour et avec » les francophones permettrait d’élaborer une meilleure approche en matière d’immigration francophone :

Auparavant, on avait tendance à établir des programmes d’immigration et d’y ajouter par la suite un volet francophone. Dorénavant, il sera possible de réfléchir davantage au recrutement, à la promotion, aux étudiants internationaux et aux façons de guider les travailleurs étrangers temporaires vers l’obtention de la résidence permanente.
Il y a une approche holistique à développer en matière d’immigration francophone. La politique annoncée et de nouveaux leviers de ce genre nous donnent beaucoup d’espoir[248].

Par ailleurs, la FCFA a affirmé qu’il faudra « une action audacieuse en matière d’immigration francophone et d’appui à la vitalité sociale et culturelle de la francophonie[249] ». L’organisme a donc demandé au gouvernement du Canada d’établir une « nouvelle cible de rattrapage et de réparation (cible progressive en immigration francophone: 12% pour 2024 et 20% en 2036) pour s’assurer que le poids démographique de[s] communautés augmentera à l’avenir, plutôt que de se maintenir ou d’être en décroissance[250] ».

Les avocats du cabinet Juristes Power, ayant comparu après la présentation du projet de loi C-32 à la Chambre des communes, ont été en mesure de commenter avec plus de précision la mesure concernant l’élaboration d’une politique sur l’immigration francophone:

[L]e projet de loi C-32 ne fait qu’obliger le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’adopter une politique en matière d’immigration francophone, quelle qu’elle soit, chose déjà réalisée depuis des années, et non la politique nécessaire pour assurer la pérennité de la francophonie. La LLO modernisée doit plutôt contraindre le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’adopter une politique dont l’objectif est de rétablir le poids démographique de la francophonie[251].

Dans un autre ordre d’idées, il appert que la recherche peut servir à améliorer les programmes d’immigration francophone du gouvernement du Canada. Mme Mariève Forest, sociologue et professeure invitée à l’Université d’Ottawa, s’est penchée sur « l’importance d’intégrer systématiquement une perspective longitudinale lorsqu’il est question d’immigration, c’est-à-dire une perspective qui considère les dynamiques de transferts linguistiques[252] ». Selon Mme Forest, « la rétention linguistique des personnes immigrantes a peu retenu l’attention[253] ». Or, des projections démographiques laissent croire que, si le taux de rétention linguistique sont les mêmes pour les francophones nés au Canada que ceux qui sont nés à l’étranger, les efforts d’accueil mené par les communautés franco-ontariennes auprès des immigrants francophones ne sont pas suffisants pour « infléchir de manière significative la courbe démographique[254] ». Mme Forest est d’avis qu’il faut mener plus de recherches sur les pratiques langagières, notamment les facteurs qui réduisent les transferts linguistiques pour les personnes immigrantes, et ce dans la perspective de protéger le français au Canada[255].

Enfin, M. Landry a ajouté un bémol dans le dossier de l’immigration francophone en situation minoritaire en rappelant que « les immigrants vont vers les grandes villes, mais c’est là que l’assimilation est la plus forte ». Ainsi, selon M. Landry, « on ne peut pas s’attendre à ce que les immigrants qui se francisent au contact d’autres francophones soient plus résistants à l’assimilation que les francophones de souche[256] ».

Concernant les transferts linguistiques des immigrants, M. Castonguay a expliqué que « malgré que la population allophone hors Québec comptait déjà, en 2016, plus d’un million de francotropes, la francisation des allophones y demeure rarissime[257] ». M. Castonguay définit les francotropes comme étant « des allophones dont la langue maternelle est une langue latine (sauf l’italien) ou une langue parlée dans d’anciennes colonies ou d’anciens protectorats français[258] » Il poursuit son explication en précisant : « En raison de leurs affinités linguistiques ou historiques avec le français, les francotropes sont susceptibles, du moins au Québec, d’adopter le français plutôt que l’anglais comme langue d’usage[259]. » Toujours sur le même sujet, M. Castonguay a souligné ce qui suit :

Il est par ailleurs significatif que « parmi le grand total de 14 300 allophones francisés en cause, seulement 592 soient nés au Canada. À l’extérieur du Québec, l’anglais est donc, à peu de chose près, la langue d’assimilation exclusive des allophones nés au pays. Quant aux rares immigrants allophones francisés à l’extérieur du Québec, francotropes compris, en toute vraisemblance la plupart s’étaient francisés à l’étranger, avant d’immigrer, comme nous l’avons vu en ce qui concerne le Québec[260].

M. Castonguay a aussi affirmé qu’un « afflux soutenu de nouveaux arrivants francophones peut contribuer à garder les effectifs à flot. Cependant, une fois bien établis dans le reste du Canada, les francophones originaires du Québec s’anglicisent dès la première génération à un degré quasiment aussi élevé que les francophones nés dans leur province d’accueil[261]. » Il conclut donc que « l’apport de l’immigration francophone, promue activement par Ottawa depuis 2003, s’avère également éphémère[262] » et que, « pour les mêmes raisons, la politique plus récente de promouvoir l’immigration francophone – ou, quant à cela, francotrope – vers l’extérieur du Québec, afin de soutenir la démographie défaillante des minorités francophones, paraît tout aussi mal avisée[263] ». Il est d’avis que « mis à part la partie acadienne du Nouveau-Brunswick et certains comtés de l’Ontario avoisinants le Québec, le reste du Canada ne procure tout simplement pas à la plupart des nouveaux arrivants francophones ou francotropes un environnement linguistique leur permettant de s’épanouir en français[264] ».

L’immigration francophone au Québec

Comme l’a expliqué M. Linder, les principaux objectifs de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains (l’Accord Canada-Québec en immigration) est de « maintenir le poids démographique du Québec au sein du Canada et d’intégrer les personnes immigrantes au Québec d’une manière qui respecte l’identité distincte de la province[265] ».

Sur le plan des cibles à atteindre en immigration, M. Linder a expliqué ce qui suit : « En vertu de l’Accord, le Québec est la seule province qui publie annuellement ses objectifs et ses cibles d’immigration[266]. » Or, il incombe « au gouvernement du Canada d’établir le nombre annuel total d’immigrants pour l’ensemble du pays, tout en tenant compte de l’avis du Québec en ce qui concerne le nombre d’immigrants qu’il souhaite accueillir dans toutes les catégories[267] ».

Par ailleurs, l’Accord Canada-Québec en immigration donne au gouvernement du Québec d’autres responsabilités sur le plan de la sélection des immigrants :

[L]’établissement de ses propres critères de sélection des immigrants économiques, l’établissement et l’évaluation des critères financiers pour le parrainage dans la catégorie du regroupement familial, la sélection des réfugiés pris en charge par le gouvernement ou par l’entremise d’un parrainage collectif, et l’offre de services d’accueil et d’intégration dans la province[268].

En ce qui a trait au pouvoir de sélection du Québec, M. Castonguay a confirmé « que le Québec ne sélectionne qu’environ 60 % de ses immigrants. Les autres – réfugiés, réunification familiale – relèvent du gouvernement fédéral[269]. »

En ce qui a trait aux responsabilités fédérales, elles se résument de la manière suivante :

IRCC administre le programme du regroupement familial ainsi que le programme pour personnes protégées au Canada, c’est-à-dire les personnes qui ont été reconnues par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada comme des réfugiés ayant besoin de la protection du Canada.
Le gouvernement du Canada est également responsable de déterminer l’admissibilité de tous les demandeurs d’immigration au Canada. L’évaluation de l’admissibilité inclut des vérifications en matière de santé, de sécurité et de criminalité pour déterminer s’ils respectent les exigences de la législation pour pouvoir être admis au pays[270].

Pour plusieurs observateurs, les pouvoirs du Québec en matière d’immigration sont considérables. Même Mme Meggs a concédé que « l’Accord Canada—Québec sur l’immigration est le seul document […] où le gouvernement fédéral déroge un tant soit peu du principe de la symétrie linguistique », car « il reconnaît l’importance d’une intégration des immigrants respectueuse du caractère distinct de la société québécoise[271] ».

Malgré les dispositions visant à conserver le caractère francophone du Québec, certains témoins ont souligné qu’elles ne sont pas suffisantes. Selon Mme Marie-Anne Alepin, la présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, le partage actuel des compétences entre le gouvernement du Canada et celui du Québec en matière d’immigration entrave la capacité du Québec de recruter un nombre suffisant d’immigrants francophones. Elle est d’avis que le Québec doit exercer un contrôle complet sur l’immigration dans cette province : « Mieux contrôler notre immigration et accueillir davantage de francophones, c’est essentiel; plus qu’idéal, c’est essentiel[272]. »

Mme Alepin a ajouté que, pour les membres de la Société Saint-Jean-Baptiste, « l’important n’est pas le nombre [d’immigrants], mais bien la façon dont les choses sont faites. Par-dessus tout, la connaissance de la langue française est vraiment très importante[273]. »

Selon M. Castonguay, « la préférence accordée depuis 1978 à la connaissance préalable du français dans la sélection des immigrants économiques du Québec a eu pour effet de favoriser l’immigration francotrope[274] ». Sur ce point, il a précisé ce qui suit :

[É]tant donné que moins du quart des immigrants sont assez jeunes à leur arrivée au Québec pour que les dispositions scolaires de la loi 101 les influencent de manière durable, la hausse du pouvoir d’assimilation du français parmi les immigrants allophones s’explique principalement, et de loin, par le fait qu’ils sont de plus en plus francotropes. L’arrivée constante de nouvelles cohortes d’allophones majoritairement francotropes gonfle graduellement le poids des francotropes tant parmi la population allophone immigrante que parmi la population allophone née au Québec, et la part du français dans leur assimilation s’accroît en conséquence[275].

Il a réitéré l’importance de l’immigration francotrope en affirmant ce qui suit :

Depuis 2001, 67 % des immigrants allophones au Québec ont été des francotropes. En 2016, les francotropes constituaient déjà 53 % de la population allophone totale du Québec, 58 % de sa population d’allophones immigrants, et même 38 % de sa population d’allophones nés au Canada. De fait, la part des francotropes parmi la population allophone commence forcément à plafonner. C’est sans doute pour cette raison que depuis 2001, la croissance de la part du français dans l’assimilation des allophones au Québec a commencé, elle aussi, à ralentir[276].

M. Patrick Sabourin était du même avis :

Si cette proportion (substitution linguistique vers le français) a fait des progrès au cours des dernières décennies, c'est en grande partie grâce à l'augmentation de la part de l'immigration francophone. Le statut et l'attractivité du français au Québec ont fait peu de progrès, et l'amélioration des substitutions linguistiques vers le français plafonne. La faiblesse de l'attractivité du français au Québec a donc été masquée par deux phénomènes, soit la forte propension des anglophones à quitter le Québec, qui tirait à la hausse le poids des francophones, et la sélection des immigrants francisés à l'étranger, qui donnait l'impression qu'on francisait ces immigrants sur place. Ce sont deux phénomènes dont les effets auront tendance à s'estomper[277].

Mme Alepin a affirmé que c’est un défi pour le Québec d’amener les immigrants à accepter le français comme seule langue commune. Elle a expliqué que, malgré le fait que les francophones sont majoritaires au Québec, c’est normal que les immigrants soient attirés vers l’anglais dans le contexte canadien et nord-américain. Elle est d’avis que le fait d’avoir un régime linguistique fédéral et un régime linguistique provincial en vigueur sur un même territoire crée une certaine confusion et mine les efforts de francisation du Québec auprès des immigrants. Elle a précisé que la Loi sur les langues officielles « a pour objectif de faire de l’anglais une langue officielle et commune. La politique linguistique fédérale vise non seulement à ce que les anglophones aient des services en anglais — c’est déjà assuré par le Québec —, mais aussi à ce que n’importe quelle personne le voulant puisse utiliser l’anglais dans l’espace public[278]. »

Dans cette même veine, Mme Meggs a affirmé que l’immigrant qui arrive au Québec « a le choix de la langue officielle pour les permis de travail ou d’étude, pour la résidence permanente et pour l’accès à la citoyenneté[279] » envoie comme message qu’au Québec « l’anglais est une langue officielle du nouveau pays. Il est permis, et même normal de choisir l’anglais[280]. » Cela serait « contraire du message que le Québec essaie de véhiculer et qui est à la base de l’Accord, soit l’affirmation du français comme langue d’inclusion et de participation[281] ».

Par ailleurs, M Lacroix a argué que la « surcomplétude institutionnelle » de la minorité anglophone du Québec contribuerait à la force d’attraction que la langue anglaise exerce sur les allophones de cette province :

[L]a communauté anglophone bénéficie d’un réseau institutionnel qui est financé environ au triple de leur poids démographique. Cela leur permet d’assimiler un grand nombre d’allophones. En effet, les anglophones au Québec assimilent environ la moitié des allophones, alors que la communauté représente seulement 8,1 % de la population[282].

La francisation, soit l’enseignement de la langue française auprès des immigrants, a été identifiée par certains témoins comme un aspect important du dossier de l’immigration francophone. Mme Alepin a fait valoir « si on veut vraiment assurer l’avenir du français au Québec, il faudrait franciser et intégrer 90 % des nouveaux arrivants pour maintenir notre poids démographique[283] ».

L’honorable Serge Joyal, juriste et sénateur à la retraite, croit qu’il est essentiel que les gouvernements assurent que les immigrants — ainsi que tous les membres de leur famille — aient accès à des cours de français et que cette formation soit facilitée par un appui financier gouvernemental. Il a également souligné l’existence d’un rapport de la vérificatrice générale du Québec portant « sur l’inefficacité […] de la gestion des programmes d’enseignement du français aux immigrants ». M. Joyal est d’avis qu’il « y a là une responsabilité dont l’application doit être redéfinie[284] ». Notons qu’en vertu de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, il revient au Québec de fournir aux résidents permanents les moyens d’apprendre la langue française et de connaître les principales caractéristiques de la société québécoise[285].

Comme c’était le cas pour les communautés francophones en situation minoritaire, M. Termote a présenté une vision nuancée des effets de l’immigration internationale de langue française pour stabiliser le nombre de locuteurs français au Québec :

Ce que l’étude de Statistique Canada publiée l’année passée a démontré, c’est qu’on a beau augmenter le pourcentage d’immigrants francophones, cela a une faible incidence sur le déclin du français. Il a même envisagé une hypothèse où les immigrants ne pourraient entrer au Québec que s’ils étaient francophones et venaient d’un pays où la langue officielle est le français, et il a conclu que même cela ne ferait que ralentir un tout petit peu le déclin. En effet, d’autres phénomènes entrent en ligne de compte, comme la sous-fécondité[286].

Par ailleurs, M. Termote a souligné qu’il y a une dimension humaine que les politiques en matière d’immigration, centrée sur les nombres et l’équilibre démographique, ont tendance à oublier :

Je ne peux pas m’empêcher de dire qu’on en demande quand même beaucoup aux immigrants. On leur demande d’occuper des emplois qu’on ne veut plus occuper; on leur demande d’aller en région parce qu’on ne veut pas y aller; on leur demande de faire des enfants parce qu’on ne veut plus en faire; et on leur demande aussi de passer au français du jour au lendemain. Or, même s’ils faisaient cela, ce ne serait pas suffisant[287].

L’accès à la justice en français en situation minoritaire

Sur le plan de l’accès à la justice en français en situation minoritaire, Me Daniel Boivin a affirmé que sa communauté juridique est « heureuse de certaines protections qui étaient dans le projet de loi antérieur [le projet de loi C-32][288] » et espère que le retrait de l’exception au bilinguisme des juges de la Cour suprême et la protection accordée au Programme de contestation judiciaire se retrouve dans le prochain projet de loi visant la modernisation de la Loi sur les langues officielles[289].

Cela dit, les juristes d’expression française voudraient que le successeur du projet de loi C-32 s’attarde à trois questions précises : la collaboration intergouvernementale sur le plan de l’accès à la justice en français[290]; l’encadrement des évaluations des compétences linguistiques des candidats à la magistrature, une condition que la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law juge être « essentielle à l’essor de la justice en français[291] » et l’accès à des services en français dans le domaine de la faillite[292].

L’enseignement du français langue première

Le dénombrement des ayants droit

L’école est au cœur des préoccupations des communautés de langue officielle parce qu’elle est le principal vecteur, avec le noyau familial, de la transmission de langue et de la culture.

Au fil des ans, le Comité a étudié plusieurs questions liées à l’enseignement dans la langue de la minorité, notamment le dénombrement des ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Pour la FCFA, le portrait complet des ayants droit représente une avancée majeure dans le domaine de la gestion scolaire:

Cela est absolument essentiel. Nous aurons pour la première fois un portrait complet de tous ceux dont les enfants ont le droit de fréquenter une école de langue française. Cela implique aussi qu’il y aura des changements assez importants au regard des investissements gouvernementaux nécessaires pour soutenir les infrastructures de nos écoles et les places dans ces écoles.
Dans l’Ouest et dans le Nord, il y a souvent eu des tiraillements sur les chiffres. Je pense que cela transformera la donne, mais pas dans l’adversité.
Tous les gouvernements auront désormais les données requises pour répondre aux besoins des francophones, et c’est une très bonne chose. Cependant, il faut que cet engagement ne soit pas celui d’un seul recensement, mais de tous les recensements à venir[293].

Sur le plan de la recherche, M. Forgues a expliqué que l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques fait « souvent des analyses pour des communautés qui ont besoin de savoir combien d’ayants droit il y a dans leur zone et leur district scolaires[294] ». Or, elles sont réalisées « à la pièce et avec des moyens limités[295] » faute d’avoir toutes les données nécessaires pour effectuer une estimation précise des populations qui répondent aux critères de l’article 23 de la Charte. Le Recensement de 2021 « permettra de faire une estimation à l’échelle du pays, et ce, selon les différentes zones[296] ». Selon M. Forgues, ce sont des informations essentielles pour les conseils scolaires et les gouvernements qui doivent « savoir où construire, rénover ou agrandir les écoles ». Dorénavant, « ils auront vraiment un portrait juste du nombre d’ayants droit et, donc, du potentiel dans les communautés[297] ».

Pour sa part, M. Landry a affirmé qu’il s’agit d’un grand pas et que le dénombrement des trois catégories d’ayants droit pourrait faire en sorte qu’il y ait 56 % de plus d’ayants droit[298]. Cela étant dit, M. Landry a souligné que « le grand défi n’est pas seulement de les dénombrer, mais d’amener les enfants à l’école. L’enquête postcensitaire de 2006 montrait que le manque d’accès aux écoles et la distance étaient souvent les raisons évoquées par les parents pour justifier le choix d’un autre établissement[299]. » M. Landry est d’avis que pour résoudre ce problème, il faut un plan de communication avec les acteurs principaux, c’est-à-dire les parents[300].

Le continuum en éducation dans la langue de la minorité : le postsecondaire

Ayant reconnu qu’il devait agir pour assurer la pérennité des établissements d’enseignement postsecondaires de la minorité francophone, dans son budget 2021, le gouvernement du Canada, a réservé un fonds de 121,3 millions de dollars, sur trois ans, pour les établissements d’enseignement postsecondaire des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Bien que, à première vue, cette initiative soit prometteuse, Mme Lynn Brouillette, la présidente-directrice générale de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, a mis en évidence le fait que cette initiative risque de ne pas répondre aux besoins des établissements des francophones en situation minoritaire. Plus précisément, c’est le mécanisme de distribution des fonds qui nuit aux efforts des établissements membres de l’Association.

Dans un premier temps, Mme Brouillette a expliqué que ce sont les provinces qui choisissent les initiatives qui seront financées, car elles doivent offrir une contrepartie au financement fédéral. Cela limite la capacité des établissements d’enseignement de proposer leur projet au gouvernement du Canada :

Certains membres [de l’Association] m’ont déjà dit qu’ils auraient aimé faire une demande pour un projet donné ou pour obtenir des fonds, mais qu’ils s’étaient fait dire par la province qu’elle n’avait pas de contrepartie à offrir…[301]

Qui plus est, les paramètres qui encadrent le fonds en question n’exigent pas des provinces qu’elles versent de nouvelles sommes. Certains gouvernements provinciaux, face aux demandes des établissements d’enseignement postsecondaire, auraient demandé à ces derniers de puiser à même leur budget de fonctionnement. Mme Brouillette a expliqué le problème de la manière suivante :

Les provinces investissent déjà des sommes importantes dans les établissements postsecondaires. En conséquence, les gouvernements provinciaux demandent souvent aux établissements de la minorité francophone de puiser leur contrepartie dans les fonds qu’ils versent déjà. La contrepartie provinciale n’est donc pas une somme additionnelle. Concrètement, cela veut dire que, pour réaliser les projets proposés, les établissements ne disposent souvent que des sommes qu’ils reçoivent du gouvernement fédéral, qui ne constituent qu’environ 50 % du budget réel nécessaire pour mener à terme ces projets[302].

Comme l’a expliqué M. Martin Normand, le directeur de la Recherche stratégique et des relations internationales de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne :

On se retrouve alors avec des projets ponctuels qui ne sont pas renouvelables et qui ne sont financés qu’en partie plutôt qu’en totalité. Les établissements font alors du surplace, c’est-à-dire qu’ils demandent des fonds pour des projets ponctuels à répétition plutôt que d’obtenir le financement de base dont ils ont besoin pour remplir leur mission, qui est d’appuyer l’épanouissement des communautés[303].

Dans un deuxième temps, Mme Brouillette a affirmé que les paramètres du fonds de 121,3 millions de dollars « ne permet[tent] que le financement de projets ponctuels[304] ». Or, le guide du requérant affirme que le gouvernement du Canada souhaite renforcer la capacité institutionnelle des établissements postsecondaires et stabiliser le secteur postsecondaire. L’Association y voit « une contradiction importante entre les objectifs de l’enveloppe et le mécanisme utilisé pour la distribuer. […] [I]l est impossible de mettre en place une approche corrective systémique ayant un impact structurant sur les capacités institutionnelles et la stabilité du secteur postsecondaire en ne permettant que des projets ponctuels[305]. »

Mme Brouillette a mis en lumière une autre incongruité relative au mode de financement par projet. N’ayant pas un financement de base adéquat, « les recteurs et nos présidents de collège […] disent ne plus avoir la capacité de soutenir autant de projets. Il arrive même que des fonds soient à leur disposition, mais ils n’ont pas la capacité d’aller les chercher[306]. »

Pour ces raisons, l’Association recommande au gouvernement du Canada de revoir « de fond en comble, en collaboration avec les provinces et les territoires, le mécanisme de distribution de l’enveloppe prévue pour appuyer le secteur postsecondaire[307] ». Elle recommande aussi que les paramètres du fonds « permette[nt] aux établissements postsecondaires de bonifier leur financement de base pour véritablement stabiliser le secteur postsecondaire[308] ».

Pour sa part, Me Roger Lepage, a affirmé que les « deux ordres de gouvernement doivent s’entendre sur un plan de 10 à 20 ans quant à la façon de mettre au point ce programme d’écoles primaires, secondaires et postsecondaires ainsi que le programme de garderies[309] ». Il est d’avis que « les provinces et les territoires, dans une large mesure, n’ont pas l’intention d’appuyer leurs communautés francophones en situation minoritaire[310] ». Toujours selon Me Lepage, « c’est le cas en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie‑Britannique, où il y a une très grande réticence à venir en aide à la minorité francophone. On essaie de donner cette responsabilité au gouvernement fédéral[311]. » Me Lepage recommande donc au gouvernement du Canada « de prendre le leadership et de regrouper toutes les provinces et les territoires, puis de tenir une conférence uniquement sur les minorités francophones hors Québec pour voir ce que l’on doit faire pour remédier à ce problème[312] ». Notons qu’il existe déjà des espaces dans lesquels un tel dialogue peut être amorcé, notamment le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada et le Conseil des ministres de la francophonie canadienne.

Les membres du Comité ont eu l’occasion de questionner les représentantes de Patrimoine canadien au sujet de la mise en œuvre du fonds de 121,3 millions de dollars. Au moment de recevoir leur témoignage, le ministère négociait des ententes avec les provinces et les territoires.

Certains témoins ont repris l’idée que la « surcomplétude » institutionnelle de la communauté anglophone du Québec et l’ont appliqué dans le domaine de l’éducation postsecondaire. Selon M. Frédéric Lacroix, le gouvernement fédéral financerait les établissements d’enseignement postsecondaire de la minorité anglophone de manière disproportionnée, et ce au détriment des institutions de langue française :

[L]es subventions versées par le fédéral aux universités du Québec défavorisent fortement les universités de langue française. Presque 40 % des fonds versés par Ottawa au Québec sont attribués aux universités de langue anglaise. Environ le tiers des fonds fédéraux est attribué à la seule McGill University. Il existe une discrimination systémique exercée contre les universités de langue française dans l’attribution des fonds fédéraux[313].

Notons que M. Lacroix n’a pas spécifié à quelles subventions il faisait référence.

Plus spécifiquement, M. Lacroix argue que le gouvernement du Canada doit « abandonner les subventions visant à l’épanouissement de l’anglais au Québec, par exemple, les fonds attribués à l’Entente Canada-Québec relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement des langues secondes, fonds qui viennent rehausser le statut et la vitalité de l’anglais au Québec[314] ».

Mise en contexte : Qu’est-ce que l’Entente Canada-Québec relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement des langues secondes?

Au sujet de L’Entente Canada-Québec relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement des langues secondes, le Comité constate qu’il s’agit de l’entente bilatérale par l’entremise de laquelle le gouvernement du Canada transfert de l’argent au Québec pour lui aider à assumer les coûts supplémentaires liés à l’offre de programmes d’enseignement dans la langue de la minorité et l’enseignement des langues secondes. Elle vise surtout les niveaux primaires et secondaires, mais le gouvernement provincial peut déterminer des initiatives pour la petite enfance et le postsecondaire. Patrimoine canadien gère l’Entente au nom du gouvernement du Canada.

L’Entente est conçue de sorte à respecter les prérogatives de la province en matière d’éducation. Conséquemment, c’est le Québec qui choisit, pour chaque objectif linguistique — langue de la minorité et langues secondes — les domaines d’investissement prioritaire et détermine le niveau d’investissement maximal du gouvernement du Canada. De fait, la contribution fédérale est sujette à l’approbation du gouvernement du Québec et ce dernier doit débourser une somme égale ou supérieure à celle auquel consent le gouvernement du Canada. C’est le principe du financement de contrepartie.

L’Entente Canada-Québec relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement des langues secondes pour 2020-2021 – mesures provisoires reprend les dispositions de l’Entente Canada – Québec relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement des langues secondes 2014-2015 à 2017-2018. C’est dire que le gouvernement du Canada prévoit verser au gouvernement du Québec 42 047 048 $ pour l’enseignement dans la langue de la minorité, 4 478 425 $ pour l’enseignement du français langue seconde, 18 406 662 $ pour l’enseignement de l’anglais langue seconde pour un total de 64 932 135 $ par année. D’autres dépenses peuvent être autorisées dans le cadre de cette entente, notamment des contributions complémentaires. Elles sont également conditionnelles à l’approbation du gouvernement du Québec. Il importe de souligner que les dépenses prévues du gouvernement du Canada dans le cadre de l’Entente Canada-Québec n’ont pas augmenté depuis 2014.

Le Plan d’action du Québec — un document que la province doit produire dans le cadre de l’Entente — montre que, en 2020-2021, les dépenses réelles pour les deux ordres de gouvernement se sont élevées à 71 933 439 $, donc un total de 143 866 878 $[315].

Le soutien du gouvernement du Canada pour l’enseignement postsecondaire au Québec ne se limite pas à L’Entente Canada-Québec relative à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement des langues secondes. D’autres institutions fédérales offrent des subventions et des contributions aux institutions postsecondaires. Ces sommes ne sont pas nécessairement attribuées en fonction de la langue de l’établissement, celle des professeurs, des chercheurs ou des étudiants. Divers critères peuvent être utilisés pour l’attribution de ces fonds, notamment l’innovation et l’excellence. Sur ce point, M. Lacroix estime que le gouvernement du Canada doit revoir les critères qui gouvernent l’attribution des fonds fédéraux aux universités du Québec :

L’attribution des fonds basée sur des critères de soi-disant excellence récompense les gagnants passés et pénalise les perdants passés, en réalité. Autrement dit, ces fonds récompensent les universités qui sont déjà parmi les plus riches, comme McGill. Des critères différents devraient être introduits dans les programmes fédéraux de subventions[316].

Ainsi, M. Lacroix recommande ce qui suit :

[I]l faudrait qu’il y ait un critère fondé sur la langue d’enseignement dans l’attribution des subventions, puisque 40 % des subventions fédérales sont attribuées aux universités anglophones, alors que les anglophones représentent seulement 8,1 % de la population. C’est une injustice[317].

Le QCGN n’a pas eu l’occasion de commenter les propos que nous avons rapportés ci‑dessus. Or, de manière plus générale, dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles et le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, le QCGN a affirmé qu’il est essentiel que les gouvernements, notamment celui du Québec, reconnaissent que les communautés anglophones du Québec et l’appui qu’elles reçoivent du gouvernement du Canada ne nuisent pas à l’épanouissement de la langue française au Québec[318]. L’organisme souhaite que le principe d’égalité de statut entre les deux langues officielles demeure un principe directeur de Loi sur les langues officielles[319]. En ce qui a trait aux engagements des institutions fédérales envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire, le QCGN soutient une approche gouvernementale qui soit adaptée au contexte et aux besoins particuliers des différentes communautés[320], soit l’application du principe de l’égalité réelle.

Sur la question des droits de la minorité d’expression anglaise du Québec, le doyen Leckey a tenu de souligner ce qui suit :

[L]e gouvernement fédéral a également une obligation constitutionnelle de veiller à la promotion et à la protection de la langue officielle minoritaire au Québec qu’est l’anglais. En définissant les devoirs fédéraux, il faut tenir compte de ces obligations constitutionnelles également…[321]

Pour conclure sur l’enseignement postsecondaire dans la langue de la minorité, l’article 21 du projet de loi C-32 ajoutait des éléments à l’engagement énoncé à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, notamment, de renforcer les possibilités d’apprentissage de qualité équivalente dans la langue de la minorité tout au long du continuum en éducation, de la petite enfance jusqu’au postsecondaire.

Le recrutement d’enseignantes et d’enseignants de français

Le gouvernement du Canada est au fait qu’une pénurie d’enseignantes et d’enseignants de français — langue première et langue seconde — sévit partout au pays. D’ailleurs des stratégies pour favoriser le recrutement d’enseignantes et enseignants avaient été ciblées dans le Plan d’action pour les langues officielles - 2018-2023 : investir dans notre avenir.

Mme Tamilio a expliqué la répercussion de cette pénurie sur la vitalité d’une petite communauté francophone en situation minoritaire comme celle de Sarnia-Lambton en Ontario :

Le manque d’enseignants francophones est un problème important dans une communauté comme la nôtre. La qualité de nos services en français dépend en partie de la qualité de la formation de notre jeunesse. […] Le défi est réel. Les familles choisissent l’option immersion française pour leurs enfants, mais le conseil scolaire manque de ressources. Il n’a aucun enseignant suppléant pouvant enseigner en français ni aucune ressource pédagogique supplémentaire pour appuyer ses enseignants. Les travailleurs sociaux ne parlent pas français[322].

Mme Tamilio a aussi souligné que la pénurie pousse les conseils scolaires à embaucher des professeurs qui n’ont pas toujours les compétences nécessaires pour assurer un enseignement de qualité et que le soutien à l’enseignement est parfois assuré par des parents :

[I]l y a des écoles de langue française où des enseignants non qualifiés ont des postes à temps plein, en ce moment. Ils parlent français, mais ils ne sont pas nécessairement qualifiés pour leur poste. La situation est donc grave. Il n’y a même pas de suppléants. Nous sommes à la recherche de parents pour faire de la suppléance dans les écoles; la seule exigence est qu’ils parlent français[323].

Le document de réforme suggère l’établissement d’un corridor d’immigration francophone favorisant le recrutement d’enseignants pour répondre aux pénuries d’enseignants de français langue première et français langue seconde. M. Dupuis a salué l’établissement d’un tel corridor et a suggéré que la formule soit utilisée pour combler le manque de professionnels francophones ou bilingues dans les domaines de la santé et de la petite enfance[324]. Le gouvernement compte également instaurer « un cadre de reconnaissance des diplômes[325] » pour faciliter l’embauche et la mobilité des professeurs.

L’enseignement du français langue seconde

Pour certains témoins, l’appui du gouvernement du Canada pour l’enseignement du français langue seconde doit faire partie des stratégies à privilégier pour favoriser la vitalité de la langue française. Selon Mme Angela Cassie, il faut « reconnaître l’importance et l’intérêt des programmes d’immersion et déterminer la façon dont nous pouvons continuer de contribuer à la vitalité des individus et des familles qui choisissent le français comme langue seconde et comme langue d’enseignement[326] ». Mme Cassie croit qu’il est aussi important d’assurer que ces derniers puissent « accéder aux services et aux programmes susceptibles de les aider[327] ».

Mme Julie Boyer, sous-ministre adjointe responsable des Langues officielles à Patrimoine canadien, a offert un survol des investissements du gouvernement du Canada pour l’enseignement du français langue seconde. Le plus récent Plan d’action pour les langues officielles — 2018‑2023: investir dans notre avenir aurait « permis de mieux financer les initiatives de promotion du français », notamment les programmes d’immersion en français, des bourses d’études postsecondaires en français langue seconde, du soutien à l’apprentissage de la langue seconde et à l’enseignement dans la langue de la minorité. Cet appui est attribué par l’entremise d’ententes bilatérales entre le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires. Par ailleurs, Mme Boyer a souligné que le Budget fédéral de 2021 « propose au ministère du Patrimoine canadien une somme de 180,4 millions de dollars pour augmenter le bilinguisme[328] ». Elle a précisé ce que le ministère entend faire avec cette somme :

D’abord, on veut améliorer les programmes d’immersion française et de français langue seconde dans les écoles et dans les établissements postsecondaires. Ensuite, on veut aider les provinces et les territoires à répondre à la forte demande, de la part des étudiants et des parents, de places dans les programmes d’immersion française et de français langue seconde. Enfin, on veut renforcer la stratégie en place pour le recrutement et le maintien en poste d’enseignants, et appuyer l’apprentissage du français dès le plus jeune âge[329].

Mme Tamilio a affirmé que les diplômés des programmes d’immersion française contribuent à la francophonie en situation minoritaire. Plus précisément, leur présence à l’hôpital de Bluewater Health et dans d’autres institutions publiques de la région de Sarnia-Lambton a contribué à augmenter l’offre de services en français, ce qui a eu un impact positif dans le processus menant à la désignation bilingue que cette région a obtenu du gouvernement de l’Ontario[330].

Enfin, M. Martin Normand a souligné l’importance du rôle que jouent les établissements postsecondaires de la francophonie canadienne pour le continuum en enseignement du français langue seconde :

[S]ur l’acquisition d’une langue seconde, nos établissements offrent des programmes d’immersion au postsecondaire ou accueillent beaucoup d’étudiants de l’immersion qui veulent acquérir un langage technique et professionnel en français[331].

Autres considérations

La «-découvrabilité-» des œuvres françaises

L’honorable Serge Joyal a identifié la « découvrabilité » des œuvres françaises sur les plateformes numériques comme un champ d’intervention à exploiter pour favoriser le rayonnement de la langue française au Canada. Il est d’avis que les nouvelles générations sont soumises à l’influence de la langue anglaise par l’entremise d’Internet. Il a donc proposé que le gouvernement du Canada, de concert avec le gouvernement du Québec, procède comme il l’a fait en 2005[332] en négociant un nouveau traité international pour assurer la « découvrabilité » des œuvres d’expression française sur les plateformes numériques[333].

Comme l’a expliqué M. Forgues, « il faut un paysage public et médiatique en français[334] » et estime que Radio-Canada y joue un rôle important.

En matière de virage numérique, M. Forgues a souligné qu’« il faut bien comprendre tout ce que suppose ce virage et la place qu’y occupe la francophonie, notamment dans les médias sociaux qui sont en pleine transformation[335] ». Comme M. Joyal, M. Forgues a affirmé que c’est un enjeu qui concerne beaucoup les jeunes : « Ces derniers passent énormément de temps sur les réseaux sociaux. Il s’agit donc d’un espace de socialisation très important pour eux[336]. » Selon M. Forgues, il y aurait lieu « d’évaluer l’incidence de ce phénomène et vérifier dans quelle langue les jeunes naviguent et communiquent sur les réseaux sociaux[337] ».

Les propos du sénateur Joyal et ceux de M. Forgues rejoignent une série de propositions énumérées dans le document de réforme pour les mesures de promotion du français. On note, tout particulièrement, une volonté du gouvernement du Canada de reconnaître « l’importance du rôle du CRTC et de la Loi sur la radiodiffusion afin de soutenir la production, la diffusion et la "découvrabilité" de contenu francophone sur les ondes et dans l’espace numérique[338] ». D’ailleurs, M. Forgues a souligné que « la ministre Joly a fait une réflexion sur le virage numérique » tout en ajoutant que « c’est important pour les francophones de bien se positionner dans la gouvernance numérique d’ici[339] ».

Conclusion et recommandations

La majorité des témoins s’entend sur la nécessité de protéger et de promouvoir la langue française au Canada et au Québec. Le gouvernement du Canada a reconnu qu’il a un rôle à jouer tant au Québec que dans les communautés francophones en situation minoritaire pour assurer la pérennité et la vitalité de langue française.

Le désaccord ne se manifeste pas sur l’objectif, mais sur la façon de l’atteindre, en l’occurrence le régime linguistique à privilégier. Pour certains témoins, le régime linguistique fédéral actuel, moyennant une réforme de la Loi sur les langues officielles, peut assurer les droits des francophones et faire rayonner la langue française partout au pays. Pour d’autres, tournés vers le Québec, il faut instaurer un régime linguistique territorial basé sur des droits linguistiques asymétriques.

Le gouvernement du Canada a proposé des solutions administratives et législatives et dans son document de réforme. Ces dernières se sont retrouvées dans le projet de loi C‑32 puis dans le C-13.

À la lumière de ce qui précède et dans le cadre du processus législatif du projet de loi C‑13, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada reconnaisse que la Charte de la langue française est essentielle pour protéger, promouvoir et assurer la pérennité du français au Québec.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les territoires en vue de doter les institutions scolaires francophones, de la petite enfance au postsecondaire, d’une source de financement stable, plutôt qu’un financement ponctuel par projet existant, qui favoriserait la construction et la rénovation des écoles et institutions en vue de répondre à la demande, ainsi qu’un soutien à l’embauche et au maintien des enseignants(es).

Recommandation 3

Que l’enveloppe financière pour appuyer le secteur postsecondaire en contexte francophone minoritaire permette aux établissements postsecondaires de bonifier leur financement de base pour véritablement stabiliser le secteur postsecondaire.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada augmente le financement des programmes d’appui aux réseaux associatifs et institutionnels des minorités de langue officielle dans le cadre du nouveau Plan d’action sur les langues officielles.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada assume un rôle de leadership en matière de langues officielles en assurant un meilleur soutien auprès des communautés francophones et des réseaux scolaires francophones hors Québec.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada adopte de nouveaux règlements pour renforcer les exigences de la partie VII de la Loi sur les langues officielles le plus rapidement possible.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada adopte une politique d’immigration francophone dont l’objectif est le rétablissement et la croissance du poids démographique des francophones en situation minoritaire, en se dotant d’une cible de rattrapage et des moyens pour l’atteindre.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada poursuive et renforce la stratégie d’immigration francophone permettant de réparer, de préserver et d’augmenter le poids démographique des francophones.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada prenne les mesures nécessaires pour encourager davantage l’immigration de familles avec enfants dans le processus d’immigration fédéral, ce qui encouragera et favorisera l’apprentissage du français à un plus jeune âge.

Recommandation 10

Qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada cesse d’utiliser la possibilité de demeurer au Canada à la fin des études comme motif pour rejeter les demandes d’étudiants immigrants.

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada contribue à régler la pénurie de main-d’œuvre en enseignement en français, en contribuant à la formation d’enseignants francophones et en adoptant une politique d’immigration francophone qui inclurait l’accueil de nouveaux arrivants aptes à enseigner en français.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada reconnaisse formellement que le français est en déclin au Canada et au Québec, notamment dans les zones urbaines dont la région métropolitaine de Montréal, et adopte les mesures nécessaires pour contrer cette tendance préoccupante.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada commande à Statistique Canada une étude détaillée afin de présenter un portrait juste de la situation du français :

  • a) En prenant également en compte d’autres indicateurs que les deux indicateurs traditionnellement utilisés (à savoir la langue maternelle et la langue parlée le plus souvent à la maison), en incluant notamment la langue de travail et des services au Québec, la langue utilisée dans l’espace public, la langue d’enseignement, la langue d’affichage public, ou la première langue officielle utilisée à la maison ou dans l’espace public;
  • b) En évaluant quels indicateurs sont les plus pertinents pour brosser un portrait juste de la situation du français au Québec et quels indicateurs sont moins révélateurs;
  • c) En prenant en compte la diversité des contextes, tels que la densité de population, la ruralité ou la présence d’une communauté au sein d’un espace urbain, ou la région du pays;
  • d) En s’attardant sur les diverses pratiques linguistiques, incluant les enjeux de la transmission du français aux enfants, le maintien des acquis chez les jeunes dont le français est la langue seconde, les barrières à l’accroissement, l’intégration et l’inclusion des immigrants de langue française, les obstacles et opportunités en matière de trajectoires scolaires en français, de la petite-enfance au postsecondaire.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada demande à Statistique Canada de lui fournir des données plus précises pour mieux comprendre la complexité de l’usage de la transmission de la langue dans le but de permettre au gouvernement de pouvoir adopter des stratégies mieux adaptées à la réalité.

Recommandation 15

Que le fonctionnement des institutions fédérales au Québec vise la généralisation de l'usage du français, à tous les niveaux de ses services, incluant la possession d'une bonne connaissance du français par les membres de la haute direction.


[1]              Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (LANG), Procès-verbal, 43e législature, 2e session, 24 novembre 2020.

[2]              Gouvernement du Canada, Un Canada plus fort et plus résilient, Discours du trône ouvrant la deuxième session de la quarante-troisième législature du Canada, 23 septembre 2020, p. 32.

[3]              Ibid.

[4]              Consultez l’Annexe A pour une chronologie des événements relatifs aux langues officielles qui ont eu lieu au moment de l’étude du Comité.

[5]              Avec les changements apportés en 2019 au Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services, une nouvelle variable sera comptabilisée par Statistique Canada à partir de 2021 : la population de la minorité francophone. Cette variable combine les personnes dont la langue maternelle est la langue officielle de la minorité et celles qui parlent la langue officielle de la minorité à la maison.

[6]              « Langue apprise en premier lieu à la maison dans l’enfance et encore comprise au recensement. » Statistique Canada, L’évolution des populations de langue maternelle au Canada, de 1901-2016, série Mégatendances canadiennes, février 2018, p. 7.

[7]              La « première langue officielle parlée désigne une variable précisée dans le cadre de la Loi sur les langues officielles. Cette variable permet d’identifier la personne selon la première langue officielle (c.-à-d. l’anglais ou le français) parlée par cette personne. » Statistique Canada, Définitions, sources de données et méthodes, Variables, Première langue officielle parlée de la personne.

[8]              LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1950 (M. Patrick Sabourin, docteur en démographie, à titre personnel).

[9]              Statistique Canada, L’évolution des populations de langue maternelle au Canada, de 1901-2016, série Mégatendances canadiennes, février 2018, p. 3.

[10]            Ibid.

[11]            Ibid., p. 4.

[12]            Ibid.

[13]            Statistique Canada, Recensement en bref, Le français, l’anglais et les minorités de langue officielle au Canada, 2017.

[14]            Ibid. Le questionnaire du recensement permet aux répondants d’inscrire plus d’une langue maternelle.

[15]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1950 (M. Charles Castonguay, professeur à la retraite).

[16]            Ibid.

[17]            Ibid.

[18]            Ibid., 1945.

[19]            Ibid.

[20]            M. Charles Castonguay, Le français en chute libre L’échec des politiques linguistiques canadienne et québécoise Mémoire présenté par Charles Castonguay au Comité permanent des langues officielles, 9 mars 2021, p. 10.

[21]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1945 (M. Charles Castonguay, professeur à la retraite).

[22]            Ibid.

[23]            Ibid.

[24]            Ibid.

[25]            Ibid., 1950.

[26]            Ibid.

[27]            LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1535 (M. Marc Termote, professeur associé, Département de démographie, Université de Montréal, à titre personnel).

[28]            Ibid.

[29]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1840 (M. Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint, Diversité et statistique socioculturelle, Statistique Canada).

[30]            Ibid.

[31]            Ibid.

[32]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1640 (M. Alain Dupuis, directeur général, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada).

[33]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 2000 (M. Charles Castonguay, professeur à la retraite).

[34]            Ibid.

[35]            LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1535 (M. Marc Termote, professeur associé, Département de démographie, Université de Montréal, à titre personnel).

[36]            Ibid., 1625.

[37]            Ibid.

[38]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1845 (M. Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint, Diversité et statistique socioculturelle, Statistique Canada).

[39]            Ibid.

[40]            Ibid.

[41]            Ibid.

[42]            Ibid.

[43]            Ibid.

[44]            Ibid., 1905.

[45]            Ibid.

[46]            Ibid.

[47]            Ibid.

[48]            Ibid.

[49]            Ibid., 1845.

[50]            Ibid.

[51]            Ibid.

[52]            Commissariat aux langues officielles du Canada, « Questions d’ordre général concernant les langues officielles », Foire aux questions.

[53]            Pour connaître la désignation linguistique d’un bureau fédéral, consultez la base de données Burolis.

[54]            Marie-Ève Hudon, Le cadre réglementaire pour les langues officielles, revu et corrigé, Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 13 octobre 2020.

[55]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1535 (Me Robert Leckey, doyen et titulaire de la Chaire Samuel Gale, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel).

[56]            Ibid.

[57]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1550 (M. Rodrigue Landry, professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[58]            Ibid.

[59]            Ibid.

[60]            Ibid., 1545 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).

[61]            Ibid.

[62]            Ibid., 1550 (M. Rodrigue Landry, professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[63]            Ibid.

[64]            Gouvernement du Canada, Secrétariat du Conseil du trésor, Langues officielles dans les communications et le service au public, Grille d'analyse (égalité réelle).

[65]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1540 (Me Érik Labelle Eastaugh, professeur et directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques, Faculté de droit, Université de Moncton, Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick).

[66]            Cour suprême du Canada, Ford c. Québec (procureur général) [1988] 2 R.C.S. 712.

[67]            Cour suprême du Canada, Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général) [2005] 1 R.C.S. 201, 2005 CSC 14.

[68]            Au Québec, la mise en œuvre de l’alinéa 23 (1) a) est conditionnelle à l’article 59 de la Charte: « 59. (1) L’alinéa 23 (1) a) entre en vigueur pour le Québec à la date fixée par proclamation de la Reine ou du gouverneur général sous le grand sceau du Canada. (2) La proclamation visée au paragraphe (1) ne peut être prise qu’après autorisation de l’Assemblée législative ou du gouvernement du Québec. (3) Le présent article peut être abrogé à la date d’entrée en vigueur de l’alinéa 23 (1) a) pour le Québec, et la présente loi faire l’objet, dès cette abrogation, des modifications et changements de numérotation qui en découlent, par proclamation de la Reine ou du gouverneur général sous le grand sceau du Canada. » À ce jour, aucune proclamation n’a été prise par l’Assemblée législative du Québec en vertu de l’article 59. Source : Charte canadienne des droits et libertés. Il importe de souligner que les articles 73 à 86,1 de la Charte de la langue française du Québec (dite « loi 101 ») traitent de l’accès aux écoles de la minorité anglophone.

[69]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1540 (Me Érik Labelle Eastaugh, professeur et directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques, Faculté de droit, Université de Moncton, Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick).

[70]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1945 (M. Charles Castonguay, professeur à la retraite).

[71]            Ibid.

[72]            Ibid.

[73]            Ibid.

[74]            Ibid., 1950.

[75]            Ibid.

[76]            LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1540 (M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé, Université de Sherbrooke, à titre personnel).

[77]            Ibid., 1610.

[78]            Ibid.

[79]            Ibid.

[80]            Ibid.

[81]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1630 (Me François Côté, avocat, Impératif français).

[82]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Mme Anne Meggs, ancienne directrice de la recherche, Office québécois de la langue française, à titre personnel).

[83]            Ibid.

[84]            Ibid., 1600.

[85]            Ibid.

[86]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1550 (M. Rodrigue Landry, professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[87]            Les 11 comtés sont : le comté de Bonaventure qui comprend : New-Richmond; le comté de Gaspé-Est qui comprend Gaspé, Percé, Chandler ; le comté de Brome qui comprend : Bromont, Lac-Brome, Sutton ; le comté de Compton qui comprend : Cookshire, East-Angus, Scotstown, Waterville; le comté de Huntingdon qui comprend : Huntingdon ; le comté de Missisquoi qui comprend : Farnham, Bedford, Cowansville ; le comté de Richmond qui comprend : Asbestos, Bromptonville, Danville, Richmond, Windsor ; le comté de Sherbrooke qui comprend : Sherbrooke, Lennoxville ; le comté de Stanstead qui comprend : Magog, Coaticook, Rock Island ; le comté d’Argenteuil qui comprend : Lachute, Barkmere et le comté de Pontiac (à l’exclusion des secteurs situés dans la région de la Capitale nationale).

[88]            LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1615 (M. Robert Laplante, directeur, L’Action nationale).

[89]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1545 (Mme Anne Meggs, ancienne directrice de la recherche, Office québécois de la langue française, à titre personnel).

[90]            LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1640 (M. Frédéric Lacroix, essayiste, à titre personnel).

[91]            Ibid., 1635.

[92]            Ibid., 1550 (M. Robert Laplante, directeur, L’Action nationale).

[93]            Ibid.

[94]            LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1620 (M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé, Université de Sherbrooke, à titre personnel).

[95]            LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Mme Anne Meggs, ancienne directrice de la recherche, Office québécois de la langue française, à titre personnel).

[96]            Ibid.

[97]            Ibid.

[98]            Ibid.

[99]            LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1605 (M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé, Université de Sherbrooke, à titre personnel).

[100]          Ibid.

[101]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Mme Anne Meggs, ancienne directrice de la recherche, Office québécois de la langue française, à titre personnel).

[102]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1545 (M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé, Université de Sherbrooke, à titre personnel).

[103]          Ibid., 1555.

[104]          Ibid.

[105]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1655 (M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé, Université de Sherbrooke, à titre personnel).

[106]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1740 (Mme Tanya Tamilio, présidente du Conseil d’administration du Centre communautaire francophone de Sarnia-Lambton).

[107]          Ibid.

[108]          Gouvernement du Canada, Premier ministre du Canada, Lettre de mandat de la ministre des Langues officielles et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique.

[109]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1610 (M. Alain Dupuis, directeur général, FCFA).

[110]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 13 avril 2021, 1650 (M. Alexandre Cédric Doucet, président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick).

[111]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril, 2021, 1550 (M. Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec),

[112]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1555 (Me Mark Power, avocat, Juristes Power).

[113]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1720 (Mme Marie-Anne Alepin, présidente générale, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal).

[114]          Ibid.

[115]          Ibid.

[116]          Ibid.

[117]          Ibid.

[118]          Ibid.

[119]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1640 (M. Frédéric Lacroix, essayiste, à titre personnel).

[120]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1545 (M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé, Université de Sherbrooke, à titre personnel).

[121]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1555 (Me Darius Bossé, avocat, Juristes Power).

[122]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1645 (Mme Angela Cassie, présidente, Conseil d’administration, Société de la francophonie manitobaine).

[123]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021,1655 (L’honorable Marlene Jennings, présidente du Quebec Community Groups Network (QCGN).

[124]          Ibid.

[125]          Ibid.

[126]          Ibid.

[127]          Ibid., 1705.

[128]          Ibid.

[129]          Ibid., 1655.

[130]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Me Robert Leckey, doyen et titulaire de la Chaire Samuel Gale, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel).

[131]          Ibid.

[132]          Charte canadienne des droits et libertés.

[133]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Me Robert Leckey, doyen et titulaire de la Chaire Samuel Gale, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel).

[134]          Ibid.

[135]          Ibid.

[136]          Ibid.

[137]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1720 (M. Rodrigue Landry, professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[138]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Me Robert Leckey, doyen et titulaire de la Chaire Samuel Gale, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel).

[139]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1545 (Alain Dupuis, directeur général, FCFA).

[140]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1550 (M. Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec).

[141]          Ibid.

[142]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1650 (L’honorable Marlene Jennings, présidente, QCGN).

[143]          Ibid.

[144]          Ibid., 1655.

[145]          Assemblée nationale du Québec, Résolution adoptée à l’unanimité exigeant que les ministères et organismes fédéraux situés sur le territoire du Québec soient assujettis exclusivement à la Charte de la langue française et qu'elle s'applique aux entreprises de compétence fédérale, incluant leurs dirigeantes et dirigeants, 4 novembre 2021.

[146]          Cette expression n’est pas définie dans le document de réforme ni dans le projet de loi C-32.

[147]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1555 (Me François Côté, avocat, Impératif français).

[148]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1710 (M. Denis Hamel, vice-président, Politiques et main-d’oeuvre, Conseil du patronat du Québec).

[149]          Ibid., 1640 (M. Karl Blackburn, président et chef de la direction, Conseil du patronat du Québec).

[150]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1555 (M. Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec).

[151]          Ibid.

[152]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1610 (M. Guillaume Rousseau, professeur agrégé, Université de Sherbrooke, à titre personnel).

[153]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1640 (M. Karl Blackburn, président et chef de la direction, Conseil du patronat du Québec).

[154]          Ibid., 1600 (M. Robert Laplante, directeur, L’Action nationale).

[155]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1705 (L’honorable Marlene Jennings, présidente, QCGN).

[156]          Ibid.

[157]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Me Robert Leckey, doyen et titulaire de la Chaire Samuel Gale, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel).

[158]          Bureau de la traduction, « Agence centrale », Termium Plus.

[159]          « Renforcer et élargir les pouvoirs conférés au Conseil du Trésor, notamment celui de surveiller le respect de la partie VII de la Loi, le cas échéant, en accordant au Secrétariat du Conseil du Trésor les ressources nécessaires pour assumer le rôle d’organisme central chargé de veiller à la conformité des institutions fédérales et en examinant les cas où les dispositions permissives seraient rendues obligatoires. Confier le rôle stratégique de la coordination horizontale à un seul ministre, afin d’assurer une gouvernance et une mise en œuvre efficaces. Établir le pouvoir d’instaurer des politiques, directives et autres instruments de politique pour fixer les modalités d’exécution des mesures positives prises par les institutions fédérales au titre de la partie VII de la Loi, comme le propose la section 3.3 du présent document. Créer l’obligation pour le gouvernement d’élaborer périodiquement une stratégie fédérale pangouvernementale (plan d’action) sur les langues officielles qui énoncerait les priorités gouvernementales et leur financement et qui établirait une orientation d’ensemble claire. » Gouvernement du Canada, Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 2021, p. 26.

[160]          « Créer un cadre de responsabilisation et de reddition de comptes pour orienter les mesures du gouvernement fédéral en matière de langues officielles et encadrer l’application de la Loi. Renforcer l’analyse des impacts des initiatives élaborées par les ministères sur les langues officielles et les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ajouter dans les instruments de politique du Conseil du Trésor des exigences à respecter en lien avec les langues officielles dans des situations d’urgence. » Gouvernement du Canada, Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 2021, p. 27.

[161]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1705 (M. Alain Dupuis, directeur général, FCFA).

[162]          Ibid.

[163]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1705, 1655 (Mme Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, QCGN).

[164]          Gouvernement du Canada, Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 2021, p. 26.

[165]          Ibid.

[166]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1605 (Me Mark Power, avocat, Juristes Power).

[167]          Ibid., 1610.

[168]          Ibid., 1545 (Mme Lily Crist, présidente, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique).

[169]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1630 (Mme Sarah Boily, directrice générale, Langues officielles, ministère du Patrimoine canadien.

[170]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1545 (Mme Lily Crist, présidente, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique).

[171]          Ibid., 1655 (Mme Angela Cassie, présidente, Conseil d’administration, Société de la francophonie manitobaine).

[172]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 7 février 2022, 1600 (Me Roger Lepage, avocat, à titre personnel).

[173]          Ibid.

[174]          Ibid.

[175]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1550 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).

[176]          Ibid.

[177]          Ibid.

[178]          Ibid. (M. Rodrigue Landry, professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[179]          Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530.

[180]          Commissariat aux langues officielles (CLO), Rapport annuel 2018-2019, 2019, p. 5 ; CLO, Déclaration du commissaire aux langues officielles du Canada à propos de l’appel de la décision de la Cour fédérale dans le cadre du recours de la FFCB, 27 octobre 2021 ; Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, Témoignages, 42e législature, 1re session, 18 octobre 2018, 0910 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[181]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1555 (M. Rodrigue Landry,professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[182]          Gouvernement du Canada, Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 2021, p. 18.

[183]          Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530.

[184]          Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social), 2022 CAF 14.

[185]          Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530.

[186]          Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social), 2022 CAF 14, par. 145.

[187]          Ibid., par. 146.

[188]          Ibid., par. 127 à 130, 132 et 137.

[189]          Ibid., par. 136.

[190]          Ibid., par. 141 et 189.

[191]          Ibid., par. 147.

[192]          Ibid.

[193]          Ibid., par. 151.

[194]          Ibid., par. 191 à 195.

[195]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1555 (Me Mark Power, Juristes Power).

[196]          Ibid., 1610.

[197]          Mark Power, Darius Bossé et Chris Casimiro, L’affaire Fédération des francophones de la C-B c Canada (EDSC) comme locomotive de la modernisation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, 14 février 2022, p. 3.

[198]          Ibid.

[199]          Ibid.

[200]          Ibid.

[201]          Ibid.

[202]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1545 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).

[203]          Ibid.

[204]          Ibid., 1555 (M. Rodrigue Landry,professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[205]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1625 (M. Alain Dupuis, directeur général de la FCFA).

[206]          Ibid.

[207]          Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social), 2022 CAF 14.

[208]          Ibid., par. 159.

[209]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1550 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).

[210]          Ibid.

[211]          Ibid.

[212]          Ibid.

[213]          Ibid.

[214]          Ibid., 1545 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).

[215]          Gouvernement du Canada, Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 2021, p. 18.

[216]          Mark Power, Darius Bossé et Chris Casimiro, L’affaire Fédération des francophones de la C-B c Canada (EDSC) comme locomotive de la modernisation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, 14 février 2022, p. 5.

[217]          Ibid.

[218]          Chambre des communes, 44e législature, 1re session, Projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, 2 février 2022.

[219]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1710 (Mme Tanya Tamilio, présidente du Conseil d’administration du Centre communautaire francophone de Sarnia-Lambton).

[220]          Ibid., 1755.

[221]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1550 (Daniel Boivin, président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law inc.).

[222]          Mark Power, Darius Bossé et Chris Casimiro, L’affaire Fédération des francophones de la C-B c Canada (EDSC) comme locomotive de la modernisation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, 14 février 2022, p. 4.

[223]          Ibid.

[224]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1625 (M. Alain Dupuis, directeur général de la FCFA).

[225]          Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social), 2022 CAF 14.

[226]          Mark Power, Darius Bossé et Chris Casimiro, L’affaire Fédération des francophones de la C-B c Canada (EDSC) comme locomotive de la modernisation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, 14 février 2022, p. 2.

[227]          Ibid.

[228]          Ibid., p. 2‑3.

[229]          Ibid., p. 3.

[230]          Ibid.

[231]          Ibid., p. 4.

[232]          Ibid.

[233]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 7 février 2022, 1610 (Me Roger Lepage, avocat, à titre personnel).

[234]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1620 (M. Glen Linder, le directeur général des Relations internationales et intergouvernementales, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada).

[235]          Ibid.

[236]          Ibid.

[237]          Ibid.

[238]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1645 (Mme Corinne Prince, sous-ministre adjointe intérimaire, L’établissement et l’intégration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada).

[239]          Ibid.

[240]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1650 (Mme Angela Cassie, présidente, Conseil d’administration, Société de la francophonie manitobaine).

[241]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 7 février 2022, 1640 (M. Martin Normand, directeur, Recherche stratégique et des relations internationales, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne).

[242]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1905 (M. Jean-Pierre Corbeil,directeur adjoint, Diversité et statistique socioculturelle, Statistique Canada).

[243]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1545 (Mme Lily Crist, présidente, conseil d’administration, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique).

[244]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1615 (M. Marc Termote, professeur associé, Département de démographie, Université de Montréal, à titre personnel).

[245]          Ibid.

[246]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 2010 (M. Charles Castonguay, professeur à la retraite).

[247]          Ibid.

[248]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1655 (M. Alain Dupuis, directeur général de la FCFA).

[249]          Ibid., 1545 (M. Alain Dupuis, directeur général de la FCFA).

[250]          Ibid., 1625.

[251]          Mark Power, Darius Bossé et Chris Casimiro, L’affaire Fédération des francophones de la C-B c Canada (EDSC) comme locomotive de la modernisation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, 14 février 2022, p. 5.

[252]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1550 (Mme Mariève Forest, sociologue, présidente et fondatrice de Sociopol, professeure invitée à l’Université d’Ottawa, à titre personnel).

[253]          Ibid.

[254]          Ibid.

[255]          Ibid.

[256]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1720 (M. Rodrigue Landry,professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[257]          M. Charles Castonguay, Le français en chute libre L’échec des politiques linguistiques canadienne et québécoise Mémoire présenté par Charles Castonguay au Comité permanent des langues officielles, 9 mars 2021, p. 26.

[258]          Ibid., p. 21.

[259]          Ibid.

[260]          Ibid., p. 26-27.

[261]          Ibid., p. 28.

[262]          Ibid.

[263]          Ibid., p. 30.

[264]          Ibid.

[265]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1620 (M. Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration).

[266]          Ibid.

[267]          Ibid.

[268]          Ibid.

[269]          M. Charles Castonguay, Le français en chute libre L’échec des politiques linguistiques canadienne et québécoise Mémoire présenté par Charles Castonguay au Comité permanent des langues officielles, 9 mars 2021, p. 24.

[270]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1620 (M. Glen Linder, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration).

[271]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Mme Anne Meggs, ancienne directrice de la recherche, Office québécois de la langue française, à titre personnel).

[272]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1730 (Mme Marie-Anne Alepin, présidente générale, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal).

[273]          Ibid., 1725.

[274]          M. Charles Castonguay, Le français en chute libre L’échec des politiques linguistiques canadienne et québécoise Mémoire présenté par Charles Castonguay au Comité permanent des langues officielles, 9 mars 2021, p. 21.

[275]          Ibid., p. 23.

[276]          Ibid., p. 24.

[277]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 9 mars 2021, 1955 (M. Patrick Sabourin, docteur en démographie, à titre personnel).

[278]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1735 (Mme Marie-Anne Alepin, présidente générale, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal).

[279]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1540 (Mme Anne Meggs, ancienne directrice de la recherche, Office québécois de la langue française, à titre personnel).

[280]          Ibid.

[281]          Ibid.

[282]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1705 (M. Frédéric Lacroix, essayiste, à titre personnel).

[283]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1735 (Mme Marie-Anne Alepin, présidente générale, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal).

[284]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1640 (L’honorable Serge Joyal, juriste et ancien sénateur).

[285]          Gouvernement du Canada, Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains.

[286]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1705 (M. Marc Termote, professeur associé, Département de démographie, Université de Montréal, à titre personnel).

[287]          Ibid.

[288]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 2 février 2022, 1545 (Me Daniel Boivin, président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law, inc.).

[289]          Ibid.

[290]          Ibid.

[291]          Ibid.

[292]          Ibid.

[293]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1615 (M. Alain Dupuis, directeur général de la FCFA).

[294]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1650 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).

[295]          Ibid.

[296]          Ibid.

[297]          Ibid.

[298]          Ibid. (M. Rodrigue Landry,professeur émérite, Université de Moncton, ancien directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à titre personnel).

[299]          Ibid.

[300]          Ibid., 1725.

[301]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 7 février 2022, 1535 (Mme Lynn Brouillette, présidente-directrice générale, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne).

[302]          Ibid.

[303]          Ibid., 1630 (M. Martin Normand,directeur, Recherche stratégique et des relations internationales, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne).

[304]          Ibid., 1535 (Mme Lynn Brouillette, présidente-directrice générale, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne).

[305]          Ibid.

[306]          Ibid., 1610.

[307]          Ibid., 1540.

[308]          Ibid.

[309]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 7 février 2022, 1700 (Me Roger Lepage, avocat, à titre personnel).

[310]          Ibid.

[311]          Ibid.

[312]          Ibid.

[313]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1640 (M. Frédéric Lacroix, essayiste, à titre personnel).

[314]          Ibid., 1635.

[315]          Consultez l’annexe B pour connaître les dépenses prévues du gouvernement du Canada pour la mise en œuvre des plans d’action des provinces et territoires qui découlent du Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde 2019-2020 à 2020‑2023 entre le gouvernement du Canada et les provinces et les territoires.

[316]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1640 (M. Frédéric Lacroix, essayiste, à titre personnel).

[317]          Ibid., 1705.

[318]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1650 (L’honorable Marlene Jennings, présidente, QCGN).

[319]          Ibid.

[320]          Ibid.

[321]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 29 avril 2021, 1700 (Me Robert Leckey, doyen et titulaire de la Chaire Samuel Gale, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel).

[322]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1740 (Mme Tanya Tamilio, présidente du Conseil d’administration du Centre communautaire francophone de Sarnia-Lambton).

[323]          Ibid., 1725.

[324]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 27 avril 2021, 1655 (M. Alain Dupuis, directeur général de la FCFA).

[325]          Gouvernement du Canada, Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 2021, p. 15.

[326]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 14 février 2022, 1715 (Mme Angela Cassie, présidente, Conseil d’administration, Société de la francophonie manitobaine).

[327]          Ibid.

[328]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1615 (Mme Julie Boyer, sous-ministre adjointe, Langues officielles, Patrimoine et régions, ministère du Patrimoine canadien).

[329]          Ibid.

[330]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 16 février 2022, 1735 (Mme Tanya Tamilio, présidente du Conseil d’administration du Centre communautaire francophone de Sarnia-Lambton).

[331]          LANG, Témoignages, 44e législature, 1re session, 7 février 2022, 1635 (M. Martin Normand, directeur, Recherche stratégique et des relations internationales, Association des collèges et universités de la francophonie canadienne).

[332]          Référence à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO.

[333]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 25 février 2021, 1720 (L’honorable Serge Joyal, juriste et ancien sénateur).

[334]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1545 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).

[335]          Ibid.

[336]          Ibid.

[337]          Ibid.

[338]          Gouvernement du Canada, Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, 2021, p. 22.

[339]          LANG, Témoignages, 43e législature, 2e session, 22 avril 2021, 1715 (M. Eric Forgues,directeur général, Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques).