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NDDN Rapport du Comité

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Rétablir la confiance : La transparence et la reddition de comptes au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes

 

Introduction

La transparence et la reddition de comptes contribuent à la confiance envers les organisations, y compris les institutions démocratiques. Au Canada, on s’attend à ce que les entités fédérales et les fonctionnaires – y compris le ministère de la Défense nationale (MDN) et son personnel, ainsi que les Forces armées canadiennes (FAC) et leurs membres – agissent de manière transparente et responsable, et à ce qu’ils divulguent des renseignements pertinents aux particuliers et au public en respectant les exigences législatives.

Or, ces dernières années, des commentateurs parlent d’un manque de transparence et de reddition de comptes au sein d’entités fédérales telles que le MDN et les FAC. Par exemple, ils soutiennent que le MDN et les FAC prennent beaucoup trop de temps pour répondre à des demandes concernant l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AIPRP); que le MDN et les FAC surclassifient des documents portant sur la défense et la sécurité; et que le MDN et les FAC ont une « culture du secret » qui limite la quantité d’information qu’il est possible de divulguer aux personnes concernées et au public[1]. Dans la même veine, dans le cadre d’une récente étude du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (le Comité) portant sur la réforme de l’approvisionnement en matière de défense au Canada, des témoins ont évoqué un manque de transparence et de reddition de comptes au sein du MDN et des FAC[2].

Le 2 novembre 2023, le Comité a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur la transparence du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, qui porte notamment sur ce qui suit : Le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels; l'indépendance du bureau de l'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes; le système de déclassification des documents historiques; la protection des dénonciateurs; l'indépendance du processus de règlement des griefs; et les systèmes de gestion de l'information; et que le Comité tienne un minimum de trois réunions sur le sujet.

Entre le 7 février et le 8 mai 2024, le Comité a tenu sept réunions sur cette étude et entendu 22 témoins. Parmi ces témoins se trouvaient des représentants d’entités fédérales, des universitaires et d’autres intervenants. Le Comité a aussi reçu un mémoire.

Le présent rapport résume les observations faites par les témoins lors de leur comparution devant le Comité ou dans le mémoire reçu, ainsi que les renseignements publics pertinents. La première section présente des moyens d’améliorer la transparence et la reddition de comptes au sein du MDN et des FAC, la deuxième section propose des moyens d’en renforcer la surveillance, et la dernière section énonce les conclusions et les recommandations du Comité.

Moyens d’améliorer la transparence et la reddition de comptes

Des témoins ont proposé au Comité divers moyens d’améliorer la transparence et la reddition de comptes au sein du MDN et des FAC. Ils ont plus précisément abordé les points suivants : la manière de traiter les demandes relatives à l’AIPRP et d’y répondre; la protection des renseignements personnels et l’accès à ces derniers; la modernisation des systèmes de gestion de l’information; l’application de normes de classification aux documents portant sur la défense et la sécurité; et les mesures visant à corriger la perception de « culture du secret ».

Traiter les demandes d’accès à l’information et aux renseignements personnels et y répondre

Des témoins se sont concentrés sur la manière dont le MDN et les FAC se conforment à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels lorsqu’ils traitent les demandes relatives à l’AIPRP présentées par des particuliers afin d’obtenir des renseignements, personnels ou non[3]. Bill Blair, le ministre de la Défense nationale, a souligné que le personnel du MDN et les membres des FAC qui traitent ce type de demandes et y répondent (ci-après « le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC » ou « le personnel de l’AIPRP ») doivent être « politiquement impartiaux » et « transparents » et « rendre des comptes d'abord et avant tout aux Canadiens ».

Bill Matthews, sous-ministre, MDN[4], et Taylor Paxton, secrétaire générale, MDN, ont décrit les étapes que suit le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC lorsqu’il traite une demande relative à l’AIPRP et y répond. Ces étapes incluent : s’assurer que la personne qui présente la demande a fourni tous les renseignements nécessaires; attribuer la demande aux équipes du MDN et des FAC qui pourront fournir les documents pertinents et d’autres renseignements au personnel de l’AIPRP; et demander au personnel de l’AIPRP de « rassembler tous les renseignements » obtenus de ces équipes. Selon Taylor Paxton, le personnel de l’AIPRP « [travaille] très fort » pour traiter les demandes d’accès à l’information et y répondre dans le délai prescrit de 30 jours. Cela dit, elle a aussi admis que « [parfois], cela prend plus de [temps] ».

Cependant, le ministre Blair a noté qu’en 2022–2023, le MDN avait reçu 2 241 nouvelles demandes d'accès à l'information et qu’il avait fermé 2 242 de ces demandes et demandes d’années précédentes, dont 61,7 % « dans les délais prescrits par la loi ». De plus, le ministre Blair a indiqué que le MDN avait répondu qu’il n’existait « aucun document » pour 593 de ces 2 242 demandes, notamment parce que « la période de conservation d'un document [demandé] peut être dépassée, ou l'information ne fait pas l'objet d'un suivi par le [MDN] ».

Le colonel (à la retraite) Michel Drapeau, avocat et professeur auxiliaire à l’Université d’Ottawa, a témoigné à titre personnel. Il a attiré l’attention sur les frais de 5 $ exigés pour une demande relative à l’AIPRP et sur le fait qu’il est courant que le MDN n’accuse pas réception de ces demandes. Il a ajouté qu’au 14 février 2024, il n’avait toujours pas reçu confirmation de réception de trois demandes présentées en septembre 2023. Selon Bill Matthews, le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC n’a pas accès aux données personnelles – y compris l’identité – de la personne qui présente une demande relative à l’AIPRP et qu’il n’accuse pas réception de ce type de demande.

En commentant le besoin d’améliorer le processus de demandes relatives à l’AIPRP du MDN et des FAC, le ministre Blair a parlé de deux rapports présentés au Parlement qui abordent les préoccupations entourant ce processus et formulent des recommandations visant à y répondre : le rapport spécial de 2020 du Commissariat à l’information du Canada (CI) intitulé Neuf recommandations concernant le traitement des demandes d’accès à l’information à la Défense nationale; et le rapport de 2022 du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) intitulé Examen de l’accès à l’information – Rapport au Parlement.

Selon le rapport spécial de 2020 du CI, la plupart des documents du MDN et des CAF sont en format papier, ce qui ralentit la vitesse à laquelle le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC traite les demandes relatives à l’AIPRP et y répond. Le ministre Blair a déclaré que comme « un grand nombre des processus et des rapports du MDN [et des CAF] sont sur papier », le personnel affecté aux demandes d’accès à l’information a de la difficulté à « respecter les délais ». Le ministre Blair a souligné que le fait que ces employés doivent chercher dans « de nombreux dossiers et documents » pour répondre à une demande « peut prendre du temps ».

Des témoins ont fait valoir que peu de personnel du MDN et de membres des FAC possèdent la formation et les compétences nécessaires pour traiter les demandes relatives à l’AIPRP et y répondre. Bill Matthews a indiqué que cette pénurie contribue aux retards de traitement des demandes relatives à l’AIPRP au MDN et aux FAC. Selon lui, « l'offre d'emploi dans le domaine de l'AIPRP est très forte; il y a des postes vacants, mais il faut du temps pour trouver les gens et pour les former ». Par ailleurs, Caroline Maynard, commissaire à l’information du Canada, a énuméré certains facteurs ayant une incidence sur la capacité de traiter les demandes relatives à l’AIPRP présentées aux entités fédérales : un financement inadéquat, un manque de « ressources [et] d’outils », la « culture » chez certaines entités et des différences dans les systèmes de gestion de l’information des diverses entités.

Le colonel (à la retraite) Drapeau a soutenu qu’en général, le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC fait « un travail formidable » pour traiter les demandes relatives à l’AIPRP et y répondre. Il a toutefois attiré l’attention sur le nombre élevé de demandes et le « peu de soutien » accordé au personnel. Richard Shimooka, agrégé supérieur à l’Institut Macdonald‑Laurier venu témoigner à titre personnel, a lui aussi souligné que le MDN, les FAC et d’autres entités fédérales n’ont pas suffisamment de personnel pour traiter ces demandes et y répondre. Il a ajouté qu’au MDN et dans les FAC, le processus de traitement des demandes relatives à l’AIPRP « dépend énormément des effectifs ministériels qui doivent qui doivent évaluer les documents à divulguer, soit les mêmes employés qui ont déjà une surcharge de travail à gérer au quotidien ».

Des témoins ont également commenté les défis administratifs et logistiques que pose la présentation d’une demande relative à l’AIPRP au MDN et aux FAC. Richard Shimooka a souligné qu’« [au] cours des 20 dernières années, l’inefficacité croissante du régime d’accès à l’information a nui à l’obtention de renseignements utiles en temps opportun » de la part du MDN et des FAC. Il a donné l’exemple suivant :

En 2002, une demande assez simple d’accès à l’information produisait normalement une bonne quantité de documents. Une série de demandes d’accès à l’information dont je me suis servie pour étudier l’intervention de 1996 [des FAC] au Zaïre s’est traduite par plus de 2 000 documents d’une très grande complexité, y compris un grand nombre de sources étrangères d’information, de conseils et de renseignements sensibles. Il fallait environ un an pour que la demande originale soit honorée et qu’elle fournisse un aperçu détaillé de ce qui s’est passé pendant cette opération. Aujourd’hui, ce serait impensable.

Patrick White, un membre des FAC venu témoigner à titre personnel, a affirmé que, comme le MDN et les FAC ont des méthodes de traitement des demandes relatives à l’AIPRP différentes, il est possible que le personnel de l’AIPRP retienne ou supprime certains « dossiers » demandés. Toujours selon Patrick White, les personnes qui présentent une demande de renseignements personnels au MDN ou aux FAC doivent connaître le nom de la personne qui a accès à l’information demandée. Il a aussi déclaré qu’il est fréquent que les personnes qui font une demande de ce type formulent une plainte auprès du CI et du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP) afin d’obtenir leurs renseignements personnels. Il a ajouté : « Vous n'obtiendrez pas vos renseignements à moins de porter plainte[5] ».

En ce qui concerne les plaintes liées à l’accès à l’information présentées au CI, Caroline Maynard a indiqué qu’une personne peut porter plainte si elle n’est pas satisfaite du délai de réponse ou si « elle estime ne pas avoir reçu tous les documents ou renseignements auxquels elle a droit ». Elle a ajouté qu’en date du 26 février 2024, le CI avait reçu 103 plaintes liées à l’accès à l’information à l’encontre du MDN, « ce qui le place au sixième rang des institutions ayant reçu le plus grand nombre de plaintes » en 2023–2024.

Caroline Maynard a également fait remarquer qu’au début de 2024, elle avait rendu plusieurs ordonnances exécutoires au sujet de 29 enquêtes concernant le MDN[6]. Elle a précisé que ces ordonnances portaient principalement sur le respect des délais de réponse aux demandes d'accès à l’information par le MDN, ajoutant que le « manque de réactivité de la part de certaines unités » du MDN chargées de fournir les dossiers nuit parfois « à la capacité du ministère à répondre aux demandes conformément aux exigences de la Loi [sur l'accès à l'information] ». Caroline Maynard a ajouté avoir dû entreprendre des actions en justice contre le MDN parce que ce dernier « a ignoré » certaines de ses ordonnances : elle a présenté une demande à la Cour fédérale en décembre 2023, et deux autres en février 2024[7]. En ce qui concerne l’ordonnance portant sur les politiques du MDN sur la COVID‑19, elle a déclaré ceci :

En juin dernier, j'ai ordonné à la ministre de la Défense nationale de l'époque de communiquer les politiques du ministère sur la COVID‑19 au plus tard le 30 novembre 2023. Ces politiques avaient fait l'objet d'une demande d'accès l'année précédente. Le ministère avait avisé le Commissariat qu'il donnerait suite à l'ordonnance, mais le délai de novembre n'a pas été respecté. Voilà pourquoi, en décembre dernier, j'ai présenté une demande de bref de mandamus à la Cour fédérale afin d'obliger le ministre actuel de la Défense nationale à se conformer à mon ordonnance.

En ce qui concerne les plaintes au CPVP relatives à des demandes d’accès à des renseignements personnels, Philippe Dufresne, commissaire à la vie privée du Canada, a estimé que plus de la moitié des 300 plaintes relatives à l’AIPRP déposées contre le MDN et les FAC reçues au cours des cinq dernières années « concernaient le délai de traitement des demandes d'accès aux renseignements personnels ». Il a ajouté que, contrairement au CI, le CPVP n’a pas le pouvoir de remettre une ordonnance contraignante aux entités fédérales afin qu’elles se conforment à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il ne peut qu’émettre des recommandations visant à assurer la conformité. Par ailleurs, Philippe Dufresne a déclaré que la seule façon pour une personne d’obliger le MDN et les FAC à donner suite à une demande d’accès à des renseignements personnels consiste à s’adresser à la Cour fédérale afin qu’elle procède à un examen judiciaire.

En plus d’énumérer les problèmes liés au processus d’AIPRP du MDN et des FAC, des témoins ont parlé des efforts déployés par ces entités pour améliorer ce processus. Le ministre Blair a énuméré diverses mesures qui ont été prises pour assurer le traitement en temps opportun des demandes relatives à l’AIPRP. Il a précisé qu’il s’agit notamment :

[D]e passer à un processus sans papier pour gérer les demandes […] d'AIPRP et d'acquérir de nouveaux logiciels pour accélérer le traitement de ces demandes, de renforcer les exigences pour que les cadres supérieurs s'engagent à se conformer, et d'améliorer la formation requise pour tous les membres de l'équipe de la Défense sur ses obligations [concernant les demandes relatives à l’AIPRP].

Sur le plan de la modernisation, Bill Matthews a parlé de « la numérisation et [de] l’automatisation du processus d’AIPRP » du MDN et des FAC. Il a aussi souligné que le chef d'état-major de la Défense et lui avaient « rappel[é] » aux hauts dirigeants du MDN et aux officiers supérieurs des FAC l’importance de faire en sorte que le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC suive une formation obligatoire et adéquate sur les façons de traiter les demandes relatives à l’AIPRP et d’y répondre.

Des témoins ont également proposé des mesures additionnelles pour améliorer le processus du MDN et des FAC en matière d’AIPRP. Caroline Maynard a exhorté le MDN, les FAC et d’autres entités fédérales à utiliser un processus d’évaluation du rendement afin d’inciter le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC à traiter les demandes d’accès à l’information en temps opportun. De plus, elle a encouragé les hauts dirigeants du MDN et des FAC à améliorer le processus d’AIPRP par de la formation et l’établissement de priorités et d’objectifs clairs, ainsi qu’au moyen de ressources adéquates. Le colonel (à la retraite) Drapeau a affirmé qu’il « faut absolument » que le Bureau du vérificateur général du Canada procède à un examen du processus d’AIPRP « pour savoir si [le MDN et les FAC] ont les bons outils, le bon nombre d'employés, et ainsi de suite » pour traiter les demandes d’AIPRP et y répondre.

Par ailleurs, des témoins ont parlé de la nécessité d’apporter des changements législatifs, notamment au chapitre des délais de traitement des demandes relatives à l’AIPRP. Selon le colonel (à la retraite) Drapeau et Richard Shimooka, le délai devrait passer de 30 à 60 jours, mais être exécutoire. Pour sa part, Caroline Maynard a déclaré que même si on portait à 60 jours le délai prévu par la loi, des entités fédérales pourraient encore demander une prolongation pour traiter des demandes relatives à l’AIPRP et y répondre.

En parlant de l’examen législatif de la Loi sur l’accès à l’information qui doit avoir lieu en 2025, Caroline Maynard a souligné que des changements étaient nécessaires, indiquant que « [l]a loi actuelle a 40 ans, et n’a pas beaucoup changé » depuis son entrée en vigueur en 1983. Dans la même veine, le colonel (à la retraite) Drapeau s’est dit en faveur de modifications, affirmant que « cette loi quasi constitutionnelle […] ne permet pas d'obtenir les résultats visés [sur le plan des demandes relatives à l’AIPRP] ». À son avis, « il ne s’agit pas de tout modifier », mais plutôt d’apporter certains changements, par exemple au délai prévu par la loi pour traiter une demande d’AIPRP et y répondre.

Des témoins ont aussi commenté les mécanismes actuels qui permettent de porter plainte au sujet des demandes relatives à l’AIPRP. Selon le colonel (à la retraite) Drapeau, un plaignant devrait pouvoir « contourner le mécanisme normal qui consiste à passer par le commissaire à l'information, ce qui prend une éternité », et porter son cas devant la Cour fédérale afin qu’elle procède à un examen judiciaire si l’enquête du CI n’a pas lieu en temps opportun. Il a soutenu que cette approche pourrait réduire le nombre de jours pendant lesquels une personne doit attendre avant de recevoir une réponse à la demande d’AIPRP qu’elle a présentée au MDN ou à une autre entité fédérale.

En ce qui concerne les demandes de renseignements personnels, Philippe Dufresne a appelé de ses vœux des modifications législatives qui permettraient au CPVP de délivrer des ordonnances de conformité exécutoires aux entités fédérales. Il a déclaré que certains commissaires à la protection de la vie privée provinciaux et plusieurs de ses homologues étrangers ont « les pouvoirs de non seulement formuler des recommandations mais aussi de rendre des ordonnances [exécutoires] ».

Par ailleurs, des témoins ont parlé de la divulgation proactive d’information d’intérêt public de la part du MDN et des FAC. En faisant référence au projet de loi C‑58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui a reçu la sanction royale en 2019, le ministre Blair et Taylor Paxton ont indiqué que le projet de loi accordait au CI le pouvoir de rendre des ordonnances de conformité exécutoires au sujet de demandes d’accès à l’information et qu’il exigeait que les entités fédérales publient certains renseignements de manière proactive[8]. Le ministre Blair a aussi déclaré que le processus d’AIPRP du MDN et des FAC avait été modifié de manière à répondre aux exigences réglementaires visant la divulgation proactive et à « respecter les pouvoirs supplémentaires » accordés à la commissaire à l’information du Canada à la suite de l’entrée en vigueur du projet de loi C‑58. Caroline Maynard a toutefois noté qu’en date du 26 février 2024, le CI ne savait pas si les entités fédérales « respectent leurs obligations de divulgation proactive puisque ce n'est du ressort de personne, puisque personne n'est habilité à vérifier si c'est fait ».

Des témoins ont aussi proposé des mesures visant à améliorer l’accès au processus d’AIPRP du MDN et des FAC. Philippe Dufresne a invité le MDN et les FAC à « rendre le système [d’AIPRP] aussi convivial que possible ». Pour sa part, Patrick White a avancé que si le MDN et les FAC tenaient un registre des mots-clés utilisés pour la correspondance interne dans le cadre du traitement des demandes relatives à l’AIPRP, il serait alors possible de rendre ces registres publics afin de faciliter l’envoi de demandes. Selon lui, les gens pourraient utiliser ces mots-clés – plutôt que des mots génériques – en présentant leur demande et ainsi avoir accès à des renseignements qui, autrement, ne seraient pas accessibles.

Enfin, attirant l’attention sur l’Info Source du SCT, le colonel (à la retraite) Drapeau a noté que les personnes qui présentent une demande relative à l’AIPRP au MDN et aux FAC peuvent utiliser cet outil en ligne afin d’obtenir « une foule de renseignements sur les programmes [fédéraux] » assujettis à la Loi sur l'accès à l'information, ainsi qu’un guide sur la manière de présenter une demande d’accès à des renseignements personnels.

Protéger les renseignements personnels et y accéder

Des témoins ont donné leur avis au sujet de l’approche du MDN et des FAC en matière de protection des renseignements personnels des employés du MDN et des membres des FAC. Philippe Dufresne a parlé de la conformité du MDN et des FAC avec la Loi sur la protection des renseignements personnels, indiquant que le MDN « a consulté le Commissariat au sujet de divers enjeux de vie privée, comme la biométrie, les renseignements de sources ouvertes, la dotation ou le recrutement ». Après avoir exprimé son appui à l’égard des mesures prises par le MDN et les FAC afin d’améliorer la protection des renseignements personnels, Philippe Dufresne a déclaré que le MDN, les FAC et Anciens Combattants Canada discutaient avec le CPVP de diverses questions d’ordre général touchant à la protection des renseignements personnels, ainsi que de points plus précis, à savoir les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée qui ont lieu au titre d’une directive du SCT, et le transfert de dossiers médicaux du système militaire de soins de santé au système civil.

Philippe Dufresne a néanmoins observé qu’au cours des cinq dernières années, le MDN et les FAC avaient présenté au CPVP « 10 signalements d’atteinte » qui « concernaient principalement » des sujets tels que « l'accès non autorisé, la communication non autorisée et la perte de renseignements personnels[9] ». Au sujet de l’accès non autorisé à des renseignements personnels, il a mis l’accent sur le fait que tout accès « doit être légitime » et « avoir un lien avec le mandat législatif de l’organisation [fédérale] ». Philippe Dufresne a aussi insisté sur le fait que l’information « doit être protégée » adéquatement contre tout accès non autorisé.

Selon Patrick White, dans les FAC, « il n’y a pas de conséquences » en cas d’atteintes à la vie privée visant des renseignements personnels. Il a ajouté avoir été victime de deux atteintes après avoir déposé une plainte. Dans le premier cas, il avait déposé une plainte pour harcèlement en son propre nom; dans le deuxième cas, il s’agissait d’une plainte pour inconduite sexuelle qu’il avait déposée au nom d’autres membres des FAC à l’endroit d’un officier supérieur des FAC. Il a indiqué que la deuxième atteinte s’était produite « parce que [un autre officier supérieur des FAC] a conservé de façon inappropriée l'accès à des renseignements personnels et les a partagés [à l’interne et sans autorisation] alors que ces renseignements auraient dû être transférés ou détruits quand j'ai changé d'unité ». Patrick White a aussi déclaré que l’officier supérieur des FAC à l’origine de la deuxième atteinte à la vie privée possédait « toute la formation, les connaissances et l'expérience requises » concernant la gestion des renseignements personnels des membres des FAC.

Pour sa part, Philippe Dufresne a encouragé le MDN et les FAC à procéder à des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée à la fois sur une base régulière et avant l’entrée en vigueur de nouveaux programmes ou initiatives qui pourraient avoir une incidence sur la protection et la divulgation de renseignements personnels. Il a ajouté que ces évaluations peuvent à la fois déterminer l’« incidence sur la vie privée » des nouvelles initiatives et dégager des solutions pour atténuer les risques qu’elles posent en matière de protection de la vie privée. Philippe Dufresne a également indiqué que le CPVP peut conseiller les entités fédérales dans le cadre de ces évaluations, qu’il juge « [bonnes] pour les citoyens, qui bénéficieront d'une meilleure protection de leur vie privée », et bonnes pour les entités, « parce qu'[elles] reçoivent des conseils et sont perçu[e]s comme étant des entités qui reçoivent des conseils d'un organisme de réglementation neutre ».

Tout en indiquant que les entités fédérales ne sont pas juridiquement tenues de procéder à des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée, Philippe Dufresne a dit souhaiter que ces évaluations deviennent une obligation légale. Toujours selon Philippe Dufresne, il faudrait modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels afin qu’une évaluation soit obligatoire lorsqu’une entité fédérale « développe un nouveau programme ou utilise de nouveaux outils qui peuvent avoir des conséquences importantes pour la vie privée ».

Bill Matthews n’était pas du même avis. Selon lui, « [il] peut ne pas être justifié » que le MDN et les FAC procèdent à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée pour un logiciel si une autre entité fédérale a déjà effectué l’évaluation au sujet du même logiciel. À son avis, une entité fédérale comme Services partagés Canada pourrait avoir évalué un logiciel « pour l’ensemble du gouvernement » afin de déceler toute répercussion sur la protection de la vie privée. Selon lui, le MDN et les FAC devraient suivre la procédure suivante :

[Quand] les gens du Bureau du dirigeant principal de l'information prennent connaissance d'un nouveau logiciel, ils l'examinent du point de vue de la sécurité — qui est le premier point de tension —, puis, du point de vue de la protection des renseignements personnels. Ensuite, s'il estime qu'une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée est justifiée, le Bureau de la secrétaire générale prend les mesures qui s'imposent.

Des témoins ont aussi parlé des défis que des membres des FAC doivent surmonter lorsqu’ils tentent d’avoir accès à leurs renseignements personnels, y compris leur dossier médical. Selon Gregory Lick, ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes[10], cela pourrait être « préjudiciable au moral » du personnel du MDN et des membres des FAC s’ils ne pouvaient pas obtenir les renseignements – y compris leurs renseignements personnels – dont ils ont besoin en temps voulu.

En ce qui concerne les dossiers médicaux des membres des FAC qui réintègrent la vie civile, Gregory Lick a noté que le MDN et les FAC ont récemment pris des mesures visant à améliorer l’accès des membres à leurs dossiers. Le général Wayne Eyre, chef d’état-major de la Défense[11], a mentionné que le processus permettant d’accéder à ces dossiers a été modifié en 2018, de telle sorte que la plupart des membres qui réintègrent la vie civile n'ont plus à présenter de demande d’accès à l’information. Bill Matthews a toutefois admis que certains membres des FAC qui retournent à la vie civile doivent présenter une demande relative à l’AIPRP s’ils ont été incapables d’avoir accès à leurs dossiers personnels, y compris leur dossier médical, avant leur départ des FAC.

En parlant des rapports du Bureau de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes qui portent sur l’accès des membres des FAC à leurs dossiers médicaux, Gregory Lick a souligné qu’il existe toujours des problèmes d’accès. Selon lui, le MDN fournit parfois ces dossiers sur un disque compact, alors que « de nombreuses personnes n'ont plus de lecteur de disques compacts ». Il a aussi insisté sur le fait que des membres des FAC ne reçoivent pas ces dossiers « aussi rapidement qu'on pourrait le souhaiter ».

Moderniser les systèmes de gestion de l’information

Des témoins ont discuté de l’ancienneté et de la quantité de l’information stockée, ainsi que de la modernisation des systèmes de gestion de l’information au MDN et aux FAC. Bill Matthews a déclaré que certains de ces systèmes « ne sont pas intégrés » ou sont « désuets », ce qui nuit à la capacité du personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC de traiter les demandes relatives à l’AIPRP et d’y répondre en temps opportun. Selon lui, il faut beaucoup de temps au personnel de l’AIPRP pour trouver les documents en format papier.

Soulignant que, généralement, « [les] gens ne font pas une bonne gestion de l’information », Caroline Maynard a déclaré que les systèmes de gestion de l’information des entités fédérales contiennent « beaucoup trop d’information ». Elle a ajouté que, au fil du temps, le nombre de pages d’information requises pour répondre à certaines demandes d’accès à l’information est passé « de deux ou trois pages dans un petit fichier papier » à « des milliers de pages ». Caroline Maynard a souligné qu’« [il] y a bel et bien un problème de gestion de l'information, ce qui entraîne des retards ».

Bill Matthews a déclaré que le personnel dirigeant du MDN et les officiers supérieurs des FAC peuvent jouer un rôle important en sensibilisant l’ensemble de leur personnel au fait que la gestion de l’information « est une dimension importante de leur travail ». Il a insisté sur le fait qu’il faut donner de la formation sur la tenue de « registres appropriés », ce qui pourrait réduire la quantité de temps que le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC consacre à faire des recherches dans les documents en format papier afin de répondre aux demandes relatives à l’AIPRP. Dans la même veine, Caroline Maynard a souligné que « le leadership de la haute gestion et de la haute direction est indispensable pour influencer un changement de culture au sein d'une organisation », et que « [ce] leadership doit s'étendre aux pratiques de gestion de l'information et aux protocoles de communication interne » afin que le MDN et les FAC se conforment à la Loi sur l’accès à l’information.

S’agissant de la modernisation des systèmes de gestion de l’information du MDN et des FAC, Bill Matthews a indiqué qu’en date du 12 février 2024, « [des] plans sont en cours », comme la numérisation du processus d’AIPRP du MDN et des FAC. Il a aussi indiqué que le MDN prévoit moderniser « certains […] systèmes d’information de base à l’échelle du ministère », notamment dans les domaines des finances, des ressources humaines et de l’approvisionnement.

Enfin, Patrick White a exhorté le MDN et les FAC à mettre en œuvre un système de gestion de l’information afin de « conserver » tous les documents – y compris les courriels et d’autres types de correspondance – pertinents au travail de tous les anciens employés du MDN et anciens combattants des FAC. Selon lui, ce système permettrait aux personnes qui présentent une demande relative à l’AIPRP d’obtenir une grande variété d’information.

Classifier les documents

Des témoins ont attiré l’attention sur la classification des documents du MDN et des FAC, affirmant qu’il y a souvent surclassification. Bill Matthews a admis qu’au sein du MDN et des FAC, « [il] existe un a priori […] qui consiste à tout classer secret ou protégé », et que les niveaux de classification empêchent souvent le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC de traiter des demandes relatives à l’AIPRP en temps opportun. Il a expliqué que les membres de ce personnel doivent faire preuve de « plus de soin et d’attention » lorsque des documents sont classifiés « secret » ou « protégé ».

En comparant le processus de classification des documents de défense et de sécurité du gouvernement du Canada avec celui du gouvernement des États-Unis, Richard Shimooka a déclaré que le gouvernement du Canada surclassifie parfois des documents que le département de la Défense des États-Unis « publie régulièrement » dans les médias de ce pays. De plus, Richard Shimooka et Tim McSorley, coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, ont proposé que le gouvernement du Canada envisage une approche semblable au système de classification des documents du gouvernement de la Finlande. Tim McSorley a qualifié le système de classification finlandais de « rigoureux et clairement établi », tandis que Richard Shimooka a indiqué que « rien n'[y] est classifié à moins d'être spécifiquement défini comme tel ».

En parlant de la perception de surclassification des documents au sein du MDN et des FAC, le général Eyre a souligné la nécessité d’évaluer régulièrement l’approche en matière de classification. Il a ajouté qu’il faut avoir « une mentalité du “besoin de partager”, plutôt que du “besoin de savoir” », au moment de prendre une décision en matière de divulgation d’information et de classification de documents. Selon le général Eyre, la « position par défaut » ne devrait pas être de classer la majorité des documents « secrets » ou « réservés aux Canadiens ».

Bill Matthews a souligné l’importance d’offrir une « formation adéquate » sur la classification des documents afin que le personnel du MDN et les membres des FAC possèdent les connaissances et les ressources nécessaires pour déterminer quels documents devraient être classés « secrets » ou « protégés ». À son avis, sans une formation adéquate, il est probable qu’on attribuera « d'entrée de jeu » une cote de sécurité élevée à tous les documents. Il a par ailleurs indiqué que des efforts visant à contrer la tendance à surclassifier les documents au sein du MDN et des FAC « [règleraient] une partie du problème » associé au manque de transparence perçu au sein de ces entités. Bill Matthews a aussi indiqué que le MDN et les FAC sont en train de déclassifier des documents qui pourraient être d’intérêt public, mais qu’« il faut remplir beaucoup de paperasse avant de pouvoir publier des renseignements ».

Par ailleurs, Bill Matthews a déclaré qu’il serait « difficile » d’utiliser un processus centralisé de déclassification des documents fédéraux, étant donné que le gouvernement fédéral « est assez grand ». Il a néanmoins souligné qu’il « vaudrait certainement la peine » d’élaborer des lignes directrices fédérales claires sur la déclassification des documents, et que cela contribuerait à assurer une plus grande uniformité parmi les entités fédérales.

Enfin, selon le général Eyre, il faudrait accorder la cote de sécurité nécessaire aux membres du Comité afin qu’ils puissent examiner des documents classifiés et recevoir à leur sujet des breffages de hauts fonctionnaires.

S’attaquer à la perception de « culture du secret »

Des témoins ont fait part de leur opinion au sujet de la « culture du secret » perçue au sein du MDN et des FAC, culture qui limite le partage d’information avec les personnes appropriées et le public. Selon Richard Shimooka, certains membres du personnel du MDN « ont souvent recours à des interprétations très restrictives dans le but d’empêcher la divulgation de certains documents, quand ils n’affirment pas carrément qu’aucun document du genre n’a été trouvé ».

Bill Matthews a parlé des exemptions précises de la Loi sur l’accès à l’information qui « guident » les décisions du MDN et des FAC lorsque vient le moment de déterminer l’information à ne pas divulguer – ou à divulguer sous forme caviardée – au public. Il a noté que ces exemptions visent « les renseignements personnels », « les renseignements exclusifs de tiers » ou d’autres renseignements qui, s’ils étaient divulgués, pourraient porter atteinte à la réputation du Canada « du point de vue des affaires internationales ». Philippe Dufresne a indiqué que même si la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels contiennent des exemptions précises, « des recours sont prévus » pour qu’une personne puisse contester les motifs invoqués par une entité fédérale pour ne pas divulguer certains renseignements.

En parlant des organismes de défense des libertés civiles qui analysent les incidences réelles et possibles des lois de sécurité publique et d’antiterrorisme sur les libertés civiles au Canada, Tim McSorley a dit ceci : « Une grande partie [du] travail [de ces organismes] consiste à lutter contre l'étendue sans cesse croissante de la culture du secret » au sein des entités fédérales. Il a ajouté que la culture du secret « engendre l'absence de reddition de comptes, ce qui mène immanquablement à des abus », et que « [c’est] particulièrement troublant lorsque cela se produit dans des domaines comme la sécurité nationale et la défense nationale, dans lesquels on doit composer avec des problèmes des plus complexes et on risque souvent de commettre les plus graves violations des droits de la personne ». Toujours selon Tim McSorley, « sous prétexte de vouloir protéger la sécurité nationale », il y a eu « une érosion constante de la transparence » au sein du MDN et des FAC, du Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CST) et d’autres entités fédérales des secteurs de la défense et de la sécurité nationale.

Tim McSorley a aussi attiré l’attention sur deux organismes qui surveillent les activités de sécurité nationale et de renseignement d’entités fédérales telles que le CST, le MDN et les FAC : l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR). Selon lui, l’OSSNR et le CPSNR « [assurent] le genre de reddition de comptes qui ne peut manifestement pas être offerte directement au public parce que le CST, les services de renseignement du MDN et d'autres organismes de sécurité nationale travaillent en secret ».

Toutefois, selon Tim McSorley, le personnel de l’OSSNR ainsi que les membres et le personnel du CPSNR « sont tenus au secret et travaillent dans des installations sécurisées ». Il a ajouté qu’une grande partie de l'information fournie par l’OSSNR et le CPSNR est « caviardée lorsqu'elle est rendue publique ». Toujours selon lui, certains de leurs examens ont indiqué que le CST « [nuit] fondamentalement » à leur « capacité […] de faire leur travail »; qu’il est « lent à fournir de l’information »; et « qu'il ne donne pas accès aux dossiers de manière à permettre des recherches et des vérifications indépendantes[12] ». Tim McSorley a ajouté ceci :

[Le] CPSNR a affirmé que les [organismes fédéraux] sur lesquels il se penche, y compris le CST, ont refusé de fournir des renseignements en se fondant sur des motifs qui ne sont pas prévus par la loi ou ont tout simplement décidé d'eux-mêmes de ne pas fournir des renseignements pertinents. L'OSSNR a indiqué que le CST n'avait pas su mettre en place un système pour lui permettre d'accéder à l'information de façon indépendante, de telle sorte que c'était le personnel du CST qui déterminait lui-même quels renseignements fournir à l'OSSNR, rendant ainsi tout examen indépendant impossible. L'OSSNR a également signalé des retards importants dans la communication de l'information par le CST, ce qui a nui à la progression des examens et allait à l'encontre des obligations juridiques du CST envers l'OSSNR[13].

Toujours selon Tim McSorley, le CST et d’autres entités fédérales qui « retiennent illégalement de l'information, font de l'obstruction et retardent les examens » des activités de sécurité nationale et de renseignement ne subissent aucune conséquence pour leurs actions ou leur inaction. Le ministre Blair n’était pas de cet avis. Selon lui, les membres du personnel du CST « respectent très rigoureusement [les] exigences juridiques » liées aux activités de sécurité nationale et de renseignement du CST.

Richard Shimooka s’est concentré sur les effets qu’a la perception de culture du secret au MDN et dans les FAC sur la capacité des hauts fonctionnaires du MDN et des officiers supérieurs des FAC à communiquer en public. Selon lui, au fil du temps, « des efforts [constants ont été] déployés pour limiter la capacité des fonctionnaires [fédéraux] à discuter des politiques avec les parties intéressées ». Il a ajouté ceci :

Dans les années qui ont suivi l’enquête sur la Somalie [en 1993, concernant la torture et l’assassinat d’un civil somalien par deux membres des FAC], le ministère de la Défense nationale avait une politique de communication assez libérale, et il était assez facile d’accéder aux fonctionnaires. Les ministères mettaient à la disposition des intéressés des spécialistes d’une question donnée pour des fins de discussions, ce qui était l’un des aspects les plus utiles.
Toutefois, en 2005, la politique a radicalement changé, en partie parce que l’on a jugé nécessaire, dans le contexte de la guerre en Afghanistan, de s’en tenir à des messages précis, et parce que le gouvernement [de Stephen] Harper préférait des stratégies de communication centralisées. L’accès à l’information a donc été réduit et replacé par des réponses superficielles à l’intention des médias formulées par les représentants des affaires publiques.

En ce qui concerne le recours aux accords de non-divulgation dans le but de conserver le caractère confidentiel de l’information, Tim McSorley et Richard Shimooka étaient d’avis que le MDN et les FAC ont utilisé ce type d’accords comme s’il s’agissait de « bâillons », limitant par le fait même la capacité de certains employés du MDN et membres des FAC à communiquer publiquement de l’information. Richard Shimooka a aussi déclaré qu’au fil du temps, les « relations de travail » entre les employés du MDN ou les membres des FAC et les chercheurs non gouvernementaux sont devenues « de plus en plus difficile[s] », ajoutant que « [l’une] des plus graves ruptures [dans les relations de travail] s’est produite après 2015, quand le vice‑amiral Mark Norman a été inculpé d’abus de confiance et que l’on a forcé les membres du projet de capacité des futurs chasseurs à signer un engagement de ne rien divulguer ». Selon lui, « [ces] événements ont eu pour effet de pétrifier » le personnel du MDN et les membres des FAC, qui « avaient peur des possibles conséquences de s’exprimer à l’extérieur de l’appareil gouvernemental ».

Selon Richard Shimooka, le personnel du MDN et les membres des FAC qui participent à d’importants projets d’approvisionnement en matière de défense, comme le projet de capacité des futurs chasseurs, ont « accès à des renseignements techniques très délicats et hautement confidentiels » et « savent déjà très bien » quel genre d’information il est possible de rendre public. Cela dit, Richard Shimooka a aussi affirmé que le recours qu’on aurait eu à des ordonnances de non-divulgation concernant le projet de capacité des futurs chasseurs avait affecté le moral du personnel du MDN et des membres des FAC qui participaient à ce projet, et il a avancé que certains membres des FAC avaient quitté les forces armées « à cause de [cette] consigne du silence ».

En ce qui concerne l’utilisation de « langage codé » ou de pseudonymes pour faire référence à des officiers supérieurs des FAC dans les communications internes, le colonel (à la retraite) Drapeau a affirmé qu’« [il] est courant » d’utiliser des pseudonymes « dans le cadre de diverses opérations et […] circonstances ». Il toutefois ajouté qu’il serait « choqué » si les FAC utilisaient des pseudonymes « de manière inappropriée ou illégale » dans le but de dissimuler de l’information sur des officiers supérieurs des FAC accusés d’actes répréhensibles.

Enfin, mettant l’accent sur les efforts visant à améliorer la confiance du public dans les FAC, le général Eyre a déclaré que les membres des FAC devraient communiquer régulièrement avec les Canadiens au sujet « des défis auxquels nous faisons face et des succès que nous remportons régulièrement ». Il a également préconisé « un effort de l'ensemble de la société », y compris de la part des parlementaires canadiens, pour « mettre en valeur l'excellent travail » des membres des FAC au pays comme à l’étranger; améliorer la compréhension des politiques, des opérations et des activités quotidiennes des FAC; et souligner le besoin de soutenir les FAC. Par ailleurs, le général Eyre a dit qu’il est important que les intervenants – y compris le personnel du MDN, les membres des FAC, les parlementaires, les organisations de la société civile et d’autres – tiennent des discussions transparentes sur des sujets de défense nationale et de sécurité nationale, « non pas pour répandre la peur, mais pour sensibiliser » le public à l’environnement de sécurité internationale dans lequel les FAC évoluent.

Propositions visant à renforcer la surveillance

Des témoins ont parlé de renforcer la surveillance du MDN et des FAC en mettant l’accent sur les points suivants : résoudre les griefs grâce au processus de règlement des griefs des FAC; créer un cadre législatif pour le Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes; protéger les dénonciateurs contre les représailles; traiter les allégations d’inconduite sexuelle au sein des FAC; et soutenir le travail de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire du Canada (CPPM).

Résoudre les griefs

Des témoins ont décrit le processus utilisé par les FAC pour résoudre les griefs soumis par leurs membres. Le ministre Blair a indiqué que les membres des FAC ont accès à des « mécanismes complets de traitement des plaintes », dont le processus de règlement des griefs des FAC, pour « demander des comptes à leurs dirigeants ». Décrivant les types de griefs présentés aux FAC en date du 12 février 2024, Bill Matthews a estimé que 35 % d’entre eux étaient « liés à la gestion de carrière »; entre 28 et 29 % à la solde et aux avantages sociaux; et 13 % à la conduite et au rendement. Par ailleurs, le colonel (à la retraite) Vihar Joshi, président intérimaire du Comité externe d’examen des griefs militaires, a fait remarquer qu’il est rare que les membres des FAC présentent un grief parce qu’ils disent « faire l'objet de représailles de la part de la chaîne de commandement ».

Décrivant les diverses étapes du processus de règlement des griefs des FAC, le ministre Blair a déclaré qu’en général, les membres des FAC peuvent présenter un grief à leur commandant ou à un officier supérieur désigné des FAC, qui a « l’autorité initiale » de prendre une décision au sujet du grief. Le major-général Erick Simoneau, chef d’état-major et chef de la Conduite professionnelle et de la culture des FAC, a observé que l’officier supérieur des FAC chargé de rendre la décision initiale au sujet du grief dispose habituellement de quatre mois pour rendre cette décision, mais que cette période peut être prolongée.

Le ministre Blair a indiqué que les membres des FAC qui ne sont pas d’accord avec la décision initiale concernant leur grief peuvent demander au chef d'état-major de la Défense ou à un autre officier supérieur des FAC de « réexaminer » le grief « en tant qu'autorité de dernière instance ». Le major-général Simoneau a déclaré que les membres des FAC disposent de 30 jours après la réception de la décision initiale pour présenter une demande de réexamen, et qu’il est parfois possible de prolonger cette période.

Par ailleurs, le major-général Simoneau a indiqué que le chef d’état-major de la Défense ou l’officier désigné ne sont pas assujettis à une « limite de temps » lorsqu’il s’agit de rendre une décision finale. Le colonel (à la retraite) Drapeau a avancé qu’« il n’est pas inhabituel que le chef d’état-major de la Défense prenne entre quatre et cinq ans pour rendre une décision finale », ajoutant qu’« [un] délai aussi long entraîne une grande frustration et donne l’impression aux plaignants [des FAC] qu’ils ne sont pas appréciés à leur juste valeur ». Toujours selon lui, « [ce] n’est que lorsque le chef d’état-major de la Défense signe la décision finale qu’un [membre des FAC] peut s’adresser à la Cour fédérale pour un contrôle judiciaire ».

Des témoins ont aussi parlé des défis auxquels sont confrontés les membres des FAC lorsqu’ils présentent un grief. Dans son mémoire présenté au Comité, le colonel (à la retraite) Drapeau a qualifié de « dysfonctionnel » et « défectueux » le processus de traitement des griefs. Il a noté que « dès 2003 », dans un rapport indépendant sur la Loi sur la défense nationale, Antonio Lamer, ancien juge en chef de la Cour suprême, avait déclaré qu’il fallait « redresser la situation[14] ». Le mémoire mentionne également trois autres rapports indépendants faisant état de « problèmes structurels majeurs » au sein du processus : le rapport de l’ancien juge de la Cour supérieure de l’Ontario Patrick LeSage, en 2011; le rapport de l’ancien juge de la Cour suprême Morris J. Fish, en 2021; et le rapport de l’ancienne juge de la Cour suprême, Louise Arbour, en 2022[15].

Selon Patrick White, la majorité des membres des FAC, en particulier ceux qui n’ont aucune « connaissance du droit » relativement au processus de règlement des griefs des FAC, peuvent avoir de la difficulté à « y être bien ». Il a avancé qu’ils n’ont peut-être pas accès à des conseils juridiques ou à toutes les ressources offertes aux officiers supérieurs des FAC chargés de rendre des décisions au sujet des griefs. Patrick White a aussi déclaré que le processus exige que les membres des FAC qui déposent un grief doivent consacrer beaucoup de leur temps libre « à se battre contre un système rempli de gens payés et employés à temps plein pour défendre le système ».

En plus de parler des défis liés au processus de règlement des griefs des FAC, des témoins ont attiré l’attention du Comité sur les efforts déployés par les FAC pour moderniser et simplifier ce processus. Le major-général Simoneau a fait remarquer que, depuis le début de février 2024, les membres des FAC peuvent utiliser un formulaire numérisé, qui représente la « première étape » de la modernisation. Il a ajouté que la soumission en ligne des griefs aidera les FAC à « suivre » le nombre de griefs qu’elles reçoivent. Le major-général Simoneau a noté que, avant la numérisation, les FAC avaient de la difficulté à « savoir combien de griefs [étaient] actifs dans le système à un moment donné, simplement parce que jusqu'ici, ils étaient sur papier ».

Par ailleurs, le général Eyre a souligné que les FAC prévoyaient mettre sur pied un centre d'expertise sur les griefs[16] d’ici l'automne 2024. Des « spécialistes dans le domaine des griefs » aideront les membres des FAC à présenter un grief et les officiers supérieurs à les régler. Il a ajouté que ce centre permettra de repérer les « problèmes systémiques » liés aux griefs, ce qui permettra aux FAC de prendre des « mesures rapides ».

Favorable à la modernisation et à la simplification du processus de règlement des griefs des FAC, Gregory Lick a encouragé celles-ci à utiliser un processus de résolution à l’amiable des griefs, ajoutant que si elle est mise en œuvre, cette approche « représentera une occasion supplémentaire de régler une plainte ou un conflit avant de passer au long processus de règlement des griefs ». Il a aussi qualifié d’« excellente initiative » le Service de gestion intégrée des conflits et des plaintes des FAC, car il aide les membres des FAC à résoudre de manière informelle des conflits de travail avant d’en venir à un grief.

En parlant de l’arriéré actuel de griefs non traités dans les FAC, le général Eyre et le major-général Simoneau ont mentionné la mise en œuvre récente d’un projet pilote des FAC visant à la fois à réduire l’arriéré et à trouver de nouveaux outils et d’autres ressources qui pourraient contribuer à la modernisation et à la simplification du processus de traitement des griefs. Selon le général Eyre, le projet pilote « a permis [aux FAC] d'amorcer les étapes nécessaires » pour traiter l’arriéré « au fil des semaines et des mois à venir »; de déterminer qu’il fallait favoriser le « recours […] au règlement à l’amiable »; et d’offrir aux officiers supérieurs des FAC de nouveaux pouvoirs délégués pour régler les griefs.

Par ailleurs, le général Eyre a souligné que les efforts déployés pour moderniser et simplifier le processus de règlement des griefs des FAC s’inscrivent « dans un vaste mouvement à l'échelle de l'institution » visant à « faire régner un climat empreint de respect, d'inclusivité et d'intégrité ». Il a ajouté que, en 2022, les FAC avaient publié L'éthos des Forces armées canadiennes: digne de servir, qui présente les principes, les valeurs et les normes de conduite des membres des FAC. Le général Eyre a aussi indiqué que les FAC prévoient publier une « stratégie d'évolution de la culture » dans un avenir rapproché.

Des témoins ont parlé du rôle que joue le Comité externe d’examen des griefs militaires (CEEGM) dans l’examen des griefs que le chef d’état-major de la Défense lui présente. Le ministre Blair a déclaré que les recommandations du CEEGM peuvent aider le chef d’état-major de la Défense à prendre la décision finale au sujet d’un grief. Le colonel (à la retraite) Joshi a souligné que le chef d’état-major de la Défense et les membres des FAC qui présentent un grief ne sont pas liés par les conclusions et les recommandations du CEEGM concernant le grief, mais que les FAC doivent expliquer pourquoi elles n’y donnent pas suite, le cas échéant. Il a également noté que le CEEGM publie en ligne certains résumés de cas et les recommandations qui les concernent afin d’informer les membres des FAC qui songent à déposer un grief.

En ce qui concerne le fait que le chef d’état-major de la Défense renvoie des griefs au CEEGM, le colonel (à la retraite) Joshi a fait remarquer que ces renvois peuvent être « discrétionnaires » ou « obligatoires ». Ils sont obligatoires lorsque le grief a pour objet des accusations de harcèlement, concerne des questions liées à la rémunération, aux indemnités, aux soins de santé, aux soins dentaires ou aux autres avantages sociaux, ou touche à certaines « décisions personnelles » prises par le chef d’état-major de la Défense. En ce qui concerne les renvois discrétionnaires, il a noté que les FAC n’ont pas l’obligation de renvoyer une décision portant sur un grief concernant la carrière professionnelle d’un membre des FAC. Cela dit, le colonel (à la retraite) Joshi a précisé que le nombre de dossiers discrétionnaires « a beaucoup baissé » depuis 2023. Il a également souligné que le CEEGM « [prend] connaissance d'un grief seulement lorsqu'il […] est renvoyé par [le chef d’état-major de la Défense], ce qui a lieu longtemps après son dépôt, soit habituellement au moins quatre à six mois après ».

Le colonel (à la retraite) Joshi a proposé que le gouvernement fédéral adopte une loi qui obligerait le chef d’état-major de la Défense à renvoyer tous les griefs au CEEGM. À son avis, cette approche permettrait de s’assurer que les membres des FAC obtiennent « les renseignements dont ils ont besoin pour que leurs griefs soient correctement examinés ». Il a ajouté ceci :

Bien qu'il puisse sembler que [le renvoi obligatoire de tous les griefs] serait plus long, au final, cela permet de gagner du temps dans le processus. Pourquoi? Les Forces armées canadiennes et le membre reçoivent en retour un dossier entièrement analysé avec tous les renseignements qu'il renferme et le déroulement logique de la façon dont nous sommes arrivés à une recommandation ou à une conclusion. Lorsque l'autorité finale reçoit le dossier, elle dispose d'un dossier complet. Elle peut l'examiner. Elle a un avis indépendant. Nous expliquons également aux plaignants pourquoi nous pensons que leur dossier devrait être réglé d'une certaine manière. Cela nous donne une certaine transparence et renforce la confiance dans le système.

Le colonel (à la retraite) Joshi a attiré l’attention du Comité sur deux des recommandations du rapport de 2021 du juge Fish : rendre contraignantes les conclusions et les recommandations du CEEGM concernant certains griefs si le chef d’état-major de la Défense n’y donne pas suite dans les 90 jours; et mettre sur pied un groupe de travail afin de déterminer si le chef d’état-major de la Défense devrait déléguer l’étape de la décision finale en matière de grief au CEEGM ou à une autre entité de surveillance fédérale.

Enfin, concernant les nominations des membres du CEEGM par le gouverneur en conseil[17], le colonel (à la retraite) Joshi a signalé qu’il y avait eu deux vacances au sein du CEEGM au cours des cinq dernières années, ce qui avait nui à sa surveillance du processus de règlement des griefs des FAC. Il a indiqué que la présidente et un vice-président du CEEGM avaient « quitté le comité » en 2022 et que ces postes n’avaient « pas encore été pourvus » en date du 26 février 2024[18].

Créer un cadre législatif pour le Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes

Des témoins ont discuté du Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, en s’attardant sur le fait qu’il devrait être assujetti à un cadre législatif et que l’ombudsman devrait relever directement du Parlement[19]. Le ministre Blair a indiqué qu’il reviendrait au Parlement de décider de ce cadre législatif et de déterminer la nature et l’étendue de l’indépendance du Bureau.

Gregory Lick s’est dit en faveur de la création d’un cadre législatif pour un Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes indépendant, et il a approuvé que l’ombudsman devienne un agent du Parlement, ce qui « ferait passer le traitement équitable [du personnel du MDN et des FAC] avant toute considération politique ». Il a aussi déclaré que, en l’absence de cadre législatif et d’indépendance, le Bureau est soumis au regard du MDN et des FAC, les deux entités « qu’il a le mandat de surveiller ». Il a donné l’exemple d’une enquête truffée « d’erreurs de procédure et d’injustices » visant le personnel du Bureau menée par le MDN pendant le mandat de son prédécesseur[20].

De plus, selon Gary Walbourne, ancien ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, le ministre de la Défense nationale refusait parfois de le rencontrer pour « discuter de questions importantes », et le MDN employait « des tactiques qui limit[aient] [sa] capacité de faire [son] travail ». Il a ajouté qu’après avoir décidé d’informer Harjit Sajjan, le ministre de la Défense nationale de l’époque, des allégations d’inconduite sexuelle à l’endroit du général Jonathan Vance[21], l’ancien chef d’état-major de la Défense, le personnel du ministre avait refusé d’organiser des rencontres régulières entre le ministre et lui pour discuter de ces allégations et d’autres sujets.

En ce qui concerne l’éventualité d’une loi qui créerait un Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes indépendant, Gary Walbourne s’est dit en faveur d’un projet de loi d’initiative parlementaire présenté à la Chambre des communes en novembre 2023, le projet de loi C‑362, Loi constituant le Bureau de l’ombud du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, apportant des modifications connexes à la Loi sur les contraventions et modifiant certaines lois en conséquence. Il s’est dit « [encouragé] de constater que d'autres voient maintenant les avantages d'inscrire le poste d'ombudsman dans la loi ».

Comparant l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes à des ombudsmans similaires ailleurs dans le monde, Gregory Lick a indiqué que « la plupart des ombudsmans dans le monde » n’ont « pas de pouvoir contraignant ». Il a ajouté que leur travail est plutôt fondé sur la « persuasion morale ». Il s’agit – notamment grâce à des enquêtes de surveillance – de persuader le gouvernement « de faire la bonne chose [en fonction des] éléments de preuve de l’enquête ». À son avis, le Canada est le seul pays membre du Groupe des cinq, une alliance en matière de renseignement[22], « qui n'exerce pas une surveillance prévue par la loi » de ses forces armées. Il a donné l’exemple du Royaume-Uni, soulignant que l’ombudsman des plaintes liées au service du Royaume-Uni a le pouvoir de faire certaines recommandations contraignantes au sujet des forces armées de ce pays.

Des témoins ont aussi parlé du niveau d’indépendance du Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes par rapport au MDN et aux FAC. Bill Matthews a noté que le MDN avait pris des mesures pour « assouplir » certains « contrôles financiers » afin que l’ombudsman « puisse jouir d’une plus grande indépendance ». Gary Walbourne, lui, était plutôt d’avis que le Bureau n’a ni « le contrôle financier » ni « le contrôle des ressources humaines », le MDN prenant la majorité des décisions finales concernant le budget du Bureau, le processus d’embauche et d’autres questions administratives. Gregory Lick était lui aussi d’avis que le Bureau n’avait pas le plein contrôle de son processus d’embauche et que le MDN avait instauré « un si grand nombre de contrôles des ressources humaines » que le Bureau n’est pas en mesure « d'embaucher les personnes […] les mieux placées pour faire le travail ».

De plus, Gary Walbourne a attiré l’attention sur le besoin d’accroître le niveau d’indépendance du Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes afin que les membres des FAC perçoivent qu’il est indépendant de la chaîne de commandement. Selon lui, il est probable que certains membres des FAC « qui ont été lésés » ne déposeront pas de plainte au Bureau s’ils « se méfient » du système de justice militaire et ont l’impression qu’il manque d’indépendance par rapport au MDN et aux FAC.

Certains témoins ont également émis des commentaires au sujet du processus de nomination de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Selon Gary Walbourne, la nomination de l’ombudsman par le gouverneur en conseil sur l’avis du ministre de la Défense nationale « va à l’encontre de tout ce que l’on entend par transparence » et n’assure pas l’indépendance de l’ombudsman par rapport au MDN et aux FAC. À son avis, le processus de nomination actuel implique l’idée de « contrepartie » : le gouvernement fédéral voudra « réclamer son dû » de l’ombudsman « à un moment donné ». Il a préconisé un processus de nomination sous forme de « concours ouvert » où on retiendrait « la bonne personne » en fonction du mérite et des capacités.

Des témoins ont aussi discuté de l’état de mise en œuvre, par le MDN et les FAC, des recommandations contenues dans certains des rapports du Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Selon Gary Walbourne, en date du 17 avril 2024, le MDN et les FAC n’avaient pas totalement mis en œuvre certaines des recommandations contenues dans les 14 rapports publiés par le Bureau entre 2014 et 2018.

Gregory Lick a quant à lui indiqué que le MDN et les FAC ne sont pas obligés de mettre en œuvre les recommandations contenues dans les rapports du Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, ni d’y répondre. Il a ajouté ceci :

Nos rapports, qui sont fondés sur des éléments probants, visent à éliminer les problèmes systémiques auxquels est confrontée la communauté de la Défense. En fait, les réponses que nous recevons [du MDN et des FAC] ne contiennent aucun détail concret sur la mise en œuvre des recommandations, et mettent maintenant des mois à arriver. Nous savons que le ministère a préparé des réponses.

Gregory Lick a également parlé d’un rapport, publié en septembre 2023 par le Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, qui portait sur les besoins en matière de santé mentale des réservistes des FAC participant aux opérations nationales, ainsi que sur le soutien mis à leur disposition[23]. Il a précisé que le ministre de la Défense nationale n’y avait toujours pas donné suite cinq mois après sa publication.

Protéger les dénonciateurs contre les représailles

Des témoins ont parlé des défis auxquels sont confrontés les dénonciateurs au sein du MDN et des FAC lorsqu’ils signalent un acte répréhensible présumé[24]. Selon le colonel (à la retraite) Drapeau, comme la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles ne s’applique pas aux FAC, les dénonciateurs qui sont membres des FAC « ne bénéficient d'aucune protection [juridique] » lorsqu’ils signalent un acte répréhensible présumé. Ils doivent soumettre un rapport qui doit « [passer] par la chaîne de commandement, qui peut en réalité être en cause ». Il a indiqué que les membres des FAC n’ont « pas de syndicat ni d’organisme pour parler en [leur] nom », qu’ils sont souvent « laissés à eux-mêmes » au moment de signaler un acte répréhensible présumé, et que la plupart d’entre eux doivent payer pour obtenir des conseils juridiques.

Toujours selon le colonel (à la retraite) Drapeau, les membres des FAC « ont un choix à faire » lorsqu’ils envisagent de signaler un acte répréhensible présumé, car cela pourrait avoir une incidence sur « leur carrière et leur réputation ». Brian Radford, avocat général au Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada, a lui aussi déclaré que « [la] crainte de représailles est sans aucun doute un problème » qui pourrait empêcher des membres du personnel du MDN ou des FAC de signaler un acte répréhensible présumé.

Patrick White a donné des exemples de représailles que des membres des FAC avaient subies après avoir signalé un acte répréhensible présumé. Il a déclaré que des officiers supérieurs des FAC avaient rejeté des demandes pour des postes ou des promotions auxquels des militaires tenaient vraiment et pour lesquels ils étaient peut-être les candidats les plus qualifiés. Patrick White a qualifié ce genre de représailles « d’abus de pouvoir » systémique qui mine la crédibilité du processus de dénonciation des FAC.

Patrick White a également souligné avoir « pris connaissance » de représailles contre des dénonciateurs des FAC « en luttant pendant cinq ans et demi contre la chaîne de commandement de la Marine royale canadienne [(MRC)] pour obtenir justice contre un individu, connu sous le nom d'officier X, accusé d'inconduites sexuelles répétées ». Selon lui, des officiers supérieurs de la MRC protégeaient les nombreux actes d’inconduite sexuelle de l’officier X. Il a ajouté ceci :

En 2018, au lieu de soutenir les victimes et les témoins des incidents répétés d'inconduite sexuelle de l'officier X, la chaîne de commandement de mon ancienne unité de la Réserve navale a interrogé les victimes et les témoins en leur servant une mise en garde contre des allégations de mutinerie et de trahison. Ces menaces d’accusations criminelles de haut niveau ont été portées contre ceux qui envisageaient de dénoncer l’officier X afin de les réduire au silence et de les intimider — autrement dit, ils faisaient face à des accusations de « mutinerie » et de « trahison » en signalant ces crimes et ces comportements inappropriés.

Patrick White a aussi ajouté ceci :

Lorsque la police militaire a trouvé suffisamment de preuves pour étayer une accusation d'agression sexuelle contre l'officier X en réponse à ma plainte, le commandant [chargé de répondre à la plainte] a décidé que la réponse appropriée consistait à réaliser du mentorat et une entrevue au niveau de la division. Rien n'indique que cette décision profondément inadéquate ait été remise en question par qui que ce soit dans toute la chaîne de commandement de la Marine royale canadienne.

Patrick White a aussi attiré l’attention sur les représailles dont il avait fait l’objet après avoir décidé de présenter une plainte à la chaîne de commandement de la MRC au sujet de l’inconduite sexuelle alléguée de l’officier X. Il a déclaré qu’un officier supérieur de la MRC avait « envoyé des courriels diffamatoires » au quartier général de la Réserve navale pour « discréditer [sa] plainte contre l’officier X » et sous-entendre que cette plainte « s'appuyait sur des faussetés » ou qu'elle avait été « déposée de mauvaise foi ». Il a dit avoir présenté plusieurs plaintes pour harcèlement à la MRC en réaction à ces représailles; des officiers supérieurs de la MRC se seraient appliqués à rejeter ses plaintes « en accordant une importance excessive à des échéanciers et à des formalités procédurales ».

Toujours selon Patrick White, l’officier supérieur de la MRC qui enquêtait sur les nombreuses allégations d’inconduite sexuelle à l’endroit de l’officier X était en « conflit d’intérêts », car il était un « ami » de l’officier X. Il a ajouté ceci :

À ma connaissance, l'officier X et tous les membres de la chaîne de commandement [de la MRC concernés par l’enquête ou les représailles] sont toujours en service dans la Marine royale canadienne, et aucun d'entre eux n'a fait l'objet de mesures disciplinaires pour ses actes.

Par ailleurs, des témoins ont fait des propositions afin d’améliorer le processus de dénonciation des FAC. Philippe Dufresne a proposé des modifications législatives qui offriraient un recours juridique adéquat, en tant que « droit reconnu par la loi », à tous les divulgateurs du MDN et des FAC. Toujours selon lui, les dénonciateurs devraient pouvoir « déposer des plaintes sans s'inquiéter des répercussions et sans craindre les représailles ». Philippe Dufresne a aussi attiré l’attention sur la nécessité de réduire le nombre de facteurs qui poussent les dénonciateurs à renoncer à signaler un acte répréhensible présumé, faisant valoir « qu'au bout du compte, leurs [signalements] servent les intérêts de la population ».

Patrick White a exhorté les FAC à « passer d'un système de représailles à l'égard des dénonciateurs à un système de protections à l'égard des dénonciateurs » afin que les membres des FAC puissent avoir « confiance » dans le fait que tous les signalements d’actes répréhensibles présumés au sein des FAC « seront examinés ou résolus » et qu’ils n’entraîneront pas de représailles. Par ailleurs, Gary Walbourne a demandé aux FAC de mettre en œuvre de nouvelles politiques et mesures afin que tous les membres des FAC aient des comptes à rendre s’ils commettent des inconduites ou des actes non professionnels, par exemple des représailles contre des dénonciateurs.

Certains témoins ont aussi discuté du rôle de surveillance que joue le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada au sujet des processus de dénonciation du MDN et des FAC. Harriet Solloway, commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada, a noté que son organisme offre un soutien aux fonctionnaires fédéraux dénonciateurs d'actes répréhensibles et qu’il enquête sur les signalements d’actes répréhensibles présumés au sein d’entités fédérales telles que le MDN, mais pas au sein des FAC, du CST ou du Service canadien du renseignement de sécurité. Cela dit, Brian Radford a souligné que le Commissariat peut enquêter dans les cas où des membres des FAC disent avoir été victimes de représailles après avoir signalé un cas d’inconduite présumé.

Enfin, le MDN ayant tardé à publier de l’information concernant des signalements d’actes répréhensibles présumés, le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada a fait enquête et publié ses constatations en septembre 2023[25]. Bill Matthews a précisé que ce retard « concernait des fonctionnaires, et non des militaires ». Il a ajouté que le MDN, en plus d’avoir récemment embauché du personnel qui devait dresser une liste de tous les signalements d’actes répréhensibles présumés, avait pris des mesures afin de moderniser son processus de dénonciation, notamment en numérisant les rapports afin de suivre « activement » les cas.

Traiter les accusations d’inconduite sexuelle

Des témoins ont également émis des commentaires au sujet des processus auxquels les membres des FAC peuvent recourir pour signaler une inconduite sexuelle présumée au sein des FAC. Le ministre Blair a dit que les membres des FAC peuvent signaler ces allégations « par l'entremise de leur chaîne de commandement ou de façon indépendante », ou encore par l’entremise de la Commission canadienne des droits de la personne[26] ou d’une autorité civile compétente, les services de police par exemple. Il a ajouté que les FAC s’étaient efforcées de traiter ces questions « de façon plus appropriée, plus rapide et, franchement, plus empathique ». Selon le major-général Simoneau, en date du 12 février 2024, les FAC étaient en train de traiter 21 griefs portant sur des allégations d’inconduite sexuelle.

D’autres témoins ont abordé le rôle des systèmes de justice militaire et civile. Au sujet du transfert à un service de police ou à une autre autorité civile des enquêtes et poursuites liées à des allégations d’inconduite sexuelle au sein des FAC, le ministre Blair a déclaré travailler « en étroite collaboration » avec les solliciteurs généraux du pays afin que les autorités civiles aient accès à l’information pertinente. Il a souligné qu’il fallait apporter des modifications à la Loi sur la défense nationale afin que certaines enquêtes portant sur des cas d’inconduite sexuelle présumée « soient menées exclusivement par les services de police compétents du secteur civil dans nos provinces » et que les poursuites se fassent au sein du système de justice civile.

Le brigadier-général Rob Holman, juge-avocat général des FAC, a déclaré que son travail consiste à veiller à ce que les autorités civiles aient accès à l’information dont elles ont besoin pour enquêter sur les allégations d’inconduite sexuelle, le Grand Prévôt des Forces canadiennes assurant « le transfert de la preuve ou des dossiers » au système de justice civile afin d’aider à l’enquête et à la poursuite.

En ce qui concerne les femmes des FAC victimes d’inconduite sexuelle, le colonel (à la retraite) Drapeau a déclaré qu’elles « sont essentiellement tiraillées » entre le système de justice militaire et le système de justice civile. Il a ajouté ceci :

Si la cause d'une victime d'agression sexuelle est instruite par le système militaire, la victime doit comparaître devant une cour martiale. Or, cette dernière se déroule dans le secteur [militaire] de l'accusé. Lorsque la victime témoigne devant le public [dans le cadre du système de justice civile], [l’auditoire] est composé de ses collègues avec lesquels elle continuera à servir pour le reste de sa carrière.

Des témoins ont également parlé des recommandations concernant les allégations d’inconduite sexuelles au sein des FAC contenues dans le rapport de 2022 de la juge Arbour. Le ministre Blair a déclaré que le gouvernement fédéral avait pris des mesures pour mettre en œuvre ces recommandations. Mettant l’accent sur la recommandation no 10 de ce rapport[27], le général Eyre a indiqué que les FAC travaillaient à « [classer] par ordre de priorité et [traiter] rapidement » les griefs liés à l'inconduite sexuelle.

De plus, certains témoins ont parlé du projet de loi C‑66, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois (le projet de loi C‑66)[28], qui a été présenté à la Chambre des communes le 21 mars 2024 et qui, s’il est mis en œuvre, transférera au gouverneur en conseil le processus de nomination des trois autorités militaires suivantes : le directeur du service d’avocats de la défense, le directeur des poursuites militaires et le Grand Prévôt des Forces canadiennes[29]. Le général Eyre et le brigadier-général Holman ont indiqué que les modifications proposées au processus de nomination du Grand Prévôt des Forces canadiennes dans le projet de loi visent davantage une « perception » d’indépendance par rapport à la chaîne de commandement militaire qu’une « indépendance en soi ». Le brigadier-général Holman a ajouté ceci :

Même dans le régime actuel, une fois que le Grand Prévôt est nommé par le chef d'état-major de la défense, il ne peut être démis de ses fonctions que sur recommandation d'un comité d'enquête indépendant à la suite d'une enquête publique. Le projet de loi C‑66 ne modifiera pas les éléments de base de ce processus, mais il y ajoutera cette perception en chargeant le gouverneur en conseil, et non plus le chef d'état-major de la défense, de nommer le Grand Prévôt.

Pour sa part, Gary Walbourne a affirmé que le transfert au gouverneur en conseil du processus de nomination des trois autorités militaires proposé dans le projet de loi C‑66 « ouvre sans contredit la porte à davantage d'ingérence » de la part du ministre de la Défense nationale.

Soutenir le travail de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire du Canada

Des témoins ont commenté la surveillance de la police militaire des FAC qu’exerce la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire du Canada (CPPM), y compris en ce qui concerne le traitement des plaintes pour inconduite. Selon le ministre Blair, en plus d’examiner ces plaintes, la CPPM – qui est indépendante du MDN – « fait enquête sur les allégations d'ingérence dans les enquêtes de la police militaire ». Le général Eyre a quant à lui déclaré que la CPPM joue un « rôle important » pour s’assurer que la population et les membres des FAC « [soient] convaincus que la police militaire agit de façon professionnelle et indépendante ».

En ce qui concerne le Rapport annuel 2023 de la CPPM, dans lequel on allègue que le Bureau du Grand Prévôt des Forces canadiennes a refusé l’accès à des informations confidentielles nécessaires à certaines enquêtes de la CPPM, le général Eyre a décrit la situation ainsi : « [I]l s'agit du cas de deux instances raisonnables qui sont en désaccord sur certaines choses, par exemple, ce qui constitue une plainte liée aux services de police, ou l'accès ou la divulgation de renseignements lorsqu'ils sont protégés par le secret professionnel des avocats. » Il a aussi indiqué qu’on avait demandé à la Cour fédérale d’entreprendre un examen judiciaire au sujet de la divulgation d’information confidentielle.

Le colonel (à la retraite) Drapeau a attiré l’attention du Comité sur les longs délais qui s’écoulent avant qu’il ne reçoive une réponse aux plaintes qu’il soumet à la CPPM « au nom de [ses] clients ». Selon lui, le processus de traitement des plaintes de la CPPM « prend des mois, voire des années ». Il a donné l’exemple suivant :

[J’ai] écrit hier au président de la Commission pour lui expliquer que l’une des plaintes avait été soumise au Bureau des normes professionnelles il y a deux ans et quatre mois de cela, et que le plaignant attendait toujours une décision de la Commission.

Enfin, le colonel (à la retraite) Drapeau s’est demandé si la CPPM et le CEEGM sont indépendants de la chaîne de commandement militaire, indiquant qu’en date du 14 février 2024, « les dirigeants de chacun de ces deux organismes [étaient] des juges-avocats généraux à la retraite ».

Conclusions et recommendations du comité

Tout comme d’autres démocraties occidentales, le Canada est confronté à une méfiance grandissante du public à l’égard des institutions démocratiques, notamment en raison d’un manque de transparence et de reddition de comptes relativement à certaines politiques et mesures fédérales. Des entités fédérales comme le MDN et les FAC devraient prendre des mesures pour contrer cette méfiance grandissante. Elles devraient par exemple communiquer l’information pertinente en temps opportun, limiter le caviardage inutile d’information et éviter de surclassifier les documents. De plus, elles devraient s’attaquer à la perception de culture du secret qui les entoure et prendre des mesures additionnelles pour sonder l’opinion des Canadiens au sujet d’une variété de sujets portant sur la défense et la sécurité. Elles devraient aussi s’assurer en permanence que toute information rendue publique ne pose pas de risque pour la sécurité nationale ou la réputation du Canada à l’étranger.

Les personnes qui présentent des demandes d’accès à l’information au MDN et aux FAC continuent de rencontrer des obstacles malgré les efforts du gouvernement fédéral visant à améliorer la transparence et la reddition de comptes. Au nombre de ces défis en matière d’accès à l’information figure le temps que le personnel de l’AIPRP du MDN et des FAC prend pour traiter les demandes d’accès à l’information et y répondre. Par ailleurs, l’absence de réaction de la part du MDN et des FAC après la réception d’ordonnances émises par le CI mine le rôle de ce dernier en tant qu’organisme de surveillance. Ces problèmes et d’autres défis font en sorte que d’autres efforts sont nécessaires pour veiller à ce que l’ensemble des politiques, des mesures et des actions du MDN et des FAC liées au processus d’AIPRP respectent en tous points la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces efforts devraient comprendre le fait de fournir au personnel de l’AIPRP la formation nécessaire pour traiter les demandes d’accès à l’information et y répondre en temps opportun.

En ce qui concerne les renseignements personnels, les membres des FAC qui font la transition vers la vie civile devraient avoir un accès adéquat et rapide à l’information qui les concerne, y compris les dossiers médicaux. Dans des rapports précédents, le Comité avait émis des recommandations visant à rendre la transition vers la vie civile des membres des FAC aussi harmonieuse que possible. Il faudrait donner suite aux recommandations qui n’ont pas encore été mises en œuvre. De plus, en raison des allégations d’atteinte à la vie privée, le MDN et les FAC devraient urgemment régler tout problème lié à la protection des renseignements personnels des membres des FAC.

Enfin, les FAC continuent d’éprouver des problèmes de recrutement et de maintien en poste du personnel, problèmes qui pourraient être réglés en partie par un changement de culture significatif. Le Canada et les membres des FAC veulent une organisation militaire caractérisée par le respect mutuel, l’intégrité et l’inclusivité. Dans ce contexte, il est essentiel de disposer de mécanismes de surveillance afin que le MDN et les FAC rendent comptent de leurs actions. Ces mécanismes devraient être dotés, entre autres, des ressources juridiques et financières appropriées pour s’acquitter de leur mandat.

Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada interdise le recours à des tactiques d’évitement de la transparence au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, comme l’utilisation de pseudonymes et de langage codé qui obscurcissent la description de personnes ou de preuves dans le but d’empêcher la recherche de communications internes ou externes concernant des particuliers.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada veille à ce que l’auteur d’une demande relative à l’AIPRP soit informé si sa demande a été divisée en parties ou si on lui a attribué un nouveau numéro.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada sanctionne le personnel du ministère de la Défense nationale et les membres des Forces armées canadiennes qui ont porté atteinte à la vie privée d’un demandeur d’accès à l’information en communiquant par exemple des renseignements personnels de manière inappropriée.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada s’assure que les officiers responsables d’enquêter sur les allégations d’inconduite ne sont pas en conflit d’intérêts.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada réexamine la classification du système d’information du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes en partant du principe que l’information devrait être de source ouverte par défaut.

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada publie un plan et un échéancier au terme desquels le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes se seront conformés à toutes les ordonnances encore non exécutées du Commissariat à l’information du Canada.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada mette en œuvre un système de continuité des dossiers au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes afin qu’il soit possible de chercher des dossiers et d’y avoir accès au moment de la retraite ou du départ d’un titulaire de dossiers.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada prenne des mesures exhaustives afin de protéger les personnes qui servent dans les Forces armées canadiennes contre toute mesure disciplinaire ou décision discrétionnaire qui pourrait avoir un effet sur leur carrière dans l’éventualité où elles présenteraient un grief militaire ou une demande relative à l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels.

Recommandation 9

Que la vérificatrice générale du Canada entreprenne la vérification des systèmes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada annule les réductions du budget et des ressources humaines apportées au Bureau de l’ombuds de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes et qu’il élimine les autres obstacles qui empêchent l’ombuds de remplir son mandat.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada exige la divulgation obligatoire des critères de recherche utilisés par les détenteurs de dossiers en réponse aux demandes de renseignements.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada prenne des mesures exhaustives afin de protéger les renseignements personnels et médicaux des membres des Forces armées canadiennes contre l’accès par des entrepreneurs tiers, à l’exception des fournisseurs de services de soins de santé de première ligne qui ont besoin d’avoir accès à ces dossiers médicaux.

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada prenne des mesures exhaustives afin que soient adoptés des plans de mise en œuvre concrets et que le délai de réponse aux rapports publiés par le Bureau de l’ombuds de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes soit réduit à un maximum de 30 jours suivant leur date de publication.

Recommandation 14

Que le gouvernement du Canada mette en œuvre toutes les recommandations contenues dans le rapport du Bureau de l’ombuds de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes intitulé Combats invisibles : Une enquête systémique sur l'identification des besoins en santé mentale et le soutien pour les membres de la Première réserve participant aux opérations nationales.

Recommandation 15

Que le gouvernement du Canada envisage d’édicter le projet de loi d’initiative parlementaire C‑362, Loi sur l'ombud du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, visant à charger un agent du Parlement indépendant de surveiller les Forces armées canadiennes et le ministère de la Défense nationale.

Recommandation 16

Que les Forces armées canadiennes remettent à tous leurs membres, lorsqu’ils quittent l’armée, une copie de leur dossier médical et personnel complet, dans un format moderne.

Recommandation 17

Que le gouvernement du Canada entreprenne immédiatement l’examen prévu par la loi du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et de la Loi sur la sécurité nationale.

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada habilite le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada à obliger par ordonnance exécutoire les entités fédérales à se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Recommandation 19

Que le gouvernement du Canada mette au point une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui sera réalisée avant l’introduction de nouveaux programmes ou outils qui pourraient avoir des conséquences importantes sur la vie privée, dans le contexte du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.

Recommandation 20

Que le gouvernement du Canada procède à un examen comparatif du système de déclassification du Canada et de ceux de nos alliés.

Recommandation 21

Que le gouvernement du Canada, conformément aux recommandations du juge Morris J. Fish, établisse que les décisions du Comité externe d'examen des griefs militaires sont exécutoires si le chef d’état-major de la défense n’y répond pas dans un délai de 90 jours, et qu’il détermine si l’étape de la décision finale devrait toujours être déléguée au Comité externe d'examen des griefs militaires.

Recommandation 22

Que le gouvernement du Canada habilite la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire à exiger la production des documents nécessaires aux enquêtes.


[1]                Voir par exemple : Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes (ETHI), Témoignages, 24 octobre 2022, 1600 (col. [à la retraite] Michel Drapeau); ETHI, L’état du système d’accès à l’information du Canada, 44e législature, 1re session, juin 2023; et Wesley Wark, Stratégie de déclassification pour les documents relatifs à la sécurité nationale et au renseignement, Bureau de la commissaire à l’information du Canada, 12 février 2020.

[2]                Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (NDDN), L’heure du changement a sonné : Réforme de l’approvisionnement en matière de défense au Canada, 44e législature, 1re session, juin 2024, p. 11 à 19 et p. 45 à 52.

[3]                Une personne peut soumettre une demande relative à l’accès à l’information et aux renseignements personnels afin d’obtenir des renseignements personnels ou non personnels détenus par des entités fédérales, y compris le ministère de la Défense nationale (MDN) et les Forces armées canadiennes (FAC). Voir Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT), Présenter une demande d’accès à l’information ou à vos renseignements personnels.

[4]                Bill Matthews a été sous-ministre, ministère de la Défense nationale, jusqu’au 31 mai 2024, date à laquelle Stefanie Beck lui a succédé. Voir MDN, « Message d’au revoir du sous-ministre Bill Matthews », La Feuille d’érable, 31 mai 2024.

[5]                Le CI enquête sur des plaintes liées à des demandes d’accès à l’information. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (CPVP) enquête sur des plaintes portant sur l’accès aux renseignements personnels et la protection de ces renseignements. Voir CI, La commissaire à l’information du Canada; et CPVP, À propos du Commissariat.

[6]                Du 4 janvier au 6 août 2024, le CI a rendu 16 ordonnances exécutoires sur le MDN, dont sept concernaient le retard qu’accuse le Ministère dans ses réponses aux demandes d’accès à l’information. Pour plus de renseignements, voir CI, « Décisions », base de données, consultée le 8 octobre 2024.

[7]                Au 22 juillet 2024, le CI était « partie » ou « intervenant » dans six affaires concernant le MDN devant la Cour fédérale. Pour plus de renseignements, voir Affaires judiciaires, base de données (mise à jour le 22 juillet 2024).

[8]                Selon le SCT, le projet de loi C‑58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, élimine également tous les frais de traitement des demandes relatives à l’AIPRP tout en maintenant les frais de 5 $ pour la présentation de ces demandes, et permet aux institutions « d’un même portefeuille ministériel de travailler ensemble pour traiter les demandes [d’AIPRP] plus efficacement ». Voir SCT, « Aperçu : Projet de loi C‑58 ».

[9]                Selon la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, les entités fédérales doivent déclarer au CPVP « les atteintes aux mesures de sécurité concernant des renseignements personnels présentant un risque réel de préjudice grave à des individus ». Voir CPVP, Ce que vous devez savoir sur la déclaration obligatoire des atteintes aux mesures de sécurité.

[10]              Gregory Lick a été ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes jusqu’en juillet 2024, date à laquelle Robyn Hynes est devenue ombudsman par intérim. Voir Ombuds précédents.

[11]              Le général Wayne Eyre a été chef d’état-major de la Défense du 24 février 2021 au 18 juillet 2024, date à laquelle la générale Jennie Carignan lui a succédé. Voir gouvernement du Canada, Anciens chefs d’état-major de la Défense; et MDN, La générale Jennie Carignan prend le commandement à titre de chef d’état-major de la Défense, communiqué de presse, 18 juillet 2024.

[12]              Selon son rapport annuel de 2022, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) a eu de la difficulté, dans certains cas, à obtenir tous les renseignements demandés du Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CST) aux fins de son examen des activités de renseignement et de sécurité nationale du Centre. Par exemple, on peut lire dans le rapport que le CST n’a pas fourni à l’OSSNR les renseignements demandés sur le nombre de cyberopérations et de cyberopérations défensives que le CST a approuvées et réalisées en 2022 parce que, selon le Centre, la divulgation publique de cette information « porterait atteinte [à ses] capacités », aux relations internationales du Canada et à la défense et à la sécurité nationales. Pour plus de renseignements, voir OSSNR, Rapport annuel de 2022, p. 17, 21, 22 et 24.

[13]              En 2020, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) a publié un rapport sur son examen, réalisé en 2018, des activités de renseignement de défense du MDN et des FAC. On peut y lire que, pendant l’examen, « [l]e MDN/FAC n'a pas fourni de son propre chef des documents pertinents à l'examen, et qui, comme l'a découvert par la suite le Comité, avaient été divulgués en vertu de demandes d'accès à l'information ». De plus, il est signalé que, dans certains cas, « le MDN/FAC a fourni des résumés de l'information importante, au lieu des documents d'origine, ce qui aurait permis au Comité de juger par lui-même des faits en cause ». Pour plus de renseignements, voir CPSNR, « Introduction », Rapport spécial sur la collecte, l’utilisation, la conservation et la diffusion de renseignements sur les Canadiens dans le contexte des activités de renseignement de défense du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, 2020.

[15]              Voir l’honorable Patrick J. LeSage, C.M., O.Ont., Q.C., Rapport final de l’autorité indépendante chargée du deuxième examen à L’honorable Peter G. MacKay, ministre de la Défense nationale, décembre 2011; l’honorable Morris J. Fish, C.C, c.r., Le troisième examen indépendant de la Loi sur la défense nationale, 30 avril 2021; et l’honorable Louise Arbour, C.C., G.O.Q., Rapport de l’examen externe indépendant et complet du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, 20 mai 2022.

[16]              Dans un rapport de juin 2024 sur les griefs militaires, le Bureau de l’ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes a signalé que le « Centre d’expertise des griefs (CEG) devrait être établi à l’automne 2024 ». Voir Bureau de l’ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, Obtenir le juste redressement: Une enquête sur les iniquités auxquelles sont confrontés les membres des Forces armées canadiennes lorsque leurs droits en matière de griefs sont limités ou inexistants, juin 2024.

[17]              Dans son rapport annuel de 2022, le Comité externe d’examen des griefs militaires (CEEGM) a indiqué que, pendant trois des cinq dernières années, il lui avait été « difficile » de « remplir son mandat en raison de la vacance de certains postes de membres du Comité lesquels sont nommés par le gouverneur en conseil ». Voir CEEGM, Rapport annuel 2022.

[18]              Le 8 mars 2024, le ministre de la Défense nationale a annoncé la nomination de Kelly Walsh au poste de présidente du CEEGM, ainsi que de William Quinn au poste de vice-président du CEEGM. Voir MDN, Le ministre de la Défense, Bill Blair, accueille deux nouveau membres dans le Comité externe d’examen des griefs militaires, communiqué de presse, 8 mars 2024.

[19]              Le Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes a été créé par des directives ministérielles en 1998 et n’a pas de cadre législatif. Selon un document publié par le Bureau en 2021, ces directives ministérielles « peuvent être annulées ou modifiées n’importe quand ». Voir Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, « Pouvoirs stables », Surveillance civile indépendante : la communauté de la défense ne mérite rien de moins - un exposé de position, 2021.

[20]              En 2018, Gregory Lick a succédé à Gary Walbourne au poste d’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Gary Walbourne a occupé le poste de 2014 à 2018. Voir Bureau de l’ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, Ombuds précédents.

[21]              Entre février et avril 2021, le Comité NDDN a tenu 10 réunions sur l’inconduite sexuelle au sein des FAC, y compris sur les allégations d’inconduite sexuelle à l’endroit du général Jonathan Vance. Voir NDDN, Mesures à considérer face aux problèmes d’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l’endroit de l’ancien chef d’état-major de la Défense Jonathan Vance, 43e législature, 2e session, 2021.

[22]              Les pays membres de l’alliance de renseignement du Groupe des cinq sont : l’Australie, le Canada, la Nouvelle‑Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis. Voir Sécurité publique Canada, Réunion ministérielle des cinq pays.

[24]              Le MDN définit la « dénonciation » comme la « divulgation d’actes répréhensibles ». Le personnel du MDN peut dénoncer des actes répréhensibles en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, et les membres des FAC peuvent le faire en vertu du Processus de divulgation des Forces armées canadiennes. Pour en savoir plus, voir MDN, Soumettre une divulgation d’actes répréhensibles.

[25]              Dans un rapport publié en septembre 2023, le Commissariat à l’intégrité du secteur public du Canada (le Commissariat) a souligné que selon la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, les entités fédérales telles que le MDN doivent « mettre promptement à la disposition du public l’information concernant [des] actes répréhensibles [allégués] ». Selon ce rapport, en 2020, le Commissariat avait lancé une enquête sur les retards du MDN à publier de l’information concernant des actes répréhensibles au sein du MDN et des FAC. Toujours selon ce rapport, le MDN n’avait pas publié en temps opportun d’information concernant trois signalements d’actes répréhensibles présumés effectués entre 2015 et 2020, cette information n’ayant été rendue publique qu’en 2021–2022. Voir Commissariat, Rapport sur le cas – ministère de la Défense nationale (septembre 2023), septembre 2023.

[26]              Pour en savoir plus sur la manière de signaler une inconduite sexuelle alléguée au sein des FAC à la Commission canadienne des droits de la personne, voir MDN, Plaintes relatives aux droits de la personne dans les Forces armées canadiennes.

[27]              Le rapport publié en 2022 par la juge Arbour contient diverses recommandations concernant les allégations d’inconduite sexuelle, dont la recommandation no 10, qui stipule que « [les] griefs liés à l’inconduite sexuelle devraient être identifiés, classés par ordre de priorité et traités rapidement par le système des griefs militaires » des FAC. L’honorable Louise Arbour, C.C., G.O.Q., « Liste de recommandations », Rapport de l’examen externe indépendant et complet du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, 20 mai 2022.

[28]              Selon le gouvernement du Canada, la mise en œuvre du projet de loi C‑66, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois, « jettera les bases d'une culture militaire améliorée [au sein des FAC] en modernisant le système de justice militaire ». Entre autres changements, le projet de loi transférerait aux autorités civiles le pouvoir des FAC d’enquêter sur les infractions sexuelles inscrites dans le Code criminel et d’engager des poursuites. Voir gouvernement du Canada, « Changement de culture », Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada, 8 avril 2024, p. 19; et Sabrina Charland et Anne-Marie Therrien-Tremblay, Résumé législatif du projet de loi C-66 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois, Bibliothèque du Parlement, publication no 44-1-C66-F, 15 avril 2024.

[29]              À l’heure actuelle, le ministre de la Défense nomme le directeur du service d’avocats de la défense et le directeur des poursuites militaires, et le chef d’état-major de la Défense nomme le Grand Prévôt des Forces canadiennes. Voir Justice Canada, Projet de loi C‑66 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois (Loi sur la modernisation du système de justice militaire), 30 mai 2024; Bureau du Grand Prévôt des Forces canadiennes, « Structure et compétence », Rapport annuel du Grand Prévôt des Forces canadiennes 2022–2023; et Cabinet du juge‑avocat général, « Chapitre 1 — Qui sommes-nous : le Cabinet du juge-avocat général », Rapport annuel du juge-avocat général 2021–2022.