RNNR Rapport du Comité
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Favoriser une transformation juste et équitable du secteur de l’énergie du Canada
Introduction
En réponse à la menace que font peser sur eux les changements climatiques, des pays du monde entier adoptent différentes mesures afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’adapter leurs économies à des activités et à des technologies à faibles émissions. Le Canada ne fait pas exception. Le Canada s’est engagé, dans le cadre de la signature de l’Accord de Paris (COP21), qui compte 194 signataires, à déployer les efforts nécessaires pour limiter le réchauffement climatique planétaire à deux degrés Celsius par rapport au niveau préindustriel, et à poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré Celsius d’ici 2100.
Dans les prochaines années, l’économie et les systèmes énergétiques du Canada se transformeront pour permettre au pays d’avancer vers son objectif de carboneutralité[1] d’ici 2050. Dans ce contexte, le Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes (le Comité) a tenu 10 réunions entre le 4 avril et le 22 septembre 2022 afin d’étudier les mesures que le Canada doit prendre pour assurer la transition de ses systèmes énergétiques et parvenir à la carboneutralité de manière juste et équitable.
Le Comité a pris connaissance de la complexité de cette transition au cours de son étude, qui a mis en lumière un large éventail de défis et de possibilités touchant des personnes, des groupes, des collectivités et des industries de l’ensemble du Canada. Le rapport qui suit présente les sujets abordés dans les témoignages reçus, qui se divisent en six grands thèmes :
- 1) comprendre la transition;
- 2) apprendre de l’expérience et des pratiques exemplaires;
- 3) établir des cadres de planification, de mobilisation et de réconciliation;
- 4) promouvoir un secteur de l’énergie résilient et carboneutre;
- 5) renforcer les chaînes d’approvisionnement locales pour aider les industries à réaliser la carboneutralité;
- 6) soutenir les collectivités et permettre aux travailleurs d’acquérir les compétences nécessaires à une économie carboneutre.
Le Comité s’appuie sur les témoignages entendus relativement à ces thèmes au cours de son étude afin de recommander des mesures que le gouvernement du Canada peut prendre pour s’assurer que la transition vers la carboneutralité ouvre des possibilités pour tous les Canadiens. Le Comité remercie tous les témoins de leur contribution à l’étude.
Comprendre la transition
Le Canada sera plus prêt à gérer la transition vers la carboneutralité si les gouvernements, les industries, les travailleurs et les collectivités comprennent mieux sa nature et son objectif. Les sections suivantes décrivent les concepts et les principes relatifs à cette transition, de même que les mesures que le gouvernement du Canada peut prendre pour mieux évaluer les progrès réalisés vers la carboneutralité.
Transition énergétique
La transition énergétique a été l’une des questions au cœur de l’étude du Comité — et un thème abordé dans beaucoup de témoignages. Comme l’Alberta Federation of Labour l’a expliqué dans son mémoire :
En termes simples, une transition énergétique est le remplacement d’une source d’énergie par une autre. Par exemple, le pétrole bon marché et le moteur à combustion interne ont remplacé la vapeur et la traction animale au cours de la première moitié du 20e siècle, tandis que de nouvelles sources d’énergie (gaz naturel, nucléaire) ont été ajoutées au cours de la seconde moitié. La transition énergétique actuelle consiste à passer du charbon, du pétrole et du gaz à l’électricité propre et aux combustibles à faible teneur en carbone comme l’hydrogène.
Cette transition est rendue nécessaire par le désir de réduire le risque que présentent les changements climatiques. Comme l’ont fait valoir les témoins, les systèmes énergétiques actuels de la planète produisent des quantités d’émissions de GES qu’il est impossible de maintenir; ces émissions entraînent le réchauffement de la planète et augmentent le risque d’impacts dangereux dans le monde entier. La majeure partie des émissions est produite par l’utilisation des combustibles fossiles, principalement le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Afin d’éliminer ces émissions et de réduire le risque que posent les changements climatiques, les sociétés doivent se « décarboner » en adoptant des formes d’énergie à faibles émissions[2].
Le Canada s’est engagé à réduire ses propres émissions jusqu’à parvenir à la carboneutralité d’ici 2050. Cet engagement s’inscrit dans la ligne d’un rapport [disponible en anglais seulement] du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui a conclu que, afin d’éviter les pires impacts des changements climatiques, le monde devait réduire ses émissions jusqu’à parvenir à la carboneutralité d’ici 2050. Pour qu’il puisse atteindre son objectif, le Canada devra faire partie d’une solution adoptée à l’échelle internationale pour opérer une transformation économique[3]. Le reste du présent rapport explore comment le Canada peut réaliser cette transition de façon juste et équitable.
Recommandation 1
Que le gouvernement du Canada fixe des objectifs de carboneutralité clairs ainsi qu’un plan précis pour les atteindre.
La transition énergétique mondiale
Certains témoins se sont dits d’avis que la transition énergétique mondiale est déjà commencée. Comme l’a indiqué Gil McGowan, de l’Alberta Federation of Labour, « il ne s’agit pas tant de savoir s’il y aura une transition, mais que de savoir de quel genre elle sera. S’agira‑t‑il d’une transition ordonnée ou une transition désordonnée, une transition planifiée ou une transition non planifiée? » Hadrian Mertins-Kirkwood, recherchiste en chef au Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), a abondé dans le même sens, expliquant que le Canada a le choix « entre, d’une part, une transition juste et organisée vers une économie à plus faibles émissions de carbone et, d’autre part, un effondrement non planifié qui rappelle les nombreux autres effondrements de ressources ».
Conscient que « le monde abandonne progressivement les combustibles fossiles, que nous le voulions ou non », M. Mertins‑Kirkwood a mis en lumière un élément que quelques témoins ont mentionné : les engagements climatiques des autres pays auront des incidences sur la transition énergétique du Canada. Merran Smith, la dirigeante principale de l’innovation au Clean Energy Canada, a souligné que les « principaux partenaires commerciaux [du Canada] investissent des milliards de dollars pour repenser leur économie. La course que mène actuellement l’Union européenne pour réduire sa dépendance aux combustibles fossiles importés présage de ce que sera l’économie mondiale de demain. » Nichole Dusyk, conseillère principale en matière de politiques à l’Institut international du développement durable, a exprimé l’avis suivant : « À mesure que des pays mettront en place des exigences relatives aux véhicules sans émissions et d’autres politiques climatiques, la demande mondiale de pétrole et de gaz diminuera. »
En effet, des témoins ont indiqué que des pertes d’emplois observées dans le secteur pétrolier et gazier laissent croire que la transition énergétique est déjà en cours. Gil McGowan a souligné que, depuis 2014, le secteur pétrolier gazier de l’Alberta, qui compte aujourd’hui 130 000 travailleurs, a perdu 40 000 emplois. Tout en reconnaissant que ces pertes étaient attribuables en partie à la baisse du prix du baril, il a affirmé que « l’industrie n’est plus le moteur de la création d’emplois qu’elle a été, et ne le sera jamais ». Éric Pineault, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal, a ajouté que des « gains de productivité immenses » dans le secteur pétrolier et gazier ont aussi contribué aux pertes d’emplois observées dans le secteur depuis 2014. De plus, Kevin Nilsen, président et directeur général de l’Organisation pour les carrières en environnement du Canada (ECO Canada), a fait remarquer que les salaires dans le secteur pétrolier et gazier « ne sont pas aussi élevés qu’ils l’étaient » en 2014.
Dale Swampy, président de la National Coalition of Chiefs, a fait connaître le point de vue de son organisation, qui est bien différent :
Nous ne voyons pas de transition. Elle n’a pas lieu. La demande mondiale de pétrole et de gaz n’a jamais été aussi forte. En fait, il y a une crise de l’énergie et le G7 demande aux producteurs du monde entier d’en extraire davantage. Le Canada n’a jamais exporté autant de pétrole; nous avons atteint des niveaux records. Les sociétés pétrolières et gazières gagnent plus d’argent qu’elles n’en ont jamais gagné, et le gouvernement fédéral en tire plus de recettes que jamais auparavant.
M. Swampy a cependant ajouté que son organisation croit « que la transition doit exister, tout comme nous croyons que la transition doit exister au Canada et dans le reste du monde ». Il a estimé que le Canada était mieux préparé pour faire la transition vers l’hydrogène bleu et les biocarburants que vers d’autres sources d’énergie à faibles émissions de carbone.
Reconnaître et mesurer les impacts d’une transition vers la carboneutralité
Une transition vers la carboneutralité sera plus facile à gérer si elle est équitable et mesurable. L’utilisation d’indicateurs et d’autres mesures peut aider les Canadiens à comprendre si une transition est en cours et à en voir les effets. Le Comité a appris que ces outils peuvent aussi aider le gouvernement du Canada à élaborer des programmes plus efficaces et à suivre les progrès de leur mise en œuvre[4].
Le gouvernement du Canada ne dispose pas de toute l’information et de tous les outils dont il a besoin pour mesurer la transition. Jamie Kirkpatrick, gestionnaire de programme à Blue Green Canada, a dit ce qui suit à ce sujet : « Franchement, les ministères et organismes fédéraux n’ont pas établi de cadre pour évaluer la réussite, contrôler le travail ou appuyer les Canadiens dans cette transition. » M. Kirkpatrick a été l’un des quelques témoins qui ont mentionné un rapport récent du commissaire à l’environnement et au développement durable (CEDD) sur la planification équitable d’une transition par le gouvernement. Dans son rapport, le CEDD a constaté que « Ressources naturelles Canada et Emploi et Développement social Canada n’étaient pas prêts à soutenir une transition équitable vers une économie à faibles émissions de carbone pour les travailleuses, les travailleurs et les collectivités[5] ».
Des témoins ont recommandé au Comité des mesures qui aideraient à reconnaître les régions et les secteurs qui seraient les plus touchés par une transition vers la carboneutralité. Les représentants d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) ont indiqué que le Ministère avait déjà repéré certains secteurs qui seront « grandement touchés », de façon positive ou négative, par une transition :
- les technologies propres;
- l’agriculture;
- la construction;
- les ressources naturelles et l’environnement;
- les transports.
Une représentante du ministère des Ressources naturelles (RNCan) a ajouté que, à l’avis du ministère, la production d’énergie propre, d’hydrogène et de biocarburants, les minéraux critiques et les véhicules zéro émission sont les industries créatrices d’emplois de demain.
Des témoins ont estimé qu’une analyse plus détaillée était nécessaire. Patrick Rondeau, conseiller syndical à l’Environnement et à la Transition juste à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), a indiqué que le gouvernement devrait adopter une perspective sectorielle en réalisant des études prospectives de l’incidence de la décarbonation sur des secteurs industriels en particulier. Dans la même veine, Sandeep Pai, le responsable principal de la recherche du Global Just Transition Network au Center for Strategic and International Studies a proposé de mener un « exercice de schématisation » pour cerner les possibilités de créer localement des emplois dans le secteur de l’énergie propre.
« La transition vers une économie carboneutre pourrait effectivement augmenter les possibilités d’emploi en général. Nous savons toutefois que les répercussions sur l’emploi varieront d’un pays et d’une région à l’autre. »
Tricia Williams, directrice, Recherche, évaluation et mise en commun des connaissances, Centre des Compétences futures
Des témoins ont parlé des types d’emplois qui seraient créés dans le secteur de l’énergie propre et des endroits où ils seraient créés. Merran Smith a résumé les recherches menées par son organisation, Clean Energy Canada, qui a déterminé qu’environ 209 000 emplois seraient créés d’ici 2030 dans le « secteur de l’énergie propre ». Ces emplois toucheront notamment la production et le transport d’énergie propre, la réduction de la consommation d’énergie et le développement de technologies à faibles émissions, comme des véhicules zéro émission. Les modèles de l’organisation prévoient également la perte de 125 800 emplois dans les industries des combustibles fossiles d’ici 2030.
Selon le vice-président du Conference Board du Canada, Michael Burt, son organisation a estimé qu’environ 900 000 emplois — soit 5 % de la population active du Canada — peuvent être considérés comme des emplois « verts ». Selon leurs recherches, les emplois verts se trouvent dans trois domaines clés : l’énergie propre, l’amélioration écoénergétique et la gestion et les services environnementaux. Le nombre de ces emplois et leur part dans la population active devraient augmenter au cours des prochaines décennies. Cependant, M. Burt a expliqué que la création d’emplois et la formation pourraient varier d’une région du Canada à l’autre :
[Les possibilités] varient considérablement selon l’endroit où vous êtes situé au pays. Par exemple, de façon relative, l’Ontario et l’Alberta offrent beaucoup de possibilités, tandis que le Canada atlantique en offre moins. Le coût de la formation diffère aussi grandement, selon la région où l’on habite. En Alberta, il est très élevé. Le Québec a le coût le moins élevé du pays, et l’écart est assez important, soit une différence de 30 % entre les deux provinces.
Outre les différences entre les régions, les effets d’une transition seront variables selon le groupe et l’individu. Historiquement, les membres des groupes marginalisés, comme les Autochtones et les travailleurs non blancs, font face à des obstacles plus importants dans l’accès aux études et à la formation et dans la recherche d’un emploi; il pourrait donc être plus difficile pour eux de s’adapter à une transition. Mais ces difficultés sont exacerbées par la discrimination qu’ils peuvent subir dans le milieu de travail[6]. Dans le même ordre d’idées, Michael Burt a affirmé que « les travailleurs plus âgés, ceux sans éducation postsecondaire et ceux qui ont des lacunes en matière de compétences fondamentales, sont moins susceptibles de se voir offrir des possibilités de formation, pourtant ce sont eux qui ont le plus besoin de mettre à niveau leurs compétences ».
Les transitions économiques peuvent aussi avoir des répercussions sur le plan psychologique. Changer d’emploi ou perdre son emploi peut, par exemple, être extrêmement stressant ou bouleversant pour la personne concernée et sa famille. De même, lorsqu’une industrie meurt ou qu’une communauté est forcée de se déplacer, les gens peuvent perdre une partie de leur identité et de leur appartenance culturelle[7]. Il sera question, plus loin dans le rapport, de mesures de protection sociale, telles que le recyclage de la main‑d’œuvre, qui peuvent aider les travailleurs et les collectivités à faire face aux effets de la transition.
Recommandation 2
Que le gouvernement du Canada prenne les mesures suivantes en collaboration avec les provinces et les territoires, les municipalités et les collectivités, le secteur privé, les organisations de travailleurs, les gouvernements et les communautés autochtones et d’autres partenaires :
- effectuer, pour chaque industrie et séparé par région, une analyse permettant d’évaluer les impacts possibles d’une transition vers la carboneutralité sur le marché de l’emploi;
- déterminer les personnes et les groupes qui subissent de manière disproportionnée les impacts possibles de la transition vers la carboneutralité;
- publier les résultats des analyses.
Une « transition équitable »
Le Comité a entendu dire à quelques reprises pendant son étude que la transition du Canada vers la carboneutralité devait être une « transition équitable » ou « transition juste ». Le concept de transition équitable est lié depuis longtemps à la relation entre l’économie et l’environnement. Créé par le mouvement syndical nord‑américain, ce concept préconise la mise en place de programmes d’aide pour les travailleurs qui ont perdu leur emploi ou leur revenu en raison de nouvelles politiques de protection de l’environnement[8]. De nos jours, cependant, l’Organisation internationale du Travail (OIT) et les parties à l’Accord de Paris utilisent le terme pour rappeler l’importance de donner aux travailleurs l’accès à des emplois décents et durables dans le contexte de la réponse internationale aux changements climatiques[9].
Le gouvernement du Canada a utilisé le terme « transition équitable » dans le cadre de récentes consultations sur ses politiques climatiques. Selon Debbie Scharf, sous‑ministre adjointe associée du Secteur des systèmes énergétiques au ministère des Ressources naturelles, la transition équitable est « une orientation qui met les gens au cœur de la politique climatique du gouvernement du Canada ». Le gouvernement a formulé des « principes de transition équitable » et a invité les participants aux consultations à les commenter.
Principes énoncés dans le document de travail du gouvernement du Canada sur une transition équitable axée sur l’humain
- 1) Un dialogue adéquat, éclairé et continu sur une transition équitable et axée sur l’humain devrait rassembler toutes les parties prenantes pour que soit forgé un consensus social solide sur les objectifs à atteindre et la voie à suivre en vue d’atteindre une économie nette zéro.
- 2) Les politiques et programmes destinés à assurer une transition équitable et axée sur l’humain devraient favoriser la création d’emplois convenables, équitables et de grande valeur, conçus en fonction de la situation de chaque région ainsi que des forces, du potentiel et des besoins particuliers des travailleurs et des collectivités.
- 3) La transition équitable devrait être intrinsèquement inclusive, s’attaquer aux obstacles et créer des possibilités pour les groupes tels que les femmes, les personnes en situation de handicap, les peuples autochtones, les Noirs et autres personnes racialisées, les personnes s’identifiant comme LGBTQ2+, ainsi que pour les autres personnes marginalisées.
- 4) Dans un contexte de transition vers un avenir net zéro, la coopération internationale devrait être encouragée pour veiller à ce que les approches axées sur l’humain progressent pour tous.
Source: Gouvernement du Canada, Transition équitable axée sur l’humain : Document de travail.
Le Comité a invité les témoins à s’exprimer sur d’éventuels principes et sur une définition du concept de transition équitable :
- Noel Baldwin, directeur des Affaires publiques et gouvernementales au Centre des Compétences futures, s’est dit d’avis que les transitions équitables sont des « transitions économiques qui atteignent les cibles climatiques et qui offrent aux personnes qui se réorientent, que ce soit pour saisir des possibilités ou à la suite de perturbations, le genre d’emplois qui leur permettent de soutenir leur famille, de s’acquitter de leurs obligations et d’avoir un travail digne ».
- Larry Rousseau, vice‑président exécutif du Congrès du travail du Canada, et Samantha Smith, directrice du Centre pour la transition juste à la Confédération syndicale internationale, ont attiré l’attention du Comité sur les principes directeurs de l’OIT pour une transition juste[10].
- À cet égard, Roisin Reid, la directrice de la Division de la politique de l’énergie et de l’environnement à RNCan, a dit au Comité que le ministère avait tenu compte de ces principes directeurs lors de la rédaction de son document de travail, et qu’il avait « essayé de proposer quelques principes qui viendraient compléter ce que [l’OIT nous dit] être les meilleures pratiques ».
- Pour Seamus O’Regan, ministre du Travail, la transition équitable « signifie que nous avons la capacité d’orienter les travailleurs dans la bonne direction, là où nous en avons besoin, pour réduire les émissions, développer les énergies renouvelables et maintenir la prospérité du Canada ». Le ministre a toutefois précisé que le ministre des Ressources naturelles et lui préfèrent ne pas utiliser le terme « transition équitable », car il n’est pas bien perçu par les travailleurs dans certains secteurs.
- Sari Sairanen, la directrice nationale, Santé, sécurité et environnement à Unifor, a estimé que le gouvernement devrait adopter les principes énoncés dans le rapport final du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes.
- Hadrian Mertins-Kirkwood a affirmé que le gouvernement devrait préconiser explicitement la fin de l’utilisation des combustibles fossiles. D’après lui, « il faut cesser de parler de réduire les émissions en faisant abstraction d’un objectif final clair ».
- Selon Sharleen Gale, présidente du conseil d’administration de la First Nations Major Projects Coalition, le gouvernement du Canada devrait s’assurer que les mesures prises pour réaliser la carboneutralité « ne désavantagent pas les collectivités des Premières Nations et n’exposent pas les collectivités autochtones à des difficultés supplémentaires ».
Recommandation 3
Que le gouvernement du Canada fixe des objectifs et des principes explicites qui s’articulent autour des obligations climatiques et des responsabilités du Canada envers les peuples autochtones, en partenariat avec les travailleurs, les collectivités et d’autres parties prenantes, et que ces principes prennent en considération :
- l’obligation du Canada de réagir à la crise climatique;
- le besoin de s’assurer que les collectivités et les travailleurs canadiens ainsi que les peuples autochtones bénéficient des investissements dans un avenir technologique propre.
Les témoins ont également abordé la notion de transition « axée sur l’humain ». La représentante d’Unifor a dit s’opposer au terme « axée sur l’humain », qui selon elle « dilue l’accent initial mis sur les besoins et les défis auxquels font face les travailleurs des industries dépendantes des combustibles fossiles face à cette transition ». Lionel Railton, directeur régional du Canada, International Union of Operating Engineers, a abondé dans le même sens, jugeant que tout plan de transition équitable doit être « axé sur les travailleurs ».
D’autres témoins ont exprimé un avis contraire. Pour eux, les politiques centrées sur le soutien des travailleurs risquent d’être trop restreintes et d’exclure d’autres personnes qui seront touchées par une transition vers la carboneutralité. Le représentant du CCPA a utilisé un exemple provenant du secteur de l’énergie :
Il importe d’offrir un vaste soutien pour assurer l’équité, car si les personnes qui travaillent aujourd’hui dans l’industrie de l’énergie sont en grande majorité des hommes blancs à haut revenu nés au Canada, les personnes qui dépendent indirectement de cette industrie — celles qui, par exemple, préparent les repas des travailleurs de l’énergie et perdent également leur emploi lorsqu’une installation ferme — sont plus susceptibles d’être des femmes à faible revenu, des travailleurs racialisés et des immigrants. Des politiques de transition juste trop étroites peuvent aggraver les inégalités et marginaliser davantage les groupes les plus souvent exclus.
Dans la même veine, Luisa Da Silva, la directrice exécutive de l’organisation Iron and Earth, a maintenu que le gouvernement devrait travailler avec les collectivités plutôt qu’avec les travailleurs séparément afin de tenir compte des effets de la transition sur l’« écosystème entier » de la vie sociale et économique des collectivités.
Recommandation 4
Que le gouvernement du Canada adopte une approche large dans son évaluation des risques et des possibilités liés à une transition vers la carboneutralité, de manière à mettre en lumière les besoins des travailleurs tout en identifiant des effets et possibilités indirects de la transition mondiale vers la carboneutralité sur les personnes, les groupes et les collectivités.
Recommandation 5
Que le gouvernement du Canada reconnaisse que, même si la transition vers la carboneutralité ouvre d’immenses possibilités de croissance dans les secteurs des technologies propres, il est nécessaire d’agir pour atténuer les impacts négatifs de la transition sur les régions et les collectivités et, dans la mesure du possible, de promouvoir la production locale tout en soutenant les travailleurs des industries tributaires de l’énergie et des chaînes d’approvisionnement nationales touchées.
Apprendre de l’expérience et des pratiques exemplaires
Les témoins ont décrit quelques façons dont le Canada pourrait tirer profit de l’expérience et des pratiques exemplaires afin d’assurer le bon déroulement de la transition. Nichole Dusyk a mis en lumière le point suivant :
[L]e Canada a déjà connu des transitions difficiles dans le monde du travail. Qu’il s’agisse des cycles d’expansion et de ralentissement du secteur pétrolier ou encore de l’effondrement de la pêche à la morue, nous avons de l’expérience et nous comprenons les enjeux et nous savons à quel point il est important de planifier les choses et de nous assurer que des mesures de soutien sont en place pour soutenir les travailleurs et les collectivités.
Quelques témoins ont mentionné la transition pour l’industrie canadienne du charbon et les plans de transition adoptés dans d’autres pays comme exemples d’expériences et de pratiques exemplaires sur lesquelles le Canada pourrait s’appuyer dans le cadre de sa propre transition vers une économie sobre en carbone.
Transition pour l’industrie canadienne du charbon
Les politiques gouvernementales peuvent déclencher des transitions permettant d’écarter certains types d’énergie, comme le charbon. La production d’électricité à partir de charbon est la principale source mondiale d’émissions de dioxyde de carbone[11]. En décembre 2018, le gouvernement fédéral s’est engagé à éliminer graduellement la production d’électricité à partir de centrales au charbon traditionnelles d’ici 2030. Hadrian Mertins‑Kirkwood a dit que cette échéance de 2030 « était essentielle […] parce qu’elle fournit aux travailleurs concernés, à leurs collectivités et à l’industrie des certitudes quant à l’avenir ». En novembre 2021, le gouvernement fédéral s’est également engagé à interdire les exportations de charbon thermique — utilisé principalement pour la production d’électricité — d’ici 2030.
La plupart des provinces et des territoires ont déjà éliminé le charbon comme source d’énergie électrique. Mais comme l’ont signalé des représentants de RNCan et d’ECO Canada, l’Alberta, le Nouveau‑Brunswick, la Nouvelle‑Écosse et la Saskatchewan continuent de produire de l’électricité à partir de charbon. Une transition prévoyant l’abandon du charbon comme source d’électricité aura des répercussions sur l’emploi, et sur certaines familles et collectivités dans ces régions. Dans la même veine, le Comité a reçu un mémoire de l’exportateur de charbon Westshore Terminals, de la Colombie‑Britannique, qui souligne que les exportations de charbon thermique représentent de 60 à 70 % de son chiffre d’affaires et aident au maintien de 200 emplois syndiqués, sans compter les multiples emplois indirects chez les fournisseurs de services qui travaillent avec l’entreprise.
Afin de s’acquitter de son engagement à abandonner graduellement et rapidement le charbon, le gouvernement fédéral a demandé au Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes de communiquer, au ministre de l’Environnement et du Changement climatique, ses connaissances, ses points de vue et ses recommandations sur la mise en œuvre d’une transition équitable. Dans son rapport final publié en décembre 2018, le Groupe de travail a présenté dix recommandations à cet égard.
En 2022, le CEDD a publié le Rapport 1 — Une transition équitable vers une économie à faibles émissions de carbone, qui présente les résultats d’un audit de la mise en œuvre, par le gouvernement fédéral, des recommandations du Groupe de travail. Le CEDD a alors constaté que, parmi les dix recommandations en question, le gouvernement en avait mis en œuvre quatre seulement : « Les engagements et les programmes fédéraux ne tenaient pas compte de toutes les recommandations du Groupe de travail. »
Dans le mémoire qu’elle a soumis au Comité, la Chambre de commerce du Canada attire l’attention sur le rapport du CEDD, et indique que « la transition [en faveur de l’abandon du charbon] a été traitée comme une affaire courante, elle a reposé sur des mécanismes et des programmes existants comme le régime d’assurance-emploi pour offrir du soutien ». Westshore Terminals a fait remarquer que « l’analyse comparative entre les sexes (ACS+) […], effectuée pour les programmes de transition du charbon, ne reflète pas la diversité de la main‑d’œuvre du secteur ». Le représentant de Blue Green Canada a souligné pour sa part que l’application des recommandations du Groupe de travail exigerait l’intervention de multiples ministères et agences. Or, « [l]e résultat, c’est que personne n’a été chargé de faire le travail, alors le travail n’a pas été fait ».
Dans son mémoire, la FTQ a demandé au gouvernement fédéral de « donner suite dès maintenant aux recommandations du Groupe de travail du Canada sur la transition équitable à rencontrer des collectivités et les travailleurs des centrales au charbon ».
Recommandations du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes
- 1) Élaborer, communiquer, mettre en œuvre, surveiller et évaluer un plan de transition équitable pour l’élimination graduelle du charbon et produire des rapports publics à ce sujet. Ce plan devrait être parrainé par un ministre responsable de surveiller les progrès et d’en rendre compte.
- 2) Intégrer les modalités d’une transition équitable à la législation fédérale sur l’environnement et le travail, ainsi qu’aux accords intergouvernementaux pertinents.
- 3) Créer un fonds de recherche ciblé et à long terme pour l’étude des incidences de l’élimination graduelle du charbon et de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
- 4) Financer l’établissement et l’exploitation de centres de transition dirigés localement dans les collectivités des centrales au charbon touchées.*
- 5) Créer un programme de prestations de raccordement pour les travailleurs qui prendront leur retraite plus tôt que prévu en raison de l’abandon graduel du charbon.
- 6) Dresser un répertoire détaillé et disponible au public renfermant de l’information sur le marché du travail concernant les travailleurs du charbon, comme les profils de compétences, les caractéristiques démographiques, les emplacements, ainsi que les employeurs actuels et potentiels.
- 7) Créer un programme de financement exhaustif à l’intention des travailleurs qui demeurent sur le marché du travail, qui tient compte de leurs besoins liés à l’ensemble des étapes nécessaires à l’obtention d’un nouvel emploi, y compris le soutien au revenu, les études et le renforcement des compétences, le réemploi et la mobilité.
- 8) Définir, prioriser et financer des projets d’infrastructure locale dans les collectivités touchées.*
- 9) Mettre sur pied un programme de financement précis, exhaustif, inclusif et souple pour une transition équitable à l’intention des collectivités touchées.*
- 10) Rencontrer en personne les membres des collectivités touchées pour se renseigner sur leurs priorités locales et établir des liens entre eux et les programmes fédéraux qui pourraient appuyer leurs objectifs.*
Note : Le symbole * indique les recommandations que le gouvernement du Canada a mises en œuvre, selon le commissaire à l’environnement et au développement durable.
Source: Gouvernement du Canada, Rapport final du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes : section 7.
Recommandation 6
Que le gouvernement du Canada mette en œuvre les dix recommandations du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes, et qu’il fasse rapport de la mise en œuvre de ces recommandations.
Plusieurs facteurs différencient la transition opérée dans le secteur du charbon de la transition vers la carboneutralité. Par exemple, le représentant de l’Alberta Federation of Labour, qui a relevé quelques différences entre l’industrie de la production d’électricité à partir de charbon et le secteur pétrolier et gazier, a dit que « nous ne pouvons pas simplement copier‑coller ce que nous avons fait dans l’industrie des centrales au charbon et l’appliquer au pétrole et au gaz ». Il s’agit notamment des différences suivantes :
- la taille réduite de l’industrie du charbon (2 000 travailleurs) comparée à celle du secteur pétrolier et gazier de l’Alberta (130 000 travailleurs);
- le taux de syndicalisation plus faible dans le secteur pétrolier et gazier, ce qui compliquera la communication avec les travailleurs;
- la difficulté de cerner les facteurs qui entraînent les pertes d’emplois dans le secteur pétrolier et gazier, y compris les politiques climatiques, les forces du marché et les progrès technologiques; à cause de ces facteurs, il sera « beaucoup plus difficile de décider qui devrait être admissible aux prestations ».
Approches de transition équitable suivies ailleurs dans le monde
Des témoins ont parlé de politiques intéressantes de transition équitable appliquées dans d’autres pays. Dans son mémoire, la FTQ a recommandé au Comité d’étudier les commissions pour une transition juste formées en Écosse et en Irlande, de même que les efforts déployés en Espagne à l’égard de la transition juste. L’organisation a noté à ce sujet que le gouvernement de l’Écosse exige que sa commission pour une transition juste rende des comptes au Parlement et produise un rapport annuel. Hadrian Mertins-Kirkwood a signalé que la Nouvelle‑Zélande et l’Écosse, constatant que la transition équitable exigeait la participation de nombreux ministères, ont mis en place des organismes de coordination chargés de superviser le processus de transition équitable. Il a souligné également que le Danemark et la Nouvelle‑Zélande se sont engagés à éliminer graduellement la production pétrolière, et à élaborer en conséquence des politiques industrielles et sociales qui créent des emplois de remplacement dans le secteur des énergies vertes. De même Sandeep Pai a fait référence au comité interministériel sud-africain sur une transition juste, qui comprend « des membres de différents ministères et des représentants des provinces touchées ». S’exprimant au nom de RNCan, Debbie Scharf a mentionné que le gouvernement fédéral s’était aussi penché sur des mesures de « transition équitable » appliquées dans l’Union européenne et en Allemagne.
Dans son mémoire, l’Association des firmes de génie‑conseil — Canada (AFGC–Canada) a indiqué que le Canada accuse du retard sur d’autres pays pour ce qui est des dépenses en infrastructure. L’organisation a recommandé que le Canada augmente ses investissements dans ce domaine, ce qui pourrait contribuer à « une transition juste et équitable, surtout pour les travailleurs dont les compétences acquises dans des secteurs à forte consommation d’énergie peuvent être transférées pour mettre en place des infrastructures favorisant une énergie plus propre ».
Offrant une perspective différente, Shannon Joseph, vice-présidente des Relations gouvernementales et affaires autochtones à l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP), a dit que :
Même avant l’invasion russe en Ukraine, les prix du pétrole et du gaz naturel avaient augmenté en raison des ruptures d’approvisionnement et du ralentissement du développement énergétique, attribuable en bonne partie au défaut des politiques des gouvernements et des investisseurs de tenir compte de la demande énergétique mondiale.
Tableau 1 — Quelques initiatives de transition équitable à l’échelle mondiale
Autorité de gouvernance |
Type de mesure |
Notes |
Afrique du Sud |
Coordination |
Le président de l’Afrique du Sud a convoqué un comité interministériel sur le partenariat pour une transition énergétique juste, afin de coordonner la planification nationale de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. |
Allemagne |
Stratégie et planification |
L’Allemagne a mené un processus de transition sur plusieurs décennies pour sa principale région productrice de charbon, la Ruhr. Ce processus prévoyait notamment une planification économique proactive, la création d’établissements d’enseignement et le resserrement des politiques environnementales. |
Allemagne |
Engagement |
En 2018, l’Allemagne a créé une commission pour conseiller le gouvernement quant à l’abandon graduel du charbon et à la planification de mesures de transition pour le secteur du charbon. |
Écosse |
Stratégie et planification |
L’Écosse a entrepris l’élaboration d’un cadre national de planification pour une transition équitable, afin d’aider le gouvernement à adopter des plans de transition qui cadrent avec ses objectifs en matière de climat. |
Écosse |
Engagement |
Le gouvernement écossais a mis en place deux commissions pour une transition équitable (2019–2021 et 2022–présent), dont le mandat est d’examiner et de commenter les « plans de transition équitable » sectoriels et régionaux du gouvernement. Ces plans visent à aider l’Écosse à atteindre la carboneutralité, tout en soutenant les travailleurs et les collectivités. |
Espagne |
Stratégie et planification |
En 2019, l’Espagne a annoncé une stratégie de transition équitable pour ses régions qui dépendent du charbon. La stratégie vise le maintien et la création de débouchés économiques dans ces régions, l’engagement des groupes touchés et la promotion de la durabilité environnementale et économique. La stratégie est mise en œuvre en partie par le biais d’ententes de transition équitable entre le gouvernement national et les autorités régionales. |
Nouvelle-Zélande |
Coordination |
En 2018, la Nouvelle-Zélande a mis sur pied un bureau pour la transition juste au sein du ministère des Affaires, de l’Innovation et de l’Emploi. Ce bureau, nommé Just Transitions Unit, est chargé de mener des recherches et de conseiller le gouvernement au sujet de la transition vers une économie sobre en carbone. D’un point de vue fonctionnel, sa raison d’être consiste à remplir des fonctions de coordination et à tenir lieu de centre d’expertise du gouvernement. |
Sources : Gouvernement de l’Espagne, Just Transition Agreements: Update March 2021; Nouvelle-Zélande, ministère des Affaires, de l’Innovation et de l’Emploi, Just Transition; Présidence de la République d’Afrique du Sud, « President Ramaphosa outlines South Africa’s Just Energy Transition Investment Plan », 4 novembre 2022; Gouvernement de l’Écosse, Just Transition—A Fairer, Greener Scotland: Scottish Government response, 7 septembre 2022; et Gouvernement de l’Écosse, Just Transition Commission.
Établir des cadres de planification, de mobilisation et de réconciliation
Les leçons du passé et l’expérience d’autres pays peuvent aider le Canada à déterminer sa propre approche de gestion d’une transition vers la carboneutralité. Comme le montrent les sections suivantes, le Comité a appris que le gouvernement fédéral pourrait mieux organiser, communiquer et coordonner ses mesures de transition.
Formuler une vision et une stratégie
Le changement est source d’incertitude. Le Canada s’est engagé à réaliser la carboneutralité, mais la manière d’y arriver et les effets de la transition sont difficiles à établir clairement. De nombreux témoins ont insisté sur l’importance de dissiper cette incertitude[12]. Parmi eux, certains ont recommandé que le gouvernement fédéral formule une vision et une stratégie plus claires pour un avenir d’émissions nettes zéro au Canada[13].
« Nous composons actuellement avec un important manque de confiance. Les gens ont peur. Ils ont réellement besoin d’un plan. »
Tara Peel, adjointe politique à la présidente, Congrès du travail du Canada
Les témoins représentant les organisations syndicales ont dit que l’absence de plan engendre de la peur chez les travailleurs et mine leur confiance dans le gouvernement. Selon le représentant de l’International Union of Operating Engineers, « il ne semble pas y avoir ni plan ni objectif clair, mais beaucoup de paroles. Cette incertitude a créé de la méfiance et de l’inquiétude chez les personnes qui seront en fin de compte touchées : les travailleurs. » Gil McGowan a exprimé un avis similaire; selon lui, le Canada a besoin d’un « plan industriel » établi et financé par tous les ordres de gouvernement. Pour sa part, le représentant du Congrès du travail du Canada a ajouté qu’un plan devrait aussi comprendre « les types et le nombre d’emplois nécessaires à la création d’une économie carboneutre ».
La mise en œuvre d’un plan sur la carboneutralité exigera des fonds publics et privés considérables. Le gouvernement du Canada a déjà pris des mesures à cette fin : une représentante du ministère des Ressources naturelles a mentionné les dépenses de 9 milliards de dollars prévues par le dernier plan de réduction des émissions pour 2030 et les « 100 milliards de dollars dans les plans précédents ». Cependant, le représentant du CCPA a attiré l’attention sur des données du budget fédéral de 2022 selon lesquelles les dépenses requises pour atteindre la carboneutralité sont estimées entre 100 et 125 milliards de dollars par année, alors que de 15 à 25 milliards de dollars seulement sont dépensés actuellement. Le CCPA a indiqué qu’il n’appartient pas seulement au gouvernement du Canada de combler le manque de financement, mais que celui‑ci ne verse quand même pas sa juste part.
Nichole Dusyk, qui a pris la parole au nom de l’Institut international du développement durable, a convenu que les secteurs public et privé devraient tous deux jouer un rôle dans le financement d’une transition vers la carboneutralité. Elle a ajouté que le gouvernement fédéral devrait « s’assurer que les entreprises rendent des comptes et que le principe du pollueur‑payeur est respecté, tout en réduisant au minimum la responsabilité financière publique ».
Le représentant de l’Alberta Federation of Labour a recommandé qu’une partie au moins des dépenses du gouvernement du Canada soit versée sous la forme d’un transfert fédéral pour la transition équitable aux provinces et aux territoires.
Recommandation 7
Que le gouvernement du Canada engage des ressources financières suffisantes et établisse les cadres politiques et législatifs solides requis pour tracer une voie claire vers une économie carboneutre durable axée sur la création d’emplois, le développement des compétences et l’utilisation de l’avantage du Canada en matière de ressources technologiques propres, tout en respectant les compétences des provinces et des territoires.
Recommandation 8
Que le gouvernement du Canada cesse de subventionner les combustibles fossiles et qu’il établisse un plan d’investissement durable visant le développement d’une économie carboneutre.
Le ministre du Travail a affirmé que le gouvernement fédéral « veut présenter un plan d’action complet » par le biais du projet de loi sur la transition équitable que le gouvernement entend déposer bientôt.
Des témoins ont cependant prévenu qu’un projet de loi serait en soi insuffisant[14]. Par exemple, la représentante de l’Institut international du développement durable a estimé que le gouvernement du Canada doit non seulement envisager un projet de loi, mais aussi des mesures complémentaires. Ces témoins ont fait valoir que le projet de loi devrait s’inscrire dans le cadre d’une « stratégie de transition équitable » proactive qui comprendra des mécanismes de financement, des stratégies de diversification économique, des mesures de formation et de perfectionnement ainsi que des processus de surveillance et d’évaluation. Le représentant de la FTQ a convenu que le gouvernement fédéral avait besoin d’une stratégie de transition équitable, qui devait selon lui éviter une « solution universelle ». Il a plutôt préconisé l’établissement de plans de transition sectoriels par le gouvernement.
Recommandation 9
Que le gouvernement du Canada prévoie des exigences en matière de planification et de production de rapports régionaux ou sectoriels afin de soutenir la croissance des emplois durables, et que la mise en œuvre des plans établis fasse l’objet de rapports d’étape annuels présentés au Parlement.
Le gouvernement du Canada a indiqué que les mesures législatives et les autres mesures fédérales à venir sur la transition équitable permettront d’en savoir plus sur les impacts d’une transition vers la carboneutralité pour différents secteurs économiques. Une représentante de RNCan a fait remarquer que le Plan de réduction des émissions pour 2030 comporte « une approche ciblée pour chaque secteur qui prévoyait des réductions des émissions d’ici 2030 » et « des jalons pour les mesures à prendre ». La représentante du Ministère a également affirmé que le Plan de réduction des émissions pour 2030 et le projet de loi sur la transition équitable « aideront à savoir quelle voie emprunter » et permettront de « prendre des décisions sur la façon d’attirer les bons travailleurs avec les bonnes qualifications pour les emplois de demain ».
Le représentant de Blue Green Canada a exprimé un avis différent : « [L]e gouvernement fédéral a des plans en matière de climat, mais qu’il n’a pas de plans qui décrivent l’avenir des travailleurs. » Il a dit que les gouvernements peuvent donner des certitudes en répondant à des questions telles que : « y aura‑t‑il des contraintes sur la production de pétrole et de gaz? Allons‑nous prendre les mesures nécessaires pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 degré? Allons‑nous pouvoir le faire de façon équitable? »
Shannon Joseph, de l’ACPP, a convenu de l’importance des certitudes, mais a ajouté que le meilleur moyen d’en donner consistait à adopter des politiques qui réduisent les délais d’obtention des permis et d’exécution des travaux de construction, tout en permettant aux investisseurs « d’investir en toute confiance ».
Élaborer des processus de mobilisation inclusifs
Les processus de mobilisation peuvent aider les gouvernements à adapter leurs politiques aux réalités de collectivités différentes et à tisser des liens de confiance entre les nombreux groupes qui contribueront à une transition vers la carboneutralité[15].
Les ministres du Travail et des Ressources naturelles ont décrit deux outils dont le gouvernement du Canada prévoit se servir pour consulter les Canadiens au sujet de la transition énergétique. Les tables régionales sur l’énergie et les ressources sont le premier. Elles permettent au gouvernement fédéral d’unir ses efforts à ceux des provinces, des territoires, des communautés autochtones et d’autres partenaires pour déterminer des stratégies de développement économique régional qui sont compatibles avec l’objectif de la carboneutralité[16]. Le deuxième outil est un groupe consultatif pour une transition équitable, qui n’a pas encore été établi. Comme il l’explique dans son document de travail concernant une transition équitable axée sur l’humain, le gouvernement du Canada veut donner à ce groupe le mandat d’« offrir des conseils indépendants au gouvernement sur les stratégies de transition équitable à adopter aux échelles régionale et sectorielle ».
Selon ce que le Comité a entendu des témoins, les groupes suivants devraient être représentés au sein du groupe consultatif[17] :
- les travailleurs et les organisations syndicales concernés;
- les employeurs;
- les collectivités, et particulièrement celles qui sont concernées;
- les peuples autochtones.
Pour sa part, la FTQ a critiqué la proposition de groupe consultatif. Dans son mémoire, l’organisation a trouvé « désuète l’idée de mettre en place un autre conseil consultatif. Nous sommes persuadés que nous sommes mûrs pour une structure plus efficace. » La FTQ a plutôt recommandé que le Canada étudie les approches de « transition juste » adoptées en Écosse, en Irlande et en Espagne.
Les processus de mobilisation ne sont pas l’apanage du gouvernement fédéral. Charlene Johnson, directrice générale d’Energy NL, a recommandé que chaque province se donne un groupe consultatif « formé de représentants du gouvernement, de l’industrie, des syndicats et d’autres parties concernées ». Les représentants de Green Blue Canada et de la FTQ ont estimé que le gouvernement devrait appuyer l’établissement, dans les milieux de travail, de comités mixtes où les travailleurs et les employeurs discuteront de la planification de la transition.
« Pour obtenir de bons résultats pour les travailleurs canadiens, on doit recourir à de bons processus inclusifs. »
Nichole Dusyk, conseillère principale en matière de politiques, Institut international du développement durable
La représentante de l’Institut international du développement durable a recommandé d’utiliser un processus « tripartite élargi » pour les consultations dirigées par le gouvernement fédéral. Selon l’OIT, un dialogue social tripartite désigne un processus de consultation et de coopération entre les autorités publiques et les partenaires sociaux, tandis qu’un dialogue tripartite élargi désigne une situation où les partenaires ouvrent la discussion à d’autres groupes de la société civile. Des organisations syndicales ont demandé que les tables régionales sur l’énergie et les ressources se fondent également sur l’approche tripartite.
Recommandation 10
Que le gouvernement du Canada adopte une approche tripartite élargie (tous les ordres de gouvernement, y compris les gouvernements autochtones et les municipalités concernées, employeurs et travailleurs) s’appuyant sur un dialogue social intense et constant et axé sur l’équité en vue de l’établissement de normes, de politiques et de programmes liés au travail.
Rechercher l’équité et la réconciliation
Le gouvernement du Canada ne doit pas seulement mobiliser les Canadiens; il doit aussi s’assurer qu’ils pourront prospérer dans un avenir carboneutre. Les témoins ont souligné que tous les Canadiens — et tout particulièrement les membres des groupes traditionnellement marginalisés — devront avoir accès aux possibilités économiques[18]. Comme l’a dit Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ, la « transition juste [est] une question d’équité ».
Comme l’explique le présent rapport, les transitions économiques peuvent aggraver les inégalités existantes. À ce sujet, des témoins ont dit que les politiques gouvernementales devraient être axées sur la création de possibilités pour les groupes qui risquent le plus d’être touchés par une transition. « La leçon à en tirer n’est pas que les travailleurs de l’énergie ne méritent pas d’être soutenus dans cette transition », comme l’a expliqué Hadrian Mertins‑Kirkwood :
Bien sûr qu’ils le méritent. La leçon, c’est qu’il faut réfléchir de façon plus globale et plus complète aux effets de la transition sur les collectivités dans leur ensemble afin que les coûts de cette transition inévitable vers une économie propre soient partagés équitablement et que les bénéfices en soient partagés équitablement avec tout le monde.
Dans la même veine, la Chambre de commerce du Canada a recommandé dans son mémoire de donner priorité aux Canadiens traditionnellement marginalisés pour l’octroi de contrats de marché public et a observé que les promoteurs du secteur privé devraient travailler en partenariat avec ces groupes afin de recevoir des fonds pour la décarbonation.
Pour ces raisons, une transition vers la carboneutralité pourrait offrir au Canada l’occasion de s’approcher d’une réconciliation avec les peuples autochtones, qui font partie des groupes qui sont traditionnellement marginalisés et privés des possibilités auxquelles les autres Canadiens ont accès. La représentante de la First Nations Major Projects Coalition a préconisé la prise de mesures permettant aux Autochtones de participer aux projets d’énergie propre; selon elle, la participation des Autochtones « apporte de la valeur non seulement aux Premières Nations, mais aussi à l’économie du Canada, sous forme de certitude pour les investisseurs ». Ian London, directeur exécutif de la Canadian Critical Minerals and Materials Alliance, s’est dit d’accord avec cette recommandation et a estimé que les Autochtones devraient également avoir la possibilité d’investir dans les infrastructures à valeur ajoutée de la chaîne d’approvisionnement.
Recommandation 11
Que Ressources naturelles Canada élabore des mesures favorisant la participation des peuples autochtones — aussi à titre de propriétaires — aux projets d’énergie propre et de ressources naturelles.
Recommandation 12
Que le gouvernement du Canada établisse des règles claires pour s’assurer que les entreprises qui reçoivent des fonds publics à des fins d’investissements dans la carboneutralité ont l’obligation de garantir le maintien au pays d’emplois satisfaisant les normes applicables, de même que l’obligation de faire appel à la participation des Autochtones, tout en tenant compte de la nécessité de maximiser les retombées économiques pour les collectivités.
De manière plus générale, la représentante de l’Institut international du développement durable a indiqué que tout financement de la transition devrait respecter les droits des Autochtones. D’autres témoins ont abondé dans le même sens, quoique le Comité ait entendu différents points de vue quant à l’incidence possible des politiques gouvernementales sur les droits des Autochtones. La kukpi7 (cheffe) Judy Wilson, qui représentait l’Union of British Columbia Indian Chiefs, a soutenu que les mesures législatives sur la transition équitable devaient reconnaître les droits des Autochtones énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). La cheffe Wilson a également lancé une mise en garde : il ne faut pas que le Canada, en opérant cette transition vers la carboneutralité, maintienne « une économie fondée sur l’extraction des ressources au détriment des droits des peuples autochtones, et [continue] de détruire les écosystèmes pour s’alimenter en énergie propre » plutôt qu’en combustibles fossiles.
Des témoins ont aussi prévenu que certaines politiques gouvernementales risquent d’entraver la capacité des peuples autochtones de participer à certains projets de développement économique. Le représentant de la National Coalition of Chiefs a dit craindre que le gouvernement fédéral se serve de la loi d’exécution de la DNUDPA pour « stopper des projets qui ont l’appui des Premières Nations ». La représentante de la First Nations Major Projects Coalition et le chef Delbert Wapass, commissaire au Conseil des ressources indiennes, ont convenu que le gouvernement fédéral devrait s’abstenir d’appliquer des politiques qui empêchent les peuples autochtones de décider à quels projets ils se consacreront.
Améliorer la coordination
Une transition réussie vers la carboneutralité ne pourra pas se passer de la collaboration au sein des gouvernements et entre tous les ordres de gouvernement. Le Comité a entendu dire à maintes reprises que les gouvernements doivent coordonner leurs efforts plus efficacement. « Jusqu’à présent, nous n’avons réussi qu’à répartir ce travail entre de nombreux ministères », a fait valoir Jamie Kirkpatrick. La figure 1 illustre l’ampleur du défi en montrant quelques‑unes des responsabilités dont devront possiblement s’acquitter les différents ordres de gouvernement dans le cadre d’une transition vers la carboneutralité.
Figure 1 — Responsabilités sélectionnées des différents ordres de gouvernement dans le cadre d’une transition vers la carboneutralité
Source : Figure produite par le Comité.
Différentes solutions possibles existent. Un représentant de la FTQ a proposé que le Canada nomme un sous‑ministre responsable de la transition équitable et qu’il établisse une organisation semblable à une société d’État chargée de mettre en œuvre la transition. Luisa Da Silva a avancé pour sa part que le gouvernement fédéral devrait avoir « une autorité centrale [chargée] de superviser l’élaboration, l’administration et l’application d’une législation sur la transition équitable ». Selon elle, un groupe consultatif serait insuffisant, car « les conseils peuvent toujours être ignorés ».
Le Canada pourrait suivre l’exemple des États‑Unis et de l’Afrique du Sud en établissant un comité interministériel chargé de la transition[19]. Sandeep Pai a proposé qu’un comité canadien compte, parmi ses membres, des représentants des ministères des Finances, de l’Environnement et du Développement des compétences, entre autres. M. Pai a ajouté que ce comité comprendrait aussi, idéalement, des représentants des collectivités les plus touchées. Dans son mémoire, la société ATCO a soutenu l’idée d’un comité interministériel qui comprendrait des représentants du gouvernement fédéral et « des membres des principales provinces productrices d’énergie ».
Recommandation 13
Que le gouvernement du Canada crée par voie législative une organisation gouvernementale responsable de planifier des initiatives d’emplois durables et de se consacrer à la mobilisation en vue du développement continu d’une économie carboneutre.
Les gouvernements ne devraient pas seulement coordonner leur travail; ils devraient aussi coordonner leurs communications. Les Comptables professionnels agréés du Canada ont indiqué qu’une bonne communication s’avère essentielle dans le contexte du changement. Selon l’organisation, les gens et les collectivités sont plus réceptifs aux messages qui expriment une vision positive et réaliste et qui proviennent de personnes de confiance. L’organisation a souligné que certains termes, dont « transition équitable », peuvent être peu efficaces et semer la division. Elle a conclu que, dans le cadre de la transition vers la carboneutralité, le gouvernement fédéral a tout avantage à réunir des leaders et à les mobiliser « en faveur d’un discours commun qui présente à la fois le bien-fondé du changement et une vision optimiste et réaliste de l’avenir »[20].
À l’inverse, les messages ambivalents peuvent nuire à l’efficacité de la transition. Par exemple, Luisa Da Silva a maintenu que le gouvernement fédéral avait manqué de cohérence en 2022 lorsqu’il avait approuvé le projet pétrolier en mer de Bay du Nord « peu de temps après l’annonce d’un budget très axé sur l’environnement et la recommandation d’un organisme comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de ne pas démarrer de nouveaux projets dans ce secteur ». Selon elle, le gouvernement a envoyé des messages contradictoires, et il devient difficile pour les collectivités de savoir à quoi s’attendre.
Promouvoir un secteur de l’énergie résilient et carboneutre
Le chemin vers un avenir carboneutre traverse le système énergétique canadien. À l’heure actuelle, le pays comble 74 % de ses besoins en énergie au moyen de combustibles fossiles[21]. Certaines composantes du système énergétique — comme l’électricité — sont déjà en grande partie décarbonées, mais pour d’autres, la transition vers la carboneutralité sera plus difficile, selon ce qu’a appris le Comité. Les sections suivantes présentent quelques‑unes des options dont le Canada pourrait se prévaloir dans sa création d’un secteur de l’énergie résilient et carboneutre.
Électrifier le système énergétique du Canada
Un monde carboneutre aura besoin de beaucoup plus d’électricité que ce qui est consommée aujourd’hui. L’électricité produite à partir de sources à émissions nulles peut remplir de nombreuses fonctions qui sont exécutées actuellement par les combustibles fossiles, y compris pour le fonctionnement des véhicules, la production de chaleur dans les processus industriels et une partie de l’approvisionnement en énergie requise pour l’exploitation des ressources[22].
« Nous savons que, pour atteindre la carboneutralité, nous devons remplacer la production d’électricité à partir de combustibles fossiles par l’électricité sans émission de carbone, au moins dans une proportion de un pour un. Il s’agit d’un concept simple, mais dont les ramifications sont profondes. »
Christopher Keefer, président, Canadians for Nuclear Energy
Le Canada produit déjà environ 80 % de son électricité à partir de sources à émissions nulles, au premier rang l’hydroélectricité, suivie du nucléaire et d’autres sources renouvelables comme l’énergie éolienne et l’énergie solaire[23]. Il devra toutefois accroître sa capacité de production s’il veut atteindre ses cibles en matière d’émissions. D’après diverses estimations, le Canada devra doubler ou tripler sa capacité de produire de l’électricité à partir de sources à émissions nulles pour réaliser la carboneutralité d’ici 2050[24].
Il se peut que le secteur de l’électricité ait lui‑même à se décarboner plus vite que le reste de l’économie. En effet, le Canada souhaite parvenir globalement à la carboneutralité d’ici 2050, mais le gouvernement fédéral s’est engagé à mettre en place un réseau électrique carboneutre d’ici 2035. Francis Bradley, le président et directeur général d’Électricité Canada, a qualifié les cibles fédérales de « très ambitieuses », mais il a affirmé que « le secteur de l’électricité est résolu à s’employer à les atteindre ». M. Bradley a dit que, pour disposer d’un système électrique carboneutre, le Canada devra « rechercher toutes les sources de production non émettrices ». La figure 2 illustre quelques sources importantes d’électricité non émettrices.
Figure 2 — Sources sélectionnées d’électricité non émettrices
Source : Figure produite par le Comité. Les données proviennent de RNCan, Cahier d’information sur l’énergie : 2021–2022.
Se référant à une étude effectuée avant que le Canada annonce ses cibles de zéro émission, le représentant d’Électricité Canada a estimé que la décarbonation de l’énergie exigerait des investissements de 1,7 billion de dollars dans le secteur de l’électricité, surtout dans l’augmentation de la capacité de production et de transmission. Mais le système électrique n’a pas seulement besoin d’investissements. Comme l’a expliqué M. Bradley, le Canada a du mal à agrandir son système électrique parce que les réseaux qui le composent relèvent principalement de la compétence provinciale, et qu’il n’y a pas « de fonction de coordination infranationale efficace pour planifier et construire la distribution à l’échelle régionale ». Il a aussi dit ce qui suit :
Le fait est qu’il est plus difficile aujourd’hui qu’il y a 10 ans de construire des infrastructures. Les défis liés au choix de l’emplacement, à l’obtention des approbations, à la complexité de ce travail ont tout simplement augmenté. C’est la réalité avec laquelle nous devons composer et c’est un problème auquel tous les acteurs du secteur s’attaquent.
Recommandation 14
Que le gouvernement du Canada rende les approbations de projets plus efficaces et renforce l'argumentaire commercial du Canada en tant que destination de premier choix pour les investissements dans les projets de ressources et d'énergie à faibles émissions de carbone.
Michelle Branigan, directrice générale de Ressources humaines, industrie électrique du Canada, a ajouté que le secteur de l’électricité devra relever au moins deux autres défis dans un contexte où il prépare sa main‑d’œuvre à faire une transition énergétique. Premièrement, elle a signalé que le secteur doit pourvoir les postes laissés vacants par « une population qui sera sous peu à la retraite », une tendance qui sera sans doute accentuée par les effets de la COVID‑19. Deuxièmement, Mme Branigan a noté que la main‑d’œuvre actuelle du secteur « n’est pas représentative de la population du pays ». À son avis, « [n]ous avons une obligation morale de permettre à tous les membres de notre société de choisir une voie professionnelle sans que leur genre, leurs antécédents ou une dimension quelconque de leur identité entrent en ligne de compte ».
Assurer la sécurité énergétique au Canada et dans le monde
L’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie cause des remous dans les marchés de l’énergie du monde entier, ce qui met en péril l’approvisionnement en énergie et contribue à la hausse des prix, particulièrement ceux du pétrole et du gaz[25]. Jonathan Wilkinson, le ministre des Ressources naturelles a indiqué que, pour cette raison, « les questions relatives au coût de la vie et à la sécurité de l’énergie sont maintenant au premier plan des affaires internationales ». Les prix de nombreux produits énergétiques ont considérablement augmenté, en particulier dans les régions rurales et éloignées, où les prix sont déjà plus élevés que dans les autres régions du Canada[26].
« [C]ertaines personnes ont dit aujourd’hui que le Canada avait une énergie bon marché et abordable. C’est peut‑être le cas si vous vivez dans une région métropolitaine, mais je parle avec des gens qui vivent dans des réserves et qui paient 500 à 700 $ par mois pour l’électricité[…] L’énergie ne peut être considérée comme bon marché et abordable lorsqu’un quart de votre salaire est consacré à l’électricité. »
Luisa Da Silva, directrice exécutive, Iron and Earth
Certains intervenants ont affirmé que la meilleure manière, pour le Canada, de servir sa population et de soutenir ses alliés serait de jouer le rôle de fournisseur stable d’énergie, y compris de combustibles fossiles. Dans un mémoire présenté au gouvernement du Canada et remis au Comité, les Comptables professionnels agréés du Canada expriment le point de vue suivant :
Les questions de sécurité énergétique ne disparaîtront pas avec la transition vers la carboneutralité. Cette consultation doit par conséquent tenir compte du rôle que le Canada peut et doit jouer pour répondre aux besoins énergétiques de ses alliés, de ses partenaires commerciaux et, bien sûr, de sa propre population. La demande pour les ressources pétrolières et gazières que le Canada a la chance de posséder se maintiendra dans les années à venir. En tant que bon citoyen, le Canada peut jouer un rôle important dans la stabilité énergétique mondiale[27].
La représentante de l’ACPP a abondé dans le même sens devant le Comité : « Notre industrie peut contribuer pour beaucoup à la réponse à la demande mondiale croissante d’énergie fiable, abordable et produite de façon responsable. »
Comme il en sera question dans la section suivante du rapport, l’énergie nucléaire pourrait aussi jouer un rôle dans la promotion de la sécurité énergétique. Christopher Keefer, président de Canadians for Nuclear Energy, a dit que l’énergie nucléaire peut offrir au Canada une source d’énergie fiable dont les chaînes d’approvisionnement sont en majeure partie nationales. Selon lui, le Canada devrait tirer des enseignements de l’expérience de l’Union européenne :
Si vous regardez ce qui se passe actuellement avec l’agression russe en Ukraine, l’Union européenne a les mains complètement liées quant à sa capacité d’y mettre fin. Elle finance cette agression à hauteur de 700 millions d’euros chaque jour, parce qu’elle a créé une transition énergétique dominée par l’éolien et le solaire et soutenue par le gaz naturel. Voilà le problème, comme vous le disiez, en raison de ce manque de fiabilité et de cette intermittence [de l’énergie éolienne et solaire]. […] Le Canada pourrait se retrouver dans la même situation en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement dont je parlais.
À propos des coûts de l’énergie, Merran Smith a maintenu que la « transition vers des énergies propres diminue la facture énergétique. C’est clair et net. » Elle a admis qu’une transition énergétique ferait augmenter la consommation d’électricité — et donc la facture d’électricité — mais que les consommateurs dépenseraient globalement moins en énergie. Elle a expliqué que, « utiliser moins d’énergie, ou gaspiller moins d’énergie, permet d’économiser ». Faisant référence à une analyse de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), elle a dit que les politiques actuelles feront diminuer la facture énergétique des ménages d’ici à 2050 dans les économies avancées, et que des politiques plus ambitieuses se traduiraient par encore plus d’économies.
D’autres témoins ont convenu que les mesures d’efficacité énergétique peuvent aider les Canadiens à réduire leurs dépenses en énergie. Selon Daniel Breton, président‑directeur général de Mobilité électrique Canada, le Canada « se classe au premier rang des pays du G20 pour ce qui est de la consommation d’énergie par habitant, des émissions de gaz à effet de serre par habitant, ainsi que des émissions de gaz à effet de serre de sa flotte de véhicules légers. Cela signifie donc que nous sommes de très grands gaspilleurs d’énergie. » À son avis, le Canada a besoin de nouvelles sources d’énergie propre, mais il doit aussi gaspiller moins. Dans son mémoire, la Coalition pour un développement énergétique responsable au Nouveau-Brunswick observe que les « mesures d’efficacité énergétique […] permettront aux citoyens, quel que soit leur niveau de revenus, de réduire leur demande d’énergie et donc leur facture énergétique ».
Le rôle de l’énergie nucléaire
Différents témoins ont dit au Comité que l’énergie nucléaire pourrait aider le Canada à faire la transition vers un système énergétique à plus faibles émissions. Le nucléaire a notamment comme avantage de produire de grandes quantités d’électricité non émettrice à un rythme relativement constant[28]. Christopher Keefer a indiqué au Comité que, au Canada, les panneaux solaires produisent une quantité d’électricité équivalant à 15 % de leur capacité maximale, et que pour les éoliennes, ce chiffre va de 30 à 35 %. Pour les réacteurs CANDU, le rendement est supérieur à 90 % de leur capacité.
Des témoins ont ajouté que l’industrie nucléaire génère toute une gamme de retombées économiques; selon eux, elle crée plus d’emplois, offre des salaires plus élevés et fait davantage appel aux chaînes d’approvisionnement canadiennes que d’autres industries. Chad Richards, directeur du Programme de nouveaux partenariats sur l’énergie nucléaire et la carboneutralité au Nuclear Innovation Institute, a cité un rapport de 2021 du Fonds monétaire international selon lequel l’industrie nucléaire crée environ 25 % plus d’emplois par unité d’électricité que l’énergie éolienne, et que les travailleurs du nucléaire gagnent environ 30 % plus que ceux des secteurs d’énergie renouvelable. Les témoins ont souligné par ailleurs que le taux de syndicalisation dans le secteur nucléaire est plus élevé que dans l’éolien et le solaire[29].
Selon Christopher Keefer, la chaîne d’approvisionnement de l’industrie nucléaire « est fabriquée à 96 % au Canada. Cela comprend les mines, la fabrication du combustible, l’industrie lourde, la construction, l’exploitation, l’entretien et la manutention du combustible usé. » Mais les technologies nucléaires peuvent aussi être exportées. Comme l’a rappelé M. Keefer, la technologie des réacteurs CANDU du Canada est utilisée dans le monde entier.
L’expansion de l’industrie nucléaire canadienne exigerait des investissements massifs. De l’avis de M. Keefer, ces investissements pourraient atteindre les « centaines de milliards de dollars », mais il croit qu’ils généreraient des retombées économiques encore plus grandes. Chad Richards a noté pour sa part qu’il en coûtait moins cher d’approvisionner l’Ontario en énergie nucléaire qu’en énergie éolienne et solaire en 2021. Des témoins et des organisations qui ont soumis des mémoires ont indiqué que, pour aider au financement de projets nucléaires, le gouvernement du Canada devrait s’assurer que l’énergie nucléaire est classée comme énergie propre et admissible à du financement par le biais d’obligations vertes[30].
Recommandation 15
Que le gouvernement du Canada veille à ce que les projets d’énergie nucléaire soient classés comme des projets d’énergie propre et soient admissibles à du financement durable.
Deux groupes ont présenté des mémoires dans lesquels ils expriment leur opposition à de tels investissements. Le groupe Rural Action and Voices for the Environment (RAVEN) de l’Université du Nouveau‑Brunswick et la Coalition pour un développement énergétique responsable au Nouveau-Brunswick ont maintenu que, par comparaison avec des sources d’énergie non émettrices, les projets d’énergie nucléaire feraient augmenter les coûts énergétiques. Ils ont fait remarquer en outre que le coût des énergies renouvelables est en forte diminution, tandis que les coûts des travaux de construction et de remise en état des réacteurs nucléaires dépassent souvent les budgets. Les deux organisations s’opposent également à ce que le gouvernement fédéral soutienne les nouveaux réacteurs appelés petits réacteurs modulaires (PRM), car la demande est selon elles insuffisante pour que ces PRM puissent être fabriqués en quantité nécessaire pour assurer le rendement des investissements.
Par ailleurs, l’énergie nucléaire produit des déchets dangereux qui doivent être stockés et gérés. Dans son mémoire, le groupe RAVEN affirme que l’existence même de ces déchets est une autre raison qui justifie de ne pas consacrer d’argent public à l’énergie nucléaire. En revanche, Christopher Keefer a dit au Comité que le risque lié aux déchets nucléaires est exagéré. À son avis, le Canada a montré qu’il savait gérer ces déchets de façon sécuritaire, tout en estimant que le pays gagnerait à aménager un dépôt permanent de ses déchets nucléaires.
La place du pétrole et du gaz dans une transition au Canada
Le secteur pétrolier et gazier emploie des centaines de milliers de personnes (figure 3), génère 20 milliards de dollars en recettes fiscales et fournit des carburants destinés à un large éventail d’utilisations au Canada et à l’étranger[31]. Mais ce secteur est aussi la principale source d’émissions de GES au pays[32]. Étant donné que le Canada veut réaliser la carboneutralité d’ici 2050, le secteur est appelé à se transformer. Les témoins ont exprimé diverses perspectives sur l’approche que le pays devrait suivre à cet égard.
Figure 3 — Emplois directs et indirects liés au secteur pétrolier et gazier du Canada, 2021
Source : Figure préparée par le Comité à partir de données fournies par RNCan.
Comme il a été mentionné précédemment, des témoins ont affirmé que les effets de la transition énergétique sont déjà visibles dans le secteur pétrolier et gazier. Un représentant de la FTQ a dit s’attendre à ce que ce secteur soit « celui qui sera le plus touché prochainement ». Les représentants de l’Alberta Federation of Labour et d’Unifor ont mentionné les pertes d’emplois subies depuis quelques années dans le secteur et prévoient que la tendance se maintiendra. Gil McGowan, président de l’Alberta Federation of Labour, a dit que le Canada doit tirer une leçon de la situation actuelle : il doit cesser de « parler de consacrer le statu quo », et commencer à « préparer un avenir qui sera bien différent du passé ».
Dans son mémoire, l’Association canadienne des entrepreneurs en énergie (CAOEC) a dit douter de la nécessité d’une transition planifiée par le gouvernement fédéral concernant le secteur pétrolier et gazier :
En produisant du pétrole et du gaz plus propres, en développant des sources d’énergie de remplacement comme l’hydrogène et la géothermie et en perfectionnant les techniques de CUSC, les précieuses ressources pétrolières et gazières du Canada et le secteur des services énergétiques du Canada peuvent aider le pays à atteindre la carboneutralité. La CAOEC estime donc qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place une initiative fédérale de « transition équitable axée sur l’humain ».
La représentante de l’ACPP, Shannon Joseph, a convenu que le secteur canadien des hydrocarbures devrait continuer de jouer un rôle important, non seulement dans le maintien de la sécurité énergétique, mais aussi dans la recherche de « solutions proactives pour aider le Canada à contribuer à la lutte contre les changements climatiques ».
Le secteur des hydrocarbures a fait certains progrès dans la réduction des émissions créées par chaque unité de production pétrolière et gazière. Par exemple, l’ACPP a déclaré dans son mémoire que l’intensité des émissions provenant de l’exploitation des sables bitumineux avait baissé de 8 à 14 % entre 2013 et 2019, et que celle des émissions produites par le gaz naturel, le condensat et les liquides de gaz naturel avait diminué de 33 % entre 2011 et 2019. Mme Joseph a dit au Comité que le secteur croit en sa capacité de « dissocier » les émissions de la production pétrolière et gazière, et théoriquement d’augmenter sa production tout en réduisant ses émissions. Ces réductions sont toutefois coûteuses. Elle a indiqué que « [p]résentement, pour atteindre les cibles de réduction, il faudrait de l’aide parce que nous allons au-delà de ce qui est rentable et nous nous heurtons à la concurrence mondiale ».
Pour cette raison, la représentante d’Energy NL a recommandé que le gouvernement du Canada finance la recherche, le développement, la mise à l’essai, la mise en place et l’adaptation de technologies pour aider le secteur pétrolier et gazier à réaliser l’objectif de carboneutralité. Les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont exprimé un avis similaire dans leur mémoire, tout en ajoutant que le gouvernement du Canada devrait aussi investir dans des projets d’énergies non émettrices à grande échelle.
Un autre témoin, Éric Pineault, professeur à l’Université du Québec à Montréal, a accueilli avec scepticisme l’idée voulant que le secteur canadien des hydrocarbures puisse réaliser des réductions absolues de ses émissions qui contribuent à atteindre l’objectif de carboneutralité. Il a soutenu que le pays était plus susceptible de « dépenser de l’argent d’ici 2030 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le baril de pétrole, et non pour réduire ces émissions ». M. Pineault a recommandé que les décideurs concentrent leurs efforts sur la diversification des économies des régions qui dépendent du pétrole et du gaz.
Il est vrai que le secteur pétrolier et gazier est un acteur important dans un grand nombre de régions et de collectivités du Canada. Par exemple, des témoins ont mentionné que, en Alberta seulement, la chaîne d’approvisionnement du secteur compte plus de 15 000 entreprises, et que le secteur emploie quelque 22 000 personnes directement ou indirectement à Terre‑Neuve‑et‑Labrador[33].
Différents témoins ont également abordé la relation entre le secteur pétrolier et gazier et les communautés autochtones[34]. Les représentants de la National Coalition of Chiefs et du Conseil des ressources indiennes ont tous deux parlé des retombées du secteur sur le développement économique des communautés autochtones. Comme l’a expliqué le chef Delbert Wapass, du Conseil des ressources indiennes :
Pour nos membres et pour de nombreuses autres Premières Nations, le pétrole et le gaz offrent les meilleures possibilités. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas intéressés par d’autres secteurs ou que nous ne voulons pas participer à une économie carboneutre, mais […] il devrait être évident qu’il est dans l’intérêt de tous les Canadiens que le secteur pétrolier et gazier soit fort, avec une participation et une propriété autochtones significatives et qu’il soit un chef de file mondial en matière de principes environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Le secteur pétrolier et gazier peut cependant avoir, dans certaines collectivités, des impacts dont il faudrait tenir compte dans le contexte des changements climatiques et de la transition énergétique. La représentante de la First Nations Major Projects Coalition a convenu que le Canada applique des normes environnementales élevées aux projets pétroliers et gaziers, mais elle a observé que certains projets bouleversent le paysage. La cheffe Sharleen Gale a indiqué que le savoir autochtone peut jouer un rôle important dans la compréhension des impacts et a recommandé que le gouvernement du Canada cherche plus de façons possibles d’intégrer les peuples autochtones et le savoir traditionnel à son travail. Herb Lehr a dit que, selon son organisation — le Métis Settlements General Council – il faut « intervenir dès le départ » de la transition énergétique.
La place du pétrole et du gaz dans une transition mondiale
Comme il a été déjà mentionné, la sécurité énergétique est appelée à devenir une préoccupation durable pour les décideurs du monde entier. Certains témoins, dont Shannon Joseph et Dale Swampy, ont affirmé que le Canada devrait s’employer à positionner son secteur pétrolier et gazier comme un pilier de la sécurité et de la stabilité énergétiques mondiales. En parallèle, toutefois, des témoins ont dit s’attendre à ce que le secteur canadien des hydrocarbures fasse l’objet de pressions croissantes dans un monde qui se décarbone, notamment Nichole Dusyk et Hadrian Mertins-Kirkwood, qui ont estimé que le pays devrait mettre l’accent sur une transition qui permet de délaisser les combustibles fossiles.
Le chemin que choisira d’emprunter le Canada dépendra en partie de la demande future de produits pétroliers et gaziers. Le Comité a entendu des opinions différentes à ce sujet. Si la représentante de l’ACPP a souligné que la demande mondiale de pétrole est en hausse, le ministre des Ressources naturelles a rappelé quant à lui que l’AIE s’attend à ce que la consommation de pétrole commence à diminuer d’ici 2030 ou 2035, et que la consommation de gaz naturel amorcera son déclin par la suite. Cela dit, le monde continuera de consommer des produits du pétrole pendant des décennies encore, « à défaut du carburant, afin de fabriquer divers produits pétrochimiques », selon Kevin Nilsen d’ECO Canada.
Le Canada pourrait choisir de miser davantage sur son rôle de grand exportateur de produits pétroliers. C’est ce qu’a préconisé la représentante de l’ACPP, qui a avancé que le gaz naturel canadien pourrait servir à réduire les émissions produites dans d’autres pays s’il est utilisé en remplacement de l’électricité produite à partir de charbon. Dale Swampy, de la National Coalition of Chiefs, a ajouté que le Canada devrait avoir un avantage concurrentiel parce qu’il reçoit de bonnes notes selon les critères de mesure environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), qui servent à évaluer les dimensions non financières des investissements. « J’ai entendu dire que le dernier baril devrait être un baril canadien en raison de nos normes ESG élevées », a affirmé M. Swampy, en ajoutant que : « Je pense que le dernier baril devrait être un baril des Premières Nations. »
D’autres témoins ont cependant jugé que le Canada aurait tort de tabler sur une demande mondiale soutenue de pétrole et de gaz canadiens. Éric Pineault a avancé que l’avantage comparatif du Canada serait limité dans un monde qui se décarbone parce que l’intensité des émissions de carbone du pétrole brut canadien est relativement élevée. Sandeep Pai a dit pour sa part que la demande future de combustibles fossiles provenant des pays en développement pourrait être plus faible qu’on le pense généralement. Il a parlé des cas de la Chine et de l’Inde :
Ces deux pays déploient déjà à grande échelle des technologies solaires et éoliennes. Ils ont exprimé leur volonté de réduire leur utilisation de combustibles fossiles à long terme. Même du point de vue de la demande, on peut constater que des pays que l’on aurait pu considérer comme des débouchés d’avenir pour ces technologies ne seront pas nécessairement intéressés à acquérir certaines de ces ressources que le Canada essaie d’exporter.
Carburants renouvelables et à faible teneur en carbone
La décarbonation pourrait faire augmenter la demande de carburants renouvelables ou à faible teneur en carbone, qui occupent actuellement une place modeste dans le système énergétique canadien. L’hydrogène est un carburant qui pourrait faire partie de la solution permettant au Canada de réaliser la carboneutralité. Mark Kirby, président et chef de la direction de l’Association canadienne de l’hydrogène et des piles à combustible, a fait valoir que l’hydrogène pourrait avoir de nombreuses utilisations dans un avenir carboneutre, y compris dans le fonctionnement des véhicules et la production de chaleur et d’électricité. M. Kirby a cependant prévenu que, si le Canada se révèle incapable d’aménager les infrastructures nécessaires à l’utilisation d’hydrogène, « nous risquons de rater les possibilités économiques qu’offre cette industrie et de manquer à nos engagements en matière de carboneutralité ».
Pour que des carburants à faible teneur en carbone puissent être produits à une plus grande échelle, le Canada aura besoin de plus de travailleurs adéquatement formés. Le représentant du Nuclear Innovation Institute a indiqué que, dans l’éventualité où l’hydrogène sera plus largement utilisé, les travailleurs affectés à la construction des pipelines et les inspecteurs de la sécurité des systèmes devront obtenir de nouvelles certifications, et il faudra trouver de la main‑d’œuvre pour occuper de nouveaux postes, comme ceux d’installateurs de piles à combustible et de gestionnaires de stations de ravitaillement.
Heureusement, les travailleurs d’aujourd’hui possèdent des compétences qu’ils pourront mettre à profit dans les industries émergentes des carburants. Par exemple, les compétences nécessaires pour travailler dans une usine de biocarburants sont comparables à celles exigées actuellement dans les raffineries pétrolières[35]. À ce sujet, la représentante de Clean Energy Canada a cité une étude qui a révélé que plus de 90 % des travailleurs du secteur des hydrocarbures du Royaume‑Uni devraient être capables de transférer leurs compétences à d’autres secteurs de l’énergie. Néanmoins, l’ACPP a soutenu dans son mémoire que la transition se fera au sein des secteurs — comme le secteur pétrolier et gazier — et que la demande de travailleurs qualifiés se poursuivra à mesure que leurs rôles évolueront pour inclure des fonctions de production d’hydrogène et de capture, d’utilisation et de stockage du carbone.
Afin d’encourager la production nationale de carburants à faible teneur en carbone, l’Association canadienne des carburants a recommandé l’instauration d’un crédit d’impôt fédéral pour les producteurs de carburant à faible teneur qui s’inspirerait du crédit d’impôt pour production de biodiesel au Québec. Le représentant de l’Association canadienne de l’hydrogène et des piles à combustible a encouragé le gouvernement fédéral à mettre en œuvre la Stratégie canadienne pour l’hydrogène et à réserver à l’hydrogène des fonds prévus dans le cadre de programmes actuels d’énergie propre. Il a recommandé de mettre de côté 800 millions de dollars à cette fin, et dont 100 millions qui iraient à la création de « centres d’hydrogène », soit de grappes industrielles que l’on propose d’aménager autour d’une source commune d’hydrogène.
Recommandation 16
Que le ministère des Finances Canada évalue la portée et l’efficacité des mesures fiscales actuelles, comme les crédits d’impôt, qui sont destinées aux entreprises produisant des carburants renouvelables et à faible teneur en carbone au Canada, qu’il prévoie une évaluation de l’efficacité des obligations salariales et des engagements en matière d’apprentissage, et qu’il apporte les correctifs nécessaires à ces mesures.
Recommandation 17
Que le gouvernement du Canada travaille avec l’industrie de l’hydrogène, les établissements de recherche et de formation, les gouvernements et les communautés autochtones ainsi que les provinces, les territoires et les municipalités pour développer une industrie de l’hydrogène à faibles émissions de carbone et une expertise nationale dans le domaine :
- en mettant en œuvre la Stratégie canadienne pour l’hydrogène;
- en réservant des enveloppes déterminées à la production d’hydrogène à faibles émissions de carbone et aux infrastructures connexes;
- en appuyant la création de centres d’hydrogène à proximité des sites de production et des marchés où la demande d’hydrogène pourrait augmenter.
Renforcer les chaînes d’approvisionnement locales pour favoriser des industries carboneutres
Les effets d’une transition vers la carboneutralité ne se limitent pas au secteur de l’énergie. Comme il a été indiqué plus haut, on s’attend à ce que cette transition crée des débouchés dans toute l’économie canadienne, même si elle ébranle les industries à fortes émissions. Selon ce que le Comité a entendu, le gouvernement du Canada devrait favoriser les retombées de ces possibilités économiques en renforçant les chaînes d’approvisionnement locales liées aux technologies et aux produits à faibles émissions. Le Canada possède déjà une partie des ressources, des travailleurs et de l’infrastructure dont ces chaînes d’approvisionnement ont besoin, mais les témoins ont estimé qu’il pourrait en faire plus[36]. Le reste de la présente section traite des possibilités les plus prometteuses décrites par les témoins et expose les recommandations qu’ils ont offertes pour que le Canada maximise les retombées d’une transition vers la carboneutralité.
Exploitation minière et minéraux critiques
La transition vers une économie sobre en carbone entraînera une hausse importante de la demande en minéraux requis pour fabriquer des produits à faibles émissions de carbone, comme des véhicules électriques, des batteries, des panneaux solaires et des éoliennes. Ces minéraux sont parfois appelés « minéraux critiques[37] ». Le Canada en produit déjà certains et possède des gisements de bien d’autres (figure 4)[38].
Figure 4 — Carte des gisements et des projets de minéraux critiques au Canada
Note : RNCan définit un « projet avancé » comme un projet qui concerne des réserves ou des ressources minérales (mesurées ou indiquées) et dont la viabilité potentielle est appuyée par une étude économique préliminaire ou une étude de préfaisabilité/faisabilité.
Source: RNCan, Stratégie canadienne sur les minéraux critiques de l’exploration au recyclage : alimenter l’économie verte et numérique du Canada et du monde entier, décembre 2022, p. 11.
Le Comité a déposé de nouveau, récemment, un rapport intitulé De l’exploration minérale à la fabrication de pointe : Développer les chaînes de valeur pour les minéraux critiques au Canada, qui examine en détail comment le Canada peut soutenir le développement de l’industrie des minéraux critiques et les chaînes de valeur connexes. Au cours de la présente étude, le Comité a reçu des témoignages qui rappellent quelques‑unes des recommandations de ce rapport.
« L’exploitation de ressources essentielles et leur transformation en aval alimentent des technologies propres qui créent beaucoup de valeur et ouvrent la voie aux emplois de la prochaine génération. »
Ian London, directeur exécutif, Canadian Critical Minerals and Materials Alliance
Comme pour d’autres produits, le Canada peut se donner un avantage concurrentiel en produisant des minéraux de manière inclusive et responsable sur le plan environnemental. Dans son mémoire, la Canadian Critical Minerals and Materials Alliance a affirmé que l’« équité et la solidarité doivent être les principes mêmes de nos stratégies et de nos plans en matière de [minéraux] critiques ». Elle a donc recommandé que le gouvernement du Canada tienne compte de la fin de vie de tout projet, y compris l’utilisation de l’infrastructure par la communauté concernée. Le président de l’organisation, Ian London, a souligné que les fabricants accordent de l’importance à la traçabilité des minéraux et à la réduction de l’empreinte carbone. À son avis, « [i]l est essentiel de transporter ces produits et d’exploiter ces mines de façon plus écoénergétique et plus écologique » au Canada.
Il n’est pas toujours nécessaire d’ouvrir de nouveaux sites miniers. En effet, M. London a dit au Comité que le Canada pouvait créer des produits à valeur ajoutée à partir de matières résiduaires, dont des matières provenant des bassins de résidus et des effluents.
Des témoins ont souligné que l’industrie des minéraux critiques est tout particulièrement intéressante, car elle pourrait servir de fondement à d’autres industries à valeur ajoutée, comme les chaînes d’approvisionnement des véhicules zéro émission[39].
Véhicules zéro émission et industries manufacturières
C’est la chaîne d’approvisionnement des véhicules zéro émission qui offre le plus clairement la possibilité, pour le Canada, de mettre à profit son accès à des minéraux critiques, à l’énergie propre et à une main‑d’œuvre qualifiée. Cette chaîne d’approvisionnement regroupe différents éléments, qui vont des matières premières requises pour les batteries jusqu’au montage des véhicules.
Figure 5 — La chaîne de valeur pour la fabrication de batteries
Source : Figure produite par le Comité. De l’exploration minérale à la fabrication de pointe : développer les chaînes de valeur pour les minéraux critiques au Canada, premier rapport, juin 2021.
Différents témoins ont indiqué que la fabrication des batteries de véhicules électriques représente une occasion de premier ordre de générer des retombées économiques tout en favorisant la transition vers une économie sobre en carbone. Dans un rapport récent, le Comité avait remarqué que certains maillons de la chaîne de fabrication des batteries n’existaient pas encore au Canada. Depuis, le Canada a obtenu des investissements supplémentaires qui aideront à créer la chaîne de valeur pour la fabrication de batteries, y compris un investissement de 5 milliards de dollars dans une usine de batteries de Windsor, en Ontario.
Selon certains témoins, cependant, il reste du travail à faire pour établir cette chaîne d’approvisionnement[40]. Le représentant de Mobilité électrique Canada a affirmé que le gouvernement fédéral ne devrait pas seulement attirer plus d’investissements dans les industries canadiennes de fabrication de véhicules électriques afin de favoriser le développement d’une chaîne d’approvisionnement nationale de véhicules carboneutres; il devrait aussi « accélérer les technologies, la recherche, le développement et la fabrication visant à réduire le coût des batteries pour véhicules », collaborer avec les provinces afin d’accorder la priorité à la formation et d’accroître les possibilités d’apprentissage pour les mécaniciens de véhicules électriques, et constituer une main‑d’œuvre qualifiée en aidant les employeurs à former les nouveaux venus et en « mainten[ant] les engagements actuels en matière de financement pour la formation et le recyclage ». Dans la même veine, la représentante de Clean Energy Canada a mentionné que le « Canada pourrait faire davantage de raffinage afin d’alimenter la production des cathodes, des anodes et des cellules et la mise en place de l’ensemble de l’approvisionnement en piles, en lien avec le secteur automobile ».
Pour les véhicules zéro émission, la chaîne d’approvisionnement ne se limite pas à la fabrication. En effet, comme l’a expliqué le représentant de Mobilité électrique Canada, Daniel Breton, ces véhicules ont besoin d’une infrastructure de recharge et de ravitaillement. Il a dit que, bien que le réseau routier canadien soit de mieux en mieux alimenté et approvisionné, « il y a des difficultés relativement à la recharge et au ravitaillement dans les centres‑villes ». Constatant que le ministère des Ressources naturelles et la Banque d’infrastructure du Canada ont des programmes pour financer cette infrastructure, M. Breton a demandé au gouvernement fédéral de s’assurer que l’argent est dépensé là où les besoins sont les plus grands. Dans son allocution d’ouverture, Dale Swampy, de la National Coalition of Chiefs, a souligné l’absence totale de véhicules zéro émission dans de nombreuses collectivités, car celles-ci ne disposent pas de la capacité électrique nécessaire à la mise en place d’une infrastructure de recharge.
Les chaînes d’approvisionnement de l’économie sobre en carbone apporteront de nombreux bienfaits, mais elles entraîneront aussi certains bouleversements. Par exemple, l’industrie des pièces d’automobile pourrait avoir besoin de moins de travailleurs, les véhicules zéro émission ayant habituellement moins de pièces que les véhicules avec moteur à combustion interne. La représentante d’Unifor a dit que ces risques font ressortir le besoin de consulter les parties concernées, de mettre en place une stratégie de transition claire et de « prendre en charge ces collectivités ». La figure 6 indique le nombre de personnes employées par ces industries au Canada en 2021.
Figure 6 — Emplois dans les industries de fabrication de véhicules automobiles au Canada, 2021
Source : Figure produite par le Comité à partir de données obtenues de Statistique Canada, « Tableau 14-10-0202-01 : Emploi selon l’industrie, données annuelles », base de données, consultée le 15 février 2023.
Patrick Rondeau, de la FTQ, a donné un autre exemple en évoquant la probabilité que des pertes d’emplois surviennent dans le secteur de l’aluminium à mesure que les fabricants développeront de nouveaux produits. En effet, certains fabricants ont commencé à produire des anodes inertes — en plus petites quantités parce qu’ils durent plus longtemps — plutôt que des anodes en carbone. M. Rondeau croit que le Canada devrait réagir en encourageant les circuits courts, c’est‑à‑dire, en favorisant la construction des usines de fabrication à proximité des usines de transformation et en minimisant le recours à des intermédiaires.
Même lorsque les emplois sont maintenus, le Canada pourrait manquer de travailleurs qualifiés. Daniel Breton a indiqué que le Canada devra aider les travailleurs de l’automobile à perfectionner leurs compétences pour qu’ils soient capables de construire des véhicules zéro émission. « Or nous ne pouvons former ces travailleurs en criant ″ciseaux″ », a‑t‑il expliqué. M. Breton a ajouté qu’il n’y a actuellement pas assez de travailleurs dans d’autres secteurs de l’industrie, dont celui des ventes de véhicules. Ces difficultés, y compris la possibilité que des industries clés aient à composer avec une pénurie de main‑d’œuvre, sont analysées plus loin.
Enfin, parallèlement à ses efforts pour renforcer ses chaînes d’approvisionnement sobres en carbone, le Canada devrait réfléchir aux avantages concurrentiels sur lesquels pourraient miser différentes régions. Ian London a donné les exemples suivants :
Dans le Nord du Québec, où certaines de ces usines de transformation consomment beaucoup d’énergie, on voudrait passer à de l’énergie propre. Il y a l’exemple de Rio Tinto et de l’alliage de matériaux léger et de scandium pour les véhicules. Dans certains cas, il faudrait se tourner vers le Sud de l’Ontario. Thunder Bay a beaucoup de lithium … qui peut être produit en association avec la fabrication de batteries dans le centre de l’Ontario. Prenez la Saskatchewan. Des terres rares des Territoires du Nord‑Ouest sont acheminées au Saskatchewan Research Council, qui construit des installations de séparation.
M. Swampy a attiré l’attention sur les possibilités offertes par les initiatives en matière d’hydrogène bleu dans le nord et le sud de l’Alberta et a dit espérer que le gouvernement fédéral soutiendrait les grandes sociétés de sables bitumineux de la province dans leur transition vers cette méthode de production.
Construction, bâtiments sobres en carbone et secteur forestier
Une transition énergétique exigera la construction de nouvelles infrastructures et la rénovation du parc d’immeubles actuel du Canada. David Agnew, président du Collège Seneca et représentant des Collèges canadiens pour une relance économique résiliente, a dit que les gens des métiers de la construction sont « aux premières lignes, en quelque sorte, de l’évolution vers une économie à faibles émissions de carbone ».
Pour parvenir à la carboneutralité, l’environnement bâti du Canada — soit l’ensemble des structures du pays d’origine humaine — devra subir d’importants changements[41], comme l’utilisation accrue de matériaux à faibles émissions de carbone, une meilleure isolation ainsi que le recours à des sources d’énergie à faibles émissions pour le chauffage et la climatisation. Pour qu’une transition vers des bâtiments carboneutres se fasse en temps utile, il faudra des investissements publics massifs : dans leur mémoire, l’Association des entrepreneurs en mécanique du Canada (AEMC) et l’Institut canadien de plomberie et de chauffage (ICPC) ont recommandé que le gouvernement fédéral consacre 20 milliards de dollars de financement aux rénovations.
La représentante de Clean Energy Canada a expliqué qu’une transition vers la carboneutralité se traduira par une croissance importante de l’emploi dans les métiers du bâtiment, dont ceux d’électricien, de technicien en systèmes de CVC et de travailleur de la construction. Cependant, l’industrie de la construction fait aussi face à un risque de pénurie de main‑d’œuvre[42]. Le représentant du Conseil de l’industrie forestière du Québec a indiqué que l’industrie pourrait s’adapter notamment en mettant l’accent sur l’utilisation de modules préfabriqués. Pour leur part, les gouvernements peuvent aider à accroître le bassin de main‑d’œuvre en soutenant l’éducation, la formation et le marketing. À ce sujet, l’AEMC et l’ICPC se sont exprimés, dans leur mémoire, en faveur d’une recommandation du Groupe de travail pour une reprise économique résiliente [disponible en anglais seulement], qui demande aux gouvernements de partout au Canada de consacrer 1,25 milliard de dollars à la formation d’une main-d’œuvre diversifiée dans le bâtiment vert.
Le Comité a appris que le secteur forestier pourrait jouer un rôle dans la réduction de l’empreinte carbone de l’environnement bâti canadien. Comme le Comité l’a décrit dans un rapport récent, intitulé La relance économique du secteur forestier au Canada : verte et inclusive, le secteur forestier canadien développe des produits forestiers à valeur ajoutée qui pourraient remplacer des biens dont la fabrication produit plus d’émissions. Il s’agit notamment du bois massif, un produit de bois d’ingénierie qui a de nombreuses utilisations dans la construction, ainsi que la fibre de bois, qui peut servir d’isolant. Mike Yorke, directeur des affaires publiques et de l’innovation au Carpenters’ District Council of Ontario, a fait valoir que le gouvernement du Canada devrait notamment encourager l’utilisation du bois massif pour promouvoir la « construction écologique » et fournir des fonds pour appuyer la formation d’une « main-d’œuvre durable ».
Encore une fois, la capacité du Canada de produire des matériaux de construction à faibles émissions de carbone constituera un avantage dans un monde qui se décarbone. Jean‑François Samray a dit que les entreprises du secteur de la technologie de l’information — pour qui une grande partie des nouvelles installations ont été construites — cherchent à réduire leur empreinte carbone grâce à des matériaux de construction canadiens.
Agriculture
Le secteur agricole canadien peut aider le pays à atteindre son objectif de carboneutralité, grâce notamment à la séquestration du carbone dans les terres agricoles[43]. Des témoins œuvrant dans le secteur ont toutefois demandé au gouvernement fédéral de modifier certaines de ses politiques sur la réduction des émissions, car ils estiment que, à cause des mesures fédérales, les agriculteurs ont plus de mal à investir dans les technologies novatrices nécessaires pour réaliser la carboneutralité.
Premièrement, ces témoins ont demandé de ne pas être assujettis au système fédéral de tarification du carbone. Keith Currie, vice‑président de la Fédération canadienne de l’agriculture, a observé que le coût du diesel et d’autres intrants a beaucoup augmenté, et que « les prix actuels du carburant sont suffisamment élevés pour vraiment éclipser ce signal [la tarification du carbone] du marché ». M. Currie a recommandé que le gouvernement fédéral élargisse les exemptions fédérales relatives à la tarification du carbone pour y inclure le gaz naturel et le propane, qui sont utilisés pour le séchage des céréales et la climatisation et le chauffage des espaces du bétail. Se disant d’accord avec M. Currie, Branden Leslie, gestionnaire de la Politique et des relations gouvernementales à Producteurs de grains du Canada, a affirmé que, puisque les agriculteurs sont des preneurs de prix, la tarification du carbone alourdit les coûts disproportionnés auxquels ils font déjà face et réduit leur capacité d’accumuler le capital nécessaire pour investir dans des technologies servant à réduire les émissions et à économiser l’énergie.
Deuxièmement, M. Leslie s’est aussi opposé aux politiques fédérales visant à abaisser les émissions des engrais, car ces politiques les forceraient selon eux à employer moins d’engrais. « S’il y a moins d’épandage d’engrais, nous produirons moins d’aliments. S’il y a moins d’aliments, les prix vont augmenter », a-t‑il fait valoir.
Le représentant de la Fédération canadienne de l’agriculture a affirmé que le gouvernement fédéral pourrait améliorer le soutien offert aux agriculteurs en renforçant l’infrastructure rurale, notamment en favorisant l’accès à la large bande et à la 5G. Selon lui, l’accès à de meilleurs services de télécommunications aidera les agriculteurs à minimiser l’utilisation de carburants dans leur travail.
Soutenir les collectivités et permettre aux travailleurs d’acquérir les compétences nécessaires à une économie carboneutre
Kevin Nilsen, président et directeur‑général d’ECO Canada, a exprimé l’avis suivant :
[I]l existe deux domaines fondamentaux dont les gens se préoccupent en ce qui concerne leur travail : premièrement, il y a la capacité de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille et d’atteindre ou de chercher la prospérité; deuxièmement, il y a la capacité d’avoir une carrière stimulante en s’appuyant sur leurs compétences et intérêts. Si la transition vers une économie à faibles émissions de carbone garde ces éléments fondamentaux au premier plan, je crois que nous réaliserons la transformation, tout en constatant une forte participation des personnes touchées.
Pour que la transition vers une économie carboneutre se fasse de la manière désirée, selon les témoins entendus, les travailleurs auront besoin de perfectionnement et de formation, et les collectivités auront besoin de soutiens pour pouvoir aider les personnes qui seront déplacées ou désavantagées par la transition vers la carboneutralité.
L’éducation, le perfectionnement des compétences et à la formation
Le Canada doit veiller à ce que ses travailleurs possèdent les compétences nécessaires pour réussir dans une économie carboneutre. Le représentant de Collèges canadiens pour une relance économique résiliente a décrit trois groupes de travailleurs canadiens qui seront touchés par la transition vers la carboneutralité :
- les membres actuels de la population active qui auront besoin d’une mise à niveau des compétences ou d’une courte formation;
- les nouveaux venus sur le marché du travail qui ont besoin de plus de temps pour finir leurs études postsecondaires que les travailleurs déjà actifs; et
- les travailleurs étrangers qualifiés qui ont besoin de soutien pour s’adapter au marché du travail canadien.
Comme il a été mentionné précédemment, une partie des travailleurs de certaines industries, comme celle des hydrocarbures, ont des compétences qui peuvent se transférer assez facilement à d’autres industries. Par contre, d’autres groupes font face à des barrières plus difficiles à surmonter lorsqu’ils tentent d’obtenir de la formation et d’accéder au marché du travail. Une représentante de RNCan a fait valoir que les secteurs des ressources naturelles devraient attirer les jeunes, les femmes et les personnes racialisées en supprimant des barrières systémiques qui empêchent depuis longtemps ces groupes de travailler dans ces secteurs.
Bien que les secteurs des ressources naturelles comptent parmi les plus grands créateurs d’emplois pour les peuples autochtones au Canada, des barrières à l’entrée et aux possibilités de formation et de perfectionnement des compétences subsistent au sein de la main‑d’œuvre. À ce sujet, le représentant de l’International Union of Operating Engineers a insisté sur l’importance de déployer des efforts supplémentaires pour recruter des Autochtones et des femmes, qui sont souvent sous‑représentés dans les métiers.
Kevin Nilsen, d’ECO Canada, a fait ressortir l’importance des compétences qui sont « moins techniques que celles que les gens avaient par le passé », y compris les « compétences en commercialisation, le sens des affaires et [les] aptitudes en marketing ». Ces compétences seront nécessaires pour vendre les innovations et les nouvelles technologies et en assurer la rentabilité. M. Nilsen a estimé que le Canada n’est pas aussi fort que d’autres pays sur ce plan. En revanche, Tricia Williams, la directrice de Recherche, évaluation et mise en commun des connaissances au Centre des Compétences futures, a jugé que « les Canadiens sont en fait bien placés pour effectuer les réorientations nécessaires pour obtenir les bonnes compétences et travailler dans les bons secteurs ». L’organisation a trouvé que les compétences sociales et émotionnelles, comme « le raisonnement critique, la surveillance, la coordination, le jugement, la prise de décision et la résolution de problèmes complexes » seront toujours très utiles, peu importe les futurs progrès technologiques.
« Afin d’assurer une transition juste et équitable pour notre population active, nous devons soutenir les travailleurs à toutes les étapes en cours de route et pas seulement lorsque les rôles se sont en fait transformés en quelque chose d’entièrement nouveau. »
David Agnew, président du Collège Seneca et représentant des Collèges canadiens pour une relance économique résiliente
Denise Amyot, la présidente et directrice générale de Collèges et instituts Canada, a mis en évidence le leadership dont font preuve les collèges et les universités dans le développement des compétences requises pour faire avancer la décarbonation dans les collectivités. Par exemple, la représentante du Centre des Compétences futures a attiré l’attention sur une initiative communautaire menée avec l’organisation Calgary Economic Development, qui mobilise des collèges, des universités et des employeurs afin d’aider des travailleurs du secteur pétrolier et gazier à se recycler afin d’accepter des rôles en forte demande dans le secteur des technologies.
La représentante de Clean Energy Canada a souligné que le gouvernement peut contribuer à faire en sorte que les universités et les collèges techniques enseignent des compétences qui permettent de faire la concordance des personnes avec les emplois. Pour sa part, le représentant du Conference Board du Canada a insisté sur l’importance d’avoir des programmes de formation qui répondent aux besoins des employeurs. Lionel Railton, de l’International Union of Operating Engineers, a dit que des programmes d’apprentissage dans les métiers pourraient aider les travailleurs devant mettre à niveau leurs compétences à se retrouver un emploi.
Le gouvernement du Canada reconnaît que la formation et la mise à niveau des compétences seront des éléments cruciaux d’une transition équitable, comme l’a fait remarquer Andrew Brown, sous‑ministre adjoint principal de la Direction générale des compétences et de l’emploi à EDSC. M. Brown a mis en lumière quelques‑uns des programmes du Ministère, y compris le Programme d’appui aux solutions sectorielles pour la main‑d’œuvre, qui finance des projets sectoriels appuyant la formation et le perfectionnement des travailleurs. Chris Bates, d’EDSC, a aussi mentionné le Programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, une initiative conçue pour tirer parti des compétences actuelles des travailleurs.
Recommandation 18
Que le gouvernement du Canada, tout en respectant les compétences des provinces, collabore avec les territoires, les établissements d’enseignement, les entreprises, les associations commerciales, les syndicats et les communautés autochtones :
- pour déterminer les compétences clés nécessaires dans le cadre d’une transition vers la carboneutralité;
- pour donner priorité aux groupes traditionnellement marginalisés ou désavantagés dans le cadre des initiatives de recyclage et de mise à niveau des compétences;
- pour élaborer des programmes de formation adaptés aux compétences et aux groupes visés;
- pour assurer l’élaboration de programmes de formation en partenariat avec les syndicats, qui ont établi des mécanismes clairs relatifs au recyclage et à la mise à niveau des compétences.
Surmonter les défis dans le marché du travail
Quelques témoins ont parlé de tensions dans le marché du travail canadien; la pénurie de main‑d’œuvre pourrait, selon eux, compliquer une transition. Le ministre du Travail a qualifié de « très grave » la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de l’énergie. Éric Pineault a aussi abordé cette question : « Le défi n’est pas de créer des emplois. Le défi est d’accompagner les communautés qui dépendent trop du secteur pétrolier. Il faut aider les travailleurs qualifiés à se réorienter vers les secteurs où nous en avons besoin de manière urgente. » Il a indiqué que le secteur de l’énergie veut aller chercher, en particulier, « les travailleurs du secteur de la construction et du secteur manufacturier. Les travailleurs et les travailleuses des secteurs de l’extraction gazière, des sables bitumineux et du pétrole traditionnel seraient et sont nécessaires dans tous les autres secteurs de l’économie canadienne. » Pour sa part, le représentant d’ECO Canada a dit que les employeurs du secteur environnemental, qui sont « désespérés », ont commencé à réduire leurs exigences en matière de compétences, compte tenu du taux de croissance rapide de l’emploi dans le secteur.
« Nous devons faire preuve de toute notre ingéniosité pour décarboner notre mode de vie et, pour y arriver, nous devons veiller à ce que les collectivités vulnérables ne soient pas laissées pour compte dans la transition vers une économie carboneutre. »
Sharleen Gale, présidente du conseil d’administration, First Nations Major Projects Coalition
De l’avis de Sandeep Pai, le manque de confiance est un obstacle à la transition vers la carboneutralité : « l’un des problèmes, lorsqu’on parle de transition équitable, c’est la confiance. À l’échelle mondiale — y compris, dans une certaine mesure, au Canada –, nous n’avons jamais réalisé de bonnes transitions équitables. Les travailleurs ont toujours eu l’impression d’être laissés pour compte. » Michael Burt a observé qu’un grand nombre de travailleurs définissent fortement leur identité en fonction de leur travail, et que le changement peut donc entraîner des craintes. Son organisation, le Conference Board du Canada, a trouvé que les trois quarts environ des travailleurs sont disposés à faire la transition vers des emplois du secteur vert, à condition que ces postes leur offrent la sécurité d’emploi, un salaire au moins comparable et la possibilité d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour réussir.
Des mesures de protection sociale peuvent apporter plus de sécurité aux travailleurs et aux collectivités dans la transition vers une économie carboneutre. Comme l’a expliqué Samantha Smith, au Canada, ces mesures comprennent l’assurance-emploi, l’éducation, les soins de santé et les régimes de retraite. Certains témoins ont suggéré des mesures nouvelles ou différentes que le Canada pourrait adopter. Par exemple, pour soutenir la formation des travailleurs, Kevin Nilsen a recommandé le recours à des subventions salariales. Sari Sairanen, représentante d’Unifor, a proposé d’autres mesures, disant que la transition vers la carboneutralité :
[C]’est l’occasion pour le gouvernement de combler les lacunes de l’assurance‑emploi et de gérer les problèmes d’adaptation du marché du travail canadien aux changements technologiques rapides. Des protections sociales et économiques plus solides, combinées à des politiques efficaces pour aider les travailleurs des industries en déclin à passer à des secteurs en croissance, garantiraient que toutes les transitions sont des transitions équitables.
Mme Sairanen a ajouté qu’une transition vers la carboneutralité exigerait de prévoir « un financement dédié pour offrir des protections salariales, des prestations de transition, du recyclage et de l’aide au déplacement pour les travailleurs touchés ».
Dans son mémoire, Polytechnics Canada a remarqué que des programmes fédéraux actuels tels que l’Allocation canadienne pour la formation peuvent aider les travailleurs à mi-carrière en cours de perfectionnement, mais a exprimé un souci « que ceux qui n’ont pas les moyens de payer les coûts initiaux de la formation et du recyclage ne puissent pas profiter d’un crédit d’impôt destiné à soutenir l’éducation permanente ».
Recommandation 19
Que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les territoires — dans le respect de leurs compétences — pour évaluer l’efficacité et la résilience du système canadien d’avantages sociaux dans le contexte d’une transition vers la carboneutralité en prenant des mesures telles que les suivantes :
analyser les lacunes du régime d’assurance‑emploi, y compris celles qui pourraient apparaître ou s’aggraver lors d’une transition vers la carboneutralité;
explorer de nouvelles mesures de soutien du revenu, y compris des pensions de raccordement, à l’intention des personnes touchées par une transition vers la carboneutralité;
envisager le renforcement des mesures de soutien du revenu et de la formation, y compris l’Allocation canadienne pour la formation, et étendre le soutien en matière de communication au secteur des métiers et aux programmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers afin d’aider à atténuer les pénuries de main‑d’œuvre.
Conclusion
La transition vers la carboneutralité est une entreprise de toute première importance qui exigera la contribution de l’ensemble de la société canadienne. Le gouvernement du Canada aura des rôles clés à jouer à chaque étape de la transition, qu’il s’agisse de déterminer les impacts possibles, d’établir des principes d’action ou de mettre en œuvre une stratégie appuyant les industries carboneutres de demain. Les recommandations présentées dans ce rapport peuvent aider le gouvernement du Canada à jouer son rôle de manière réfléchie, inclusive et coordonnée. En donnant suite à ces recommandations, le Canada sera mieux placé pour faire une transition équitable vers un avenir carboneutre.
[1] Par « carboneutralité », on entend qu’un équilibre est atteint entre les émissions produites et les émissions retirées de l’atmosphère. Voir : Ross Linden-Fraser, Résumé législatif du projet de loi C-12 : Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050, publication no 43‑2‑C12-F, Bibliothèque du Parlement, révisée le 8 juillet 2021.
[2] Chambre des communes, Comité permanent des ressources naturelles (RNNR), Témoignages, 27 avril 2022, 1625 (Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec); RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1610 (Nichole Dusyk, conseillère principale en matière de politiques, Institut international du développement durable); et RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1615 (Hadrian Mertins‑Kirkwood, recherchiste en chef, Centre canadien de politiques alternatives).
[3] RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1625 (Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec); et RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1605 (Sandeep Pai, responsable principal de la recherche, Global Just Transition Network, Center for Strategic and International Studies).
[4] RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1715 (Nichole Dusyk, conseillère principale en matière de politiques, Institut international du développement durable).
[5] RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1625 (Denis Bolduc, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec); et RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1720 (Hadrian Mertins‑Kirkwood, recherchiste en chef, Centre canadien de politiques alternatives).
[6] Institut canadien pour des choix climatiques, Ça passe ou ça casse : Transformer l’économie canadienne pour un monde sobre en carbone, p. 62; et Jonathan Davey et coll., Action Canada et Forum des politiques publiques, Avenirs inclusifs : Participation des Autochtones au marché du travail au Canada.
[7] Annabel Pinker, Just Transitions: a comparative perspective, rapport produit pour la Just Transition Commission de l’Écosse, 25 août 2020, p. 10 et 13 [disponible en anglais seulement].
[8] RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1630 (Sari Sairanen, directrice nationale, Santé, sécurité et environnement, Unifor).
[9] Organisation internationale du Travail, Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous, 2015; et Nations Unies, Accord de Paris, 2015.
[10] Les principes directeurs établis par l’OIT sont reproduits dans le présent rapport à l’annexe A.
[12] RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1635 (Lionel Railton, directeur régional du Canada, International Union of Operating Engineers); RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1705 (Gil McGowan, président, Alberta Federation of Labour); RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1605 (Larry Rousseau, vice‑président exécutif, Congrès du travail du Canada); RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1600 (Luisa Da Silva, directrice exécutive, Iron and Earth); RNNR, Témoignages, 16 mai 2022, 1555 (Denise Amyot, présidente‑directrice générale, Collèges et instituts Canada).
[13] RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1635 (Lionel Railton, directeur régional du Canada, International Union of Operating Engineers); RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1605 (Sandeep Pai, responsable principal de la recherche, Global Just Transition Network, Center for Strategic and International Studies); RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1640 (Larry Rousseau, vice‑président exécutif, Congrès du travail du Canada); et RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1655 (Merran Smith, dirigeante principale de l’innovation, Clean Energy Canada).
[14] RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1720 (Hadrian Mertins‑Kirkwood, recherchiste en chef, Centre canadien de politiques alternatives).
[15] RNNR, Témoignages, 16 mai 2022, 1645 (Tara Peel, adjointe politique à la présidente, Congrès du travail du Canada); et Comptables professionnels agréés du Canada, document de référence présenté au RNNR.
[16] RNNR, Notes d’allocution de l’honorable Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles du Canada, pour une comparution devant le Comité permanent des ressources naturelles au sujet de leur étude intitulée « Créer une transformation énergétique canadienne juste et équitable », 1er juin 2022.
[17] RNNR, Témoignages, 4 avril 2022, 1715 (Chris Bates, directeur général, Direction de l’apprentissage et de initiatives sectorielles, ministère de l’Emploi et du Développement social); RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1630 (Sari Sairanen, directrice nationale, Santé, sécurité et environnement, Unifor); RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1635 (Sandeep Pai, responsable principal de la recherche, Global Just Transition Network, Center for Strategic and International Studies); RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1645 (Luisa Da Silva, directrice exécutive, Iron and Earth); RNNR, Témoignages, 16 mai 2022, 1705 (Larry Rousseau, vice‑président exécutif, Congrès du travail du Canada); RNNR, Témoignages, 16 mai 2022, 1710 (Tricia Williams, directrice, Recherche, évaluation et mise en commun des connaissances, Centre des Compétences futures); et RNNR, Témoignages, 30 mai 2022, 1635 (Herb Lehr, président, Metis Settlements General Council).
[18] RNNR, Témoignages, 4 avril 2022, 1610 (Debbie Scharf, sous‑ministre adjointe associée, Secteur des systèmes énergétiques, ministère des Ressources naturelles); RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1620 (Jamie Kirkpatrick, gestionnaire de programme, Blue Green Canada); et Chambre de commerce du Canada, Étude pour favoriser une transformation juste et équitable du secteur de l’énergie du Canada, mémoire présenté au RNNR, 5 juillet 2022.
[19] RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1605 (Sandeep Pai, responsable principal de la recherche, Global Just Transition Network, Center for Strategic and International Studies).
[20] Comptables professionnels agréés du Canada, document de référence présenté au RNNR.
[21] RNNR, Témoignages, 25 avril 2022, 1540 (Christopher Keefer, président, Canadians for Nuclear Energy).
[22] Ontario Power Generation, Objet : Mémoire d’Ontario Power Generation présenté au Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes relativement à l’étude Favoriser une transformation juste et équitable du secteur de l’énergie au Canada, mémoire présenté au RNNR, 30 mai 2022.
[23] RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1550 (Francis Bradley, président et directeur général, Électricité Canada).
[24] RNNR, Témoignages, 25 avril 2022, 1550 (Chad Richards, directeur, Programme de nouveaux partenariats sur l’énergie nucléaire et la carboneutralité, Nuclear Innovation Institute); RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1550 (Francis Bradley, président et directeur général, Électricité Canada); et Ressources naturelles Canada, réponse écrite aux questions.
[25] RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1635 (Merran Smith, dirigeante principale de l’innovation, Clean Energy Canada); RNNR, Témoignages, 1er juin 2022, 1720 (Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles); et RNNR, Témoignages, 1er juin 2022, 1810 (Keith Currie, vice‑président, Fédération canadienne de l’agriculture).
[26] RNNR, Témoignages, 30 mai 2022, 1645 (Dale Swampy, président, National Coalition of Chiefs).
[27] Comptables professionnels agréés du Canada, document de référence présenté au RNNR.
[28] RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1710 (Lionel Railton, directeur régional du Canada, International Union of Operating Engineers).
[29] RNNR, Témoignages, 25 avril 2022, 1540 (Christopher Keefer, président, Canadians for Nuclear Energy); et RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1715 (Lionel Railton, directeur régional du Canada, International Union of Operating Engineers).
[30] RNNR, Témoignages, 25 avril 2022, 1545 (Christopher Keefer, président, Canadians for Nuclear Energy); RNNR, Témoignages, 25 avril 2022, 1555 (Chad Richards, directeur, Programme de nouveaux partenariats sur l’énergie nucléaire et la carboneutralité, Nuclear Innovation Institute); Association nucléaire canadienne et Conseil canadien des travailleurs du nucléaire, Mémoire, mémoire présenté au RNNR, 30 mai 2022; et Ontario Power Generation, Objet : Mémoire d’Ontario Power Generation présenté au Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes relativement à l’étude Favoriser une transformation juste et équitable du secteur de l’énergie au Canada, mémoire présenté au RNNR, 30 mai 2022.
[31] Le Comité a reçu les estimations suivantes concernant le nombre de personnes employées dans le secteur pétrolier et gazier du Canada :
522 000 emplois directs et indirects, y compris dans la chaîne d’approvisionnement nationale : RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1605 (Shannon Joseph, vice‑présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones, Association canadienne des producteurs pétroliers);
593 000 emplois directs et indirects : Ressources naturelles Canada, réponse écrite aux questions;
316 000 emplois directs et indirects en Alberta : Association canadienne des producteurs pétroliers, réponse écrite aux questions.
[32] Gouvernement du Canada, Émissions de gaz à effet de serre.
[33] RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1705 (Shannon Joseph, vice‑présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones, Association canadienne des producteurs pétroliers); et RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1720 (Charlene Johnson, directrice générale, Energy NL).
[34] Voir aussi : RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1610 (Shannon Joseph, vice‑présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones, Association canadienne des producteurs pétroliers).
[35] RNNR, Témoignages, 1er juin 2022, 1800 (Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles); et RNNR, Témoignages, 1er juin 2022, 1845 (Jean‑François Samray, président‑directeur général, Conseil de l’industrie forestière du Québec).
[36] RNNR, Témoignages, 27 avril 2022, 1635 (Lionel Railton, directeur régional du Canada, International Union of Operating Engineers); RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1605 (Sandeep Pai, responsable principal de la recherche, Global Just Transition Network, Center for Strategic and International Studies); RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1640 (Larry Rousseau, vice‑président exécutif, Congrès du travail du Canada); et RNNR, Témoignages, 9 mai 2022, 1655 (Merran Smith, dirigeante principale de l’innovation, Clean Energy Canada).
[37] Agence internationale de l’énergie, The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions: Executive Summary [disponible en anglais seulement].
[38] RNNR, Témoignages, 4 avril 2022, 1655 (Chris Bates, directeur général, Direction de l’apprentissage et des initiatives sectorielles, ministère de l’Emploi et du Développement social).
[39] RNNR, Témoignages, 4 avril 2022, 1650 (Debbie Scharf, sous‑ministre adjointe associée, Secteur des systèmes énergétiques, ministère des Ressources naturelles); RNNR, Témoignages, 25 avril 2022, 1535 (Daniel Breton, président‑directeur général, Mobilité électrique Canada); et RNNR, Témoignages, 1er juin 2022, 1855 (Ian London, directeur exécutif, Canadian Critical Minerals and Materials Alliance).
[40] RNNR, Témoignages, 25 avril 2022, 1605 (Daniel Breton, président‑directeur général, Mobilité électrique Canada).
[41] RNNR, Témoignages, 16 mai 2022, 1700 (David Agnew, représentant et président, Collège Seneca, Collèges canadiens pour une relance économique résiliente [C2R2]); et Organisation pour les carrières en environnement du Canada, Mémoire parlementaire sur une transition équitable : Créer une transition juste et équitable vers une économie à faibles émissions de carbone, mémoire présenté au RNNR, 16 mai 2022.
[42] RNNR, Témoignages, 2 mai 2022, 1600 (Éric Pineault, professeur, économiste, Institut des sciences de l’environnement, Université du Québec à Montréal, à titre personnel).
[43] RNNR, Témoignages, 1er juin 2022, 1825 (Branden Leslie, gestionnaire, Politique et relations gouvernementales, Producteurs de grains du Canada).