RNNR Rapport du Comité
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La Disparition du Secteur Énergétique Canadien
Rapport dissident du Parti conservateur du Canada: Plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier
Comité permanent des ressources naturelles
Le Comité des ressources naturelles a entrepris une étude sur les répercussions possibles d’un plafond des émissions pour le secteur pétrolier et gazier. Le rapport final n’a pas défini de modalités, ni fourni de définitions, ni recommandé que le gouvernement fournisse de l’information fondée sur des données probantes avant d’aller de l’avant avec l’imposition d’un plafond des émissions. Malgré une série de témoignages qui vont dans le sens contraire, le rapport final du Comité fait fi du contexte mondial et du risque sérieux de transfert d’émissions de carbone; il ne reconnaît ni le statut du secteur pétrolier et gazier au Canada ni les progrès constants réalisés en tant que chef de file mondial sur le plan des normes en matière d’environnement, de travail, de gouvernance, de participation des Autochtones, de transparence et de droits de la personne; il omet d’examiner pleinement l’incidence de cette mesure sur l’économie ainsi que sur les collectivités rurales, éloignées et autochtones; il ne tient pas compte des compétences fédérales ni de la réglementation déjà adoptée par l’industrie et, enfin, il ne reflète pas dûment les témoignages voulant qu’un plafond des émissions soit bel et bien synonyme de plafond de production.
La mise en valeur en amont des ressources naturelles est un secteur de compétence provinciale. Le Parti conservateur s’oppose à ce que le gouvernement fédéral impose un plafond d'émissions au secteur pétrolier et gazier et est en désaccord avec la majeure partie du contenu du rapport final du Comité ainsi qu’avec bon nombre des conclusions. Voilà pourquoi il produit le présent rapport dissident.
L’importance du contexte mondial
La demande mondiale en pétrole et en gaz est en hausse. Quant aux alliés européens du Canada, leur sécurité énergétique est menacée par l’invasion russe en Ukraine.
Dans son mémoire au Comité, l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) a déclaré : « Nous pensons que l’augmentation des exportations canadiennes de pétrole et de gaz naturel est la solution qui réduira les émissions mondiales et qui renforcera la sécurité énergétique[1]. » Selon Peter Tertzakian, de l’ARC Energy Research Institute : « Négliger l’importance des combustibles fossiles avant de disposer de substituts propres, sûrs, abordables et en quantité suffisante ne constitue que la moitié du problème. L’autre moitié est plus sinistre et rappelle les crises du passé[2]. » M. Tertzakian a souligné que la production et les exportations mondiales de pétrole et de gaz sont dominées par des régimes moins démocratiques et moins responsables du point de vue environnemental[3]. L’ACPP affirme ce que les experts en politique du monde entier savent déjà : le Canada détient des solutions pour réduire les émissions à l’échelle mondiale, pour renforcer la sécurité énergétique au pays et pour fournir de l’énergie à des pays libres et démocratiques partout dans le monde[4].
La demande mondiale en énergie ne cesse de croître à mesure que la population mondiale augmente et que les pays continuent de se développer. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) s’attend à ce que le pétrole et le gaz naturel demeurent des produits essentiels pour répondre à l’offre et à la demande en énergie à l’échelle mondiale. Cependant, le premier ministre a demandé l’élimination progressive de la production pétrolière canadienne, méprise le secteur et a mis en place de nombreuses mesures réglementaires et fiscales qui nuisent au développement énergétique et à la capacité concurrentielle du Canada, même si ce secteur contribue de façon disproportionnée au PIB canadien, à la création d’emplois, aux recettes publiques des trois ordres de gouvernement ainsi qu’aux investissements dans le développement de technologies propres et d’autres sources d’énergie et dans des causes philanthropiques et des initiatives sociales de bienfaisance.
Le Canada possède la troisième réserve de pétrole en importance au monde et, en matière de gaz naturel, il se classe au sixième et au dix-huitième rangs mondiaux pour sa production et ses réserves, respectivement. À ce titre, le Canada se doit d’agir à l’égard de la crise énergétique; par ailleurs, il dispose de la technologie, du savoir-faire technique et réglementaire et des ressources pour le faire. Des témoins de TC Énergie, de l’ACPP, de Shell, d’Athabasca Energy, de l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie et de l’Association des explorateurs et producteurs du Canada ont décrit les progrès considérables et constants réalisés par le secteur relativement à l’augmentation de la production et à la diminution des émissions[5].
L’Athabasca Oil Corporation a fait valoir qu’il était essentiel pour sa société et son industrie d’établir un certain niveau de certitude stratégique grâce à des politiques prévisibles, réalistes et réalisables; ce point a d’ailleurs été soulevé par plusieurs témoins[6].
Les politiques canadiennes doivent tenir compte du contexte mondial et de la capacité concurrentielle du Canada. Le secteur canadien des hydrocarbures peut offrir des solutions en matière de réduction des émissions à l’échelle mondiale, surtout lorsque les sources d’énergies renouvelables et de substitution ne peuvent pas encore répondre pleinement à la demande actuelle et future en énergie. Les messages d’intérêt public hostiles, combinés aux mesures réglementaires et fiscales punitives et arbitraires imposées au Canada, viennent saper les aspirations à la réduction des émissions à l’échelle mondiale en décourageant les investissements et en entravant les activités canadiennes de production et d’exportation d’énergie; on permet ainsi à d’autres producteurs, assujettis à des normes nettement inférieures, de répondre aux besoins énergétiques croissants de la planète.
Si le Canada souhaite répondre à la demande mondiale croissante et se réapproprier l’approvisionnement présentement assuré par des pays producteurs de pétrole non démocratiques et moins responsables sur le plan environnemental, le gouvernement canadien doit travailler en collaboration avec l’industrie et établir une politique prévisible et réalisable. Mark Scholz, président et directeur général de l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie, a déclaré que « l’objectif de zéro émission nette ne doit pas devenir un plafond en ce qui concerne la production de pétrole et de gaz naturel au Canada[7] ».
Au Canada, le secteur pétrolier et gazier génère des emplois stables, de qualité et bien rémunérés. À l’échelle mondiale, le secteur pétrolier et gazier du Canada est un chef de file en matière de développement technologique et de normes de production, et l’engagement de l’industrie envers les techniques de production plus saines et la lutte contre le changement climatique a reçu l’appui de nombreux dirigeants de la filière énergétique. Le Canada est un partenaire fiable et stable sur le marché de l’énergie depuis des décennies. En ce qui concerne l’élaboration d’une politique canadienne sur l’énergie, la priorité devrait être d’accélérer l’exploitation du pétrole et du gaz au pays et d’accroître les exportations canadiennes dans le but de réduire les émissions à l’échelle mondiale.
Les progrès de l’industrie et du gouvernement en matière de réduction des émissions
Le rapport ne reflète pas fidèlement les témoignages entendus par le Comité sur le rôle du secteur énergétique canadien dans la réduction des émissions, considérant que ce dernier produit du pétrole et du gaz en générant moins de carbone que tous les autres grands producteurs du monde.
Il est devenu évident au fil de l’étude que les autres partis cherchaient à attaquer le secteur, au lieu de jeter un regard réaliste sur les efforts déployés par ce dernier, surtout en regard de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Dans certaines sections du rapport, on va même jusqu’à remettre en question les témoignages en réfutant les faits présentés, alors qu’aucun témoin ne les avait contredits. Le président de la National Coalition of Chiefs, M. Dale Swampy, a affirmé que « le Parlement semble traiter le secteur pétrolier et gazier comme s’il était l’ennemi et un problème à régler[8] » – et cette tendance se reflète malheureusement dans le rapport final du Comité. En partant de cette prémisse, on minimise bon nombre des réalisations de l’industrie. Shell Canada et TC Énergie, par exemple, ont expliqué que les investissements considérables réalisés pour réduire l’intensité des émissions produites par leurs opérations leur avaient permis de réduire leurs « émissions de carbone dans les sables bitumineux de 33 % depuis 2000[9] ».
Le Canada est le seul pays producteur d’énergie au monde où six grandes sociétés productrices se sont donné l’objectif d’atteindre la carboneutralité et un plan pour y parvenir. L’industrie énergétique du Canada a investi plus de 3,5 milliards de dollars depuis 2018 dans des technologies de réduction des émissions. Selon l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie, cela fait de cette industrie le plus important investisseur du secteur privé dans le domaine des technologies et de l’innovation visant la réduction des émissions au Canada[10]. Non seulement les efforts déployés ici même au pays sont-ils profitables pour le Canada, mais la production et l’exportation de produits pétroliers et gaziers plus propres, l’exploitation de sources d’énergie de substitution, comme l’hydrogène et l’énergie géothermique, et le perfectionnement des technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) peuvent tous contribuer aux avancées environnementales du Canada, si ce dernier décide de miser sur ces efforts et de les reconnaître au lieu de les diaboliser. Le Canada doit reconnaître et mettre en valeur les succès probants de son industrie énergétique et sa position de chef de file mondial. Tourmaline Oil Corp. a souligné qu’elle a réduit l’intensité de ses émissions globales de 31 % et celle de ses émissions de méthane, en seulement deux ans, de 26 %, en s’efforçant de produire le gaz naturel le plus propre et le moins polluant au monde[11]. Tourmaline a dit craindre sérieusement que l’imposition d’un plafond des émissions au Canada ne mette un frein à l’action, ce qui entraînerait des répercussions négatives encore plus graves, comme le transfert d’émissions de carbone.
Trois professeurs ayant comparu devant le Comité, soit David Keith, Andrew Leach et Jennifer Winter, étaient contre le plafond proposé[12]. Quant à Craig Bryska, il a exhorté le Canada à encourager et à faire progresser l’innovation en la récompensant dans le secteur énergétique canadien, qui est un leader mondial en la matière, au lieu de risquer de perdre son élan vers l’atteinte de ses cibles[13]. L’Association des explorateurs et producteurs du Canada a fait valoir que les programmes de politique climatique devraient être évalués et étayés à l’aide de résultats mesurables au chapitre de la réduction des émissions de carbone[14]. Le secteur énergétique canadien peut se vanter de ses résultats : ses différents partenariats et initiatives de collaboration ont généré des progrès importants sur le plan de la réduction des émissions au Canada. Comme le faisait remarquer Colleen Collins de la Canada West Foundation (CWF), « le Canada et ses provinces sont déjà reconnus comme des leaders en politiques de réduction des émissions » – et le fait de créer encore plus d’incertitude serait néfaste pour le climat d’investissement au Canada[15].
Des normes canadiennes pour prévenir le transfert d’émissions de carbone
Le transfert d’émissions de carbone se définit comme étant le déplacement de la production d’un pays où les normes environnementales et les objectifs de réduction des émissions sont stricts vers un pays très peu réglementé dans ce domaine, ce qui se traduit par une hausse des émissions mondiales. Dans le contexte canadien, certaines politiques, comme la taxe sur le carbone, ainsi que la multiplication des règlements, qui changent sans cesse, créent de l’incertitude et deviennent redondants, poussent certains promoteurs du secteur privé à abandonner des investissements et des initiatives d’envergure, incitent les entreprises à cesser leur production et à investir à l’étranger, et forcent les raffineries canadiennes à dépendre du pétrole importé de l’étranger.
De nombreux témoins et les députés de tous les partis ont reconnu l’importance de prévenir le transfert d’émissions de carbone. Si la recommandation 5 souligne effectivement l’importance de prévenir le transfert d’émissions de carbone, le rapport ne tient pas suffisamment compte de ce risque ni du rôle essentiel du secteur canadien des hydrocarbures dans la prévention de ce phénomène et dans le remplacement du pétrole et du gaz provenant de pays où les normes en matière d’environnement et de droits de la personne sont moins élevées.
Tim McMillan de l’ACPP a insisté sur le fait que, si l’on ne tient pas compte du transfert d’émissions de carbone, « il est possible que tout cela entraîne une augmentation des émissions mondiales, si le charbon commence à être plus utilisé que le gaz naturel, et si le gaz naturel et le pétrole sont produits par des pays qui n’ont pas nos normes élevées ». Il a fait remarquer que, si un plafond des émissions était proposé, cela pourrait freiner les investissements au Canada, un pays ayant adopté des normes sociales et environnementales élevées[16]. Colleen Collins a souligné que l’industrie peut réduire l’intensité des émissions par baril et l’intensité totale tout en augmentant la production, et que cette façon de faire, soit réduire l’intensité découlant de la production de pétrole canadien, peut être mise à profit pour remplacer des sources générant plus d’émissions sur les marchés mondiaux[17].
Le professeur Mark Jaccard prônait l’instauration d’un système qui mesurerait le transfert d’émissions de carbone peu importe le plafond proposé, notamment dans le cadre d’une approche intersectorielle mise en place au Canada[18]. Michael Bernstein était d’avis que l’on pourrait remédier aux transferts d’émissions de carbone en misant sur les ajustements de carbone à la frontière. De toute évidence, les témoins qui ont comparu dans le cadre de cette étude jugeaient prioritaire de prendre des mesures pour s’attaquer aux transferts des émissions.
Un plafond des émissions risquerait fortement de provoquer des transferts d’émissions de carbone. Comme l’a mentionné Robert Tarvydas, « une limite de la production, voire une réduction de la production, entraînerait probablement un transfert des émissions à d’autres compétences où les normes environnementales sont peut-être moins strictes qu’au Canada[19] ». Ce point a été soulevé par d’autres intervenants, comme Tristan Goodman de l’AEPC et le professeur Charles Séguin, qui ont parlé précisément du danger que l’OPEP représente pour le Canada[20]. L’imposition d’un plafond des émissions désavantagerait les producteurs canadiens par comparaison avec ceux d’autres pays, ce qui réduirait par le fait même la compétitivité sur le marché mondial et exercerait des pressions supplémentaires sur l’industrie énergétique canadienne pour qu’elle réussisse à faire concurrence à d’autres producteurs de pétrole et de gaz, comme le Venezuela, la Russie et l’Arabie saoudite. La question du transfert d’émissions de carbone aurait dû être l’un des principaux thèmes abordés dans le rapport final du Comité, mais n’en faisait pas partie.
Le secteur canadien de la production gazière et pétrolière respecte les normes les plus élevées au monde en matière d’environnement et de droits de la personne. Si les pipelines pouvant augmenter la capacité d’exportation du Canada avaient été achevés ou si une seule installation d’exportation de GNL avait été construite au cours de la dernière décennie, le Canada pourrait remplacer le pétrole d’Arabie saoudite et le GNL de Russie et fournir aux pays européens l’énergie qu’ils souhaitent obtenir du Canada, au moment d’écrire ce rapport.
Un plafond des émissions est synonyme d’un plafond de production
Le Comité a entendu de nombreux témoins qui s’opposaient fortement à un plafond de production, comme l’indique le rapport principal (paragr. 25). Malgré cette opposition, le rapport ne reconnaît pas qu’un plafond des émissions aurait le même effet qu’un plafond de production et ne comporte pas de recommandations visant à garantir que tout plafond d’émissions envisagé ne limitera pas la production.
Des experts, des producteurs, des intervenants de l’industrie, comme TC Énergie et l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie, et des dirigeants autochtones ont clairement indiqué qu’un plafond des émissions constituerait un plafond de production au Canada[21]. De nombreux témoins s’accordaient à dire qu’un plafond des émissions ne doit pas devenir, dans les faits, un plafond de production, comme l’a bien expliqué Robert Tarvydas de TC Énergie : « Le gouvernement doit s’assurer que la capacité de l’industrie à adhérer à un plafond d’émissions de pétrole et de gaz est réalisable et viable sur le plan économique. L’incapacité du secteur pétrolier et gazier à se décarboniser de manière rentable pour atteindre les niveaux d’un plafond d’émissions trop restrictif viendrait étouffer la production et aurait des conséquences irréversibles sur la sécurité énergétique, la fiabilité de l’énergie et l’accessibilité à cette dernière. Cela aurait une incidence considérable sur l’économie et la balance commerciale du Canada, tout en ayant un effet négligeable sur les émissions mondiales, puisque la production serait déplacée vers des États où la gouvernance sociale et environnementale peut laisser à désirer[22]. »
Au cours de l’étude, le ministre de l’Environnement a admis que la production relevait de la compétence provinciale en matière d’exploitation des ressources naturelles[23]. Par conséquent, il est évident que le gouvernement fédéral doit faire une distinction entre un plafond des émissions et un plafond de production; or, plusieurs témoins ont prévenu le Comité qu’il est presque assuré que le plan fédéral d’imposition d’un plafond des émissions aurait indirectement le même effet qu’un plafond de production, ce qui n’est pas rapporté avec justesse dans le rapport du Comité.
Les professeurs Charles Séguin et Andrew Leach ont tous deux souligné la possibilité qu’un plafond des émissions entraîne indirectement une diminution de la production[24]. Alors que M. Leach a insisté sur les incertitudes réglementaires et le manque d’investissements, M. Séguin a déclaré qu’il serait de plus en plus difficile et coûteux de respecter le plafond au fil du temps.
Dans la même veine, Simon Langlois-Bertrand, Ph. D., et Chris Severson-Baker s’attendent tous deux à ce que le secteur de l’énergie doive probablement réduire sa production[25]. Tandis que le gouvernement libéral cherche à « réduire les émissions[26] » en passant sous silence la question de la production, ces témoins étaient bel et bien d’avis que le fait de plafonner les émissions « entraînerait, dans l’avenir, une réduction de la production[27] ».
Dale Swampy, de la National Coalitions of Chiefs, a affirmé qu’« un plafond sur les émissions sera en fait un plafond sur la production dans l’industrie pétrolière et gazière » et a souligné les préjudices que le plafond causerait aux communautés autochtones partout au Canada[28].
Le professeur Mark Jaccard, qui, de façon générale, estimait qu’un plafond des émissions pouvait être compatible avec la production de gaz et de pétrole, a aussi laissé entendre que ce plafond pourrait éventuellement restreindre la production[29].
Un plafond des émissions ferait double emploi avec la réglementation provinciale
Malgré l’absence – à ce jour – d’un plafond d’émissions imposé par le gouvernement fédéral, le Canada est déjà reconnu comme un chef de file mondial dans le domaine des politiques de réduction des émissions. Comme l’ont dit certains témoins, « il faut se demander quelle valeur aura une loi supplémentaire qui créera encore plus d’incertitude et diminuera l’attention portée à l’application des politiques existantes[30] ».
Colleen Collins a fait part de préoccupations concernant le chevauchement de certains règlements fédéraux et provinciaux, puisque l’Alberta dispose déjà d’un plafond qui a été fixé à 100 mégatonnes en 2015 pour les sables bitumineux. Elle a expliqué que le plafond « fonctionne parce qu’il laisse place à la croissance avant l’atteinte de la cible. Il soutient la croissance économique et l’innovation pour réduire les émissions; ainsi donc, l’environnement et l’économie sont explicitement reconnus dans la structure même du plafond. C’est une chose de réglementer 35 sites de sables bitumineux exploités par 6 producteurs pour établir un plafond, mais c’en est une autre de réglementer 200 000 sites disséminés dans plusieurs provinces. »Mme Collins a également souligné la possibilité que surviennent d’autres querelles fédérales-provinciales par rapport au plafond, ce qui engendrerait encore plus d’incertitude chez les investisseurs[31].
Le gouvernement libéral a ajouté des couches de formalités administratives et dédoublé celles-ci, et a fait fuir les investissements qui se destinaient au secteur de l’énergie au Canada, ce qui a entraîné la perte de centaines de milliers d’emplois potentiels et l’annulation de projets énergétiques et de partenariats autochtones se chiffrant à des centaines de milliards de dollars. Des témoins qui ont comparu devant le Comité ont indiqué clairement qu’il serait néfaste pour les affaires d’alourdir les formalités administratives, en précisant que « l’incapacité du secteur pétrolier et gazier à se décarboniser de manière rentable pour atteindre les niveaux d’un plafond d’émissions trop restrictif viendrait étouffer la production et aurait des conséquences irréversibles sur la sécurité énergétique, la fiabilité de l’énergie et l’accessibilité à cette dernière » et que « l’incertitude est la raison pour laquelle le Canada n’a qu’une seule installation de gaz naturel liquéfié alors que l’Australie en a 16, les États-Unis, 7 et le reste du monde, 70[32] ».
Certaines provinces, comme l’Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec, se sont déjà dotées de plafonds d’émissions. Si l’on considère les années de conflits juridiques que provoquerait la décision arbitraire du gouvernement libéral de juger insuffisants les plafonds fixés par ces provinces, et qu’on y ajoute le dédoublement des règlements et le changement constant des règles du jeu, on comprend que l’imposition d’un plafond des émissions sera une raison supplémentaire pour les investisseurs étrangers de regarder ailleurs et pour les producteurs canadiens de chercher à quitter le pays.
Un plafond des émissions aurait une incidence négative sur l’économie et sur les collectivités rurales, éloignées et autochtones
Le rapport final du Comité ne cerne pas bien l’incidence majeure d’un plafond des émissions sur le développement économique et, plus particulièrement, sur les collectivités rurales, éloignées et autochtones, là où les économies locales, la création d’emplois et les revenus dépendent de manière disproportionnée de l’exploitation du pétrole, du gaz et d’autres ressources naturelles.
Le professeur Mark Jaccard a souligné que la politique du gouvernement ne doit pas être axée « sur le préjudice causé à une industrie ou à une région particulière[33]. » La professeure Jennifer Winter a expliqué que « le traitement différentiel d’un secteur particulier finit par redistribuer les capitaux et la main-d’œuvre dans l’ensemble de l’économie, ce qui empêche l’utilisation optimale des intrants de production. Cela a pour effet d’élargir artificiellement certains secteurs, d’en réduire d’autres et de diminuer la productivité du Canada[34]. »
Dale Swampy, de la National Coalition of Chiefs, a mentionné que le plafond des émissions portera atteinte aux perspectives économiques des entrepreneurs, des jeunes et des communautés autochtones. Il a aussi fait savoir qu’un plafond des émissions va « arrêter la nouvelle production alors que nous avons mis le pied dans la porte et que nous sommes bien placés pour profiter de cette nouvelle croissance et la diriger », un revers qu’il qualifie d’« extrêmement frustrant[35] ».
Mark Podslay, de la First Nations Major Projects Coalition (FNMPC), a insisté sur le fait que, si l’on prend la mauvaise décision, cela aura une incidence sur les nations qui ont une participation en capital dans le secteur pétrolier et gazier : « Les Premières Nations souhaitent participer financièrement à ces projets d’abord et avant tout parce que cela nous permet d’avoir notre mot à dire quant à la manière dont la construction se fait, à l’endroit où ils sont réalisés et au tracé qui est retenu. C’est aussi pour nous une source de revenus. De nombreuses Premières Nations au pays, surtout en région éloignée et dans les endroits n’ayant pas facilement accès aux secteurs urbains et aux perspectives d’emploi qu’ils offrent, ont besoin d’une source de revenus pour financer la quête de leurs objectifs prioritaires aux fins de l’autodétermination[36]. » Voilà pourquoi la cheffe Sharleen Gale de la FNMPC a insisté sur le fait que les communautés autochtones avaient été laissées de côté et qu’il « faudra toujours dorénavant que nous ayons notre mot à dire dans les décisions qui sont prises, les changements stratégiques et les grands débats[37]. »
En matière de politiques, les grandes priorités du gouvernement fédéral devraient être la promotion de la réconciliation économique au bénéfice des communautés autochtones et le maintien des économies des régions rurales et éloignées au Canada. Le rapport final du Comité ne rend pas compte des graves répercussions qu’aurait un plafond des émissions sur ces plans et ne fait aucune recommandation au gouvernement en vue de pallier les conséquences économiques négatives sur les collectivités rurales, éloignées et autochtones qui possèdent ou exploitent des projets pétroliers et gaziers ou qui en sont actionnaires.
Conclusion
L’imposition d’un plafond des émissions pour le secteur pétrolier et gazier risque de faire plafonner la production; d’entraîner un transfert des émissions de carbone; de mettre en péril les contributions géopolitiques et socio-économiques que le Canada apporte à la communauté internationale grâce à ses normes exemplaires en matière d’environnement, de travail, de gouvernance, de participation des Autochtones, de transparence et de droits de la personne; d’empiéter sur les compétences provinciales, même dans le cas des provinces qui ont déjà imposé leur propre plafond d’émissions; et de saper la compétitivité du Canada et sa capacité à attirer de gros investissements du secteur privé. Enfin, cette mesure risque de porter un autre coup dur au secteur pétrolier et gazier du Canada, qui verse des milliards de dollars chaque année en impôts aux gouvernements ainsi que des centaines de millions de dollars à des organismes de bienfaisance locaux et à des causes sociales, et qui soutient les économies des collectivités rurales, éloignées et autochtones.
Pour toutes ces raisons, le Parti conservateur s’oppose à un plafond des émissions et rejette les conclusions du rapport.
[1] RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Tim McMillan, président et directeur général, Association canadienne des producteurs pétroliers).
[2] Association canadienne des producteurs pétroliers, Objet : Étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier (mémoire soumis au RNNR le 24 mars 2022).
[3] Ibid.
[4] Association canadienne des producteurs pétroliers, Objet : Étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier (mémoire soumis au RNNR le 24 mars 2022).
[5] RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Robert Tarvydas, vice-président de la stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie), RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Tim McMillan, président et directeur général, Association canadienne des producteurs pétroliers), RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Susannah Pierce, présidente pour le Canada et directrice générale, Shell Canada Limitée), et RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Mark Scholz, président et directeur général de l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie).
[6] RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Dan Wicklum, coprésident, Groupe consultatif pour la carboneutralité), et RNNR, Témoignages, 14 février 2022 (Dale Beugin, vice-président, Recherche et analyse, Institut canadien pour des choix climatiques).
[7] RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Mark Scholz, président et directeur général de l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie).
[8] RNNR, Témoignages, 28 mars 2022 (Dale Swampy, président, National Coalition of Chiefs).
[9] RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Susannah Pierce, présidente pour le Canada et directrice générale, Shell Canada Limitée), et RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Christopher Vivone, directeur des relations avec le gouvernement fédéral, et Robert Tarvydas, vice-président, Stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie).
[10] RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Mark Scholz, président et directeur général de l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie).
[11] Tourmaline Oil Corp., Présentation sur le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre émanant du secteur pétrolier et gazier : Recommandation visant à maintenir les outils politiques existants pour inciter à la réduction des émissions de méthane (mémoire soumis au RNNR le 23 mars 2022).
[12] RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (David Keith, professeur de politique publique à la Harvard Kennedy School; Andrew Leach, professeur adjoint à l’Université d’Alberta; et Jennifer Winter, professeure agrégée à l’Université de Calgary).
[13] Association canadienne des producteurs pétroliers, Objet : Étude sur le plafond des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier (mémoire soumis au RNNR le 24 mars 2022).
[14] RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Tristan Goodman, président-directeur général de l’Association des explorateurs et producteurs du Canada).
[15] RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation).
[16] RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Tim McMillan, président et directeur général, Association canadienne des producteurs pétroliers).
[17] RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation).
[18] RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Mark Jaccard, professeur à l’Université Simon-Fraser).
[19] RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Robert Tarvydas, vice-président de la stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie).
[20] RNNR, Témoignages, 21 mars 2022 (Charles Séguin, professeur agrégé, Université du Québec à Montréal), et RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Tristan Goodman, président-directeur général, Association des explorateurs et producteurs du Canada).
[21] RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Robert Tarvydas, vice-président de la stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie), RNNR, Témoignages, 9 février 2022 (Mark Scholz, président et directeur général de l’Association canadienne des contracteurs de l’énergie), et RNNR, Témoignages, 28 mars 2022 (Dale Swampy, président, National Coalition of Chiefs).
[22] RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Robert Tarvydas, vice-président de la stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie).
[23] RNNR, Témoignages, 6 avril 2022 (L’hon. Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique).
[24] RNNR, Témoignages, 21 mars 2022 (Charles Séguin, professeur agrégé, Université du Québec à Montréal), et RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Andrew Leach, professeur adjoint, Université d’Alberta).
[25] RNNR, Témoignages, 14 février 2022 (Chris Severson-Baker, directeur régional, Alberta, Pembina Institute), et RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Simon Langlois-Bertrand, associé de recherche, Institut de l’énergie Trottier).
[26] Parti libéral du Canada, « Plafonner et couper les émissions du secteur pétrolier et gazier », Notre plateforme : Avançons ensemble.
[27] RNNR, Témoignages, 14 février 2022 (Chris Severson-Baker, directeur régional, Alberta, du Pembina Institute).
[28] RNNR, Témoignages, 28 mars 2022 (Dale Swampy, président, National Coalition of Chiefs).
[29] RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Mark Jaccard, professeur à l’Université Simon-Fraser).
[30] RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation).
[31] RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation).
[32] RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Robert Tarvydas, vice-président de la stratégie réglementaire, Corporation TC Énergie), et RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Colleen Collins, vice-présidente, Canada West Foundation).
[33] RNNR, Témoignages, 7 février 2022 (Mark Jaccard, professeur à l’Université Simon-Fraser).
[34] RNNR, Témoignages, 28 février 2022 (Jennifer Winter, professeure agrégée, Université de Calgary).
[35] RNNR, Témoignages, 28 mars 2022 (Dale Swampy, président, National Coalition of Chiefs).
[36] RNNR, Témoignages, 16 février 2022 (Mark Podlasly, directeur des politiques et initiatives économiques, First Nations Major Projects Coalition).
[37] RNNR, Témoignages, 16 février 2022 (cheffe Sharleen Gale, présidente du conseil d’administration, First Nations Major Projects Coalition).