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Monsieur le Président, je propose que le deuxième rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, présenté le mardi 10 mai, soit adopté.
C'est toujours un honneur de prendre la parole à la Chambre des communes du Canada au nom de mes concitoyens, mais aussi en tant que Canadien libre exprimant ses propres convictions. Les débats à la Chambre reflètent la liberté dont nous jouissons et montrent la chance que nous avons de vivre dans un pays démocratique et autonome.
Aujourd'hui, je pense aux propos du premier ministre Diefenbaker, qui a dit ceci:
Je suis Canadien, un Canadien libre, libre de m'exprimer sans crainte, libre de servir Dieu comme je l'entends, libre d'appuyer les idées qui me semblent justes, libre de m'opposer à ce qui me semble injuste, libre de choisir les dirigeants de mon pays. Ce patrimoine de liberté, je m'engage à le sauvegarder pour moi-même et pour toute l'humanité.
Bon nombre de Canadiens se sont battus et ont donné leur vie pour ces libertés, mais beaucoup d'entre nous n'avons jamais eu à risquer notre vie pour défendre les libertés dont nous bénéficions. Nous sommes donc profondément reconnaissants envers ceux qui l'ont fait.
J’estime que, en tant qu’héritiers des traditions canadiennes que sont la liberté, la démocratie, les droits de la personne, la primauté du droit et le droit à l’autodétermination, nous avons la responsabilité de promouvoir l'élargissement de ces traditions à l’ensemble de la planète, afin de répondre aux aspirations universelles de tous les peuples de vivre librement, de choisir leurs propres dirigeants et de faire reconnaître leur dignité intrinsèque. Les traditions canadiennes protègent la liberté, mais elles reflètent avant tout les aspirations universelles des hommes. Comment pouvons-nous, nous qui sommes si privilégiés, refuser de faire en sorte que les mêmes privilèges profitent à nos frères et sœurs qui vivent dans la souffrance ailleurs sur la planète?
C’est dans cet esprit que j’ai présenté cette motion, une première fois au comité et maintenant à la Chambre des communes, dans l’espoir de faire avancer la cause de la liberté et de la justice pour le peuple tibétain. J’ai présenté la même motion au cours de la dernière législature. Dans les deux cas, elle a été adoptée et renvoyée à la Chambre. À l'occasion du débat sur l’adoption de cette motion qui permettra à la Chambre de se prononcer officiellement, nous avons enfin l’occasion d’affirmer notre position sur le statut du Tibet et sur son avenir. La motion se lit comme suit:
Que ce comité appelle au dialogue entre les représentants du peuple tibétain (Sa Sainteté le dalaï-lama ou ses représentants, et l'administration centrale tibétaine) et le gouvernement de la République populaire de Chine en vue de permettre au Tibet l'exercice d'une autonomie véritable dans le cadre de la constitution chinoise.
Cette motion simple met en évidence des faits simples. Les Tibétains sont un peuple. Ils partagent une culture, une histoire et une langue. Ils ont des traditions et des institutions communes. Même si, à l'heure actuelle, les Tibétains n'ont pas un pays libre ni autonome, ils constituent une nation. À ce titre, ils ont le droit naturel à l'autodétermination, un droit codifié sur la scène internationale. Les habitants de tout le Tibet, et pas seulement ceux du territoire restreint de la Région autonome du Tibet, ont le droit de choisir leurs propres dirigeants et de façonner leur propre avenir de manière autonome.
Toutefois, les leaders du Tibet ne revendiquent pas ce droit à l'autodétermination pour se libérer complètement de la Chine. Ils visent plutôt une approche conciliante: la véritable autonomie du Tibet dans le cadre de la constitution chinoise, qui ressemble à une forme de fédéralisme que l'on retrouve ailleurs dans le monde.
Les Tibétains ne réclament pas l’indépendance. Ils recherchent simplement la paix et le compromis au moyen d’une approche conciliante. L’enjeu est clair puisqu’il s’agit de reconnaître et d'appuyer les principes moraux et le droit international, afin d’accorder aux Tibétains l’autonomie réelle qu’ils demandent et qui est l’expression du droit à l’autodétermination d’un peuple. Comment pouvons-nous reconnaître à juste titre de telles aspirations dans d’autres cas, mais pas dans celui du peuple tibétain?
Cette motion demande à la Chambre des communes du Canada de se joindre clairement aux appels en faveur d’un dialogue, afin que le peuple tibétain puisse être autorisé à exercer son droit à l’autonomie. La motion demande à la Chambre des communes du Canada de faire ce qui s'impose et de se joindre aux pressions internationales favorables à la reconnaissance et à l’adoption d’une approche conciliante.
Pour les Occidentaux, le mot « Tibet » revêt de nombreuses acceptions et connotations, et il évoque aussi bien le militantisme que la littérature et la spiritualité. Il convient cependant de rappeler que, mis à part ces connotations fréquentes, le Tibet fut jadis un pays comme un autre. Comme n’importe quel autre pays, il avait son gouvernement, sa religion, son commerce, sa diplomatie, ses arts et sa culture, et ses citoyens vaquaient à leurs occupations. Il avait ses problèmes, mais il avait aussi des opportunités extraordinaires.
À l’instar de l’Ukraine, le Tibet avait la particularité d’avoir un voisin qui ne reconnaissait pas son droit d’exister, même si, avant 1950, le pays que constituait le Tibet a mené d’intenses négociations avec ses voisins pour obtenir sa reconnaissance officielle. Malheureusement, après la guerre civile qui a sévi en Chine, le Parti communiste chinois a envahi sauvagement le Tibet et lui a imposé un soi-disant accord en 17 points, qui n’a d’ailleurs jamais été respecté. La conquête par la violence et l’occupation ne devrait jamais être reconnue comme une façon légitime de revendiquer un territoire, pas plus au Tibet qu’en Ukraine ou à Taïwan.
Après l'invasion, le dalaï-lama, le leader spirituel et politique du Tibet, a été contraint de s'exiler en Inde, d'où il dirige une campagne internationale de résistance depuis plus de 60 ans. Sa Sainteté le dalaï-lama est, bien sûr, la figure de proue de la lutte de la résistance tibétaine. Il ne fait aucun doute qu'il est un être humain remarquable. Quand j'ai été élu pour la première fois, j'ai eu l'honneur d'avoir une audience avec lui à Dharamsala, en Inde, où il a établi son siège et celui de l'Administration centrale tibétaine. Cette simple conversation a profondément influencé ma façon de voir les droits de la personne et le rôle du Canada dans la promotion de ces droits.
L’une des choses les plus incroyables est de rencontrer une personne dont on sait qu’elle a connu de profondes souffrances et injustices, mais qui, lorsqu’on l’observe, n’en est pas moins dotée d’une joie de vivre électrique et tire manifestement sa joie et son bonheur non pas des particularités de sa situation, mais d’une réalité extérieure. C’est l’impression que j’ai eue du dalaï-lama, une personne qui a été contrainte de passer la majeure partie de sa vie en exil et qui a un statut important. Il est peut-être la personne la plus reconnaissable de la planète et il est joyeux, informel, amical et extrêmement drôle. Loin d’exprimer de l’amertume ou de la colère envers la nation qui l’a contraint à l’exil, il a exprimé sa bonne volonté à l’égard de la Chine et son désir de la voir poursuivre son ambition de grandeur tout en s’engageant pacifiquement dans un dialogue et un partenariat avec d’autres nations. Le dalaï-lama met en pratique un principe simple: aimons nos ennemis et prions pour ceux qui nous persécutent.
En tant que chrétien, j’ai trouvé très inspirant de voir cet enseignement de Jésus si bien incarné par quelqu’un qui vient manifestement d’une tradition spirituelle différente, mais qui pratique néanmoins la sagesse commune aux deux. La qualité d’aimer ses ennemis n’est pas seulement une marque de sagesse spirituelle. Elle a une fonction pratique importante en géopolitique. Il est clair qu’un ennemi qui s’acharne à causer de la souffrance doit être arrêté et vaincu, et l’appel à aimer ses ennemis n’a jamais été interprété comme une invitation à accepter et à autoriser la violence. Cependant, la défaite totale d’un ennemi est rarement possible. Le Tibet continuera d’avoir la Chine pour voisine, quelles que soient les formes de gouvernance politique des deux pays. À long terme, ils doivent donc trouver un moyen de vivre ensemble.
Comme l'a dit Desmond Tutu: « Il n’y a pas d’avenir sans pardon. » À ce titre, une réconciliation éventuelle, facilitée par l’amour, la bonne volonté et le pardon mutuels, est la seule voie vers une paix stable et permanente. L’amour et la bonne volonté à l’égard d’un ennemi peuvent être le point de départ pour tenter de persuader cet ennemi de changer ses habitudes, et ils constituent la base du pardon et de la réconciliation après la fin d’un conflit.
Je crois que ce que le dalaï-lama entend par dialogue, c'est un échange riche et profond en vue d'une compréhension mutuelle — et non une simple négociation formelle —, et ce désir d'un dialogue constructif découle d'un amour et d'une bonne volonté réels. Toutes les nations confrontées à un conflit feraient bien de prendre conscience de cette simple vérité qu'elles resteront voisines jusqu'à la fin des temps et que la reconnaissance mutuelle et l'autodétermination, ainsi qu'une certaine dose d'amour et de bonne volonté, sont les seules solutions viables pour éviter les tensions et les conflits.
Les écritures juives et chrétiennes disent ce qui suit sur la façon de traiter son ennemi:
Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger; s'il a soif, donne-lui de l'eau à boire. Car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête [...]
Ce passage m'a toujours dérouté. Le fait d'aimer son ennemi est-il une sorte de prise de jiu-jitsu visant à faire souffrir l'ennemi, ou est-il fondé sur de véritables bonnes intentions? Bien entendu, cette démarche doit être fondée sur de bonnes intentions et un véritable désir de réconciliation, mais il est également vrai que ces manifestations de bonne volonté de la part de personnalités comme le dalaï-lama sont profondément déroutantes et déconcertantes pour une puissance agressive. Elles rendent la propagande de la puissance agressive absurde et laissent cette puissance dans l'incapacité générale de savoir quoi dire ou faire de manière crédible.
Malgré son désir évident de paix, de dialogue et de réconciliation, le dalaï-lama est dépeint de la manière la plus absurde et la plus farfelue qui soit par le Parti communiste chinois, le PCC. Celui-ci est tellement habitué à penser en termes d’avantage et de violence en ce moment que ces simples appels au dialogue conduisent à des affirmations théâtrales et manifestement absurdes sur les prétendues intentions réelles du dalaï-lama. C’est peut-être l’effet d’avoir les métaphoriques charbons ardents amassés sur la tête.
La réponse du PCC au dalaï-lama et à son message serait comique et absurde si elle n’était pas aussi incroyablement sérieuse. Bien qu’étant un pouvoir officiellement athée, le PCC prétend pouvoir prendre des décisions contraignantes sur la réincarnation des lamas bouddhistes afin de contrôler leur succession. Il s’agit d’une manœuvre politique évidente visant à préparer le terrain pour installer un faux dalaï-lama docile à l’avenir, mais comment le PCC peut-il logiquement à la fois rejeter la notion de réincarnation et prétendre faire autorité en la matière? Ces tentatives de contrôle de la succession éventuelle du dalaï-lama font partie d’une attaque plus large contre la liberté religieuse, ainsi que d’autres libertés fondamentales, au Tibet et au sein de la diaspora tibétaine.
Dans le même ordre d'idées, je cite le rapport de 2021 du département d'État des États‑Unis sur les droits de la personne au Tibet, qui fait état de quelques-unes des pires violations imaginables des droits de la personne. Le rapport dit:
Parmi les problèmes importants relatifs aux droits de la personne, il y avait des rapports crédibles: d'assassinats extrajudiciaires ou commis pour des motifs arbitraires, y compris des exécutions extrajudiciaires commises par le gouvernement; de torture et de traitement ou châtiment cruel, inhumain et dégradant perpétrés par le gouvernement; d'arrestations ou de détentions arbitraires; de prisonniers politiques; de représailles contre des personnes situées hors du pays pour des motifs politiques; de graves entorses à l'indépendance de la magistrature; d'ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée; de restrictions sévères de la libre expression et des médias, y compris de censure; de restrictions sévères de la liberté sur Internet, notamment d'accès bloqué à certains sites; d'ingérence considérable à l'égard de la liberté de réunion pacifique et de la liberté d'association; de restrictions sévères de la liberté de religion, en dépit de l'invalidation des mesures de protection constitutionnelles symboliques au moyen de règlements restreignant la liberté de religion et plaçant effectivement le bouddhisme tibétain sous la direction du gouvernement central; de restrictions sévères de la liberté de circulation; de l'incapacité des citoyens de changer leur gouvernement pacifiquement au moyen d'élections libres et justes; de restrictions de la participation à la vie politique; d'actes graves de corruption au sein du gouvernement; d'avortements et de stérilisations forcés; et de violence ou menaces de violence ciblant les [peuples] indigènes.
Les procédures disciplinaires visant les responsables manquaient de transparence, et mis à part de vagues allégations de corruption ou de violations de la « discipline de parti », aucune information publiquement disponible ne confirme que les hauts responsables ont châtié des membres du personnel de sécurité ou d'autres autorités pour un comportement constituant un abus de pouvoir ou d'autorité au sens défini dans les lois et règlements de la République populaire de Chine.
À propos de ces abus, j’aimerais rappeler la disparition du 11e panchen-lama, le deuxième personnage le plus important du bouddhisme tibétain, qui manque toujours à l'appel. Ni lui ni ses parents n’ont été vus ou n’ont eu le moindre contact avec qui que ce soit depuis 1995, alors que le panchen-lama avait six ans.
J’aimerais aussi rappeler le cas de Tenzin Nyima qui a été battu à mort après des mois de détention. Un autre Tibétain, Kunchok Jinpa, est mort à l’hôpital juste après sa sortie de prison. Je pourrais citer bien des exemples de droits fondamentaux de la personne qui ont été bafoués, d’individus qui ont été battus à mort ou qui ont été emprisonnés de façon arbitraire.
En fait, il serait plus simple et surtout plus rapide d’énumérer les violations des droits de la personne qui n’ont pas été commises au Tibet, car il semble que les groupes de défenses des droits de la personne y ont recensé pratiquement toutes les violations imaginables. Malgré tout, le message d’espoir relayé par le dalaï-lama et par d’autres personnes continue de galvaniser le mouvement en faveur du changement et du dialogue, et la résistance tibétaine se poursuit.
L'action de la résistance tibétaine s'appuie sur le message et la sagesse de Sa Sainteté le dalaï-lama. À la suggestion de ce dernier, la diaspora tibétaine s’est dotée d’institutions démocratiques solides sur lesquelles repose l’Administration centrale tibétaine, c’est-à-dire le gouvernement tibétain en exil.
Cette administration dispose d’un parlement composé de représentants élus, membres de la diaspora tibétaine. Quand le Parlement ne siège pas, il est représenté par un comité permanent résiduel. La communauté tibétaine internationale élit également directement un sikyong, c’est-à-dire un président qui dirige l’Administration centrale tibétaine avec différents ministres. À bien des égards, celle-ci fonctionne comme notre gouvernement et comme beaucoup d’autres gouvernements démocratiques.
L’Administration centrale tibétaine fournit des services aux communautés de la diaspora, afin d’encourager leur épanouissement ainsi que la propagation de la langue et de la culture tibétaines. Elle défend également les intérêts du Tibet et sera sans doute la mieux placée pour engager le dialogue avec la Chine au nom du peuple tibétain. De par l’existence de cette administration, le peuple tibétain démontre qu’il est capable d’avoir ses propres institutions démocratiques, ainsi qu’une langue et une culture bien à lui.
L’existence de cette administration et des autres institutions montre également que les Tibétains sont prêts à assumer leur autonomie gouvernementale. Personne ne peut le dire le contraire, parce que c’est ce qu’ils sont déjà en train de faire.
Non seulement les Tibétains sont capables de gouverner leur propre pays, mais ils se sont aussi dotés de nouvelles institutions démocratiques parfaitement fonctionnelles pour la diaspora tibétaine. Les Tibétains du monde entier ont le plus grand respect pour leurs institutions démocratiques. Les élections tibétaines sont prises très au sérieux, et elles enregistrent des taux de participation élevés.
En particulier, au Canada, une personne peut affirmer fièrement être Canadienne et Tibétaine. Cependant, de nombreux Tibétains de la diaspora ne sont pas citoyens d’autres pays. Officiellement, ils sont apatrides, mais ils ont, de manière substantielle, une identité, l’identité tibétaine. Ils participent à la vie démocratique des exilés tibétains, car le Tibet est leur terre natale et leur identité est tibétaine. En participant, ils favorisent la vie démocratique du Tibet.
Je salue tous les Tibétains, jeunes et moins jeunes, qui participent à la démocratie tibétaine. Leur participation leur permet de maîtriser des aspects clés de leur vie, en plus de construire l’infrastructure qui leur permettra, un jour, de retourner dans leur pays.
De nombreuses personnes croient que la résistance est une forme d’acte destructeur. Les participants aux mouvements de résistance modernes qui pensent en termes de destruction sont trop nombreux. Ils pensent à détruire les œuvres d’art, les lieux de culte et la mémoire historique. De toute évidence, dans les cas extrêmes de guerre, il y aura des dommages collatéraux. Quoi qu'il en soit, si le mouvement de résistance cherche à détruire ce qui est bon, vrai ou beau, ce mouvement a emprunté, de toute évidence, la mauvaise voie et la voie dangereuse.
Un mouvement de résistance qui veut instaurer un monde meilleur devrait chercher à créer le bon, le vrai et le beau. Il ne devrait pas chercher à détruire pour faire valoir ses arguments. La résistance tibétaine se veut un modèle différent, c’est-à-dire un exemple de résistance constructive qui permet la création de choses belles pour elles-mêmes et qui reconnaît également que cette création renforce l’identité des Tibétains en tant que peuple et leur capacité à retourner chez eux.
Le dalaï-lama défend une doctrine spirituelle caractérisée par la quête de l’amour, de la compréhension et de la réconciliation. Les Tibétains se sont dotés d’institutions démocratiques solides pour bien montrer qu’ils sont prêts à assumer la gouvernance de leur propre territoire. La culture tibétaine reste très vivante et continue d’être appréciée dans le monde entier.
Le dalaï-lama, l’Administration centrale tibétaine et le peuple tibétain ont, tous ensemble, proposé un processus clair et raisonnable pour rétablir la justice: l’instauration d’un dialogue entre la Chine et le Tibet, dans le but de reconnaître le droit inhérent du peuple tibétain à l’autodétermination, tout en maintenant le Tibet dans le cadre général de la constitution chinoise.
Ce modèle de résistance créative et constructive est un exemple pour d’autres peuples qui, de par le monde, sont victimes d’injustice ou veulent faire triompher une cause importante. Même si je ne pense pas, personnellement, que la résistance non violente soit la seule solution dans tous les cas, j’estime que même la résistance violente devrait pour le moins viser à réduire au minimum les dégâts, à définir des terrains d’entente, et à élaborer d'autres cadres et institutions afin d'assurer la viabilité de la paix et de la justice sur le plan pratique.
Les peuples qui sont victimes d’oppression devraient chercher à se doter d’institutions démocratiques unifiées en exil, et proposer des façons constructives et réalistes de faire avancer leur cause. C’est ce modèle de résistance effective qui permet d’expliquer que, plus de 60 ans après l’invasion et l’occupation du Tibet et malgré tous les efforts du Parti communiste chinois pour faire disparaître l’identité tibétaine, la cause du Tibet est encore reconnue, célébrée et défendue partout dans le monde.
En conséquence, en tant qu’amis et alliés du Tibet, nous ne devons pas relâcher nos efforts en attendant l’adoption d’une approche conciliante. Nous ne devons pas relâcher nos efforts en attendant la reprise du dialogue entre la Chine et le Tibet, dialogue qui doit aboutir à la reconnaissance d’une véritable autonomie pour le Tibet et au respect de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne, de la primauté du droit et de l’autodétermination pour le peuple tibétain. Nous ne devons pas relâcher nos efforts parce que nous aimons le Tibet et parce que nous reconnaissons que tous les peuples ont le droit de vivre dans la liberté, de choisir leurs dirigeants et de pratiquer leur religion et leurs traditions sans ingérence de l’État.
Je dirai, pour paraphraser Diefenbaker, que nous attendons le jour où les Tibétains seront libres au Tibet: libres de s'exprimer sans crainte, libres de pratiquer leur religion comme ils l’entendent, libres de défendre ce qu'ils estiment être juste, libres de s'opposer à ce qu'ils estiment être injuste, et libres de choisir leurs dirigeants. Toutes ces libertés, je m’engage à les défendre pour moi-même et pour toute l’humanité.
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Madame la Présidente, avec le consentement unanime, j’aimerais partager mon temps de parole avec le député de .
Je tiens en outre à rappeler la nouvelle du décès de notre collègue et ami, Jim Carr, député de longue date de Winnipeg-Centre-Sud. Lorsque je regarde en direction du député de , je vois les fleurs déposées sur la banquette de Jim et je me rappelle avec émotion sa compassion, son intelligence et sa capacité à tendre la main aux députés d’en face pour que nous travaillions ensemble de façon productive et constructive. C’est ce que j’essaie toujours de faire.
Je n’arrive pas toujours à me montrer à la hauteur de cet idéal, mais j'espère que, ce matin, nous saurons nous montrer unanimement solidaires du peuple tibétain et de ses aspirations. J'espère que cette solidarité se manifestera non seulement aujourd’hui, mais tous les jours.
Je suis très heureux d’avoir l’occasion de prendre la parole à la Chambre au sujet de la situation des droits de la personne au Tibet et de l’appui exprimé par le gouvernement du Canada à l’égard de la recommandation du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international visant la reprise du dialogue sino-tibétain qui a été interrompu en 2010 par la Chine.
Le gouvernement du Canada demeure très préoccupé par les violations des droits de la personne dont souffrent les Tibétains, notamment les restrictions sévères de la liberté d’expression et de la liberté de religion ou de croyance ainsi que la répression systématique et généralisée des droits linguistiques et culturels.
Depuis plusieurs décennies, et en particulier au cours des dix dernières années, qui n'ont pas fait exception, les tensions entre le gouvernement chinois et les Tibétains ont été vives. Le gouvernement de la Chine ne cesse d’intensifier ses mesures de répression contre les Tibétains, notamment par une surveillance accrue et une éducation patriotique forcée suscitant des actes de protestation de la part des Tibétains, qui s'exposent alors au risque d'être emprisonnés ou de subir des conséquences encore pires. Sous les regards horrifiés du monde, plus de 150 moines tibétains se sont immolés au cours de cette période.
Le Canada ne cesse d’exhorter le gouvernement de la Chine à respecter les droits des Tibétains, à libérer les prisonniers d’opinion et à prendre des mesures pour améliorer le respect des droits de la personne au Tibet. Le gouvernement du Canada a toujours préconisé le dialogue pour résoudre ces problèmes.
Nous maintenons notre engagement auprès des membres de la diaspora tibétaine, notamment des Canadiens d’origine tibétaine et des organisations qui étudient et soutiennent la communauté tibétaine à l’étranger. Les échanges avec cette communauté sont essentiels pour le gouvernement du Canada. Ils orientent notre approche en matière de défense des droits et des libertés au Tibet.
Le Canada reconnaît l’importance du dalaï-lama en tant que chef spirituel. J’ai eu la chance de le rencontrer il y a une quarantaine d’années et je suis toujours inspiré par son intelligence, son esprit et sa sagesse. En 2006, le Canada a accordé la citoyenneté canadienne honoraire au chef spirituel tibétain, Sa Sainteté le 14e dalaï-lama.
Tout en étant au courant des différends qui perdurent entre le gouvernement chinois et l’Administration centrale tibétaine, c’est-à-dire le gouvernement en exil, et Sa Sainteté, le gouvernement du Canada a toujours appuyé et préconisé un dialogue sérieux et constructif entre le gouvernement chinois et le dalaï-lama ou ses représentants. Les représentants du peuple tibétain ont choisi de trouver des solutions qui soient acceptables pour toutes les parties.
L’approche du Canada à l’égard des relations sino-tibétaines repose, bien entendu, sur notre politique d’une Chine unique. Le Canada reconnaît que la République populaire de Chine est le seul gouvernement légitime de la Chine, y compris de la Région autonome tibétaine. Cependant, le Canada reconnaît aussi l’identité culturelle distincte du Tibet, non pas comme un État politique indépendant de la Chine, mais comme une identité indépendante distincte.
Même si le Canada ne reconnaît pas l’Administration centrale tibétaine comme entité politique gouvernementale, il maintient des engagements informels avec elle. En mai dernier, par exemple, le Canada a accueilli le sikyong, Penpa Tsering, et sa délégation.
Le Canada soutient les Tibétains de longue date, sans égard au parti au pouvoir. Dans les années 1970, le gouvernement a commencé à réinstaller au pays les premiers réfugiés tibétains. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement du Canada a mis en place des mesures spéciales pour faciliter le parrainage privé et l’immigration de près d’un millier de Tibétains déplacés en Inde. Des Tibétains ont été jumelés à des répondants par l’entremise de la Société Projet Tibet, ce qui a permis la réinstallation d’un millier de réfugiés en 2017. Ils contribuent à notre société. Nous les accueillons et nous les encourageons à participer pleinement.
Les graves violations des droits de la personne au Tibet sont largement sous-déclarées. L’accès au Tibet demeure strictement contrôlé par le gouvernement chinois. Dans les rares occasions où les visites officielles sont permises, elles suivent un scénario très rigoureux.
Nous étions tout à fait au courant de la situation quand notre ancien ambassadeur en Chine, Dominic Barton, a été autorisé à se rendre au Tibet en octobre 2020. Il a pu visiter la capitale tibétaine, Lhassa, ainsi que la préfecture de Shannan. Même si cette visite était réglée au quart de tour, cela faisait déjà cinq ans que nous demandions qu’un ambassadeur soit autorisé à venir discuter avec les Tibétains de leurs aspirations. Il a présenté à notre comité un rapport très complet sur ce qu’il a vu et ce qu’il croit que le gouvernement du Canada devrait faire.
Tout investissement d’importance dans les infrastructures tibétaines s’accompagne d’une surveillance gouvernementale rigoureuse et d’efforts visant à restreindre la circulation des personnes, les pratiques religieuses et les autres libertés des Tibétains. Même si les statistiques économiques officielles font état d’une croissance, la réalité, c’est que de nombreux Tibétains ont été persécutés et vivent toujours en exil.
Les diplomates canadiens continuent de dénoncer le traitement des Tibétains, aussi bien en public qu’en privé, lors de rencontres avec leurs homologues chinois, et de demander au gouvernement chinois de respecter les droits de la personne des Tibétains.
En juin 2021, le Canada s’est joint à une déclaration commune du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, à Genève, pour dénoncer, dans les termes les plus fermes, la situation des droits de la personne au Xinjiang. Cette déclaration était signée par 43 autres pays et faisait mention de la situation au Tibet.
En mars 2021, à la 46e session du Conseil des droits de l’homme, à Genève, le Canada a exprimé ses préoccupations à la suite de rapports extrêmement troublants sur la mort de Tibétains en détention. Toujours au sein de ce conseil, en novembre 2018, à l’occasion de l’examen périodique universel concernant la Chine, le Canada a demandé à la Chine de mettre fin aux poursuites et aux persécutions pour des motifs de religion ou de croyance, y compris pour les musulmans, les chrétiens, les bouddhistes tibétains et les adeptes du Falun Gong. Nous avons l’intention de continuer de contester le bilan du gouvernement chinois en matière de droits de la personne lors de sa prochaine comparution, en 2023, à l’occasion de son quatrième examen périodique universel.
Les diplomates canadiens ont demandé directement aux autorités chinoises de permettre à des agences onusiennes, des universitaires, des chercheurs et des correspondants étrangers, ainsi qu’à des diplomates canadiens autres que la nouvelle ambassadrice du Canada en Chine, d’avoir librement accès à la Région autonome du Tibet. Nous avons également abordé des cas précis de Tibétains détenus en Chine par les autorités chinoises.
La situation des Tibétains en Chine reste grave, et personne ici ne doit l’oublier, y compris le gouvernement du Canada. Notre pays va continuer de réclamer l’accès des Tibétains à la région autonome du Tibet et de plaider pour le respect de leurs droits et de leurs libertés chez eux et partout dans le monde.
Le Canada est très préoccupé par les événements récents qui se sont produits au Tibet et qui montrent combien il est urgent d’instaurer un dialogue pour que la Chine et les représentants tibétains parviennent rapidement à un accord pacifique et durable.
C’est pour cette raison que le gouvernement du Canada soutient l’appel lancé pour la reprise du dialogue sino-tibétain et qu’il appuie sans réserve le rapport présenté par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Le dialogue sino-tibétain s’est interrompu en 2010, à la demande de la Chine. Des rapports indiquent que, en 2010, la Chine avait dénoncé le non-respect, par le dalaï-lama, des conditions préalables aux discussions, autrement dit les tentatives de la partie tibétaine d’inclure dans les négociations des représentants de l’Administration centrale tibétaine, alors appelée, jusqu’en 2011, le gouvernement tibétain en exil. Comme on l’a dit, la Chine ne reconnaît pas l’Administration centrale tibétaine. Deuxièmement, la Chine accusait les Tibétains d’essayer d’inclure dans les discussions l’autonomie du Tibet, au lieu de se concentrer uniquement sur la Région autonome du Tibet.
Il faut que le dialogue reprenne sur ces questions. Nous devons respecter les aspirations du peuple tibétain et comprendre qu’il a besoin d’avoir sa propre identité au sein de la Chine. Nous reconnaissons, avec la politique d’une seule Chine, le système de gouvernance établi pour l’ensemble du pays. Pour autant, nous savons que les pays qui reconnaissent les droits de leurs minorités s’en portent toujours mieux.
En conclusion, je dirai qu’il est urgent que le dialogue reprenne. La situation des droits de la personne au Tibet est grave. Nous allons continuer d’en parler à nos homologues chinois et nous n’hésiterons pas, chaque fois que nous en avons l’occasion, à demander à la Chine de respecter ses propres lois et ses propres obligations internationales. Nous appuyons ce rapport.
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Madame la Présidente, j’aimerais commencer par souligner la nouvelle que nous avons entendue hier au sujet du décès du député de Winnipeg. Jim Carr était un parlementaire et un collègue incroyable. Il manquera beaucoup à tous les membres de cette Chambre et à tous les Canadiens.
Je voulais aussi souligner qu’aujourd’hui, c’est Khushali. À tous les Canadiens ismaéliens qui, comme moi, célèbrent l’anniversaire de l’Aga Khan, je dis Khushali Mubarak.
À tous les Tibétains de ma collectivité, Parkdale—High Park, aux Tibétains du Canada et aux Tibétains de la planète qui suivent le débat d’aujourd’hui, je dis tashi delek.
Aujourd’hui est une occasion très importante, car nous débattons, au Parlement du Canada, de la question du dialogue sino-tibétain. Ce débat a lieu à un moment crucial. Il y a trois jours à peine, nous avons célébré la Journée des droits de la personne.
Le 10 décembre est également le 33e anniversaire du jour où le dalaï-lama a reçu le prix Nobel de la paix. Ce prix lui a été décerné par le comité du prix Nobel parce que le dalaï-lama a contribué grandement à l’établissement de la paix à l’époque, et qu’il continue à le faire aujourd’hui. La notion de dialogue est fondamentale dans son approche pour la compassion et la réconciliation.
Aujourd’hui, nous parlons du dialogue sino-tibétain. À une époque, ce dialogue a été assez dynamique. Entre 2002 et 2010, neuf cycles de discussions ont eu lieu entre des représentants du peuple tibétain et de la République populaire de Chine dans différentes parties du monde, notamment en Europe et à Pékin.
Depuis janvier 2010, depuis le neuvième cycle de discussions, plus rien. Le dialogue est manifestement au point mort. Il y a 12 ans que nous attendons la reprise du dialogue. J’ai l’intime conviction que le dialogue est la seule voie à suivre et c’est ce dont Sa Sainteté parle constamment.
La solution ne passe pas par la confrontation. La solution ne passe pas par le conflit militaire. La solution passe par le dialogue. Dans des débats comme celui d’aujourd’hui, il est important que la Chine comprenne que les nations libérales et démocratiques du monde, les pays occidentaux, réclament la reprise du dialogue. Le Canada réclame la reprise de ce dialogue.
Qu’est-ce qui doit être réglé? Le dialogue sino-tibétain doit régler trois points fondamentaux, et ce sont des points dont j’ai beaucoup entendu parler par les milliers de Canadiens d’origine tibétaine que j’ai le privilège de représenter dans Parkdale—High Park.
Le premier est la liberté linguistique fondamentale. C’est la possibilité d’utiliser, d’apprendre et de cultiver la langue tibétaine elle-même. En lieu et place, nous observons actuellement un phénomène assez effrayant de pensionnats coloniaux en Chine. Il s’agit d’écoles où les enfants sont logés de force, loin de leurs familles.
Selon des rapports récents, entre 800 000 et 900 000 enfants tibétains de moins de 18 ans sont retirés de force de leurs familles, logés dans des écoles, empêchés de parler, d’apprendre ou de cultiver leur langue tibétaine et forcés d’apprendre le mandarin.
Si cela vous semble étrangement familier, cela devrait l’être pour tout Canadien qui connaît notre propre histoire avec le système des pensionnats. Ce n’est que maintenant que nous sommes en train d’accepter la nécessité de rembourser les victimes, de réparer les torts et de reconnaître le legs dévastateur du système des pensionnats au Canada. Je frémis à l’idée que la même chose puisse se produire, en ce moment même, en Chine.
Le deuxième point essentiel du dialogue sino-tibétain est de parler de liberté culturelle. Il s’agit de la liberté de ne pas être soumis à la culture dominante des Chinois Han, mais de pouvoir célébrer la culture riche, historique et profonde du peuple tibétain, qui remonte à l’antiquité.
Cet épanouissement de la culture ne doit pas être monnayé, comme le sont les visites touristiques au palais du Potala, à Lhasa. Elle doit plutôt être célébrée de façon légitime par le peuple tibétain lui-même.
Le troisième point est la liberté de religion, la liberté de culte. Cela comprend la liberté — à laquelle les Tibétains ont droit et doivent avoir droit — de pratiquer ouvertement le bouddhisme tibétain dans la Région autonome du Tibet et d’afficher ouvertement des photos de Sa Sainteté le dalaï-lama dans leurs foyers et dans leurs communautés.
J’aimerais parler du nombre de cas d’immolation. Depuis la fin de ce dialogue en 2010 jusqu’à cette année, 159 Tibétains se sont immolés. C’est leur seul moyen de protester. Ils sacrifient leur vie de cette manière frappante pour protester contre la discrimination et les violations des droits de la personne dont ils sont actuellement victimes au Tibet. Ce chiffre est terrible.
Le a parlé de la visite de Dominic Barton dans la Région autonome du Tibet. Nous savons, d’après les rapports de nos services de renseignement, qu’à l’heure actuelle, à Lhasa, dans le palais du Potala et dans ses environs, les agents de sécurité portent plus souvent un extincteur qu’une arme à feu. Pourquoi? Parce que la police de sécurité et les autorités policières chinoises ont vraiment peur de faire face à un plus grand nombre d’immolations. Le fait que des gens s’enlèvent la vie pour protester contre une discrimination qui persiste est une preuve flagrante de la gravité du problème.
Nous avons entendu le préconiser ce qu’on appelle l'approche conciliante. Il est essentiel de comprendre ce dont il est question. Il ne s’agit pas de séparatisme. Il ne s’agit pas de lancer une révolution ni de réclamer l’indépendance. Il s’agit de rechercher l’autonomie d’un groupe de personnes au sein de la République populaire de Chine. Elle existerait au sein de la fédération de la Chine, dans le cadre de la Constitution chinoise.
Cette approche est un juste milieu entre deux objectifs différents. Elle préconise une véritable autonomie pour tous les Tibétains qui vivent dans trois provinces traditionnelles. Elle est non partisane. C’est une position modérée qui protège les intérêts primordiaux des gens pour préserver leur culture, leur religion et leur identité nationale.
Il est important de comprendre que ce modèle comporterait des éléments comme l’autonomie en matière de religion, de culture, d’éducation, d’économie, de santé, d’écologie et de protections de l’environnement. Si cela vous semble familier, c’est parce que c’est le cas. C’est le genre de fédération décentralisée que nous avons déjà ici au Canada, le genre de pouvoirs que nous accordons déjà aux provinces. C’est ce que vise l’approche conciliante. Elle est essentielle à la compréhension, et cette compréhension ne pourrait être favorisée que par une reprise du dialogue.
Notre gouvernement a apporté son soutien dans le passé. Nous avons entendu parler de la première vague de Tibétains venus au Canada en 1971 et les efforts ont été renouvelés depuis. Nous avons réalisé du travail sur le terrain, tant dans la région tibétaine que dans d’autres parties de l’Asie du Sud, avec des entités telles qu’Agriteam Canada. Nous nous sommes occupés des besoins de financement et de développement de la diaspora tibétaine dans des pays comme l’Inde et le Népal. Personnellement, j’ai été très heureux et fier de pouvoir plaider avec succès pour une aide au développement de 5 millions de dollars que nous avons fournie à la diaspora tibétaine en Inde au cours de la 42e législature.
Nous avons aussi défendu haut et fort les droits de la personne en dénonçant les violations en la matière. Les députés ont entendu parler de ce que nous avons fait au Conseil des droits de l’homme en juin 2021. En mars 2021, lors de la 46e session du Conseil des droits de l’homme, nous avons exprimé de profondes inquiétudes sur la situation de Tibétains en détention. En novembre 2018, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, lors de l’examen périodique universel de la Chine, nous avons demandé à la Chine de mettre fin aux poursuites et aux persécutions fondées sur la religion ou la croyance, y compris pour les bouddhistes tibétains.
Ce sont les mesures essentielles que nous prenons, mais nous savons que ces mesures ne sont devenues que plus difficiles en raison du positionnement hostile du gouvernement actuel de la Chine sous la direction du premier ministre Xi. La Chine est devenue une puissance perturbatrice, et nous le savons. Notre approche consiste à garder les yeux grands ouverts.
Il y a bien des raisons de s’inquiéter des protections de base qui ne sont pas accordées aux minorités en République populaire de Chine. Nous pourrions parler des Ouïghours, du Falun Gong ou de l’écrasement des dissidents à Hong Kong; cela dit, l’une des plus anciennes luttes, celle pour les droits fondamentaux du peuple tibétain, est essentielle. La réponse d’Affaires mondiales Canada à ce rapport du Comité des affaires étrangères fait état de certaines mesures que nous allons prendre.
Nous continuons de surveiller les cas de défenseurs des droits de la personne et nous demandons à participer aux procès. Comme je l’ai dit dans ma dernière intervention, nous demandons à avoir librement accès à la région à l’avenir, pour les représentants de l’ONU, les représentants du gouvernement du Canada et les Tibétains eux-mêmes. Il faut parvenir à savoir où se trouve le panchen-lama. Le Canada est également sans équivoque à cet égard. Quand il a été enlevé en 1998, le panchen-lama, alors âgé de six ans, était le plus jeune prisonnier politique sur Terre. Il n’a jamais été vu en public depuis 1998. Nous devons savoir ce qu’il est advenu de Gedhun Choekyi Nyima.
J’ajouterai une question qui doit être résolue, et il s’agit d’une question religieuse de succession. Je parle du droit souverain d’une communauté religieuse de choisir sa prochaine incarnation du dalaï-lama, la quinzième, le moment venu. Cette décision revient aux dirigeants bouddhistes et pas au Parti communiste chinois. Je serai sans équivoque sur ce point.
Pour conclure, je dirai qu'il m'incombe, à titre de député de Parkdale—High Park et à titre de président du groupe Les parlementaires amis du Tibet, de respecter la promesse que j'ai faite directement à Sa Sainteté le dalaï-lama lorsque j'ai eu le privilège de le rencontrer en mars 2018. Il m'a dit: « Assurez-vous que le monde occidental n'oublie pas mon peuple et notre cause. » Je lui ai répondu:
[Le député s'exprime en tibétain]
[Traduction]
Cela signifie que je n'oublierai pas la cause tibétaine.
:
Madame la Présidente, avant de commencer, je tiens moi aussi à exprimer mes profondes condoléances aux amis et aux membres de la famille de notre collègue Jim Carr. Comme les députés peuvent le voir, je suis assise tout près de l’endroit où le député était assis. Je sais qu’il était un parlementaire solide et je remercie sa famille de l’avoir partagé avec nous. Je suis très heureuse que nous ayons pu adopter son projet de loi d’initiative parlementaire avant son décès.
J’aimerais également exprimer mes condoléances aux personnes qui ont travaillé de près avec M. Carr au Parlement. Je sais que de nombreux députés, tant de son propre caucus que de tous les partis, étaient des collègues très proches de lui et je leur adresse également mes condoléances.
Aujourd’hui, nous parlons du Tibet et des défis auxquels les Tibétains sont confrontés. Je me réjouis de chaque occasion qui m’est donnée de parler des droits de la personne, des droits des gens dans le monde entier et des droits qui sont refusés aux Tibétains. Il est d'une importance cruciale que, en tant que parlementaires au Canada, nous soyons constamment conscients des violations des droits de la personne qui ont lieu dans le monde et que nous utilisions tout le pouvoir et toutes les tribunes dont nous disposons pour condamner ces atteintes aux droits de la personne.
J’ai été membre du comité des affaires étrangères, qui a réalisé cette récente étude sur le Tibet et le dialogue sino-tibétain, et j’ai entendu de nombreux témoignages sur les défis auxquels les Tibétains sont confrontés. Je suis donc très heureuse de pouvoir faire valoir la nécessité de poursuivre le dialogue et, pour le Canada, de continuer à soutenir les Tibétains.
Nous voyons le parti communiste chinois attenter aux droits de la personne de différents groupes et de différentes personnes. Il y a indéniablement des parallèles entre le déni des droits des Tibétains et des Ouïghours. Quand on voit le gouvernement chinois réprimer et réduire au silence les dissidents au sein de sa population, les parallèles sautent aux yeux.
Il est crucial d'en parler, et je sais que d’autres l’ont dit avant moi, mais je tiens également à souligner que le 10 décembre était la Journée internationale des droits de la personne. C’est une journée pour reconnaître l’importance de protéger les droits de la personne ainsi que les gens qui les défendent à leur propre péril.
Voici quelques-unes de ces personnes. Aux Philippines, Cristina Palabay a subi de graves menaces de la part du gouvernement de son pays après avoir témoigné devant notre comité parlementaire, le Sous-comité des droits internationaux de la personne. Le gouvernement la menace. La vie de Mme Palabay est en danger. Le gouvernement philippin a celle-ci sur sa liste noire, ce qui la met en péril.
En Iran, le Corps des Gardiens de la révolution islamique exécute des manifestants et arrête des artistes, des défenseurs des droits de la personne et quiconque manifeste au nom de la liberté. Semiramis Babaei est l’une de ces artistes. Je sais que son cousin, un citoyen canadien, est très inquiet pour sa sécurité.
En Chine, Huseyin Celil, un militant ouïghour, est incarcéré illégalement depuis 16 ans. Depuis 16 ans, sa femme et ses enfants sont sans nouvelles de lui et ne savent pas comment il va. Aujourd’hui encore, Dong Guangping, qui s’est exprimé contre le gouvernement chinois, a disparu, et sa famille, sa femme et sa fille, qui vivent au Canada, n’ont aucune idée d'où il se trouve.
En Russie, il y a Vladimir Kara‑Murza, qui a été emprisonné parce qu’il s’était élevé contre l’agression brutale de Poutine contre l’Ukraine.
Il ne s’agit là que d’une poignée de personnes qui ont risqué et qui continuent de risquer leur vie pour la démocratie, les droits de la personne et la justice dans leur pays, et si le fait que je prononce leur nom à la Chambre peut les protéger, les aider, amplifier leurs appels à la justice et garantir la protection des droits de la personne dans le monde entier, alors aujourd’hui et tous les jours, chacun d’entre nous doit prononcer leur nom: Cristina Palabay, Huseyin Celil, Dong Guangping, Vladimir Kara‑Murza.
Cependant, alors que nous sommes réunis aujourd’hui pour parler des difficultés que subissent les défenseurs des droits de la personne, alors que nous sommes réunis pour parler des difficultés que subissent les Tibétains, je voudrais exprimer quelques réserves concernant la façon dont la question a été soulevée.
Je redoute que certaines personnes à la Chambre utilisent des outils pour soulever des débats non pas parce que c'est urgent en ce moment, mais plutôt pour paralyser les travaux de la Chambre. Je suis inquiète parce qu'exactement la même chose se produit au comité des affaires étrangères.
Le comité des affaires étrangères, et c'est important, a examiné ce qui se passe au Tibet et il s'est penché sur la nécessité de poursuivre le dialogue sino-tibétain, de sorte que le Canada soit en mesure d'exhorter le gouvernement chinois à s'efforcer résolument d'agir de manière plus éthique. Cependant, ce même comité ne peut plus travailler. On nous empêche de faire un travail très important, et je vais en donner quelques exemples aux députés.
À l’heure actuelle, nous n’avons pas encore publié de rapport sur l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, sur les attaques perpétrées contre le peuple et contre les civils, sur les actes de violence horribles ciblant le peuple ukrainien ni sur l’invasion illégale d’un pays souverain et allié du Canada par la Fédération de Russie. Nous n’avons pas publié d’étude à ce sujet au Parlement. Nous n’avons pas déposé les conclusions de notre étude parce qu'il a été impossible de le faire au comité des affaires étrangères.
Nous avons mené une étude sur le Pakistan. Tous les députés devraient être profondément préoccupés par les mesures prises à la suite des terribles inondations au Pakistan. Nous devrions présenter un rapport sur l’étude que nous avons effectuée sur les inondations au Pakistan, sur la façon dont nous dépensons les fonds destinés au développement et sur la façon dont le gouvernement les utilise pour aider les gens partout dans le monde. Nous ne pouvons pas le faire, parce que le comité des affaires étrangères n’est pas en mesure de faire ce travail.
Je suis profondément préoccupée par ce qui se passe en Iran. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration, nous entendons des récits horribles sur l’exécution de manifestants. Des gens qui ne font que défendre leurs droits, qui demandent simplement le droit de vivre dans leur pays, le droit à la démocratie, le droit à la justice, sont exécutés dans leur pays à l’heure actuelle. Le comité des affaires étrangères a l’obligation de se pencher sur la situation en Iran et de recommander au gouvernement des mesures à prendre. Voilà le travail essentiel qu'il faut faire au comité des affaires étrangères.
En fait, j’ai proposé une étude que je considère extrêmement importante pour notre pays, à savoir l'examen de notre régime de sanctions. Hier, j’ai parlé du projet de loi , qui porte sur le régime de sanctions et du fait que notre régime de sanctions n’est pas aussi efficace et aussi solide qu’il devrait l’être. J’ai proposé une étude au comité des affaires étrangères, et nous devions nous pencher là-dessus pendant la session d’automne, mais, bien sûr, cela ne s’est pas produit.
Enfin, j’aimerais souligner que depuis le printemps, depuis avril, le comité des affaires étrangères tente d’examiner les droits génésiques des femmes partout dans le monde. Pour moi, c’est probablement l’un des problèmes les plus graves auxquels nous sommes confrontés. Il touche presque tous les êtres humains, assurément 50 % de la population. Nous savons que des dizaines de milliers de femmes meurent chaque année parce qu’elles n’ont pas accès à des soins de santé génésique.
Nous savons que ce qui se passe au sud de notre frontière, aux États-Unis, est très problématique. En fait, la Cour suprême des États-Unis a décidé de retirer certains droits aux femmes. Cela a des répercussions partout dans le monde. Le comité des affaires étrangères a l’obligation d’examiner ces répercussions.
Il est de notre devoir de présenter toute recommandation qui pourrait aider les femmes du monde entier à exercer leur droit à l’autonomie physique et à avoir accès à des soins de santé, mais nous ne pouvons pas le faire à l’heure actuelle, pour être honnête, à cause d’un membre du comité des affaires étrangères. Je ne dirais même pas que c’est le parti, car j’ai très bien collaboré avec le député de et avec le député de . Cependant, il y a un membre sur les 11 qui a complètement miné la capacité du comité des affaires étrangères à faire un travail utile.
J’aimerais que nous y réfléchissions un instant. Je veux que nous songions au fait que les règles de la Chambre le permettent. Elles permettent à un député de prendre le contrôle d’un comité et de lui imposer sa volonté. Mais est-ce bien cela, la démocratie? Est-ce réellement ce que veulent les gens que nous représentons, les habitants d’Edmonton Strathcona ou d’autres circonscriptions en Alberta ou ailleurs au pays? Veulent-ils que leurs députés collaborent pour trouver des solutions, pour trouver des façons d’aller de l’avant, ou veulent-ils entendre quelqu’un parler pendant des heures et des heures de sujets absurdes? Voilà certaines des questions que j’aimerais poser à mes concitoyens.
Parlant de mes concitoyens, j’étais censée participer aujourd’hui à une réunion très importante avec la Fédération du travail de l'Alberta. Bien sûr, nous avons tous des vies très occupées. Il y a le temps que nous passons à la Chambre, mais nous avons aussi d’autres obligations. L’une des choses les plus importantes pour moi en ce moment est d’aider les travailleurs albertains à faire la transition vers l’économie de l’avenir. Je rencontre donc le plus souvent possible les représentants de la Fédération. Je sais qu’elle est à l’avant-plan et qu’elle fait valoir les besoins et les droits des travailleurs en ce qui concerne la transition vers une économie tournée vers l’avenir. Cependant, je n’assiste pas à cette réunion aujourd’hui parce que je suis à la Chambre, encore une fois, parce que les conservateurs essaient d’empêcher la Chambre de faire le travail que nous avions décidé de faire. Cela me préoccupe également.
L’une des choses qui me tracassent le plus lorsque je vois la situation, c’est que, en tant que parlementaire, je ne fais pas partie du gouvernement; je fais partie de l’opposition. L’opposition a l’obligation de demander des comptes au gouvernement, de surveiller et d’évaluer ce qu’il fait, de proposer des changements et de dénoncer les mesures avec lesquelles elle est en désaccord. Quand un député du Parti conservateur fait de l’obstruction systématique, cela signifie que personne ne surveille les gestes du gouvernement. Nous ne faisons pas notre travail de parlementaires pour obliger le gouvernement à rendre des comptes.
Je sais que mes collègues du Parti libéral, au sein du gouvernement, n’accueillent pas toujours favorablement nos conseils, mais je pense qu’ils reconnaissent la valeur d’une démocratie où nous travaillons ensemble pour établir un consensus et renforcer les lois et les règlements. Je pense que nous savons tous que c’est la meilleure façon de collaborer.
Tout cela pour dire que je suis profondément préoccupée par la raison pour laquelle je prononce maintenant un discours à la Chambre sur une question qui retarde certains des travaux du jour, auxquels nous pensions nous consacrer aujourd’hui.
Cependant, je ne veux en aucune façon minimiser le fait que le Comité des affaires étrangères a mené une étude sur ce qui se passe au Tibet, et il s’agit d’une étude très importante. J’étais très heureuse d’y participer. J’ai été très heureuse de déposer cette étude à la Chambre des communes et de demander à la Chambre et au gouvernement d’y répondre. J’ai été très heureuse de voir que le Tibet avait été inclus dans la stratégie indo-pacifique et que le gouvernement ait présenté cette stratégie. Cependant, mes inquiétudes demeurent quant à la raison d’être du débat à ce moment-ci.
:
Madame la Présidente, je suis très heureux d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet de ce rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
En fait, si je ne m'abuse, il s'agit du rapport no 2. Il y a donc de cela plusieurs mois que nous avons adopté ce rapport, au terme d'une rencontre avec le Rinpoche, qui est le dirigeant civil de l'administration tibétaine maintenant stationnée en Inde.
Quoique nos amis tibétains nous répétaient inlassablement que la Chine n'a historiquement aucun droit sur le territoire du Tibet et que les revendications à l'égard de l'indépendance du Tibet demeurent toujours aussi légitimes et pertinentes, ils sont disposés à entreprendre des négociations avec la République populaire de Chine. Ils sont disposés à trouver un terrain d'entente pour permettre au peuple tibétain, à l'intérieur de la République populaire de Chine, dans le cadre de la constitution de cette dernière, de trouver une façon de s'épanouir sans devoir continuer à subir cette politique de sinisation qui est en cours depuis les années 1950 et de façon accélérée, voire brutale.
Voilà un rapport qui a d'abord été adopté unanimement au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et qui devrait, normalement, faire tout autant l'unanimité ici même, à la Chambre. Pourquoi nous retrouvons-nous, dans ce cas, à devoir débattre ensemble d'un sujet qui fait l'unanimité? Pourquoi devons-nous nous interroger sur l'opportunité d'entériner ce rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international? C'est tout simplement parce qu'il arrive que des formations politiques se gardent des rapports dans leur petite poche arrière afin de s'en servir non pas pour débattre du fond de l'affaire, mais à des fins dilatoires, de sorte à retarder les travaux de la Chambre.
Il y a bien longtemps que nous aurions dû avoir un débat, ou du moins avoir adopté le rapport no 2 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Or voilà que, plusieurs mois plus tard, on se retrouve, à la veille de Noël, à devoir débattre dudit rapport. Sur ce, la Chambre est maître de ses travaux. Nous aurions fort bien pu décider tout simplement, d'un commun accord, d'adopter à l'unanimité ce rapport. Nous aurions été tout à fait d'accord pour que la Chambre entérine ce rapport qui m'apparait important, qui appelle non pas à une confrontation, mais à des négociations. Comment pourrions-nous être opposés à des négociations? Par la force des choses, on doit toujours être ouvert à la négociation.
Les Tibétains, qui ont des droits légitimes avérés à leur indépendance, disent maintenant que, tant qu'à devoir subir ce que le peuple tibétain subit depuis l'invasion chinoise des années 1950, aussi bien faire preuve de réalisme et tenter de trouver un arrangement. Comment peut-on être contre la vertu et la tarte aux pommes? Nous aurions été tout à fait d'accord et ouvert à l'idée que, d'un commun accord, nous adoptions sans débat, à l'unanimité, ce rapport. Or, voilà que les libéraux et les conservateurs sont engagés dans une espèce de guérilla procédurale, et, honnêtement, je trouve cela extrêmement dommageable.
Ma collègue d' y faisait référence, il y a quelques instants: le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, après avoir été paralysé pendant presque deux mois en mai et en juin dernier sur la question de la santé reproductive des femmes, est de nouveau paralysé. En effet, les libéraux ne nous amènent pas à conclure et à finaliser deux rapports qui étaient presque terminés, un rapport sur les inondations au Pakistan et un rapport sur la situation en Ukraine. Je me permets de le répéter, simplement pour faire comprendre à quel point on met de côté des choses importantes pour se crêper le chignon, ce qui est totalement inadmissible. Il s'agit d'un rapport sur les inondations au Pakistan qui ont fait plusieurs centaines de victimes et d'un rapport sur la situation en Ukraine; il est inutile de parler du nombre de victimes que ce conflit fait tous les jours. Plutôt que de prendre les quelque 10, 15 ou 20 minutes qu'il nous manquait pour finaliser ces deux rapports, les libéraux, qui savaient pertinemment que les conservateurs allaient réagir, ont décidé de passer outre la fin de l'étude des rapports et d'axer de nouveau nos travaux sur le dossier de la santé reproductive des femmes.
Que l'on me comprenne bien, je trouve que c'est un débat extrêmement important et capital. Des femmes partout dans le monde se retrouvent dans des situations de pauvreté extrême, quand elles ne décèdent pas, pour avoir tenté d'obtenir un avortement, je dirais, avec les moyens du bord. Pour le gouvernement libéral qui dit avoir une politique étrangère féministe, il y a donc une obligation d'aborder ouvertement, de front et sans compromis, la question de la santé reproductive des femmes à travers le monde. Nous en sommes. Nous voulons et nous souhaitons aborder cette étude le plus rapidement possible.
D'ailleurs, j'ai eu des discussions avec mon collègue de à ce sujet. Je pense qu'il y a une ouverture de la part des conservateurs à éventuellement mettre un terme à cette espèce de guérilla de procédure et à enfin mettre cela derrière nous. Cela permettra aux conservateurs, par la même occasion, de nous expliquer leur point de vue sur la santé reproductive des femmes. Ils donnent l'impression en ce moment que ce n'est pas une question importante et qu'on ne devrait pas en débattre et en discuter. Les mots « contraception » et « avortement » font frémir certains conservateurs au point qu'on ne devrait pas discuter de l'ensemble de la problématique. Or, c'est une question fondamentale et je crois savoir que nos amis conservateurs seraient disposés à ce qu'on le fasse.
Je qualifierais d'affront ce qui a été fait par nos collègues libéraux lorsqu'ils ont dit qu'on n'allait pas finaliser le rapport sur les inondations au Pakistan, qu'on ne finaliserait pas le rapport sur la situation en Ukraine, mais qu'on passerait directement à l'étude sur la santé reproductive des femmes. Évidemment, cela a eu pour effet de provoquer nos amis conservateurs et a donné lieu à une nouvelle obstruction de leur part au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, ce que je trouve éminemment étonnant et scandaleux. S'il y a un comité à la Chambre des communes qui devrait être le moins partisan possible, c'est bien le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
J'ai eu l'occasion de le répéter à plusieurs reprises au Comité et cela me donne l'occasion de le dire ici même à la Chambre: comme on le sait, j'ai eu une vie antérieure comme député fédéral et j'ai longtemps siégé au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international dans cette vie antérieure, comme je le fais présentement. Cette idée selon laquelle le Comité devait être l'un des moins partisans du Parlement et de la Chambre des communes s'est vérifiée pendant presque toute la durée de ma vie antérieure comme député fédéral, c'est-à-dire pendant à peu près une douzaine d'années.
Depuis que je suis revenu en 2019, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international donne lieu à des affrontements extrêmement disgracieux entre les libéraux et les conservateurs. Quand ce ne sont pas les conservateurs qui font de l'obstruction aux travaux du Comité, ce sont les libéraux qui font de l'obstruction aux travaux du Comité. C'est le monde à l'envers. C'est soit que le gouvernement fait de l'auto-obstruction, soit qu'il subit l'obstruction des conservateurs.
En 12 ans d'expérience comme parlementaire, je n'avais jamais vécu de situation où le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international — tel qu'il s'appelait à l'époque, alors qu'il se nomme maintenant Comité permanent des affaires étrangères et du développement international — aurait été paralysé non pas pendant une séance ou deux, mais pendant des semaines complètes, et ce, en raison des jeux partisans entre nos amis libéraux et nos amis conservateurs.
Pendant ce temps, on ne règle pas la question du rapport sur les inondations au Pakistan; on ne règle pas la question éminemment importante, alors que des gens meurent tous les jours en Ukraine, du rapport sur la situation dans ce pays; on n'aborde pas non plus cette question tout aussi importante de la santé reproductive des femmes.
Aujourd'hui, on se retrouve à devoir débattre d'une motion qui aurait normalement dû faire l'unanimité, qui aurait dû être adoptée à l'unanimité sans le moindre débat. On en débat pendant deux heures parce que les conservateurs ont décidé que, à la suite des provocations des libéraux, ils allaient entreprendre cette petite guérilla de procédure qui a cours au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Rappelons que nos amis conservateurs ont déposé 300 motions jusqu'à présent. Il y a du matériel pour tenir jusqu'en 2075.
Va-t-on se sortir de ce cercle vicieux? Cela n'a aucun bon sens. Est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement s'asseoir, se parler comme des adultes responsables et faire en sorte de faire avancer le rapport sur les inondations au Pakistan, de finaliser le rapport sur la situation en Ukraine et d'entreprendre, ma foi, le plus rapidement possible, l'étude sur la santé reproductive des femmes?
Pour le moment, rien de tout cela ne se fait, parce que les libéraux ont décidé de provoquer les conservateurs et parce que les conservateurs, pas plus fins, ont décidé de se laisser provoquer et de donner suite à ce qui se passe. On se retrouve de nouveau en mode obstruction au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, ce que je trouve encore une fois étonnant, mais fondamentalement inacceptable, intolérable. On ne peut pas accepter que ce comité, qui, normalement, devrait être l'un des plus consensuels de la Chambre des communes, soit complètement paralysé par des guéguerres de procédure entre les libéraux et les conservateurs. Cela n'a aucun sens.
Je terminerai en exposant les raisons pour lesquelles je considère que ce comité est — ou devrait à tout le moins être — l'un des moins partisans à la Chambre des communes.
La première raison est fort simple. Sur la question des valeurs, à l'échelle internationale, à part quelques petites différences marginales, il y a bien peu de choses qui distinguent les libéraux, les conservateurs, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique en matière d'affaires étrangères. Certains seront peut-être surpris de m'entendre dire une chose pareille, mais, sur le plan des valeurs, il y a plutôt une communion d'esprit. À part quelques épisodes, comme à l'époque du gouvernement de Stephen Harper, je dirais que la politique étrangère du Canada a été relativement constante depuis la Seconde Guerre mondiale, et ce, peu importe le changement de gouvernement entre libéraux et conservateurs. Sur le plan des valeurs, à part le court intermède du gouvernement conservateur de Stephen Harper, je dirais qu'il y a peu de distinction entre les différentes formations politiques, ce qui devrait normalement se refléter dans la qualité et l'harmonie des travaux au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. C'est la première raison pour laquelle je pense que ce comité est normalement le moins partisan. Compte tenu de la situation, je dirai que c'est la raison pour laquelle il devrait être le moins partisan.
L'autre raison — on sera surpris d'entendre un tel commentaire de la part de la bouche d'un méchant séparatiste —, c'est que, vu de l'étranger, le Canada a tout avantage à présenter un front uni plutôt que de se présenter en rangs dispersés. Mes collègues seront curieux d'apprendre que, pour les souverainistes, il n'y a aucun avantage à ce que le Canada paraisse mal sur la scène internationale. Ce n'est pas parce que nous voulons réaliser l'indépendance du Québec que nous souhaitons que le Canada se porte mal et, conséquemment, qu'il se présente mal sur la scène internationale.
Je pourrais présenter une longue liste de raisons, mais, pour ces deux raisons fondamentales, je pense que ce comité devrait être l'un des moins partisans de la Chambre des communes. Je le maintiens et je le réaffirme haut et fort. Je demande à mes collègues du Parti libéral et du Parti conservateur de mettre fin à ces guéguerres de procédure qui empêchent le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de faire convenablement son travail.
Je suis catastrophé et médusé par le sentiment du devoir non accompli. Quand, dans quelques heures, nous partirons pour la période des Fêtes sans avoir achevé le rapport sur les inondations au Pakistan, sans avoir achevé le rapport sur la situation en Ukraine et sans avoir amorcé la discussion et l'étude sur la santé reproductive des femmes, j'aurai honte.