Que la Chambre rappelle au gouvernement qu'il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l'utilisation de la disposition de dérogation.
— Monsieur le Président, je vous exclurai du raisonnement, soyez-en assuré, mais j'ai l'impression que le Québec n'a pas beaucoup d'amis à la Chambre. Cette situation est particulièrement mise en lumière par ce qui, le mot paraîtra dur, fait figure de descente aux enfers du gouvernement libéral. Il en est, pour l'essentiel, le seul responsable, et il est utile dans ce contexte de revisiter un peu ce qui, encore une fois le mot paraîtra dur, fait figure de bêtisier récent. Je vous laisserai être juge de tout cela. Parlant de juge, on devra encore une fois se référer à la Cour suprême du Canada dans ce dossier-ci.
Faisons une petite liste. Projet de loi sur le contrôle des armes à feu: recul maladroit, débandade dans le désordre, repli tout sauf stratégique, sans même l'admission d'une erreur qui est implicite et sans la considération admise qu'en effet, il fallait, outre la sécurité des civils et des femmes, préserver les privilèges légitimes des gens qui pratiquent la chasse sportive.
Prenons l'exemple de la carte électorale. Je me souviens d'être passé en Gaspésie l'été dernier, à peine quelques jours après le , au moment où la première nouvelle mouture de la carte électorale avait été considérée et que la circonscription de ma collègue d' disparaissait. Le premier ministre s'était présenté dans la région et n'avait pas dit un traître mot sur le fait qu'on affaiblissait les régions du Québec. Il y aurait peut-être même une menace à l'égard de la volonté exprimée par la députée de de préserver le dossier. Or pas un mot de la part du premier ministre; encore cette fois-ci, le gouvernement abandonne essentiellement sa députée ministre.
Il y a Medicago, une entreprise, un fleuron technologique de recherche qui, par une espèce de négligence perpétuée dans le temps et des interventions souvent trop tardives, risque de voir le résultat du génie québécois s'en aller au Japon, sauf bonne foi de Mitsubishi, avec ce qui, de facto, sera une perte majeure pour l'État québécois et l'État canadien.
Il y a l'acquisition de Produits forestiers Résolu par Paper Excellence, qui appartient à Sinar Mas. Cela représente 25 % des droits de coupe de forêts publiques au Québec et cela ne se qualifie pas dans le nouveau projet de loi , qui ne protégerait même pas cela. Mon Dieu, si on ne protège pas cela, qu'est-ce qu'on protégera avec le projet de loi C‑34?
Il y a évidemment les transferts en santé. C'est vraiment un truc fort intéressant. Ici, entre tous, nous verrons qu'il n'y a que le Bloc québécois qui non seulement parle pour le Québec, mais qui se trouve aussi à être le porte-parole du front commun des provinces. Le Bloc québécois se porte à la défense — et il est le seul à le faire — du Yukon, de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, de la Nouvelle‑Écosse, de l'Alberta. Nous allons attendre les remerciements des banquettes voisines. Il n'y a que le Bloc pour se porter à la défense de la volonté des provinces, des territoires et du Québec, les autres faisant preuve d'opportunisme ou de mollesse. On va nous dire que ce que nous faisons est une perte de temps. Ce n'est pas une perte de temps, c'est extrêmement révélateur du fonctionnement.
Il y a le cas de McKinsey. Je n'ai pas le temps de faire le tour de tout ce qui touche McKinsey. Il y aurait beaucoup trop de secrets à sortir de plein de boîtes occultes, comme McKinsey en éthique, McKinsey en lobby, McKinsey en défense, McKinsey dans des offres à commande dont l'ancien grand patron — assurément moins naïf que ce qu'il a bien voulu nous faire croire en comité — disait lui-même que, s'il avait été client, il n'aurait pas signé le contrat qu'on a fait signer par le gouvernement du Canada. C'est tout de même intéressant. Il y a aussi McKinsey et l'immigration, McKinsey et l'Initiative du Siècle. Cent millions de Canadiens, comme c'est joli. Cela en fait toutefois beaucoup avec l'incapacité pour le Québec d'absorber au gré du temps, en français et avec nos valeurs, le nombre d'immigrants que cela commande. J'ai posé cette question à M. Barton: avez-vous tenu compte du Québec? Ils n'en ont pas tenu compte pantoute. Ce n'était même pas sur l'écran radar.
Si on se fie à l'ignorance exprimée, ma foi, je veux devenir patron de McKinsey. Il ne travaille pas trop et il dit qu'il ne sait rien. De plus, je soupçonne que la paie n'est pas si mal. McKinsey a un rôle à jouer en matière de gestion des frontières et, bien sûr en matière de langue et d'identité.
Il y a aussi l'instrumentalisation du chemin Roxham. Comme mon collègue de l'a mentionné, selon des révélations récentes, on ajoute maintenant un forfait tout-inclus aux passeurs criminels d'un côté comme de l'autre. On offre le billet d'autobus et on envoie les migrants au chemin Roxham sans s'en cacher. Des menottes, personne ne veut cela. Toutefois, après un bref moment d'inconfort avec les menottes, c'est le bonheur, parce qu'on est au Québec, et c'est aux frais du Québec que ces gens sont accueillis de façon humaine par la suite.
Il y a la nomination de Mme Elghawaby. On ne refera pas tout le discours et je ne veux pas le personnaliser. Cela dit, on a bien vu que la capacité d'isolement du gouvernement était extraordinaire. S'il fallait que nos maisons soient aussi bien isolées que le gouvernement, il ferait chaud chez nous.
Bien sûr, il y a aussi le renvoi à la Cour suprême du Canada de la loi québécoise sur la laïcité dans l'espoir de la casser.
Par ailleurs, la division au sujet du projet de loi est assez spectaculaire. Je ne m'inviterai pas au caucus du Parti libéral et je pense que ses membres ne le souhaiteraient pas non plus, mais il doit y avoir des conversations assez passionnantes au sein du caucus. Cela doit être aussi fascinant que les conversations sur l'avortement chez les conservateurs. Il y a peut-être des petites choses à régler. De notre côté, cela se passe très bien. De plus, il est possible que le fédéral aille en Cour suprême au sujet de la loi 96, qui porte sur la langue française.
Nous arrivons finalement au sujet de la motion, soit la disposition de dérogation, qui pourrait aussi se retrouver devant la Cour suprême du Canada. J'aimerais parler d'un aspect assez intéressant. Sur le principe, Papa Trudeau disait qu'il fallait que la volonté du législateur ait ultimement préséance. C'est la raison pour laquelle, dans la Constitution de 1982, que nous classons plutôt parmi les documents odieux, il y avait ce principe d'assurer la préséance de la démocratie des Parlements. Rappelons-nous que nous n'avons jamais adhéré à cette Constitution. Cela commence à faire quelques semaines que nous le rappelons.
Cela a été testé rapidement. Dès 1988, l'arrêt Ford établissait, d'une part, que le recours à la disposition de dérogation était légitime et, d'autre part, que le rôle de la cour n'était pas de tergiverser sur le sexe des anges qui passent, mais bien de juger du fond et de la formulation des choses.
Rappelons-nous, pour sa mémoire, que M. Lévesque avait invoqué et installé bien confortablement la disposition de dérogation dans l'entièreté des lois adoptées à l'Assemblée nationale du Québec. Il y eut bien quelques crises d'apoplexie, mais le Canada y survécut.
Il est nécessaire de comprendre la démarche ou le fantasme législatif ou juridique du gouvernement actuel. Par le truchement de documents d'Ottawa comme la Charte canadienne des droits et libertés et la Constitution canadienne et par le truchement de nominations pour remplacer au fur et à mesure les juges qui partent, le espère substituer la Cour suprême du Canada aux assemblées législatives provinciales et à celle-ci même pour modifier par interprétation la Constitution canadienne. Comme nous le disions, cette dernière est bien davantage la leur que la nôtre.
Le premier ministre, ayant eu l'occasion au gré du temps de nommer des juges, a bon espoir — ceci prouvant cela — d'avoir une Cour suprême du Canada dont la constitution, sans mauvais jeu de mots, sera en sa faveur. Il veut modifier la Constitution par son interprétation par des juges qu'il aura nommés. Cela existe ailleurs dans le monde, et c'est rarement un procédé honorable. Un Parlement est toujours souverain, sinon un Parlement imposerait sa volonté à un autre.
L'Assemblée nationale du Québec est souveraine dans ses choix et dans ses votes. Le Parlement québécois est, en effet, national. Or, plus que jamais, l'Assemblée nationale du Québec a besoin de la disposition de dérogation, qui garantit la prérogative et la préséance des Parlements et des élus sur le jugement des tribunaux, qui n'est là que pour interpréter, même si on apprend, au gré de l'histoire du Québec en particulier, que l'interprétation peut être, au gré du temps et sans jeter la pierre, un peu orientée. Ce n'est pas le gouvernement des juges que nous devons avoir, mais le gouvernement des élus, le gouvernement de la volonté populaire.
Comme je l'ai dit au début, il n'est pas banal de mentionner que la disposition de dérogation est un héritage de Pierre Elliott Trudeau. Je me souviens bien sûr d'une période des questions orales au cours de laquelle on nous a dit: c'est terrible, ce n'est pas contre la clause dérogatoire que nous en avons, c'est contre son usage préventif.
Bien sûr, comme le gouvernement en a l'habitude, c'est quand on n'a plus de questions qu'on répond les pires niaiseries. Celle-là en était une solide. Or, si la disposition de dérogation n'est pas préventive, à quoi sert-elle?
La disposition de dérogation, c'est comme un vaccin contre la COVID‑19. On prend le vaccin pour ne pas avoir la COVID‑19, et non une fois que nous l'avons. La disposition de dérogation protège les lois du Québec. Nous pourrions dire « du Québec et des provinces », mais entendons-nous: à part un cas récent assez spectaculaire en Ontario, c'est surtout au Québec qu'elle est utilisé, surtout en matière d'identité et de juridiction nationale, pour justement ne pas avoir à se faire dire par les tribunaux qu'on ne peut pas appliquer notre loi, qu'elle est défiée et qu'il faut maintenant aller utiliser la disposition de dérogation de façon réparatrice d'un état de fait qui aura été nuisible dans l'intervalle.
Évidemment, cela ne peut pas être là notre volonté ou la façon d'utiliser la disposition de dérogation. Le mal serait fait trop souvent et les mêmes tribunaux devraient suspendre l'application des lois. La disposition de dérogation, c'est un petit morceau de souveraineté. On a bien peur du mot « souveraineté ». Dire ce mot soulève des passions et des sueurs froides. Or, la souveraineté, c'est essentiellement une juridiction exclusive; de qui soit-elle. Ce Parlement-ci se revendique d'ailleurs de sa souveraineté, exception faite des ballons espion chinois.
Il est essentiel de reconnaître que par le recours à la disposition de dérogation, une juridiction qui est un Parlement, lequel est par définition souverain, se revendique d'un petit morceau de cette souveraineté dans des champs de compétence qui, en toute logique, devraient lui appartenir de façon exclusive.
Cette séquence entre l'identité, le fait que le Québec soit une nation reconnue à contrecœur par ce Parlement dans un contexte bien particulier, le 16 juin 2021, et le fait que le Québec doive y recourir entre tous, c'est parce que le Québec est une nation, parce que son Parlement est national. Je me permettrai de dire que c'est, de mon point de vue, trop peu.
C'est trop peu parce que, bien sûr, nous souhaitons que les Québécois aient — à leur rythme, évidemment, mais nous allons alimenter ce rythme — une réflexion sur l'entièreté de la souveraineté, une nation qui a un seul Parlement national et qui, comme le définissait M. Parizeau, prélèverait toutes les taxes et tous les impôts — c'est une aptitude que nous avons et nous aurions un débat tout autre sur les transferts en santé —, qui vote l'entièreté des lois applicables sur le territoire québécois, qui signe tous les traités et qui adhère à l'ensemble des traités existants, le cas échéant.
D'habitude, on ne réfléchit pas à être normal. C'est comme si cela allait de soi. On s'empare de la normalité, on se saisit de la normalité et on assume la normalité. Que le Québec ne fasse qu'y réfléchir, pour l'instant et pour un certain temps, et qu'il observe comment son identité nationale est traitée dans un Parlement qui devrait être un bon voisin, à défaut d'être un bon partenaire.
C'est une réflexion qui restera essentielle, mais qui ne peut pas, dans le contexte actuel, être celle de demain matin. Le jeu du chat et de la souris, les faux-fuyants juridictionnels, les empiétements, les ingérences et les intrusions sont tout sauf du progrès, de l'efficacité ou des instruments pour le bien commun.
En attendant cette réflexion qui doit aller beaucoup plus loin, nous devons assurément, dans ce Parlement, solliciter la bonne foi des collègues et des élus pour reconnaître la légitimité du recours pour le Québec et les provinces qu'est la disposition de dérogation. Nous ne demandons pas un changement à l'état de fait actuel. Nous demandons sa reconnaissance. Nous voulons juste énoncer un fait et demandons que le Parlement dise que cela correspond bel et bien à la réalité.
Voter contre ce fait reviendrait à mettre au défi la Constitution même du Canada. On a vu cette tentation dans les propos du premier ministre. Cela nous avait fait un peu sourciller, compte tenu de l'héritage. Nous demandons à la Chambre de reconnaître un fait réel existant, ne serait-ce que par respect.
Dans l'intervalle, et malgré le vote, la nation québécoise et ceux qui la représentent ont dans cette assemblée un seul ami sincère. Les enjeux de langue, d'identité, d'immigration, de financement des soins de santé et de préservation de la disposition de dérogation sont portés par une seule formation politique dans ce Parlement. Ses élus sont tout aussi légitimes que tous les autres. Ces gens, ce sont les députés du Bloc québécois. Le Bloc québécois se dresse fièrement encore une fois, sans compromis, avec un sens des responsabilités et avec courage, pour défendre, porter et promouvoir les intérêts du Québec, à qui nous souhaitons d'aller encore beaucoup plus loin.
:
Monsieur le Président, je crois comprendre que le Bloc québécois n'a pas aimé ma question à son chef. Je poursuis mon discours.
Notre Charte est aussi une source d’inspiration pour de nombreux pays partout dans le monde qui ont rédigé certains de leurs documents constitutionnels à son image. Je suis fière qu’il y a 40 ans nous ayons décidé, en tant que société, de nous doter d’un tel instrument.
L’article 33 de la Charte, communément appelée la disposition de dérogation, a permis l’atteinte d’un compromis politique entre différentes entités qui composaient le Canada au moment de son adoption. Cet article autorise le Parlement ou l'assemblée législative d’une province à déroger à certaines dispositions de la Charte, notamment celles protégeant les libertés fondamentales, les garanties juridiques et le droit à l’égalité. Il s’agit, dit simplement, d’un outil permettant à un gouvernement de court-circuiter les protections offertes par la Charte.
Or, c'est clair: toute utilisation de la disposition de dérogation implique que des droits fondamentaux soient brimés par la loi dans laquelle l’article 33 est invoqué. L'utilisation de la disposition de dérogation est bien évidemment permise, même si l’intention a toujours été qu’elle serait utilisée rarement et de manière exceptionnelle.
Or, son utilisation préventive est fort problématique, selon moi. En fait, en invoquant de façon préventive la disposition de dérogation, un gouvernement dit qu'il sait qu'il brime les droits fondamentaux des Canadiens, mais qu'il procède tout de même, et ce, sans donner la chance aux tribunaux de s’exprimer.
[Traduction]
Soyons clairs. En invoquant de façon préventive la disposition de dérogation, un gouvernement dit qu'il sait qu'il brime les droits et libertés fondamentaux des Canadiens, mais qu'il procède tout de même; cela, sans donner la chance aux tribunaux de s’exprimer.
Le , le et d'autres membres du Cabinet ont clairement dit que le gouvernement est préoccupé par l'invocation préventive de la disposition de dérogation et le gouvernement fédéral est fermement résolu à défendre les droits et libertés protégés par la Charte.
La Charte est l'expression de certaines des valeurs les plus fondamentales de la société canadienne. Elle garantit nos droits et libertés. J'ose dire qu'elle représente ce que c'est que d'être Canadien. Ces droits et libertés sont le fondement même de notre pays et de notre démocratie. Cependant, la Charte reconnaît que même ces droits cruciaux ne sont pas absolus, et c'est pourquoi l'article 1 existe.
L'article 1 de la Charte fournit un cadre réaliste et pragmatique pour équilibrer les différents droits et libertés et il est inclus parce qu'un gouvernement peut parfois justifier la restriction des droits et libertés constitutionnels. Au fil de décennies de jurisprudence, le Parlement et les assemblées législatives provinciales se sont engagés dans ce dialogue permanent avec nos tribunaux.
Le recours préventif à la disposition de dérogation met fin à ce dialogue. Il permet de passer outre au dialogue qui est nécessaire pour garantir le fonctionnement en bonne et due forme de la Charte.
[Français]
Notre tradition constitutionnelle est marquée par le dialogue, notamment entre le législateur et le tribunal. Le recours préventif à la disposition de dérogation vient limiter ce dialogue en limitant le débat judiciaire.
Lorsqu'on utilise la disposition de dérogation de façon préventive, ces dialogues et débats deviennent plutôt théoriques, puisque les tribunaux n'ont pas l'occasion d'ordonner des mesures de réparation.
II est aussi important de rappeler qu'un pouvoir judiciaire fort et indépendant représente la pierre angulaire d'une démocratie saine. L'usage préventif de la disposition de dérogation limite le travail de nos tribunaux, qui ne peuvent pleinement assumer leur rôle prévu par notre Constitution.
[Traduction]
Entre 2001 et 2017, l’article 33 n’a jamais été invoqué. La pratique qui consistait à n’y recourir que rarement semblait être la norme, et la disposition de dérogation était considérée comme une mesure exceptionnelle.
Depuis 2017, en revanche, les provinces se sont mises à invoquer de façon préventive cette disposition pour empêcher la contestation d’une loi. C'est arrivé en Ontario, au Québec et au Nouveau‑Brunswick, et la Saskatchewan a menacé d’y recourir.
Que perd-on en invoquant cette disposition de façon préventive? La transparence, la volonté politique et la responsabilité. La Charte n’a pas été conçue pour dispenser un gouvernement de ces conditions. Au contraire, la nécessité de justifier les limites imposées aux droits et libertés sert précisément ces objectifs. Le recours approprié à la disposition de dérogation est conforme à ces objectifs, mais son utilisation préventive va à l’encontre des valeurs que la Charte est censée protéger.
[Français]
Si le recours à la disposition de dérogation était autrefois exceptionnel, il en demeure que son utilisation est en hausse. Je répète que l'utilisation de la disposition de dérogation est certes légale, mais elle ne doit pas être prise à la légère, puisqu'elle a pour effet de suspendre des protections juridiques garanties par les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés.
Je suis d'avis qu'un gouvernement qui utilise un recours d'une telle portée doit exposer les considérations exceptionnelles qui justifient à ses yeux la suspension de ces protections juridiques.
En terminant, je souhaite souligner à quel point tous les députés de la Chambre peuvent se considérer chanceux d'être Canadiens et de pouvoir compter sur les droits reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés. II en revient à nous tous à la Chambre d'en assurer la protection.
:
Monsieur le Président, pour débuter, j'aimerais parler de ce beau et grand pays qu'est le Canada, un pays béni de richesses variées et abondantes qui font l'envie du monde.
Pensons entre autres à l'hydro-électricité du Québec, qui répond à nos besoins énergétiques et qui chauffe nos maisons, et qui alimente en énergie nos voisins en Ontario et dans l'État de New York, aux États‑Unis. Pensons aussi au blé et aux autres produits agricoles qui aident à nourrir la planète. Pensons même au pétrole qui permet de produire du matériel médical et qui continue de chauffer nos domiciles dans cette période de transition vers une économie plus verte et plus propre. Pensons enfin à nos cours d'eau, qui nourrissent nos écosystèmes et qui servent de courroies de navigation pour transporter nos ressources, nos produits intérimaires et nos produits finis vers les marchés en Amérique du Nord et outremer.
Cependant, ce qui fait réellement la force d'un pays, ce sont les valeurs qu'incarnent ses citoyens. Ici, au Canada, les Canadiens et les Canadiennes, y compris les Québécois et les Québécoises, privilégient les valeurs du vivre-ensemble et de l'entraide. Ils privilégient également les valeurs démocratiques. Ce sont des valeurs qui se traduisent, entre autres, par un profond attachement à la Charte canadienne des droits et libertés dans notre Constitution canadienne. Que ce soit en Colombie‑Britannique, à l'Île‑du‑Prince‑Édouard, au Québec ou en Ontario, les Canadiens et les Canadiennes de partout au pays tiennent mordicus à leurs droits et libertés, peu importe les gestes que peuvent poser les gouvernements de temps en temps.
Pensons par exemple à la regrettée Nicole Gladu, qui s'est servie de la Charte canadienne des droits et libertés de la Constitution canadienne pour affirmer son droit à l'aide médicale à mourir. Je dois souligner que c'est un tribunal québécois qui lui a accordé ce droit en vertu de la Charte. Je crois qu'il nous incombe de remercier et de rendre hommage à Pierre Elliott Trudeau d'avoir consacré sa vie politique à faire rapatrier notre Constitution et à y inscrire cette charte, une des plus modernes du monde entier parce qu'elle reconnaît les intérêts des collectivités.
La Charte comprend également une disposition de dérogation. Il faut souligner que cette disposition ne peut être utilisée pour brimer les droits des minorités de langue officielle. C'est un point que je tiens à souligner, car beaucoup de personnes oublient souvent que cette disposition de dérogation ne peut pas brimer tous les droits, certains étant garantis par la Charte et la Loi constitutionnelle de 1982.
Depuis mon élection, et même auparavant, je n'ai jamais été en faveur d'invoquer cette disposition de dérogation, ce que peut par ailleurs faire le Parlement en vertu de la Constitution, même si on semble l'oublier. Or, cette disposition existe et elle sert un objectif précis, celui de permettre au gouvernement fédéral ou à un gouvernement provincial de prendre le temps de réfléchir et de s'ajuster à une décision d'un tribunal qui invaliderait une de ses lois totalement ou en partie. Son application est cependant limitée dans le temps, et ce n'est donc pas un chèque en blanc ni un champ ouvert. En effet, le recours à cette disposition de dérogation doit être renouvelé tous les cinq ans.
Il y a plusieurs éléments de cette disposition qu'on peut qualifier de démocratiques. Par exemple, elle donne le dernier mot, mais pas tout à fait, car le mot doit être répété tous les cinq ans. Elle permet à une assemblée législative de se retirer sur une base temporaire d'une décision de la cour.
Évidemment, nous pouvons débattre de cette question, mais, selon moi, la disposition de dérogation a été conçue pour permettre à la cour de statuer et de donner un avis ancré dans nos traditions juridiques, dans notre système de droit. De surcroît, la disposition de dérogation a été conçue dans l'optique de créer l'obligation d'avoir un débat politique ouvert sur le bien-fondé de l'utilisation de la disposition de dérogation, et ce, aux cinq ans.
Dans les deux cas qui sont devant la cour présentement, soit les lois 96 et 21, le gouvernement Legault, de la province de Québec, a utilisé cette disposition de manière préventive. Cela a pour effet de couper l'herbe sous le pied de la cour. Les mains de la cour sont en fait liées. La cour ne peut rien faire. On sait que, dans le cas de la loi 21, c'est la Cour supérieure du Québec qui s'est exprimée sur certains aspects de la loi qui briment des droits. Cependant, elle a admis qu'elle ne pouvait rien faire à cause de la disposition de dérogation.
Ce qui est problématique dans l'utilisation de la disposition de dérogation de manière préventive, c'est que, non seulement les mains de la cour sont liées, mais on ne peut avoir un plein débat sur l'utilisation de la disposition, un débat au sein d'une assemblée législative sous les feux de la caméra, un débat suivi dans tous ses détails par nos médias. Je trouve cela extrêmement problématique et cela vient ajouter un élément antidémocratique à une disposition qui est, on doit l'admettre, démocratique et bien légale.
Une question s'impose lorsque les gouvernements utilisent cette disposition de manière préventive, que ce soit au Nouveau‑Brunswick, en Ontario, au Québec ou n'importe où au Canada. De quoi ces gouvernements ont-ils peur? Ont-ils peur de leurs juristes, de leurs cours, ou de leurs citoyens? Ont-ils peur que leurs citoyens suivent le débat sur une mesure qui vient retirer leurs droits et qu'ils changent d'opinion au sujet de la mesure que le gouvernement en question a instaurée au moyen de sa loi? Ces gouvernements ont-ils peur des deux, des juristes et de la population dans son ensemble?
Je m'arrête maintenant et je suis prêt à répondre aux questions.
:
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Après huit ans de gouvernance lamentable du , ce dernier tente maintenant de détourner l'attention de son bilan, de la crise du coût de la vie qu'il a créée, des plus hauts pics d'inflation en 40 ans et de la multiplication par deux du prix des loyers et des coûts hypothécaires. Il veut détourner l'attention des Canadiens de l'utilisation record des banques alimentaires, de la dette record sur les cartes de crédit et du fait qu'il a triplé la taxe sur le carbone. Il veut que les Canadiens oublient que les crimes violents sont en hausse de 32 %, que les homicides liés aux gangs sont en hausse de 92 %, qu'il entretient des relations étroites avec des lobbyistes qui coûtent une fortune, et qu'il a violé les règles d'éthique.
Le premier ministre tente encore une fois d'attiser les divisions au Canada. Il essaie aussi de créer une fausse crise constitutionnelle. C'est sa dernière tentative de diviser et de détourner l'attention de ses échecs.
Pour sa part, le Bloc québécois n'a pas de solutions aux vrais problèmes du Québec. Le 15 juin 1991, il y a plus de 30 ans, en contestation à l'échec de l'accord du lac Meech, Lucien Bouchard, accompagné d'autres députés, a fondé le Bloc québécois, et ce, pour une période « temporaire ». Est-ce que j'aurais moi-même fait partie de ce groupe? Peut-être. Cependant, le Bloc québécois temporaire de 1991 n'a rien à voir avec le Bloc québécois de 2023. En tout cas, ce n'était pas l'intention de Lucien Bouchard à l'époque.
Aujourd'hui, on comprend pourquoi le Bloc québécois, à l'image du Parti libéral du Canada, est complètement déconnecté de la réalité des citoyens du Québec. Il prend une journée complète, une journée de l'opposition, pour parler de la Constitution, alors qu'il y a tellement d'autres sujets plus importants pour les Québécois.
Comme lieutenant du Québec pour le Parti conservateur du Canada, j'essaie de comprendre où s'en va le Bloc québécois avec ses stratégies parfois très nébuleuses. Il faut noter que je ne m'attaque pas aux députés dûment élus, mais à l'organisation politique, qui n'a que la souveraineté du Québec à l'esprit et qui, sous de grandes envolées souvent lyriques de son chef, n'a qu'une idée en tête: faire tomber la fédération canadienne.
C'est pour cette raison que je remets en question le choix stratégique de consacrer une journée complète de débat à parler d'un sujet qui n'intéresse pas les Québécois: la Constitution canadienne. N'y a-t-il pas un sujet plus important pour les Québécois actuellement?
Malgré ses grands discours patriotiques, je comprends que le Bloc québécois n'en a que pour le gouvernement libéral et son programme gauchiste.
Dans les huit dernières années, nous avons vu un Bloc québécois désorienté, qui cherche à marquer des points politiques sur différents dossiers alors que les citoyens du Québec s'attendent à ce que leurs députés fédéraux travaillent pour eux.
Dans le document intitulé « Proposition Principale », préparé en prévision du congrès national du Bloc québécois de mai prochain, l'article 070 indique ceci: « Nous revendiquons le droit de nous tromper, de revoir nos positions, de changer d’idée. » Profitons donc de cet engagement pour corriger le tir.
Il y a plusieurs exemples d'actions du Bloc québécois qui sont discutables. Était-ce une bonne idée d'appuyer le projet de loi du gouvernement libéral, la fameuse loi qui permet aux voyous des gangs de rue d'éviter la prison et aux agresseurs sexuels de purger leur peine à la maison au lieu d'être à la bonne place, en prison? Était-ce une bonne idée d'avoir voté avec le gouvernement libéral en faveur du projet de loi , qui permet aux pires criminels de bénéficier d'une libération sous caution alors qu'ils sont toujours une menace pour la société? Était-ce une bonne idée de vouloir punir les chasseurs et les Autochtones en soutenant le projet de loi des libéraux?
Le Bloc a un programme très à gauche. Il est le meilleur allié du gouvernement libéral. Est-ce que les Québécois le savent?
J'entends des collègues qui rient. Ils peuvent bien rire. Qu'ils rient tant qu'ils veulent. Les faits sont les faits.
Lors de la création du Bloc par Lucien Bouchard, ce dernier a clairement mentionné que le Bloc québécois devait être une mesure temporaire. Plus de 30 ans après la création de ce parti, on voit vraiment l'usure. Le paragraphe 018 de la « Proposition Principale » mentionne ce qui suit: « Nous sommes comme l’immense majorité des Québécoises et des Québécois: c’est naturellement vers l’Assemblée nationale du Québec que nos regards se tournent lorsqu’on nous parle de notre gouvernement. » Nous voyons encore un parti qui se cherche.
C'est un parti politique qui prétend soutenir l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec. Pourtant, il a mis toute son énergie et ses ressources pour soutenir le Parti québécois lors de la dernière campagne électorale au Québec en travaillant contre la Coalition Avenir Québec, dont le gouvernement en place a remporté l'élection par une très grande majorité. Comment le Bloc peut-il prétendre être un allié du gouvernement du Québec lorsque son objectif est de faire élire des députés péquistes? De plus, comment peut-il être reconnu comme étant porte-parole efficace du Québec alors qu'il n'a réussi à faire élire que trois députés du Parti québécois?
Une voix: Ce n'est pas assez pour jouer aux cartes.
M. Pierre Paul-Hus: Monsieur le Président, effectivement, ce n'est pas assez.
Voici une autre proposition du Bloc que l'on retrouve à l'article 068 de sa proposition principale: « Nous nous opposons à la censure, à la culture de l'annulation, à l'intimidation, à l'humiliation et aux tribunaux populaires qui se substituent au système de justice, notamment sur les réseaux sociaux et sous le couvert de l'anonymat. Nous sommes des tenants de la conversation ouverte et de la société de droit. »
Or le projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes après avoir été amendé par les sénateurs. Les sénateurs conservateurs ont tout fait pour faire adopter des amendements afin d'empêcher le CRTC, soit le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, d'exercer un contrôle exagéré des algorithmes à cause d'un gouvernement autoritaire qui déciderait d'imposer des règles. Dans le cadre du projet de loi C‑11, les sénateurs conservateurs ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher qu'un gouvernement, quel qu'il soit, exerce des pouvoirs supplémentaires sur le contrôle des algorithmes pour tout ce qui est numérique. Les sénateurs indépendants libéraux ont refusé. Le projet de loi sera renvoyé à la Chambre.
Le Bloc québécois appuie le projet de loi C‑11. Je sais que ce projet de loi contient des éléments positifs, mais il y a des éléments très critiques auxquels il faut s'opposer absolument. Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi le Bloc appuie les libéraux dans le cadre d'un projet de loi qui va mener à plus de contrôle du fédéral sur ce que les Québécois vont pouvoir écouter ou regarder sur Internet. Est-ce que c'est cela, la mission d'origine du Bloc québécois de 1991? Je ne le pense pas.
Nous avons donc à nos côtés un parti déconnecté, un parti souverainiste de gauche qui marche main dans la main avec les libéraux. Il faut vraiment le faire. Pour leur part, les conservateurs combattront l'inflation, annuleront la taxe sur le carbone, mettront fin au gaspillage du gouvernement et licencieront les consultants qui coûtent cher. Les libéraux créent de la division, mais je dois donner raison au , qui dit régulièrement que le Bloc ne cherche que la chicane.
Les députés du Bloc sont très condescendants. Malheureusement pour eux, ils n'ont pas le monopole de la vérité en ce qui concerne le peuple québécois. De notre côté, nous cherchons à travailler pour l'unité et le respect de tous les Canadiens, et cela inclut tous les Québécois.
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Monsieur le Président, n’en déplaise au député du Parti libéral, nous sommes aujourd’hui saisis d’une motion de l’opposition qui porte sur une question constitutionnelle, alors qu’il y a tant d’autres problèmes qui préoccupent les Canadiens. Si le député tient à ce que je continue de parler de la Constitution, de son histoire et de ce qui nous a menés jusqu'ici, je suis tout à fait disposé à le faire, mais il faudrait qu’il me donne son plein consentement, car j’aurais besoin d’au moins une heure et demie pour traiter à fond de la question.
Cela dit, je vais revenir sur la situation dans laquelle se trouve notre pays, sur les divisions constitutionnelles que certains cherchent à attiser, et sur la motion dont la Chambre est saisie aujourd’hui. Les Canadiens sont loin d’être satisfaits du statu quo. Ils sont même très préoccupés quand ils voient que les crimes violents ont augmenté de 32 % et que les homicides liés à des gangs ont augmenté de 92 %. On voit que des lobbyistes libéraux influents s’en mettent plein les poches pendant que les Canadiens doivent faire face à une inflation sans précédent depuis 40 ans et au triplement de la taxe sur le carbone. C’est ça le problème que nous avons au Canada.
En ce qui concerne la position des conservateurs sur la question des droits et libertés des Canadiens, je dirai que le Parti conservateur s’en est toujours fait le champion. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler la citation célèbre du grand John Diefenbaker: « Le Parlement est autre chose qu’un code de coutumes; il a la garde de la liberté de la nation. » C’est à nous, parlementaires, qu’il incombe de défendre les droits et les privilèges des Canadiens. N’oublions pas que lorsque John Diefenbaker a présenté la Déclaration canadienne des droits, les députés du Parti libéral l'ont appuyée avec peu d'enthousiasme.
Il suffit de remonter à Jack Pickersgill. C'était un adversaire farouche de John Diefenbaker, qui avait dit à son sujet: « Le Parlement sans Pickersgill, ce serait comme l’enfer sans le diable. » Quoi qu’il en soit, si on consulte les déclarations de Pickersgill de l’époque, on constate que le Parti libéral n’a fini par appuyer la Déclaration des droits proposée par Diefenbaker qu’à son corps défendant. Il a même déclaré: « J’ai toujours pensé que les droits de la personne seraient mieux protégés par un Parlement élu que par des juges nommés. Malgré les réticences de certains députés, nous avons décidé, au caucus libéral, que nous ne pouvions pas, pour des raisons politiques, nous opposer au principe d’une déclaration des droits. »
Ne laissons pas les libéraux avoir le monopole de la protection des droits et des privilèges des Canadiens. Les députés du Parti conservateur ont toujours défendu les droits et les libertés les Canadiens.
En fait, les principes sur lesquels s’arc-boute la fondation de notre pays reconnaissent les libertés des Canadiens, qui ne sont pas apparues comme par magie en 1982. Nos droits, nos libertés et privilèges ne nous ont pas été conférés, comme par magie, en cette fameuse journée du printemps de 1982. Tout cela provient d’une longue évolution des principes constitutionnels qui régissent notre pays, depuis la Magna Carta et jusqu’à aujourd’hui.
En ce qui concerne la motion dont nous sommes saisis et les divisions que certains cherchent à attiser, n’oublions pas qu’en tant que parlementaires, nous représentons tous les citoyens, tous les Canadiens de ce pays uni, même s’il existe des différences au sein de notre société.
N’oublions pas non plus que c’est pendant le mandat du premier ministre Stephen Harper que le Parlement a reconnu, par une motion, que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni, reconnaissant ainsi que les Québécois ont une histoire et une culture distinctes et uniques, mais qu’ils font partie d’un Canada uni. Cela illustre bien l’évolution du mouvement conservateur: reconnaître qu’il y a des différences, mais que ces différences enrichissent notre pays.
J'aimerais citer George-Étienne Cartier, un des fondateurs de notre pays, qui a déclaré ceci:
Une distinction de cette nature existera toujours, de même que la [diversité] paraît être dans l’ordre du monde physique, moral et politique.
Quant à l’objection [voulant] qu’une grande nation ne peut pas être formée parce que le Bas-Canada est en grande partie français et catholique et que le Haut-Canada est anglais et protestant, et que les [provinces maritimes] sont mixtes, elle constitue, à mon avis, un raisonnement [complètement] futile. [...] Dans notre [confédération], nous aurons des catholiques et des protestants, des Anglais, des Français, des Irlandais et des Écossais, et chacun, par ses efforts et ses succès, ajoutera à la prospérité et à la gloire de la nouvelle confédération.
Voilà la vision que la Chambre des communes devrait aspirer à incarner. Elle doit représenter la diversité des points de vue, des origines et des schèmes de pensée afin que le Parlement, dans son ensemble, représente les Canadiens. Nous devons, maintenant et pour toujours, défendre les droits et les libertés des Canadiens. En tant que conservateurs, nous allons toujours être du côté des familles de vaillants travailleurs de notre pays qui ne ménagent pas leurs efforts chaque jour pour subvenir aux besoins de leurs êtres chers.
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Monsieur le Président, je tiens à préciser que je vais partager mon temps de parole avec mon honorable collègue d’.
J'aimerais d'abord, à la suite de la tragédie survenue à Laval hier, prendre un instant pour exprimer mes pensées pour les enfants de cette garderie qui a été frappée par un geste insensé et horrible, ainsi que pour leurs parents et leurs familles. Je pense également aux employés de cette garderie. Je pense que nous devons avoir une réflexion collective au sujet des nombreux problèmes de santé mentale. Enfin, j'espère que nous aurons plus de détails au cours des prochains jours.
Cela étant dit, je voudrais commencer par dire une chose qui risque d'en surprendre plus d'un. Je tiens à remercier le Bloc québécois d'avoir déposé cette motion dans le cadre de cette journée de l'opposition. Il est rare que je dise une telle chose, et cela va peut-être en faire sourire certains. Toutefois, je pense qu'il s'agit là d'un débat fondamental, au sens premier du terme, puisque nous parlons des droits et des libertés fondamentaux des citoyens et des citoyennes que nous représentons.
Cela nous permet de mener un débat sur notre vision de la démocratie, un débat juridique, constitutionnel et politique, presque philosophique. Il est important d'avoir ce type de débat dans un Parlement. Au-delà de cela, il s'agit d'une discussion et d'un débat de la société civile au complet, d'une réflexion sur des gestes que posent nos assemblées législatives et qui ont aussi des conséquences extrêmement concrètes dans la vie des gens. On ne fait pas que pelleter des nuages. On ne fait pas qu'avoir des différends sur des visions qui s'opposent. Ce débat porte sur l'utilisation d'une disposition légitime qui existe, mais qui a des conséquences sur les gens. Nous ne devons pas oublier et nous devons le prendre en considération.
La disposition de dérogation fait partie d'une espèce de compromis. Nous sommes au courant de l'exclusion du Québec lors de la nuit des longs couteaux. On ne reviendra pas là-dessus. C'est épouvantable, surtout pour René Lévesque et pour le Québec en entier. Or, on y a négocié l'utilisation de la disposition de dérogation. Il ne faut pas le nier, c'est vrai. Cependant, comme pour toute utilisation, on peut soit en faire une bonne ou une mauvaise.
Je pense que, dans l'histoire, on en a fait une bonne utilisation avec la Charte de la langue française au Québec qui, à la suite de contestations, a pu utiliser la disposition de dérogation. Cela a permis également un débat de société et l'évaluation par des tribunaux de l'utilisation de cette disposition. L'utilisation de la disposition de dérogation visait, dans ce cas, un bien commun qui était plus grand: la défense de la langue française au Québec dans une situation minoritaire en Amérique du Nord. Je pense qu'aujourd'hui, ce qu'on appelle la loi 101 fait largement consensus au Québec 40 ou 50 ans après son adoption, et ce, peu importe à qui on en parle.
Est-ce que cela veut dire qu'on peut utiliser la disposition de dérogation pour tout et n'importe quoi? Il n'y a rien d'absolu. Comme la liberté d'expression n'est pas absolue, l'utilisation de la disposition de dérogation ne devrait pas non plus, à notre sens, au NPD, en tant que progressistes, être absolue.
Par ailleurs, ce n'est pas uniquement à neuf juges de la Cour suprême de décider quels doivent être les critères ou les conditions de son utilisation. C'est pour cela que j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un débat public qui doit se dérouler dans notre société au complet. Je pense que de déterminer quand doit être utilisée cette disposition fait partie d'une discussion démocratique saine et légitime.
Rappelons qu'au départ, c'était pour une utilisation exceptionnelle, presque en dernier recours. Aujourd'hui, on voit plusieurs assemblées législatives, pas uniquement l'Assemblée nationale du Québec, l'utiliser de façon répétitive, peut-être même abusive, systématique — mes collègues du Bloc n'aimeront pas nécessairement ce dernier mot —, mais aussi préventive, ce qui est extrêmement troublant.
Nous devons nous demander si le législateur peut, en tout temps et sans justification majeure, suspendre la majorité des droits et libertés, qui sont pourtant protégés. N'a-t-il pas à donner de très bonnes raisons pour justifier son utilisation et pour s'assurer d'être capable de faire face à une plaidoirie et à une contestation judiciaire?
Autrement, cela voudrait dire qu'un Parlement majoritaire pourrait faire, en matière de violation des droits fondamentaux, tout et n'importe quoi, en tout temps et sans justification. Je pense qu'il y a là matière à réflexion. Je sais que cela fait bondir mes collègues du Bloc, mais rappelons les mots du philosophe français Albert Camus: « La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. »
C'est une conception des droits fondamentaux qui doivent être un rempart contre une utilisation tous azimuts et sans limites d'une disposition de dérogation qui suspend les droits des citoyens et des citoyennes. C'est un rempart qui a déjà été utilisé par le passé en tant que protection judiciaire et permanente et qui a joué en faveur du droit à l'association, des droits des femmes à l'avortement ou des droits des conjoints de même sexe.
On a deux pôles. D'un côté, on a l'expression démocratique qu'est le Parlement et de l'autre côté, l'État de droit et des chartes qui protègent les citoyens et les citoyennes. Il y a une discussion entre les deux. Ces chartes ne sont pas uniquement la Charte canadienne des droits et libertés. Il y a aussi la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui est arrivée avant la Charte canadienne des droits et libertés. Ne l'oublions pas. Ensuite, il y a la société civile et les médias.
On doit rappeler que c'est un usage exceptionnel et que l'utilisation préventive n'était pas prévue au départ.
Je veux citer certains juges de l'arrêt Ford. Le juge Jacques rappelle que l'exercice du pouvoir de l'article 33 doit donc s'inscrire à l'intérieur des principes fondamentaux de notre société. Il rappelle que cette utilisation prive le citoyen d'un recours judiciaire constitutionnel contre l'empiétement sur un droit que la Constitution lui garantit, pour limiter son recours au seul recours politique, en disant que, si on n'est pas content, on a juste à renverser le gouvernement. C'est un peu un pléonasme, parce que c'est justement le gouvernement, par sa majorité, qui a imposé la disposition de dérogation. Il doit donc y avoir plus qu'un recours politique.
Dans le cas du Québec, rappelons aussi que la Cour supérieure écrivait récemment que « [...] par définition, dans une société soucieuse de respecter les droits fondamentaux qu'elle accorde à ses membres, l'utilisation de la clause dérogatoire devrait se faire de façon parcimonieuse et circonspecte. D'aucuns peuvent penser que l'utilisation faite dans le cas à l'étude par le législateur québécois la banalise d'autant plus que la dérogation intervient avant tout débat judiciaire sur [s]a validité constitutionnelle [...]. » L'utilisation préventive vient couper court à toute discussion et au débat et elle vient menotter le juge dans sa capacité à défendre les droits fondamentaux.
Le juge Blanchard de la Cour supérieure continuait en disant que « puisqu'il s'agit de neutraliser des droits et libertés fondamentaux, le simple respect de ceux-ci devrait militer en faveur d'une utilisation plus ciblée de ce pouvoir qui, après tout, doit demeurer exceptionnel. »
Il doit demeurer exceptionnel dans l'utilisation pour suspendre des droits et libertés des citoyens et des citoyennes, mais il doit aussi être exceptionnel dans le cas où on s'attaquer aux droits des travailleurs et des travailleuses.
On a vu en Saskatchewan et récemment en Ontario une utilisation préventive de la disposition de dérogation pour suspendre les droits des travailleurs et des travailleuses d'exercer des moyens de pression et de négocier librement leurs conditions de travail et leur contrat de travail. En Ontario, on parle de 55 000 travailleuses professionnelles du secteur de l'éducation qui sont mal payées, qui ont tout à fait le droit de revendiquer de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. On a vu un gouvernement conservateur qui est venu s'attaquer au mouvement syndical, qui a voulu briser les droits de ces travailleuses avec une utilisation, à notre sens, abusive de la disposition de dérogation. Je trouve que cette discussion est importante. parce qu'on voit ce dérapage et ce glissement. En tant que militant syndical, en tant qu'homme de gauche, partisan des droits des travailleurs et des travailleuses, je pense qu'on doit se poser cette question: est-ce qu'on peut utiliser la disposition de dérogation pour s'attaquer à des droits fondamentaux des travailleurs et des travailleuses, à leurs conditions de travail, au fait qu'elles veulent revendiquer une meilleure vie?
Je pense que cela fait partie du mouvement social depuis plusieurs années de promouvoir de meilleures conditions de travail et de meilleures conditions de vie, de lutter contre la pauvreté, de lutter contre les inégalités. Une utilisation abusive de la disposition de dérogation vient ici saper des droits fondamentaux d'association des travailleurs et des travailleuses, de libre négociation. C'est bien qu'on se pose la question sur les conditions d'application et d'exercice de cette disposition qui déborde la simple question du Québec, mais qui vient s'attaquer au mouvement syndical, aux citoyens et aux citoyennes et à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses. Posons-nous donc cette question qui est fondamentale.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole d'abord sur un sujet plus général, la Charte canadienne des droits et libertés. Après ce petit écart, je reviendrai à la motion dont nous sommes saisis.
Soulignons qu’au moment de son adoption, la Charte canadienne des droits et libertés était controversée. Lorsque la Constitution a été rapatriée, nous n’étions pas habitués à l’idée d’une charte écrite, quelque chose qui relève d'une tradition de droit civil, parce que nos institutions avaient été fondées sur le système britannique, qui tient la suprématie du Parlement comme sacrée. Un compromis a été atteint lors du rapatriement de la Constitution, et le Parlement national ainsi que les parlements provinciaux ont accepté de se restreindre à une constitution écrite et à une charte écrite des droits et libertés.
Je dirais qu’à l’époque, ce fut un cas d'exercice de la souveraineté parlementaire et d'une restriction volontaire. Nous avions reconnu que nous devions nous mettre d’accord sur les règles de base de notre vivre-ensemble et que celles-ci devaient être difficiles à modifier; c’est pourquoi nous avons une constitution écrite. Nous avions également reconnu que, même dans un système britannique, coucher la Charte par écrit contribuerait à préserver les droits et libertés des Canadiens.
Soit dit en passant, mon propre enthousiasme pour la Charte, à l’époque, a été tempéré par ce qu’on a souvent qualifié d’omission de l’orientation sexuelle dans un article de la Charte, comme si elle avait été en quelque sorte inconnue ou oubliée à l’époque. Ce n’était pas le cas, et je le savais bien. Je sortais tout juste de l’université et je travaillais ici, à la Chambre des communes, pour Ed Broadbent à l’époque. Pendant l'examen en comité de la Loi constitutionnelle par la Chambre, le député néo-démocrate Svend Robinson avait proposé d’ajouter l’orientation sexuelle à l’article 15 en tant que motif protégé contre la discrimination.
C’était à l’étape du comité. Il y a eu un débat et un vote pour savoir si l’orientation sexuelle devait faire partie de ces droits protégés. La proposition d’ajouter l’orientation sexuelle a été rejetée par 22 voix contre 2, seuls Svend Robinson et Lorne Nystrom du NPD ayant voté pour. Il a fallu une série d’affaires judiciaires après l’adoption de la Charte pour confirmer que l’orientation sexuelle constituait un motif de discrimination interdit analogue aux motifs énumérés dans la Constitution.
Les députés comprendront dans un instant où je veux en venir. Je vais établir un lien avec la disposition de dérogation.
Les membres de la communauté LGBTQ+ ont poursuivi le combat pour faire reconnaître leur droit à l'égalité. Il y a eu une toute une série de causes judiciaires, à commencer par l'affaire Haig et Birch c. Forces armées canadiennes en 1992, suivie d'Egan c Canada en 1995 pour aboutir à l'affaire Vriend c Alberta en 1998. Toutes ces causes ont servi à bien faire comprendre que ce n'est pas parce qu'un droit comme le droit à la citoyenneté ou le droit de ne pas subir de discrimination en raison de son orientation sexuelle n'est pas inscrit dans la Charte qu'il n'est pas protégé.
En 1998, la Cour suprême du Canada a constaté l’omission de l’orientation sexuelle dans la loi albertaine sur les droits de la personne. À noter que dans cette cause, la Cour suprême du Canada se prononçait sur la validité d'une loi de l'Alberta. La Cour suprême a constaté que cette omission constituait une violation du droit garanti par la Charte à une protection égale par la loi. Autrement dit, à l'époque, la Cour suprême du Canada a ordonné à l'Alberta de modifier sa loi de sorte qu'elle assure une protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, conformément à la Constitution et à la Charte.
Tout de suite après, des Albertains ont réclamé l’application de la disposition de dérogation. Ce fut instantané. Pourquoi le gouvernement de l’Alberta ne l’a-t-il pas fait? C'est parce qu’il y a eu un tollé public contre l’utilisation de la disposition de dérogation. L'opposition à cette idée était alors très forte, car le gouvernement de l’Alberta, à peine quelques mois auparavant, avait présenté un projet de loi pour invoquer la disposition de dérogation. Dans cette affaire, une décision avait été rendue contre le gouvernement, qui avait procédé à la stérilisation forcée des personnes atteintes de déficience intellectuelle. Les victimes avaient remporté un important règlement contre le gouvernement de l'Alberta, qui avait donc présenté un projet de loi proposant le recours à la disposition de dérogation pour limiter l’indemnisation des personnes ayant été stérilisées de force.
La tentative d’utiliser de la disposition de dérogation pour interdire l’indemnisation qui avait été remportée à juste titre devant les tribunaux en raison de ce traitement discriminatoire avait suscité un énorme tollé. Ce précédent datait de seulement quelques mois auparavant, ce qui a alimenté le débat sur le recours à la disposition de dérogation dans le but de contourner la décision de la Cour suprême d'imposer l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la loi albertaine sur les droits de la personne.
C’est ainsi que ceux qui ont adopté la Constitution et la Charte pensaient que la disposition de dérogation fonctionnerait: à la suite de décisions judiciaires ou législatives controversées. Il ne s’agissait pas de l'utiliser comme mesure préventive, mais plutôt pour réagir à l’évolution du droit. En fin de compte, qui doit décider si le recours à cette disposition est légitime? C’est la Cour suprême du Canada, car notre pays fonctionne selon la primauté du droit.
Nous sommes saisis d'une motion qui dit, en des termes assez simplistes, que c’est aux provinces de décider si elles veulent ou non utiliser la disposition de dérogation, ce qui est manifestement faux sur le plan juridique. C’est également faux d’un point de vue politique. Il ne revient pas strictement aux provinces de décider, c'est évident. C’est aux Canadiens de décider de l’action appropriée et de juger leurs gouvernements.
Je reviens à l’Alberta. Deux ans après qu’une série de décisions judiciaires ont reconnu le droit au mariage entre personnes de même sexe, l’Alberta a ajouté à sa loi sur le mariage une disposition de dérogation lui permettant de dire que le mariage n’est qu’entre un homme et une femme. Dans un renvoi devant la Cour suprême en 2004, cette dernière a conclu que, pour des raisons de compétence, l’Alberta ne pouvait pas recourir à la disposition de dérogation. Autrement dit, puisque le mariage relève de la compétence fédérale, l’Alberta ne pouvait pas utiliser la disposition pour s'affranchir de cette réalité. Le gouvernement fédéral a le pouvoir exclusif de prendre cette décision.
Encore une fois, nous avons l’exemple d’une situation où ce n’est pas à une province de décider si elle veut utiliser une disposition de dérogation. La Cour suprême a jugé qu’elle ne pouvait pas le faire pour des raisons de compétence.
Après ce très long détour sur des questions qui sont très importantes pour moi personnellement et pour un grand nombre de Canadiens, nous revenons au point de la motion dont nous sommes saisis, qui dit qu'« il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l’utilisation de la disposition de dérogation ». Les arguments que j’ai présentés aujourd’hui montrent clairement que ce n’est pas le cas. Ce n’est pas quelque chose qu’un gouvernement peut décider de faire.
Nous avons la Constitution et nous avons la primauté du droit. Cependant, et c’est le plus important, les trois exemples de l’Alberta illustrent comment ceux qui ont conçu la Charte et la Constitution pensaient que cela fonctionnerait. L’opinion publique joue un rôle énorme quant à ce que les gouvernements peuvent et ne peuvent pas faire lorsqu’il s’agit du recours à la disposition de dérogation. C’est pourquoi je pense que l’utilisation préventive est problématique.
En appliquant la disposition sans qu'il y ait eu de débat public, qu'un tribunal ait rendu une décision ou que quoi que ce soit soit arrivé sur un sujet donné, une province évite tout cela. Elle anticipe les résultats. Cela dénote une attitude selon laquelle, plutôt que d’essayer de trouver une solution au problème qui se pose, il est plus simple de devancer le débat et de dire que nous ne parlerons pas de cette question et que nous ferons tout ce que nous voulons. Malheureusement, je pense que la motion du Bloc renforce l’idée que cela serait approprié au Canada dans la démocratie que nous avons.
Si nous examinons les cas où la disposition de dérogation a été utilisée, elle l’a été le plus souvent par opportunisme, lorsque la négociation collective échouait. En 1986, le gouvernement conservateur Devine de la Saskatchewan a utilisé la disposition de dérogation pour mettre en œuvre une loi de retour au travail après avoir échoué à conclure un accord avec les employés du secteur public.
Plus récemment, en 2022, le gouvernement Ford a utilisé la disposition de dérogation pour interdire de façon préventive la grève des travailleurs de l’éducation et leur imposer un contrat. Je dirais qu’il existe un droit à la négociation collective et que le fait de contourner ce droit au moyen de la disposition de dérogation signifiait que le gouvernement ne voulait tout simplement pas s’asseoir et négocier équitablement avec les travailleurs.
Entre 1990 et 2018, la disposition de dérogation n’a été utilisée que quatre fois, et beaucoup d’entre nous pensaient qu’elle était en train de disparaître. Le fait que nous en débattions aujourd’hui, comme s’il s’agissait d’un pouvoir illimité des provinces, est inquiétant. Comme je l’ai dit, nous savons déjà qu’elle est limitée. Elle est limitée dans le temps, puisqu’elle ne peut être utilisée que pendant cinq ans. Elle ne s’applique pas à certains articles de la Constitution. Elle est limitée par les décisions de la Cour suprême sur la question de compétence.
Espérons que l’utilisation de la disposition de dérogation sera toujours limitée par l’opinion publique de ce pays et par la partie de notre culture politique et de nos valeurs politiques qui dit que nous sommes très fiers de notre Charte des droits et libertés, et que la dérogation à une partie de ces droits et libertés ne doit pas être prise à la légère.
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Madame la Présidente, je tiens à préciser que je vais partager mon temps de parole avec le député de . Je n'ai qu'une rivière, il en a trois et nous allons partager cela à parts égales.
La motion d'aujourd'hui est rédigée ainsi: « Que la Chambre rappelle au gouvernement qu’il revient au Québec et aux provinces de décider seuls de l’utilisation de la disposition de dérogation. »
La disposition de dérogation, ou la clause dérogatoire ou, plus communément appelée la clause nonobstant, est une disposition inscrite à l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle donne aux élus du peuple, à l'Assemblée nationale du Québec, au Parlement fédéral et aux assemblées législatives des provinces et des territoires, la capacité d'adopter des lois qui pourraient aller à l'encontre de l'une ou l'autre des dispositions de la Charte.
L'article 33 est libellé ainsi:
Le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d’une disposition donnée de l’article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.
Il y a ensuite le fait qu'on dit que la loi en question aura effet indépendamment des dispositions de la Charte, qu'elle doit être renouvelée tous les cinq ans, sinon elle sera échue, et que, finalement, tout cela est conforme.
On me dira que cela va de soi. On pourrait me dire que tout cela a déjà été réglé, que c'est inscrit dans nos lois depuis 1982 — cela fait maintenant 41 ans —, et que, finalement, aujourd'hui, en principe, on parlerait pour ne rien dire. Je voudrais bien qu'on n'ait pas cette motion devant la Chambre aujourd'hui parce que c'est une question qui est réglée pour moi aussi.
Or, on a entendu le s'exprimer depuis quelque temps en proposant que la disposition de dérogation ne puisse être utilisée qu'après que les tribunaux auront invalidé une loi.
Il y a un premier ministre qui propose de laisser les gens dépenser temps et argent dans des recours judiciaires inutiles pour, en fin de compte, se faire dire que, gagnant ou perdant, ils auront perdu. On va dépenser des dizaines de milliers de dollars, voire des centaines, pour aller chercher un jugement en Cour supérieure, en Cour d'appel ou en Cour suprême. Si jamais on a la chance de gagner, le gouvernement va dire que c'est bien dommage et que, même avec la disposition de dérogation, même si on a gagné, on perd. Cela me semble totalement illogique.
Nos tribunaux sont présentement encombrés. Il y a des délais; on parle souvent d'années avant d'avoir un procès. Pourquoi veut-on en rajouter? Je ne sais même pas pourquoi. Il faudrait demander au premier ministre pour quelle raison il propose cela. Cela me semble tellement absurde. Cependant, je dirais que, à certains égards, c'est fascinant.
D'abord, la Cour suprême a tranché dans l'arrêt Ford, en 1988, en établissant que l'Assemblée nationale du Québec a pleine liberté d'inscrire la disposition de dérogation dans toute loi qu'elle adopte, si tel est son désir. Elle peut le faire d'une manière préventive, sans avoir à attendre qu'un tribunal invalide la loi au préalable. Le tribunal n'a pas l'autorité de juger de la substance de la loi ou de la légitimité de l'invocation de la disposition de dérogation. Le seul rôle du tribunal consiste à regarder si la disposition de dérogation respecte la forme prescrite. Cela veut dire qu'elle doit être explicite et préciser à quel article de la Charte elle entend soustraire la loi en question.
Inutile d'ajouter que le gouvernement de René Lévesque avait adopté la Loi concernant la Loi constitutionnelle de 1982 qui introduisait, de manière préventive encore, les dispositions de dérogation pour toutes les lois québécoises. Bref, la Loi est claire, elle est en vigueur depuis 40 ans et on ne l'a pas ou à peu près pas contestée.
La Cour suprême a confirmé la façon de la lire, mais tout cela, pour une raison qui m'échappe, n'a pas l'air d'atteindre l'oreille de notre premier ministre. J'avoue avoir très hâte de voir comment nos collègues libéraux, surtout notre premier ministre, voteront sur cette motion.
Dans une note de recherche en 2016, le professeur de droit à l'Université de Sherbrooke Guillaume Rousseau a dénombré 41 lois adoptées par l'Assemblée nationale du Québec qui comprenaient au moins une évocation de la disposition de dérogation.
À ce sujet, il y en a au moins 11 qui sont toujours en vigueur. Sur ces 41 lois, 9 prévoyaient des dérogations aux deux chartes, soit la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne québécoise.
Au total, il y avait 32 dérogations à la charte québécoise et 18 dérogations à la charte canadienne. Tout cela, ce sont des statistiques.
Ce qui est intéressant, c'est de lire les exemples. On parle de la Loi sur Financière agricole du Québec qui prévoit une aide financière pour la relève agricole, donc les jeunes agriculteurs de 40 ans et moins. On s'entend que c'est de la discrimination basée sur l'âge. C'est effrayant, aux yeux de la Charte, mais cela a bien du sens aux yeux de la société québécoise. On s'est dit que cette loi serait en vigueur malgré les dispositions de la Charte. C'est donc une utilisation de la disposition de dérogation. Personne n'a déchiré sa chemise là-dessus.
La Loi sur l'équité en matière d'emploi enjoint au gouvernement de privilégier des personnes issues de communautés sous-représentées. Encore une fois, cela contrevient aux deux chartes; on parle de discrimination. Puisque la société québécoise trouvait que cela avait de l'allure, la Loi a été adoptée malgré les dispositions de la Charte, en invoquant l'article 33 sur la disposition de dérogation.
Je veux aussi parler de la Cour des petites créances. On a décidé d'instaurer cela pour alléger le processus judiciaire dans les causes moins importantes financièrement, soit celles de 15 000 $ et moins. On s'est dit que cela n'avait pas de bon sens que pour une cause, par exemple de 10 000 $, des gens attendent des années en cour et se paient un avocat au coût de 20 000 $ ou 30 000 $ pour peut-être aller chercher un jugement de 15 000 $ ou de 10 000 $. On a donc créé la Cour des petites créances où les avocats ne sont pas autorisés à représenter des clients. Les gens se représentent eux-mêmes. Le tribunal rend une décision après les avoir entendus et après avoir consulté l'ensemble de la preuve. Cela va à l'encontre de la Charte parce que le droit à l'avocat y est reconnu. Comme société, on trouvait que cela avait de l'allure; on a adopté cela en utilisant la disposition de dérogation.
Autre exemple, la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec prévoit l'anonymat des enfants. On trouvait cela important, au Québec. Je pense que c'est pareil partout au Canada. Cependant, l'anonymat va à l'encontre des dispositions de la Charte parce que les procès sont publics. Il faut dire que, récemment, on a vu autre chose, mais je n'en parlerai pas, car j'ai seulement dix minutes et cela m'en prendrait vingt pour parler de cela. Je disais donc que la Charte dit que les procès doivent être publics. On a créé la Chambre de la jeunesse en utilisant la disposition de dérogation de l'article 33.
Tout cela, ce sont des choix que l'Assemblée nationale du Québec a faits. Elle avait le loisir de le faire grâce à une chose. Malgré le fait que le gouvernement fédéral ait décidé d'adopter la Loi constitutionnelle de 1982 dans le dos du Québec, sans obtenir l'aval du Québec, il a quand même eu le minimum de décence de permettre au Québec de sortir de là avec les dispositions de dérogation de l'article 33. C'était l'entente entre le premier ministre du Canada et les premiers ministres des neuf autres provinces, sans le Québec, en 1982.
Je rappellerais qu'en 1982, c'était le père de notre premier ministre actuel qui était là. Malgré le fait qu'on trouvait qu'il n'était pas toujours décent, à plusieurs égards, il a eu cette décence de dire que même s'il faisait cela dans le dos du Québec, il lui permettrait de s'en sortir.
Comment se fait-il qu'aujourd'hui le premier ministre actuel remette en cause ce que son père a décidé à l'époque et qu'il tente de brimer l'autonomie des provinces et celle du Québec? Cela m'apparaît indécent.
J'écoutais mes collègues parler de différentes mesures législatives au Canada avec lesquelles ils ne sont pas d'accord. Je ne serais peut-être pas d'accord moi non plus au sujet de décisions prises ailleurs. Il n'en demeure pas moins que la démocratie, c'est le droit de légiférer, et cela inclut le droit de se tromper. Il ne faut pas oublier cela.
Un État démocratique n'est pas un État qui adopte des lois qui conviennent aux citoyens des autres États. Un État démocratique adopte des lois qui conviennent à ses citoyens, aux sujets de cette démocratie-là.
Moi, je veux respecter la démocratie qui permet au gouvernement ontarien ou à tout autre gouvernement d'adopter des lois qui ne nous conviendraient peut-être pas au Québec. Je respecte cela. C'est à leurs citoyens d'en décider. Ils ont des élections là aussi.
Chez nous, nous voulons nous prévaloir de notre droit à la démocratie. Nous voulons que notre gouvernement et notre Assemblée nationale adoptent des lois qui sont conformes à nos valeurs et qui nous ressemblent, sans avoir à s'imposer les normes que le gouvernement fédéral a décidé d'imposer à tout le monde, encore une fois dans le dos du Québec, sans notre accord.
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Madame la Présidente, au début de mes études en philosophie, en 1992, le premier problème qui nous a été présenté était celui de la notion de gouvernement des juges. Dix ans après l'imposition de la Charte, notamment au Québec, on s'était demandé si, au bout du compte, ce sont les juges et les non-élus qui doivent prendre les décisions. Ce débat n'est donc pas nouveau.
Au Parlement, quand il est question de la disposition de dérogation, un ange passe. D'ailleurs, je connais un auteur français qui aurait beaucoup à dire à ce sujet.
Commençons par l'histoire.
Cicéron expliquait que le verbe derogare, qui veut dire « déroger », est composé du privatif de, c'est-à-dire un préfixe qui enlève quelque chose, comme dans « dédouaner », « démissionner » ou « déblatérer », et de rogare, qui signifie « demander ». Le mot « déroger » est donc, au sens strict, « dé-demander ». Autrement dit, on veut sortir de quelque chose.
Oresme, un autre philosophe, qui était aussi astronome, mathématicien, économiste, musicologue, physicien, traducteur et théologien de langue latine — tous des profils que l'on retrouve sur les banquettes d'en face —, ayant vécu dans les années 1300, nous a laissé deux héritages: la célèbre citation « Je sais donc que je ne sais rien » et l'usage juridique du mot « dérogatoire ».
Dans toute discussion, le plus délicat est toujours de faire la différence entre une querelle de mots et une querelle de fond. Afin de régler la querelle de fond, voyons au préalable aux mots.
Je répète souvent à la Chambre qu'un mot est la combinaison d'un son et d'un sens et que, parfois, la confusion s'installe. Prenons l'exemple du son du mot « laïcité ». Tout le monde va me croire: à la Chambre, on peut donner au moins deux sens à ce mot. Quand on utilise des mots comme « laïcité » ou « dérogatoire », il importe de préciser ce dont on parle.
Le mot « dérogatoire » fait référence au fait d'abroger une loi ou certaines de ses dispositions. Quand il est question, en langage plus courant, de la « clause nonobstant », c'est un peu la même chose. L'expression latine non obstare veut dire « ne pas faire obstacle ». La « clause nonobstant » empêche le gouvernement fédéral de faire obstacle au gouvernement provincial; dans ce cas-ci, il s'agit du gouvernement du Québec. Dans tous les cas, la disposition dérogatoire constitue une protection accordée par le législateur, rédacteur initial, afin de ne pas faire obstacle à l'avenir, au progrès de la société ou aux changements qui surviennent au fil du temps.
Dès son inscription dans la Constitution de 1982, qui n'a jamais été signée par le Québec — mes collègues vont l'entendre 32 fois aujourd'hui —, Trudeau père, ayant vu poindre la possibilité d'un gouvernement des juges, avait lui-même jugé favorable l'ajout de la disposition en question. Il avait même déclaré, dans un style que je n'oserai pas imiter:
Je dois avouer franchement que je ne crains pas vraiment la clause dérogatoire. On peut en abuser comme de toute chose, mais il suffit de se reporter à la Déclaration canadienne des droits adoptée par Diefenbaker en 1960; elle comporte une clause dérogatoire qui n'a pas fait grand scandale. Je ne crois donc pas que la clause dérogatoire nuise beaucoup à la Charte. C'est un moyen pour les assemblées législatives fédérale et provinciales de garantir que ce sont les représentants élus du peuple plutôt que les tribunaux qui ont le dernier mot.
Dès le départ, la disposition de dérogation a donc eu comme horizon de permettre aux gouvernements de la fédération l'expression de leurs choix, de leurs préférences. On a enchâssé leur droit de faire une chose plutôt qu'une autre, sans pour autant que ce choix ne touche les autres membres de la fédération.
Je vais maintenant dire ce qui suit, afin de désamorcer la question que me poserait certainement mon collègue de .
La disposition de dérogation permet des compromis entre les partenaires en matière d'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs des différentes cultures membres de la fédération.
Prenons de la hauteur un instant, sans parler du ballon chinois.
À ce sujet, sur le plan géographique, le Canada est un territoire immense. On en convient tous, puisqu'il s'étend sur environ 10 millions de kilomètres carrés. Si l'on transposait ce territoire immense en Europe, par exemple, qui s'étend sur environ 9,9 millions de kilomètres carrés, on se rendrait compte que l'Europe contient 56 entités, souveraines. Comme les députés le savent, la France peut être contenue six fois dans le Québec. Dans les régions françaises, en Bourgogne ou en Alsace, par exemple, la culture est différente. La manière de vivre et l'identité sont différentes. Il y a 56 entités qui font partie de l'Europe. La France n'est pas l'Allemagne, l'Allemagne n'est pas la Finlande et la Finlande n'est pas l'Italie.
Ici, sans la disposition de dérogation, ce serait la même chose pour tous sur 10 millions de kilomètres carrés, du pâté chinois pour tous. Cela n'a pas de sens. Cela ne reconnaît pas les spécificités de chacun ou, du moins, de certains territoires.
À mon avis, sur le plan de la géographie, le Canada est une erreur historique. Si on suit la logique européenne, certains membres se seraient rapprochés, d'autres se seraient éloignés, et le Québec serait un État souverain dans le vaste ensemble de l'Amérique du Nord. La disposition de dérogation est venue amoindrir ou pallier cette erreur historique en permettant, lorsque nécessaire, une correction. Cette disposition vient ici corriger l'inhérent déséquilibre ou iniquité de tout texte de loi, qui est un texte figé dans le temps. Cette disposition donne de la flexibilité aux membres d'un gouvernement, de la fédération, dans les cas non prévus par le législateur.
Quand on parle d'iniquité, il faut parler d'équité. On dit que l'équité est une forme plus parfaite de justice parce qu'elle tient compte des exceptions. Quand on trace une ligne équitable, c'est une ligne qui va moduler autour des deux points afin de pouvoir refléter les préoccupations de chacun, contrairement à une ligne égalitaire, qui est une ligne droite entre deux points. La disposition de dérogation instaure de l'équité, et elle veille aussi à éviter ce qu'on qualifie de gouvernement par les juges. On laisse la maîtrise de leur destin aux élus, plutôt qu'aux nommés.
Le Québec, avant toute chose, c'est la diversité et la tolérance. Le Québec, c'est une histoire, une culture et une identité distinctes.
Il y a une philosophe polonaise que j'aime beaucoup qui s'appelle Maria Ossowska. Elle prônait que, dans les relations entre les nations, on devait faire preuve d'ouverture d'esprit, de courage, d'honnêteté intellectuelle, de sens critique, de responsabilité de la parole — qui parfois fait défaut à la Chambre — et d'un sens de l'humour. Ce qu'on veut dire, surtout, c'est que, dans les relations entre les nations, il convient d'être décent et de traiter l'autre comme on voudrait soi-même être traité.
Je conclus par cette citation anonyme: « Un traité est une parole éternelle. L'expérience prouve qu'il est pratique de se départir de la parole donnée. La première dérogation crée une logique pour la seconde, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de la parole donnée. »
C'est un peu ce qu'on souhaite.
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Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole cet après-midi. Je vais partager mon temps de parole avec la députée d’.
Je tiens d'abord à souligner que nous sommes réunis ici sur les terres traditionnelles non cédées du peuple algonquin.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais faire part à mes collègues de quelques réflexions importantes sur la Charte canadienne des droits et libertés. Il s’agit d’un document qui a inscrit dans le droit canadien des droits et des libertés fondamentaux auxquels, je pense, les gens du monde entier aspirent. Au fil des ans, ce document a été un guide dans ma vie. Je pense qu’il a servi de guide à de nombreuses personnes dans ce pays. Bien qu’il ne soit pas parfait, il a offert une voie très importante vers la reconnaissance des droits internationaux de la personne et de leur universalité. Bien sûr, nous pouvons faire remonter cette reconnaissance à la Déclaration universelle des droits de l’homme qui a été signée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’à l’ancienne Déclaration canadienne des droits et à d’autres pactes et documents internationaux auxquels le Canada est partie.
Sur une note plus personnelle, ma famille est venue au Canada il y a 40 ans cette année. Nous avons fui un conflit armé au Sri Lanka, où les droits des minorités étaient éliminés, le à volonté et souvent avec l’appui de la loi. Dans cette Chambre, dans ce pays et dans ma circonscription, des millions de Canadiens peuvent faire remonter leur l'histoire à des difficultés parce que les gouvernements ont choisi de supprimer leurs droits en raison de leur identité.
En fait, au Canada, nous pouvons souvent voir ce genre de choses. Le député d’ a parlé de l’expérience de la communauté LGBTQI, et bien sûr, la députée de a souvent parlé de la disparité entre les Canadiens autochtones et non autochtones.
La Charte canadienne des droits et libertés a établi une référence que nous devons suivre à bien des égards. Bien qu’il soit important que nous ayons pu conclure cet accord en 1982 avec les provinces en incluant la disposition de dérogation, cette disposition a toujours été destinée à être utilisée avec parcimonie par les gouvernements.
[Français]
Notre Charte est aussi une source d'inspiration pour les nombreux pays qui ont bâti certains de leurs documents constitutionnels à son image. Bref, en tant que Canadien, je suis fier qu'il y a 40 ans, nous ayons décidé, en tant que société, de nous doter d'un tel instrument.
[Traduction]
L’article 33 de la Charte, que l’on appelle communément la disposition de dérogation, a permis d’atteindre un compromis politique entre les différentes entités composant le Canada lors de l’adoption de la Charte. Cet article autorise le Parlement ou l’assemblée législative d’une province à déroger à certaines dispositions de la Charte, notamment celles qui protègent les libertés fondamentales, les garanties juridiques et le droit à l’égalité.
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Madame la Présidente, ce survol historique vise à souligner deux points importants.
Premièrement, il est important de rappeler qui s’est servi de la disposition de dérogation dans un contexte politique et historique particulier. L’utilisation de cette disposition était exceptionnelle jusqu’à tout récemment lorsque l’Ontario l’a utilisée de façon préventive. Le coût politique était tout simplement trop élevé pour qu’il en soit autrement.
Deuxièmement, les assemblées législatives des provinces avaient l'habitude d’invoquer la disposition de dérogation en réponse à la décision d’un tribunal. À mon avis, le seul temps où il est potentiellement légitime de recourir à l’article 33, c'est si les tribunaux se sont prononcés. Notre tradition constitutionnelle est marquée par le dialogue. Tout recours préventif à la disposition dérogatoire qui élimine le débat judiciaire est contraire à nos traditions et doit être désapprouvé.
Pendant un certain temps, l’Assemblée législative du Québec a inclus une disposition de dérogation standard dans chacune de ses nouvelles lois; cette pratique s’est poursuivie jusqu’aux élections de 1995.
Par la suite, la clause dérogatoire n’a été invoquée que quelques fois par les législatures provinciales. Au milieu des années 1980, l’Assemblée législative de la Saskatchewan a adopté une loi de retour au travail invoquant la disposition de dérogation. Elle l’a fait en réponse à une décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan qui avait déclaré inconstitutionnelle une version antérieure de la loi qui ne comprenait pas de disposition dérogatoire. En fin de compte, la Cour suprême a cité l’Assemblée législative de la Saskatchewan, et elle a conclue que la loi ne contrevenait pas à la Charte et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’invoquer la clause dérogatoire.
L’Alberta a aussi eu recours à la disposition de dérogation. En 2000, la loi albertaine a adopté la Marriage Amendment Act, 2000. Cette loi modifiait la loi provinciale sur le mariage pour déclarer qu’un mariage ne pourrait unir que deux personnes de sexe opposé.
À part l’exemple initial et particulier du Québec immédiatement après le rapatriement de la Constitution en 1982, on constate que le recours à la clause dérogatoire a été relativement exceptionnel. Avant 2018, trois provinces seulement avaient des lois qui invoquaient la disposition de dérogation, et elles ne l’ont fait que quelques fois
Depuis 2018, il semblerait que l’intérêt pour l’utilisation de cette clause se soit renouvelé. L’Assemblée législative de l’Ontario a failli invoquer la disposition de dérogation en 2018 en réponse à une décision de la Cour supérieure de l’Ontario selon laquelle une loi visant à réduire la taille du conseil de la Ville de Toronto était inconstitutionnelle. La Cour d’appel de l’Ontario est toutefois intervenue pour empêcher l’utilisation de la disposition de dérogation.
Par la suite, l’Assemblée législative de l’Ontario a adopté, pour la première fois, une loi invoquant la disposition de dérogation dans la Loi de 2021 visant à protéger les élections et à défendre la démocratie. La disposition de dérogation a été invoquée en réponse à la décision de la Cour supérieure de l’Ontario, qui avait déclaré inconstitutionnelles certaines dispositions relatives aux dépenses électorales des tiers.
Ce nouveau projet de loi de l’Assemblée législative de l’Ontario révèle une tendance inquiétante. Comme je l’ai souligné, le recours à la disposition de dérogation était exceptionnel dans le passé, mais cela semble être de moins en moins le cas à l’heure actuelle. On pourrait ajouter à ces exemples la tentative ratée de l’Assemblée législative du Nouveau‑Brunswick en 2019.
Cette disposition ne doit pas être prise à la légère. Lorsqu’on l’a incluse dans la Charte, il n’a jamais été question qu’elle devienne un outil que l’on utilise régulièrement. Elle ne devrait servir que dans les cas de politique publique les plus pressants qui ne laissent envisager aucune autre option. À quoi servirait une charte qui incorpore des droits et des valeurs fondamentaux dans notre Constitution si nous y dérogeons au moindre inconvénient?
Une démocratie saine ne devrait pas être fondée sur la règle de la majorité. Elle doit respecter et protéger tous les Canadiens en leur donnant la chance de remettre en question les décisions du gouvernement au pouvoir. La Charte permet de contester des décisions gouvernementales en appliquant des lignes directrices claires. Il n’est pas normal qu’un gouvernement puisse prendre des décisions sans se soumettre à une évaluation scrupuleuse de la part de sa population. Cependant, l’article 33 vise à éviter tout débat et tout échange d’idées sur une mesure proposée. Il permet aux gouvernements de se cacher derrière la disposition de dérogation pour éviter de se remettre en question. Je ne pense pas que cela nous permette de vivre dans une démocratie saine.
Il faut également tenir compte du moment où la disposition de dérogation est invoquée. Lorsqu’on l’utilise de façon préventive, elle a des répercussions encore plus négatives sur notre système parlementaire, puisque les gouvernements peuvent adopter des lois sans s’inquiéter des répercussions de celles-ci sur les droits fondamentaux des citoyens. Son utilisation préventive risque de briser l’équilibre fragile qui existe entre la protection des droits fondamentaux et le fonctionnement efficace du système parlementaire.
Je conclurai en indiquant que je vois d’un mauvais œil ce recours fréquent à la disposition de dérogation. Cette pratique banalise nos protections les plus fondamentales. Je suis heureux de pouvoir discuter de cette question importante au nom des Canadiens de tout le pays.
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Madame la Présidente, en tant que députée d'Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill, je suis ravie de prendre la parole aujourd'hui au sujet de ce dossier très important. La Charte canadienne des droits et libertés est un texte fondamental qui reflète l'identité et les valeurs canadiennes.
J'aimerais d'abord citer quelques déclarations qui s'étendent sur une période allant des origines de la Déclaration canadienne des droits, proposée par John Diefenbaker, jusqu'à aujourd'hui. L'honorable John Diefenbaker a déclaré ceci:
Je suis Canadien, un Canadien libre, libre de m'exprimer sans crainte, libre de servir Dieu comme je l'entends, libre d'appuyer les idées qui me semblent justes, libre de m'opposer à ce qui me semble injuste, libre de choisir les dirigeants de mon pays. Ce patrimoine de liberté, je m'engage à le sauvegarder pour moi-même et pour toute l'humanité.
Comme nous le savons, cette déclaration date de 1960, année où la Déclaration canadienne des droits a été proposée.
En 1981, avant l'adoption de la Charte des droits et libertés, le très honorable premier ministre Pierre Elliott Trudeau a dit ceci:
Nous devons maintenant établir les principes de base, les valeurs et les croyances fondamentales qui nous unissent en tant que Canadiens, de sorte que par-delà nos loyautés régionales, nous partagions un style de vie et un système de valeurs qui nous rendent fiers de ce pays qui nous donne tant de liberté et une joie aussi immense.
Plus récemment, le 17 avril 2022, à l'occasion du 40e anniversaire de la Charte des droits et libertés, le actuel a déclaré avec éloquence:
La Charte protège les droits et libertés qui nous définissent comme Canadiens en nous permettant d’exprimer notre individualité et de célébrer nos différences. Érigée autour de nos valeurs communes d’égalité, de justice et de liberté, elle nous rapproche comme pays et comme population. Pour des gens du monde entier, elle fait aussi du Canada un endroit de choix où élever une famille.
Je sais qu'un grand nombre de résidants de ma circonscription tiennent à ces droits et libertés, et au fait qu'ils sont inscrits dans la Constitution.
C'est avec inquiétude que je reçois cette motion de l'opposition, et je suis préoccupée qu'on envisage l'utilisation préventive et croissante par les provinces, ou par certaines provinces, de la disposition de dérogation prévue dans la Charte canadienne des droits et libertés dans une tentative d'empêcher les tribunaux de déterminer si une mesure législative provinciale viole les droits et libertés fondamentaux inscrits dans la Constitution, ainsi que pour éviter un débat public sur ces questions.
L'Ontario a récemment présenté la Loi de 2022 visant à garder les élèves en classe, dont le nom n'est pas très approprié à mon avis, mais qui, si elle est adoptée par l'Assemblée législative, supprimerait dans les faits le droit à la négociation collective, qui est protégé par l'article 2 de la Charte garantissant la liberté d'association. C'est un exemple d'utilisation de la disposition de dérogation.
Un grand nombre d’intervenants ont souligné aujourd’hui l’utilisation accrue de cette disposition. Lorsque la Charte des droits et libertés a été enchâssée dans la Loi constitutionnelle de 1982, les Canadiens étaient fiers que les droits et libertés fondamentaux soient garantis et protégés par la Constitution, à savoir la liberté de conscience et de religion, la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, ainsi que la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association.
La Charte offre des garanties juridiques, comme le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Elle prévoit que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi. Bien entendu, ces droits peuvent être restreints par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Ces limites sont prévues à l’article 1 de la Charte.
L’adoption de la Charte il y a 40 ans constitue une étape majeure de la protection des droits fondamentaux au Canada. Je suis convaincu qu’elle a démarqué le Canada dans le domaine de la protection des droits de la personne. Elle s’inspire en partie de la Déclaration des droits présentée par l’honorable John Diefenbaker et dont j’ai déjà parlé.
C’était une loi quasi constitutionnelle qui méritait une interprétation large et libérale, mais elle était néanmoins seulement une loi fédérale, et les tribunaux l’ont appliquée avec prudence. Cette prudence était nécessaire dans notre contexte de souveraineté parlementaire afin d’éviter qu’un gouvernement ne défasse le travail accompli au cours d'une législature antérieure en adoptant une nouvelle loi incompatible avec la loi précédente.
L'équilibre entre la protection des droits fondamentaux et la reconnaissance de la souveraineté continue du Parlement est exprimé à l'article 2 de la Déclaration canadienne des droits, qui se lit comme suit:
Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression [...]
En d'autres mots, la Déclaration canadienne des droits stipule que les lois adoptées par le Parlement doivent être interprétées et appliquées de manière à ne pas restreindre ou enfreindre les droits et les libertés reconnus et déclarés dans celle-ci, à moins que le Parlement ne déclare expressément qu'une loi doit s'appliquer nonobstant la Déclaration.
La Charte canadienne des droits et libertés va beaucoup plus loin dans la protection des droits de la personne et établit un meilleur équilibre entre cette protection et la prise de mesures législatives. À l'article 1, la Charte garantit dans la Constitution les droits qui y sont énoncés et précise qu'ils ne peuvent être restreints que par la disposition sur les limites raisonnables. Elle assure la tenue d'un dialogue démocratique respectueux entre le Parlement et les assemblées législatives provinciales, ainsi qu'entre le Parlement et les cours de justice, en tenant compte de la portée et des limites des droits et libertés garantis.
Toutefois, selon le compromis politique qui a donné lieu à la version définitive de la Charte, en novembre 1981, une disposition de dérogation faisant écho à l'article 2 de la Déclaration canadienne des droits a été ajoutée à l'article 33 de la Charte. La disposition prévoit ceci:
Le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d’une disposition donnée de l’article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.
Il s'agit des dispositions qui garantissent les libertés fondamentales, les droits juridiques et les droits à l'égalité.
Selon plusieurs observateurs, avec je suis d'accord avec eux, il s'agissait d'un lourd prix à payer pour que les provinces parviennent à un consensus fort afin de rapatrier la Constitution et d'y enchâsser la Charte des droits. Toutefois, la politique est l'art du possible, et c'est ce qui a été possible et nécessaire pour parvenir à un consensus.
L’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule que « la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada ». Le Parlement et les assemblées législatives provinciales tirent leurs pouvoirs uniquement de la Constitution, comme la Cour suprême l’a souligné en 1998 dans le Renvoi sur la sécession. Au Canada, nous avons une suprématie constitutionnelle et non une suprématie parlementaire, ainsi qu’une culture politique qui valorise les droits fondamentaux, le débat démocratique et les décisions de nos tribunaux, qui sont les gardiens de la Constitution. Le Parlement et les assemblées législatives sont souverains dans les sphères de compétence qui leur sont attribuées par la Constitution et dans les limites des garanties de la Charte.
L’article 33 de la Charte a été conçu comme un outil de dernier recours et non de premier ressort. Il a rarement été invoqué pendant de nombreuses années, mais dernièrement on l’invoque beaucoup plus souvent. Toutefois, on ne devrait l’envisager que dans des circonstances absolument exceptionnelles.
Le gouvernement a toujours dit clairement qu’il était très préoccupé par l’utilisation préventive de la disposition de dérogation par les gouvernements provinciaux, et nous examinons diverses options. Nous sommes fermement résolus à défendre les droits et libertés protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Dans le dialogue entre le Parlement et les tribunaux, le premier mot prononcé ne devrait pas être le dernier.
Bien que l’utilisation de la disposition de dérogation soit légale, elle a de graves répercussions, parce qu’elle suspend les protections juridiques garanties par la Charte canadienne des droits et libertés qui, je le crois bien, sont des valeurs fondamentales auxquelles tous les Canadiens sont attachés.
Nous croyons qu’un gouvernement qui utilise un recours de cette ampleur doit définir les circonstances exceptionnelles qui justifient la suspension de ces protections juridiques. Le gouvernement s’inquiète quand des gouvernements l’utilisent de façon préventive avant d’entamer un débat ou avant que les tribunaux ne se soient prononcés. À notre humble avis, cela ne correspond pas aux valeurs canadiennes que sont la démocratie et les droits de la personne.
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Madame la Présidente, je dois dire d'entrée de jeu que je ne serai pas la vedette de ce segment. En fait, je fais la première partie du discours de mon collègue de , et j'en suis honoré.
Je suis un amoureux du Québec. J'ai eu la chance, le privilège énorme de voyager partout sur le continent dans le cadre de mon travail précédent, et à plusieurs endroits dans le monde pour le plaisir. Partout où nous passons, quand nous disons que nous sommes du Québec, on nous pose plusieurs questions, on est curieux. Qu'est-ce que c'est que c'est, cette bibitte, ce Québec qui refuse de se fondre dans l'océan anglophone de l'Amérique du Nord? Qu'est-ce que c'est, ce bout de pays où les gens ne mangent pas la même chose qu'ailleurs au Canada et où la mode est différente? On n'a qu'à regarder le député de Longueuil-Saint-Hubert. Aujourd'hui, il n'est pas pire, mais, habituellement, il nous surprend.
Qu'est-ce que c'est, cette province où l'immense majorité des artistes préfèrent s'épanouir dans leur langue plutôt que de profiter de la manne qui est à leur portée avec le marché anglophone? Toute la nation monte au créneau pour qu'on réserve aux artistes du Québec la place qui leur appartient sur les ondes radio, dans nos télés, dans nos cinémas et sur les plateformes de diffusion.
On a brièvement parlé tantôt du projet de loi . Mon collègue en a parlé dans son discours ce matin. Le projet de loi C-11 est une belle démonstration de la différence qui existe entre le Québec et le reste du Canada. Alors qu'au Québec, la communauté et l'industrie culturelle se sont mobilisées pour défendre la spécificité de la culture et de la culture d'expression française particulièrement, dans le reste du Canada, on avait d'autres préoccupations et on s'opposait à ce projet de loi pour d'autres raisons, qui sont celles du reste du Canada. C'est correct, mais cela démontre encore une fois qu'il existe des différences importantes.
Je vais continuer à parler des différences. Qu'est-ce que cette nation où les femmes se marient sans prendre le nom de leur époux? C'est quand elles se marient, parce qu'on se marie moins au Québec que dans le reste du Canada. Ce n'est pas que nos gens ne sont pas beaux ou qu'ils ne sont pas en amour. Nous ne pensons pas de la même manière, tout simplement. C'est une nation où les parents, de plus en plus souvent, donnent le nom de famille de la mère à leurs enfants. C'est assez nouveau.
À l'étranger, les gens nous demandent ce qu'on pense d'un Québec qui rejette l'exploitation des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables, qui préfère les voitures électriques aux pick-up trop gros pour nos besoins?
Comment gère-t-on une nation qui veut à tout prix protéger sa langue et sa culture, ses valeurs fondamentales et son modèle de société? Le nœud du problème, il est souvent là. Nous avons des différences de point de vue sur le modèle d'intégration, le modèle de société. Celui du Québec se veut ouvert, mais il requiert aussi une ouverture de la part de ceux et de celles qui veulent s'y intégrer. Il ne s'agit pas d'une ouverture au point de s'oublier et de se fondre dans une masse homogène. Non, ce n'est pas du tout ce que nous voulons. Ce que nous voulons, c'est une ouverture aux valeurs fondamentales qui sont le socle de la société québécoise: l'égalité entre les hommes et les femmes, la séparation de la religion et de l'État, le français comme langue officielle et comme langue commune.
Plusieurs députés qui siègent à la Chambre l'ignorent peut-être, mais il existe au Québec une déclaration à laquelle s'engagent celles et ceux qui souhaitent s'y établir. On y lit ceci:
Le Québec est une société pluraliste qui accueille des personnes immigrantes venues des quatre coins du monde avec leur savoir-faire, leurs compétences, leur langue, leur culture et leur religion.
Le Québec offre des services aux personnes immigrantes pour faciliter leur intégration et leur participation pleine et entière à la société québécoise afin de relever les défis d’une société moderne tels que la prospérité économique, la pérennité du fait français et l’ouverture sur le monde. En retour, les personnes immigrantes doivent s’adapter à leur milieu de vie.
Toutes les Québécoises et tous les Québécois, qu’ils soient natifs ou immigrés, ont des droits et responsabilités et peuvent choisir librement leur style de vie, leurs opinions ou leur religion; cependant tous doivent respecter toutes les lois quelles que soient leurs convictions.
L’État québécois et ses institutions sont laïques: les pouvoirs politiques et religieux sont séparés.
Toutes les Québécoises et tous les Québécois jouissent des droits et libertés reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne et d’autres lois et ont la responsabilité de respecter les valeurs qui y sont énoncées.
Il est ensuite question des valeurs communes. J'en ai nommé trois tantôt.
Les principales valeurs énoncées dans cette charte qui fondent la société québécoise sont les suivantes:
Le Québec est une société libre et démocratique.
Les pouvoirs politiques et religieux au Québec sont séparés.
Le Québec est une société pluraliste.
La société québécoise est basée sur la primauté du droit.
Les femmes et les hommes ont les mêmes droits.
L'exercice des droits et libertés de la personne doit se faire dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être général.
La société québécoise est aussi régie par la Charte de la langue française qui fait du français la langue officielle du Québec. En conséquence, le français est la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.
Ce sont des rappels importants à faire le plus souvent possible à la Chambre, parce que, on le constate régulièrement, on a tendance à l'oublier. Ce n'est pas nous qui l'oublions; nous nous en souvenons plutôt bien.
On ne se cachera pas que la raison derrière la résurgence du débat actuel sur la disposition de dérogation vient beaucoup du fait de l'utilisation récente par le Québec de l'article 33 dans le cas d'une loi qui touche la langue française et la laïcité de l'État. On revient souvent dans le débat public sur le parcours du Québec au fil des 75 ou 80 dernières années. C'est en fait depuis les années 1960 que les différences ont vraiment commencées à se faire sentir plus fortement.
L'affirmation des Québécoises et des Québécois, l'affirmation de leurs valeurs, c'est le désir de faire reconnaître leurs valeurs et leur vision de la société sans gêne, sans honte. On s'est libéré de quelque chose. Cela a été un long processus, mais on s'est libéré de quelque chose. On a souhaité une société laïque où la religion prenait le bord, parce que l'Église catholique a eu la mainmise sur la société québécoise pendant de trop nombreuses décennies. On voulait une société où l'Église ne met pas ses grosses pattes.
Je suis un enfant de cette génération. Dans les années 1960, j'ai étudié chez les frères. J'étais servant de messe. On allait à l'église tous les dimanches, et même plus souvent, dépendant de l'humeur de ma mère. Je comprends donc très bien le cheminement de la société québécoise, ce cheminement, qui a mené au rejet de la religion dans les affaires de l'État. On ne parle pas du rejet de la religion dans la vie du monde. Les gens ont le droit. Chez nous, au Québec, tout le monde pense que chacun a le droit de croire à ce qu'il veut, mais cette croyance et cette conviction religieuse se pratiquent en privé. Ce n'est pas quelque chose qui se pratique dans les services offerts à la population par l'État.
Quand on comprend et que l'on explique bien ce cheminement, on comprend aussi bien la vigueur avec laquelle les Québécois tiennent à distance le religieux des affaires de l'État. Le problème est aussi que les années passent et que les témoins de ce chemin parcouru sont de moins en moins entendus. Il est donc encore plus pertinent aujourd'hui de ne pas tomber dans le piège de la division. La division semble d'ailleurs être le cheval de bataille du premier ministre. Je vais donner l'exemple d'hier, quand on l'a entendu accuser le Bloc québécois de se foutre des francophones hors Québec. J'ai rarement entendu quelque chose d'aussi insultant.
Je reviens au projet de loi , qui était anciennement le projet de loi , et pour lequel le Bloc québécois a travaillé avec les associations francophones de partout au Canada, avec les Acadiens du Nouveau‑Brunswick et les francophones hors Québec de partout au pays, pour faire valoir tous ensemble l'importance de mettre en valeur la culture francophone du Canada au complet dans notre système de radiodiffusion. Se faire dire cela, hier, c'est une insulte inacceptable.
Bref, ne tombons quand même pas dans le piège de la division, parce que l'éviter est la seule chose qui va faire en sorte que nous pourrons bâtir une société dans laquelle nous pourrons collaborer malgré nos différences. Elles sont là, nos différences. Peu importe le modèle de société qu'on aura au cours de l'histoire, que ce soit au sein d'un Canada plus ou moins fonctionnel ou avec un Québec indépendant qui sera un bon partenaire et un bon voisin, il va falloir qu'on apprenne à maintenir le dialogue, à se parler, à se comprendre et à se respecter si on veut travailler de façon productive et intelligente. Sinon, on va toujours se chicaner.
Alors, je dis au diable les discours populistes et au diable la désinformation. Je réitère que la disposition de dérogation, même si cela ne doit pas être un buffet à volonté, est un outil important justement pour préserver la vision du Québec pour une société laïque, pour préserver et pour protéger le Québec et ses valeurs fondamentales, qui peuvent parfois choquer certaines personnes qui ne comprennent peut-être pas la réalité du Québec.
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Madame la Présidente, cela me fait plaisir de parler de ce sujet aujourd'hui.
Je veux juste prendre quelques secondes, au début de mon discours, pour transmettre mes meilleurs vœux aux familles touchées par le drame survenu à Laval, hier, puisque c'est la première fois que j'ai l'occasion de le faire à la Chambre. Je suis de tout cœur avec elles.
La motion d'aujourd'hui est beaucoup plus simple que ce que plusieurs parlementaires semblent penser. Elle rappelle comment cette disposition est écrite et ce qu'elle a comme fonction depuis une quarantaine d'années. Cela fonctionne.
L'intention de la motion d'aujourd'hui n'est pas d'aller changer quoi que ce soit, c'est de rappeler au gouvernement qu'il y a une seule chose sur laquelle on peut se baser quand on a besoin de protéger notre spécificité, dans la Constitution avec laquelle nous sommes dans l'obligation de vivre. Alors, de grâce, ne tombons pas dans le ridicule de me demander de reconnaître cette Constitution aujourd'hui. On connaît déjà la réponse. Nous demandons seulement de respecter au moins cette partie. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.
Je vais revenir sur quelques commentaires qui ont été faits aujourd'hui. Le député de se demande pourquoi le Bloc est encore ici. C'est parce que nous sommes des gens travaillants et que nous n'abandonnons pas notre cause. Bien sûr, nous aurions voulu que cela prenne moins de temps, mais ce n'est pas fait encore. Tant que cela ne sera pas fait, il faudra que nous soyions ici pour sauver les meubles. Nous le faisons avec brio et nous allons continuer à le faire, même si cela ne fait pas leur affaire. Ce qui me semble un peu plus dépassé, c'est le populisme conservateur. Je les inviterais peut-être à proposer des solutions constructives plutôt que de lancer des slogans à longueur de journée.
Quant au député de , qui faisait allusion au beau grand pays qu'est le Canada, je suis tout à fait d'accord avec lui. C'est un beau grand pays. Par contre, j'ai le regret de lui annoncer que ce n'est pas le mien, et je vais expliquer pourquoi.
Aujourd'hui, nous parlons de la Constitution avec laquelle nous vivons, que le peuple du Québec n'a jamais approuvée. Les gouvernements du Québec ne l'ont jamais approuvée. Cela ne date pas d'hier, c'est historique. J'ai l'impression que c'est une tentative de plus pour affaiblir le Québec et sa capacité à protéger son intégrité sociale, son modèle de société différent et sa volonté de vivre ensemble, qui est plus forte que l'individualisme. Ce sont des visions qui s'affrontent. Si ce n'est pas cela l'intention, j'aimerais l'entendre de la part des députés du gouvernement.
J'aurais bien le goût de donner un petit cours d'histoire pour que les gens ici réalisent que, chaque fois qu'on a adopté une loi constitutionnelle, elle n'était pas approuvée par le Québec. Les fois où cela avantageait un peu le Québec, c'est parce qu'on se servait de lui. Dans cette Confédération, on voit un gouvernement en dominer un autre, et cela ne fait pas notre affaire tout le temps. En fait, cela ne fait jamais notre affaire. D'ailleurs, c'est à tort qu'on l'a appelée ainsi. Si c'était une vraie confédération, nous aurions peut-être beaucoup moins de problèmes.
La Constitution contient cette disposition de dérogation qui nous permet de voter des lois raisonnables de façon collective. Tantôt, je dresserai une liste de quelques-unes de ces lois raisonnables, et mes collègues verront que c'est quelque chose de bien essentiel pour le Québec, contrairement à toutes les lois antifrancophones qui ont été votées dans l'histoire du Canada et à la volonté du fédéral de toujours bloquer l'émancipation québécoise.
J'aimerais aussi rappeler à la Chambre que le poids relatif du Québec à l'intérieur du Canada est en constante...
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Madame la Présidente, concernant la loi sur la relève agricole, comme société québécoise, on a décidé de donner un coup de pouce aux jeunes qui démarrent en agriculture. C'est sûr que c'est discriminatoire, parce qu'on va leur donner un soutien financier qu'on ne donne pas à des gens plus âgés. On applique la disposition de dérogation. Cela surprend, mais on parle de lois ordinaires.
Pour favoriser l'emploi de femmes ou de minorités visibles, on a utilisé la disposition de dérogation dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi. On interdit la présence d'avocats à la Cour des petites créances — mon collègue de en a parlé tantôt — pour permettre aux gens de ne pas hypothéquer leur maison pour se défendre dans des causes de moins grande importance sur le plan financier. Sans quoi, quelqu'un pourrait dire qu'il a le droit d'être défendu par un avocat et « scraper » tout le système. Ce sont des choses intelligentes comme cela qu'on a faites.
Est-il vraiment déraisonnable de protéger la vie privée des enfants dans les cas de droits de la jeunesse? Je pense que le gouvernement du Québec a fait la démonstration qu'il est raisonnable.
Comme je le disais tantôt, aujourd'hui, on assiste au choc des cultures. La Constitution de 1982 nous a été imposée de force. Nous vivons avec parce que nous n'avons pas d'autre choix et parce qu'un tribunal a décidé que c'était correct. Là, on nous demande de renoncer à la possibilité d'avoir recours à la disposition de dérogation pour donner ce pouvoir à ces mêmes juges. Est-on sérieux?
Le pouvoir des élus de se faire élire, de faire des choix collectifs et de présenter leur vision de société à leurs électeurs, c'est de cela qu'on parle. On oppose aujourd'hui l'individualisme aux valeurs collectives. Au Québec, on a décidé qu'on vivait ensemble avec des valeurs communes et on veut que cela continue à fonctionner.
Constamment, le gouvernement fédéral entrave notre travail au chapitre de l'administration. On l'a vu encore cette semaine: il n'y a pas moyen d'avoir notre fichu argent pour gérer nos hôpitaux. Les lois fédérales empiètent constamment sur les lois du Québec. Les lois se chevauchent constamment, particulièrement en immigration — cela intéressait quelqu'un tantôt — avec les délais épouvantables créés par le fédéral. On a cela constamment.
Quand on peut avoir recours à quelque chose de raisonnable pour avoir nos lois et les protéger, on vient nous dire qu'on ne peut pas le faire avant de passer 10 ans devant les tribunaux. Soyons raisonnables.
La motion n'est pas révolutionnaire. Nous demandons au gouvernement de reconnaître le contrat qu'il a fait dans notre dos et d'avoir un minimum de décence en le respectant.
Le Québec en a besoin pour protéger notre langue. Qui pourra reprocher à quelqu'un qui arrive au Québec de n'importe où dans le monde d'opter pour l'anglais, alors qu'il se rend compte que cela fonctionne en anglais sans problème et qu'il y a un bassin de 400 millions d'anglophones autour lui? C'est pour cela qu'on a besoin d'une loi.
Pour ce qui est de la religion, cela a été évoqué tantôt, on est en train d'opposer le modèle de neutralité religieuse adopté par le Canada à celui de la laïcité de l'État qu'on a choisi au Québec. Il y a un historique au Québec à ce chapitre. Un jour, on a dit: cela suffit; à chacun sa religion, mais pas dans le gouvernement. On mélange les droits individuels quand on fait ces débats. Mon droit individuel s'arrête où celui des autres commence. Si je représente un État, je n'ai pas à imposer mes symboles personnels aux gens que je reçois et que je sers. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas de la discrimination, mais, à cause de la Constitution qu'on n'a pas signée, on doit avoir recours à cette disposition de dérogation. On en a besoin. C'est un outil démocratique.
J'aimerais que les gens à la Chambre arrêtent de me faire des beaux discours sur le beau grand pays où tout le monde est différent et j'aimerais qu'on essaie 30 secondes d'arrêter d'écraser et de faire taire le Québec. Chaque fois qu'il y a un petit quelque chose, le gouvernement laisse passer un peu de temps, trouve une autre piste à essayer pour encore une fois noyer davantage le Québec et lui enlever des outils.
Heureusement, le Bloc québécois est encore à Ottawa après toutes ces années. C'est toute une chance que nous soyons là pour garder le fort. Le Québec est aujourd'hui devant deux choix: l'assimilation au modèle canadien ou l'indépendance dans sa différence. Je pense que le choix est de plus en plus évident. Vive l'indépendance!
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
J’aimerais commencer ma contribution au débat d’aujourd’hui en abordant l’un des points les plus récents soulevés par le député du Bloc qui a pris la parole avant moi. Il a dit que la Constitution a été imposée aux Québécois. Je rappelle au député que le Québec a décidé, non pas une fois, mais bien deux, de ne pas quitter le Canada. Pas plus tard qu’en 1995, c’est-à-dire après l’adoption de la Constitution de 1982, les Québécois ont choisi de ne pas quitter le Canada. Malgré le fait que le Bloc se présente à la Chambre et affirme un certain degré de souveraineté sur le Québec, je lui rappelle que la majorité des Québécois ont décidé de rester au sein du Canada.
Très franchement, en tant que député de l’Ontario, je leur en suis très reconnaissant. Je pense que si notre pays est aussi riche et diversifié, c'est grâce à l’incroyable contribution du Québec, à sa culture et à sa diversité. Il s’agit d’une relation qui a sans doute été difficile de temps à autre au fil des ans, mais qui a fait de notre pays un endroit meilleur. Elle n’a pas seulement ajouté au dynamisme et à la diversité culturelle, mais elle nous a encouragés à nous attaquer aux questions difficiles entourant cette relation et elle a fait du Canada un meilleur pays.
Ce qui me préoccupe au sujet de cette motion particulière aujourd’hui n’est pas que je considère que la disposition de dérogation posait problème au moment où elle a été intégrée dans la Constitution il y a des années. Je considère que c'est le recours préventif à celle-ci qui pose maintenant problème. J'aimerais surtout parler de l’utilisation qui en a été faite récemment en Ontario; toutefois, mon point de vue rejoint certains des commentaires que le député de a formulés plus tôt, et j’y reviendrai dans un instant.
Parlons du recours préventif de Doug Ford à la disposition de dérogation. Curieusement, juste après son arrivée au pouvoir, l’une de ses priorités a été de déterminer la composition du conseil municipal de Toronto. Ne me demandez pas pourquoi il a fait cela à titre de nouveau premier ministre de l’une des plus grandes provinces du pays. Je ne comprends pas pourquoi cela devait être une priorité, mais il en a été ainsi. Il a introduit dans une mesure législative le recours préventif à la disposition de dérogation.
Le problème est que, lorsqu’une personne a ainsi recours à la disposition de dérogation de manière préventive, elle dit essentiellement: « Je ne me soucie pas de savoir si la loi que j'adopte est constitutionnelle. Je ne me soucie pas de savoir si les tribunaux la confirmeront. Je ne suis même pas intéressée à plaider ma cause devant les tribunaux pour essayer de prouver que ce que je fais est juste ». Ce que ces personnes disent essentiellement, c’est qu’elles ne se soucient pas de tout cela parce qu’elles n’accordent aucune importance à la loi ou à la Constitution. C’est effectivement ce qui se passe lorsque les premiers ministres provinciaux tentent d'avoir recours à cette dérogation de manière préventive.
Dès le premier jour, Doug Ford l’a fait. Il l’a fait à nouveau, en 2021, avec la Loi de 2021 visant à protéger les élections et à défendre la démocratie, qui a finalement reçu la sanction royale, le 14 juin.
La dernière fois que Doug Ford a eu recours à cette disposition, que j’ai évoquée dans l’une de mes questions, c'était comme outil préventif pour empêcher les enseignants de pouvoir négocier de bonne foi. Imaginez cela. Les enseignants, comme tous les travailleurs organisés, ont le droit, dans notre pays, de négocier collectivement la position de leur syndicat. Il s’agit d’un droit fondamental pour les syndicats de notre pays, et je dirais même de la plupart des pays développés, surtout ceux qui fonctionnent dans un système démocratique comme le nôtre. Nous avons ici un premier ministre qui dit qu’il ne se soucie pas vraiment de leur capacité à négocier. Il ne se soucie pas de savoir s’ils veulent le faire. Il va simplement l’annuler avant même de présenter une loi, et déterminer qu’ils n’ont pas le droit de le faire.
J’ai trouvé cela très intéressant lorsque j’ai soulevé cet aspect précédemment et que j’ai demandé au député de ce que je pensais être une question très légitime. Cela m’inquiète. Je crois au processus de négociation collective. Je crois aux droits des syndicats. Je crois que les syndicats devraient avoir la capacité de négocier de bonne foi. J’ai toujours pensé que les membres du Bloc Québécois étaient du même avis. Ils ont toujours parlé ici des syndicats, des mouvements syndicaux forts et de la nécessité d’en avoir. C’est pourquoi j’ai posé une question très simple au député de Drummond: croit-il que le Québec devrait avoir le droit de piétiner ces droits syndicaux comme Doug Ford l’a fait? Le député de Drummond a critiqué ma question et a essentiellement dit que les provinces devraient avoir le droit de l’utiliser à leur façon, ce qui est une façon de dire qu’il l’appuie dans les faits.
Je n'ai d'autre choix que de croire que le Bloc Québécois est d’accord pour qu’une province, y compris le Québec, utilise la disposition de dérogation pour priver un syndicat de son droit de négocier. J’en conclus que ce qui compte le plus pour le Bloc québécois, plus que n'importe quel droit, c'est le pouvoir et le fait de protéger le pouvoir de la province de piétiner n'importe quelle loi. C’est essentiellement ce que disent les bloquistes lorsqu'ils ne répondent pas à cette question et qu'ils ne reconnaissent pas, à tout le moins, que Doug Ford a dépassé les bornes. Ils auraient pu le dire. Le député de aurait pu dire que Doug Ford est peut-être allé un peu trop loin, mais il ne l’a pas fait parce que le Bloc a peur de céder ne serait-ce qu'un millimètre dans ce dossier. Les bloquistes ne voudront jamais laisser entendre le moindrement qu’il pourrait y avoir quelque situation que ce soit où il ne serait pas approprié de recourir à la disposition de dérogation.
Je pense que quiconque regarde ce débat ou réfléchit au fait que le Bloc méprise ces droits dans le but de sauvegarder un pouvoir devrait être inquiet car, comme mon collègue néo-démocrate de la Colombie‑Britannique l’a dit plus tôt, nous vivons dans un pays fondé sur la primauté du droit. Nous vivons dans un pays reposant sur une Constitution qui confère certains droits et certaines responsabilités. Nous sommes tenus de les faire respecter, notamment le droit des travailleurs, y compris des syndicats, de négocier.
Je terminerai là où j’ai commencé, c’est-à-dire en disant que le fait que les provinces commencent à utiliser cet outil de manière préventive m'inquiète énormément, car elles déclarent ainsi qu’elles ne se soucient pas de savoir si ce qu’elles font est inconstitutionnel; elles le font quand même, et c’est un problème. C'est quelque chose qui devrait inquiéter tous les citoyens, car Doug Ford ne l’a peut-être fait que trois fois, sauf que cela n’avait pratiquement jamais été fait en Ontario auparavant.
Doug Ford et le gouvernement conservateur de l’Ontario ne font que tâter le terrain. Ils misent sur le fait que les gens finiront par ne plus vraiment s’en soucier parce que ce se sera produit plusieurs fois sans que le ciel nous tombe sur la tête. Nous devons faire très attention. Nous devons protéger cela et nous devons voir à ce que le recours abusif à la disposition de dérogation ne prive personne de droits que lui confère la Constitution.
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Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui pour parler de cette motion particulière présentée par le Bloc.
Je ne suis pas surpris que les bloquistes présentent cette motion, car, après tout, du point de vue du Bloc, ils veulent causer la division, même si, lorsque nous examinons leur tentative cette fois-ci, l'hypothèse du député de est juste.
Si nous réfléchissons à la logique, ce que le Bloc propose en fait, c’est de dire que le gouvernement fédéral ne joue aucun rôle et qu’il devrait se taire lorsqu’une province veut invoquer, de façon préventive, la disposition de dérogation. Le meilleur exemple que je puisse donner est celui de la province de l’Ontario, qui est la plus grande province du pays sur le plan de la population. Lorsque la province de l’Ontario déclare qu’elle veut supprimer les droits des travailleurs, nous devrions tous être inquiets, car cela touche des milliers de personnes. Le Bloc essaie de donner la fausse impression qu’il est pour le mouvement syndical ou les travailleurs, mais cette motion contredit cela. Cependant, je ne suis pas surpris par le Bloc. Je m’y attends.
Par contre, je peux affirmer aux députés que les Canadiens seraient très déçus d'apprendre que l'opposition officielle partage le même point de vue, et c'est là-dessus que j'aimerais revenir. Je dirais que l'une des choses auxquelles nous tenons le plus en tant que Canadiens, en plus de notre système de santé — et c'est là un autre débat —, c'est la Charte canadienne des droits et libertés. Nous en saisissons toute l'importance. Pour ce qui est de nos valeurs, nous aimons les diffuser partout dans le monde, et la Charte canadienne des droits et libertés a été adoptée par d'autres pays.
Le Canada fait preuve de leadership depuis 40 ans sur la question des droits de la personne et de la protection des libertés et des droits individuels. Bien qu'on puisse penser que le Parti conservateur du Canada s'y intéresse lorsque ces questions s'appliquent ici, au Canada, il n'en est rien.
En ce qui concerne la question des travailleurs de l'éducation et de leur syndicat en Ontario, et le fait que le gouvernement ait eu recours de façon préventive à la disposition de dérogation pour fouler aux pieds les droits de milliers de travailleurs de l'Ontario, voici ce que le avait à dire:
Les Canadiens eux-mêmes devraient se montrer extrêmement préoccupés par la tendance croissante des gouvernements provinciaux à utiliser la clause dérogatoire à titre préventif pour restreindre leurs droits et libertés fondamentaux. La Charte des droits et libertés ne saurait devenir une simple suggestion.
Depuis 2017, nous avons vu l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, le Québec et, dans une certaine mesure, la Saskatchewan, utiliser ou envisager d’utiliser la disposition de dérogation, qui, selon moi, est une forme de menace pour retirer des droits. Le , faisant preuve de leadership, s’est prononcé sur ce sujet.
Cependant, l’actuel chef de l’opposition officielle est introuvable. Si les députés regardent le débat d’aujourd’hui et examinent les débats qui ont eu lieu sur cette question très importante, ils constateront une absence de leadership chez le Parti conservateur. Les libéraux se lèveront et défendront la Charte des droits et libertés et reconnaîtront comment...
Des voix: Oh, oh!