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Monsieur le Président, j'aimerais informer la Chambre que je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi proposé par le gouvernement, qui vise à prolonger l’application de la disposition relative à l’exclusion des personnes dont la demande d’aide médicale à mourir repose seulement sur un problème de santé mentale.
J'aimerais prendre quelques instants pour attirer votre attention sur le régime de surveillance de l’aide médicale à mourir et sur ce que nous savons des cas des personnes qui y ont recouru jusqu'à maintenant.
Les Canadiens ont des opinions personnelles très fortes sur l'aide médicale à mourir. Ils méritent donc d’avoir des informations précises et fiables pour éclairer leurs décisions et leurs opinions. C'est pourquoi nous nous efforçons de rendre nos communications publiques claires et complètes au moyen de nos rapports annuels.
Nous savons qu'un manque d'informations accessibles pave la voie à de la désinformation sur l’évolution de l'aide médicale à mourir. Soyons clairs: même si le projet de loi n'aurait pas d'incidence directe sur le régime de surveillance, un délai d'un an aurait l'avantage supplémentaire de nous donner plus de temps pour recueillir de l’information et permettrait de faire rapport sur des données importantes concernant les cas complexes où la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
Dans ce contexte, on peut voir que le gouvernement reconnaît l'importance des données et des rapports sur l’aide médicale à mourir, au point que la loi initiale de 2016 obligeait le ministre de la Santé à recueillir les informations nécessaires et à présenter un rapport annuel sur l'application de la mesure.
Ce système de suivi officiel est important pour éclairer notre compréhension de trois façons: il nous informe sur les personnes qui font une demande d’aide médicale à mourir au Canada, les problèmes de santé à l'origine des demandes et les tendances observées dans les cas d’aide médicale à mourir depuis la loi de 2016.
À ce titre, nous avons travaillé en collaboration avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec d'autres partenaires du secteur de la santé, pour doter le pays d’un système de surveillance solide. Il est important de comprendre que la question est prise très au sérieux par tous.
Commençons par un aperçu de ce que nous savons à l'heure actuelle. Au 31 décembre 2021, il y avait eu au total 31 664 décès liés à l’aide médicale à mourir au Canada depuis l'adoption de la loi autorisant la mesure en 2016.
Ces décès représentent 3,3 % de tous les décès au Canada en 2021. Ce chiffre est très proche de celui des États qui ont des régimes d'aide médicale à mourir semblables à celui du Canada.
La proportion de décès attribués à l’aide médicale à mourir varie d'un bout à l'autre du pays, les taux les plus élevés étant signalés au Québec et en Colombie‑Britannique, et les taux plus faibles dans les autres provinces et territoires.
Les problèmes de santé invoqués comprennent les comorbidités multiples, les maladies cardiovasculaires, les défaillances d’organes et les maladies respiratoires.
Bien que l'échantillon actuel soit petit, les données de 2021 montrent également que 50 % des demandeurs dont le décès n’était pas raisonnablement prévisible ont reçu l’aide médicale à mourir, comparativement à 81 % de ceux dont le décès était prévisible.
Chaque demande d’aide médicale à mourir est complexe et unique lorsque la mort naturelle de la personne n’est pas raisonnablement prévisible, et les premiers indicateurs montrent que le pourcentage d’approbations dans ce genre de cas est beaucoup plus faible que si la mort est raisonnablement prévisible, à raison de 50 % contre 81 %.
Le processus d’évaluation de la demande d’une personne dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible est souvent beaucoup plus difficile du fait de la nature du cas et de la complexité de l’état médical de cette catégorie de patients. Il nécessite une analyse clinique détaillée de chaque élément des critères d’admissibilité qui définissent un problème de santé grave et irrémédiable.
Je me permets de prendre quelques minutes pour parler de l’aspect humain de cette collecte d’information.
Il faut être conscient que derrière chaque chiffre qui figure dans notre rapport annuel se cache une histoire humaine. Chaque cas met en cause un groupe de personnes: la famille, les évaluateurs et les prestataires de l’aide médicale à mourir, les équipes de soin et, surtout, la personne qui demande l’aide à mourir. Les données que nous recueillons proviennent de discussions réfléchies et empreintes de compassion entre les personnes qui prennent la décision la plus importante de leur vie et les praticiens de l’aide médicale à mourir. Les praticiens sont chargés d’évaluer le demandeur dans le respect de ses souhaits et de la loi. Grâce à ces discussions et à l’enregistrement des renseignements qui en découlent, le Canada dispose d’un solide système de surveillance et de rapport sur l’aide médicale à mourir.
Les praticiens de l’aide médicale à mourir doivent s’assurer que chaque demandeur est au courant des services disponibles qui sont susceptibles de soulager ses souffrances. Il s’agit notamment d’examiner les options de traitement, de faciliter l’orientation vers ces services et d’assurer le suivi des résultats. Lorsqu’ils sont confrontés à un cas où la mort n’est pas raisonnablement prévisible, les évaluateurs passent beaucoup plus de temps à recueillir les renseignements nécessaires sur la personne et son état. Le processus comprend souvent l'examen de nombreuses années de traitements, d’opérations chirurgicales ou de prise de médicaments, ainsi que la consultation d’un ou de plusieurs experts, aux fins de l’exercice d’une diligence raisonnable dans la prise d'une décision sur l’admissibilité.
De nouvelles règles pour la surveillance de l’aide médicale à mourir sont entrées en vigueur le 1er janvier dernier. Le système de surveillance rendra compte d’un ensemble élargi de données simples sur l’aide médicale à mourir, qui seront recueillies conformément à ces nouvelles règles. Les renseignements supplémentaires devraient permettre de mieux comprendre les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir et dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, ainsi que les circonstances en cause.
Pour conclure, nous sommes attachés à la transparence et à la responsabilité des divers ordres de gouvernement afin que le public continue d'avoir confiance dans le régime d’aide médicale à mourir. Nous respectons cet engagement en fournissant aux Canadiens de l'information exacte et fiable sur l’aide médicale à mourir au fur et à mesure que les choses évoluent au pays.
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Madame la Présidente, j'appuie ce projet de loi qui vise à repousser d'un an l'admissibilité des personnes souffrant d'une maladie mentale à l'aide médicale à mourir.
Nous devons attendre jusqu'à ce que nous déterminions, au moyen d'un consensus plus large, si nous le ferons et comment nous allons le faire. Nous devons mettre en place davantage de mesures de sauvegarde. Si nous élargissons l'admissibilité, nous devons bien le faire. Je ne pense pas qu'il devrait y avoir une date de début déterminée, dans un an, comme c'est prévu.
Pour être clair, oui, je soutiens ce projet de loi dans la mesure où l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant d'une maladie mentale ne sera pas autorisée à partir de mars. Cependant, de mon point de vue, nous devrions repousser cette éventualité indéfiniment. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui sont vraiment préoccupés par ce projet de loi parce qu'ils ont des proches qui traversent une période difficile et qu'ils pensent, probablement à juste titre, que certaines de ces personnes voudront avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Il y a des parents, des frères et sœurs, des conjoints et des amis qui sont inquiets. Ce sont les parents qui me touchent le plus, car ils redoutent les effets potentiels sur la vie de leurs enfants. Je peux bien sûr les comprendre, car j'ai moi-même six enfants. Cependant, il n'est pas nécessaire d'être parent pour comprendre que presque tout le monde traverse une période difficile à un moment donné de sa vie, d'où notre inquiétude.
Je sais que ce sujet préoccupe également de nombreux psychiatres. Certains d'entre eux savent que si leurs patients recevaient davantage de traitements, ils se sentiraient probablement mieux, mais que pour l'instant ils demandent l'aide médicale à mourir.
Ces deux groupes ont des préoccupations légitimes au sujet de la mesure législative. Pour l'instant, je ne crois pas que les mesures de sauvegarde soient en place et, si elle entrait en vigueur immédiatement, la loi finirait par avoir des effets imprévus sur beaucoup de gens.
Quel est l'objectif de la loi? À mon avis, en cas de maladie mentale, l'aide médicale à mourir ne devrait s'appliquer qu'à un nombre très restreint de cas très problématiques. Cela semble être le cas aux Pays‑Bas où, selon ce que j'ai entendu, seulement une personne sur mille qui demande l'aide médicale à mourir pour cause de maladie mentale l'obtient.
Cette loi ne vise pas le jeune de 25 ans qui a été victime de sévices pendant son enfance et qui a des épisodes dépressifs depuis ce temps. Elle ne vise pas le trentenaire qui reste déprimé quelques années après l'échec de son couple. Elle ne vise pas non plus le schizophrène qui va bien lorsqu'il prend ses médicaments, mais qui, lorsqu'il cesse de les prendre, veut avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Certaines personnes diraient peut-être: « Pourquoi pas? C'est à la personne concernée de choisir. » Quand j'étais adolescent, je lisais Jean-Paul Sartre et, à l'époque, j'étais d'accord avec lui: le choix ultime dans la vie consiste à surmonter le néant. Je suis peut-être toujours d'accord avec cela. Cependant, ni le suicide ni la tentative de suicide ne sont illégaux au Canada. La question, aujourd'hui, consiste à déterminer quel rôle l'État doit jouer, s'il y a lieu, dans l'aide au suicide.
J'ai travaillé pendant de nombreuses années comme urgentologue et j'ai vu de nombreux patients suicidaires. Mon travail consistait à déterminer si les personnes étaient suicidaires et, le cas échéant, à les admettre, même contre leur gré, à l'hôpital. La loi me donnait le pouvoir de le faire.
Beaucoup de personnes pourraient me demander de quel droit je dis à quelqu'un ce qu'il devait faire avec son corps. D'aucuns diraient que c'est le choix de cette personne. Ma réponse est la suivante: à mon avis, il existe deux raisons légitimes pour l'État d'intervenir afin de prévenir le suicide.
L'une de ces raisons, c'est pour protéger les gens contre eux-mêmes. Au plus fort d'une dépression, une personne n'arrive pas à voir la lumière au bout du tunnel. Elle ne peut pas imaginer qu'il est possible, ou même probable, qu'elle ira mieux un jour. Ce sentiment est lié à la nature même de la dépression, et c'est ce qui rend une personne suicidaire. La plupart d'entre nous savent toutefois qu'avec assez de temps et un changement de situation, les gens se rétablissent vraiment.
L'autre raison légitime justifiant une intervention, c'est pour protéger les êtres chers. Une personne qui se suicide est morte et elle ne ressent plus de douleur. Ses proches continuent toutefois de vivre, habités par la souffrance d'avoir perdu quelqu'un et souvent hantés par le sentiment qu'un geste qu'ils ont ou n'ont pas posé pourrait être à l'origine de cette tragédie.
Le fait que les personnes suicidaires soient incapables d'imaginer la possibilité d'aller mieux un jour devrait assurément nous rendre réticents à l'idée d'autoriser l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Certains demanderont s'il y a effectivement des gens qui n'iront jamais mieux et dont le problème de santé est irrémédiable. C'est ce qu'exige la loi: le problème de santé doit être irrémédiable.
Le problème, c'est que les médecins ne sont pas très bons pour déterminer qui se trouve dans une situation irrémédiable. Les médecins n'ont pas de boules de cristal pour prédire l'avenir. C'est un fait: des études montrent que les médecins ne sont pas bons pour déterminer qui souffre d'un problème irrémédiable.
Dans une étude récemment publiée par Nicolini et ses collègues, on a examiné la capacité des cliniciens à déterminer le caractère irrémédiable de la dépression résistante au traitement, en se penchant sur 14 études différentes. Voici la conclusion: « Nos résultats soutiennent l'hypothèse selon laquelle, d'après les données disponibles, les cliniciens ne peuvent pas prédire avec précision les chances de guérison à long terme d'un patient particulier souffrant de [dépression résistante au traitement]. Cela signifie que le critère objectif du caractère irrémédiable ne peut être satisfait. » En outre, il n'existe pas à l'heure actuelle de normes de soins fondées sur des preuves ou établies pour déterminer le caractère irrémédiable de la maladie mentale aux fins de l'évaluation de demandes d'aide médicale à mourir.
En tant que médecin chevronné, je trouve absolument hallucinant qu'il existe des praticiens prêts à administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un en sachant qu'avec un peu plus de temps, la personne serait peut-être allée mieux. Les bons médecins craignent de faire des erreurs. Les bons médecins ne veulent pas tuer leurs patients. Il me semble que ce serait une horrible tragédie s'il y avait ne serait-ce qu'une seule personne à qui on a administré l'aide médicale à mourir et qui, autrement, aurait fini par avoir une vie heureuse. Je dirais que cela s'apparente à avoir administré la peine capitale lorsqu'il s'avère que la personne n'était en fait pas coupable du crime. Si cela se produit, cela pèsera certainement sur la conscience de chacun d'entre nous dans cette enceinte.
Le nombre de personnes dont nous pouvons dire avec certitude qu'elles ont des problèmes de santé irrémédiables est probablement faible. Certains diront que non, mais j'aimerais faire quelques observations. Premièrement, toute personne de moins de 40 ans ne devrait jamais être considérée comme ayant des problèmes de santé irrémédiables. En fait, il devrait en aller de même pour toute personne de moins de 60 ans aussi, à moins qu'elle ne soit malade depuis des années. Je dirais également qu'une personne qui n'a pas essayé tous les types de traitement et qui n'a pas vu beaucoup de médecins et de thérapeutes ne devrait pas être considérée comme ayant des problèmes de santé irrémédiables. Qui reste-t-il? Peut-être une personne de 75 ans, qui n'a pas de famille et qui vit avec la maladie depuis de nombreuses années, qui a essayé tous les traitements disponibles et qui a vu de nombreux médecins sans que personne ne puisse l'aider, peut-être, et j'insiste sur le « peut-être », qu'elle devrait être admissible à l'aide médicale à mourir.
Est-ce que je crois que la loi, comme elle est appliquée maintenant, se limiterait vraiment au petit nombre de cas que je viens de décrire? Non, absolument pas. Comme beaucoup de députés, j'ai suivi la couverture médiatique et j'ai entendu parler des nombreux exemples où l'aide médicale à mourir a été autorisée dans des situations qui nous laissent perplexes. Le fait est qu'il existe de nombreux médecins qui ont une conception très généreuse de l'aide médicale à mourir, et qui semblent prêts à l'accorder après un simple appel téléphonique. Ces médecins ne pensent pas qu'il soit nécessaire de parler à la famille, d'apprendre à connaître le patient ou de consulter quelqu'un qui le connaît.
Certains diront que les décisions concernant les normes de soins et les mesures de protection devraient être laissées aux collèges de médecins et de chirurgiens. Je suis membre de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario depuis 35 ans, et je ne suis pas du tout d'accord. Ce genre de décision n'est habituellement pas laissée à des corps professionnels, et c'est très bien ainsi. C'est le genre de décision qui devrait être laissée aux élus qui doivent rendre des comptes à la population.
En résumé, si nous voulons autoriser l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale, ce devrait être pour un nombre extrêmement limité de personnes. Si la loi était appliquée telle quelle, je pense que beaucoup de gens pourraient obtenir l'aide médicale à mourir alors que la loi n'était pas vraiment prévue pour eux. Je ne pense pas que nous en soyons là, alors je crois qu'il ne devrait pas y avoir de date fixe pour l'entrée en vigueur de cette loi. À quel moment saurons-nous que nous sommes prêts? Je dirais que nous serons prêts lorsqu'il y aura un certain consensus au sein de la communauté psychiatrique. Or, d'après tous les sondages que j'ai vus, la majorité des psychiatres sont contre, ce qui constitue certainement une indication.
Nous devons prendre tout le temps nécessaire pour bien faire les choses. Cette mesure diffère des autres décisions prises par la Chambre des communes. Si nous enlevons une vie par erreur, aucun politicien dans cette enceinte, aucun bureaucrate à Ottawa et aucun juge de la Cour suprême ne pourra la redonner.
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Madame la Présidente, je me lève aujourd’hui afin de me prononcer à mon tour sur le projet de loi , déposé par le . Il s'agit évidemment d'un sujet excessivement délicat.
Le projet de loi vient corriger une erreur qu’a faite le gouvernement libéral; encore une autre erreur, me dira-t-on. Ce gouvernement prend des décisions à la dernière minute, avec précipitation, et, comme toujours, il doit reculer. Il corrige une de ses erreurs, mais il en créera une nouvelle.
Remontons dans le temps pour bien comprendre où nous en sommes aujourd’hui. Alors que le gouvernement s’apprêtait à réviser la loi sur l’aide médicale à mourir selon les dernières directives de la Cour supérieure du Québec en 2021, le Sénat soumet contre toute attente un amendement qui permettrait, à partir du 17 mars 2023, d’administrer l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental. Les libéraux ont alors dit: oui, pourquoi pas. Le gouvernement libéral accepte donc cet amendement, qui figure maintenant dans la loi.
On a accepté cet amendement sans étude, sans réfléchir et sans consultation approfondie. On fixe en outre cette date du 17 mars 2023 de façon tout à fait arbitraire. Sur quoi s’est basé le gouvernement libéral à l’époque pour dire oui à cet amendement? Sur quoi s’est-il basé pour fixer cette date du 17 mars 2023? Il s’est bien sûr basé sur son super pif politique, et Dieu sait à quel point les libéraux gouvernent à vue, sans boussole, dans une indécente et dangereuse improvisation. D’ailleurs, cette décision fait partie d’une suite de très mauvaises décisions des libéraux depuis huit ans que ce gouvernement est aux affaires.
Les problèmes dans cette histoire sont les suivants: premièrement, l’expansion de l‘aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental; deuxièmement, la fixation de la date du 17 mars 2023, un choix arbitraire qui a été fait sans argument ni justificatif.
Regardons ce qui se fait ailleurs, et pas n’importe où. Regardons du côté du Québec, où le sujet de l’aide médicale à mourir et mourir dans la dignité intéresse les parlementaires québécois depuis de nombreuses années. Je le sais, j’y étais comme députée ministre et j’ai voté en faveur de l’aide médicale à mourir. Dans mon âme, mon cœur et toute ma conscience, j’estime que ce fut une très bonne décision.
Dans l’optique maintenant d’élargir l’aide médicale à mourir, dans sa grande sagesse, le Parlement du Québec prend son temps, réfléchit et étudie. L’Assemblée nationale du Québec a tenu une commission transpartisane spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Elle y regarde de près si l’aide médicale à mourir peut être élargie. Elle a déposé son rapport, qui a adopté à l’unanimité à la Chambre en décembre 2021. C'est récent.
Imaginons-nous donc que la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie ne recommande pas que les personnes ayant comme seul problème médical invoqué un trouble mental aient accès à l’aide médicale à mourir. Pour les parlementaires québécois membres de la Commission, il apparaît évident que les Québécois ne sont pas là et qu’il n’y a pas d’adhésion sociale à cette question.
La Commission québécoise ne s’est toutefois pas arrêtée là. Elle est allée encore plus loin. Afin d’éliminer toute possible zone grise, la Commission recommande que le gouvernement du Québec modifie sa loi afin de venir spécifier que les personnes dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental n’aient pas accès à l’aide médicale à mourir.
Voici ce qu'on trouve à la page 58 du rapport de la Commission:
La Commission recommande de ne pas élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental; qu’à cet effet, l’article 26 de la Loi concernant les soins de fin de vie soit modifié.
La Commission ajoute ceci:
Cette recommandation s’inscrit en continuité avec le principe de précaution que le Québec privilégie depuis le début des travaux sur l’aide médicale à mourir. Nous estimons que les risques associés à un élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental comporteraient trop de variantes et ne pourraient ainsi être étroitement contrôlés.
On poursuit en disant:
Afin de mettre en place cette recommandation, nous sommes d’avis que l’article 26 de la Loi concernant les soins de fin de vie devrait être modifié de manière à éviter qu’un trouble mental comme seul problème médical donne accès à l’aide médicale à mourir.
Pour refuser cette expansion, la Commission invoque des problèmes relatifs à l'incurabilité, à l'acceptabilité sociale, au diagnostic et à la division sur ce sujet au sein de la population et au sein des organismes des professionnels médicaux.
Elle a donc opté pour le principe de précaution. Je répète que c'est ce qui a cruellement manqué au gouvernement libéral dans sa prise de décision. À la suite des travaux de cette commission québécoise et du dépôt de son rapport unanime, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi no 38 en mai 2022, il y a moins d'un an. Le gouvernement du Québec a fait sienne la recommandation de la Commission. En toute transparence, le projet de loi no 38 n'a pas été adopté parce qu'il y a eu des élections. Il est donc mort au Feuilleton.
Le projet de loi modifiait l'article 26 de la loi en ajoutant l'interdiction d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne dont le seul problème de santé invoqué est un trouble mental. Je cite l'article 13 du projet de loi no 38 du gouvernement du Québec.
Une personne peut formuler une demande contemporaine si elle satisfait aux conditions suivantes:
1) elle est majeure et apte à consentir aux soins;
2) elle est une personne assurée au sens de la Loi sur l'assurance maladie […];
3) elle est atteinte d'une maladie grave incurable ou d'un handicap neuromoteur grave et incurable;
4) sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
5) elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables.
Ce que je m'apprête à dire est important:
Pour l'application du paragraphe 3 du premier alinéa, un trouble mental n'est pas considéré comme étant une maladie grave et incurable.
Le Canada ne vit pas en vase clos et il n'est pas déconnecté de ce qui se passe au Québec. Ces difficultés évoquées par Québec existent donc aussi à la grandeur du pays. Nous ne sommes pas prêts pour cet élargissement. Si nous n'agissons pas maintenant, si nous ne votons pas pour cette loi, dans moins d'un mois, les personnes vivant avec un trouble de santé mentale pourront avoir accès à l'aide médicale à mourir. Nous ne voulons pas cela, les Québécois ne veulent pas cela et les Canadiens ne veulent pas cela. Les Canadiens ne nous comprendraient pas d'aller de l'avant. C'est la raison pour laquelle nous devons appuyer ce projet de loi.
Toutefois, nous voterons le cœur serré et à moitié rassurés. Nous ne voulons pas que cette modification entre en vigueur le 17 mars 2023, mais le projet de loi comporte un autre piège.
En effet, le projet de loi du repousse la date d'un an. Le projet de loi dit que la date du 17 mars 2023 est repoussée au 17 mars 2024. Pourquoi parle-t-on d'un an? Pourquoi ne pas repousser la date de deux ans? Pourquoi ne pas suspendre carrément cet article ou l'abolir tout simplement? Pourquoi précipiter l'expansion de l'aide médicale à mourir aux personnes qui vivent avec une maladie mentale quand le pays n'en veut pas et quand les médecins eux-mêmes se divisent sur la question?
Je conclus mon discours en disant que l'aide médicale à mourir est un sujet délicat qui fait appel à nos valeurs et à notre historique, aussi. Ce que nous demandons au gouvernement du Canada, ce n'est pas seulement de repousser la date. Nous lui demandons de nous laisser le temps, comme parlementaires et comme citoyens canadiens, de prendre le temps. Je dirais que la précipitation est toujours mauvaise conseillère.
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Madame la Présidente, je prends la parole au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel en ce qui a trait à l'aide médicale à mourir. J’appuierai ce projet de loi pour protéger les Canadiens les plus vulnérables contre l’élargissement irresponsable, par le gouvernement libéral, de l’aide médicale à mourir aux Canadiens qui souffrent uniquement d’une maladie mentale.
Chose incroyable, si le projet de loi n’est pas adopté, des Canadiens aux prises avec un trouble psychologique ou une maladie mentale pourront accéder à l’aide médicale à mourir dès le mois prochain. Comme l’a dit l’Association canadienne pour la prévention du suicide, alors même que la vie devient plus dure au Canada, il devient plus facile de mourir.
Il importe d'être parfaitement clair: lorsqu'il est question d’aide médicale à mourir pour une personne dont l'état de santé ne causera pas la mort — par exemple, si elle souffre strictement d'un trouble mental —, il est question de suicide. C’est à croire que les libéraux ont baissé les bras. Au lieu de protéger les membres les plus vulnérables de la société, ils ont choisi la solution de facilité. Ils ont opté pour une voie dangereuse, une pente glissante. Ils ont ouvert la porte de l’aide médicale à mourir aux membres les plus vulnérables de notre société et, à présent, ils veulent arrêter l’horloge, gagner du temps et obtenir un autre sursis qui les arrange sur le plan politique, sans rien faire pour aider.
J’ai écouté très attentivement le débat aujourd’hui et, franchement, j’ai presque honte d’être en politique. Un peu plus tôt, le a déclaré qu'il faut plus de temps. Effectivement; je le dis depuis le tout premier débat sur l’aide médicale à mourir, en 2016. Pendant mon intervention à l’époque, j’ai affirmé que, lorsqu'on est un nouveau député, rien ne nous prépare à débattre ou à intervenir adéquatement sur un sujet aussi grave. Nous devons veiller à bien faire les choses, mais les libéraux ont fait adopter le projet de loi en quatrième vitesse.
Nous avons tous entendu des histoires on ne peut plus vraies: celle de l'Ontarien qui a demandé l’aide médicale à mourir parce que c’était préférable à se retrouver sans abri, celle de la femme qui l'avait demandée après avoir cherché en vain un logement abordable pendant sept ans ou encore celle de Canadiens qui s'adressent à des banques alimentaires en demandant de l’aide pour accéder à l’aide médicale à mourir. De plus en plus de Canadiens sont en proie à des difficultés, et nous devrions tout faire pour les soutenir, pas les abandonner. Nous avons également entendu les histoires incroyables d’employés d’Anciens Combattants Canada qui avaient suggéré à des vétérans souffrant d’un trouble de stress post-traumatique de recourir à l’aide médicale à mourir. Ce sont des histoires vraies. Il ne s’agit pas de sensationnalisme.
Comme l'a dit l’Association canadienne pour la santé mentale: « Le Canada manque à ses obligations en matière de droits humains lorsque des [Canadiens] qui vivent avec un trouble mental ne peuvent pas bénéficier des programmes et du soutien [ainsi que des ressources] dont elles ont besoin pour se sentir bien et vivre dans la dignité. » Le gouvernement n’offre même pas les programmes et les soutiens les plus élémentaires.
C’est un sujet qui tient beaucoup à cœur à mes concitoyens, un sujet qui divise, c’est le moins qu’on puisse dire, et je respecte les décisions de chacun. Cependant, une chose est claire: mes concitoyens et, à dire vrai, les Canadiens dans l’ensemble de notre beau pays sont majoritairement opposés à l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent uniquement de maladie ou de troubles mentaux.
Les Canadiens doivent savoir ce pour quoi nous nous battons aujourd’hui. Nous devons regarder au-delà de ce débat. La simplicité du projet de loi est en contradiction avec la complexité du sujet. Ce dont nous parlons vraiment, c’est de la capacité des personnes qui souffrent de maladie mentale de mettre fin à leur vie. En fait, nous devrions parler de ce que nous pouvons faire pour aider les personnes dans le besoin et pour fournir les services qui sauveront des vies.
Plus tôt aujourd’hui et tout au long du débat, les libéraux ont essayé d’expliquer les dispositions qui incluaient la maladie mentale dans l’aide médicale à mourir. Ils ont essayé de déplacer l’attention de ce qui se passe réellement à ce qui est politiquement commode, à l’exception du député de , dont j’ai beaucoup aimé l’intervention. Au lieu de prendre le sujet à bras-le-corps, ils se tournent vers les parlementaires pour gagner du temps afin de s’en sortir à bon compte.
Je voterai pour le projet de loi , mais je ne pourrai jamais appuyer l’ajout du suicide à l’aide médicale à mourir. Soyons honnêtes, c’est précisément de cela que nous parlons. Il y a un temps pour la politique partisane. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nous pouvons être en désaccord sur l’augmentation des impôts, sur le projet de loi sur le contrôle des armes à feu et sur qui est le plus apte à faire avancer notre pays. En revanche, nous ne pouvons pas être en désaccord sur l’importance de la vie et sur l’importance de se battre pour les personnes en difficulté qui pensent que leur seule solution est la mort. N’est-ce pas pour cela que nous sommes là? N’est-ce pas sur cela que nous tous, les 338 députés, avons fait campagne? N’était-ce pas pour défendre les Canadiens en difficulté, partout dans le pays?
Nous devons tout faire pour aider les personnes qui éprouvent des difficultés et qui sont les plus vulnérables. Nous devrions chercher avant tout à offrir de l’aide et des traitements, au lieu de proposer la mort assistée.
Il y a à peine deux ans, tous les députés se sont levés et ont voté pour la création d’un numéro d’urgence à trois chiffres facile à retenir pour la prévention du suicide. La route a été longue, mais cet automne, les Canadiens qui se trouvent en difficulté auront la possibilité d’obtenir l’aide dont ils ont besoin. Lorsque les secondes comptent, ils ne seront pas obligés de chercher dans Google un numéro à 10 chiffres. Ils n’auront qu’à prendre leur téléphone pour composer le 988 ou y envoyer un message texte, et ils pourront parler à une personne pour entamer le processus d’aide.
La ligne d’assistance 988 ne sera pas un point final. Elle sera le début. Elle fournira un outil de plus pour permettre aux personnes qui souffrent de demander de l’aide.
Comme beaucoup de mes collègues le savent, j’ai consacré ma vie à lutter pour ceux qui souffrent en silence ou qui sont aux prises avec la maladie mentale. J’ai rencontré tant de familles dévastées par le suicide dont le seul espoir est que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir à la Chambre pour que d’autres familles ne vivent jamais ce que la leur a vécu. Il y a tant de douleur et tant de culpabilité. Dans le cadre de mon travail, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui ont été aux prises avec une maladie mentale ou une blessure mentale en raison de leur service.
Je pense à mes amis. Jason est un géant qui était pompier. Atteint du trouble de stress post-traumatique, il voulait se suicider, mais il a choisi la vie. Aujourd’hui, il aide d’autres personnes à vaincre le trouble de stress post-traumatique et les blessures de stress opérationnel. Mon ami Kent continue de servir notre collectivité chaque jour. Je pense chaque jour à leur famille et je suis si reconnaissant que mes amis aient choisi la vie.
Je pense à ma propre vie et au fait qu’à un moment donné, j’étais en difficulté. C’est une intervention, une intervention fortuite qui m’a fait choisir la vie. Lorsqu’une personne est aux prises avec une blessure mentale, il est parfois difficile de voir la forêt cachée derrière l’arbre. Parfois, les gens ne peuvent pas voir la lumière dans l’obscurité. Parfois, les gens ont juste besoin de quelqu’un qui leur dise qu’il se bat pour eux et qui les aide à obtenir l’aide dont ils ont besoin.
Je vis chaque jour pour me battre pour ceux qui ont des difficultés. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour faciliter la vie des Canadiens, pour donner de l’espoir quand il semble n’y en avoir aucun. Le gouvernement doit collaborer avec les intervenants pour trouver les moyens de soutenir les personnes atteintes de maladies mentales. Nous avons passé beaucoup trop de temps à en parler. Nous avons consacré beaucoup trop de temps à des études qui restent sur des étagères quelque part et accumulent de la poussière. Nous avons passé beaucoup trop de temps à ne rien faire.
Je soutiendrai ce projet de loi, mais je ne soutiendrai jamais l’inclusion de la maladie mentale dans l’aide médicale à mourir. C’est une pente glissante. Nous devons prendre l’année prochaine ou plus longtemps encore, trouver comment nous pouvons fournir un véritable soutien et déterminer comment nous pouvons réellement changer les choses. Nous devons passer l’année prochaine au moins à travailler sur des solutions qui permettront aux Canadiens de rester en vie.
Il y a quelques semaines, j'ai rencontré un homme dont la jeune fille avait mis fin à ses jours. Nous avons parlé pendant près d'une heure sur Zoom, et j'ai écouté son histoire. J'ai entendu le chagrin. J'ai entendu le désespoir, et j'ai entendu le regret.
Ceux qui ont des enfants savent de quoi je parle. Nous vivons notre vie pour améliorer celle de nos enfants. Nous voulons leur offrir le monde entier. Nous voulons donner à nos enfants tout ce que nous n'avons jamais eu. Nous voulons que ce pays soit meilleur pour eux, et nous voulons qu'ils sachent que nous nous soucions d'eux.
Ce que j'ai entendu dans la voix de cet homme était tout à fait bouleversant. C'était déchirant. Il m'a dit: « Todd, je peux vivre avec la mort de ma fille, mais il m'est insupportable de penser à ce qu'elle a dû traverser, au nombre d'obstacles qu'elle a dû franchir simplement pour obtenir de l'aide, et au fait qu'elle a dû traverser sa crise toute seule ». Il a dit qu'il pouvait vivre avec la mort de sa fille.
Honnêtement, je ne sais pas comment on peut entendre ces paroles et croire que le débat actuel est tout à fait acceptable. Je ne remets pas en question le sursis d’une année à l'égard duquel le gouvernement veut notre appui. Je parle du fait que nous examinions la possibilité d’offrir l’aide médicale à mourir aux gens souffrant d'une maladie mentale, que nous en discutions. Comment Grand Dieu pouvons-nous en parler avant même d’avoir offert toutes les mesures de soutien possibles, épuisé tous les moyens à notre disposition et fait tout en notre pouvoir pour aider les Canadiens à surmonter leur peine et leur souffrance? Ma rencontre avec ce père endeuillé m’a profondément marqué: la douleur dans sa voix, la souffrance, l’image de sa fille qui avait désespérément besoin d’aide alors qu'il n'y en avait pas.
Les conservateurs ne croient pas que l’aide médicale à mourir soit une solution acceptable face à la maladie mentale ou à la souffrance psychologique. Notre système de soins de santé devrait aider les Canadiens à trouver l’espoir dont ils ont besoin pour vivre, pas à faciliter la mort.
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Madame la Présidente, c'est toujours un plaisir pour moi de prendre la parole à la Chambre. Évidemment, les sujets aussi graves que l'aide médicale à mourir sont probablement les plus difficiles dont nous puissions discuter dans cette enceinte. C'est un dossier délicat sur lequel la Chambre devra certainement se pencher dans les prochains mois, mais aussi lorsque le projet de loi sera adopté.
Aujourd'hui, nous parlons de l'admissibilité des Canadiens à l'aide médicale à mourir dans les cas où la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale. Le projet de loi vise à reporter pour un an l'adoption de mesures législatives en ce sens. Pourquoi le gouvernement demande-t-il un délai d'un an? Cela a certainement à voir avec les préoccupations soulevées par des gens de partout au pays à l'égard des mesures proposées par le gouvernement.
Les mesures seront peut-être semblables à celles du projet de loi . Les conservateurs ont alors fait valoir les préoccupations des Canadiens, et les libéraux ont dû changer de position sur ce projet de loi. Nous savons que des militants en matière de santé mentale ont soulevé de graves inquiétudes à l'égard du projet de loi, y compris l'Association of Chairs of Psychiatry, qui a soulevé des préoccupations par rapport à l'admissibilité à l'aide médicale à mourir dans les cas où la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale.
Aider les gens à comprendre ce que le comité mixte sur l’aide médicale à mourir a étudié fait partie de ce qui est pertinent. Au sein du comité, nous avons discuté de la question des mineurs matures, des demandes anticipées et des Canadiens handicapés. Nous avons discuté de l’état des soins palliatifs au Canada ainsi que des Canadiens qui souffrent d’un trouble mental. Lorsque nous nous sommes penchés sur ces sujets, de nombreuses questions litigieuses ont été soulevées, et le débat est devenu passionné et personnel par moments, ce qui devrait être le cas, peut-être.
À titre de comparaison, nous devons savoir qu'au Canada, un pays de quelque 38 millions d’habitants, 10 000 personnes sont mortes en faisant appel à l’aide médicale à mourir. En Californie, un État qui compte à peu près le même nombre d'habitants et où les règles sont peut-être semblables, seulement 400 décès sont attribuables à l’aide médicale à mourir.
Les gens pourraient nous demander pourquoi nous ne faisons pas la comparaison avec les Pays-Bas. C'est un pays où l'aide médicale à mourir est offerte depuis un certain temps, et c’est peut-être un meilleur point de comparaison. La population de ce pays est de 17 millions d’habitants, et environ 5 000 personnes y sont mortes en ayant recours à l’aide médicale à mourir.
Ils ont déjà des lois qui incluent la dépression, la démence et toutes les autres maladies que j’ai mentionnées précédemment, donc si nous voulions faire une comparaison directe avec le Canada, en incluant la dépression et peut-être les demandes anticipées, le total serait d'environ 10 000 décès à l’heure actuelle. Nous savons qu’au Canada, sans les troubles mentaux et sans les demandes anticipées, 10 000 personnes sont mortes en 2021 avec l’aide médicale à mourir, ce qui représente une augmentation de 32 % par rapport à 2020.
Pour moi, c’est inquiétant, et je pense que n’importe quel député sait aussi que, malheureusement, dans mon esprit en tout cas, le Canada est un chef de file mondial de l’aide médicale à mourir. De nombreux pays dans le monde se disent préoccupés de voir la pente savonneuse sur laquelle le Canada s’engage maintenant.
Parmi les promesses que le gouvernement a faites aux Canadiens, mais qu’il n’a pas tenues se trouve le transfert canadien en matière de santé mentale. Je suis certain que mon collègue qui m’a précédé en a parlé et je suis désolé de ne pas l’avoir entendu. Il s’agit d’un transfert de 4,5 milliards de dollars qui a été promis par le gouvernement dans son dernier programme électoral. J’ai lu à ce sujet un article récent qui nous rappelle qu’« en août 2021, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que ce tout nouveau transfert était nécessaire »...
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Madame la Présidente, je vous remercie pour ce conseil avisé. Je vous en suis très reconnaissant.
Cet article disait: « parce que la santé mentale doit constituer une priorité ». C'est dans l'article que je cite, qui contient le nom du . Il est important que les Canadiens le comprennent.
« Mais malgré le sentiment d'urgence exprimé par [le ] l'année dernière », et j'ai modifié la citation pour satisfaire la Chambre, car nous savons tous qui est le premier ministre libéral, « aucun argent n'a encore été réservé pour ce nouveau Transfert canadien en matière de santé mentale ».
Je vais le répéter, pour m'assurer que tout le monde l'a entendu. Aucun argent n'a encore été réservé, « notamment un montant initial de 875 millions de dollars qui était censé avoir été dépensé ou budgété à ce jour, selon la plateforme électorale de 2021 du Parti libéral ».
« Le document de la plateforme du Parti libéral comprenait le coût ventilé de toutes ses promesses électorales, notamment des dépenses de 250 millions de dollars en 2021‑2022 pour le nouveau transfert en matière de santé mentale, puis de 625 millions de dollars au cours de l'exercice 2022‑2023 actuel et, enfn, des montants supplémentaires au cours des trois années suivantes, pour un total de 4,5 milliards de dollars. »
« Aucune des dépenses promises pour les deux derniers exercices financiers n'a encore fait l'attribution de fonds et n'a été réalisée. »
Pour moi, c'est important. Encore une fois, je répète que le libéral a affirmé que la santé mentale devrait être une priorité.
En quoi la santé mentale est-elle une priorité, et pourquoi cela ne se concrétise-t-il pas dans le budget?
Mon collègue, qui a pris la parole juste avant moi, a parlé amplement de la création d'un numéro d'urgence à trois chiffres pour la prévention du suicide, une tâche qui s'est révélée plus difficile à réaliser que de donner naissance à un éléphanteau. Le gouvernement prétend vouloir aider et protéger les Canadiens, mais il est absolument révoltant de voir que ce n'est pas du tout ce qu'il fait. C'est tout à fait inadmissible.
L'article donne ensuite la parole à la directrice nationale des politiques publiques de l'Association canadienne pour la santé mentale, qui souligne que dans le budget d'avril aucuns fonds n'étaient destinés à ce nouveau transfert.
« Disons-le clairement, le fait que cela ne figure pas dans le budget 2022, à tout le moins avec un calendrier de progression vers les 4,5 (milliards) de dollars, vous savez, cela nous a vraiment inquiétés ». Voilà ce qu'a déclaré l'Association canadienne pour la santé mentale.
Après huit ans au pouvoir, pourquoi le gouvernement continue-t-il de laisser tomber les Canadiens? Ce serait merveilleux d'avoir la réponse à cette question.
La semaine dernière, pendant les travaux du comité de la santé, nous avons appris que les conseillers et les psychothérapeutes doivent facturer la TPS pour leurs services. Beaucoup de Canadiens ne bénéficient malheureusement pas d'une assurance-santé privée couvrant ces services, on le sait, et comme si ce n'était pas assez, on tourne le couteau dans la plaie en exigeant que les Canadiens paient maintenant de la TPS pour ces services. Où est la logique?
L'article ajoute que des psychiatres de partout au pays s'inquiètent énormément pour les patients qui ont besoin d'un meilleur accès aux soins, notamment aux services de lutte contre les dépendances, ces mêmes services que le gouvernement qualifierait de dossier complètement distinct et de plutôt renversants.
L'idée de rendre l'aide médicale à mourir accessible aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale soulève encore la controverse parmi les fournisseurs de soins. Par ailleurs, l'un des autres points qui me semblent cruciaux, c'est évidemment que le gouvernement n'a pas encore transféré la moindre miette, le moindre sou des 4,5 milliards de dollars prévus. Pensons à ma circonscription, Cumberland—Colchester, et aux difficultés que vivent les Canadiens des régions rurales.
À cause de leur lieu de résidence, les Canadiens vivant en région rurale ont du mal non seulement à obtenir des services en santé mentale, mais aussi à faire le plein d'essence pour se rendre à leurs rendez-vous. La taxe sur le carbone, cette mesure punitive, que le gouvernement envisage d'appliquer sur tout au Canada nuit réellement à la capacité de nos concitoyens d'avoir assez d'argent pour payer la TPS supplémentaire sur les services de counseling ou de psychothérapie.
Nous savons fort bien que si les Canadiens peinent à mettre de la nourriture sur la table, et que s'ils doivent choisir entre manger et veiller à leur santé mentale, il y a fort à parier qu'ils choisiront de se nourrir. Voilà une bien triste constatation sur la vie au Canada, où il semble que rien ne va plus. Or, cette triste réalité perdurera au Canada, car le gouvernement entend continuer à imposer aux Canadiens des taxes punitives qui rendent la vie inabordable.
Nous savons que la crise en santé mentale se poursuivra. Il semble qu'environ un Canadien sur trois souffre de problèmes de santé mentale. Selon les prévisions du rapport sur les résultats ministériels, le gouvernement s'attend à ce que 22 % des Canadiens n'aient pas accès à des soins en santé mentale, mais en réalité, ce sont 25 % des Canadiens qui n'y ont pas accès. C'est inacceptable. Aucun Canadien ne devrait avoir ce problème, mais le gouvernement croit que 25 % est un résultat acceptable.
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Madame la Présidente, il est important de souligner de quoi nous parlons ici aujourd'hui, soit le projet de loi . À l'heure actuelle, en vertu du projet de loi , le Code criminel dit explicitement que la maladie mentale n'est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap en ce qui a trait à l'aide médicale à mourir. Toutefois, quand les libéraux ont adopté le projet de loi C‑7 il y a deux ans, on y trouvait une disposition de caducité, et il importe de le préciser. Cela signifie qu'un important garde-fou empêchant les personnes atteintes de maladie mentale de demander l'aide médicale à mourir lorsqu'elles sont déprimées ou qu'elles traversent une crise arriverait à échéance deux ans après l'adoption du projet de loi, c'est-à-dire le mois prochain.
Maintenant les libéraux, ayant entendu un tollé de protestations de partout au pays, du milieu médical et des gens s'occupant de personnes souffrant de maladies mentales, ont présenté le projet de loi . Il s'agit là d'une tentative de dernière minute pour sauver la face en prolongeant d'une année l'interdiction de l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale. Ce n'est pas suffisant.
Les conservateurs s'opposent unanimement à l'élargissement par les libéraux de l'aide médicale à mourir aux Canadiens dont le seul trouble de santé invoqué est la maladie mentale. Nous ne croyons pas que l'aide médicale à mourir soit une solution acceptable pour soigner une maladie mentale ou mettre fin à la souffrance psychologique. Le système de santé canadien devrait aider les gens à trouver de l'espoir quand ils ont besoin de vivre, au lieu de les aider à mourir.
Le fait d'élargir l'admissibilité de l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant d'une maladie mentale comme la dépression brouille la distinction entre l'aide au suicide et la prévention de celui-ci. Les experts ont clairement indiqué qu'on ne peut pas élargir de façon sécuritaire l'aide médicale à mourir aux Canadiens souffrant d'une maladie mentale. Il est impossible de déterminer au cas par cas le caractère irrémédiable d'une maladie mentale.
Par exemple, le Dr Sonu Gaind, médecin président de l'équipe d'aide médicale à mourir de l'hôpital Humber River, à Toronto, où il est psychiatre en chef, a déclaré ceci: « Je sais que certains évaluateurs de demandes d'aide médicale à mourir pensent qu'ils peuvent prédire le caractère irrémédiable d'une maladie mentale, et que certains évaluateurs pensent qu'ils peuvent faire la distinction entre ce qu'on considère comme étant des comportements suicidaires habituels et ceux qui motivent les demandes d'aide médicale à mourir pour des motifs psychiatriques. Ils se trompent dans les deux cas. C'est ce que montrent les données. »
Andrew Lawton, chroniqueur et journaliste canadien, a écrit, il y a deux ans, un article très personnel et déchirant dans lequel il disait ceci:
Si le projet de loi C‑7 avait été adopté il y a dix ans, je serais probablement mort [...]
En 2010, j'ai presque réussi à me suicider. Mon combat contre la dépression s'aggravait, et j'étais en train de le perdre. Miraculeusement, je m'en suis sorti. Je considère mon échec dans cette tentative comme mon plus bel échec, et je suis reconnaissant de l'intervention de Dieu et d'une équipe de professionnels de la santé dévoués.
Il est triste de penser que, dans d'autres circonstances, ces praticiens auraient pu me tuer au lieu de me sauver la vie [...]
Le projet de loi C‑7 remet en cause des années de réflexion et les milliards de dollars dépensés pour les traitements et les services de soutien en matière de maladie mentale, y compris, paradoxalement, les campagnes de sensibilisation et les programmes de prévention du suicide.
Ce projet de loi anéantit les espoirs et renforce la croyance erronée qui afflige les personnes atteintes de maladie mentale, à savoir que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue et que les choses ne peuvent pas s'améliorer.
Chaque fois que je prends la parole à ce sujet, j'insiste sur ce point: la vie vaut la peine d'être vécue. Chaque vie est digne et précieuse. En tant que pays, nous devrions nous efforcer de mieux transmettre ce message à ceux qui ont le plus besoin de l'entendre.
Il y a deux ans, mon amie Lia a raconté son expérience aux Canadiens. Elle a dit: « J'avais 15 ans lors de ma première tentative de suicide, et j'ai tenté de me suicider à sept reprises dans les années qui ont suivi [...] Je parle de mes problèmes de santé mentale parce que je crains que des médecins puissent bientôt mettre fin à la vie de gens comme moi qui souffrent d'une maladie mentale. En toute franchise, si l'aide médicale à mourir m'avait été offerte lorsque j'étais à l'université, je l'aurais demandée pour mettre fin à mes souffrances le plus tôt possible. »
Voici ce que Lia demande aux parlementaires: « Je n'ai pas besoin qu'on me dise comment mourir; j'ai besoin qu'on me dise de rester en vie. »
Les mesures législatives qui sont adoptées à la Chambre devraient considérer la vie comme quelque chose d'important et indiquer sans équivoque que nous y accordons de la valeur. Les lois doivent encourager les gens à rester en vie plutôt qu'à mettre fin à leurs jours.
John Maher, psychiatre de l'Ontario et rédacteur en chef du Journal of Ethics in Mental Health, a indiqué qu'en Ontario, le temps d'attente pour les programmes de traitement en santé mentale peut aller jusqu'à cinq ans, et que l'un de ses patients lui a dit récemment qu'il aimerait obtenir l'aide au suicide parce qu'il croit que personne ne l'aime.
Le Dr Maher rejette également l'idée du suicide assisté comme solution à la maladie mentale et il l'a exprimé de la façon suivante:
On aide quelqu'un à réussir son suicide. Le médecin est comme une arme à feu aseptisée [...] Je ne dis absolument pas qu'il n'existe pas des gens qui ont une maladie irrémédiable. Par contre, je mets au défi quiconque dans l'univers de me prouver que c'est bien le cas d'une personne donnée.
Les groupes de prévention du suicide ont également souligné la triste réalité en ce qui concerne les coûts. Shawn Krausert, directeur général de l'Association canadienne pour la prévention du suicide, a affirmé ceci dans son témoignage au comité:
[I]l est plus simple et probablement moins coûteux de mettre fin à la vie d'une personne atteinte de problèmes de santé mentale complexes que de lui offrir d'excellents soins à long terme. Voilà qui peut avoir l'effet pervers — et inacceptable — d'inciter le système de santé à encourager le recours à l'[aide médicale à mourir] pour éviter d'avoir à offrir des ressources adéquates aux patients.
La plupart des Canadiens s'opposent à l'idée d'étendre l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental. Dans un sondage publié aujourd'hui, à peine 30 % des Canadiens ont indiqué appuyer l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant un trouble mental.
Je peux assurer les députés que, dans ma circonscription, ce pourcentage d'approbation est beaucoup plus bas. La grande majorité des gens que je représente veulent que le gouvernement travaille à aider les gens à mieux vivre et investisse dans les soins palliatifs et la prévention du suicide plutôt que dans le suicide assisté.
Certaines des pétitions que j'ai présentées ici au fil des ans m'ont été transmises par des concitoyens qui reconnaissent que le suicide est la principale cause de décès chez les Canadiens âgés de 10 à 19 ans. Ils demandent expressément au gouvernement de protéger les Canadiens aux prises avec la maladie mentale en facilitant l'accès aux soins et au traitement, et non à la mort.
Tout comme mes concitoyens et la majorité des Canadiens, je pense que le gouvernement devrait retirer tout simplement ce projet de loi pour déposer un nouveau projet de loi qui empêcherait d'avoir accès au suicide assisté dans les cas où le seul trouble de santé invoqué est une maladie mentale.
J'aimerais terminer en citant les propos de mon amie Lia:
Je tiens à dire maintenant, à quiconque a besoin de l'entendre, que la mort n'est pas la seule solution. Il faut investir des efforts. Il faut y mettre du temps. Il faut l'aide d'autres personnes. La situation est complexe. Mais il y a de l'espoir [...] Je fais part de mon témoignage, car je ne suis pas la seule à avoir plus de raisons de vivre que de mourir. C'est aussi le cas de ceux qui nous entourent. En tant que personne aux prises avec une maladie mentale, je n'ai pas besoin qu'on me dise comment mourir. J'ai besoin qu'on me dise de m'accrocher.
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Madame la Présidente, j'ai décidé de raconter aujourd'hui, pour la première fois, l'histoire de mon jeune cousin Gabriel, qui est décédé par suicide le 25 mars 2021. J'espère que son histoire apportera un certain réconfort à d'autres personnes et aiguisera notre compréhension de l'impact de la proposition du gouvernement de légaliser le suicide pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Gabriel est né ici, en Ontario, mais il a passé la majeure partie de sa vie aux États‑Unis. Il était l'un de trois enfants d'une famille aimante et encourageante, mais il a souffert toute sa vie de problèmes de santé personnels qui sont généralement difficiles à classer. Il souffrait du syndrome d'Asperger et d'autres troubles qui nuisaient à sa façon de percevoir le monde. À cause de ces problèmes de santé, il était difficile pour lui de nouer des relations avec ses pairs, et il ressentait le rejet et la solitude. Toutefois, sa famille était toujours là pour lui, l'aidant à surmonter les difficultés et à voir la dignité et le sens de sa vie donnés par Dieu.
Dans nos conversations, mon oncle a réfléchi au contraste entre l'expérience de Gabriel et celle de sa sœur cadette Anastasia. Anastasia est atteinte du syndrome de Down. La société la perçoit comme ayant un handicap. En fait, on constate chez les femmes qui portent des bébés atteints du syndrome de Down un taux élevé d'avortements, car la société n'apprécie pas à leur juste valeur les personnes atteintes de ce syndrome, qui de plus est méconnu. Même si on la perçoit comme ayant un handicap visible, Anastasia est pleine de vitalité, de joie et de bonheur, qu'elle partage naturellement avec tous ceux qu'elle rencontre, et surtout avec ceux qui sont souffrants. Par comparaison, Gabriel n'avait pas l'air différent. Il n'avait pas un handicap visible, mais il souffrait d'une douleur immense qui était pratiquement invisible pour les autres.
J'ai vu Gabriel pour la dernière fois en 2019, pendant un voyage familial. À l'époque, il était entrepreneur en construction indépendant et ses affaires allaient très bien. Son entreprise, comme celles de nombreux propriétaires de petites entreprises, a toutefois été touchée très durement par les conséquences de la pandémie de COVID‑19, même si le virus ne posait pas un grand risque pour sa santé personnelle. En mars 2020, une grande partie de l'Amérique du Nord et du monde entier s'est mise sur pause à cause des craintes entourant ce nouveau coronavirus. Des gens sont morts à cause de ce virus, en effet, mais beaucoup d'autres ont aussi perdu leur gagne-pain, leurs liens avec la collectivité et la possibilité de faire un travail valorisant; beaucoup de gens se sont enlevé la vie, et nous n'aurons jamais de chiffres précis à ce sujet.
Voilà le contexte inhabituel que le gouvernement a choisi pour mettre de l'avant son programme radical en faveur de la légalisation du suicide assisté pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Sa nouvelle loi sur l'euthanasie est entrée en vigueur le 17 mars 2021. Les changements qui ont ainsi été apportés au régime canadien d'euthanasie étaient unanimement dénoncés par les membres de la communauté des personnes handicapées.
En ce qui concerne la santé mentale, le projet de loi contenait un mécanisme par lequel l'interdiction de l'aide médicale au suicide légalisée serait automatiquement levée deux ans plus tard, le 17 mars 2023. Ainsi, le gouvernement a légalisé le suicide pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale, mais a reporté l'entrée en vigueur de cette légalisation à cette année. Entretemps, mon cousin s'est suicidé huit jours après l'adoption de la loi, le 25 mars 2021, juste avant son 26e anniversaire.
Ces événements n'étaient pas liés. Mon cousin ne suivait pas la politique canadienne à l'époque et il n'aurait pas cru que nos délibérations le concernaient là où il vivait. Néanmoins, lorsque j'ai reçu l'appel de mon père dans l'antichambre de cette enceinte, j'ai pensé aux nombreuses personnes comme Gabriel qui seront touchées par notre travail, aux nombreuses personnes comme Gabriel qui vivent avec des douleurs invisibles, qui ont des hauts et des bas, et qui sont profondément aimées par leur famille et leurs amis.
Jusqu'à maintenant, le message que nous voulions tous envoyer à des gens comme Gabriel, c'était qu'ils sont aimés et que leur vie vaut la peine d'être vécue. Comme le dit une citation célèbre: « Celui qui a une raison de vivre peut supporter presque toutes les façons de vivre. » Cette façon de voir les choses a été explorée en profondeur par Viktor Frankl, grand psychiatre et survivant des camps de concentration. Ses réflexions sur les conditions que ses codétenus ont dû endurer l'ont amené à se rendre compte à quel point l'humain a besoin d'un sens à sa vie.
L'humain sait très bien s'adapter à diverses circonstances, même les plus douloureuses. Sa capacité à endurer ces souffrances est tributaire de sa capacité à trouver un sens à sa vie. Encore une fois: « Celui qui a une raison de vivre peut supporter presque toutes les façons de vivre. » C'est en se fondant sur cet aspect que M. Frankl a conçu une méthode psychologique appelée « logothérapie ». Dans un contexte thérapeutique, cette méthode amène les gens à mieux comprendre leur raison d'être, un élément qui est essentiel au bonheur et qui y contribue malgré la souffrance.
Pour une personne souffrant de problèmes de santé physique ou mentale, il y a le traitement ou la thérapie qu'elle reçoit, mais il y a aussi le contexte social plus large qui façonne sa capacité à percevoir un sens et une valeur à sa vie au milieu de la souffrance. Je pense que les députés comprendront que, lorsqu'un membre de notre famille souffre de problèmes de santé mentale, nous cherchons à l'aider à réduire ou à éliminer sa douleur, mais nous cherchons aussi à lui montrer que sa vie a une valeur et un sens au milieu de cette douleur.
Le problème, c'est que nous vivons aujourd'hui dans une société qui établit de plus en plus mal le sens de la vie comme étant l'évitement de la douleur. À l'instar de Bentham, nous pensons que le bonheur est simplement la maximisation du plaisir par rapport à la douleur, au lieu d'adopter l'idée historiquement beaucoup plus répandue que le bonheur consiste en une vie bien remplie et vécue en fonction d'un sens et d'un but.
Aujourd'hui, beaucoup de gens pensent qu'il n'y a pas de sens à vivre si l'on souffre, alors que, dans le passé, il aurait été universellement accepté qu'une personne puisse vivre une bonne vie, pleine de sens et même heureuse, qui comporte une part de souffrance et de douleur. Si, en tant que peuple, nous en venons à définir le sens de la vie et le bonheur comme étant l'évitement de la douleur, nous contribuons alors à une perte d'espoir pour des personnes comme mon cousin. Il peut vivre une bonne vie s'il est capable de croire que sa vie a un sens et de la valeur en dépit de sa souffrance. Cependant, si on lui fait croire qu'une bonne vie consiste uniquement à éviter la souffrance, il doit alors subir à la fois la douleur du moment et la perte apparente de sens et de valeur de sa vie. Dans tous les cas, la combinaison de la douleur et de la perte de sens est probablement un fardeau trop lourd à porter.
Mon oncle m'a confié qu'il disait toujours à Gabriel: « On va s'en sortir, on va trouver une solution ». La famille de Gabriel a cherché à repousser l'idée qu'une mort précoce était inévitable pour quelqu'un comme Gabriel, en lui montrant que la vie pouvait être belle et que les obstacles pouvaient être surmontés.
Cependant, lorsque les législateurs approuvent le suicide facilité par la médecine pour ceux qui cherchent un but et un sens à leur vie alors qu'ils vivent de grandes douleurs et souffrances, nous leur envoyons le message que leur vie ne vaut pas la peine d'être vécue et nous minons leur quête de sens dans cette souffrance. Lorsque des médecins ou des employés d'Anciens Combattants Canada proposent le suicide comme solution, ils envoient clairement le message à la personne qui souffre que sa vie ne vaut peut-être pas la peine d'être vécue ou qu'une mort précoce est inévitable en raison de ce qu'elle vit.
Aujourd'hui, j'aimerais envoyer un message différent. J'aimerais dire aux gens comme Gabriel qu'ils sont aimés, que l'on tient à eux et que leur douleur et leurs souffrances ne leur font pas perdre leur dignité humaine fondamentale ni leur capacité de se donner une noble raison d'être dans le monde. Je tiens à le leur dire parce que c'est la vérité, mais aussi parce qu'il est utile, sur le plan thérapeutique, que les gens qui cherchent un sens à leur vie sachent qu'ils peuvent en trouver un malgré leur souffrance. Quelle que soit la position du gouvernement, j'espère que que l'on comprendra bien mon message aujourd'hui.
Je sais que le gouvernement laissera entendre qu'il existe une distinction légale et morale nette entre le suicide et l'aide médicale à mourir; l'aide médicale à mourir étant le terme typiquement canadien et inventé par des politiciens pour décrire les cas où un professionnel de la santé tue intentionnellement un patient. L'aide médicale à mourir pour une personne atteinte de troubles mentaux équivaut-elle à un suicide? Bien sûr. La seule différence, c'est qu'une autre personne commet le geste fatal. C'est un suicide commis avec un complice. L'aide médicale à mourir est‑elle offerte aux gens suicidaires? Soit cette aide est destinée aux gens qui la veulent, soit elle est destinée à ceux qui ne la veulent pas. En supposant qu'elle est encore censée être destinée uniquement à ceux qui la demandent, et puisque le terme « suicidaire » signifie littéralement « qui désire se suicider », alors, l'aide médicale à mourir est réservée aux gens qui, par définition, sont suicidaires.
La a récemment dit ceci à la Chambre: « Tous les évaluateurs et les prestataires de l'aide médicale à mourir sont expressément formés pour rejeter la demande des personnes suicidaires. » Le mot « rejeter » était peut-être un lapsus freudien. Cela dit, si elle voulait dire que les personnes suicidaires ne sont pas admissibles à l'aide médicale à mourir, alors qui peut bien l'être? Parle-t-on des personnes non suicidaires? À la lumière de la simple définition des mots utilisés, il devient évident que la prétendue aide médicale à mourir est synonyme de facilitation médicale du suicide. Par conséquent, la politique du gouvernement prévoit que le système médical offre de faciliter le suicide des personnes qui ont des idées suicidaires à la suite de problèmes de santé mentale. Une telle offre changera fondamentalement le signal que la société envoie aux personnes qui souffrent quant à la signification et à la valeur de leur vie.
Plus précisément, la Chambre débat aujourd'hui du projet de loi , qui reporterait l'arrivée de cette odieuse réalité d'une autre année. J'appuie le projet de loi C‑39 parce que je suis en faveur de toute mesure qui retardera l'entrée en vigueur de cette horreur. Les conservateurs pensent qu'il faudrait la reporter indéfiniment. Entretemps, nous voterons pour la mesure législative dont nous sommes saisis. Qui sait? Au cours de cette année supplémentaire, il y aura peut-être des élections, ce qui pourrait être l'occasion d'euthanasier cette proposition grave et irrémédiable une fois pour toutes.
Pour finir, je sais que de nombreux députés du gouvernement s'opposent comme moi à ce projet de loi, du moins en privé. J'ai parlé plus tôt des travaux de Viktor Frankl. Dans son ouvrage sur la logothérapie, il explique comment la détresse morale peut nuire à la santé mentale d'une personne. Il raconte l'histoire d'un patient qui ressentait une grande détresse morale à cause de ce qu'on lui demandait de faire au travail. Auprès d'un psychiatre, il avait suivi pendant des années un traitement compliqué qui impliquait la réévaluation d'événements de son enfance. M. Frankl a pour sa part conseillé à son patient de simplement trouver un nouveau travail, ce qui a entièrement résolu le problème.
Nous ne devrions pas rendre une question simple trop compliquée pour ceux qui sont en détresse morale. Ils perdront leur estime de soi et le sens qu'ils donnent à leur vie s'ils abandonnent leur jugement moral à un fanatique. J'implore les députés de défendre ce qui est juste. Pour les Gabriel du monde entier, il y a trop de choses en jeu.
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Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir participer à ce débat.
Les fondements du projet de loi sont fort simples. Le gouvernement demande simplement qu'on lui donne plus de temps pour mettre en place des mesures de sauvegarde, des directives et des pratiques professionnelles qui permettraient d'administrer l'aide médicale à mourir de façon à éviter les erreurs. Or, nous savons déjà que des erreurs sont commises dans le cadre du régime actuel, ce qui ne devrait pas inspirer confiance aux Canadiens. D'ailleurs, le projet de loi , qui est à l'origine de cette demande de prolongation, est un autre exemple de ce qui se passe quand le gouvernement libéral se fourvoie complètement parce qu'il n'a pas mené des consultations préalables, puis qu'il doit ensuite tenter de corriger toutes les erreurs et de combler toutes les lacunes.
C'est encore une histoire d'échec et je voudrais donner un peu de contexte à la Chambre. Les députés se souviendront que, en 2015, la Cour suprême du Canada a, pour la première fois, ouvert la porte à la légalisation du suicide assisté. La réponse du gouvernement libéral a été le projet de loi , qui limitait l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes en fin de vie ayant des souffrances graves et intolérables. On nous avait alors dit qu'il n'était pas question de créer une brèche en vue de donner l'accès au régime d'aide médicale à mourir à d'autres Canadiens vulnérables. C'est ce qu'on nous avait dit. Nous sommes nombreux à ne pas avoir cru le gouvernement sur parole. Nous nous sommes opposés au projet de loi, mais le gouvernement l'a tout de même adopté.
Évidemment, nous voici quelque huit années plus tard, et nos peurs se sont avérées lorsque, dans l'affaire Truchon, la Cour du Québec est arrivée à la conclusion que limiter l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible était inconstitutionnel. Le gouvernement n'a pas porté l'affaire en appel, et cette décision marquante ouvre la voie à un projet de loi sur la vie et la mort visant à étendre l'accès au régime d'aide médicale à mourir sans que la question ait été renvoyée à la Cour suprême du Canada. Je crois que cela, en soi, est un aveu de déresponsabilisation. Le gouvernement a décidé d'accepter le jugement et de présenter le projet de loi , qui élargit l'accès à l'aide médicale à mourir afin d'inclure, entre autres, les personnes atteintes de maladie mentale.
Je tiens à bien me faire comprendre. Je suis conscient qu'au départ, la version du projet de loi présenté par le n'incluait pas les malades mentaux dans le régime canadien de suicide assisté. Or, lorsque l'autre endroit, le Sénat, a étudié le projet de loi C‑7, les sénateurs y ont inséré une disposition étendant le suicide assisté aux malades mentaux du Canada. Lorsque le projet de loi est revenu à la Chambre, le gouvernement, au lieu de s'opposer comme on s'y attendrait de la part d'un gouvernement, a simplement plié l'échine et a accepté cet amendement, qui doit maintenant avoir force de loi.
Le projet de loi prévoyait également que les dispositions concernant les malades mentaux n'entreraient en vigueur que deux ans plus tard. C'est ce que certains appellent la disposition de caducité. Le délai devait servir à mettre en place des mesures de sauvegarde et des normes d'exercice adéquates pour éviter que l'on commette des erreurs. Sans grand étonnement, fidèle à lui-même, le gouvernement libéral a laissé s'écouler ce délai de deux ans et n'a pratiquement rien fait. Il a créé un groupe d'experts chargé d'examiner le dossier, mais n'a pas autorisé ce groupe à évaluer sur le fond le régime canadien de suicide assisté.
De plus, un comité parlementaire mixte du Sénat et de la Chambre poursuit son examen de ces dispositions, et j'ai hâte de lire son rapport. Cependant, encore une fois, le mandat du comité n'incluait aucun examen en profondeur ni enquête qui porterait sur le fond de la question de l'aide médicale au suicide. Tout ce qu'il a été autorisé à faire, c'est d'envisager quelques petits changements pour permettre la mise en œuvre d'une politique qui a des conséquences sur la vie ou la mort de nombreux Canadiens.
C'est là où nous en sommes. Même s'il n'y a aucune mesure de sauvegarde ni ligne directrice pour les praticiens, nous soutenons le projet de loi parce que nous tentons de retarder ce changement le plus possible. J'expliquerai pourquoi dans quelques instants.
La façon terriblement inadéquate dont le gouvernement a mis en œuvre le régime d'aide médicale à mourir est représentative d'un gouvernement libéral qui semble en déroute et dont l'idéologie éloigne le Canada d'une culture de la vie pour le rapprocher d'une culture de la mort au lieu de fournir les ressources nécessaires aux personnes les plus vulnérables. Bon nombre de députés ont soulevé cet aspect et posé la question suivante: pourquoi est-il même nécessaire d'ouvrir la porte du suicide assisté aux personnes marginalisées du Canada, aux personnes vulnérables? Ils le demandent parce que, en ce moment, nous n'offrons pas à ces personnes les ressources et les mesures de soutien dont elles ont besoin pour avoir une vie épanouie et remplie de joie.
Ce qui est vraiment préoccupant, c'est que de nombreux intervenants ont dit qu'ils s'opposaient au projet de loi . Soit dit en passant, il n'y a pas de vaste consensus au Canada sur l'admissibilité à l'aide médicale à mourir des personnes souffrant d'une maladie mentale. Il y a un certain consensus lorsqu'il est question de douleur extrême, mais les Canadiens sont contre le fait de l'élargir aux personnes atteintes d'une maladie mentale.
Ce qui est également préoccupant, c'est que le gouvernement a signalé qu'il élargirait l'accès à l'aide médicale à mourir non seulement aux personnes atteintes d'une maladie mentale, mais aussi à des enfants mineurs matures. Le gouvernement fonce tête baissée avec une politique qui a des répercussions irrévocables sur la vie et la mort, et accélère la descente du Canada sur la pente glissante que nous avions prédite.
Voit-on maintenant la mort comme une façon économique de s'occuper des plus vulnérables de la société? Bien des gens ont présenté les choses de cette façon. Les Canadiens ont le droit de se demander si on peut faire confiance au gouvernement quand il est question de vie ou de mort. Si on offre cette possibilité aux personnes qui souffrent d'une maladie mentale et à des mineurs matures, qu'en est-il des indigents, des sans-abri, des toxicomanes et des anciens combattants? Nous savons que le gouvernement a déjà recommandé aux anciens combattants d'envisager l'aide médicale à mourir au lieu de répondre à leurs besoins et de leur offrir du soutien. Nous savons qu'il y a des gens qui vont dans les banques alimentaires et qui demandent où ils peuvent obtenir l'aide médicale à mourir, car ils ne veulent plus vivre dans la pauvreté. Cela devrait nous amener à réfléchir en tant que politiciens. Nous devrions y réfléchir et faire mieux dans ce pays.
Il y a cependant une bonne nouvelle, et je vais conclure là-dessus.
J'ai récemment présenté à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi , qui vise la protection de la santé mentale. Cette mesure annulerait les amendements que le Sénat — une assemblée non élue — a proposés et que le gouvernement a eu l'imprudence d'accepter. La mesure que je propose freinerait l'élan du Canada qui se dirige vers une pente dangereuse à cause de l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Aux termes de la mesure législative que je propose, les Canadiens dont le seul trouble de santé invoqué est une maladie mentale ne seraient pas admissibles à l'aide médicale à mourir. Parallèlement, dans le préambule, ce projet de loi demande au gouvernement de veiller à ce que soient enfin offertes les mesures de soutien en santé mentale qui ont à maintes reprises été promises dans le budget fédéral mais qui ne se sont jamais concrétisées. C'est le moins qu'on puisse faire pour nos concitoyens aux prises avec des problèmes de santé mentale, notamment la dépression.
En conclusion, pour éviter la mise en application des dispositions sur la santé mentale contenues dans le projet de loi , avant que la Chambre n'ait eu la possibilité de se pencher sur le projet de loi que je propose, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes entièrement disposés à l'adopter rapidement. Ce faisant, nous repousserions d'une autre année l'application des dispositions sur la santé mentale et reporterions l'étude de la question à plus tard. Entretemps, nous mettrions en place un projet de loi d'initiative parlementaire qui protège véritablement les éléments les plus vulnérables de la société.
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Madame la Présidente, c'est avec des sentiments contradictoires que je prends la parole aujourd'hui à la Chambre. Nos cœurs sont remplis d'histoires. Je doute qu'il y ait une seule famille où personne n'a lutté contre une maladie mentale quelconque à un moment donné de sa vie. La simple pensée que l'aide médicale à mourir puisse être étendue aux gens qui sont aux prises avec la maladie mentale est plus que troublante.
Je crois que les Canadiens d'un océan à l'autre sont d'accord pour dire que c'est un élargissement qui va beaucoup trop loin. J'interviens aujourd'hui à la Chambre afin d'appuyer fermement le projet de loi , afin de retarder le fait de rendre les personnes atteintes de maladie mentale admissibles à l'aide médicale à mourir. J'espère que le gouvernement profitera de cette pause, de ce délai, pour enfin mettre en place des mesures de sauvegarde adéquates pour protéger les plus vulnérables.
On dit que la valeur d'une nation se révèle dans la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables. En ce moment même, la valeur de notre nation est mise à l'épreuve. Comment allons-nous faire face à cette épreuve? Saurons-nous relever le défi en aidant notre prochain, nos semblables, nos voisins et amis qui luttent et qui se débattent? Répondrons-nous à leur angoisse? Répondrons-nous à leur douleur? Répondrons-nous aux appels lancés par de nombreuses personnes partout au pays qui, actuellement, sont soumises à une tension mentale accrue?
Bon nombre d'entre elles s'en sortent comme elles peuvent et s'automédicamentent, ce qui mène à des dépendances et à d'autres problèmes de santé mentale. Il y a présentement une augmentation des cas de dépression, de troubles anxieux et d'autres types de maladies mentales. Il y a une déferlante sur le pays et elle emporte des Canadiens de plus en plus jeunes. C'est une situation tragique.
La gravité de ce report ne saurait être exagérée. Il ne faut pas nous contenter de remettre la question à dans un an, car nous devrons alors nous pencher dessus et en débattre une fois de plus. Empressons-nous d'établir les mesures de sauvegarde requises pour protéger les plus vulnérables. Les Canadiens exigent que nous agissions.
Il y a eu de nombreux exemples de débordements, sans compter les dangers d'un élargissement excessif de ce régime. On a proposé et même conseillé à des vétérans d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Jamais on ne devrait conseiller une telle chose aux héros qui ont servi leur pays et qui sont en état de stress post-traumatique, qui vivent une période d'anxiété ou qui sont en dépression. Nous savons que, avec de l'aide et des soins adéquats, ils peuvent finir par voir la lumière au bout du tunnel où ils se sont peut-être engouffrés temporairement.
J'ai des proches qui ont traversé de telles périodes. J'ai vu les effets de la maladie mentale, de manière très marquante. Dans mon ancien travail, je me suis précipité sur un pont où quelqu'un, sur le rebord, envisageait de mettre fin à sa vie. J'ai été appelé à un barrage de ma région, en plein hiver, pour aider quelqu'un qui était à bout.
C'était il y a quelque temps, mais je suis très heureux d'informer la Chambre que ces deux personnes ont continué leur vie. Elles sont vivantes. Elles profitent de leur vie et elles ont effectué des changements très positifs. Je leur suis très reconnaissant d'avoir choisi de vivre, à ce moment-là. Je suis également très reconnaissant du fait qu'à l'époque, l'aide médicale à mourir n'était pas offerte aux personnes qui luttaient seulement contre la maladie mentale.
La Chambre doit mettre en place les mesures de sauvegarde appropriées qui sont requises. Les experts nous disent très clairement que l'aide médicale à mourir ne devrait pas être fournie aux personnes qui sont uniquement atteintes d'une maladie mentale, car il leur est impossible de déterminer de manière adéquate si la maladie mentale est irrémédiable.
Compte tenu de cette incertitude, de ces préoccupations légitimes exprimées par les professionnels de la santé et la majorité des médecins de tout le pays, il incomberait à la Chambre non seulement d'adopter ce projet de loi et d'accorder le délai proposé, mais aussi de mettre en place immédiatement des mesures de sauvegarde adéquates destinées à protéger les plus vulnérables.
Je prendrai un instant pour reprendre des propos qui comptent certainement parmi les plus cités en période difficile. C'est une citation que l'on entend souvent dans les films et au cours de funérailles; c'est un verset particulièrement réconfortant:
Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi.
La mort jette une ombre écrasante et ceux d'entre nous qui ont perdu des êtres chers ne connaissent que trop bien cette douleur et ce chagrin. Ceux qui ont perdu des membres de leur famille et des êtres chers en raison d'un suicide savent à quel point cette ombre est lourde.
Cependant, lorsque nous traversons la vallée de l'ombre de la mort, il existe toujours l'espoir de pouvoir la franchir et d'en ressortir. Il y a de l'espoir pour ceux qui sont aux prises avec une maladie mentale, la dépression et l'anxiété; bien que ces états puissent sembler permanents sur le moment, de nombreuses personnes ont traversé cette vallée et en sont ressorties le cœur et l'âme pleins d'espoir et de lumière.
Premièrement, c'est parce qu'ils ont réalisé qu'ils n'étaient pas seuls. Ils avaient des proches pour les épauler, des membres de leur famille qui les aimaient, des voisins qui leur tendaient la main et des personnes qui accouraient vers eux tandis que tous les autres les abandonnaient. Dans les moments les plus sombres, quelqu'un a allumé une chandelle dans leurs ténèbres, ce qui a ravivé l'espoir.
Je remercie ceux qui m'ont redonné espoir dans mes moments les plus sombres. J'espère que tous les députés accepteront le temps d'arrêt que ce projet de loi accorderait à la Chambre, qu'ils serviront de lumière à ceux qui traversent une période sombre de leur vie et qu'ils leur procureront l'espoir qui se trouve dans la vallée de l'ombre de la mort. Nous n'avons rien à craindre, mais nous pouvons accompagner les gens dans les moments les plus difficiles de leur vie.
Donnons de l'espoir et de la vie. N'encourageons pas la mort ou une culture de la mort, mais favorisons plutôt une culture d'espoir et de vie pour ceux qui en ont le plus désespérément besoin.
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Madame la Présidente, comme toujours, c'est un véritable honneur et un privilège de prendre la parole à la Chambre des communes pour représenter ma belle circonscription, Peterborough—Kawartha.
Aujourd'hui, nous débattons du projet de loi , Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Ce projet de loi prolonge l'exclusion des personnes atteintes de maladie mentale de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir au-delà du 17 mars 2023.
Nous allons devoir remonter un peu en arrière pour illustrer à quel point la loi, la discussion et l'idéologie en question sont inquiétantes. En décembre 2021, sans aucune consultation, étude ou discussion, le Sénat a ajouté un amendement au projet de loi pour rendre les personnes atteintes de maladie mentale admissibles à l'aide médicale à mourir. C'est très inquiétant. Le fait qu'on ait ajouté un amendement aussi grave, qui cible les personnes les plus vulnérables, sans avoir fait preuve de la diligence raisonnable en étudiant et en consultant des experts, témoigne de l'insouciance du gouvernement libéral.
Au lieu de reconnaître la façon antidémocratique et dangereuse dont l'amendement a été fait et de le supprimer entièrement, ce qui aurait dû être le cas, les libéraux proposent simplement de prolonger la date limite d'une durée arbitraire.
Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a été créé après l'ajout de l'amendement. C'est ce qu'on appelle faire les choses à l'envers. Le comité a entendu le témoignage de nombreux experts, notamment le Dr John Maher, psychiatre et éthicien médical, qui a dit: « Les psychiatres ne savent pas, et ne peuvent pas savoir, quel patient verra son état s'améliorer et vivra une bonne vie pendant des décennies. Les maladies du cerveau ne sont pas comme des maladies du foie. »
Évidemment, aujourd'hui, je vais appuyer le projet de loi, mais disons les choses comme elles sont: c'est un écran de fumée dissimulant un problème idéologique beaucoup plus grave. Il est inutile de prolonger le délai. Ce qu'il faut, c'est éliminer complètement la possibilité de recourir à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une maladie mentale. Il faut dénoncer le fait que les libéraux n'ont toujours pas fourni un sou des 4,5 millions de dollars promis pour le Transfert canadien en matière de santé mentale. Les personnes qui nous regardent à la maison doivent savoir que nous faisons des pieds et des mains pour qu'ils puissent accéder rapidement aux traitements dont ils ont besoin s'ils le souhaitent de sorte qu'ils puissent se rétablir. Voilà ce qu'il faut faire.
J'exhorte les députés à écouter les citoyens de leur circonscription et à reconnaître à quel point le message que nous envoyons aux personnes en difficulté est dangereux. J'encourage les députés à appuyer le projet de loi , que mon collègue d' a présenté vendredi dernier et qui réglerait ce problème au lieu de prolonger le délai et de faire traîner les choses en longueur à l'égard d'un amendement qui n'aurait jamais dû être apporté.
Il est difficile, voire impossible, dans le cas d'une maladie mentale, de déterminer si une personne peut se rétablir, aller mieux ou recouvrer la santé. Par conséquent, on peut comprendre à quel point un projet de loi comme celui-ci est dangereux.
Je vais lire une lettre qui m'a été récemment envoyée.
Elle se lit comme suit:
« Madame Ferreri,
« Je m'appelle Kayla. Je vais envoyer cette lettre à plusieurs députés, mais comme vous êtes la députée qui représente la circonscription où je réside, j'ai pensé que je devais vous l'envoyer en premier. Je suis très troublée par un événement qui se passera très bientôt au pays, et j'espère que vous écouterez ce que j'ai à dire.
« Dans l'ensemble, je suis une personne en très bonne santé. J'ai un problème de santé mentale, mais c'est mon seul problème de santé. Cependant, j'ai été mortifiée de découvrir le mois dernier que les personnes dont le seul problème de santé est un problème de santé mentale seront admissibles à l'aide médicale à mourir à partir du 17 mars 2023.
« Les personnes qui souffrent d'un problème de santé mentale souffrent horriblement. Mon problème m'a fait souffrir pendant presque 12 ans. Peut-être les aspects les plus épouvantables sont que “[l]a loi n’exige plus que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible pour qu’une personne soit admissible à l’AMM” (Gouvernement du Canada, 2021) et que “[n]i la personne ni ses professionnels de la santé ne sont tenus d'informer les membres de la famille que cette personne a demandé à recevoir l'aide médicale à mourir” (CAMH, 2022).
« Je crois que vous êtes une personne intelligente, madame Ferreri, et que vous êtes parfaitement au fait de la situation. À compter du 17 mars 2023, je pourrai mettre fin à ma vie parce que je suis atteinte d'une maladie mentale incurable. Permettez-moi de vous en dire plus à mon sujet: j'ai deux diplômes universitaires, soit un en biologie et l'autre en science de l'environnement. J'ai un emploi que j'adore et que j'ai décroché peu après l'obtention de mon diplôme. J'ai toujours payé mes impôts. Je n'ai jamais pris de congé prolongé ni demandé d'assurance-emploi à cause de ma maladie mentale, peu importe à quel point elle devient difficile à gérer. J'ai une famille et des amis que j'adore et qui m'adorent. Pourtant, il semble que mon propre gouvernement juge maintenant que ma vie n'en vaut pas la peine. Ce n'est pas seulement injuste, c'est monstrueux.
« Mais ce n'est pas tout. Qu'en est-il de ceux qui ont le même genre de problème de santé que moi, mais qui sont en bien pire état? Ils ne peuvent payer d'impôt, car ils sont incapables de travailler. Ce sont des toxicomanes, ou des vétérans souffrants d'un trouble de stress post-traumatique. Ce sont des sans-abri car ils sont incapables de repousser leurs démons. Ils comptent parmi les personnes les plus vulnérables de notre société. Et je ne parle pas de ces “mineurs matures” (Dieu sait ce que cela signifie), qui pourront un jour avoir accès à l'aide médicale à mourir si tout cela ne s'arrête pas.
« Il ne faut pas se leurrer: cette mesure décorée d'un joli nom, soit l'aide médicale à mourir, correspond à l'euthanasie des personnes les plus vulnérables parce qu'elles ne peuvent pas contribuer à la société comme les autres. Le fait que le gouvernement offre de les écarter du chemin (c'est-à-dire les convaincre qu'elles devraient mourir) de cette façon uniquement parce que les systèmes qu'il a mis en place les laissent tomber est une horreur sans nom.
« Madame Ferreri, j'espère que vous ferez tout en votre pouvoir en tant que députée, comme moi en tant que citoyenne, pour abolir cette loi. Je sais que le gouvernement fédéral souhaite repousser l'adoption du projet de loi, probablement parce qu'il a fait l'objet de beaucoup de critiques. Je sais que ce n'était probablement pas vous qui avez pris les décisions visant à faire avancer ce projet de loi. Toutefois, je sais aussi que vous êtes mieux placée que beaucoup d'autres personnes pour faire quelque chose ce sujet. J'espère que vous me répondrez après avoir lu ma lettre.
« Cordialement,
« Kayla. »
J'ai parlé à Kayla, et ce fut une conversation déchirante. Elle vit très bien, et je tiens à ce qu'on applaudisse Kayla pour le courage dont elle a fait preuve en racontant son histoire. Cette lettre mentionne tout ce que les Canadiens ont besoin de savoir. Nous devons envoyer un message d'espoir et de rétablissement, et non le message selon lequel la vie ne compte pas.
Je termine sur une dernière histoire. Elyse est une jeune étudiante à l’université avec qui je me suis entretenue durant la pause des Fêtes. Elle a communiqué avec moi pour me transmettre un message important. Elle m’a expliqué qu’elle s’inquiète beaucoup de la disposition d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent de maladie mentale. Elyse m’a confié qu’elle a déjà souffert de maladie mentale. Elle n’a aucun doute que si une personne lui avait parlé de l’aide médicale à mourir durant cette période, elle ne serait pas ici. Elle ne ferait pas d'études universitaires, elle ne serait pas dans une relation amoureuse saine et heureuse et, par-dessus tout, elle ne saurait pas que sa vie mérite d’être vécue.
En tant que députés dans cette enceinte, il nous incombe de nourrir l’espoir des Canadiens et de concevoir des lois qui améliorent leur qualité de vie. Avoir une vie meilleure signifie avoir accès aux mesures d’aide en cas de besoin. Je recommande vivement à tous les députés d’écouter les experts et les Canadiens. Au lieu de prolonger une échéance arbitraire, il faut abandonner ce projet de loi dangereux et irresponsable. J’aimerais dire à toutes les personnes qui nous regardent à la maison, peu importe si vous avez une maladie mentale ou si vous accompagnez un être cher qui en souffre, nous vous entendons. Votre vie a une grande valeur et vous méritez que nous nous battions pour vous.
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Madame la Présidente, ce n'est pas la première fois que les libéraux ont du mal à s'organiser pour respecter une échéance. Cependant, dans ce cas-ci, il se peut que la prolongation qu'ils nous offrent soit l'occasion de bien faire les choses, du moins, c'est ce que j'espère.
La question qu'il faut se poser n'est pas de savoir s'il faudrait repousser l'admissibilité de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale, mais de savoir s'il serait sage de l'élargir de cette façon.
Il y a sept ans, j'ai pris la parole à la Chambre et j'ai prédit que nous en serions ici aujourd'hui. Voici ce que j'ai dit le 5 mai 2016:
Il ne faut pas beaucoup de talent pour prédire qu'il y aura beaucoup de confusion après l'adoption du projet de loi.
Mais si on a l'option de tuer les patients pour une raison quelconque considérée acceptable, dans combien de temps ces raisons deviendront-elles plus souples? Qu'adviendra-t-il des gens sans famille qui drainent les ressources hospitalières? Ne serait-il pas dans l'intérêt financier de la société de mettre fin à leur vie?
Comment allons-nous empêcher les familles de faire pression sur leurs aînés pour qu'ils demandent à mourir dans le seul but d'améliorer la situation financière de la nouvelle génération? Tant de questions demeurent sans réponse. Nous agissons à la hâte, ce qui nous amènera sans aucun doute à faire fausse route [...]
On ne discuterait peut-être pas de cette question si on aidait mieux les personnes en fin de vie. Qu'en est-il de l'engagement du gouvernement à accroître le financement des soins palliatifs, une promesse électorale qui n'a pas été abordée dans le budget de 2016?
À l'époque, je n'ai pas abordé la question de la prétendue aide à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale. J'avoue qu'à l'époque, il ne m'est jamais venu à l'esprit qu'une telle idée puisse être envisagée.
Nous parlions de ceux dont la mort était non seulement prévisible, mais imminente. L'idée de hâter la mort naturelle a été présentée comme une mesure charitable pour soulager la douleur de ceux qui souffrent d'une maladie en phase terminale.
Comme les temps ont vite changé. Ce qui était autrefois impensable est maintenant présenté comme normal, ce qui peut expliquer pourquoi, en octobre de l'année dernière, un représentant du Collège des médecins du Québec a suggéré d'étendre l'aide médicale à mourir aux enfants de moins d'un an souffrant de graves problèmes de santé. Ces enfants sont évidemment trop jeunes pour prendre eux-mêmes une telle décision.
Il a été un peu rassurant d'entendre la dire qu'elle était choquée par cette idée et qu'elle la trouvait inacceptable. Toutefois, il a été moins rassurant d'entendre la ministre déclarer qu'elle ne pouvait pas parler au nom de l'ensemble du gouvernement sur cette question. Je ne serais donc pas étonné si, dans un avenir rapproché, on nous demandait d'élargir encore une fois les circonstances dans lesquelles l'aide médicale à mourir est offerte.
Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le plus grand hôpital d'enseignement en santé mentale au Canada et l'un des principaux centres de recherche du monde dans le domaine de la santé mentale, au cours d'une année donnée, un Canadien sur cinq souffre d'une maladie mentale. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce chiffre est important. En outre, rendu à l'âge de 40 ans, un Canadien sur deux, soit la moitié de la population, souffre ou a souffert d'une maladie mentale.
Nous devons reconnaître ce que cela signifie pour notre pays. La maladie mentale est un problème grave, mais la solution ne réside pas dans la possibilité du suicide assisté.
En entrevue à la CBC, la ministre des personnes handicapées a déclaré qu'elle entend souvent dire que certaines personnes handicapées demandent l'aide à mourir parce qu'elles n'arrivent pas à trouver un logement adéquat ou des soins suffisants et qu'elles choisissent la mort en raison d'un manque de soutien social.
N'est-ce pas également le cas pour ceux qui souffrent de maladie mentale? D'après le Centre de toxicomanie et de santé mentale, environ 4 000 Canadiens se suicident chaque année, ce qui représente une moyenne quotidienne de 11 personnes d'âges et de milieux différents. Ces chiffres donnent à réfléchir.
En Ontario, 4 % des adultes et 14 % des élèves du secondaire affirment avoir sérieusement songé au suicide au cours de la dernière année. Bien que 75 % des suicides concernent des hommes, les tentatives de suicide sont de trois à quatre fois plus fréquentes chez les femmes. Plus de la moitié des suicides sont commis par des personnes âgées de 45 ans ou plus.
Selon l'Université de l'Alberta, chaque année, dans cette province, une personne sur six envisage sérieusement de se suicider. Les blessures auto-infligées découlant d'une tentative de suicide entraînent en moyenne 2 400 hospitalisations et plus de 6 000 visites aux urgences par an. Chaque année, plus de 500 Albertains se suicident. Selon les services de santé de l'Alberta, en 2018, 7 254 Albertains sont allés aux urgences après une tentative de suicide. Trois personnes sur quatre qui se suicident sont des hommes, dont environ 50 % d'âge moyen, soit de 40 à 64 ans.
Dans le groupe d'âge de 15 à 24 ans, le suicide est la deuxième cause de décès après les accidents de la route. Chez les Autochtones, en particulier les jeunes, le taux de suicide est beaucoup plus élevé que chez les non-Autochtones. Toujours dans le groupe d'âge de 15 à 24 ans, le suicide est environ six fois plus courant chez les jeunes des Premières Nations que chez les non-Autochtones. Les jeunes Inuits ont un taux de suicide environ 24 fois plus élevé que la moyenne nationale. C'est une tragédie nationale.
Les experts nous disent que la santé mentale et la santé physique sont liées. Ainsi, une personne atteinte d'un problème de santé physique à long terme, tel que de la douleur chronique, est beaucoup plus susceptible de présenter des troubles de l'humeur. De même, une personne souffrant de troubles de l'humeur présente un risque beaucoup plus élevé de développer un problème de santé à long terme.
Si notre réponse face à la maladie mentale est désormais de chercher avant tout à faciliter la mort plutôt que de chercher à offrir un traitement médical approprié, qu'est-ce que cela révèle à propos de la société canadienne et des Canadiens? Si nous soutenions mieux ceux qui souffrent de maladie mentale, nous n'aurions peut-être pas cette discussion aujourd'hui.
Bon nombre des personnes atteintes de maladie mentale sous différentes formes nous disent qu'elles connaissent des journées pires que d'autres. Quand c'est une mauvaise journée, qu'un nuage noir les entoure et qu'elles ont l'impression qu'il ne s'en ira jamais, la mort peut sembler une douce solution, mais, dans la plupart des cas, le nuage finit par se dissiper. Comme je l'ai dit plus tôt, environ la moitié de la population vivra, à un moment ou un autre, un épisode de maladie mentale. La plupart des gens s'en remettent.
Je suis certain que faciliter le suicide en l'appelant « aide médicale à mourir » fera en sorte que des gens atteints d'une maladie mentale pouvant être traitée choisiront la mort. Certains le feront parce qu'ils sont dans une mauvaise passe et qu'ils ne voient aucun espoir à l'horizon. Pour d'autres, c'est peut-être le manque de soins ou de soutien social en ce qui a trait à leur maladie qui les poussera à opter pour cette solution.
Si on inclut les coûts du système de santé, la perte de productivité et la réduction de la qualité de vie liée à la santé, on estime à 50 milliards de dollars le coût annuel de la maladie mentale au Canada. Ce montant pourrait être réduit si nous investissions davantage dans la promotion de la santé mentale et dans les programmes de prévention de la maladie, dans les interventions précoces qui ciblent les enfants et les familles et dans le traitement de la dépression et des troubles anxieux.
Il faut adopter ce projet de loi, parce que l'échéance approche. Plus important encore, il faut trouver des façons de soutenir les personnes atteintes de maladie mentale. Leur offrir la mort ne devrait pas être une solution.
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Madame la Présidente, je remercie tous mes collègues qui ont parlé avec tant d'éloquence au cours des dernières heures.
Mes collègues ne seront pas surpris d'apprendre que je suis opposé à l'aide médicale à mourir et également à tout élargissement de celui-ci. Je voterai toutefois en faveur du projet de loi , parce qu'il retarderait le geste imminent que le gouvernement libéral souhaite poser, c'est-à-dire élargir l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladies mentales.
Lorsque le gouvernement libéral a présenté l'aide médicale à mourir pour la première fois à la Chambre, je faisais partie du comité de la justice et j'ai averti la Chambre, dès le début, que l'aide médicale à mourir allait être une pente glissante, que le « raisonnablement prévisible » ne resterait pas la norme en fonction de laquelle les demandes d'aide médicale à mourir seraient jugées, et que le projet de loi constituerait également une menace sérieuse pour les personnes handicapées, les personnes âgées, les pauvres et en particulier les personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Au mois d’août l’année dernière, l’Associated Press et le National Post ont publié des articles sur ce que l’on constate dans les hôpitaux du Canada depuis que le gouvernement libéral a instauré l’un des régimes de suicide assisté parmi les plus permissifs dans le monde. Les résultats sont alarmants. Dans une entrevue, Tim Stainton, directeur du Canadian Institute for Inclusion and Citizenship, à l’Université de la Colombie-Britannique, et l’un des plus grands spécialistes sur la question, a déclaré que l’aide médicale à mourir est « la plus grande menace existentielle qui pèse sur les personnes handicapées depuis le programme qui avait été mis en place par les nazis dans les années 1930, en Allemagne ».
En réponse à cet article, le journaliste Gus Alexiou, lui-même atteint de la sclérose en plaques, a déclaré ce qui suit au magazine Forbes: « l’accès sans entrave [à l’aide médicale à mourir] pourrait [...] s’avérer être l’une des forces les plus maléfiques que la communauté des personnes handicapées [y compris les personnes atteintes d’une invalidité ou d'une maladie mentale] ait eu à affronter depuis les "homicides par compassion" du Troisième Reich il y a près de neuf décennies ».
Dans le cadre de leur enquête, ces auteurs ont découvert que les personnes ciblées pour l’aide médicale à mourir — et je crois que « ciblées » est le mot juste — sont les Canadiens les plus vulnérables, c’est-à-dire les personnes handicapées, les aînés, les pauvres et les personnes atteintes d’une maladie mentale.
Leur reportage commence avec Alan, de la Colombie-Britannique, qui a souffert d'une grave dépression. On lui a prodigué l'aide médicale à mourir peu après son admission à l'hôpital à la suite d'une crise psychotique. Sa famille a imploré les médecins de ne pas le tuer, vu qu'il avait été admis contre sa volonté et qu'il souffrait d'une crise psychotique lorsqu'il a réclamé l'aide médicale à mourir. On a fait fi des demandes de la famille, et Alan est mort peu après. Comme Mark Komrad, psychologue à l'hôpital John Hopkins, l'avait prédit, il y a des patients psychiatriques pour qui notre loi « sera un moyen d'obtenir, et non de prévenir, le suicide ». La mort d'Alan n'était pas une mort raisonnablement prévisible. Il a été tué parce qu'il avait un problème de santé mentale.
Il y a ensuite eu un incident troublant lors duquel une agente d'Anciens Combattants Canada a tout bonnement offert l'aide médicale à mourir à un vétéran souffrant d'un trouble de stress post-traumatique et d'un traumatisme cérébral, ce qu'elle n'aurait jamais dû faire. Il faut avouer que le gouvernement s'est occupé de cette employée, et je l'en félicite, tout comme je le félicite de prendre cette pause au sujet de l'élargissement de l'aide médicale à mourir. J'ai déjà été du côté des ministériels, et je sais à quel point il est difficile de faire marche arrière. Cela prend du courage, et je suis heureux que le gouvernement ait jugé bon de prendre cette décision. Par contre, il s'avère que cet incident au sujet du vétéran n'était pas un cas isolé. À ce qu'on sache, on aurait proposé à cinq autres occasions à des vétérans d'envisager l'aide médicale à mourir.
Il faut être conscient de ce qui se passe réellement ici. En effet, après avoir écouté le et lu certains articles, j'ai l'impression qu'il n'est pas convaincu que les personnes souffrant d'une maladie mentale ne devraient pas recevoir l'aide médicale à mourir. J'ai l'impression qu'il n'était tout simplement pas prêt à aller de l'avant.
Voici des propos du ministre cités dans un article de la CBC le 2 février 2023:
Tout a fonctionné au ralenti pendant la pandémie. En toute honnêteté, je dirais que nous aurions pu nous en tenir à la date qui était prévue au départ, mais nous voulons être certains que nous agissons de manière sécuritaire, et que tout le monde est sur la même longueur d'onde.
Nous tenons particulièrement à ce que les professionnels de la santé, les facultés de médecine et les collèges qui ont certaines inquiétudes aient le temps d'intérioriser les nouveaux développements.
Je reprends la dernière phrase: « Nous tenons particulièrement à ce que les professionnels de la santé, les facultés de médecine et les collèges qui ont certaines inquiétudes aient le temps d'intérioriser les nouveaux développements. » Cela ne donne pas l'impression que le et le gouvernement font volte-face, mais bien qu'ils sont résolus à aller de l'avant.
Selon le National Post, un rapport de l'ONU publié en 2021 « contenait une mise en garde disant que la libéralisation de l'euthanasie au Canada constitue une menace sérieuse pour ses populations âgées et [infirmes]. » Il est certain que les personnes souffrant de maladies mentales sont menacées également. Dans le rapport, on peut lire: « il est très préoccupant de penser que, si l'aide à mourir est accessible à toutes les personnes souffrant d'un problème de santé ou d'une déficience [y compris la santé mentale], la société puisse considérer [...] qu'il vaut mieux être mort que de vivre avec un handicap. » Compte tenu de ce que nous avons vu jusqu'à présent, cela semble être le cas.
Il y a un peu moins d'un an, en février dernier, j'ai reçu un courriel d'une citoyenne. Elle n'habite pas dans ma circonscription, mais dans celle d'un député libéral. Le courriel a été envoyé à plusieurs députés. J'aimerais le lire pour qu'il soit officiellement consigné dans le compte rendu de nos débats. Il s'agit d'une femme nommée Melissa. Voici ce qu'elle dit:
[...] j'étais bien loin d'être une membre productive de la société. Il y a 15 ans, j'éprouvais vraiment beaucoup de difficultés. Je venais d'entamer ma 10e année pour la deuxième fois à cause d'un diagnostic de trouble de santé mentale. J'avais reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique, de trouble de la personnalité et de dépression majeure. Je souffrais d'anxiété et je prenais un tas d'antipsychotiques. J'ai fait de multiples séjours dans des unités d'intervention d'urgence et de psychiatrie, puis, quelques années plus tard, je me suis fait expulser d'une maison d'hébergement pour jeunes. Je me suis fait expulser de l'école et de la maison parce que je faisais des surdoses de mes médicaments sur ordonnance et que je me mutilais. J'étais une cause perdue et je ne voulais plus vivre. Ainsi, le suicide était la seule façon de fuir toute cette douleur, du moins, c'est ce que je croyais.
Elle poursuit:
[...] comme ma maladie était presque incurable à moins d'un miracle, j'aurais été une candidate toute désignée pour l'aide médicale à mourir. J'étais un fardeau pour ma famille, le système de santé et le système d'éducation. De surcroît, j'avais des problèmes d'estomac et des maux de dos chroniques pour lesquels je fréquentais l'hôpital. Si j'avais eu un accès illimité à l'aide médicale à mourir, j'y aurais sérieusement songé et je ne serais pas ici pour vous raconter mon histoire.
Il y a tellement de jeunes adolescents qui, comme moi, grandissent dans des foyers brisés et qui sombrent dans le désespoir. Parallèlement, d'autres ont tout ce qu'ils peuvent désirer, mais ils souffrent tout de même de problèmes affectant leur santé mentale et physique. Tout le monde ne réussit pas à surmonter ces problèmes, et ceux-ci persistent à l'âge adulte, ce qui rend ces personnes admissibles à l'aide médicale à mourir.
Elle ajoute:
Quand on choisit d'aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir, il n'est pas possible de revenir sur sa décision. Je sais que les gens souffrent, que la vie peut être difficile et que certains moments peuvent sembler insupportables. Toutefois, il y a de l'espoir! Je suis déjà passée par là. J'ai souffert pendant plus de 10 ans. J'ai commencé à prendre des antidépresseurs à l'âge de 12 ans et, au milieu du secondaire, j'avais perdu la tête et je voulais tout simplement en finir.
Pourtant, s'enlever la vie est une affaire très sérieuse. J'ai rencontré Jésus, qui est devenu ma source d'espoir. Je sais que le nom de Jésus a souvent été galvaudé, mais le Jésus que j'ai rencontré apaise réellement la douleur et la souffrance inutiles.
Elle s'est ensuite adressée à son député libéral et lui a demandé de reconsidérer son soutien à ce projet de loi en particulier.
Malheureusement, cela survient au Canada au moment même où nous sommes aux prises avec une grave crise des soins de santé qui ne cesse d'empirer, exacerbée par des années de pandémie, de restrictions et de délestage. Des millions de Canadiens sont incapables d'accéder aux soins primaires, et les temps d'attente pour voir un médecin, obtenir un rendez-vous, se faire opérer, obtenir du soutien en santé mentale ou se faire traiter aux urgences sont parmi les plus longs du monde industrialisé.
Depuis son expansion, l'aide médicale à mourir a connu une hausse spectaculaire, exacerbée par la COVID‑19 et par l'incapacité d'un trop grand nombre de Canadiens à accéder rapidement à des soins appropriés, ce à quoi s'ajoute le manque de soutien en matière de santé mentale. En fait, selon un sondage Angus Reid qui vient de paraître aujourd'hui, 55 % des Canadiens craignent que l'expansion de l'aide médicale à mourir devienne un substitut aux services sociaux.
Un urgentologue a récemment confié à mon bureau qu'avant la pandémie, les problèmes de santé mentale représentaient une visite sur sept aux urgences. Après la pandémie et les restrictions, ce chiffre est maintenant d'une visite sur trois. Selon une recherche du National Post, l'année 2020 a vu une augmentation de 17 % des décès par aide médicale à mourir par rapport à 2019, et un nombre disproportionné de personnes âgées figurent dans les statistiques. Si la portée de la loi est élargie de façon permanente afin d'inclure les maladies mentales, il ne fait aucun doute, selon moi, que nous assisterons à un bond encore plus important.
Je reconnais qu'il existe de nombreuses personnes pour qui chaque jour est une lutte et dont les problèmes de santé mentale et physique sont invalidants. Loin de moi l'idée de prétendre que je sais ce que c'est, je tiens à le souligner, mais je crois que chaque vie humaine, quels que soient le parcours ou les difficultés vécus, est porteuse d'une dignité inhérente et sacrée. Seul Dieu peut donner la vie et seul Dieu devrait pouvoir la reprendre. Je crois profondément que la vie est un don précieux, de la conception à la mort naturelle.
Il incombe au gouvernement de défendre l'intérêt supérieur de tous ses citoyens. Nous devons adopter des politiques qui respectent ce don, qui favorisent la vie et valorisent chaque citoyen. Comme le pape François l'a déclaré lors de sa récente tournée canadienne, « Nous devons apprendre à écouter la douleur […] des patients qui, au lieu de recevoir de l'affection, se voient administrer la mort. »
Nous devons venir en aide aux aînés, aux infirmes et aux personnes handicapées. Nous devons venir en aide à ceux qui souffrent d'une maladie mentale, au lieu de leur proposer une injection...
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Madame la Présidente, il y a vraiment quelque chose qui ne fonctionne pas au Canada présentement. Je pourrais parler de l'inflation, qui atteint des sommets en 40 ans. Je pourrais parler des hausses du taux d'intérêt des 12 derniers mois, qui ont fait doubler le paiement hypothécaire moyen et qui poussent les loyers au-delà de ce que peuvent payer de nombreux travailleurs dans les villes canadiennes qui ont besoin de main-d'œuvre. Je pourrais parler de la crise de l'abordabilité du logement et je pourrais aussi parler de criminalité. Nous avons déjà parlé de tous ces enjeux.
De récents sondages indiquent même que les deux tiers des Canadiens considèrent que le Canada ne fonctionne pas comme il le devrait. Un des piliers de la société canadienne que les gens considèrent comme étant brisé est le système de santé. Autrefois, les Canadiens étaient fiers de leur système de santé universel de calibre mondial à la fine pointe. Aujourd'hui, les gens doivent attendre des heures avant d'obtenir des soins à l'urgence et des mois avant de pouvoir rencontrer un spécialiste.
Cette situation ne correspond pas à l'image que les Canadiens se font de leur pays prospère. C'est vrai que quelque chose ne fonctionne pas, et c'est en matière de santé mentale que c'est le plus évident.
Nous sommes au beau milieu d'une grave crise des opioïdes partout au Canada, et certainement dans ma province, la Colombie‑Britannique. La décriminalisation, l'approvisionnement sûr et les campagnes de lutte contre les préjugés ont eu, au mieux, très peu d'effets positifs. Au pire, ils ont contribué à la montée en flèche du nombre de décès liés aux opioïdes au cours des huit dernières années. Il est clair que les mesures prises par le gouvernement ne fonctionnent pas.
C'est dans ce contexte que nous discutons maintenant, en tant que parlementaires, de la question de savoir si l'aide médicale à mourir devrait être accessible aux personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale. Il y a effectivement quelque chose qui ne va pas.
Il fut un temps où les personnes atteintes de maladie mentale obtenaient l'aide dont elles avaient besoin. Je tiens à souligner l'éditorial de Douglas Todd qui a paru la semaine dernière dans le Vancouver Sun. Il écrit souvent, mais rarement au sujet de lui-même ou de sa famille. Il s'agit d'une histoire très personnelle.
Lorsque M. Todd était jeune, son père Harold, un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, a reçu un diagnostic de schizophrénie. Il a passé de nombreuses années stables à l'hôpital Riverview de la région métropolitaine de Vancouver, où il recevait trois repas par jour, où il était en sécurité et où le personnel infirmier administrait et surveillait ses médicaments. Il était stable. L'hôpital Riverview n'était pas parfait, mais il a permis à Harold d'éviter de se retrouver dans la rue.
Harold est mort il y a 23 ans, selon l'histoire, juste à l'époque où le gouvernement provincial a commencé à considérer que les hôpitaux et les maisons de pension pour les personnes atteintes de maladie mentale étaient inhumains et paternalistes, et que ces personnes ne devaient pas être gardées hors de la vue et donc hors de l'esprit des gens, mais qu'elles devraient être autorisées à vivre dans la collectivité. Ces établissements ont largement disparu, mais n’ont été remplacés par rien, ce qui a conduit à un désastre.
Le plus jeune Todd a souligné que l'année dernière seulement, 2 272 résidents de la Colombie‑Britannique sont morts à cause de drogues de rue toxiques. Il dit ceci: « Si mon père n'avait pas eu un logement stable, il aurait pu subir un tel sort. » Voilà où en est la santé mentale au Canada en 2023.
Ce qui m'amène maintenant à la question du rétablissement et de l'incurabilité des problèmes de santé mentale. Un certain nombre de mes collègues en ont parlé.
Une membre de ma collectivité m'a raconté une histoire à glacer le sang sur la façon dont sa fille a éprouvé des problèmes de santé mentale il y a des années. La tournure des événements avait fait en sorte qu'elle s'était retrouvée dans un hôpital lors d'un grave épisode d'idées suicidaires. Ma concitoyenne est convaincue que si sa fille s'était vu offrir l'aide médicale à mourir à l'hôpital ce jour-là, elle l'aurait acceptée. Au lieu de cela, elle a trouvé l'espoir d'un avenir meilleur et l'accès à un véritable soutien. Elle s'est maintenant rétablie et vit pleinement sa vie d'épouse, de mère et de membre de la collectivité.
Les experts ne s'entendent pas au sujet d'une possible guérison. Qu'est-ce qui représente un caractère irrémédiable dans le cas d'une maladie mentale? À quel moment une maladie mentale est-elle incurable et comment le déterminer? Notre comité parlementaire mixte spécial sur l'aide médicale à mourir s'est penché sur ces questions très troublantes. Un témoin a déclaré qu'il aurait probablement choisi l'aide médicale à mourir dans ses moments les plus sombres, mais qu'il mène maintenant une vie bien remplie grâce à des médicaments efficaces et à la thérapie.
Selon Mme Vrakas, lorsqu'on offre l'aide médicale à mourir à des personnes souffrant de maladie mentale, « on signifie clairement son désengagement relativement à la maladie mentale ».
Le Dr Sareen, de l'Association of Chairs of Psychiatry in Canada, a déclaré en décembre 2022 au comité que « nous sommes en pleine épidémie de surdose aux opioïdes, et nous sommes en pleine pandémie de santé mentale. Après la COVID, les délais d'attente pour un accès à un traitement sont plus longs que jamais. »
On ne peut prétendre que les patients peuvent choisir librement entre l'aide médicale à mourir et un traitement lorsque ce traitement et tout simplement inaccessible.
Il n'y a toutefois pas de consensus au sujet de questions aussi cruciales que celle-ci: est-ce qu'on peut guérir cette personne? Il y a fort à parier que c'est impossible. En réalité, prodiguer l'aide médicale à mourir à une personne souffrant de maladie mentale est une réaction irréversible à un état dont on ignore s'il peut être soigné ou non.
Le Dr Maher a parfaitement résumé la situation pendant son témoignage devant le comité lorsqu'il a dit: « Leur cheval de bataille, c'est l'autonomie à tout prix, mais elle causera inévitablement la mort de personnes dont l'état s'améliorerait. Quel nombre de conjectures erronées est acceptable pour vous? »
Le Dr Mishara a ajouté qu’il connaît personnellement un très grand nombre de personnes qui ont « expliqué de façon convaincante qu’elles voulaient mettre fin à leurs jours pour arrêter de souffrir, mais qui sont aujourd’hui très reconnaissantes d’être en vie ». Si nous autorisons l’aide médicale à mourir pour les personnes ayant une maladie mentale, combien d’entre elles qui auraient pu éventuellement retrouver la joie de vivre sommes-nous prêts à diriger vers la mort?
Bien entendu, il y a les experts qui, à l’opposé, nous assurent qu’il est possible de faire la distinction entre les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir pour des raisons légitimes et celles qui ont des idées suicidaires. Autrement dit, ces experts pensent qu’il ne faudrait pas essayer d’inciter une personne déprimée ayant perdu espoir d’avoir un avenir meilleur à changer d’opinion en lui offrant des soins, de la médication et une thérapie.
Cependant, je suis convaincu que l’absence de consensus devrait à elle seule être suffisante pour refuser catégoriquement d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes dont la maladie mentale est la seule condition sous-jacente car ce n'est pas un choix de politique publique responsable. Choisissons plutôt de réparer notre système de soins de santé. Voyons à ce que le gouvernement tienne sa promesse de financer les soins en matière de santé mentale. Ouvrons ou rouvrons les résidences-services aux personnes ayant une maladie mentale. Prenons soin de nos concitoyens qui souffrent de maladie mentale. Donnons-leur l’espoir d’un avenir meilleur et le soutien nécessaire pour vivre aujourd'hui.
La question très restreinte à laquelle nous devons répondre aujourd'hui est de savoir si nous voterons pour un projet de loi qui repousserait la date limite. Le gouvernement a fixé une échéance de deux ans. Cette échéance est pratiquement atteinte. Je crois que la date limite est le 17 mars, qui arrive à grands pas. Est-ce que nous nous donnons une autre année pour élaborer des lignes directrices, des règlements et des mesures de sauvegarde, pour faire en sorte que l'aide médicale à mourir soit prodiguée de manière aussi responsable que possible aux personnes atteintes de troubles mentaux?
Bien honnêtement, je suis déchiré sur cette question. J'ai voté initialement contre l'aide médicale à mourir, mais comme mon collègue, je voterai pour cette mesure, car j'ai bon espoir que nous pourrons au moins établir des règlements pour mettre en place des mesures de sauvegarde, afin de gérer cette question d'intérêt public très troublante.
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Madame la Présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir aujourd'hui au sujet d'un projet de loi important.
Nous devons nous demander: pourquoi sommes-nous ici ce soir à débattre du projet de loi ? Comment en sommes-nous arrivés là?
Nous en sommes là parce que le gouvernement a, encore une fois, agi de manière tout à fait irresponsable et est allé trop loin, en faisant fi des spécialistes, du Parlement et des plus vulnérables.
Revenons un peu en arrière. Le projet de loi , qui a élargi l'aide médicale à mourir au pays, a été étudié par la Chambre des communes et par notre comité, le comité de la justice.
Toute mesure législative proposée par le gouvernement est accompagnée d'un énoncé concernant la Charte de la part du ministre de la Justice et procureur général du Canada. Dans l'énoncé concernant la Charte, le gouvernement atteste que le projet de loi est conforme à la Charte canadienne des droits.
Je vais citer brièvement l'énoncé concernant la Charte où le indique que le projet de loi interdit la prestation de l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une maladie mentale et que cette exclusion est fondée sur:
les risques inhérents et la complexité que comporterait la possibilité d’obtenir l’aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent uniquement d’une maladie mentale. D’abord, les données probantes démontrent qu’il est particulièrement difficile d’évaluer la capacité décisionnelle des personnes qui sont atteintes d’une maladie mentale qui est suffisamment grave pour justifier la présentation d’une demande d’aide médicale à mourir, et le risque d’erreur est élevé lors d’une telle évaluation.
À l'époque, le a affirmé qu'il n'y avait pas l'appui du public ni l'infrastructure nécessaires pour autoriser l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes uniquement de maladie mentale.
La mesure législative, le projet de loi , a ensuite été renvoyée au Sénat, dont les membres ne sont pas élus. Le Sénat a amendé le projet de loi pour y inclure la maladie mentale sans aucune mesure de sauvegarde, sans tenir compte du fait qu'il s'agissait d'un élargissement extrême de la législation canadienne sur l'aide médicale à mourir et qu'en fait, à cet égard, le Canada ferait figure d'exception.
Le projet de loi est revenu à la Chambre et le gouvernement l'a adopté, avec l'opposition des députés conservateurs. Le caucus conservateur s'y est fortement opposé, car il sait que l'aide médicale à mourir ne devait pas être offerte aux personnes souffrant d'une maladie mentale.
Nous tendons la main à ceux qui éprouvent des difficultés, par exemple grâce au programme Bell Cause pour la cause, et je vois des députés publier ces messages sur les médias sociaux. Pourtant, le grave message que nous envoyons, c'est que nous, parlementaires, pensons qu'offrir de mourir aux personnes souffrant de maladies mentales devrait être une option.
Certains pourraient dire que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Malheureusement, c'est exactement de cela qu'il s'agit. Cela se produit déjà. Nombre d'entre nous ont été horrifiés par ce qu'ont dit des fonctionnaires du ministère fédéral censé s'occuper des anciens combattants, y compris ceux qui souffrent du trouble de stress post-traumatique. Peut-on imaginer une situation où la famille d'un ancien combattant souffrant du trouble de stress post-traumatique demande de l'aide au ministère des Anciens Combattants et se voit offrir la possibilité d'obtenir l'aide médicale à mourir sans même avoir précisé la nature du problème?
Imaginons comment se sentirait une personne qui souffre et qui essaie de rester motivée pour rester en vie. Le a dit que c'était un cas isolé, que c'était le seul cas problématique.
Malheureusement, nous avons appris que ce n'était pas un cas isolé, et que cela s'est produit à maintes reprises dans un nombre incalculable de cas. Nous ne savons pas combien de fois cela s'est produit. On parle de cas qui se sont produits avant même qu'on puisse officiellement offrir l'aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent d'une maladie mentale.
Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Nous sommes ici parce que le a appuyé une telle mesure et a voulu aller de l'avant même si nous savons que des députés du caucus libéral sont très mal à l'aise par rapport à cette proposition, car ils savent que c'est inadmissible.
Aujourd'hui, nous avons lu un article disant que seulement trois Canadiens sur dix sont favorables à l'idée que des patients puissent obtenir l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est la seule raison invoquée. Sept Canadiens sur dix, y compris dans les circonscriptions représentées par des députés libéraux, n'y sont pas favorables.
Dans le même article, le a dit ceci: « En toute honnêteté, je dirais que nous aurions pu nous en tenir à la date qui était prévue au départ, mais nous voulons être certains que nous agissons de manière sécuritaire, et que tout le monde est sur la même longueur d'onde. »
Selon le gouvernement, il faut que tout le monde pense comme lui et se fasse à l'idée. Nous ne l'acceptons pas. Nous continuerons de lutter pour protéger les personnes les plus vulnérables. C'est quelque chose qui se passe en ce moment au Canada. C'est extrêmement troublant pour bon nombre d'entre nous.
Toujours selon le même article, il est rapporté qu'un Ontarien a récemment fait les manchettes après avoir demandé l'aide médicale à mourir, non pas parce qu'il voulait mourir, mais parce qu'il jugeait que c'était mieux que d'être sans abri. Une Ontarienne handicapée a également demandé l'aide médicale à mourir après avoir échoué à obtenir un logement abordable à Toronto malgré sept ans de démarches.
Les abus de ce régime se produisent en temps réel, en ce moment même. Parce que le projet de loi tel qu'amendé a été adopté, les personnes souffrant de troubles mentaux devaient devenir admissibles à l'aide médicale à mourir le mois prochain, sans la moindre mesure de sauvegarde. Le projet de loi est une tentative du gouvernement de retarder cet élargissement d'une autre année.
Nous avons aussi observé de tels revirements avec le projet de loi visant à apporter des changements au système de mise en liberté sous caution. Le gouvernement est allé trop loin, et il fait maintenant marche arrière. Puis, il y a le projet de loi sur les armes à feu. Le gouvernement s'est rendu compte qu'il était allé beaucoup trop loin et qu'il devait reculer.
Les Canadiens souffrant de maladie mentale méritent mieux. Ils méritent une approche réfléchie. Je suis intervenu à la Chambre il n'y a pas si longtemps, en octobre 2020, alors que le Parlement soulignait la Semaine de la santé mentale. Malheureusement, à l'époque, les parlementaires ne savaient pas que le gouvernement libéral allait bientôt inclure la maladie mentale dans son projet d'élargissement de l'aide médicale à mourir.
Le but de ce discours était de montrer que la bienveillance et la compassion sont à la base même de notre société, de notre identité collective. Or, les Canadiens, y compris bon nombre de personnes dans cette enceinte, ne voient rien de bienveillant ou de compatissant dans la décision de rendre les personnes atteintes de maladie mentale admissibles à l'aide médicale à mourir.
Quel message cela envoie‑t‑il aux Canadiens atteints de maladie mentale? Ils ne sont pas en fin de vie. Ce ne sont pas des gens qui mourraient normalement. Pourquoi le gouvernement libéral insiste‑t‑il pour les inclure dans le régime d'aide médicale à mourir?
La présidente de l'Association médicale canadienne a affirmé ceci: « Nous avons la responsabilité, aussi bien le corps médical que l'ensemble de la société, de nous assurer que les Canadiens vulnérables ont accès à des soins de qualité et aux mesures de soutien dont ils ont besoin. » J'ai donné deux scénarios et les députés ont tous des scénarios du genre dans leur circonscription concernant des personnes dans le besoin qui n'obtiennent pas l'aide dont elles ont besoin.
Si nous n'arrivons pas à veiller à ce que tous les Canadiens atteints de maladie mentale aient accès rapidement à des soins ou à un soutien adéquats, comment le gouvernement et le peuvent-ils être à l'aise avec un élargissement de l'aide médicale à mourir qui entrerait en vigueur dès le mois prochain? L'élargissement radical de l'aide médicale à mourir a pourtant été adopté au début de 2021. Les conservateurs n'ont pas baissé les bras et ils feront ce qu'il convient de faire pour protéger les Canadiens vulnérables. Nous n'allons pas abandonner ce combat.
Le gouvernement n'a pas mené l'examen obligatoire de son projet de loi d'aide médicale à mourir. Il devait y avoir un tel examen, mais il n'a pas été mené. Le devait produire un énoncé concernant la Charte. Il l'a fait dans le cas du projet de loi . L'énoncé concernant la Charte relatif au projet de loi présentait de façon très rationnelle les raisons qui expliquaient pourquoi les personnes atteintes de maladie mentale n'avaient pas été incluses dans le projet de loi . C'est de cette façon qu'ils sont arrivés à la constitutionnalité du projet de loi.
Or, cet énorme changement n'est pas accompagné d'une mise à jour de l'énoncé concernant la Charte. Le ne parle pas des droits garantis par la Charte des personnes qui souffrent. C'est incroyable, puisque l'énoncé a été rédigé il y a plus de deux ans.
Il y a quelques jours, plus de 25 juristes ont signé une lettre à l'intention du et des membres du Cabinet dans laquelle ils leur demandent de faire mieux dans ce dossier.
Cette prolongation n'est pas correcte. Les conservateurs appuieront le report d'un an de l'entrée en vigueur, mais dans l'intervalle, nous n'abandonnerons pas la lutte en vue de protéger les membres les plus vulnérables de la société.
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Madame la Présidente, c'est toujours un honneur d'intervenir à la Chambre. Nous discutons de sujets très profonds aujourd'hui, peut‑être parmi les sujets les plus profonds que nous pouvons aborder au Parlement, à savoir la vie et la mort. Nous discutons de la mort d'êtres chers et de la mort de gens qui n'ont personne pour les aimer. Or, tout ce débat s'inscrit dans le contexte du projet de loi , qui n'a pas la moindre profondeur, car c'est une mesure législative bâclée présentée à la hâte. Elle vise à dissimuler le fait que le gouvernement n'a pas réglé une question qu'il aurait dû régler dès le début. Le gouvernement continue de ne pas se montrer à la hauteur de la tâche. Je parlerai donc un peu de comment nous en sommes arrivés là.
Dans le cadre de ce débat, il est crucial que nous choisissions nos mots avec soin, et que nous fassions attention à la façon dont nous nous traitons. J'ai entendu quelqu'un comparer l'aide médicale à mourir à un programme nazi, ce qui est ridicule. J'ai entendu des députés parler d'amour et d'autres affirmer que nous ne respectons pas les droits. Nous parlons ici des actes les plus intimes de notre existence: la naissance et la mort.
Il peut paraître étrange de dire que la mort est un acte intime. La mort peut être très traumatisante. La mort peut être violente. La mort peut réellement déchirer les familles, mais elle peut aussi les rassembler. Notre façon d'aborder la mort et de lui accorder de l'importance montre clairement ce que nous sommes comme société. Je pense en ce moment à ma sœur Kathleen, qui n'a jamais dépassé le cap de la cinquantaine. Cette semaine, elle aurait célébré son anniversaire. Personne n'a été plus malmené dans la vie que ma sœur. Elle a eu la mauvaise main à chaque fois, et Doc Holliday n'avait rien à lui envier quand il s'agissait de faire face à la mort.
Je me souviens que tous les matins, alors qu'elle se mourait, elle insistait pour avoir bonne mine, malgré son dos qui se désintégrait à cause du cancer. L'un de nous a eu le culot de lui poser des questions sur l'aide médicale à mourir. Eh bien elle nous a presque arraché la tête parce que cette volonté de vivre, cette volonté d'être là un jour de plus malgré la douleur, était très, très profonde.
Je me souviens que nous lui avons fait nos adieux en chantant Danny Boy parce que c'est comme ça qu'on dit au revoir dans notre famille. C'est comme ça qu'on a dit au revoir à son mari quand il est mort juste avant elle, et à mon père et à mon grand-père. Ce sont des moments intimes. Cependant, sa mort, et c'était une mort naturelle, n'était en rien supérieure à celles des personnes qui ont choisi l'aide médicale à mourir.
Je pense à mon amie Liz de l'île de Vancouver. Wow, elle était une force de la nature. Elle m'a appelé et m'a dit: « Je ne peux plus vivre avec la douleur et je choisis la date. » Je lui ai parlé la veille de son rendez-vous. J'ai eu le sentiment que c'était aussi un moment très important.
Je pense à mon ami Craig de la CBC. J'ai suivi ses deux dernières semaines sur Facebook parce qu'il publiait un message tous les jours. C'était très émouvant de voir quelqu'un choisir ce moment et choisir comment il allait raconter son histoire pendant ces deux dernières semaines.
Nous devons respecter les choix des gens. La disposition qui a été ajoutée au sujet de l'aide médicale à mourir visait à assurer un respect fondamental. Toutefois, la lacune concerne le fait que nous ne sommes pas seulement des individus. Nous ne sommes pas seulement des individus avec des droits. Nous sommes des frères, des pères, des oncles, des sœurs, des tantes. Nous venons d'une famille, et la famille fait partie de ce sujet car sans la famille, la mort est traumatisante. Elle est déchirante.
Nous venons de communautés, et dans notre communauté, la mort peut être traumatisante si nous n'en faisons pas partie. Nous venons de quartiers. Je me souviens du décès de mon père. Il vivait dans un complexe de maisons en rangée dans le nord de Scarborough. Ses voisins venaient le voir à toute heure du jour et de la nuit. Ils faisaient partie de familles sri-lankaises, italiennes et sud-asiatiques et ne parlaient pas anglais, mais ils arrivaient en disant « On apporte à manger à M. John », car il faisait partie du quartier.
Ces moments entourant la mort concernent notre engagement les uns envers les autres, et ce qui me préoccupe, au sujet de ces changements proposés à l'aide médicale à mourir, c'est qu'ils visent à séparer ceux qui sont vulnérables, ceux qui sont isolés et ceux qui vivent une détresse mentale du reste de la communauté, qui doit les entourer et prendre soin d'eux. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas simplement affirmer qu'il s'agit d'un choix individuel. C'est un choix de société que nous faisons, et nous faisons ce choix au nom de personnes très vulnérables qui ont besoin de notre aide.
Nous ne pouvons pas tout simplement nous dire que ces personnes sont déprimées, qu’elles ont toujours été déprimées et qu’elles ont le droit de faire leur choix personnel. Une telle attitude équivaut à renoncer à notre devoir en tant que voisin, communauté ou famille d’être là pour soutenir ces personnes et les aider à traverser les périodes sombres.
Comment en sommes-nous arrivés là? Les blâmes sont nombreux et ils pourraient être adressés de part et d’autre de cette enceinte. Il était clair que la question de l’aide médicale à mourir allait se retrouver entre les mains du Parlement, car c’est un enjeu fondamental. En tant que législateurs, nous avions le devoir de nous prononcer. La tâche était complexe, mais elle nous revenait. Le gouvernement de Stephen Harper a simplement décidé de ne rien faire. Il n’a pris aucune décision dans ce dossier même si nous savions tous qu'il allait falloir nous prononcer un jour.
Puis, l’arrêt Carter a été rendu. La Cour suprême a tranché. Selon moi, la justice n'aurait pas dû s’en mêler et faire le travail des parlementaires. La Cour a imposé une échéance parce qu'elle disait ne pas faire confiance au Parlement. Là encore, je pense que c’était une erreur. La Cour suprême n’aurait pas dû imposer une échéance aussi serrée parce que les décisions à prendre nécessitaient une réflexion profonde.
Ensuite, le projet de loi initial a été adopté. J'avais beaucoup de questions au sujet de ce projet de loi. J'avais de véritables préoccupations quant aux mesures de sauvegarde et à la manière dont elles seraient mises en œuvre. Lorsqu'on parle d'une personne dont la mort est prévisible et qui souffre d'une douleur intolérable, comment pouvons-nous nous assurer que le projet de loi n'ouvre pas la porte à une application beaucoup plus large? À l'époque, on nous a dit, à nous les parlementaires, de voter pour le projet de loi en nous indiquant qu'il y aurait un examen. Je me suis fié à cela. J'ai trouvé que c'était juste. J'avais beaucoup de questions, mais j'ai compris qu'il y avait des obligations juridiques qui découlaient de la décision de la Cour suprême et que le Parlement aurait l'occasion de se pencher davantage sur la question. Or, nous n'avons jamais cette occasion. Le Parlement n'a jamais eu le droit d'examiner les effets du projet de loi que nous avons adopté.
Ensuite, il y a eu la décision Truchon, dans laquelle un tribunal du Québec a établi que, selon les dispositions de la Charte, il n'était pas juste de limiter l'accès aux cas où la mort est raisonnablement prévisible. Je crois qu'à ce moment-là, il aurait été raisonnable que le gouvernement fédéral demande une révision judiciaire à la Cour suprême. Il ne l'a pas fait. Il a accepté la décision. Je songe au nombre de fois où des communautés autochtones ont obtenu gain de cause et où le gouvernement a chaque fois porté la cause jusqu'à la Cour suprême, mais il ne l'a pas fait dans le cas de la décision Truchon. Qu'il soit judicieux ou non d'élargir le cadre législatif, le gouvernement avait là une nouvelle occasion de demander une révision judiciaire. Quoi qu'il en soit, le Parlement n'a pas saisi cette chance.
Ce dossier est ensuite allé au Sénat, imaginez donc, ce Sénat non élu qui n'a pas de comptes à rendre. Une fois ces gens embauchés, il est impossible de les congédier. Ils peuvent agir à leur guise, participer aux travaux ou non. Ils nous ont renvoyé un projet de loi indiquant qu'ils souhaitaient que le Parlement, que les élus, approuvent le changement qu'ils avaient fait, selon lequel les gens qui sont déprimés devraient pouvoir mourir.
Le gouvernement aurait dû carrément rejeter ce projet de loi. Il aurait dû rétorquer aux sénateurs que, premièrement, ils ne sont pas élus et n'ont pas de comptes à rendre, et que la disposition proposée était ridicule. Mais le gouvernement n'a pas agi ainsi. Le projet de loi est donc resté sur le bureau du procureur général, et il devait entrer en vigueur à la prochaine fête de la Saint-Patrick. Maintenant, nous devons nous démener et composer avec le projet de loi à l'étude. Il ne s'agit pas vraiment de réagir au changement envisagé, mais de le reporter d'un an.
J'appuierai ce report, mais je crois que nous manquons complètement à notre obligation de traiter un enjeu qui mérite réflexion et sur lequel les parlementaires doivent sérieusement se pencher. Cet enjeu exige de nous que nous prenions la parole pour nous demander ce qui est juste et équitable, et quelles dispositions doivent être en place pour protéger les personnes vulnérables, particulièrement celles qui, pendant une période sombre, pensent à mettre un terme à leur vie.
J'ai regardé les statistiques concernant le recours à l'aide médicale à mourir; ces chiffres devraient, à eux seuls, convaincre les parlementaires qu'il faut examiner cet enjeu. En 2016, 1 200 personnes ont reçu l'aide médicale à mourir. Ce nombre a plus que doublé en 2017. Il a encore plus que doublé en 2018, pour dépasser 5 000. En 2021, plus de 10 950 personnes ont reçu l'aide médicale à mourir; autrement dit, chaque jour, 30 personnes au pays ont décidé de mettre un terme à leur vie.
C'est le double de tous les décès causés par le cancer du sein au pays. C'est plus du double du taux de suicide national, et nous n'allons pas réfléchir et nous dire, une minute, est-ce que cela ouvre la voie vers un endroit où nous ne devrions pas aller et où aucun d'entre nous ne pensait aller, alors que plus du double des personnes mortes durant l'épidémie de suicide au pays avaient vu un médecin et leur avaient dit qu'elles ne voulaient tout simplement plus être ici?
On pourrait nous dire qu'il y a des protections et des mesures en place, et on nous l'a dit. Je l'ai entendu à toutes les audiences. Puis, il y a des exemples. Je ne veux pas brandir un exemple en disant que c'est la preuve de ce qui a mal tourné et de la perfidie du gouvernement, mais je pense à un article du groupe Associated Press sur Alan Nichols, qui avait des antécédents de dépression et de maladie mentale. La police l'a amené à l'hôpital parce qu'elle craignait qu'il se suicide. Sa famille a dit qu'il fallait l'aider, qu'il avait des antécédents de maladie mentale. Lui a décidé de faire une demande d'aide médicale à mourir et il est mort. C'est un scandale. Sa famille demandait qu'on lui vienne en aide, mais il a été traité comme un individu à part entière qui pouvait simplement arriver à l'hôpital, amené par la police, qui essayait de le maintenir en vie.
Je pense aux taux de suicide que nous avons connus dans les collectivités que je représente. Le Nord du Canada affiche certain des taux de suicide les plus élevés du monde, mais on est reste les bras croisés.
En 2019, j'ai présenté la motion M‑174 à la Chambre afin de réclamer un plan d'action national pour la prévention du suicide, et tous les députés l'ont appuyée. J'ai écouté tous les discours expliquant qu'il faut protéger les personnes vulnérables, que nous allons être là pour elles et que le gouvernement a un rôle à jouer. Nous avons voté pour cela, mais rien n'a été fait, rien. Les gens continuent de mourir.
Maintenant, nous avons cette mesure législative de panique qui dit, oh mon Dieu, reportons d'une autre année le fait qu'il suffise que les gens soient déprimés pour pouvoir se présenter en disant « je veux mourir » afin qu'on les laisse mourir. On peut être déprimé pour toutes sortes de raisons. En Belgique, où l'aide médicale à mourir est offerte depuis de nombreuses années, on peut la réclamer pour le trouble de stress post-traumatique. Mon Dieu, ce trouble deviendra-t-il une raison valable pour demander l'aide médicale à mourir? Il pourrait s'agir de dépression ou d'un accident de travail. Oui, c'est une vie médiocre que d'avoir de graves douleurs chroniques. C'est une vie médiocre, surtout si les gens n'ont pas une pension adéquate ou un logement approprié, mais ils pourront se présenter en disant « je veux mourir ». Allons-nous laisser une telle chose se produire? Il n'en est pas question.
Une fois de plus, il ne s'agit pas de donner la priorité à mes choix moraux par rapport aux choix moraux de quelqu'un d'autre. Il s'agit de notre identité en tant que société, de qui nous protégeons et de qui nous laissons pour compte.
Dans la motion M‑174, qui visait à établir un plan d'action national pour la prévention du suicide, de nombreux facteurs ont été pris en compte parce que nous avions rencontré des organismes de tout le pays. Nous avons parlé de ce qu'il fallait afin de concevoir un système holistique de maintien de la vie pour les gens en crise. Nous avons parlé de l’établissement, en fonction de preuves d’efficacité dans le contexte canadien, de directives nationales sur les pratiques exemplaires en matière de prévention du suicide. Nous avons dit que nous nous efforcerions de mettre sur pied des programmes communautaires de prévention du suicide adaptés aux cultures, qui seraient gérés par les organismes représentant les Inuits, les Premières Nations et les Métis, de façon à ce qu'ils cadrent avec leurs besoins à leur culture.
Nous avons dit que nous créerions un programme national de surveillance de la santé publique pour la prévention du suicide et l’identification des groupes les plus vulnérables. C'est vraiment important parce que, quand on sait où se trouvent les groupes les plus vulnérables, on sait où affecter les ressources. Nous avons parlé de la mise sur pied de programmes pour déceler et combler les lacunes dans les connaissances sur le suicide et sa prévention, notamment au moyen de données statistiques exactes et à jour. Encore une fois, si nous ignorons ce que révèlent les données, nous ne pouvons pas aider. Il n'appartient pas au gouvernement d'intervenir systématiquement pour faire de la prévention de crise. Ce n'est pas notre travail, et nous serions très mauvais, mais pour que l'argent coule, il faut de l'information, des analyses et la capacité de déterminer où se trouvent les lacunes.
Il y aurait la création d'une plateforme nationale en ligne qui fournirait des informations essentielles à l'évaluation des programmes dans différentes langues: l'anglais, le français, les langues autochtones et d'autres langues parlées au Canada. Nous procéderions, dans un délai de 18 mois, à des analyses complètes des groupes à risque élevé, des facteurs de risque propres à chaque groupe et de la mesure dans laquelle les agressions sexuelles et d'autres formes de violence et de négligence vécues dans l’enfance ont une incidence sur le comportement suicidaire.
Nous évaluerions les obstacles qui empêchent les Canadiens d’accéder à des services adéquats de santé, de bien-être et de rétablissement, y compris en matière de toxicomanie et de deuil, ainsi que les modes de financement nécessaires pour fournir des traitements, de l’information, de la formation professionnelle et d’autres mesures de soutien requises pour prévenir le suicide et aider les personnes endeuillées par le suicide d’un proche. Nous nous pencherions sur le recours aux pratiques exemplaires et à des activités en matière de prévention du suicide adaptées à la culture, et nous évaluerions le rôle que jouent les médias sociaux dans le suicide et la prévention du suicide.
Si le gouvernement avait fait tout cela, alors il aurait été mieux placé pour faire adopter le projet de loi du Sénat afin que les personnes déprimées à cause d'une maladie mentale puissent mettre fin à leurs jours. À ce moment-là, il aurait pu déclarer avoir fait l'analyse nécessaire et présenter les résultats au Parlement, et nous aurions pu nous pencher là-dessus et voir où sont les lacunes. Cependant, s'il n'a rien fait de tout cela, il ne devrait pas nous dire d'adopter un projet de loi qui permettrait à des personnes qui ne reçoivent pas d'aide ni de soutien de mettre fin à leurs jours parce que la vie est trop difficile. C'est la dernière chose sur laquelle le Parlement s'est prononcé. Je sais que bien des gens ont participé à des séances de photos et à des conférences de presse pour dire à quel point il était formidable qu'ils montent au créneau pour prévenir le suicide.
On devrait présenter un rapport annuel au Parlement sur l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’action national pour la prévention du suicide, assorti de données sur les progrès accomplis au cours de l’année écoulée et d’un tableau statistique global du suicide au Canada pendant la même période. Si nous avions fait cela en 2019, que nous possédions quatre années de statistiques au lieu de procéder à l'aveuglette, que nous avions des faits et que nous savions où il fallait affecter les fonds pour la santé mentale, nous pourrions peut‑être parler du fait que, dans certaines circonstances, si toutes les autres avenues ont été explorées et que toutes les autres mesures de soutien n'étaient d'aucune aide, une personne pourrait n'avoir aucun autre choix que l'aide médicale à mourir. Toutefois, une personne qui vit actuellement des moments sombres n'a accès à aucune de ces autres mesures de soutien parce que personne au fédéral n'a pris la peine de les mettre en place. Les gouvernements provinciaux ont également failli à la tâche dans bien des domaines.
Je me suis senti profondément inquiet après avoir entendu le balado du sur cette mesure législative. Il a délibérément établi un lien entre la modification du régime d'aide médicale à mourir et le droit de se tuer. Je le cite:
N'oublions pas que le suicide est généralement à la disposition des gens. On parle d'un groupe de personnes [soit les personnes qui pourraient avoir besoin de l'aide médicale à mourir] qui, pour des raisons physiques ou possiblement mentales, n'ont pas la possibilité de passer elles-mêmes à l'acte. Au bout du compte, cette mesure leur offre un moyen plus humain d'opter pour une solution qu'elles auraient choisie si elles avaient eu la capacité de la mettre en œuvre.
Ce qu'affirme le , c'est que ces personnes n'ont pas les capacités physiques de le faire, qu'elles ne sont peut-être pas assez intelligentes pour le faire et qu'elles sont peut-être trop déprimées, mais elles ont le droit de se suicider. C'est ce qu'il a affirmé dans le cadre d'un balado récemment.
Si on me dit qu'on repousse l'échéance d'un an, je vote pour ce report, mais je veux qu'il y ait un plan pour régler la situation. Je veux qu'on nous présente des données qui montrent comment le régime est utilisé, si on en abuse et si les personnes vulnérables sont ciblées ou incitées à avoir recours à l'aide médicale à mourir en l'absence de mesures de soutien. D'ici à ce que ce soit le cas, la dernière chose que nous devrions faire en tant que parlementaires canadiens est d'ouvrir plus grand la porte et de permettre à plus de gens de mourir.
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Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre la parole ce soir au sujet du projet de loi . Avant de commencer, je tiens à vous informer que je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Le projet de loi dont nous sommes saisis est peut-être un des plus simples dont j'ai eu l'occasion de parler à la Chambre depuis que j'ai été élu, mais c'est aussi parmi ceux qui sont les plus sérieux et les plus chargés d'émotion. En termes simples, il permettrait d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent d'une maladie mentale.
J'appuie fermement le report de cet élargissement, pour plusieurs raisons. La première concerne les préoccupations que m'ont rapportées bon nombre de mes voisins à Kitchener. Je me souviens en particulier d'une conversation avec un groupe de personnes dans leur cour arrière, lors d'un après-midi assez froid, pas plus tard que le mois dernier. Hannah, Peter et quelques-uns de leurs amis voulaient me faire part de leurs graves préoccupations à l'égard de l'élargissement de l'aide médicale à mourir au-delà de sa portée initiale.
Je suis vraiment heureux qu'ils m'aient fait part de leurs récits, de leurs inquiétudes et de leurs recommandations. Notre conversation illustrait à merveille, selon moi, comment la démocratie devrait fonctionner: il faut que les gens comme moi, qui siègent à une assemblée comme celle-ci et ont leur mot à dire à propos de lois comme celle dont nous discutons maintenant, entendent les préoccupations de leurs voisins. À la suite de cette conversation et des courriels que j'ai reçus, je constate que les gens de ma collectivité souhaitent presque tous que ce changement soit à tout le moins retardé.
Deuxièmement, j'appuie le report proposé parce que nous avons entendu les préoccupations d'experts de partout au pays, notamment de médecins et d'autres professionnels de la santé. Je suis heureux d'avoir entendu, le 1er décembre, le point de vue de l'Association of Chairs of Psychiatry in Canada, qui regroupe les directeurs des départements de psychiatrie des 17 facultés de médecine au Canada; l'Association priait le gouvernement de retarder l'élargissement prévu de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale.
Troisièmement, j'appuie le report proposé parce que je crois qu'il faut passer plus de temps à renforcer le filet de sécurité sociale avant d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir. J'inviterais tous les députés à se demander pourquoi le mouvement en faveur d'un élargissement de l'aide médicale à mourir va beaucoup plus vite que l'élargissement du filet de sécurité sociale. Voici quelques exemples.
Dans ma collectivité, comme mes collègues le savent puisque j'en ai parlé à maintes reprises, la population de sans-abri a triplé au cours des trois dernières années, passant d'un peu plus de 300 à plus de 1 000 d'itinérants. Il est clair que les mesures prises en matière d'accessibilité au logement sont loin d'être suffisantes, que nous allons dans la mauvaise direction et qu'il faut en faire plus.
De même, il y a les soutiens au revenu, qu'il s'agisse d'un revenu minimum garanti pour tous ou un revenu garanti pour les personnes handicapées dans tout le pays, sur lequel ont insisté beaucoup de personnes dans cette enceinte, moi y compris. Certes, nous avons fait des progrès. Je me réjouis que le projet de loi ait été adopté par la Chambre et qu'il soit à l'étude au Sénat, mais le fait est qu'il n'est pas encore financé. J'encourage vivement le parti au pouvoir à financer la prestation canadienne pour les personnes handicapées, afin de resserrer de toute urgence le filet de sécurité sociale.
Ensuite, il y a la santé mentale en particulier. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons assisté à une grande annonce sur les soins de santé, et pourtant, les fonds dédiés à la santé mentale étaient absents de cette annonce. C'est d'autant plus scandaleux que lors des élections de 2021, le parti au pouvoir a fait campagne en promettant 4,5 milliards de dollars pour le transfert canadien en matière de santé mentale.
J'espère qu'il n'y aura pas de tour de passe‑passe, et qu'il ne faut pas conclure de cette nouvelle annonce sur les soins de santé que les fonds dédiés à la santé mentale continueront de se faire attendre. Il est impératif que tous les parlementaires ici présents continuent d'exercer des pressions pour que le transfert canadien en matière de santé mentale soit inclus dans le budget de 2023. J'ai interrogé la à ce sujet mercredi soir, et je n'ai pas reçu de réponse claire. Nous devrions tous être inquiets de l'absence de fonds dédiés à la santé mentale.
En fait, c'est à cause de l'absence de fonds suffisants pour les logements abordables, les mesures de soutien au revenu et les soins de santé mentale que je me suis joint à la directrice générale de l'Association canadienne pour la santé mentale Waterloo Wellington pour encourager le à retarder l'élargissement du régime d'aide médicale à mourir, comme il l'avait promis en décembre dernier. Je suis heureux qu'il ait donné suite à cette promesse.
Durant le temps qu'il me reste, je veux mentionner rapidement l'importance d'un journalisme de qualité au Canada et sa pertinence pour le projet de loi à l'étude.
Je suis heureux d’entendre que tous les partis sont favorables au projet de loi , mais je ne suis pas surpris en raison des efforts déployés par Althia Raj et le Toronto Star. En effet, comme d’autres députés l’ont mentionné, Mme Raj a communiqué avec le en novembre dernier. À ce moment-là, il avait déclaré qu'il n'y avait rien à faire et que de repousser l’élargissement de l’aide médicale à mourir serait difficile dans le contexte de la législature actuelle.
Mme Raj a ensuite agi de façon très raisonnable. Elle a communiqué avec tous les partis de l’opposition, y compris le Parti vert, pour leur demander s’ils seraient favorables à l'idée d'appuyer la mesure que nous étudions actuellement, soit le projet de loi . Les partis de l’opposition ont répondu à la question. Quelques jours plus tard, le 11 décembre, Mme Raj a publié un article dans lequel elle indiquait que tous les partis de l’opposition étaient favorables à cette idée. On a ensuite reposé la question au . Quelques jours plus tard, le 15 décembre, on apprenait que la Chambre des communes allait être saisie de cette disposition législative.
Si de nombreux militants et de nombreuses campagnes amènent le Parlement à présenter un projet de loi comme celui qui est à l'étude, je crois qu'il est important de souligner le travail des journalistes non partisans qui contribuent partout au pays à mettre en lumière des enjeux sur lesquels il y a consensus afin que des changements importants comme ceux dont nous discutons puissent être apportés et que les arguments qui peuvent être sans fondement soient réfutés. Dans ce cas-ci, ils sont sans fondement et je remercie Mme Raj, ainsi que les autres professionnels de la santé dont j'ai parlé plus tôt, notamment ceux de l'Association des directeurs de services psychiatriques du Canada, des efforts qu'ils ont déployés et qui nous ont menés jusqu'ici.
En terminant, je félicite le parti ministériel d'avoir présenté le projet de loi , de respecter la promesse qu'il avait faite en décembre et d'écouter ceux qui disent qu'il faut ralentir les choses. Je suis certain que d'autres parlementaires ailleurs au pays ont entendu des préoccupations similaires à celles que Hannah, Peter et tant d'autres ont soumises à mon attention. J'invite également le gouvernement à agir plus rapidement en ce qui concerne les mesures de soutien social dont les gens ont besoin dans ma région et ailleurs au pays.
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Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord remercier mon collègue le député de de son discours très réfléchi qui aborde bien des points que je voulais soulever.
Nous n'en avons pas fait assez au cours de l'année qui a suivi l'adoption du projet de loi pour dire avec la moindre certitude que nous avons respecté les obligations que nous avons assumées à ce moment d'étudier pleinement les implications de la décision d'étendre l'aide médicale à mourir aux personnes qui connaissent de profondes souffrances en raison d'un problème de santé mentale, et non en raison d'un diagnostic médical de médecine traditionnelle, comme la sclérose latérale amyotrophique, le cancer ou les autres maladies qui nous ont fait avancer sur ce chemin.
J'aimerais passer en revue brièvement ce qui nous a amené à la situation actuelle et la façon dont le Parlement du Canada et la Cour suprême du Canada ont traité l'aide médicale à mourir. En terminant, j'aimerais dire que lorsque nous nous tournons vers la Cour suprême du Canada pour nous guider, je ne crois pas que nous puissions dire que ses jugements nous encouragent à rendre l'aide médicale à mourir accessible aux personnes en profonde détresse psychologique.
À titre de députée de Saanich—Gulf Islands, je souhaite revenir loin en arrière et repenser à l'une des activistes, des héroïnes et certains diront des martyrs de l'aide médicale à mourir, Sue Rodriguez. Sue Rodriguez vivait à North Saanich, dans le district électoral que j'ai l'honneur de représenter. Elle était atteinte de sclérose latérale amyotrophique et a demandé, dans une déclaration devenue célèbre: « [À] qui appartient donc mon corps? À qui appartient ma vie? » Elle s'est rendue jusqu'à la Cour suprême du Canada, en 1993, dans le but d'avoir accès au soulagement des souffrances causées par une maladie qui allait la tuer, cela ne faisait aucun doute. La Cour suprême a toutefois refusé sa demande en 1993.
Comme d'autres députés l'ont mentionné au cours des dernières journées de discussions, Svend Robinson, qui est le collègue et l'ami de beaucoup d'entre nous et l'un de mes bons amis, était auprès de Sue Rodriguez quand un médecin lui a fourni une aide illégale et qu'elle a elle-même mis fin à ses jours avec l'aide du médecin. C'était probablement le premier cas public d'aide médicale à mourir au Canada.
Les tribunaux ont mis du temps à changer, et cette décision de 1993 n'a pas été modifiée avant 2015 avec l'affaire Carter. Dans l'affaire Carter, la Cour suprême du Canada a conclu, en adoptant un point de vue différent, que l'on violait les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne prévus à l'article 7 de la Charte en empêchant une personne de prendre une telle décision et de recourir à l'aide médicale à mourir. L'affaire Carter a changé les choses en indiquant clairement au Parlement du Canada qu'il devait s'occuper de cette question.
Je vais citer l'affaire Carter. La Cour suprême du Canada parle d'« adultes capables affectés de problèmes de santé graves et irrémédiables qui leur causent des souffrances persistantes et intolérables ». C'est sur cette base qu'a été créé l'accès légal à l'aide médicale à mourir.
Au cours de l'étude du projet de loi , j'ai fait de grands efforts pour proposer des amendements autorisant les directives anticipées. Il n'était pas juste de ne pas les autoriser pour les personnes en phase terminale et aux prises avec des souffrances incroyables. C'est leur choix, et ces personnes devraient pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir au moyen d'une directive anticipée. Toutefois, lors de l'étude du projet de loi C‑14, cette proposition a été rejetée. Mes amendements ont également été rejetés à la Chambre. Des amendements similaires ont ensuite été adoptés au Sénat, et nous nous souvenons tous que le projet de loi est revenu ici sans que ces amendements aient été acceptés.
Le projet de loi y a remédié, mais il a ouvert la porte à quelque chose de complètement différent. En effet, à mon avis, c'est tout à fait différent de dire que lorsque des personnes souffrent incroyablement et de façon intolérable à cause d'un trouble profond, chronique et incurable de la santé mentale, elles devraient aussi être admissibles à l'aide médicale à mourir.
Je vais revenir en arrière pour rappeler les promesses politiques faites lorsque nous nous sommes engagés dans cette voie. J'aimerais premièrement traiter des problèmes médicaux.
Quand on a débattu pour la première fois du projet de loi , beaucoup de députés avaient des questions concernant les soins palliatifs: les gens choisiraient-ils l'aide médicale à mourir s'ils pouvaient recourir aux soins palliatifs? Nous avons entendu beaucoup de promesses venant des banquettes ministérielles au sujet d'un financement accru pour ces soins. Ces promesses n'ont pas été tenues, ce qui me préoccupe grandement.
Par ailleurs, depuis que nous avons adopté le projet de loi , on nous a dit qu'il y aurait du soutien supplémentaire en santé mentale. Cela ne s'est pas concrétisé non plus.
Que ferions-nous si nous voulions vraiment veiller à ce que tous les Canadiens puissent jouir pleinement de leurs droits garantis par l'article 7 de la Charte, qui établit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne?
Nous veillerions à tout le moins au bon fonctionnement du système de santé. Je suis heureuse que les premiers ministres des provinces et des territoires aient accepté l'offre du gouvernement fédéral aujourd'hui. J'espère que le gouvernement fédéral consacrera toute son énergie à défendre le système de santé et qu'il veillera à ce que les ententes conclues avec les provinces prévoient des résultats précis.
Cela dit, le système de santé est en difficulté. J'ai parlé récemment à une femme autochtone exceptionnelle. Je ne vais pas la nommer, parce que c'était une conversation privée. Cette femme crie a perdu récemment une bonne amie crie parce que celle-ci n'a pas pu recevoir les soins nécessaires pour que son cancer soit diagnostiqué et traité en temps opportun. Elle laisse dans le deuil deux jeunes enfants.
Le système de santé du pays n'est pas équitable, pas plus que le système qui force les peuples autochtones à endurer une foule de situations profondément racistes, désolantes et injustes. Nous en sommes tous conscients. Dans le contexte du système de santé, comment ne pas s'en apercevoir?
Parlons aussi du soutien aux soins de santé mentale. Nous n'avons jamais été aussi conscients que le taux de suicide chez les jeunes Canadiens est extrêmement préoccupant. Nous savons que les problèmes de santé mentale des jeunes Canadiens ont été aggravés par la pandémie, par l'isolement et par toutes sortes de choses, comme le fait qu'ils sont la proie des médias sociaux.
Nous savons que les écoles et les universités, y compris aux cycles supérieurs, ne répondent pas aux besoins des jeunes parce que ceux-ci ne peuvent pas obtenir les soutiens en matière de santé mentale dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin. Ils ont besoin d'aide pour éviter les dépendances ou pour s'en débarrasser. Les jeunes ont grandement besoin d'aide et nous les laissons tomber.
L'admissibilité à l'aide médicale à mourir n'est pas une solution aux problèmes de santé mentale que nous échouons à résoudre parce que nous n'offrons pas les services de soutien en santé mentale que nous promettons année après année.
Que ferions-nous si nous voulions sérieusement défendre les droits garantis par l'article 7 de la Charte? Nous instaurerions un revenu minimum garanti, pour faire en sorte qu'aucun Canadien ne vive dans la pauvreté, car c'est la pauvreté qui est le premier déterminant social de la mauvaise santé, qu'il s'agisse de la santé physique ou mentale. Nous nous attaquerions à la pauvreté et nous y mettrions fin grâce au revenu minimum garanti.
Nous en ferions plus, comme je l'ai mentionné, en ce qui concerne les questions de fin de vie et l'accès aux soins palliatifs. Il est parfaitement possible d'avoir une belle mort. Dans notre société, nous n'aimons pas parler de la mort. Nous sommes tous censés être jeunes et préférablement séduisants pour toujours. Soyons réalistes: les gens vieillissent, et c'est une belle expérience. Il faut se réjouir de vieillir en santé et de profiter de la vie jusqu'à ce que le moment soit venu de rencontrer son créateur ou de nourrir les vers, selon les convictions de chacun. Avoir une belle mort est une bonne chose.
L'aide médicale à mourir permet aux gens d'avoir une belle mort, en étant entourés de leur famille et en se sentant aimés. J'appuie entièrement le travail que nous avons fait avec le projet de loi et la moitié de ce que nous avons fait avec le projet de loi , mais où sont les services de soutien en santé mentale?
Encore une fois, en ce qui concerne le point soulevé par le député de , je suis totalement d'accord avec lui. Je dis oui à l'offre de logements, à l'instauration de mesures de soutien et à l'élimination de la pauvreté.
Cependant, je pense que nous devons explorer de nouvelles voies et faire preuve d'ouverture. Au cours de la prochaine année, examinons avec sérieux les thérapies non traditionnelles pour les gens aux prises avec une forme de dépression qui semble irrémédiable. Les drogues psychédéliques ont-elles des résultats prometteurs? Ce n'est pas moi qui en prescrirai. Comme le député de l'a dit, il ne faut pas suivre des conseils de santé donnés par des politiciens.
Cependant, les preuves s'accumulent sur l'utilisation de produits comme la psilocybine pour déclencher quelque chose qui n'aboutit pas seulement à une légère diminution de la souffrance et des troubles de santé mentale. Il existe des articles très intéressants, évalués par des pairs, qui montrent que l'on peut guérir la dépression. Je ne voudrais certainement pas tourner le dos à un remède potentiel et ensuite accepter l'aide médicale à mourir pour des personnes qui pourraient être guéries.
Je ne veux pas non plus tourner le dos aux personnes qui souffrent, qui disent que nous les faisons attendre une année de plus et qui demandent pourquoi nous agissons de la sorte. Ce ne sont pas des questions faciles, mais ces questions de vie ou de mort se trouvent au cœur de la cause sacrée et elles sont au cœur de notre travail au Parlement.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi concernant l'aide médicale à mourir, qui propose de retarder d'un an la mise en œuvre des dispositions qui élargiraient l'accessibilité de l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul trouble de santé invoqué est une maladie mentale. Je pense que nous devons vraiment commencer à examiner comment nous en sommes arrivés là.
Nous avons renvoyé au Sénat un projet de loi qui ne nous posait, en gros, aucun problème. La plupart des députés l'approuvaient. Cependant, lorsqu'il nous est revenu, le Sénat avait ajouté une disposition concernant l'état mental de la personne.
Je me suis mis à penser aux nombreuses personnes avec qui je me suis entretenu au fil des ans lorsque j'étais maire et depuis que je suis député. Habituellement, les gens qui m'appellent amorcent la conversation en parlant des difficultés qu'ils éprouvent. Ils me racontent leur situation. J'ignore si c'est moi, ma voix ou mon apparence, mais ils s'ouvrent à moi et me racontent leurs problèmes. Ce ne sont pas toujours des problèmes financiers. Parfois, ces derniers sont le déclencheur, mais la plupart du temps, le problème est l'état de santé mentale de ces gens. Quand j'écoute une personne qui éprouve un problème de santé mentale, je m'inquiète et je me demande si elle a quelqu'un pour l'aider. Par moments, au cours de la conversation, il arrive que la personne fonde en larmes ou se laisse emporter par la colère.
J'espère toujours que ces gens reçoivent une aide d'un professionnel de la santé. Sinon, qui les aidera? Je crains qu'ils désirent recevoir l'aide médicale à mourir, mais j'espère que ce ne sera jamais le cas. Habituellement, quand je parle à ces personnes, j'essaie d'orienter doucement la conversation de manière à leur demander si elles sont suivies par un psychologue ou un psychiatre. Parfois, elles me répondent que oui, mais que le psychologue ou le psychiatre en question ne connaît rien, puis elles se fâchent de nouveau. Alors, je m'inquiète, parce que je n'aime pas les voir s'agiter ainsi. J'essaie de les aider du mieux que je le peux, mais je ne suis ni psychologue ni psychiatre, donc je n'ai pas l'expertise voulue. Quoi qu'il en soit, j'essaie à tout le moins de les aiguiller vers des services qui pourront les aider.
À mon avis, un des plus grands sujets de préoccupation concernant ce projet de loi est probablement le fait que nous comptons plus que jamais sur les professionnels de la santé. Nous savons tous qu'il y a actuellement une très grave pénurie de médecins et d'infirmières partout au Canada. Ainsi, lorsqu'on commence à dire que les gens pourront demander l'aide médicale à mourir à cause de leur état mental, comment cela les aidera-t-il s'il n'y a pas de médecins pour les aider?
Ma prochaine préoccupation est à savoir si l'on est vraiment là pour leur venir en aide, pour les guérir ou pour les aider à surmonter leur état. À mon avis, c'est là où nous avons échoué à bien des égards en tant que société.
En 2021, pendant la COVID, lorsque j'ai rencontré une classe de 10e année, les élèves m'ont demandé quel serait, selon moi, le problème le plus important au Canada au sortir de la pandémie. Je leur ai répondu que c'était une question facile, car ce problème serait l'état de santé mentale des Canadiens. J'ai été surpris de voir l'étonnement des élèves. Je leur ai donc demandé ce qu'ils en pensaient, et ils m'ont répondu qu'à leur avis, le problème numéro un serait plutôt l'économie. Je leur ai alors dit qu'il n'y avait pas vraiment lieu de s'inquiéter à ce chapitre, car lorsque les gens recommenceraient à sortir et que les entreprises rouvriraient leurs portes, même si cela pouvait prendre du temps, l'économie connaîtrait un certain retour à la normale. En revanche, je leur ai dit que l'état de santé mentale des Canadiens s'en ressentirait pendant des années. C'était pendant la COVID.
Malheureusement, l'état de santé mentale des Canadiens laissait déjà à désirer avant la COVID. C'est un problème auquel le gouvernement ne s'est toujours pas attaqué. Pendant la dernière campagne électorale, il avait promis d'investir davantage dans la santé mentale des Canadiens en embauchant davantage de médecins, en donnant accès à davantage de médicaments et en construisant davantage d'infrastructures pour recevoir les patients. Pourtant, à la lumière du débat d'aujourd'hui, il semble que le gouvernement a plus de facilité à proposer l'aide médicale à mourir que d'aider les Canadiens à recevoir l'aide qu'ils méritent en matière de santé mentale.
J'ai parlé avec de nombreuses personnes qui voulaient savoir en quoi consiste ce projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Pourquoi autant de gens sont-ils inquiets à ce sujet? Je leur réponds que le projet de loi ne concerne pas vraiment l'aide médicale à mourir, mais plutôt le fait de permettre à des personnes qui ont une maladie mentale, sans que leur mort soit prévisible, de demander l'aide médicale à mourir. Les gens me regardent alors d'un drôle d'air et ils veulent des précisions. Je leur dis que, selon la maladie mentale dont une personne est atteinte, elle peut ou non être admissible à l'aide médicale à mourir. Des personnes me demandent alors pourquoi il n'y a pas un médecin, un psychologue ou quelqu'un d'autre pour aider les gens au lieu de leur offrir l'aide médicale à mourir. Je leur dis que c'est un excellent point et que c'est une des raisons pour lesquelles je m'oppose à ce projet de loi.
En plus de la présentation du projet de loi en vue du report d'encore une année, les Canadiens doivent aussi comprendre que certaines des mesures législatives dont nous débattons à la Chambre n'aident pas nécessairement tous les Canadiens. Je ne parlerai pas des personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique ou d'autres maladies. Ces personnes ont droit à l'aide médicale à mourir et c'est bien ainsi. À mon sens, ces personnes ont toutes leurs capacités. Par contre, dans le cas d'une personne atteinte de maladie mentale, ce qui m'inquiète surtout, c'est de savoir si cette personne a la capacité mentale de prendre une telle décision.
Je sais qu'on me dira plus tard que, dans ces cas, il y aura une évaluation menée par deux psychiatres. Tout le monde sait que les gens ayant un trouble mental vivent des hauts et des bas, que leur état semble s'améliorer, puis se détériorer, allant parfois jusqu'à la dépression. Peut-on vraiment évaluer correctement l'état d'une personne à un moment donné? Il me semble bien cruel et impitoyable d'affirmer que quelqu'un est admissible à l'aide médicale à mourir au lieu de vraiment chercher des solutions pour lui venir en aide.
Au fil des ans, des gens ont communiqué avec moi, et leur histoire est déchirante. Je ne sais pas si beaucoup d'autres députés ont eu ce type de discussions, mais la situation est bien triste. Il suffit de se pencher sur le financement ou plutôt sur l'absence de financement en matière de santé mentale. Avant la COVID, on estimait qu'environ un tiers des Canadiens avait eu un trouble mental à un moment ou à un autre. Je ne peux pas imaginer ce qu'il en est après la COVID. En sommes-nous à 40 ou 45 %? Je ne sais pas quels sont les chiffres exacts, mais nous pouvons voir à quel point la stabilité mentale des Canadiens est de plus en plus fragilisée.
Le gouvernement leur tend-il la main, essaie-t-il d'améliorer leur vie? Je ne le crois pas. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis si heureux que nous puissions prendre une autre année pour examiner ce que nous pouvons faire pour améliorer ou modifier cette loi, ou pour commencer à traiter le problème lui-même. Nous devons nous occuper de la santé mentale des Canadiens et donner aux gens l'aide qu'ils méritent à juste titre.
L'état des personnes qui souffrent d'une maladie mentale ne s'améliorera pas tant qu'elles n'auront pas accès à des soins. Si on n'a pas les médecins, le personnel infirmier ou les établissements de soins nécessaires, les Canadiens n'ont aucune chance de voir la société s'améliorer. Si nous étudions la question de la santé mentale des Canadiens, nous pouvons peut-être améliorer d'autres choses, comme notre système pénal, car beaucoup de gens sont dépendants de la drogue ou d'autres substances, et nous devons commencer à nous en occuper du mieux possible.
Je voudrais me concentrer davantage sur ce que nous pouvons faire pour aider les gens avec leur santé mentale, plutôt que de leur offrir l'aide médicale à mourir. Nous devons nous attaquer à la cause réelle de leurs problèmes et à ce qui les a menés à ce stade. Si nous y arrivons, nous pourrons construire une société bien meilleure que celle que nous avons aujourd'hui. En tant que parlementaires, notre objectif numéro un est de faire du Canada un endroit où il fait bon vivre, contrairement à la solution envisagée ce soir.
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Monsieur le Président, juste avant que le Parlement ne reprenne ses travaux après le congé de Noël, d'innombrables Canadiens ont participé à la Journée Bell cause pour la cause. Ils ont profité de l'occasion pour parler de la santé mentale, sensibiliser la population, échanger des témoignages et se rappeler qu'il est bon d'offrir ou de demander de l'aide quand on en a besoin. De nombreux députés de tous les partis se sont joints à cet effort, et on peut légitimement supposer qu'ils l'ont fait parce qu'ils souhaitent sincèrement aider les gens.
Chaque année, après cette journée, nous nous rendons compte que la promotion de la santé mentale est en fait une tâche énorme et que c'est plus facile à dire qu'à faire. Au fil du temps, des progrès ont été réalisés dans notre approche de la santé mentale, mais il peut parfois être décourageant de constater que nous devons encore faire face à certains problèmes persistants ou qu'il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir. Ce constat remet la situation en perspective et montre que les résultats et les décisions que nous prenons sur une question sont plus importants que le simple fait d'en parler.
Dans cette optique, le projet de loi et le thème plus général dans lequel il s'inscrit, constituent une véritable mise à l'épreuve. En effet, il nous oblige à exprimer avec précision ce que nous entendons par promotion de la santé mentale. Malheureusement, nous sommes saisis d'un projet de loi émanant du gouvernement qui va manifestement nous faire emprunter la mauvaise voie, car il laissera tomber les personnes vulnérables atteintes de maladie mentale. D'une certaine façon, c'est une bonne chose de débattre du projet de loi C‑39, mais nous devons également clairement indiquer que cela n'est pas suffisant. Bien que ses dispositions n'entreront en vigueur que dans un an, cela ne fera que retarder légèrement l'inévitable au lieu de révoquer une mauvaise décision.
Que se passera-t-il dans un an? Le gouvernement va-t-il présenter un autre projet de loi comme celui-ci pour retarder les choses encore d'un an? Les problèmes majeurs soulevés par les provinces, les professionnels, les groupes de défense et les citoyens concernés seront-ils tous réglés comme par miracle avant l'expiration du délai d'un an? En quoi est-ce réaliste? Le gouvernement pense-t-il vraiment que les Canadiens vont y croire?
À l'évidence, cet échéancier est ridicule. Cela n'a aucun sens d'un point de vue pratique, mais surtout, cela ne réglera pas le problème à l'origine de tout cela. On peut avoir différents points de vue au sujet de l'accès au suicide assisté pour les personnes dont la maladie mentale est le seul problème médical, mais personne des deux côtés du débat ne peut affirmer sérieusement que la question a été soigneusement étudiée au Canada, s'il est possible de le faire. Tout le processus a plutôt été bâclé.
Si les libéraux se souciaient réellement de prendre la bonne décision, le projet de loi à l'étude serait bien différent. Même s'ils sont responsables d'établir l'échéancier, ils ne seront pas plus prêts au changement à venir l'année prochaine que s'il arrivait le mois prochain. La pression populaire les a amenés à ralentir la cadence, mais ils n'ont pas l'intention de s'arrêter complètement. À l'évidence, ils veulent procéder comme ils l'entendent et ils espèrent pouvoir encore s'en sortir le printemps prochain.
Si on prend un peu de recul pour examiner la question dans son ensemble, on constate que cette façon d'agir est fort irresponsable. Premièrement, je vais examiner ce projet de loi tel qu'il a été présenté. Généralement, nous n'avons pas à trop réfléchir au titre officiel d'un projet de loi présenté au Parlement. Cependant, ce n'est pas le cas avec le projet de loi . Il serait peut‑être même juste de dire que son titre est quelque peu trompeur. En effet, d'après le titre, nous modifions les dispositions du Code criminel relatives à l'aide médicale à mourir. Or, il s'agit là d'une subtilité. En réalité, cette mesure législative ne modifie pas le fond du projet de loi , adopté lors de la dernière législature. Elle ne ferait que retarder d'un an la mise en œuvre du projet de loi C‑7 ou l'élargissement prévu. Ce n'est certainement pas une réaction utile ou encourageante à ce que les Canadiens et les experts nous disent depuis l'adoption par le Parlement du projet de loi C‑7 et son entrée en vigueur.
Lorsque le projet de loi a été adopté, en 2021, 91 % des psychiatres de l'Ontario étaient contre l'élargissement de l'euthanasie, mais on ne les a pas écoutés. Le gouvernement ne s'est pas donné la peine d'écouter des conseils et des commentaires essentiels. Il ne faut pas se leurrer. Partout au pays, des citoyens ordinaires sont horrifiés lorsqu'ils apprennent ce qui se passe ici, et qu'il est question d'étendre l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale. De nombreux habitants de ma circonscription ont communiqué avec moi. Ils m'ont abordé à des patinoires et à diverses assemblées publiques que j'ai organisées pendant la pause hivernale. Ils m'ont dit à quel point il était inconcevable qu'une telle chose se produise au Canada.
On a constaté la même réaction partout dans le monde lorsque, dans d'autres pays, les gens apprenaient ce qui se passait au Canada. Nous ressortons, et pas de la bonne manière, du lot des pays qui offrent le suicide assisté. La couverture médiatique qu'on fait du Canada à l'étranger démontre que la réputation de notre pays en a souffert. Il est plus que temps que le gouvernement sorte de sa bulle et qu'il écoute ce que les Canadiens pensent et ressentent. Même si le essaie de prétendre que notre système possède des mesures de sauvegarde strictes, il suffit de regarder ce qui se passe ailleurs pour constater que quelque chose cloche.
Le Canada a rapporté 7 300 décès en 2020 et 10 000 en 2021. C'est encore plus troublant lorsqu'on compare ces chiffres avec d'autres administrations. L'État de la Californie a commencé à autoriser le suicide assisté la même année que nous, soit en 2016. Même si sa population totale est semblable à la nôtre, la Californie n'a rapporté que 495 décès en 2020 et 486 en 2021. L'écart est frappant.
Les gens voient ces chiffres et ne peuvent pas croire que le gouvernement envisage d'élargir l'admissibilité aux personnes dont le seul trouble de santé est une maladie mentale. Ils ne peuvent s'empêcher de se demander si ces personnes ne passent pas déjà entre les mailles du filet et si elles sont prises en compte dans les chiffres que nous avons au Canada.
Si nous voulons comprendre le contexte qui a nous a menés à la situation actuelle avec le projet de loi , nous devons nous rappeler ce qui s'est passé lors de l'étude du projet de loi précédent. À l'époque, le gouvernement libéral a présenté un projet de loi qui élargissait considérablement l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, par rapport à ce qui avait été prévu initialement, quelques années auparavant. Le suicide assisté était désormais autorisé dans les cas où la mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible.
À l'époque, nous avons entendu une écrasante majorité de militants, d'organisations et de membres de la communauté des personnes handicapées, qui étaient profondément préoccupés par la nouvelle orientation du gouvernement. Ils ont souligné les failles et les risques encourus par les personnes handicapées, qui pourraient se retrouver dans une position vulnérable et subir des abus plutôt que de recevoir le soutien et les ressources dont elles ont besoin. Ils s'inquiétaient également de la stigmatisation et du message que cela pourrait envoyer aux personnes handicapées ainsi qu'à la société en général. Toute personne, qu'elle vive avec un handicap ou non, aura l'impression que ces vies humaines sont inférieures ou ne valent pas la peine d'être vécues, et il ne sera manifestement pas inacceptable de le penser.
Nous voilà, encore une fois, dans une situation semblable. C'était choquant lorsque les libéraux ont accepté l'amendement de dernière minute visant à admettre la santé mentale comme condition d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Depuis lors, ils ont eu le temps et la possibilité de revenir sur la décision, mais ils refusent d'écouter et de protéger la vie des Canadiens vulnérables. Si les députés ministériels n'arrêtent pas l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour admettre la santé mentale, il sera impossible de les prendre au sérieux quand ils essaieront de parler de la crise en santé mentale.
Je peux prendre quelques instants pour parler de Michel Landsberg, qui a parlé avec beaucoup de passion de la santé mentale il y a plusieurs années. Je le considère comme un pionnier et un modèle.
Michael Landsberg était l'animateur de l'émission Off the Record sur TSN. Il a créé une fondation appelée « #SickNotWeak ». Comme il y a 20 ans, il parle à nouveau aujourd'hui principalement des préjugés auxquels les personnes atteintes de maladie mentale sont assez souvent confrontées et auxquels les personnes dépressives sont confrontées. Lorsque nous examinons la communauté des personnes handicapées et ce dont parlions plus tôt concernant les préjugés, nous voyons que la situation se répète pour les personnes atteintes de maladie mentale. Je pense qu'il est important que nous nous penchions sur l'histoire de personnes comme Michael Landsberg, qui nous a exhortés si clairement et si passionnément à ne pas associer de préjugés nuisibles aux maladies mentales. Lorsque nous regardons les statistiques que j'ai citées plus tôt, nous constatons qu'il existe un danger réel ici si nous ne nous attaquons pas à ce problème pendant que nous en avons l'occasion.
Il y a un manque de soutien en matière de santé mentale dans l'ensemble du Canada, surtout dans les circonscriptions rurales comme la mienne. Il est absolument honteux de proposer la mort comme solution. Bien que le projet de loi suspende cet élargissement, il est inapproprié de l'utiliser comme tactique de vente avec l'espoir que le public changera d'opinion et se rangera de leur côté entretemps.
Toutefois, un report ne suffit pas. Nous devons exclure la santé mentale des conditions d’admissibilité au suicide assisté. Le gouvernement doit s’arrêter ici et examiner ce qu’il a fait du système. S’il ne le fait pas, cela prouvera tout simplement qu’on ne peut lui faire confiance. Le gouvernement n’a montré aucun signe qu’il a examiné attentivement les mesures législatives qu’il a instaurées précédemment. En agissant ainsi, il n’a pas rassuré les Canadiens à propos des changements futurs. Il a été question de mesures de sauvegarde plus tôt; les Canadiens se demandent si elles existent réellement.
Comment ne pas tenir compte du fait que les anciens combattants se font offrir l’aide médicale à mourir au lieu de soins en santé mentale? Comment pouvons-nous aller de l’avant quand nous savons que des personnes pauvres et souffrantes se sont fait offrir l’aide médicale à mourir contre leur volonté? Ce type de report est devenu trop fréquent, et nous ne pouvons pas utiliser l’excuse que nous n’avons eu aucun avertissement. Les prédictions des experts, partagées par un grand nombre de députés de ce côté-ci de la Chambre, se sont avérées exactes jusqu’à maintenant. Si le report est adopté jusqu’en mars 2024, comment est-il possible de croire que les problèmes ne deviendront pas encore plus graves?
Parce que les libéraux ne font pas ce qui est nécessaire, un de mes collègues conservateurs a pris l’initiative de présenter un projet de loi pour supprimer l’admissibilité à l’aide médicale à mourir en raison d’une maladie mentale. Cette disposition nous donnerait une nouvelle chance de prévenir la catastrophe. J’espère que tous les députés donneront leur appui.
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Monsieur le Président, c'est un honneur de prendre la parole ce soir au sujet du projet de loi . Ce projet de loi vise à repousser d'un an l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant pour seule cause sous-jacente une maladie mentale qui, autrement, se concrétisera le 17 mars prochain.
Je dois d'abord exprimer ma déception quant au moment choisi pour présenter le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. En effet, il ne reste que quelques jours à la Chambre des communes pour en débattre et pour voter, afin qu'il soit transmis au Sénat et qu'il franchisse toutes les étapes avant le 17 mars. Il s'agit de la date à laquelle les personnes dont la seule cause sous-jacente est la maladie mentale pourront se prévaloir de l'aide médicale à mourir.
Dans l'état actuel des choses, ce projet de loi de dernière minute ne fera que créer une nouvelle date butoir arbitraire de mars 2024 pour remplacer l'échéance actuelle, mars 2023. Il n'y a aucun fondement scientifique ni aucune preuve pour justifier ce report de 12 mois, sauf le remaniement des échéanciers gouvernementaux. Toutefois, je suis reconnaissante du fait que la disposition n'entrera pas en vigueur le mois prochain si tous les députés votent en faveur de ce projet de loi et si le Sénat l'adopte.
L'échéancier a tout d'abord été fixé lorsque le gouvernement a accepté un amendement du Sénat au projet de loi initial sur l'aide médicale à mourir, le projet de loi .
Même si, lorsqu'il a comparu devant le comité, il avait initialement exprimé des préoccupations concernant les risques d'offrir l'aide médicale à mourir de façon sécuritaire aux personnes atteintes d'une maladie mentale, le a accepté l'amendement du Sénat visant à étendre le régime à ces personnes et coupé court au débat sur la question lorsque le projet de loi est revenu à la Chambre. Maintenant, le ministre demande au Parlement d'intervenir pour remédier à un problème qu'il a lui-même créé.
Je compte appuyer ce projet de loi, non pas parce que j'estime que le gouvernement fait bien les choses, mais parce que si je ne l'appuie pas, si la majorité des députés de l'appuient pas, il deviendra possible, à compter du 17 mars, de demander l'aide médicale à mourir en invoquant, pour seul motif, un problème de santé mentale.
Il est désolant que les personnes atteintes d'une maladie mentale se tournent vers l'aide médicale à mourir parce qu'on les abandonne. Selon un sondage réalisé par l'Ontario Medical Association en 2021, 91 % des psychiatres de l'Ontario s'opposaient à ce que l'on étende l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale. Seulement 2 % approuvent l'idée.
Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a entendu un éventail d'experts sur le sujet, des cliniciens, des psychiatres et des défenseurs de la santé mentale. Tous ont exprimé la même préoccupation. Il est impossible de déterminer cliniquement qu'un patient ne pourra jamais se remettre d'un problème de santé mentale. Ces cas ne peuvent donc, par aucune norme objective, répondre au critère de fin de vie. Le Dr John Maher, psychologue clinicien et éthicien médical, a dit au comité: « Les psychiatres ne savent pas, et ne peuvent pas savoir, quel patient verra son état s'améliorer et vivra une bonne vie pendant des décennies. Les maladies du cerveau ne sont pas comme des maladies du foie. »
Les Canadiens sont horrifiés, à juste titre, par les nouvelles décrivant le nombre croissant de leurs concitoyens qui demandent l'aide médicale à mourir dans des circonstances pour lesquelles elle n'avait jamais été prévue. De multiples anciens combattants canadiens qui se sont battus pour notre pays ont affirmé que, après avoir réclamé de l'aide au ministère des Anciens Combattants, des employés de ce ministère ont fait pression sur eux pour qu'ils envisagent l'aide médicale à mourir. On a appris que la question a été soumise à la GRC aux fins d'enquête et que le ministère des Anciens Combattants mène un examen interne. À Mississauga, une personne qui gère une banque alimentaire a indiqué que des clients posaient des questions sur le suicide assisté pour des raisons autres que des maladies physiques.
Malgré ces histoires, le gouvernement était déterminé à respecter l'échéance initiale de mars 2023. Heureusement, les Canadiens sont intervenus en appelant tous les députés fédéraux, en leur envoyant des courriels et en leur écrivant. Ils nous ont demandé de revoir notre position à cet égard, et ils ont exercé des pressions sur le gouvernement. Les gens tenaient à protéger les plus vulnérables, et ils avaient raison. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est le fruit de leurs efforts.
J'ai été très touchée par certains des messages que j'ai reçus des gens de ma circonscription, Kelowna—Lake Country. J'essaie souvent d'être leur porte‑parole à Ottawa.
Judith, de Kelowna, m'a écrit pour me faire part de ses inquiétudes après avoir entendu parler du report de l'élargissement prévu de l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladie mentale comme seul problème de santé invoqué. Elle sait que de nombreuses personnes ont fait part de leurs préoccupations au gouvernement et elle s'étonne que les libéraux ne fassent que reporter cet élargissement.
Les collectivités ne disposent pas toutes des mêmes services de santé mentale, surtout dans les régions rurales. La semaine dernière, j'ai rencontré un jeune homme qui était bouleversé à l'idée que l'on envisage de rendre l'aide médicale à mourir accessible aux personnes dont le seul problème de santé invoqué est la maladie mentale. Sa défunte mère avait lutté contre la maladie mentale, et il était furieux d'apprendre que le gouvernement libéral n'avait pas annulé purement et simplement l'option permettant aux gens de demander l'aide médicale à mourir selon ce critère. Cette mesure législative ne fait que retarder cette option.
En réalité, ce sont le tollé et l'inquiétude du public à ce sujet qui ont forcé le gouvernement à prendre reporter initialement l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladie mentale comme seul problème de santé invoqué. Des personnes que je connais ou que j'ai rencontrées m'ont fait part d'histoires de santé mentale que je pourrais raconter à la Chambre, mais je ne le ferai pas parce que je n'arriverais pas à les raconter jusqu'au bout.
Je ne veux pas abandonner les gens, mais le gouvernement abandonne les personnes atteintes de maladie mentale. Nous devons tâcher d'aider les gens et de leur donner de l'espoir. Nous devons nous concentrer sur le traitement des maladies mentales, plutôt que sur l'aide médicale à mourir. Les conservateurs ne veulent pas laisser tomber les gens.
Comme je l'ai dit plus tôt, ce projet de loi ne fait que créer un nouveau délai arbitraire. Le Parlement ferait mieux de s'acquitter de sa responsabilité envers les Canadiens, en particulier les Canadiens vulnérables qui se sentent perdus dans leur vie, en abandonnant ce dangereux élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes dont la maladie mentale est la seule affection sous-jacente. Nous ne pouvons pas, et ne devons pas, abandonner les personnes atteintes de maladie mentale. Nous devons le dire clairement et offrir du soutien pour les aider et les traiter.
L'aide médicale à mourir ne doit pas devenir la solution la plus simple pour les personnes atteintes de maladie mentale. Au lieu de proposer des changements visant à élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale, les libéraux devraient plutôt se concentrer sur des propositions visant à renforcer le soutien en matière de santé mentale pour les Canadiens, qui sont nombreux à être confrontés aux défis du monde d'après la pandémie ainsi qu'aux répercussions des huit années de règne libéral, qui ont divisé les familles et les voisins, et des politiques inflationnistes, qui grèvent les revenus de nos concitoyens.
Les libéraux n'ont pas tenu la promesse qu'ils avaient faite lors des élections précipitées de l'été 2021 au sujet du transfert permanent de plusieurs milliards de dollars aux provinces et aux territoires pour la santé mentale, transfert qui devait leur permettre de disposer du financement et du soutien nécessaires pour développer les soins de santé mentale. Nous vivons une crise de la santé mentale, et pourtant la promesse des libéraux semble avoir été reléguée au second plan.
Il faut se rappeler que c'est le député conservateur de qui a été le fer de lance de la ligne de prévention du suicide à trois chiffres au Canada, le 988. Les parlementaires ont appuyé cette motion à l'unanimité à la Chambre des communes. C'était il y a plus de 900 jours, et la ligne n'existe toujours pas.
Ce n'est pas surprenant, étant donné que les libéraux ont confié à leur organisme fourre-tout, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la tâche de la mettre en place. Qu'ont fait les libéraux à la place?
Ils n'ont pas présenté de mesure législative pour annuler l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes ayant comme seul problème médical invoqué un trouble mental, ils l'ont simplement retardé. La mise en place des systèmes de soutien en matière de santé mentale dont les Canadiens ont besoin pour vivre une vie saine et épanouie sera une priorité absolue pour les conservateurs au cours de la présente législature et lorsqu'ils formeront le prochain gouvernement.
Les gens méritent des ressources en santé mentale pour les aider. Les gens méritent de l'espoir. Les familles méritent de l'espoir. C'est là-dessus que nous concentrerons nos efforts.
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Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de fierté et d'émotions que je me lève ce soir pour participer à nouveau à ce débat concernant l'aide médicale à mourir.
J'ai le privilège d'être député à la Chambre depuis bientôt huit ans et j'ai été député également à l'Assemblée nationale du Québec de 2008 à 2015. Je suis un des rares ici, avec mon collègue de , à avoir participé comme député au provincial et au fédéral aux débats sur l'aide médicale à mourir, ce qui me donne, je le dis en toute modestie, une perspective bien particulière. J'aurai l'occasion d'en dire davantage à ce sujet.
S'il y a un sujet qui n'appelle aucune partisanerie politique, c'est bien l'aide médicale à mourir. J'ai un point de vue cardinal qui n'a pas bougé d'un pouce depuis que je participe à ces débats: il n'y a pas de bonne ni de mauvaise position, il y a uniquement la position avec laquelle chaque personne se sent à l'aise comme être humain.
Quand on entend un point de vue contraire, on doit l'écouter et le respecter, et non l'attaquer de manière partisane. Je me souviendrai toujours de cet événement qui s'est produit en juin 2014 à l'Assemblée nationale. Un député libéral de l'époque, Saul Polo, prenait position dans le cadre du débat sur l'aide médicale à mourir. Il y était farouchement opposé à un point qu'il est difficile d'imaginer. Je le revois très bien, car j'étais assis dans cet axe à l'Assemblée nationale et il était perpendiculaire à moi. Il avait le visage empourpré par la passion et le poing fermé et il affirmait qu'il ne fallait pas toucher à ce sujet. Quand il a terminé son propos, je me suis levé pour l'applaudir, non pas parce que j'étais d'accord avec lui, mais parce que je célébrais le fait que, dans une assemblée législative, nous pouvions avoir des points de vue complètement divergents, mais respectés et respectueux.
C'est l'approche que l'on doit adopter lorsqu'on aborde un sujet aussi personnel, délicat et humain que l'aide médicale à mourir. Nous avons le tour de nous rentrer dedans toute la journée et disons que je tire bien mon épingle du jeu quand vient le temps d'attaquer l'adversaire. Il existe 1 000 bonnes raisons d'attaquer l'adversaire, mais, s'il vous plaît, ne prenons pas l'aide médicale à mourir pour nous attaquer. Respectons l'opinion contraire.
Nous sommes rassemblés aujourd'hui parce que le gouvernement a décidé de mettre de côté son ambition de permettre l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de problèmes de maladie mentale. C'est la chose à faire. Même si je suis personnellement en faveur d'une aide médicale à mourir bien encadrée combinée à une offre de soins palliatifs énorme, la question de l'aide médicale à mourir pour les gens qui souffrent de maladie mentale est extrêmement délicate et ne commande pas une action précipitée.
Le gouvernement avait l'ambition d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir le plus rapidement possible, c'est-à-dire dans ces jours-ci, afin d'y inclure les personnes souffrant de maladie mentale. Il a décidé de faire un pas de côté. Je ne pourrais pas dire qu'il s'agit d'un pas en arrière, parce qu'il a toujours l'ambition de le faire, mais dans un an. Ce n'est pas le bon chemin à emprunter, et je vais expliquer pourquoi.
Il y a bien des raisons personnelles qui peuvent nous animer lorsque nous prenons position. Je crois que nous connaissons tous une personne qui a eu de graves problèmes de santé mentale, qui est tombée dans un abîme des plus profonds et dont l'entourage a cru qu'elle ne pourrait jamais se relever. Or, nous connaissons tous aussi des gens qui se sont relevés d'épreuves terribles qui les avaient conduits dans une spirale descendante, dans un abîme et dans une grande tristesse, mais qui, avec le temps, ont réussi à s'adapter à leur réalité et à gravir tranquillement les échelons de la reconstitution de soi et de la fierté de soi que l'on doit avoir.
C'est pourquoi, à mon point de vue, au moment où l'on se parle, l'aide médicale à mourir ne peut pas s'appliquer à ceux qui culbutent dans les ténèbres. Ce qui m'aide également dans cette réflexion, c'est l'expérience du Québec. Là, je veux faire attention, je ne veux pas dire qu'au Québec, nous sommes meilleurs que les autres. Ce n'est pas cela du tout, mais, factuellement parlant, le Québec est l'endroit où il y a eu le plus de travail parlementaire et d'études menées concernant l'aide médicale à mourir. Cela fait 15 ans que nous en discutons au Québec. Je sais de quoi je parle, car j'ai participé aux débats à l'Assemblée nationale et à la Chambre des communes.
Voici une statistique qui peut surprendre: le Québec est l'endroit dans le monde où il y a le plus d'aide médicale à mourir. Les chiffres présentés par Le Devoir en janvier dernier nous informent que, au Québec, 5,1 % des gens qui décèdent ont eu recours à l'aide médicale à mourir.
C'est plus que les Pays-Bas à 4,8 % et la Belgique à 2,3 %.
Doit-on être fier ou doit-on être honteux de cette situation-là? Non. On le constate. Je n'ai pas à juger le fait qu'aujourd'hui 5,3 % des gens au Québec font appel à l'aide médicale à mourir. C'est une réalité factuelle. Les chiffres ne mentent pas.
Voilà qu'au pays du Québec, alors qu'on a beaucoup travaillé là-dessus au plan parlementaire, il y a quelques années le gouvernement a ouvert la porte à étudier la question. Est-ce qu'on doit ouvrir l'aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent de maladie mentale?
Voilà qu'après avoir mené des travaux très sérieux et rigoureux, pendant plusieurs semaines, où on a pu entendre jusqu'à 3 000 personnes qui se sont exprimées dans une consultation et des centaines d'experts, le comité qui avait étudié la question et le gouvernement en poste ont décidé de ne pas aller sur la question de l'aide médicale pour les gens qui souffrent de maladie mentale. Pourquoi?
Voici ce qu'on peut lire dans le rapport:
Nous constatons, à l’issue de nos travaux, qu’il n’y a pas de consensus médical clair sur l’incurabilité des troubles mentaux et le déclin irréversible des capacités qui y serait associé. Les positions des spécialistes divergent. À titre de législateurs, nous pouvons difficilement nous prononcer sur ce sujet.
Le député provincial libéral David Birnbaum expliquait ainsi:
[I]l n'existe pas de consensus parmi les professionnels de la santé quant à l'incurabilité des troubles mentaux, pas plus que sur le caractère irréversible de ceux-ci. Or, [ces critères] font partie des balises fondamentales de la loi actuelle. Les doutes qui persistent sur l'évaluation de ces deux critères nous incitent à faire preuve d'une [très] grande prudence.
Cela avait fait dire ce qui suit à l'ancienne députée du Parti québécois de Joliette Mme Véronique Hivon:
Cette décision fait la preuve que le but n'est pas d'ouvrir toujours plus, toujours plus grand, mais d'ouvrir ce qui est juste pour le respect de la personne tout en protégeant les personnes vulnérables.
Cela vient du Québec, l'endroit où 5,3 % des gens meurent avec l'aide médicale à mourir. Cette mesure législative est venue du Québec. Depuis 15 ans, on se penche sur la question de l'aide médicale à mourir de façon objective, neutre, sans partisanerie. Je sais de quoi je parle et c'est tant mieux ainsi.
Voilà que le gouvernement actuel voulait procéder rapidement sur cette question. Non. Je salue et je vote en faveur de ce projet de loi dont nous discutons ce soir. Il permet de faire un pas de côté pour retarder l'ambition des libéraux. On verra bien où on en sera dans un an s'ils veulent aller plus loin dans ce domaine-là.
Il faut comprendre une chose. L'aide médicale à mourir est irréversible par sa nature même. Louise-Maude Rioux Soucy l'a bien dit dans un éditorial paru dans Le Devoir le 4 janvier:
[L]'AMM est offerte dans une perspective de continuum de soins [...] Elle vient donc avec une obligation tacite: la qualité et l'universalité des soins palliatifs doivent être irréprochables afin de garantir, en tout temps et en toutes circonstances, le caractère d'exception de l'aide médicale à mourir.
Je vais maintenant aller sur un terrain beaucoup plus personnel. L'année dernière, j'ai été confronté à cette réalité du décès. Ma mère, à 97 ans et 10 mois, est décédée en mai, et mon père, à 99 ans 4 mois et 2 jours, est décédé en décembre. Sept mois de séparation, un siècle de vie, comme on peut le voir. Ils étaient gravement malades à la fin de leur vie. À l'extrême hiver de leur vie, mon père et ma mère combattaient pour la survie et le décès les a amenés.
L'aide médicale à mourir n'a pas été abordée, parce qu'elle n'avait pas à être abordée. Ils n'en voulaient pas. Comme famille, nous avons été privilégiés: ils ont eu droit aux soins palliatifs les plus exceptionnels qui soient. Nous en sommes reconnaissants. Nous avons pu leur parler. Les enfants, les petits-enfants, et même les arrière-petits-enfants ont pu leur parler. Si j'en parle, c'est parce que là où était ma mère, à l'hôpital, il y avait d'un côté les gens qui étaient pour les soins palliatifs et qui allaient mourir dans quelques jours et d'un autre côté, juste de l'autre bord du corridor, il y avait des gens qui étaient là pour l'aide médicale à mourir. J'ai eu de magnifiques conversations avec les membres de la famille, et même avec des gens qui ont demandé l'aide médicale à mourir. Cela montre qu'on peut et surtout qu'on doit respecter la volonté de chaque individu. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise position. Il y a uniquement la position avec laquelle on se sent bien. Je suis bien avec l'aide médicale à mourir du moment que les soins palliatifs sont là.
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Monsieur le Président, j'interviens dans le débat de ce soir parce le sujet me touche profondément et personnellement. Moi qui ai souffert de dépression et de problèmes de santé mentale à diverses périodes de ma vie, et qui ai notamment vécu une période de dépression grave pour laquelle je me suis fait traiter, je trouve l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir dans le but d'inclure les maladies mentales extrêmement troublant. Le fait que nous soyons à un mois à peine du moment où cette option deviendrait accessible aux Canadiens aux prises avec des problèmes de santé mentale montre que le gouvernement ne s'est pas occupé correctement de cet enjeu, ce qui est un échec lamentable. Je suis incroyablement déçu que les libéraux tentent maintenant de faire adopter à toute vitesse une mesure législative qui retardera la mise en œuvre de ce changement parce qu'ils n'ont absolument pas déployé les efforts nécessaires pour faire les choses correctement. Le problème, c'est qu'il existe beaucoup de données probantes qui auraient pu les aider à faire les choses correctement, ce qu'ils n'ont pas fait.
Je prendrai un moment pour parler d'un article qui a été écrit le 15 décembre 2022 par le Dr Karandeep Gaind, professeur de psychiatrie à l'Université de Toronto et directeur de l'équipe d'aide médicale à mourir de son hôpital. Ceux qui n'ont pas encore lu cet article devraient le faire, car il résume les immenses défis liés à cette question et explique que le gouvernement ne l'a pas examinée correctement.
Je vais commencer par cette citation: « [S]elon des données probantes, il est impossible de prédire que l'état d'une personne atteinte d'une maladie mentale ne va pas s'améliorer. » Il ajoute ceci: « Or, ceux qui militent pour que le cadre soit élargi croient, à tort, qu'ils peuvent faire ce genre de prédictions. » Il s'appuie sur la recherche en disant que celle-ci « nous indique que leurs chances d'avoir raison sont plus ou moins bonnes, car les modèles de précision employés révèlent que les prédictions [quant à la nature irrémédiable du problème de santé] ne se sont avérées que dans 47 % des cas ».
Ainsi, dans 47 % des cas, le médecin a tort lorsqu'il dit que l'état de santé mentale d'une personne ne va pas s'améliorer. Le gouvernement pouvait facilement consulter ces données probantes en tout temps. Pourtant, nous voici saisis d'un projet de loi visant à tout remettre retarder à la dernière minute.
M. Gaind ajoute ceci: « [S]elon les données probantes, lorsque l'aide médicale à mourir est offerte à ceux qui veulent mourir à cause de leur maladie mentale, il devient impossible de faire la distinction entre l'aide médicale à mourir et le suicide. » Rappelons que c'est un psychiatre qui parle. Il affirme ceci: « Nous ne pouvons pas faire la distinction entre les personnes qui demandent l'euthanasie pour des raisons psychiatriques et les personnes suicidaires qui finissent par mener une vie enrichissante après avoir reçu de l'aide en prévention du suicide plutôt que l'aide à mourir. »
Réfléchissons à cela une minute. Ce sont les propos d'un psychiatre qui est professeur à l'Université de Toronto et qui est à la tête de l'équipe responsable de l'aide médicale à mourir au sein d'un hôpital. Il tient ce discours depuis très longtemps. Malgré cela, les libéraux n'ont pas su faire les choses comme il faut.
Il parle ensuite du groupe d'experts nommé par le gouvernement fédéral:
Le groupe d'experts nommé par le gouvernement fédéral [...] était chargé de fournir des mesures de sauvegarde, des normes et des lignes directrices sur l'application de l'aide médicale à mourir aux cas de maladie mentale. Au lieu de cela, le groupe d'experts a recommandé qu'aucune autre mesure de sauvegarde législative ne soit requise avant d'accorder l'euthanasie pour maladie mentale, et il n'a fourni aucune norme particulière concernant le type ou le nombre de traitements qui devraient être essayés avant d'accorder l'aide médicale à mourir ni la durée de ces traitements. Le rapport du groupe d'experts suggérait même que la société avait fait un « choix éthique » selon lequel l'aide médicale à mourir devait être offerte même si le suicide et l'aide médicale à mourir étaient identiques.
Ce psychiatre résume ce que le groupe d'experts du gouvernement a conclu. Pour moi, c'est absolument choquant.
Il poursuit en disant: « Je ne suis pas un objecteur de conscience. » Il y en a beaucoup qui le sont. Il y a des députés dans cette enceinte qui s'opposent à l'aide médicale à mourir pour des raisons de conscience. Je ne suis pas de ceux-là. Je pense que cette pratique peut être appropriée dans certaines circonstances, et le Dr Gaind est du même avis. Il écrit: « Cependant, il est clair pour moi que l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladies mentales prévu par le Canada est fondé sur l'ignorance — sinon le mépris total — des principes fondamentaux de la prévention du suicide. »
Réfléchissons à cela. Je le répète, ces paroles ne sont pas les miennes. Elles ne proviennent pas d'un parlementaire n'ayant aucune expérience en matière de santé mentale, mais d'un psychiatre de l'Université de Toronto qui dirige aussi l'équipe d'aide médicale à mourir de l'hôpital. Il conclut ainsi: « On semble ne pas tenir compte de ce qui incite les personnes les plus marginalisées à envisager la mort comme une solution à la souffrance de la vie. »
Je le répète, il s'agit d'un défi incroyable. Nous avons entendu tous les rapports concernant des personnes croyant qu'elles devraient maintenant avoir recours à l'aide médicale à mourir à cause de leurs problèmes de santé mentale. Je ne peux pas croire que nous ayons laissé les choses aller aussi loin, que nous ne disposions pas de règles et que nous devions mettre un terme à cela.
Le gouvernement avait tellement de temps pour bien faire les choses, mais non. Il n'est même pas passé proche. À mes yeux, c'est un symptôme de la façon dont il agit sans réfléchir aux conséquences. Que va-t-il se passer si nous n'adoptons pas ce projet de loi d'ici le 17 mars? Il sera possible de demander l'aide médicale à mourir. Comment se fait-il qu'on vienne tout juste de présenter cette mesure visant à repousser cette date? Le gouvernement savait depuis des lustres qu'il ne pourrait pas respecter la date butoir. Il savait depuis des lustres que les mesures de sauvegarde n'étaient pas en place, mais nous voici pourtant. Je trouve cela stupéfiant.
Je pense que nous devrions tous écouter les derniers commentaires que formule ce médecin dans son article:
Le report de l'élargissement de l'euthanasie pour les maladies mentales, prévue pour mars 2023, constitue la seule solution responsable. Des Canadiens et des organisations liées à la santé mentale l'ont reconnu et l'ont demandé. En outre, l'Association canadienne pour la prévention du suicide et plus de 200 psychiatres ont déjà signé une pétition à cet égard, et les directeurs de départements de psychiatrie aux quatre coins du pays se sont joints à cet appel au report.
Cet article a été écrit en décembre, et nous voici maintenant face à cette mesure législative. C'est un échec catastrophique du gouvernement et du ministre responsable. Espérons qu'il ne s'agira pas d'un échec catastrophique pour les Canadiens.
Une personne qui souffre d'un problème de santé mentale a besoin d'aide. Soyons clairs: j'ai traversé une période de ma vie où je ne voulais pas continuer à vivre. C'était une période profondément sombre et terrible.
Le gouvernement va de l'avant avec cette mesure législative sans aucune mesure de protection pour les personnes qui se trouvent dans cette terrible situation. D'éminents psychiatres sonnent le tocsin à ce sujet depuis des lustres, et le gouvernement n'a rien fait jusqu'à la dernière minute. Maintenant, il dit qu'il faut repousser le projet.
Je peux dire à mes collègues que je ne suis absolument pas convaincu que le gouvernement fera ce qu'il faut. Comme l'indique la phrase que j'ai citée, le comité s'est trompé. Je ne sais pas s'il y a eu des directives ministérielles pour s'assurer que le comité rectifie le tir. Je peux cependant dire une chose. De ce côté-ci de la Chambre, nous allons défendre les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Nous allons les protéger et ne pas laisser le gouvernement les sacrifier.
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Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion ce soir de parler du projet de loi .
D'emblée, je crois qu'il est important de commencer par faire savoir à mes électeurs que ce projet de loi n'est pas compliqué. Il ne propose rien de nouveau aux lois canadiennes sur l'euthanasie, et il ne propose pas non plus de modifier les lois en vigueur. Il s'agit d'un simple projet de loi qui retarde de 12 mois, soit un an, l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale. Pour ces raisons, les conservateurs appuient son adoption rapide, mais seulement comme solution temporaire.
Cependant, ce projet de loi est ce qui arrive quand un gouvernement agit trop vite, trop agressivement, sans tenir compte des plaidoyers des experts, des Canadiens ordinaires qui vivent avec une maladie mentale et des membres de leur famille. Ces Canadiens incluent les membres de nos familles, nos amis, nos voisins et nos collègues. Ils vivent avec une maladie mentale qui, à leurs yeux, ne devrait pas être une peine de mort. Ils considèrent l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour leur maladie comme une nouvelle étape dans la dévalorisation de la vie dans ce pays. Ils savent que cette mesure ne va rien changer à la stigmatisation de la maladie mentale et qu'elle met en danger les Canadiens vulnérables de tous les horizons, atteints de maladies visibles et invisibles.
C'est pourquoi ce projet de loi est un maigre réconfort pour moi et l'ensemble des Canadiens. L'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir ne doit pas seulement être retardé, il doit être complètement abandonné.
L'aide à mourir est une question très chargée d'émotion depuis que la Chambre a envisagé pour la première fois sa légalisation en 2016. C'était le premier projet de loi dont j'ai débattu à la Chambre. Le débat a été passionné en raison de nos expériences personnelles, de nos croyances et de nos convictions sur ce qui constitue la dignité dans les décisions de fin de vie. Cependant, le débat d'aujourd'hui revêt une lourdeur encore plus grande à cet égard.
Les chiffres indiquent qu'à l'âge de 40 ans, un Canadien sur deux est atteint ou a déjà été atteint d'une maladie mentale. Cette probabilité est encore plus élevée chez les jeunes et, selon les répondants à des sondages sur le sujet, il y a trois fois moins de chances qu'ils révèlent être atteints d'une maladie mentale que d'une maladie physique, comme le cancer. Si ces statistiques sont peu réjouissantes, elles brossent un tableau réaliste de la santé mentale de l'ensemble des Canadiens. C'est une question universelle. Personne n'est à l'abri des difficultés de la vie, que ce soit à court ou à long terme. C'est précisément pour cette raison que les intervenants demandent au gouvernement de faire véritablement preuve de compassion en reconsidérant l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont les blessures sont essentiellement invisibles.
L'Association canadienne pour la santé mentale souligne que des facteurs sociodémographiques autres que l'âge, le niveau de scolarité et le revenu influent sur la probabilité qu'une personne fasse une demande d'aide médicale à mourir. Le racisme, la pauvreté, l'itinérance et la violence fondée sur le sexe ont des effets néfastes sur la santé mentale et les symptômes de maladie mentale. Au cours des dernières années, nous avons également pu constater que l'isolement, la persécution pour ses croyances et le désespoir ont un effet sur la santé mentale.
L'Ontario Hospital Association a clairement indiqué qu'il faut encadrer ces questions complexes au moyen de mesures de protection juridiques adéquates, combinées à des mesures de soutien social, avant d'envisager d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Par ailleurs, je crois que nous devons tenir compte des réalités de certains groupes qui me tiennent à cœur au chapitre de la santé mentale ainsi que des raisons pour lesquelles nous ne devons jamais envisager d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir au Canada.
L'été dernier, les Canadiens ont été choqués d'apprendre qu'une employée d'Anciens combattants Canada avait dit à plusieurs reprises à un vétéran des Forces armées canadiennes qui souffre d'un trouble de stress post-traumatique et de lésions cérébrales que l'aide médicale à mourir pouvait être une solution à ses souffrances. Le vétéran n'avait jamais demandé qu'on lui parle de l'aide médicale à mourir, mais, même après qu'il a demandé plusieurs fois à l'employée d'Anciens combattants Canada d'arrêter d'insister auprès de lui à ce sujet, elle a persisté à lui en parler. Nous savons que les vétérans ont un risque accru de suicide comparativement à la moyenne de la population. C'est vraiment effrayant de constater qu'au lieu de proposer les soins les plus appropriés qui soient, cette fonctionnaire a choisi de conseiller de façon répétée l'aide médicale à mourir en tant que solution à la souffrance. Cela m'effraie, et je me demande combien de fois de tels conseils ont eu des conséquences tragiques.
Debbie Lowther, de VETS Canada, a affirmé que c'était comme semer une idée dans la tête d'une personne qui a déjà du mal avec sa santé mentale ou même qui pense déjà au suicide. Même si on veut nous présenter l'affaire d'Anciens Combattants comme étant un cas isolé, ce qui n'est pas le cas à mon avis, celle-ci découle clairement des efforts du gouvernement pour brouiller les cartes en matière de suicide. L'affaire a beaucoup attiré l'attention des Canadiens sur la normalisation de l'aide médicale à mourir au Canada et sur le fait qu'elle est rapidement en train de devenir une solution à tous les maux, pas seulement pour les problèmes liés à la fin de vie, mais pour les maladies traitables de personnes vulnérables. Quand il faut moins de temps à un vétéran pour accéder à l'aide médicale à mourir que pour obtenir des prestations d'invalidité, c'est que nous l'avons complètement laissé tomber. Malheureusement, il n'y a pas que les vétérans qui sont dans cette situation.
Certains Ontariens, par exemple, sont confrontés à des délais d'attente de plusieurs années pour bénéficier de soins de santé mentale spécialisés. Ils vivent donc pendant des années avec des problèmes de santé mentale alors qu'ils pourraient recevoir un traitement. Pourquoi ne le reçoivent-ils pas? Nous devons nous poser la question. Depuis des années, les défenseurs des personnes handicapées le disent très ouvertement au gouvernement: les Canadiens n'ont pas accès à tous les soutiens qu'ils méritent et dont ils ont besoin, si tant est qu'ils soient disponibles.
Dans un article paru dans le Hill Times la semaine dernière, Spencer van Vloten, de l'organisme BC Disability, a raison lorsqu'il affirme que l'on « passe trop de temps à se demander qui devrait mourir au lieu d'aider les gens à vivre ». Il poursuit en soulignant que les temps d'attente n'ont jamais été aussi longs, soit près de 30 semaines, pour les personnes qui cherchent à obtenir des soins de santé mentale.
Pour paraphraser un défenseur des droits des personnes handicapées, si les personnes qui vivent avec une maladie traitable obtenaient facilement du soutien et des traitements, elles n'envisageraient probablement pas l'aide médicale à mourir.
Les Canadiens autochtones sont également confrontés à un risque accru de préjudices évitables au fur et à mesure que l'aide médicale à mourir devient plus accessible. Tyler White, PDG des services de santé de Siksika, a fait remarquer que « les aînés autochtones font des pieds et des mains pour dire aux jeunes que le suicide ne devrait pas être une option, et le projet de loi sur l'aide médicale à mourir [en l'occurrence le ] leur indique le contraire ».
Beaucoup de Canadiens autochtones ont eu de mauvaises expériences avec le système de santé, notamment en ayant subi des opérations contre leur gré. Je crois qu'un régime d'aide médicale à mourir, dont la portée ne cesse de s'élargir et où le nombre de mesures de sauvegarde diminue constamment, ne contribuera pas à dissiper la méfiance. Il ne fera qu'accentuer ce sentiment chez les Autochtones, les anciens combattants et les personnes handicapées.
Tout se résume à un simple fait: la même majorité de Canadiens qui souhaite pouvoir avoir un mot à dire au sujet des décisions entourant leur fin de vie souhaite aussi que le Parlement soupèse soigneusement les risques associés à l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de troubles mentaux, comme la dépression. Soixante-neuf pour cent des Canadiens craignent que les personnes en dépression perçoivent l'aide médicale à mourir comme un moyen d'éviter d'affronter les causes profondes de leur état. Or, selon les experts, ces personnes peuvent apprendre, au fil du temps, à améliorer leur état.
Le Canada s'engage sur une pente glissante dans ce dossier et il est en train de déraper. Nous devons appliquer les freins. Nous ne devons pas nous contenter d'écouter les gens qui seront personnellement concernés par ces lois. Nous devons aussi tirer des leçons des autres. Je sais que le gouvernement dira qu'il n'a aucune leçon à recevoir. Eh bien, il n'a qu'à ne pas les recevoir de nous. Il n'a qu'à en tirer des pays offrant depuis longtemps l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale.
En Belgique et aux Pays‑Bas, les lois sur l'aide médicale à mourir, qui ne s'appliquaient d'abord qu'aux adultes mentalement aptes souffrant d'une maladie en phase terminale, incluent maintenant des adultes et des enfants avec une déficience mentale, des personnes lourdement handicapées et même des personnes souffrant de troubles psychiatriques pouvant être soignés comme l'anorexie et la dépression. Aux Pays‑Bas seulement, on a observé, entre 2012 et 2017, une hausse de 600 % des euthanasies liées à des troubles psychiatriques, troubles que les experts sont incapables de déclarer irrémédiables.
Le gouvernement a donc fait un choix. Le ministre prétend qu'il ne s'agit que d'une pause. Le gouvernement ne peut se présenter comme le champion des soins de santé mentale alors qu'il réduit la valeur de ces soins et, en fait, de la vie humaine.
Le ministre prétend qu'on peut étendre l'aide médicale à mourir en toute sécurité, mais les experts ont dit clairement qu'on ne peut étendre de façon sécuritaire l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux Canadiens souffrant de maladie mentale. Il est impossible de déterminer le caractère irrémédiable de la maladie mentale d'une personne. Cet élargissement ne fera que brouiller davantage la frontière entre l'aide au suicide et la prévention du suicide.
Les Canadiens ne peuvent pas faire confiance au gouvernement néo-démocrate—libéral pour protéger la vie des personnes les plus vulnérables de notre société, y compris celles qui demandent simplement de l'aide dans un moment de besoin. Tous les gestes que le gouvernement a posés au sujet de l'aide médicale à mourir depuis 2015 ont atteint le but contraire.
Alors, ne stigmatisons pas davantage les personnes aux prises avec une maladie mentale en insistant davantage sur l'euthanasie que sur les autres solutions. Nous devons rejeter l'adoption d'une culture de la mort sur demande au Canada, et faire du pays un chef de file dans la prévention du suicide à toutes les étapes de la vie.
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Madame la Présidente, comme nous l'avons entendu ce soir et tout au long de la journée, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un enjeu personnel pour de nombreux représentants dans cette enceinte. Je peux également en témoigner. Lorsque la loi sur l'aide médicale à mourir a été présentée pour la première fois lors de l'avant-dernière législature, j'ai organisé plusieurs journées portes ouvertes et plusieurs assemblées publiques dans ma circonscription, et je n'ai jamais eu un taux de participation aussi élevé que lorsqu'il était question de l'aide médicale à mourir.
En fait, mon collègue, pour qui j'ai beaucoup de respect, le député de , a participé à l'une de ces journées portes ouvertes pour aider à expliquer à mes concitoyens ce que signifiait cette mesure législative. À l'époque, la plus grande préoccupation et la plus grande inquiétude de mes concitoyens était l'absence de garanties strictes et rigoureuses en ce qui concerne l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir. Il est évident que nous assistons maintenant à un élargissement effrayant de l'accès à l'aide médicale à mourir.
S'il y a une chose qui devrait alerter le gouvernement libéral, c'est ceci: lorsque le cadre législatif sur l'aide médicale à mourir a été mis en place, en 2016, environ 1 000 Canadiens ont pu obtenir l'aide médicale à mourir, mais maintenant, on en compte plus de 36 000 en une seule année. S'il y a une raison qui devrait amener le gouvernement libéral à se rendre compte que ce cadre législatif dépasse largement l'objectif initial, c'est bien celle-là. L'aide médicale à mourir devait être offerte en cas de mort prévisible, de maladie en phase terminale ou de souffrances intolérables. L'aide médicale à mourir devait être réservée aux personnes répondant à ces critères.
Maintenant, les limites sont tellement floues qu'elles sont presque inexistantes. Il est très inquiétant que le se contente de reporter la mise en œuvre des mesures permettant d'offrir l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant d'une maladie mentale. C'est pour cela qu'un si grand nombre de Canadiens prennent la parole, souvent avec émotion, pour dire que les choses sont allées beaucoup trop loin. Dans nos circonscriptions et partout au pays, nous entendons nombre d'anecdotes et d'exemples à propos de personnes qui se voient déjà offrir l'aide médicale à mourir même si elles ne devraient jamais y être admissibles.
Un de mes concitoyens, Mark Meincke, qui est un défenseur des anciens combattants bien connu, m'a téléphoné un après-midi pour me parler d'un ami, un ancien combattant. Ce dernier avait parlé au téléphone avec la responsable de son dossier au ministère des Anciens Combattants. Lorsqu'il a informé celle‑ci de ses problèmes de santé mentale et du fait qu'il souhaitait accéder à des ressources en santé mentale, cette dernière lui a dit qu'on pouvait lui offrir de l'aide médicale à mourir s'il le voulait, plutôt que d'envisager le suicide. En réalité, la personne a employé des termes beaucoup plus sombres que cela.
Au début, j'étais persuadé que cela ne pouvait pas être vrai et que le ministère des Anciens Combattants n'offrirait jamais de l'aide médicale à mourir aux militaires qui ont servi le Canada et qui ont fait un sacrifice d'une ampleur inimaginable pour la plupart d'entre nous. Lorsque les héros de notre pays ont tendu la main à un moment de leur vie où ils étaient vulnérables, on leur a offert la solution de facilité.
Il n'est pas étonnant que beaucoup d'anciens combattants aient maintenant l'impression de ne pas obtenir les services dont ils ont besoin de la part du gouvernement fédéral parce que c'est tout simplement trop coûteux. Le gouvernement essaie d'éliminer un arriéré de demandes. Voilà pourquoi il offre l'accès à l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas ce que nous devrions offrir aux anciens combattants qui ont tout sacrifié pour nous. Nous devrions veiller à ce qu'ils aient accès aux soins de santé mentale et aux traitements du trouble de stress post-traumatique qu'ils méritent, et non à l'aide médicale à mourir.
Bien sûr, cela vient d'un gouvernement dirigé par un qui a dit aux anciens combattants qu'ils demandaient tout simplement plus que ce que le gouvernement pouvait leur donner. Nous comprenons pourquoi il y a de la frustration et pourquoi le doute a germé dans l'esprit des anciens combattants et des premiers intervenants partout au pays.
Je suis heureux d'apprendre que le gouvernement a pris des mesures en ce qui concerne cette gestionnaire de cas. Malheureusement, même si on nous a dit que c'était un cas isolé, nous avons maintenant entendu plusieurs histoires d'autres anciens combattants à qui d'autres gestionnaires de cas ont offert des services similaires. En tant que personne qui côtoie le gouvernement depuis un certain temps, des deux côtés de la Chambre, je sais que ces gestionnaires de cas suivent en général un scénario. Ce qui est inquiétant, c'est que ce n'est pas un cas isolé, mais une offre faite par Anciens Combattants aux militaires.
J'exhorte mes collègues du caucus libéral à réaliser que retarder cet élargissement d'un an n'est pas suffisant. S'il y a une mesure législative à la Chambre pour laquelle nous devons bien faire les choses, pour laquelle nous n'avons pas de marge d'erreur, pour laquelle nous ne devons pas précipiter les choses ou prendre une décision motivée par une idéologie ou un programme militant, c'est bien celle-ci. Je ne pense pas avoir déjà dit une telle chose à la Chambre: des vies sont littéralement en jeu et en péril si nous ne faisons pas bien notre travail.
J'exhorte les députés libéraux d'en face à écouter les intervenants dans leurs collectivités, à écouter les groupes de services communautaires, les organismes de bienfaisance et les responsables des programmes de santé mentale dans leurs collectivités qui leur disent: « arrêtez, tout cela va beaucoup trop loin ». Je ne peux pas être le seul à recevoir des dizaines d'appels et de courriels de ces groupes de ma circonscription, qui me demandent de les rencontrer et d'essayer de transmettre ce message et ces préoccupations au gouvernement libéral. Ils ont perdu espoir et, au lieu de leur donner l'espoir de vivre et de leur offrir les ressources essentielles dont les Canadiens ont besoin, le gouvernement libéral leur offre la mort.
En tant que parlementaires et que Canadiens, est-ce vraiment ce que nous souhaitons pour notre pays? Est-ce vraiment l'objectif que nous nous fixons? Plutôt que d'investir dans les soins palliatifs, les services de santé mentale et les services destinés aux anciens combattants et aux personnes handicapées ou atteintes de maladie mentale, allons-nous choisir la solution de facilité et rendre l'aide médicale à mourir plus accessible? Je ne crois pas que ce soit le résultat que nous souhaitions.
Pilar, qui habite dans ma circonscription, m'a appelé l'autre jour pour me dire ceci: « Je travaille en soins palliatifs depuis plusieurs années, ainsi que dans plusieurs autres domaines des soins de santé. Je peux vous dire que ce seront les plus vulnérables qui souffriront le plus de cette mesure et qui subiront des pressions et des contraintes indues pour autoriser l'État à mettre fin à leur vie. » C'est là une déclaration très percutante de la part d'une personne travaillant dans le système de santé.
J'ai entendu des remarques semblables de la part de groupes comme Inclusion Foothills, un groupe dans ma circonscription qui travaille avec des personnes handicapées, notamment des gens ayant des troubles de santé mentale et des déficiences affectives. J'ai rencontré les membres du groupe avant Noël. Ils s'inquiètent profondément de l'élargissement du régime d'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale et du sort de leurs clients handicapés. Ils ont affirmé que de nombreuses familles leur disent qu'elles craignent de perdre des êtres chers parce qu'on leur a offert l'aide médicale à mourir à une période où ils étaient stressés ou à un moment où ils se sentaient faibles et vulnérables.
Nous avons tous des moments de vulnérabilité et d'anxiété. Il est logique d'espérer qu'en une telle période de besoin, les services qu'il nous faut nous seront offerts. Inclusion Foothills soutient que les Canadiens ayant une déficience cognitive ou souffrant de dépression et d'anxiété sont beaucoup plus susceptibles d'accepter l'option de mettre fin à leurs souffrances, que l'offre vienne d'une bonne intention ou non, ou qu'il y ait coercition, perçue ou réelle. Encore une fois, je sais que je ne suis pas le seul qui a des résidants, notamment des personnes handicapées ou qui ont des problèmes de santé mentale ou des membres de leur famille, qui communiquent avec son bureau pour le supplier de faire en sorte que des mesures de sauvegarde soient mises en place afin de protéger leurs proches, amis ou voisins vulnérables.
Sur son propre site Web, le gouvernement du Canada reconnaît qu'« Un Canadien sur trois sera aux prises avec une maladie mentale au cours de sa vie » et que le suicide « [...] est une cause importante de mort prématurée au Canada. » Le site Web poursuit en disant:
La plupart des troubles mentaux peuvent être traités efficacement par des professionnels de la santé et des services de soutien communautaires [...]
Malheureusement, en raison des préjugés liés à la santé mentale, plusieurs personnes ne se font pas traiter ou retardent leur traitement.
L'élément le plus important de cet énoncé est que les « troubles mentaux peuvent être traités efficacement ». C'est là-dessus que nous devrions concentrer nos efforts, et non sur l'offre d'une aide médicale à mourir.
Enfin, je tiens à m'adresser à une autre communauté de ma circonscription, celle des agriculteurs et des résidants des régions rurales. Une enquête réalisée l'année dernière a indiqué que 76 % des agriculteurs interrogés souffrent de problèmes de santé mentale et de stress moyens à extrêmes. Partout dans le monde, les agriculteurs de sexe masculin sont plus à risque de se suicider et ils sont moins enclins à demander de l'aide, ce qui est dû notamment au mythe du cow-boy inébranlable. En fait, nous avions présenté à la Chambre une motion de consentement unanime demandant au gouvernement de revoir le mandat de Financement agricole Canada pour appuyer les programmes de santé mentale. Les libéraux ont voté contre.
Mes concitoyens sont catégoriques: l'aide médicale à mourir n'a jamais été conçue pour être le fruit d'une décision émotive et elle n'a jamais été conçue pour autre chose que des circonstances exceptionnelles. J'encourage le gouvernement libéral à ne pas se contenter de retarder l'entrée en vigueur de cette mesure et à ne pas fixer d'échéancier. Faisons ce qui s'impose. Assurons-nous de défendre tous les Canadiens handicapés et atteints d'une maladie mentale. Faisons les choses comme il faut.
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Madame la Présidente, il est presque 22 heures, et nous sommes ici à la Chambre en train de discuter d'un sujet difficile, mais qui devrait préoccuper tous les Canadiens. J'aimerais décrire de quoi il est question ce soir afin que je puisse présenter mon argument dans ce contexte.
En 2020, on a présenté un projet de loi visant à étendre l'aide médicale à mourir. À l'autre endroit, le Sénat, on a présenté un amendement à la suite de l'étude en comité et d'un examen rigoureux. Le gouvernement a fait adopter cet amendement à toute vapeur. Sans procéder à un examen minutieux, le gouvernement a imposé un amendement visant à étendre l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale qui avait été présenté par une assemblée non élue et qui n'a pas de comptes à rendre.
Ce projet de loi a fini par être adopté, et nous voici aujourd'hui à débattre d'une initiative que le gouvernement souhaite maintenant entreprendre afin de reporter à dans 13 mois la date à laquelle ce service sera offert aux Canadiens.
Je tiens à être très claire. Je voterai en faveur de la prolongation de ce délai. Toutefois, l'admissibilité à l'aide médicale à mourir ne devrait en aucun cas être élargie aux personnes ayant des problèmes de santé mentale dans notre pays à l'heure actuelle. Pour mes collègues du caucus libéral qui ont la possibilité de parler à leurs dirigeants derrière des portes closes, sachez que notre pays souffre. Il y a tant de gens qui souffrent et qui avaient peut-être des problèmes de santé mentale avant la pandémie en raison d'une perte d'emploi, d'un manque d'accès aux services, de problèmes dans leurs relations ou de bien d'autres choses.
Notre pays est en pleine crise de la santé mentale et, pourtant, aujourd'hui, le plus long débat que nous ayons tenu sur la façon dont le Parlement et le gouvernement du Canada entendent soutenir les Canadiens ayant des problèmes de santé mentale porte sur l'aide médicale à mourir. Je trouve que c'est tout simplement répréhensible et que c'est une abdication de la responsabilité de tous ici présents, quelle que soit l'allégeance politique, que de permettre que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir soit élargie étant donné l'état abject et misérable des services de soutien en santé mentale pour les Canadiens d'un bout à l'autre du pays.
Personne n'a accès à des services de santé mentale au pays. Même les privilégiés ont du mal à accéder aux services de santé mentale. Tout le monde au pays aura besoin un moment donné de parler à quelqu'un ou traversera une crise. De temps en temps, une société lance un événement, comme la journée « Cause pour la cause » de Bell, mais lorsque le problème se pose et que quelqu'un a besoin de parler à quelqu'un, les services sont inadéquats ou trop chers. Il est tout à fait irresponsable de la part du gouvernement d'envisager cela pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, dont l'un des symptômes est d'exprimer, dans certaines circonstances, le désir de mourir. À mon avis, nous devrions non seulement retarder d'un an l'entrée en vigueur de la mesure, mais aussi ne pas la mettre en œuvre du tout.
Le gouvernement a promis 4,5 milliards de dollars pour les services de santé mentale, et on ne les trouve nulle part. Le NPD a conclu une entente de soutien sans participation avec le gouvernement. Cette question devrait figurer en tête de sa liste de revendications. Il ne devrait pas y avoir d'appui à l'aide médicale à mourir sans un plan quelconque pour remédier au manque de personnel dans les services de soutien en santé mentale, à l'épuisement professionnel dans les services de santé mentale et au manque de financement. Dans ma province, l'Alberta, le montant du financement que le gouvernement vient d'offrir à la province de l'Alberta dans les derniers pourparlers, 500 millions de dollars, est à peu près le même que celui qu'il a dépensé pour les tests COVID dans les aéroports après avoir levé les restrictions exigeant ces tests.
Le gouvernement n’accorde pas la priorité à ce qui devrait être prioritaire. Ce n’est pas une question de dépenses ou de gaspillage. On parle de la vie de nos concitoyens. Le gouvernement veut élargir l’aide médicale à mourir alors qu’aucun effort n’a été déployé pour abolir la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale. Beaucoup de gens n’oseraient jamais en parler. Elles ressentent de la honte à souffrir. Elles n’ont personne à qui parler ni de réseau pour obtenir du soutien. En tant que parlementaires, comment en sommes-nous arrivés à envisager la possibilité de normaliser l’aide médicale à mourir? Comment le gouvernement peut-il penser que cette démarche est appropriée? L’idée a même été intégrée dans un amendement au Sénat. Non. Nous devrions reporter cette échéance sine die.
Mon collègue de la Colombie‑Britannique a déposé un projet de loi pour supprimer cette disposition et je l’appuie entièrement. J’estime que c’est une mesure intelligente et empreinte de compassion qui mérite le soutien de tous les députés, toutes allégeances confondues. Aucun député ne peut prétendre, sérieusement, que les services de soutien en matière de santé mentale offerts aux Canadiens sont adéquats. C’est notre devoir de donner aux Canadiens l’espoir de vivre. C’est notre priorité absolue.
Voilà ce que nous devrions faire au lieu de simplement écouter les savants discours de gens qui se disputent sur des points de détail juridiques entourant l'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Nous devons parfois exercer notre sens moral dans cette enceinte. Il ne faut absolument pas aller de l'avant au Canada. Même ma collègue, la députée de , a parlé de la hausse vertigineuse du nombre de demandes d'aide médicale à mourir et de la pente glissante sur laquelle nous nous engageons. Ce n'est pas un raisonnement fallacieux. Nous avons des preuves. Il n'y a pas de mesures de sauvegarde ni de mesures pour aider les Canadiens à faire le choix de rester en vie.
Je prie tous les députés de veiller d'abord et avant tout à aider les Canadiens à vivre. Pour ce faire, nous devons mettre ces mesures de côté et appuyer le projet de loi de mon collègue de la Colombie‑Britannique. Nous ne devrions même pas avoir besoin de ce projet de loi d'initiative parlementaire. La Chambre des communes ne devrait pas gaspiller son temps en reportant cette décision à dans un an. Nous ne devrions même pas en discuter. Si nous débattons tard le soir, ce devrait être pour déterminer comment offrir aux Canadiens l'aide dont ils ont besoin.
Un article de la CBC datant du 2 février cite les propos du , qui explique pourquoi il souhaite le report d'un an. Ce n'est pour aucune des raisons que moi ou mes collègues des autres partis politiques avons évoquées. Il a dit: « Nous voulons surtout que les professionnels de la santé, les facultés de médecine et les collèges qui ont des inquiétudes aient le temps d'assimiler ce qui se passe. »
Son souci pour retarder l'entrée en vigueur de cette mesure n'est pas de protéger les Canadiens. Il s'agit plutôt d'imposer cette idéologie aux meilleurs professionnels de la santé à un moment où ils sont épuisés, où ils souffrent et où ils manquent de financement après deux années de pandémie et face à un système de santé où rien ne va plus. Nous ne devrions absolument pas élargir l'aide médicale à mourir aux Canadiens atteints de problèmes de santé mentale, compte tenu de l'état de délabrement de notre système de santé et du manque d'espoir des Canadiens à l'heure actuelle. C'est à nous de leur offrir de l'espoir et de faire tout ce qui est possible pour donner cet espoir aux Canadiens qui ont des problèmes de santé mentale.
À toutes les personnes à l’écoute ce soir, j’aimerais dire qu'il existe de nombreuses lignes d’aide. Toute personne aux prises avec des problèmes de santé mentale peut demander de l’aide et avoir la certitude que des députés dans cette enceinte comprennent tout le monde a le droit de vivre. Tout le monde a le droit de vivre dans la dignité, l’espoir et la compassion. C’est ce pour quoi nous nous battons. C’est pourquoi des députés de toutes les allégeances se battront bec et ongles pour que le gouvernement centre ses efforts sur ce qui est bon, juste et beau.
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Madame la Présidente, comme toujours, c'est un honneur de prendre la parole dans cette enceinte pour parler de cette importante question à laquelle les Canadiens sont confrontés, qui a été soulevée la semaine dernière et qui fait l'objet d'un débat aujourd'hui, et pour comprendre la gravité du sujet abordé dans le projet de loi . Nous avons devant nous un projet de loi qui repousse d'un an la mise en œuvre de la possibilité pour l'État, par le biais d'un régime d'aide médicale à mourir, de voir des personnes s'enlever la vie pour le seul motif qu'elles souffrent d'une maladie mentale. Dans des moments comme celui-ci, on n'a pas d'autre choix que de s'arrêter et de réfléchir à la gravité des questions dont nous discutons ici.
Pour ce qui est du délai proposé dans le projet de loi, je le soutiens évidemment. Je considère qu'une année est loin d'être suffisante et, comme de nombreux autres collègues, je pense que ce délai n'est tout simplement pas suffisant pour parler d'un sujet qui n'a pas lieu d'être.
En ce qui concerne la santé mentale, on a beaucoup parlé de l'espoir, du fait que les gens ont besoin d'espoir et que ce n'est pas en offrant la mort à une personne désespérée qu'on lui donne de l'espoir. Je trouve très inquiétant et plutôt ironique que depuis que j'ai l'honneur et la responsabilité de servir les gens de Battle River—Crowfoot, nous ayons beaucoup parlé de prévention du suicide et de santé mentale. Je me rappelle l'un des débats qui ont eu lieu au cours de ma campagne d'investiture. J'y ai fait une déclaration toute simple sans penser qu'elle aurait l'effet qu'elle a aujourd'hui. On a posé aux candidats à l'investiture de Wainwright, où est située une base militaire, une question générale concernant les besoins en santé mentale. La discussion a été productive, mais l'une des déclarations que j'ai faites en réponse à cette question était que selon moi, la santé mentale fait partie intégrante de la santé. Un jeune homme, le fils d'un ancien combattant, est venu me voir par la suite pour me dire à quel point il trouvait encourageant que quelqu'un soit enfin prêt à reconnaître que la santé mentale fait partie intégrante de la santé.
Je ne saurais trop insister sur l'importance vitale de ce contexte pour nos discussions sur le projet de loi , surtout l'honneur que j'ai de représenter une base militaire. Le fait qu'il y a des anciens combattants qui ont téléphoné au ministère des Anciens Combattants pour demander de l'aide et se sont vus offrir la mort va à l'encontre de ce que je croyais possible. La réalité, c'est que nous devons accorder la priorité à l'espoir au Canada. Lorsque nous examinons le contexte de la situation actuelle, nous constatons que le projet de loi se concrétise beaucoup plus rapidement que la ligne téléphonique à trois chiffres de prévention du suicide que le Parlement a réclamée à l'unanimité il y a plus d'un an. Lorsque la volonté politique existe, les choses peuvent se réaliser rapidement. Hélas, lorsqu'il s'agit de l'idée d'aider, de fournir des soins de santé aux personnes aux prises avec des pensées suicidaires et de veiller à ce que les personnes qui ont des problèmes de santé mentale reçoivent les soins dont ils ont besoin, nous avons devant nous un projet de loi qui retarde simplement d'un an l'offre de la mort.
J'ai beaucoup réfléchi à cette question, bien que j'ai été élu en 2019. Dans une grande partie du débat qui a eu lieu sur l'aide médicale à mourir, on nous a dit que les préoccupations soulevées par de nombreux députés, tant ceux qui siègent au caucus conservateur aujourd'hui que d'autres, y compris, mais sans s'y limiter, l'ancien procureur général et, je crois, des représentants de tous les partis représentés à la Chambre, étaient simplement considérées comme une pente glissante, une erreur de raisonnement. Pourtant, nous y voilà.
En fait, dans le contexte de cette discussion, on m'a envoyé une histoire, que j'aimerais lire: « Récemment, la mère de mon amie, Carmen, a été victime d'un médecin qui a tenté de la contraindre à recourir à l'aide médicale à mourir. Celui-ci a insisté au point de provoquer une grande détresse. Son principal argument était que l'aide médical à mourir permettrait à l'hôpital d'économiser beaucoup d'argent et qu'il était du devoir de la mère de mon amie de faire ce qu'il fallait pour l'hôpital et sa famille, qu'elle devait tout simplement accepter. »
Je ne peux imaginer une situation où une personne serait plus vulnérable, aux prises avec des troubles de santé mentale et à certains défis liés à des problèmes de santé sous-jacents, comme c'était le cas pour Carmen. Au lieu de lui donner la chance de vivre, on lui a présenté l'aide médicale à mourir comme un devoir pour faire économiser quelques dollars à l'État et éviter à sa famille d'avoir à cheminer à ses côtés pendant sa maladie.
Les gens de Battle River—Crowfoot savent très bien que j'ai été élevé dans une famille religieuse. Je pense souvent à certains versets de la Bible que j'ai appris quand j'étais jeune, dont je me souviens encore aujourd'hui. J'aimerais en lire un à la Chambre aujourd'hui qui m'a certainement donné espoir en ces temps difficiles. Il s'agit de Jérémie 29:11. Je pense que beaucoup de députés ont déjà entendu ce verset. Le voici: « Car je connais les projets que j'ai formés sur vous, dit l'Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l'espérance. »
Alors que nous commençons à discuter de la possibilité qu'une personne aux prises avec des circonstances difficiles et des problèmes de santé mentale puisse être amenée ou — Dieu nous en préserve — contrainte à prendre une décision irréversible comme l'aide médicale à mourir, rappelons, comme d'autres députés l'ont fait, qu'en tant que députés, en tant que leaders dans ce pays, et certainement en tant que députés du gouvernement, nous devrions toujours nous efforcer d'être des catalyseurs d'espoir. Nous devrions nous assurer que, que ce soit lors de discussions partisanes, auxquelles les députés savent bien que j'aime participer, ou que ce soit en venant en aide à ceux qui franchissent la porte de mon bureau à Battle River—Crowfoot, nous mettons tout en œuvre pour donner l'espoir dont on a si désespérément besoin.
Tandis que nous discutons de cet enjeu et que nous retardons d'un an la mise en œuvre prévue de l'élargissement permettant qu'une maladie mentale puisse, à elle seule, rendre une personne admissible à l'aide médicale à mourir, prenons le temps de réfléchir soigneusement, à titre non seulement de parlementaires, mais aussi de pays et de société, qui avons pour tâche de veiller sur les personnes les plus vulnérables, qu'il s'agisse d'Autochtones, d'immigrants ou de femmes, pour n'en nommer que quelques-unes. Nous devons réfléchir soigneusement afin que notre réponse ne soit pas d'élargir un mécanisme qui permettrait à quelqu'un de mettre fin à ses jours, mais bien d'offrir automatiquement de l'espoir aux gens qui vivent les problèmes de santé mentale les plus graves.