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Monsieur le Président, je pensais qu'on n'y arriverait pas, mais quand on s'attend à une petite journée tranquille, on se rend compte que cela peut être excitant à la Chambre.
J'annonce tout de suite que je vais partager mon temps de parole avec l'inénarrable député de , ce qui veut dire que le ton va être relativement calme et posé pour les 10 premières minutes et que, ensuite, cela devrait s'animer un peu avec mon collègue qui va prendre la parole.
D'entrée de jeu, je tiens à dire que ce n'est pas une mauvaise nouvelle que nous arrivions au terme de l'étude du projet de loi . Nous sommes en train d'étudier les amendements proposés par le Sénat. J'invite les députés à marquer la date sur un calendrier, car, en tant que bloquiste, je salue la rigueur du travail qui a été effectué par certains sénateurs. Je sais qu'il y en a qui ont pris à cœur ce mandat de proposer des amendements et d'améliorer un projet de loi qui est toujours perfectible, c'est vrai. Je veux saluer le travail de ces gens qui ont pris cela à cœur et qui ont voulu changer les choses en nous retournant un document qui est, selon leur point de vue, amélioré. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que, dans la réponse du gouvernement, une très grande proportion des amendements proposés sont acceptés. Ils passent le test et ils vont se retrouver dans la version finale que la Chambre va retourner au Sénat. Je salue ce travail.
Je salue aussi le travail de tous les parlementaires qui ont travaillé sur le projet de loi C‑11, qui était antérieurement le projet de loi . Je rappelle que c'est un projet de loi qui est arrivé sur nos tables en novembre 2020. Cela fait un bout de temps. Quand ce projet de loi est arrivé, l'industrie culturelle et notre système de radiodiffusion québécois et canadien l'attendaient déjà depuis des décennies. Il n'y a pas eu de mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion depuis le début des années 1990.
J'ai déjà parlé du fait que je travaillais à l'époque à la radio. À cette époque, on avait des cartouches qu'on mettait dans des lecteurs de cassettes. On faisait jouer des disques compacts, et, dans certaines stations, on faisait encore jouer des disques vinyle. Les plus jeunes peuvent aller faire une recherche sur Internet pour voir à quoi ressemblait un disque vinyle. Tout cela, c'est pour dire qu'aujourd'hui, on ne sait même plus ce que ces équipements étaient tellement le milieu a changé. La technologie, la façon d'enregistrer et la façon de produire et de consommer la culture ont changé de façon surprenante et imprévisible au fil des trois dernières décennies. Rien ne nous dit que ce ne sera pas la même chose pour les trois prochaines décennies. Nous devons par conséquent mettre en œuvre une loi sur la radiodiffusion flexible qui répond justement à ces changements technologiques que nous verrons survenir au fil des années.
Ces temps-ci, on parle beaucoup de l'intelligence artificielle et on est déjà en train de remettre en question cette technologie ou ce savoir parce qu'on craint un peu ce que cela peut avoir comme ampleur. On ne sait pas quel sera le portrait de la radiodiffusion dans les prochaines années. Il faut donc que soit mise en œuvre une loi sur la radiodiffusion flexible qui peut s'adapter.
Une des propositions du Bloc québécois a été retenue par le Comité permanent du patrimoine canadien et s'est retrouvée dans la version du projet de loi C‑11 que nous étudions présentement. C'est celle de ne pas avoir à attendre encore 30 ans avant de réviser la Loi. C'est une disposition de temporisation. À chaque cinq ans, nous aurons l'obligation de rouvrir la Loi et de voir si cette loi sur la radiodiffusion, cette réglementation, est encore adaptée à la réalité du milieu. Je pense que c'est un article du projet de loi qui est responsable, intelligent et qui nous fait faire notre travail de manière adéquate.
Chaque fois que j'ai pris la parole au sujet du projet de loi , il y a toujours eu, en toile de fond, la culture canadienne. Cependant, pour nous, la culture québécoise et francophone se trouve encore beaucoup plus à l'avant-plan. Le Bloc québécois ne s'est pas limité à proposer des amendements ou des améliorations au projet de loi C‑11 seulement pour la culture québécoise. Bien entendu, c'est ce que nous mettons en valeur en premier, car c'est dans notre nature, mais les propositions que nous faisons adopter pour promouvoir la culture québécoise ont des répercussions sur toute la francophonie.
Nous avons pris la défense des francophones de tout le Canada et c'est tout le monde qui va y gagner. Les améliorations qui ont été apportées au projet de loi C‑11 par le Bloc québécois ne sont pas banales. Grâce à ces améliorations, sur les plateformes de diffusion numérique, on va pouvoir trouver aussi, comme on le fait à la radio traditionnelle, le contenu de nos créateurs québécois, de nos artistes, de nos chanteurs et de nos auteurs-compositeurs. Sur les plateformes de diffusion vidéo comme Netflix et Disney+, on va aussi voir le talent de nos créateurs.
Ce n'est pas banal, parce que présentement on est sous-représenté.
Il y a eu toute une désinformation qui s'est bâtie autour du concept de découvrabilité. Les conservateurs sont arrivés avec le concept qu'on allait trafiquer les algorithmes des géants du numérique pour les obliger à faire en sorte que les Québécois et les Canadiens voient tel type de contenu plutôt qu'un autre ou pour les empêcher de voir tel type de contenu plutôt qu'un autre. Je ne comprends pas comment les Québécois et les Canadiens ont pu avaler une telle sottise.
Ce n'est pas du tout ce qu'une réglementation comme celle qu'on met en place va faire. Ce que cela fait, c'est de mettre en valeur notre culture, notre industrie qui génère des milliards de dollars annuellement. Cela lui donne la capacité de se développer encore dans ce nouvel univers, qui va lui aussi continuer d'évoluer. Il faut leur faire leur place.
La découvrabilité n'est pas d'imposer à des gens de voir tel ou tel contenu, mais de rendre ce contenu disponible. Par exemple, lorsqu'on remarque dans la liste de lecture d'une personne qu'elle écoute du Bryan Adams — je suis peut-être un peu vieux avec mes exemples; j'aurais peut-être pu dire Justin Bieber —, pourquoi ne lui proposerait-on pas un artiste francophone? C'est de la suggestion. Il s'agit de proposer cette culture-là. C'est tout ce que cela fait.
Présentement, ce sont des millions de dollars par mois que l'industrie culturelle perd parce qu'il n'y a pas de réglementation qui oblige les géants du Web à contribuer de la même façon que le faisaient les radiodiffuseurs et les câblodistributeurs dans le passé. En plus des dizaines de millions de dollars perdus en publicité, il y a aussi des dizaines de millions de dollars en redevances qui ne sont pas versés aux artistes.
C'est ce que le projet de loi va faire. Cela va soumettre les géants du numérique aux mêmes règles que les radiodiffuseurs traditionnels. Je ne vois pas comment on peut être contre le fait que des entreprises comme Netflix, Apple TV+, Disney+, Amazon Prime Video, Spotify, YouTube et Apple Music, qui génèrent des milliards de dollars, contribuent à l'industrie de laquelle elles se nourrissent.
Derrière cette industrie, il n'y a pas que des PDG ou des grands producteurs; il y a aussi des travailleurs autonomes du secteur de la culture, des techniciens de plateau de tournage, des producteurs de studios d'enregistrement. Ce sont des gens qui, dans bien des cas, et aussi à cause de la pandémie, ont décidé de changer de métier parce qu'ils savaient que cela ne reviendrait pas rapidement comme avant. Si, en plus, une réglementation qui favorise l'investissement dans leur secteur n'est pas mise en place, ils ne vont plus jamais revenir et nous perdrons une richesse incroyable.
Je rappelle qu'on parle de centaines de milliers d'emplois au Québec et au Canada. La culture et la radiodiffusion, ce sont des milliards de dollars en revenu. Si je peux me permettre une expression latine, c'est un no brainer pour moi que ceux qui en bénéficient y contribuent.
Nous arrivons finalement au terme de l'étude. Nous allons envoyer cette réponse au Sénat. J'espère que les sénateurs vont faire rapidement le travail que nous attendons d'eux, soit celui d'entériner ce qui s'en vient, pour que les géants du numérique apportent leur contribution et que notre industrie culturelle prospère continue de refléter ce qu'est le Québec et le Canada partout dans le monde.
Notre culture n'est pas celle des Américains, des Chinois ou des Européens. Nous avons une culture bien à nous et c'est à nous de la protéger, de la mettre en valeur. Ce projet de loi sert à cela.
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Monsieur le Président, c'est la deuxième fois que j'ai l'honneur de prendre la parole au sujet du projet de loi . J'ai fait un discours il y a environ un an.
Cela fait très longtemps qu'on en parle. D'ailleurs, mon honorable collègue de , qui n'est pas ici aujourd'hui, mais avec qui j'échange souvent, qui fait toujours des discours très brillants et utilise toujours les mots de façon tout à fait particulière, tout à fait pointue, me parlait d'un terme qui convient bien à ce qu'on fait avec le projet de loi C‑11: « lantiponner ». Je ne sais pas comment les interprètes vont s'en sortir avec ce mot, mais « lantiponner » signifie niaiser, taponner, remettre à plus tard, ne pas faire les affaires, s'attarder en discussions futiles ou inutiles alors qu'il y a urgence.
Je trouve que le terme « lantiponner » convient très bien au fait qu'on niaise avec cela depuis deux ou trois ans. Cela fait 30 ans qu'on attend un projet de loi qui est à la mesure des défis de notre époque pour soutenir nos artistes.
Il y a un an, j'ai fait un discours dans lequel j'ai beaucoup parlé de culture, dans lequel j'ai beaucoup parlé de l'importance de ce projet de loi pour soutenir les cultures minoritaires, les petites cultures dans le monde, face au rouleau compresseur des grandes plateformes. Cela est très important lorsqu'on se bat pour une petite culture. Pierre Bourgault disait, en ce qui a trait à la langue: quand on se bat pour la langue française au Québec, on se bat pour toutes les langues minoritaires dans le monde.
C'est le genre de défi auquel on fait face quand on travaille sur le projet de loi C‑11. Dans ce discours, j'avais parlé de la culture, mais j'ai envie aujourd'hui de parler de façon plus personnelle de mes amis artistes. Il y a 30 ans, avant d'être député à la Chambre, j'ai fait l'École nationale de théâtre. Les artistes sont mes amis. Je les aime. En fait, je fais plus que les aimer; je les adore. Ce sont mes frères, et ils ont des conditions de vie très difficiles. La situation des artistes est très précaire. Il faut faire tout ce qu'on peut pour essayer de les soutenir, parce que les artistes sont le sel de ce que nous sommes. Ils apportent de la saveur dans la vie. Je ne sais pas si mes amis conservateurs ont déjà essayé de faire le test. À une certaine époque, il y avait une campagne visant à nous sensibiliser à l'importance de la culture dans notre vie. Il s'agissait d'essayer pendant une journée de se priver de radio, de musique, de télévision, de cinéma.
Essayons de voir quel genre de vie cela fait de ne pas avoir de musique, de film, de série de télévision, de ne pas avoir toutes ces affaires qui nous renvoient nos histoires, nos façons de vivre, nos traditions, nos valeurs, nos intérêts, ce que nous sommes au fond. Essayons cela juste une journée pour comprendre la valeur des artistes, ce qu'ils apportent dans notre vie: cette espèce de vision très particulière. Ces artistes-là ont besoin de notre aide. Ces artistes-là ont besoin qu'on les soutienne.
Je vais maintenant parler d'une artiste que nous connaissons très bien au Québec: Sylvie Drapeau. C'est une amie à moi. C'est peut-être la plus grande actrice de théâtre de tous les temps au Québec, et même au Canada. C'est une actrice absolument sensationnelle, extraordinaire. Lorsqu'on voit Sylvie Drapeau en spectacle, on ne s'en remet pas. Elle a fait un spectacle solo au Théâtre du Nouveau Monde, ou TNM, il y a quelques années, un truc assez personnel et remarquable. À une certaine époque, à Montréal, Sylvie Drapeau faisait cinq spectacles de théâtre par année. Elle jouait sur toutes les grandes scènes et faisait tous les grands rôles. Elle jouait du Shakespeare au TNM le soir, puis, le jour, elle répétait au Théâtre du Rideau Vert pour jouer du Tchekhov. Elle embarquait ensuite le soir sur son Tchekhov, puis elle répétait, le jour suivant, du Marivaux ou du Molière au TNM, et ce, en ne tenant que le premier rôle. Parmi tout cela, elle répétait une pièce de Racine et faisait un peu de télévision, si elle en avait le temps. Avoir un premier rôle au théâtre pendant deux ou trois heures et répéter tous les jours un autre spectacle qui va avoir lieu après, cela demande beaucoup d'énergie.
On parle ici d'une actrice remarquable. On parle du Wayne Gretzky du théâtre. On peut aussi penser à Maurice Richard, comme me le fait remarquer l'un de mes collègues.
On entendait beaucoup nos amis conservateurs parler de la culture comme si elle se limitait à Tom Cruise, au tapis rouge et aux Oscars, mais non. Il y a toute une faune. Je connais les gens qui la composent, ce sont mes amis. Ils font l'art d'aujourd'hui. Ils produisent des œuvres remarquables dont il faut tenir compte. C'est l'écosystème artistique pour lequel on se bat par le truchement du projet de loi . Tous ces acteurs, ces créateurs et ces écrivains forment la trame artistique au Québec, partout au Canada et partout dans le monde, d'ailleurs.
Sylvie Drapeau, pour les cinq rôles dont je parle, pour se taper tous les grands rôles du répertoire, gagnait 35 000 $ par année. C'est important de le dire, parce qu'il y a un paquet de gens comme cela, qu'on connaît ou qu'on ne connaît pas.
Les conservateurs ont une vision un peu limitée de ce qu'est le domaine artistique. Je veux juste rappeler que, au Québec 80 % des membres de l'Union des artistes gagnent moins que 20 000 $ par année. C'est 1 % des membres de l'Union des artistes qui gagnent plus que 100 000 $. Alors, quand on vient me dire que la vie des artistes c'est des cocktails et des grandes premières, je dis non, ce n'est pas la réalité.
Je pourrais en parler. Quand je suis sorti de l'École nationale de théâtre du Canada en 1987, j'avais envie de changer le monde par le théâtre et je connais plein de gens qui avaient le même but. Ils pensaient changer le monde par des films et par des pièces de théâtre. Je parle des acteurs, mais il y a aussi les danseurs, les chanteurs et tous les autres qui veulent faire des œuvres qui touchent les gens, qui parlent, et qui viennent chercher le cœur et l'émotion. Ces gens, il faut minimalement qu'on les aide à payer leur loyer.
Quand je suis sorti de l'École nationale de théâtre du Canada, je voulais changer le monde. J'ai lancé une compagnie de théâtre qui s'appelait Béton Blues. J'ai travaillé pendant deux ans avec deux ou trois collègues pour lancer une compagnie et faire les demandes de subventions pour que la compagnie vive. Je n'avais jamais fait cela de ma vie. Après les demandes de subvention, il fallait travailler pour essayer d'avoir de l'argent de la part de grands donateurs privés.
C'était quelque chose. Je me rappelle la première fois que j'ai appelé Hydro‑Québec. On avait préparé un document très fouillé pour dire à ses représentants qu'ils devraient nous donner de l'argent, parce que nous étions de jeunes créateurs du futur et que ce que nous faisions était important, que nos œuvres allaient toucher les gens de façon particulière. Il fallait envoyer cela à la personne responsable des arts et des dons dans les grandes entreprises; ensuite il fallait les appeler pour leur demander s'ils allaient nous donner de l'argent. Je n'étais pas préparé. Je ne savais pas quoi dire à ces gens. Je me rappelle avoir appelé un monsieur à Hydro‑Québec. J'avais au téléphone la personne responsable, celle qui pouvait nous donner 2 000 $ pour nos spectacles. Je lui ai juste demandé s'il avait de l'argent ou quelque chose comme cela. On n'avait aucune idée de comment faire cela, mais on le faisait.
Ce que je veux dire par là, c'est que, pour moi, ce travail était important. J'ai travaillé pendant deux ans. On a fini par monter un spectacle. On a adapté une pièce de Shakespeare, As You Like It, au hangar no 9 du Vieux‑Port de Montréal, le hangar où il y a aujourd'hui un cinéma IMAX.
C'était une espèce de grand entrepôt sur 300 pieds. C'était un spectacle absolument renversant. On n'avait rien. Dans ce spectacle, il y avait quatre décors. Les gens arrivaient. Il y avait 20 minutes de spectacle au début dans un endroit, puis le fond de la scène s'ouvrait pour révéler 300 pieds d'espace et 3 autres places. Le public se déplaçait. Le public nous suivait.
Je parlerai de ce spectacle, qui était à mon sens remarquable, dans un autre discours. On avait vraiment fait les manchettes au printemps de 1988 avec ce spectacle. Tout cela pour dire que, pendant deux ans, j'ai travaillé sur ce spectacle. J'invite mes collègues à deviner combien d'argent j'ai gagné: 1 200 $ pour deux ans de travail.
Dans mon cas, c'est moi qui avais décidé de faire cela, mais, tous mes amis, tous les acteurs, les écrivains, les metteurs en scène, les décorateurs de théâtre et les scénographes, tous ces gens qui tracent la trame du théâtre à Montréal, à Toronto à Vancouver, tous ces artistes qui peinent à joindre les deux bouts, il faut les soutenir.
Cela commence en appuyant le projet de loi afin de l'adopter au plus vite.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole.
[Traduction]
En prenant la parole aujourd’hui, j’ai un peu l’impression que c'est le jour de la Marmotte. J'interviens sur le projet de loi . S'il me donne une telle impression de déjà vu, c'est que j’ai pris la parole sur pratiquement le même projet de loi lors de la dernière législature, lorsqu’il portait le numéro . J’interviens de nouveau aujourd’hui sur cette question parce que, une fois de plus, le Parlement en est saisi.
Certains enjeux ne se reportent pas forcément d'une législature à l’autre, notamment lorsqu'ils sont de nature ponctuelle, mais celui-ci ne fait que s’exacerber avec le temps. Le temps presse: il faut modifier la Loi sur la radiodiffusion afin de l'adapter au XXIe siècle, et cette démarche est plus urgente et impérieuse que jamais. Voilà pourquoi le gouvernement a présenté le projet de loi et pourquoi nous en débattons aujourd’hui, avec un sentiment d'urgence. Je pense qu'il est impératif d'adopter rapidement ce genre de loi.
Lorsqu'il est question la Loi sur la radiodiffusion, il est essentiellement question de contenu canadien. Nous venons d’entendre un discours très enflammé de mon collègue bloquiste, qui a parlé de l’importance de faire la promotion du contenu culturel canadien-anglais et canadien-français. C'est un enjeu absolument crucial pour le Canada, depuis des décennies, surtout en raison de notre proximité géographique avec notre ami et allié, un pays dont le Président était dans cette salle il y a à peine une semaine, un mastodonte culturel qui a le potentiel d’éclipser le contenu produit ailleurs dans le monde, y compris chez son voisin le plus proche.
On l’a compris il y a des décennies. C’est pourquoi le gouvernement, les parlementaires ont mis en place des mesures de protection du contenu canadien, afin que la télévision, le cinéma et la musique reflètent les réalités canadiennes. Ces mesures de protection étaient importantes. Ces mesures de protection ont été mises en place dans une loi d'une autre époque, celle où les gens consommaient du contenu à la radio, par exemple. Ce n’est pas une coïncidence si, en français, lorsque l’on parle de notre radiodiffuseur national, on l’appelle Radio‑Canada: à sa création, la radio constituait le principal mode de transmission des communications, y compris en matière de divertissement.
La radio et la télévision ont dominé le paysage pendant près d’un siècle. Cependant, les choses ont évolué. À l’époque, ce que nous faisions et ce que nous continuons de faire aujourd’hui, c’est de poser comme condition à l’octroi d’une licence que le radiodiffuseur ou le télédiffuseur en question investisse dans la culture et les artistes canadiens. Cette mesure a donné des résultats concluants.
Toutefois, la situation actuelle est très différente. Je me range parmi les Canadiens qui ont changé. Les temps ont changé. Les Canadiens n’utilisent plus beaucoup le câble. Je pense que je suis sans doute l’un des rares ménages de cette assemblée à encore y être abonné. Je l’utilise pour regarder des choses comme les Blue Jays de Toronto Que Dieu les bénisse aujourd’hui, en ce jour d’ouverture de la saison. J’espère que leur saison sera excellente.
Au-delà, du sport, la plupart des gens consomment leur contenu en ligne au moyen de services de diffusion en continu. La diffusion en continu est omniprésente. Les gens l’utilisent sur leur téléphone, dans leur voiture, sur leur téléviseur. Nombreux sont ceux qui en profitent.
J’ai d’ailleurs consulté certaines statistiques, et elles sont assez surprenantes. À l’heure actuelle, 8 Canadiens sur 10, soit 80 % de l’ensemble du pays, utilisent au moins un service de diffusion en continu. En 2016, un an après l’entrée en fonction du gouvernement, ce chiffre était de 5 sur 10. Encore une fois, je m’inclus dans les personnes qui regardaient les choses de l’extérieur en 2016. Les gens me parlaient de Netflix en continu, et je n'avais aucune idée de ce que c'était. Je suis tout à fait honnête.
Aujourd’hui, non seulement je regarde Netflix en continu, mais nous avons un compte Disney, et mes enfants veulent que je m'abonne à Amazon Prime, que je ne connais pas du tout. Il existe toutes sortes de plateformes de diffusion en continu différentes; elles attirent les gens, s'ils ne les utilisent pas déjà. Six Canadiens sur 10, soit 60 % du pays, sont abonnés à au moins deux plateformes.
Cependant, ce qu'il faut retenir, c'est que si, du côté de la radio et de la télévision, les Bell et les Rogers contribuent au contenu canadien — ce qui est une bonne chose, et nous voulons que cela continue —, les plateformes de diffusion en continu, comme Amazon Prime, YouTube, Crave, Netflix et Spotify, rendent leur contenu accessible aux Canadiens et misent sur le contenu canadien afin de se faire mousser auprès de ces Canadiens, mais sans contribuer le moindrement à l’épanouissement de la culture canadienne et à la production de nouveau contenu canadien. Elles ne sont pas soumises aux mêmes exigences que les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs traditionnels.
C’est là où le bât blesse. À la base, quel est notre rôle ici, en tant que parlementaires, si ce n’est de repérer les problèmes et de chercher à les résoudre dans l’intérêt des Canadiens? C’est quelque chose de tout à fait fondamental, et je pense que les 338 d’entre nous s'efforcent de le faire quotidiennement, ayant le privilège d’occuper ce genre de poste.
Néanmoins, la loi n’a pas suivi le rythme. Je suis assez fasciné à l'idée que la dernière modification de la Loi sur la radiodiffusion remonte à 1991. J’étais alors en deuxième année d’université à McGill. Je pense même que je n'avais pas d’adresse électronique à l’époque. C'est au cours de ma quatrième année que j’en ai eu une, si je ne m'abuse. Elle était très longue, et je ne m'en suis pratiquement jamais servi, car pour utiliser cette chose appelée courriel, je devais me rendre dans un bureau distinct, à l’étage ouest. À l’époque, Internet était principalement l’apanage de l’armée américaine, qui l’avait inventé des années auparavant.
Les téléphones intelligents n’existaient pas, et les applications encore moins. Nous vivions dans un monde complètement différent, et ce n'était qu'il y a 32 ou 33 ans.
En 1991, la Loi sur la radiodiffusion était parfaitement utile et adaptée au contexte de l'époque. Elle traitait des radiodiffuseurs et des télédiffuseurs, car c’est par leur intermédiaire que les gens accédaient au contenu. On a vu à ce que ces radiodiffuseurs et télédiffuseurs fassent la promotion du contenu canadien.
Nous sommes en 2023, et le paysage a changé de façon spectaculaire au cours de la dernière décennie, et certainement au cours des dernières années. Ce que nous cherchons à faire en modifiant la Loi sur la radiodiffusion, c’est de promouvoir les grands récits canadiens dans la langue de Shakespeare et celle de Molière, quelle que soit la provenance de ces récits.
Ce projet de loi donnerait au CRTC la possibilité d’exiger que les sociétés de diffusion en continu en ligne qui tirent profit de la diffusion de contenu canadien, notamment de musique, de films et d’émissions de télévision canadiens, versent des contributions financières pour soutenir les créateurs canadiens. Il s’agit là d’un objectif d’une importance capitale.
Ce qui me réjouit également dans ce projet de loi, c’est que si nous devons rouvrir un texte législatif, autant l’améliorer. Nous modernisons la loi pour l’adapter au nouveau paysage en ligne. Nous faisons également quelque chose de très ciblé qui mérite une certaine attention. Nous promouvons la diversité des créateurs canadiens. Qu’est-ce que je veux dire par là? Nous promouvons les créateurs autochtones.
Au cours de la première législature où notre parti a formé le gouvernement, j’ai passé beaucoup de temps à travailler sur le sujet de la protection des langues autochtones en tant que secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine de l’époque. Ce que nous avons entendu, dans toutes les consultations que nous avons menées et dans tous les travaux qui ont abouti à ce qui est aujourd’hui la Loi sur les langues autochtones, qui a heureusement reçu l'appui de tous les députés, de tous les partis, comme il se doit, c’est que pour promouvoir les langues autochtones, la restauration et la revitalisation de ces langues, nous devions soutenir également les créateurs autochtones. C’est ce que fait ce projet de loi. C’est un aspect important.
Le projet de loi concerne également les personnes handicapées. Nous parlons beaucoup entre autres des changements apportés à la loi sur l’accessibilité. Nous parlons de la loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, que nous sommes en train de mettre en œuvre. Cependant, nous devons veiller aussi à ce que les personnes handicapées aient le sentiment d'être incluses et comprises. C'est pourquoi elles doivent être visibles et intégrées dans le contenu canadien dont nous sommes imprégnés.
Il en va de même pour les personnes ayant diverses orientations sexuelles. La communauté LGBTQ2 est précisément mentionnée dans cette loi comme étant un groupe de créateurs dont nous voulons promouvoir le contenu.
Pour terminer, j’aimerais parler des autres créateurs de la diversité, les Noirs et les autres personnes de couleur. En tant que député racisé, je dirais que c’est franchement le point faible de notre pays. Les créateurs de contenu canadien doivent être tenus de valoriser les voix des Noirs et des autres personnes de couleur, afin que ces derniers puissent se reconnaître dans ce qu’ils regardent à la télévision et au cinéma et dans la musique qu’ils écoutent en continu. Il est important que tous les Canadiens se reconnaissent dans ce contenu.
J’aimerais revenir sur un argument qui a été avancé à maintes reprises au cours de la dernière législature et qui a été repris constamment depuis par les députés qui veulent faire peur à la population, à savoir que ce projet de loi limite la liberté d’expression. J’ai deux réponses à apporter à ce que je considère comme une affirmation fausse et une attaque injustifiée contre ce projet de loi.
Il est à la fois illogique et inexact de dire que ce projet de loi entrave la liberté d’expression.
Sur le plan de la logique, cela fait des décennies que nous faisons la promotion du contenu canadien en imposant toutes sortes d’exigences financières aux radiodiffuseurs, et c’est comme si on disait que ces efforts de promotion avaient contribué à diminuer ou à diluer la création de contenus canadiens, plutôt qu’à la valoriser.
Nous savons parfaitement que la création de contenus canadiens a été valorisée parce que les radiodiffuseurs traditionnels ont été tenus d’affecter une part de leurs profits à la création de contenus canadiens. Dans le domaine musical, nous avons eu les Arkells et les Tragically Hip. Nous avons eu aussi Rush et Drake, qui viennent de la même ville que moi.
À la télévision, nous avons eu toutes sortes d’émissions, comme The Beachcombers et Kim's Convenience.
Nous n’aurions pas eu tous ces succès canadiens si nous n’avions pas obligé les radiodiffuseurs à financer davantage la création de contenus canadiens. Par conséquent, on peut dire que, si ce modèle était mauvais, il aurait contribué à diminuer le contenu canadien plutôt qu’à le valoriser. On peut appliquer le même raisonnement aujourd’hui.
Voilà pourquoi il faut que les diffuseurs en continu soient considérés comme des radiodiffuseurs. De cette façon, au lieu de diminuer le contenu canadien, cela va l’augmenter. Pourquoi? Parce que cela va obliger les Amazon Primes, Netflix et Spotify de ce monde à faciliter la découvrabilité de contenus canadiens et à consacrer une certaine partie de leurs énormes profits à la création de plus de contenu canadien. C’est une très bonne chose.
S’agissant maintenant de l’argument selon lequel le projet de loi limite la liberté d’expression, il ne tient pas debout. S’il y a une chose qui a changé entre le projet de loi de la dernière législature et celui-ci, c’est que, même si le cadre général reste le même, et nous avons entendu cet argument maintes et maintes fois pendant la 43e législature, nous avons pris soin d’indiquer, non pas dans une seule disposition mais dans plusieurs, que le projet de loi ne limite aucunement la liberté d’expression.
Le projet de loi ne dicte pas aux Canadiens ce qu’ils peuvent voir et faire sur les médias sociaux. Il exclut expressément tous les contenus utilisateurs-créateurs dans les médias sociaux et les services de diffusion en continu. Ces exclusions signifient qu’il n’y aura aucune répercussion sur la création, l’affichage et les interactions avec d’autres contenus créés par des utilisateurs. Dans plusieurs dispositions, il est indiqué expressément que les règlements du CRTC qui sont imposés aux plates-formes par la Loi sur la radiodiffusion ne doivent pas entraver la liberté d’expression sur les médias sociaux. Le projet de loi indique également que cela ne s’applique pas aux contenus téléversés.
Les exigences et les obligations imposées par ce projet de loi ne concernent que les radiodiffuseurs et les plates-formes, jamais les utilisateurs et les créateurs. Le simple citoyen dans son sous-sol qui veut téléverser un contenu, créer une vidéo musicale ou mettre quelque chose en ligne pour montrer ce qu’il sait faire à la guitare ou comment il interprète une chanson pourra le faire librement. Ces exigences ne s’appliqueront pas à lui. Elles s’appliqueront aux Amazon et aux Sptotify de ce monde, et cette distinction est très nette dans le projet de loi.
Pourquoi faut-il aider les créateurs? C’est crucial. Non seulement à cause de la valeur de leur travail, comme je l’ai dit au début de mon intervention, mais parce qu’il est important de montrer des contenus canadiens à une époque où nous sommes submergés de contenus non canadiens en provenance de notre voisin du Sud. Il est aussi important de comprendre ce que les créateurs canadiens, dont j’ai l’honneur de représenter un certain nombre dans ma circonscription, Parkdale—High Park, font pour notre pays.
Pendant la pandémie, nous avons beaucoup entendu parler des contributions des créateurs canadiens à la société canadienne. Ce fut une période difficile pour beaucoup de gens qui ont souffert d’anxiété et de dépression parce qu’ils se sentaient isolés, et nos créateurs canadiens ont su leur apporter du soutien, leur raconter des histoires et leur remonter le moral pendant ces temps difficiles, comme on n’en avait sans doute pas connu depuis la Seconde Guerre mondiale.
Ces créateurs contribuent également à l’économie canadienne. Il n’y a pas que les producteurs, les réalisateurs, les metteurs en scène, les scénaristes, les interprètes, les chanteurs et les musiciens, il y a aussi tous les autres corps de métiers qui dépendent de cette industrie et qui contribuent à l’économie canadienne. Ne serait-ce que pour des raisons économiques, j’invite les députés de la loyale opposition de Sa Majesté à appuyer ce projet de loi qui va contribuer à rendre l'économie de notre pays plus productive.
Il est très important de tenir compte des nombreux créateurs culturels qui, les uns après les autres, se sont dits favorables au projet de loi: je pense notamment à l'Association canadienne des radiodiffuseurs, à l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists et à la SOCAN. Je cite Alex Levine, président de la Writers Guild of Canada:
Les radiodiffuseurs canadiens privés de langue anglaise ont réduit leurs dépenses dans la production télévisuelle canadienne chaque année depuis près de 10 ans alors que les services de diffusion en continu étrangers se sont emparés d'une part du marché canadien de plus en plus grande. Cette situation constitue une menace pour l'ensemble de l'industrie et les dizaines de milliers d'emplois qui en sont tributaires. Les radiodiffuseurs canadiens doivent depuis longtemps contribuer à la culture et à l'économie d'ici. Il est temps que les diffuseurs en continu étrangers qui font des profits au Canada soient soumis aux mêmes normes.
M. Levine parle d'uniformiser les règles du jeu. C'est un concept très simple. Si une entreprise tire parti du contenu canadien et de l'accès au marché canadien, elle doit contribuer au milieu qui lui permet de réaliser des profits. C'est aussi simple que cela. En uniformisant les règles du jeu et en modernisant cette loi, nous pourrions faire entrer la Loi sur la radiodiffusion dans le XXIe siècle. Pour cette raison, j'espère que tous les partis représentés à la Chambre appuieront cette mesure législative.
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Monsieur le Président, vous m’avez coupé l’herbe sous le pied.
Je suis heureuse de pouvoir prendre la parole au sujet du projet de loi sur la diffusion continue en ligne qui, comme nous le savons, modifie la Loi sur la radiodiffusion et apporte des modifications corrélatives à d’autres lois. Je tiens tout d’abord à rendre hommage à ma collègue la députée de Lethbridge, qui a réalisé un travail extraordinaire pour mettre en lumière les répercussions que le projet de loi aurait non seulement sur les droits des Canadiens, mais également sur les créateurs de contenu ici, au Canada.
Je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
C’est un projet de loi d’une portée immense parce qu’il aurait des répercussions non seulement sur la diffusion en ligne, mais également sur le contenu généré par les utilisateurs en ligne, y compris sur les réseaux sociaux. Revenons sur les faits. La première version du projet de loi, le projet de loi , a été présentée en 2020. Le gouvernement affirmait qu’il visait à moderniser la Loi sur la radiodiffusion et à faire en sorte que les grands services de diffusion continue en ligne respectent les exigences en matière de contenu canadien en les soumettant au même régime que les chaînes de télévision et les stations de radio. C’est ce qui a été affirmé de nouveau ici.
Dans sa version originale, le projet de loi antérieur, le projet de loi , prévoyait une exemption pour ce que les utilisateurs téléversent sur les réseaux sociaux, le fameux « contenu généré par l’utilisateur ». Pendant l’étude en comité, les libéraux ont voté pour la suppression de cette exemption dans leur propre projet de loi en refusant de laisser les conservateurs la rétablir. Le projet de loi est mort au feuilleton au déclenchement des élections en 2021, mais il a été présenté de nouveau par le gouvernement au cours de la présente législature. Voici le résultat.
Le projet de loi créerait une nouvelle catégorie de médias du Web appelée « entreprises en ligne » en conférant au CRTC le pouvoir de les réglementer aussi. Il obligerait ces entreprises à investir dans le contenu canadien, sans qu’elles soient tenus pour autant de demander une licence. Bien que le gouvernement eut rétabli l’exemption dans la nouvelle version, il a également inclus une exemption à l’exemption, ce qui l’a essentiellement vidée de sa substance. Hélas, nous avons là un énième projet de loi que le gouvernement, au lieu d’écouter les experts et les parties prenantes, cherche à faire adopter afin de dicter aux industries ce qui est le mieux pour elles.
De nombreux experts, par exemple des professeurs de droit et d’anciens commissaires du CRTC, estiment que le présent projet de loi serait une menace au droit à la liberté d’expression. Comme nous le savons, l’alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés garantit le droit à la liberté d’expression, que l’on ne peut exercer efficacement que si on a la possibilité d’être entendu. C’est ce qu’explique le professeur de droit Michael Geist:
Pour être clair, le risque lié à ces règles n'est pas que le gouvernement empêche les Canadiens de parler, mais plutôt que le projet de loi puisse avoir un impact sur leur capacité à se faire entendre. Autrement dit, le CRTC ne pourra pas empêcher les Canadiens de publier du contenu, mais il aura le pouvoir d'édicter des règlements qui peuvent donner la priorité à certains contenus et en repousser certains autres à l'arrière, qui exigent l'inclusion d'avertissements ou qui établissent d'autres conditions concernant la présentation du contenu (y compris en ce qui a trait aux résultats des algorithmes). Le gouvernement a soutenu que ce n'était pas l'objectif du projet de loi. Si c'est le cas, la solution est évidente. Aucun autre pays dans le monde n'essaie de réglementer le contenu généré par les utilisateurs de cette façon; il faut simplement retirer cet élément du projet de loi, parce que ce contenu n'a pas à être régi par la Loi sur la radiodiffusion.
Le gouvernement veut confier à des bureaucrates d'Ottawa le pouvoir discrétionnaire de déterminer quel contenu doit être considéré comme canadien et quel contenu mérite d'être montré à l'ensemble des Canadiens.
Si l'on met de côté les préoccupations relatives à la liberté d'expression, ce projet de loi menacerait également les moyens de subsistance des créateurs de contenu, des artistes et des influenceurs qui gagnent leur vie grâce aux vidéos qu'ils publient sur les médias sociaux et aux recettes publicitaires qui en découlent. D'après leurs témoignages, beaucoup d'entre eux craignent de ne pas pouvoir se qualifier en vertu des règles du CRTC favorisant les contenus approuvés. Ils craignent également les effets de la réglementation sur leurs audiences internationales.
Les créateurs canadiens n’ont pas besoin de l’intervention de l’industrie canadienne des médias pour réussir. Les Canadiens jouent déjà dans la cour des grands, et nous assistons à de nombreuses réussites. Ces innombrables réussites sont dues au fait que nous laissons la créativité de ces artistes s’épanouir. Nous ne ralentissons pas ce processus en leur imposant une bureaucratie excessive ou des tracasseries administratives.
Dans le contexte actuel, les créateurs de contenu se trouvent en tête de file grâce au mérite de leur contenu. Internet offre aux nouveaux créateurs d’innombrables occasions de rejoindre des auditoires partout dans le monde, ce qui permet aux petits créateurs de se constituer des auditoires grâce à leur créativité et à leur détermination.
Ce projet de loi cherche à étouffer cette liberté en limitant la visibilité aux créateurs que le gouvernement juge dignes d’être visionnés. Au lieu d’orienter la barre de recherche des gens vers le contenu qu’ils recherchent, elle les dirigerait vers un contenu que le gouvernement aura approuvé et qu’il veut que les gens regardent. Nous nous retrouverions dans une autre situation où les empêcheurs de tourner en rond gouvernementaux sélectionneraient les gagnants et les perdants en fonction de leurs propres critères arbitraires.
Soulignons que le Sénat a apporté environ 29 amendements, la plupart d’entre eux mineurs, au projet de loi . C’est pourquoi la Chambre des communes est à nouveau saisie de ce projet de loi. L’amendement le plus important viserait à restreindre la portée de la réglementation des médias sociaux en ajoutant des critères discrétionnaires qui inciteraient le CRTC à réglementer le contenu audiovisuel professionnel et non les contenus que les utilisateurs amateurs téléchargeront.
Même si ces amendements améliorent quelque peu ce projet de loi, ces critères seront discrétionnaires. Ils ne modifieront donc pas le pouvoir qu’a le CRTC de réglementer les médias sociaux et leurs pouvoirs de découvrabilité. De plus, la a déjà affirmé que le gouvernement libéral rejetterait cet amendement.
Ne nous y trompons pas: les talents et les contenus canadiens ne seront plus appréciés en fonction de leur mérite. Le contenu sera assujetti à un ensemble de critères que les bureaucrates d’Ottawa utiliseront pour déterminer son niveau de canadianité et qui favoriseront les formes d’art traditionnelles par rapport au nouveau contenu créatif.
Plus de 40 000 créateurs de contenu affiliés à Digital First Canada ont signé des lettres demandant la suppression des règles de découvrabilité dans le projet de loi .
Depuis le dépôt de la première version de cette mesure législative sous forme de projet de loi , j’ai entendu de nombreux électeurs affirmer qui ne veulent pas que le gouvernement leur impose un contenu à visionner. Ils m’ont écrit pour me faire part de leur stupéfaction et de leur consternation devant la tentative du gouvernement de contrôler les productions verbales et vidéo affichées en ligne.
Ils veulent découvrir leurs créateurs préférés et jouir du contenu qui les intéresse. Ils ne veulent pas visionner le contenu préféré d’un bureaucrate d’Ottawa.
Malgré toutes les prétentions des libéraux, les Canadiens comprennent que si ce projet de loi est adopté…