Que la Chambre s'ajourne maintenant.
— Monsieur le Président, je tiens à remercier votre bureau de nous avoir donné l'occasion de tenir ce débat d'urgence sur la situation tragique qui règne au Soudan.
Je tiens également à remercier tous les députés présents ce soir. Je sais que l'heure est tardive et que de nombreux enjeux se disputent notre attention, mais je pense que nous comprenons tous à quel point il est important de nous intéresser aux événements mondiaux en général et de prendre conscience de la nature de la crise au Soudan en particulier. L'indifférence à l'égard des événements mondiaux nuit à notre sécurité. En effet, la meilleure sécurité pour notre liberté ici, chez nous, c'est de nous investir dans la cause de la liberté partout dans le monde et de manifester notre volonté d'être solidaires de ceux qui luttent, tout en tirant les leçons que nous pouvons de leur expérience.
Je voudrais commencer mon discours de ce soir par un bref résumé de la situation au Soudan, puis vous faire part de quelques réflexions sur les principaux enseignements que nous pouvons en tirer et sur les mesures que nous devrions prendre en réaction à cette situation.
En décembre 2018, j'ai pris contact avec des membres de la communauté soudanaise d'Edmonton qui souhaitaient que les parlementaires appuient davantage les débuts d'une révolution démocratique dans leur pays d'origine. À vrai dire, lorsque je me suis entretenu avec eux pour la première fois, j'ai été surpris par l'idée d'une révolution démocratique au Soudan. À l'époque, le Soudan était dirigé depuis 30 ans par le même dictateur, Omar el‑Béchir.
Il convient de souligner que ce dernier a été inculpé par la Cour pénale internationale pour génocide alors qu'il était encore au pouvoir. En effet, c'était un terrible chef d'État. Au lieu d'aider le Soudan à exploiter son incroyable potentiel, il a divisé le pays, commis des atrocités innommables, et cherché à détourner toutes les richesses du pays à son profit et à celui de sa famille. Le pays subit encore les séquelles de son régime terrible, qui a semé la discorde et la violence.
Cependant, à la fin de 2018 et au début de 2019, le peuple soudanais est descendu courageusement dans la rue pour exiger que les choses changent. Les héros de cette révolution ont tout risqué pour faire reconnaître leur dignité inhérente et les droits de la personne. Les droits de la personne n'émanent pas des gouvernements. Ils sont inhérents aux êtres humains, et c'est pourquoi nous les appelons les droits de la personne.
Dans de nombreux pays du monde, nous avons assisté à ce type de révolutions démocratiques héroïques menées par le peuple. Malgré une terreur indescriptible, une masse critique de la population descend dans la rue pour manifester et parvient à renverser un dictateur.
Aujourd'hui, bon nombre de députés suivent le mouvement « Femmes, vie, liberté » en Iran, et je pense qu'il y a bien des ressemblances entre ce mouvement et ce qui s'est passé au Soudan en 2018 et en 2019. Il y a bien d'autres ressemblances dont nous pourrions parler.
Pendant la révolution au Soudan, j'ai aussi eu la chance de rencontrer des membres de la communauté soudanaise à St. Catharines, ainsi que la candidate conservatrice de l'époque, Krystina Waler. Krystina, qui est Ukrainienne, a soutenu la révolution de la dignité, qui a permis de chasser Ianoukovitch en Ukraine. Je me souviens d'avoir discuté des ressemblances entre ces révolutions démocratiques et la façon dont les diasporas au Canada peuvent soutenir ceux qui se battent pour la démocratie dans leur pays d'origine.
Ce genre de discussion politique comparative qui peut avoir lieu au sein des diasporas qui se trouvent au Canada et qui travaillent pour promouvoir la justice et la liberté dans leur pays d'origine fait partie des conversations auxquelles j'aime le plus participer, en compagnie de Canadiens de différentes communautés culturelles qui donnent leur avis sur la façon de soutenir ce genre de mouvements pour la liberté dans leur pays d'origine.
Il y a souvent d'autres rapprochements à faire lorsqu'on parle de la révolution au Soudan et des efforts en Iran. Dans le cas de la révolution au Soudan, l'une des sources de mécontentement était l'envoi de Soudanais, des enfants soldats, pour prendre part au conflit au Yémen, qui résulte de l'influence néfaste du régime iranien dans la région.
Nous pouvons en apprendre tellement en écoutant les communautés des diasporas et en travaillant avec elles. Ces communautés discutent ensemble et apprennent de leurs expériences respectives. En Ukraine, en Iran, en Géorgie et au Soudan, des mouvements démocratiques citoyens ont mené à des changements dramatiques qui ont secoué le monde. Ces mouvements sont survenus grâce à des femmes et des hommes sans armes qui étaient prêts à se tenir devant les chars d'assaut et à dire non.
Bien entendu, de tels mouvements ne sont pas nécessairement couronnés de succès, et il y a souvent des revers, comme le massacre brutal de civils sur la place Tiananmen et l'incapacité de la révolution syrienne à parvenir à un changement démocratique. Ces exemples, entre autres, démontrent que ceux qui descendent dans les rues pour réclamer un changement démocratique ne savent pas toujours comment les choses vont tourner. Rien n'était inévitable dans le cours de l'histoire. Les gens ne peuvent que faire leur part pour tenter de mener leur pays sur le chemin de la liberté et de la justice.
Ces mouvements nous démontrent que même s'il n'existe pas de trajectoire inévitable dans l'histoire, il existe une aspiration universelle à la justice et à la liberté qui reflète la nature universelle de l'être humain. En tant qu'êtres humains, nous voulons donner un sens à nos vies et nous sommes à la recherche de justice et de liberté, que nous vivions au Canada, au Soudan ou ailleurs dans le monde.
J'ai été inspiré par des récits que j'ai entendus en 2018 et 2019. J'ai été inspiré par le succès temporaire obtenu par le mouvement démocratique soudanais lorsqu'il a évincé Omar el-Béchir. Malheureusement, les combats se sont poursuivis. Depuis son départ, les gens ne sont pas parvenus à concrétiser leur désir d'avoir un gouvernement vraiment dirigé par des civils, d'obtenir justice pour les atrocités du passé et d'avoir des institutions démocratiques efficaces et axées sur la primauté du droit.
Les difficultés auxquelles le Soudan continue de se heurter illustrent deux vérités universelles. La première est que les gens, peu importe le passé ou le contexte culturel, aspirent à une véritable liberté. La deuxième est que le passé compte et qu'un peuple ne peut parvenir à s'en dissocier parfaitement et totalement. Il n'existe pas de bonne façon de repartir vraiment à zéro. Il y aura toujours des luttes de transition afin de bâtir de nouvelles institutions sur les ruines des anciennes.
Dans ce cas-ci, un des principaux problèmes est que l'armée soudanaise a créé un genre de force militaire parallèle appelée RSF du temps où Omar el-Béchir était au pouvoir. Les RSF étaient en quelque sorte les successeurs organisationnels des milices des janjawids, qui ont commis des atrocités au Darfour et ailleurs. Tant l'armée soudanaise que les RSF sont responsables d'actes de violence horribles. On ne pourrait dire d'aucune de ces deux factions militaires qu'elle est du « bon » côté, mais la création de cette structure militaire parallèle a entraîné une rivalité entre ces deux groupes et leurs dirigeants.
Sous le joug des RSF et de l'armée soudanaise, les Soudanais ont souffert. Ces groupes brutaux se sont parfois unis pour opprimer le peuple soudanais, mais en ce moment, ils sont violemment opposés l'un à l'autre, et les Soudanais sont pris entre les deux. Quoi qu'il advienne, ce sont eux, les Soudanais, qui sont les héros de cette histoire. Ce sont aussi eux qui sont les victimes des actes de violence perpétrés par ces deux factions militaires rivales.
Si l'on revient encore une fois un peu en arrière, les représentants de la communauté soudanaise avec qui je m'étais entretenu ici, au Canada, en 2019, voulaient que nous jouions un rôle plus actif dans la situation au Soudan, par exemple en exprimant notre soutien pour leur mouvement, en réclamant la liberté et la démocratie, et en mettant véritablement l'accent sur l'universalité de ces principes ou, du moins, sur le désir de les concrétiser. Je remarque que, universellement, les personnes qui participent à ces mouvements considèrent que tout soutien de la part de parlementaires et d'instances gouvernementales contribue réellement à changer les choses. Bien entendu, il existe d'autres outils à notre disposition, comme le recours aux sanctions pour punir les individus qui violent les droits de la personne et décourager de telles pratiques à l'avenir. Cependant, il faut au minimum accorder de l'attention et exprimer notre soutien à ces mouvements. C'est important pour les personnes qui y participent, et c'est important pour les personnes qui les soutiennent dans leur pays et partout dans le monde. Le gouvernement et les parlementaires canadiens doivent toujours être prêts à exprimer courageusement leur soutien pour ces mouvements démocratiques.
Au printemps de 2019, alors que les manifestations se multipliaient, le président el-Béchir a été chassé du pouvoir, et un conseil militaire de transition a été créé. Quand les manifestants ont demandé la transition complète vers un gouvernement civil, l'armée, avec les FSR, a perpétré un massacre horrible — le « massacre de Khartoum » — où plus de 100 manifestants ont été tués. Cette tragédie a été suivie par une relance des efforts de négociation entre le mouvement démocratique et l'armée, ce qui a mené à une entente provisoire de pouvoir partagé.
Le défi qui se pose depuis toujours, je crois, c'est qu'il est difficile de mettre en place un mécanisme de transition efficace axé sur le partage du pouvoir quand l'armée refuse de changer, de prendre la responsabilité des crimes qu'elle a commis et de reconnaître le droit fondamental qu'ont les gens de choisir leurs dirigeants. L'armée s'est emparée de nouveau du pouvoir en 2021; elle n'a jamais accepté de prendre ses responsabilités et n'a jamais arrêté de s'en prendre aux Soudanais. Au lieu d'avoir deux forces armées qui ne rendent de comptes à personne et qui se battent entre elles, les dirigeants démocratiquement élus du Soudan aimeraient avoir une seule force armée normale qui serait dirigée par des civils et aurait à rendre compte de ses actions.
Les dirigeants civils du Soudan doivent poursuivre le travail de transition, mais ils ont besoin de notre soutien. Nous devons répondre à la crise que cause l'apparente guerre civile qui oppose les deux forces armées du pays, mais nous devons aussi, à long terme, soutenir les Soudanais du mieux que nous le pouvons pendant qu'ils s'emploient à terminer le travail entrepris en décembre 2018. J'encourage le gouvernement à ne pas oublier les besoins à long terme pendant qu'il répondra à la crise actuelle, et à dialoguer avec les Soudanais et avec la diaspora soudanaise au Canada dans le but de trouver et d'utiliser les outils qui permettront aux Soudanais de mener à bien le travail qu'ils ont entrepris.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous pouvons tirer un certain nombre de leçons importantes. Nous pouvons voir qu'il y a une aspiration universelle à la liberté et à la démocratie qui existe, peu importe l'endroit, l'époque et le contexte culturel. Nous constatons aussi que l'histoire est importante parce que le passé façonne les intérêts et les institutions qui doivent être gérés dans le cadre de toute transition. Il reviendra aux Soudanais de déterminer la façon de progresser sur ce chemin, de traverser toutes ces difficultés et de tenter de concrétiser leurs aspirations justes et légitimes. Cependant, au Canada, nous avons un intérêt à cet égard ainsi qu'une obligation morale de faire ce que nous pouvons pour les aider sur cette voie.
Dans la situation actuelle, alors que la violence a éclaté entre ces deux organisations militaires rivales et que les civils se retrouvent pris entre deux feux, le Canada a pris des mesures pour évacuer son personnel diplomatique et d'autres Canadiens qui se trouvent dans ce pays. J'ai hâte d'entendre la mise au point du gouvernement sur ces efforts pendant le débat d'urgence de ce soir. Ce débat est important parce qu'il donne aux parlementaires l'occasion de discuter de ces questions, mais il permet aussi au gouvernement de donner les derniers renseignements à la Chambre à propos des efforts qui sont en cours, ce qui est nécessaire. Nous nous attendrons à ce que le gouvernement continue de faire le point au fur et à mesure que les efforts seront déployés. Nous devons continuer de suivre de près les événements au Soudan, mais notre personnel doit évidemment être en mesure de le faire en toute sécurité.
Je tiens aussi à signaler clairement au gouvernement qu'à notre avis, il a l'obligation de soutenir les employés locaux, dans la plus grande mesure possible. Les reportages des médias semblaient suggérer, l'été dernier, que le gouvernement du Canada n'avait pas informé adéquatement les employés locaux engagés en Ukraine des risques qu'ils couraient, même si ces employés couraient fort probablement un plus grand risque à cause du travail qu'ils effectuaient pour le Canada. En Afghanistan, le Canada n'a pas réussi à aider efficacement tous ceux qui ont travaillé avec les troupes canadiennes, même si nous aurions dû avoir assez de temps pour bien planifier et bien nous préparer. Dans ce cas, bien sûr, nous reconnaissons que le Canada a eu beaucoup moins de temps de préparation, mais nous voulons souligner clairement que, de notre point de vue, il est essentiel que le Canada respecte ses obligations de soutenir et d'aider les employés locaux.
Dans le temps qu'il me reste, je voudrais souligner un certain nombre d'enjeux connexes qui, à mon avis, méritent également l'attention de la Chambre.
Le premier, c'est le rôle du groupe Wagner, qui est officiellement une organisation militaire privée russe, alors que, dans les faits, il s'agit d'un outil de politique étrangère pour le régime de Poutine. Nous avons vu comment le groupe Wagner a été utilisé et impliqué dans d'horribles atrocités en Ukraine, mais le rôle du groupe Wagner dans divers contextes en Afrique est peut-être moins connu. Le groupe Wagner a été engagé par divers États africains pour participer à des conflits internes ou à la répression de groupes militants ou terroristes dans ces pays. Cependant, au cours de ce processus, le groupe Wagner s'est lui-même rendu complice d'atrocités horribles dans divers pays africains. Dans la foulée, cela a étendu l'influence du gouvernement russe dans ces contextes.
Je suis profondément préoccupé par le groupe Wagner et par la manière dont il est responsable non seulement de violences horribles, mais aussi de l'accroissement de l'influence géostratégique du gouvernement russe et de l'élargissement de son champ d'action dans certains contextes.
Par conséquent, il est important de souligner que, pendant que le reste du monde se penche sur la manière de soutenir le peuple soudanais et de contrer la violence qui mine les aspirations démocratiques de ce pays, le ministre russe des Affaires étrangères ne se cache pas pour offrir les services du groupe Wagner aux diverses parties impliquées dans les conflits. Il a fait une déclaration selon laquelle les instances au pouvoir ont le droit de recourir aux services du groupe Wagner. Cela témoigne encore une fois de la mentalité horrible du régime russe. Cela devrait aussi nous faire comprendre les risques associés au groupe Wagner et le fait qu'il est responsable d'atrocités tout en travaillant à l'élargissement de l'influence du régime de Poutine en Afrique et ailleurs.
Étant conscient de certains de ces risques, je suis heureux que le comité des affaires étrangères procède à une étude des agissements du groupe Wagner. Je pense aussi qu'il est important que le gouvernement donne suite à une motion adoptée unanimement par la Chambre, qui demande l'inscription de ce groupe sur la liste des organisations terroristes. Tous les partis ont appuyé cette motion. Elle a été adoptée à l'unanimité. Dans des déclarations, notre parti a également demandé directement l'inscription du groupe Wagner sur la liste des organisations terroristes, à cause de sa participation dans le génocide en Ukraine et du rôle qu'il joue dans divers autres contextes. Nous devrions reconnaître clairement qu'il s'agit d'un groupe terroriste se livrant à des activités terroristes. Pour favoriser la paix et la sécurité au Soudan ainsi que dans d'autres zones troubles de la région, nous pourrions, notamment, inscrire le groupe Wagner sur la liste des organisations terroristes.
Par ailleurs, après avoir pris connaissance de la déclaration du ministre russe des Affaires étrangères, je veux profiter de l'occasion pour dire que le gouvernement devrait agir rapidement à cet égard. Il s'agira certes des questions sur lesquelles nous mettrons l'accent durant l'étude par le comité des affaires étrangères du rôle du groupe Wagner.
Par ailleurs, alors que le gouvernement examine divers aspects de sa politique étrangère, j'espère qu'il adoptera rapidement le projet de loi , qui est actuellement à l'étude au comité des affaires étrangères. Ce projet de loi rehausserait considérablement les obligations du gouvernement du Canada dans le domaine des droits de la personne. Il prévoit par exemple la mise en place d'un mécanisme de déclenchement parlementaire. Ainsi, un comité pourrait recommander que des sanctions soient imposées à certains individus, et le gouvernement aurait l'obligation de répondre à ces recommandations. Il exigerait également du gouvernement qu'il présente au Parlement un rapport annuel sur ce qu'il fait pour faire progresser les droits de la personne. Les mécanismes de ce type contribuent à renforcer la reddition de comptes au Parlement dans le domaine des droits de la personne. Ce sont des outils inestimables pour nous permettre, en tant que parlementaires, de pousser le gouvernement à intensifier sa lutte contre les violations des droits de la personne, au Soudan comme ailleurs.
Enfin, je voudrais profiter de cette occasion pour souligner que le Canada devrait renforcer son engagement avec l'Afrique. Je considère que l'Afrique, d'une manière générale, est essentielle pour notre avenir. D'un point de vue démographique, l'Afrique connaît une croissance spectaculaire de sa population, alors que d'autres régions du monde voient la leur décliner. L'Afrique a un immense potentiel et une population jeune, et nous devrions nous rapprocher davantage des différents peuples d'Afrique. Il me semble parfois que ces mouvements en faveur de la liberté et de la démocratie suscitent plus ou moins d'attention selon qu'ils se produisent sur un continent plutôt que sur un autre. Je souhaite que nous reconnaissions tous, non seulement nous les parlementaires, mais la société canadienne en général, l'importance et le potentiel de l'Afrique et l'universalité de ses aspirations à vivre dans la paix, la liberté et la démocratie. Nous devrions renforcer notre engagement envers l'Afrique.
Le gouvernement a récemment publié une stratégie pour l'Indo-Pacifique et, peu après, un collègue et moi-même avons rédigé un article d'opinion soulignant la nécessité pour le gouvernement d'élaborer une stratégie africaine solide qui soit adaptée à son potentiel, reconnaisse la nécessité d'un engagement accru et reconnaisse que des régimes hostiles tentent de renforcer leur présence et leur influence en Afrique, ce qui montre bien à quel point nous devrions nous engager davantage et être plus présents dans cette région.
Monsieur le Président, en conclusion, je veux vous remercier une fois de plus d'avoir accepté la tenue de ce débat d'urgence et de nous avoir donné l'occasion de parler de l'importante situation en cours au Soudan et de souligner le fait que nous devrions tous être profondément inspirés par le courage héroïque des gens qui, comme les habitants du Soudan, se battent et risquent leur vie pour défendre les droits de la personne fondamentaux, que nous tenons souvent pour acquis au Canada. Les habitants du Soudan, de l'Iran et d'autres régions du monde risquent leur vie pour faire valoir leur dignité humaine la plus élémentaire, leurs droits de la personne fondamentaux. Le moins que nous puissions faire, c'est de porter attention à ce qui se passe, de communiquer avec eux et de les soutenir, à court et à long terme, dans leur entreprise.
Le gouvernement doit nous dire ce qu'il fait pour répondre à la crise immédiate et pour venir en aide aux Canadiens et aux personnes qui ont des liens avec le Canada, comme le personnel embauché sur place, pendant la crise et, à plus long terme, ce qu'il entend faire pour soutenir les aspirations démocratiques, le mouvement de libération et l'accomplissement complet des objectifs de la révolution qui a débuté en 2018. La route devant nous est peut-être longue, mais nous devons être prêts à défendre et à soutenir la population du Soudan.
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Monsieur le Président, je suis très heureuse, en cette merveilleuse soirée et à une heure très tardive, de prendre la parole au sujet de cette question et de répondre aux questions de mes collègues. Je vais partager mon temps de parole.
Je veux remercier mon collègue le député de de son travail et de son intérêt pour cette question. Je le remercie d'avoir instigué ce débat sur la situation très grave et difficile au Soudan. Cela fait quelques jours à peine que la crise a commencé. Nous travaillons de façon acharnée depuis la dernière semaine afin de soutenir les Canadiens sur le terrain et de trouver une solution diplomatique avec plusieurs pays. J'encourage d'ailleurs tous les députés de tous les partis à la Chambre à reconnaître les efforts importants de nos diplomates afin de répondre à cette crise. Je les encourage à faire en sorte que nous puissions les soutenir dans les prochains jours et semaines à venir.
Les Canadiens suivent de très près ce qui se passe présentement au Soudan et, bien entendu, le Canada est préoccupé par les affrontements armés qui continuent malgré la trêve négociée un peu plus tôt hier.
Le peuple soudanais mérite de vivre dans la paix et la sécurité. En tant qu'ami et partenaire, le Canada soutient depuis longtemps les Soudanais. C'est pourquoi nous appelons à la cessation de la violence et nous nous tenons aux côtés du peuple soudanais dans sa quête de paix.
C'est aussi pourquoi nous restons déterminés à soutenir le peuple soudanais dans son désir de construire un avenir démocratique et une transition vers un gouvernement dirigé par des civils.
[Traduction]
Plus tôt ce mois-ci, il y avait encore des signes d'un progrès graduel vers la conclusion d'un accord pour une transition vers une démocratie dirigée par des civils. Nous espérions voir finalisé l'accord politique-cadre de décembre 2022, ce qui serait prometteur pour l'avenir. Malheureusement, ces progrès ont été interrompus par la violence, contre la volonté du peuple soudanais, qui mérite de vivre en paix, en sécurité et dans une démocratie.
Le Canada condamne sans réserve la violence actuelle et son impact sur les civils, les installations médicales et les infrastructures civiles. Nous réclamons que ceux qui répandent la violence, y compris la violence sexuelle, soient tenus de rendre des comptes. Nous sommes également très préoccupés par la sécurité des plus de 1 700 Canadiens qui sont actuellement sur le terrain au Soudan.
[Français]
Dès l'éruption de la violence, notre équipe d'Affaires mondiales Canada a été proactive. Nous avons interpellé les deux belligérants pour leur demander d'accepter un cessez-le-feu. C'est avec une grande inquiétude que nous avons vu l'escalade de la violence, qui a fait des centaines de victimes et des milliers de blessés. Je suis également très préoccupée par le fait que ce conflit risque de provoquer de l'insécurité dans toute la région et d'entraîner des conséquences humanitaires dévastatrices.
Le peuple soudanais mérite des dirigeants politiques civils qui sauront relever le pays et qui répondront aux aspirations de ses citoyens. Le Canada appuie déjà ces efforts, notamment en tant que membre des Amis du Soudan, un regroupement qui soutient la transition vers la démocratie. Il soutient également les femmes qui œuvrent pour la paix.
Aussi, notre appui à l'Union africaine et à l'Autorité intergouvernementale pour le développement date de très longtemps. Ces deux institutions assurent le développement et la mise en œuvre de solutions par et pour l'Afrique afin de faire face aux défis rencontrés sur le continent.
[Traduction]
Lorsque la violence a éclaté, le Canada a réagi immédiatement. À ce moment précis, je me trouvais au Japon avec mes homologues du G7 et nous avons immédiatement commencé à coordonner notre réponse. Cette coordination s'est poursuivie de manière élargie et a fini par évoluer au point d'entraîner la création d'un groupe international de coordination. Au cours des derniers jours, j'ai également été en contact avec mes homologues du Kenya, de l'Égypte et des Émirats arabes unis, ainsi qu'avec l'Allemagne et les États‑Unis.
Plus tôt dans la journée, le s'est entretenu avec M. Faki, le président de la Commission de l'Union africaine. Il s'est également entretenu avec M. Ahmed, le premier ministre de l'Éthiopie, il y a deux jours. J'ai été en contact avec le secrétaire exécutif de l'Autorité intergouvernementale pour le développement. Je poursuivrai ces conversations importantes demain et dans les jours à venir.
[Français]
Tous les partenaires partagent les mêmes préoccupations quant aux répercussions régionales et à la fragilité accrue que la situation engendrerait. Les acteurs malveillants ne peuvent être tolérés et le Canada se tient aux côtés des civils déterminés à réaliser l'avenir démocratique du Soudan.
Hier, j'ai salué l'annonce d'un cessez-le-feu de 72 heures et j'ai insisté pour qu'il soit mis en œuvre et respecté. Malheureusement, les rapports faisant état des violences dans l'ensemble du Soudan se sont poursuivis aujourd'hui. Aucun des belligérants ne semble disposé à négocier malgré les nombreuses offres de médiation des dirigeants de la région, de l'Union africaine et de l'Autorité intergouvernementale pour le développement.
[Traduction]
Nous avons tous vu la rapidité avec laquelle la situation s'est détériorée, les affrontements coinçant de plus en plus de civils entre deux feux et l'accès limité ou nul aux produits de première nécessité et aux soins médicaux. Cette crise est importante, et je tiens à ce que les Canadiens sachent que nous nous en occupons.
De concert avec mes collègues du Cabinet, les fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada et les diplomates canadiens se trouvant dans les ambassades de partout dans le monde, nous travaillons avec le gouvernement soudanais, les alliés, les partenaires aux vues similaires et les pays voisins pour coordonner la réponse à cette crise. Je demande à tous les Canadiens au Soudan de s'enregistrer en ligne sur le site Web d'Affaires mondiales. Je prie tous ceux qui ont de la famille, des amis ou des proches sur le terrain de les encourager à faire de même.
Même si nous avons dû suspendre temporairement les activités de notre ambassade à Khartoum, les diplomates canadiens et leur famille continuent de travailler à partir d'un lieu sûr. Nous nous occupons aussi des employés locaux qui sont toujours sur le terrain. Ils ont tous été retracés. Ils recevront leur rémunération et leurs avantages sociaux, et nous communiquons avec eux tous les jours. Nous prévoyons également soutenir l'évacuation des employés locaux qui souhaitent se rendre dans un pays voisin sûr.
Nous continuons aussi à fournir des services consulaires jour et nuit aux Canadiens qui en ont besoin au Soudan au moyen du Centre de surveillance et d'intervention d'urgence, où des employés sont présents 24 heures sur 24. Je sais que certains d'entre eux sont probablement à l'écoute en ce moment. Je les remercie de leur travail. Nous sommes ici pour les aider, et il m'incombe de les soutenir également.
On me tient informée des développements plusieurs fois par jour, et je veux que les Canadiens sachent que ce dossier est assurément ma priorité. En fait, nous avons contacté chaque Canadien qui s'est enregistré auprès d'Affaires mondiales.
[Français]
Des représentants consulaires ont pris contact avec tous les Canadiens inscrits pour les informer des options de déplacement qui s'offrent à eux. Nous continuons à leur offrir des informations et des conseils de manière proactive. Tout Canadien ayant besoin d'un soutien consulaire doit absolument s'inscrire sur le site Web d'Affaires mondiales Canada. Bien entendu, nous continuons à conseiller aux Canadiens d'éviter tout voyage au Soudan.
Présentement, nos représentants consulaires coordonnent activement nos efforts avec plusieurs pays afin de garantir des places sur les vols en provenance du Soudan et à destination de pays voisins.
Nous sommes reconnaissants à nos partenaires tels que l'Allemagne, les Pays-Bas, la Grèce, la Suède et le Royaume-Uni pour leur aide.
[Traduction]
Étant donné la situation exceptionnelle sur le terrain, nous offrons une aide d'urgence aux personnes qui souhaitent quitter le Soudan pour se rendre dans un pays voisin plus sûr. Nous n'aidons pas uniquement les citoyens canadiens, y compris ceux ayant une double nationalité, mais aussi les résidents permanents et les membres de leur famille. C'est fort important.
En date d'aujourd'hui, 1 700 personnes se sont enregistrées. Approximativement 550 ont réclamé de l'aide, et plus de 100 Canadiens ont déjà quitté le pays. Grâce à notre travail avec nos alliés et les pays voisins, les efforts d'évacuation des Canadiens ont commencé et se poursuivront tant que la situation le permettra. Tout cela est fait en étroite collaboration avec les membres des Forces armées canadiennes, ainsi que les vaillants employés d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et de l'Agence des services frontaliers du Canada.
De plus, nos missions dans la région continuent de faciliter ces efforts. Il s'agit véritablement d'une mobilisation générale, et j'encourage tous les députés à reconnaître le travail considérable qui est effectué. À mesure que la situation évoluera, le gouvernement continuera de travailler sans relâche pour aider les Canadiens dans le besoin.
Une fois que nous pourrons assurer une prestation appropriée des services, de même que la sécurité de nos diplomates, nous espérons pouvoir rétablir les activités de notre ambassade à Khartoum. Le Canada continuera d'être solidaire des habitants du Soudan, qui se battent pour la paix, la justice et un avenir démocratique. Je suis prête à répondre à toutes les questions.
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Monsieur le Président, de toute évidence, la situation au Soudan nous préoccupe tous énormément. Je dois dire que je suis de tout cœur avec les Soudanais. Ce qu'ils vivent est tragique. Il est difficile de regarder et d'écouter les reportages qui nous parviennent. Le conflit qui a éclaté est à l'origine de souffrances indicibles et d'une crise humanitaire dans tout le pays, en particulier dans la capitale, Khartoum, où des résidants ont déclaré avoir été bloqués chez eux pendant des jours en raison de la violence qui fait rage dans toute la ville.
Depuis le début des combats le 15 avril, le Soudan a enregistré plus de 450 morts et au moins 4 000 blessés, et l'on s'attend à ce que le chiffre final soit encore plus élevé. Pour ne rien arranger, au moins 55 hôpitaux ont fermé au pays, ce qui nous préoccupe tous profondément.
Les partenaires humanitaires et de développement, qui sont généralement en première ligne pour soutenir les populations vulnérables, ne sont pas épargnés. Des membres du personnel des Nations unies ont été tués, et de nombreux employés des Nations unies et des ONG, ainsi que leurs familles, ont été évacués. Leurs locaux et leurs entrepôts ont été pillés, et leur mobilité a été restreinte. Cette situation a conduit les organisations partenaires à suspendre leurs activités dans de nombreuses régions, ce qui signifie que des partenaires comme le Programme alimentaire mondial ne seront pas en mesure d'apporter l'aide prévue à 7,6 millions de personnes.
Cette nouvelle pression vient s'ajouter à des besoins plus grands que jamais. De plus, le conflit, l'instabilité politique, les catastrophes naturelles et les faibles conditions économiques contribuent tous à la complexe crise humanitaire qui sévit au Soudan, où 15,8 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire en 2023. On s'attend à ce que les besoins humanitaires augmentent, ainsi que le nombre de personnes déplacées, si les organisations humanitaires ne peuvent pas rejoindre les populations dans le besoin.
On constate déjà plus de 20 000 personnes déplacées à l'intérieur du Soudan. On rapporte aussi que des personnes qui avaient déjà été déplacées doivent fuir vers d'autres camps pour trouver refuge. On constate aussi que les gens s'enfuient du pays. Le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés et d'autres agences de l'ONU signalent déjà que des réfugiés entrent au Tchad et au Soudan du Sud. Certains rentrent aux pays qu'ils avaient déjà fuis comme réfugiés. À lui seul, le Tchad signale avoir accueilli plus de 42 000 nouveaux arrivants, qui viennent s'ajouter aux 407 000 réfugiés qui se trouvent déjà dans le pays.
Même si une évaluation complète des besoins découlant du conflit demeure impossible étant donné les hostilités en cours, nous savons que les besoins seront considérables non seulement pour le Soudan, mais également pour l'ensemble de la région. Affaires mondiales Canada reste en contact avec les partenaires internationaux, et je sais que la ministre a parlé à ses homologues du G7 et qu'elle travaille avec des partenaires comme l'Égypte, l'Éthiopie, l'Union africaine et les Pays‑Bas pour évaluer l'ensemble des conséquences sur leurs activités et les scénarios pour lesquels ils doivent se préparer. Nous travaillons activement avec des partenaires humanitaires et des intervenants aux vues similaires pour soutenir une intervention coordonnée lorsque la situation le permet.
De plus, le Canada a prévu plus de 30 millions de dollars en aide humanitaire pour le Soudan cette année. Ce financement souple permettra aux Nations unies, à la Croix-Rouge et aux ONG partenaires de s'adapter à l'évolution des besoins. Nous sommes convaincus que notre financement humanitaire souple permettra aussi à des partenaires de répondre aux besoins dans la région. En 2023, nous avons consacré plus de 100 millions de dollars au soutien à l'aide humanitaire dans des pays voisins, y compris la République centrafricaine, le Tchad, l'Éthiopie et le Soudan du Sud.
Cet après-midi, le a parlé avec le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés et, plus tard cette semaine, il discutera avec d'autres leaders humanitaires pour déterminer comment le Canada peut mieux s'adapter aux conditions sur le terrain. Ces échanges font partie d'une série de consultations que le gouvernement du Canada, y compris le , mène auprès de partenaires qui ont le même objectif, c'est-à-dire, bien évidemment, la paix au Soudan.
En plus d'aide humanitaire, le Canada fournit aussi une aide au développement, ce qui contribue à améliorer l'accès à l'éducation, à améliorer la santé, à renforcer les droits sexuels et reproductifs, à encourager l'autonomisation économique des femmes, ainsi qu'à renforcer la résilience des personnes les plus pauvres et marginalisées. En 2021 et en 2022, l'aide au développement offerte par le Canada au Soudan s'élevait à environ 16 millions de dollars.
En outre, hier, le a annoncé que le gouvernement du Canada mettra en place de nouvelles mesures d'immigration pour aider les résidents temporaires soudanais qui sont présentement au Canada et qui pourraient ne pas être en mesure de rentrer chez eux en raison de la détérioration rapide de la situation dans leur pays. Par exemple, ces personnes pourront demander la prolongation de leur statut au Canada et changer de catégorie temporaire pour leur permettre de continuer d’étudier, de travailler et d’être auprès de leur famille. Cela leur permettra aussi de demeurer au Canada. De surcroît, le Canada exonérera les frais de passeport et de titre de voyage pour résident permanent pour les citoyens et les résidents permanents du Canada au Soudan qui souhaitent partir. Enfin, le gouvernement du Canada accordera la priorité au traitement des demandes de résidence temporaire et permanente dûment remplies, y compris les demandes de visa de visiteur pour les membres admissibles de la famille immédiate.
Une véritable trêve est nécessaire pour permettre aux personnes innocentes d'évacuer les zones de conflit. Nous avons pris note du cessez-le-feu de 72 heures annoncé par le secrétaire Blinken et demandons son entier respect, en espérant que l'on pourra prolonger le calme. Dans des conditions difficiles, nos équipes et les partenaires du Canada se préparent à divers scénarios. Le Canada collabore avec ces partenaires ainsi qu'avec des parties intéressées aux vues similaires afin d'appuyer une réponse coordonnée et efficace.
Notre financement souple de l'aide humanitaire est adapté aux besoins. Il permettra à nos partenaires de s'adapter aux besoins changeants au Soudan et de la région. Nos partenaires sont en bonne position pour soutenir au besoin une expansion rapide des activités. Ensemble, nous continuerons d'intervenir.
Je remercie les députés de leur attention, et répondrai volontiers à leurs questions.
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Monsieur le Président, j'aimerais mentionner d'entrée de jeu que je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Je remercie le député de , qui a fait en sorte qu'un débat d'urgence se tienne aujourd'hui sur la crise actuelle au Soudan.
Aussi triste que ces mots soient à prononcer et à entendre, il faut se dire que ce sont les civils qui sont toujours les premières victimes des conflits armés. Alors que je prends la parole devant la Chambre, c'est la population soudanaise qui est prise en otage par deux belligérants. Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, annonçait hier que l'armée et les paramilitaires en conflit au Soudan avaient accepté un cessez-le-feu de trois jours à l'issue de dix jours de combat meurtriers. Peu après, ces derniers ont confirmé une trêve pour l'ouverture de couloirs humanitaires et la facilitation du mouvement des civils.
Malgré une légère accalmie, la situation des civils ne change pas au 11e jour de combats. Les rues sont toujours désertes, les avions militaires volent au-dessus de la capitale, les pénuries alimentaires continuent dans les magasins, l'électricité est toujours coupée par endroits et l'accès à l'eau se fait de plus en plus difficile.
Depuis l'indépendance du Soudan en 1956, l'histoire de ce pays n'est qu'une succession de coups d'État militaires. Le conflit actuel qui oppose les deux généraux en est une autre illustration. Les interventions étrangères n’ont fait qu'attiser cette méfiance réciproque, et elles ont accéléré l'affrontement entre les deux camps. D'autres centaines de milliers de réfugiés et de déplacés vont s'ajouter aux plus de 2 millions de réfugiés et déplacés soudanais dans les pays limitrophes. L'enlisement du conflit ne fera qu'aggraver la crise humanitaire, qui est déjà trop importante.
Le conflit au Soudan a débuté le 15 avril après une offensive d'une branche des forces armées soudanaises, les Forces de soutien rapide, ou FSR. Je vais faire un petit résumé. Leur objectif est de prendre le contrôle du pays à la suite d'un désaccord politique entre le gouvernement et le commandant des FSR.
On a créé cette branche en 2013 en rassemblant plusieurs milices pour contrer les groupes rebelles. Un amendement constitutionnel de 2014 en a fait une force officiellement reconnue. Déjà à l'époque, en 2014 et en 2015, les FSR étaient visées par Human Rights Watch pour leurs exactions contre les civils, y compris des meurtres et de nombreux actes de torture. Les miliciens de ce groupe étaient particulièrement cruels envers les femmes et leur famille. Les ordres donnés aux miliciens étaient trop souvent d'une violence sans nom, comme on le voit souvent dans ce genre de situation.
Le Soudan est un pays qui a connu plusieurs conflits, avec, notamment, deux guerres civiles récentes et un conflit continu dans le Darfour, principalement entre 2003 et 2020. Le conflit dans le Darfour aurait fait plus de 300 000 victimes selon une estimation de l'ONU. Ces massacres ont été considérés comme un génocide.
Après le renversement du régime de Omar el-Béchir en 2019, le général al-Burhan, chef des forces armées, qui s'oppose aujourd'hui au général Hemedti, a promis une transition démocratique, mais, évidemment, cela n'a jamais eu lieu.
En décembre 2022, les deux généraux et quarante groupes civils ont signé une entente pour détailler la transition démocratique. Toutefois, des désaccords persistaient sur cette transition, et ce qui est arrivé est arrivé. Le 15 avril, une attaque massive sur des sites stratégiques pour prendre la capitale du Soudan a été menée par les FSR, ce qui a créé une crise humanitaire ainsi que la fuite de milliers de civils, notamment des ressortissants étrangers. Pour les habitants de Khartoum, le calme observé ces dernières heures n'est pas vraiment bon signe.
Selon plusieurs experts, les deux armées seraient en train d'en profiter pour effectuer des mouvements de troupes, se ravitailler en armes et se réorganiser en vue d'une reprise des combats après la trêve annoncée. Ce sont des combats qui risquent d'être beaucoup plus meurtriers et beaucoup plus durs. Encore une fois, les civils en seront les premières victimes.
Ce sont donc de très mauvaises nouvelles et le bilan est déjà très lourd. Selon une évaluation sommaire, 420 personnes auraient été tuées, dont au moins 273 civils, et plus de 3 700 personnes auraient été blessées, en quelques jours de combat seulement. De plus, on sait que les deux armées se préparent à des offensives encore plus importantes.
Ceux et celles qui ne peuvent pas s'enfuir présentement tentent de survivre, privés d'eau et d'électricité. Ils sont soumis aux pénuries de nourriture et aux coupures d'Internet et de téléphone. Ce sont des hommes, des femmes et des enfants. Ce qui s'en vient fait peur. En raison de ces combats, de nombreuses familles sont prises au piège avec peu ou pas d'accès aux services de base essentiels à la survie.
L'aide humanitaire est bien essentielle, malgré les obstacles qui empêchent les ONG de travailler sur le terrain de façon sécuritaire. Il faut le dire, le Soudan avait déjà l'un des taux de malnutrition infantile des plus élevés au monde avant les récents affrontements.
On parle de 600 000 enfants qui souffrent de malnutrition aiguë sévère selon l'UNICEF. Même avant l'escalade de la violence au Soudan, les besoins humanitaires des enfants étaient donc très élevés. Les trois quarts d'entre eux vivaient et vivent toujours dans l'extrême pauvreté. On parle de 7 millions d'enfants qui ne sont pas scolarisés. C'est presque la population du Québec.
Quand c'est le temps de reconnaître les bons coups des autres partis à la Chambre des communes, je ne me gêne pas pour le faire. Le a annoncé hier que les ressortissants soudanais qui se trouvent présentement au Canada pourront prolonger temporairement leur séjour ici plutôt que de rentrer chez eux. C'était la chose à faire et cela a été fait. Une fois que ces mesures seront en vigueur, les ressortissants soudanais pourront demander gratuitement la prolongation de leur statut au Canada et changer de catégorie de permis. C'est une bonne nouvelle.
Je ne me gêne pas pour nommer les bons coups, mais je ne me gêne pas non plus pour poser des questions. Quand est-ce que ces mesures seront mises en vigueur? Ce n'est pas clair. On sait ce que c'est quand on dit que c'est le temps d'agir rapidement. Cela avait pris plus d'un an pour les ressortissants afghans. Pourquoi? Cela a pris plus d'un an pour rédiger le projet de loi , qui est présentement à l'étude au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous étions tous d'accord et tous au courant des demandes des ONG depuis quasiment 18 mois. Pourtant le Canada n'a toujours pas réglé le problème.
Pour ceux et celles qui nous écoutent, s'il y en a, il me semble à propos de faire un rappel de ce que prévoit le projet de loi C‑41. Le projet de loi C‑41 modifierait le Code criminel afin de créer un régime permettant aux personnes autorisées de mener dans une région sous le contrôle d'un groupe terroriste des activités qui contreviendraient autrement au Code criminel. Le projet de loi suppose donc que les organisations doivent demander une autorisation auprès d'Affaires mondiales Canada avant de pouvoir réaliser des activités précises de nature humanitaire ou d'aide au développement dans une région où cette aide peut possiblement de près ou de loin profiter d'une quelconque façon à des groupes terroristes.
Actuellement, par exemple, les talibans, à titre de pouvoir de facto en Afghanistan, sont susceptibles de recevoir des revenus de tout paiement comme les taxes, les tarifs d'importation, les frais d'aéroport, les frais administratifs et j'en passe. Ces frais peuvent être nécessaires pour soutenir une aide internationale et mener des activités dans le domaine de l'immigration, entre autres. Tout Canadien ou toute personne au Canada effectuant ou autorisant de tels paiements risquerait de contrevenir au Code criminel. C'est donc dire qu'actuellement il n'est pas possible pour les ONG canadiennes de faire leur travail et de venir en aide à la population comme elles le souhaiteraient. En Afghanistan, on parle d'une crise qui existe depuis 2021. Pourtant, on n’y arrive pas. J'ai un peu peur parfois quand ce gouvernement dit qu'il va agir rapidement.
Pas plus tard qu'hier, le a indiqué ceci dans un gazouillis: « Le Canada est prêt à aider le peuple soudanais et à fournir de l'aide à ceux qui en ont désespérément besoin si les conditions le permettent. »
Est-ce que je dois comprendre que si cela a pris plus de 15 mois au gouvernement pour rédiger les 82 pages du projet de loi C‑41 qui vise à permettre aux ONG de fournir de l'aide humanitaire en cas de crise, c'est parce que les conditions n'étaient pas jugées favorables en Afghanistan? Les conditions ne sont pas favorables présentement au Soudan. Je n'irai pas plus loin au sujet du projet de loi C‑41. J'en aurais long à dire à ce sujet. On me connaît, j'y reviendrai à un moment ou à un autre.
Le gouvernement a également annoncé qu'il accorderait la priorité au traitement des demandes de résidence temporaire et permanente en provenance du Soudan. Cela inclurait aussi les demandes de visa de visiteur pour les membres admissibles de la famille immédiate des citoyens canadiens et des résidents permanents. Je ne mentirai pas: les délais ici m'inquiètent. Encore une fois, comme on dit en bon québécois, il faut que les bottines suivent les babines.
En parlant de babines, sans aucune surprise, le moyen de communication choisi par le fédéral pour informer les citoyens canadiens qui se trouvent au Soudan n'est peut-être pas le meilleur. Il y a une Canadienne qui se trouve dans la capitale du Soudan qui a déclaré avoir reçu un courriel du gouvernement canadien à 2 h 45, heure locale, lundi dans la nuit, lui disant de réserver une place sur un vol d'évacuation prévu à midi ce jour-là. Le problème, c'est que les services Internet et téléphonique du pays sont en grande partie effondrés. Elle a donc reçu le courriel en après-midi. Cela n'a pas été possible pour elle. On voit ce genre de situation. Elle a même dit ceci: « Nous sommes déjà frustrés, nous ne savons pas ce qui se passe et ce qui va se passer, la communication est fondamentalement mauvaise. » C'est une personne qui est prise à Khartoum qui nous dit cela. Il faudrait peut-être l'écouter; elle le vit intensément, il faut me croire.
Est-ce que c'est juste moi qui crois que les problèmes de communication dans les ministères fédéraux, c'est rendu la norme? J'en aurais beaucoup à dire à ce sujet, encore une fois.
Je l'ai dit en début d'allocution et je tiens à le dire de nouveau, les premières victimes présentement, ce sont les civils. À l'heure où je me tiens ici à la Chambre, la population soudanaise est prise en otage. Des hommes, des femmes et des enfants sont privés d'eau, de nourriture, d'électricité. Le temps presse. J'ose espérer que pour une fois le fédéral agira rapidement, comme un pays du G7.
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Monsieur le Président, je tiens d'abord à remercier mon collègue du Bloc d'avoir partagé son temps avec moi. Ce qui se passe au Soudan dépasse la partisanerie. C'est une question cruciale et, pour certaines personnes, littéralement une question de vie ou de mort. Je tiens à remercier mon collègue de de m'avoir donné l'occasion de participer à ce débat d'urgence sur une question qui touche directement non seulement les Soudanais, mais aussi de nombreux Canadiens, y compris les électeurs de ma circonscription de Spadina—Fort York.
Comme nous le savons tous, il y a un conflit brutal qui évolue au Soudan, où s'affrontent deux camps autocratiques, chacun essayant d'obtenir le contrôle du pays. De nombreux Canadiens ont des racines au Soudan ainsi que des membres de leur famille qui y vivent encore et qui sont profondément affectés par le conflit. Au cours de la dernière semaine, les habitants de Khartoum ont passé leur temps à l'abri. Ils entendent l'artillerie lourde. Ils entendent les frappes aériennes. Certains manquent de nourriture et d'eau et envisagent une tentative dangereuse de fuir leur ville et de se rendre d'une manière ou d'une autre dans un pays voisin.
Abstraction faite des 1 700 Canadiens enregistrés qui sont touchés par cette tragédie humaine, on se demande comment le Canada n'était pas mieux préparé à évacuer ses citoyens et à aider d'autres pays à relocaliser les réfugiés dans des pays plus sûrs.
Le Canada était autrefois attaché au principe de la responsabilité de protéger adopté en 2005 par les Nations unies à l'issue de son sommet mondial. Ce devoir avait l'appui sans réserve du gouvernement canadien de Paul Martin.
La responsabilité de protéger incarnait un engagement politique mondial visant à mettre fin aux pires formes de violence et de persécution. Il visait à réduire l'écart entre les obligations préexistantes des États membres en vertu du droit humanitaire international et des droits de la personne et la réalité à laquelle font face les populations menacées de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et de crimes contre l'humanité.
Le Canada semble également avoir oublié le cafouillage qui s'est produit lors de l'évacuation de quelque 30 000 Canadiens des quais de Beyrouth en 2006. À l'époque, le gouvernement s'est démené pendant des jours pour trouver et louer des navires afin de transporter nos citoyens vers des pays sûrs comme Chypre et la Turquie, avant de les ramener au Canada.
Pourquoi alors le Canada se montre-t-il à nouveau si lent à réagir?
Lorsque les combats se sont intensifiés, le Canada s'est empressé de fermer son ambassade et de suspendre ses activités consulaires, comme l'ont fait d'autres ambassades, mais que fait-il maintenant? Le Canada joue-t-il un rôle de premier plan dans les pourparlers avec d'autres gouvernements sur l'évacuation de ses citoyens ou adopte-t-il simplement une stratégie d'attente pour voir ce qui va se passer?
Nombreux sont ceux qui n'ont pas le luxe d'attendre de voir ce que le gouvernement va faire. La pénurie de nourriture et d'eau en est la preuve.
De plus, le gouvernement du Canada a-t-il envisagé d'accorder d'urgence le statut de réfugié aux Soudanais qui n'ont pas la citoyenneté canadienne, mais qui ont des liens de parenté avec des Canadiens, afin qu'ils puissent fuir les combats? Historiquement, le Canada n'a malheureusement pas tendance à faire bonne figure pour ce qui est de sa capacité à porter secours aux personnes gravement menacées. Il n'y a qu'à demander aux Afghans qui ont risqué leur vie pour aider les Forces armées canadiennes dans leur pays, mais qui attendent toujours de pouvoir partir alors qu'ils sont pourchassés par les talibans.
Quelle est la suite? Qu'en est-il des Soudanais? Qu'est-ce que le Canada pourrait ou devrait faire de plus? Voici quelques idées avancées par des résidants de ma circonscription.
Ils demandent à ce que du soutien immédiat et concret soit offert au peuple soudanais afin d'empêcher que le conflit militaire s'étende jusqu'à chez eux. En seulement quelques jours de combats, des centaines de personnes sont mortes et des milliers d'autres ont été blessées ou déplacées. De plus en plus de victimes innocentes souffriront si les combats se poursuivent de manière incontrôlée.
En outre, mes concitoyens soulignent avec raison que le peuple soudanais ne joue aucun rôle dans ce conflit. En effet, deux forces se battent pour contrôler le pays, alors qu'aucune des deux n'a été élue par le peuple. Les protestations pacifiques des Soudanais qui tentent de sauver la démocratie sont ignorées, et le peuple continue de souffrir injustement.
Par ailleurs, bon nombre des Canadiens coincés au Soudan craignent constamment pour leur sécurité et vivent un péril de tous les instants. La plupart sont sans électricité ni eau depuis plus d'une semaine et sont coincés en plein milieu d'un violent champ de bataille. Ceux qui ont trouvé un abri sont à court de ressources essentielles comme de l'eau, de la nourriture et des médicaments.
Le gouvernement canadien doit immédiatement agir afin d'évacuer nos citoyens. De plus, il devrait travailler avec Volker Perthes, représentant spécial de l'ONU, afin de veiller à ce que les deux parties respectent le cessez-le-feu.
Le Canada devrait s'engager à livrer de la nourriture et de l'aide médicale par l'intermédiaire d'organismes tels que le Croissant Rouge ou le Programme alimentaire mondial de l'ONU, qui avait interrompu son travail au Soudan après deux jours de combats.
Enfin, le Canada devrait aussi offrir des mesures d'immigration d'urgence et du soutien aux Soudanais qui se sont retrouvés entre deux feux, un peu comme ce que le gouvernement canadien avait offert aux Ukrainiens touchés par la guerre.
Comme un concitoyen préoccupé l'a éloquemment exprimé, « le peuple soudanais croit en la liberté, la paix et la justice et a lutté pacifiquement à cette fin au moyen de manifestations non violentes. Le Soudan semblait être sur le point de parvenir à un gouvernement civil démocratiquement élu, mais cet espoir a été anéanti par un coup d'État et, plus récemment, par les actes de violence entre l'armée soudanaise et les forces de soutien rapide. »
En conclusion, le gouvernement du Canada doit fournir de l'aide aux Canadiens et aux Soudanais qui sont sur le terrain. Il ne suffit pas de dire aux gens de rester à l'abri ou d'envisager la voie du parrainage, ce qui pourrait prendre presque 10 ans. Retarder toute intervention serait désastreux et fatal, et le temps commence à manquer.
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Monsieur le Président, bien que ce soit toujours un privilège de prendre la parole dans cette enceinte et de représenter les habitants d'Edmonton Strathcona, c'est un bien triste débat que nous tenons aujourd'hui.
De nombreux députés l'ont dit avant moi, mais nous assistons à ce qui semble être le début d'une guerre civile au Soudan, un pays secoué par la violence depuis de nombreuses années, un pays où vivent déjà de nombreux réfugiés qui ont tenté de fuir la violence dans la région. Il s'agit d'une tournure dévastatrice des événements. Il est extrêmement préoccupant de penser que cette guerre civile pourrait s'intensifier. Il est extrêmement préoccupant de penser qu'elle pourrait s'étendre au-delà des frontières du Soudan et que l'on pourrait assister à une guerre régionale qui ferait plus de victimes, qui blesserait plus de personnes et qui tuerait plus de gens.
Je crains que cela ne devienne une guerre par procuration. Ce qui se passe au Soudan, c'est que le groupe Wagner joue un rôle déterminant dans l'armement de l'une des factions. Je dois dire que le NPD a présenté une motion demandant que ce groupe soit considéré comme une entité terroriste. Cette motion a été acceptée à l'unanimité par la Chambre, mais le gouvernement libéral ne l'a pas encore concrétisée à ce jour.
Ce dont nous sommes témoins est terriblement déchirant; je pense que tous les députés le constatent. Il y a d'incroyables pénuries d'aliments, d'eau, de médicaments et de carburant. Nous savons que la situation empire. Nous savons qu'au moins 450 personnes ont été tuées, selon les données de l'Organisation mondiale de la santé. Nous savons que des hôpitaux et des services essentiels sont paralysés. Nous savons que jusqu'à 270 000 personnes s'apprêtent à quitter le Soudan en tant que réfugiées. Tout cela, en plus du fait que le Soudan a déjà plus de 1 million de réfugiés qui ont fui d'autres conflits.
Nous savons qu'il y a des pannes de courant. Nous savons que ces pannes ont détruit des vaccins, des médicaments et les chaînes d'approvisionnement en charbon. Vu les circonstances, le Canada doit faire tout ce qu'il peut pour aider. Nous devons collaborer avec des alliés comme les États‑Unis pour pousser les parties à accepter un cessez-le-feu afin de mettre immédiatement fin à la violence.
Nous devons défendre le droit humanitaire et exhorter les deux parties à ce conflit à ne pas attaquer les civils, à s'assurer de ne pas cibler les personnes les plus vulnérables en ce moment. Si nous sommes un pays qui croit en une politique étrangère féministe, qui croit en une politique d'assistance internationale féministe, nous devons intervenir maintenant et faire ce que nous pouvons pour aider. Nous devons faire ce que nous pouvons pour sortir les Canadiens du pays et les mettre en sécurité. De nombreux députés en ont déjà parlé.
Je partagerai mon temps de parole avec la députée de , une championne infatigable des questions d'immigration qui parlera des moyens que le Canada pourrait mettre en œuvre pour que les Canadiens qui se trouvent au Soudan puissent en sortir.
J'ai déjà parlé ce soir de certaines des difficultés que je rencontre à cet égard. En 2014, très discrètement, un élément a été retiré de nos lois, à savoir le devoir de protéger. Avant 2014, le Canada avait le devoir de protéger le personnel qui travaillait dans ses ambassades. Nous avions le devoir de protéger les personnes qui travaillaient avec nous et qui nous soutenaient dans les pays du monde entier. Ce devoir a été abrogé en 2014 par Stephen Harper, mais je n'en blâme pas uniquement les conservateurs. J'ai soulevé cette question à de multiples reprises auprès de la ministre, mais elle n'a pas corrigé le problème.
Nous avons une responsabilité envers ces gens, que nous soyons prêts à l'admettre ou non et que le gouvernement libéral veuille l'admettre ou non. Je suis consternée que nous ayons laissé des gens en Ukraine et que nous ayons laissé le personnel national là-bas, dans cette situation dangereuse. Je suis consternée que nous ayons laissé tomber les Afghans. Nous les avons abandonnés dans des circonstances dangereuses. Je suis consternée que nous ayons laissé tomber des Soudanais au Soudan. Nous les avons mis en danger parce que nous ne nous sommes pas acquittés de notre devoir de les protéger.
C'est l'une des choses dont je voulais parler aujourd'hui. Ce qui se passe au Soudan est horrible, et il y a bien des choses que nous devrions pouvoir faire, mais le Canada n'est pas en bonne posture pour faire ce travail en ce moment.
Le budget présenté récemment prévoit une diminution de 15 % de l'aide publique au développement. On réduit cette enveloppe budgétaire alors que le monde a besoin que le Canada joue un rôle plus important sur la scène internationale, alors que le monde souffre d'une crise alimentaire comme on n'en a jamais vue auparavant et alors que les difficultés causées par le conflit en Ukraine se répercutent dans le monde entier. Alors que le Canada devrait dire: « Nous serons là. Nous sommes un pays riche, nous pouvons le faire », nous réduisons de 15 % l'aide publique au développement. C'est absolument honteux.
Le Canada a également tourné toute son attention vers l'Ukraine en oubliant les autres. Que les députés me comprennent bien: le Canada doit tout faire en son pouvoir pour aider les gens de l'Ukraine. Toutefois, nous oublions des régions complètes de cette planète envers lesquelles nous avons des responsabilités. Nous abdiquons nos responsabilités envers les gens de l'Afrique subsaharienne.
Depuis 2008, le gouvernement du Canada a réduit sa portée et sa capacité d'aider dans les conflits comme celui-ci. Par conséquent, malgré la situation atroce au Soudan, nous ne sommes pas outillés pour prêter assistance. Nous n'avons plus de soldats du maintien de la paix que nous pouvons déployer sur le terrain pour gérer cette situation. Le Canada, ce pays qui nous rendait si fiers parce qu'il faisait plus que sa part dans de telles situations, ce pays sur qui les autres pays pouvaient compter pour déployer des soldats du maintien de la paix lorsqu'ils en avaient besoin, ne compte même pas 100 soldats du maintien de la paix sur le terrain. Malgré les promesses du gouvernement, nous ne jouons plus ce rôle.
À une certaine époque, nous jouions un rôle crucial. Nous facilitions des rencontres. Nous étions gardiens de la paix. Nous participions au développement international. L'Agence canadienne de développement international, qui existait alors, était respectée dans le monde entier. Elle n'existe plus. Maintenant, nous avons Affaires mondiales Canada. Pour ceux qui ne le sauraient pas, regrouper le développement, la diplomatie et le commerce sous l'enseigne d'Affaires mondiales Canada était censé favoriser une meilleure harmonisation et avoir des effets positifs. Dans les faits, toutefois, le commerce l'a emporté. Soudainement, le gouvernement actuel ne s'intéressait qu'au commerce plutôt qu'à nos obligations morales, à la valeur de la diplomatie ou à l'idée de jouer un rôle sur la scène mondiale ou dans un contexte multilatéral.
Je l'ai déjà dit: lorsque nous examinons notre politique étrangère et la manière dont le Canada interagit avec le monde, nous constatons que la diplomatie, le fait de participer à ces conversations, le développement et le commerce sont tous des éléments très importants. Mais les députés savent-ils ce qu'est le commerce? Le commerce est en quelque sorte le dessert qu'ils obtiennent lorsqu'ils accomplissent le dur labeur de la diplomatie et du développement. Comme pour tout, s'ils ne mangent que du dessert, ils vont tomber malades. Ils ne se porteront pas bien. Voilà où en est notre politique étrangère à l'heure actuelle.
Nous ne nous concentrons que sur le commerce. Nous ne nous rendons pas compte qu'il est vital d'établir les relations nécessaires avec les peuples du monde entier. C'est vital parce que c'est la bonne chose à faire d'un point de vue moral et que nous avons l'obligation de le faire. Mais c'est aussi une bonne chose pour les Canadiens. Cela nous permet de développer des relations commerciales et d'entretenir des relations avec des personnes du monde entier.
Je regarde ce qui se passe au Soudan et j'ai le cœur brisé, car nous savons à quel point le peuple soudanais a déjà souffert. Des femmes et des enfants soudanais vont perdre la vie. Je suis également en colère parce que le Canada, qui devrait être en mesure d'apporter son aide, ne le fait pas. Le Canada, qui devrait être l'un de ces pays qui investissent dans le monde et dans l'amélioration du monde, est absent. Cela me met très en colère.
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Monsieur le Président, je suis heureuse que nous soyons tous ici ce soir pour parler de la situation d'urgence au Soudan et de la violence horrible que nous voyons dans ce pays qui, comme mon collègue et bien d'autres députés l'ont déjà dit à la Chambre, est au bord de la guerre civile.
La violence et les préjudices qui ont cours en ce moment ont des conséquences désastreuses. Comme on l'a déjà dit, ce sont des femmes et des civils qui sont pris entre deux feux, qui vivent des souffrances incommensurables, qui sont blessés et tués.
En écoutant le débat, je me suis demandé ce que fait le gouvernement. Nous avons entendu la parler des efforts du gouvernement pour répondre à la crise et aider des Canadiens et d'autres personnes à se mettre en sécurité, mais nous voyons que la réalité sur le terrain est bien différente. Le gouvernement dit une chose, mais en réalité, il agit tout autrement.
Avant le débat d'urgence, j'ai entendu aux nouvelles que, selon des Canadiens qui connaissent des gens qui sont sur le terrain au Soudan, les Canadiens sur le terrain doivent se débrouiller principalement par eux-mêmes pour sortir du pays. Ils doivent trouver un vol commercial, et le gouvernement du Canada n'offre pas vraiment d'aide à cet égard. En comparaison, d'autres pays mènent une évacuation beaucoup plus efficace.
Cela nous rappelle d'autres situations. Je prendrai l'exemple de l'Afghanistan. Nous parlions, il y a un moment, de l'obligation de diligence et de nos responsabilités envers les résidants locaux qui ont aidé les Canadiens à accomplir leur travail. Qu'arrive-t-il, toutefois, chaque fois qu'une crise comme celle-ci survient? On les abandonne. C'est ce qui est arrivé en Afghanistan.
En fait, mon bureau tient une liste de plus en plus longue d'Afghans qui ont mis leur vie en péril pour soutenir l'armée canadienne dans sa mission, mais leurs êtres chers ont été laissés derrière. Le gouvernement a instauré un programme d'immigration puis il s'est pété les bretelles en proclamant qu'il avait fait du bon travail. Pourtant, il a fait venir en sécurité un très petit nombre de personnes qui ont aidé le Canada et qui sont prises dans une crise humanitaire. En fait, il a perdu des dossiers. De manière très surprenante, Affaires mondiales Canada ne sait pas où se trouvent ces personnes et leur demande d'immigration a été égarée. Le problème actuel est tel que des personnes traînent le gouvernement devant les tribunaux pour le forcer à placer leurs êtres chers en sécurité. C'est la même situation au Soudan. Des personnes ont été laissées derrière.
J'ai demandé à la si le gouvernement canadien prendra des mesures spéciales en matière d'immigration pour mettre ces personnes en sécurité, y compris les non-Canadiens, et les Canadiens qui ont de la famille et des proches qui sont Soudanais et qui auront besoin d'une mesure spéciale en matière d'immigration pour les faire venir ici afin qu'ils soient en sécurité. Le gouvernement s'engagera-t-il à prendre une telle mesure? Je n'ai pas entendu de réponse de la part de la ministre. Elle s'est éloignée du sujet. Elle a parlé d'autre chose, puis elle a détourné le sujet et a déclaré que le faisait du bon travail. Eh bien, ce n'est pas vraiment le cas, je suis désolée de le dire, parce que le gouvernement abandonne les gens encore et encore.
Lorsqu'il est question de notre devoir de protection, il s'agit, à mon avis, de la responsabilité et de l'obligation morale du gouvernement de mettre ces personnes en sécurité. Elles ont servi le Canada en aidant les Canadiens à faire leur travail. Nous ne pouvons pas leur tourner le dos, mais c'est exactement ce que nous faisons. C'est pourquoi je participe ce soir à ce débat.
J'approuve certaines des mesures d'immigration prises par le gouvernement canadien. Par exemple, les Soudanais qui sont au Canada pour un séjour temporaire, qu'ils détiennent un permis de travail, un permis d'études ou autre, pourront prolonger leur visite. Je m'en réjouis, mais je dirai que le gouvernement doit en faire plus.
Les libéraux disent qu'ils vont accélérer le traitement de la demande de ceux qui détiennent un visa de résident temporaire ou les demandes de résidence permanente qui ont été complétées. C'est bien, mais ils auraient déjà dû faire cela de toute façon. Le gouvernement canadien doit offrir des mesures d'immigration spéciales à ceux qui n'ont pas encore soumis de demande. Ainsi, les Canadiens qui ont de la famille au Soudan pourront parrainer des membres de leur famille élargie afin que ceux-ci puissent venir au Canada.
Nous avons aussi le devoir de prendre soin de ceux qui ont travaillé pour le Canada et l'ont servi à titre de membres du personnel sur place. Ces gens doivent être mis à l'abri du danger. Nous ne pouvons pas nous retrouver dans la même situation encore et encore, car le gouvernement canadien enverra ainsi au reste du monde le message que si quelqu'un aide le Canada à l'étranger, nous allons les abandonner en cas de crise. Ce n'est pas le genre de message que nous devrions transmettre. Nous devons redresser la barre et faire tout ce que nous pouvons pour respecter cette obligation de diligence.
On a parlé de la crise humanitaire. Les Soudanais sont à court de nourriture, de fournitures et d'eau. Je viens de voir l'OMS faire à nouveau la une de l'actualité avec une mise en garde contre un risque biologique, l'un des laboratoires soudanais ayant été saisi. Les fonctionnaires de l'ONU qualifient cette situation d'extrêmement dangereuse, et c'est la réalité à laquelle ils sont confrontés en ce moment. Je demande au gouvernement ce qu'il fait pour collaborer avec ses alliés afin de résoudre cette crise. Nous sortons tout juste d'une pandémie, même s'il en reste des vestiges, et des pays sont confrontés à d'autres crises. Je pense qu'elles se propageront inévitablement dans le monde entier, et pas seulement dans ces régions, et qu'elles auront aussi des conséquences plus graves.
Quel est le plan que le gouvernement va mettre en œuvre pour collaborer avec la communauté internationale afin de résoudre cette crise? Une autre question tout aussi importante, et pas seulement en ce moment au Soudan: qu'est-ce que le gouvernement canadien prévoit pour l'avenir, puisque nous savons que ce genre de situation se répète sans cesse? Au Comité spécial sur l'Afghanistan, nous avons abordé cette question. Nous avons parlé des leçons apprises et de ce que nous devons faire pour les mettre à profit, en prévoyant que des crises continueront d'émerger dans la communauté internationale.
En conséquence, mes questions au gouvernement sont les suivantes. Que faisons-nous? Où en est la planification? Comment garantir aux Canadiens et à la communauté internationale que le Canada est au sommet de sa forme, que nous serons là, que nous nous présenterons et que nous aurons effectivement des plans en place pour faire face à ces crises?
Pour l'instant, rien ne le prouve. À chaque fois que ce type de situations se présentent, on a l'impression que le gouvernement canadien est pris au dépourvu. Nous ne sommes pas à la hauteur. Nous devons faire mieux. Ma collègue a parlé du rôle historique du Canada, du fait que nous sommes une puissance moyenne et que nous sommes capables de négocier la paix et d'avoir la confiance de la communauté internationale pour faire ce travail. Nous avons perdu une grande partie de cette crédibilité et nous continuons à nous enliser. Nous devons trouver une solution, et nous devons faire un pas en avant. Nous devons faire mieux, car l'humanité en dépend.