La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
:
Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois.
Nous sommes ici pour discuter de cette mesure législative en raison du manque de transparence en matière de propriété effective, qui empêche le Canada de combattre les crimes financiers graves, tels que la fraude, le blanchiment d'argent, et l'évasion fiscale. Ce manque de transparence limite également notre capacité à appliquer des sanctions nationales et internationales, et à retracer et à geler efficacement des actifs financiers. Enfin, elle mine la confiance des Canadiens et des investisseurs étrangers envers notre marché.
Notre incapacité à identifier rapidement et en toute discrétion le propriétaire bénéficiaire d'une société retarde le déroulement des enquêtes criminelles, prive les forces de l'ordre de pistes pour identifier des suspects, des témoins et des preuves, et entrave l'identification et la saisie des produits possiblement issus de la criminalité. Cela limite également la capacité des entreprises privées à se protéger.
Les acteurs malveillants utilisent depuis longtemps des sociétés pour dissimuler la propriété et le contrôle de biens, ce qui nuit à la confiance des Canadiens et d'autres acteurs envers les entreprises privées. Un registre public des propriétaires bénéficiaires viendrait compléter les outils dont disposent les forces de l'ordre, tout en facilitant l'identification des changements de propriétaire sans risquer d'alerter les suspects d'une enquête en cours. Cela permettrait ainsi d'empêcher la dispersion des produits de la criminalité faisant l'objet d'une enquête ou d'une ordonnance de gel.
À présent, la nécessité de ce type de registre a été bien établie, notamment par la consultation publique organisée par le gouvernement du Canada en 2020, ainsi que par la Commission d'enquête sur le blanchiment d'argent en Colombie‑Britannique plus récemment. De tels registres existent d'ailleurs au Royaume‑Uni et dans de nombreux pays depuis 2016 et ils se sont montrés utiles pour dissuader les forces de l'ordre, les journalistes et la société civile d'utiliser les entreprises à des fins d'activités financières illicites.
En 2018, par exemple, Transparency International a découvert que le premier ministre tchèque de l'époque était le seul bénéficiaire de deux fonds de placement détenant des actions d'un conglomérat tchèque bénéficiant de subventions de l'Union européenne. Dans un conflit d'intérêts important, le registre public slovaque a montré que le premier ministre restait propriétaire en dernier ressort de ces fiducies.
En 2019, le service responsable du registre britannique, le pionnier au niveau mondial, a publié un rapport sur les leçons qu'il avait tirées jusqu'à présent. Tous les organismes chargés de l'application de la loi avec lesquels le service s'est entretenu ont utilisé le registre pour éclairer leurs enquêtes criminelles, et la plupart d'entre eux ont indiqué qu'ils l'utilisaient au moins une fois par semaine et ont noté l'effet positif qu'il avait sur leur travail. Selon d'autres sources, le registre britannique a été consulté plus de deux milliards de fois par an.
Plus récemment, l'enquête OpenLux menée par des journalistes qui avaient compilé et analysé des données provenant du registre public de la propriété effective du Luxembourg a mis au jour des personnes politiquement vulnérables, des organisations criminelles, un trafiquant d'armes et des oligarques liés à des sociétés luxembourgeoises.
Un registre de la propriété effective serait avantageux aussi pour les autorités fiscales canadiennes et étrangères, qui pourraient s'en servir pour repérer et combattre l'évasion fiscale ainsi que l'évitement fiscal abusif. Les Panama Papers et d'autres fuites à grande échelle ont révélé que les fraudeurs cherchent des pays où il y a peu de transparence en matière de propriété effective, et qu'ils y superposent divers niveaux de propriété par des personnes morales afin de masquer les intérêts et les revenus des propriétaires physiques. Plus la chaîne des entités impliquées entre le revenu et les véritables propriétaires est longue, plus il est difficile d'établir la vérité.
Il ne faut pas sous‑estimer l'importance du fardeau que l'évasion fiscale et l'évitement fiscal font peser sur l'économie canadienne. De manière générale, verser l'information sur la propriété effective dans un registre accessible fournirait des renseignements de nature civile et criminelle, et permettrait aux autorités policières et aux organismes de réglementation de se tenir au courant des cas de fraude, des tendances et des moyens employés par les sociétés pour favoriser ces tendances.
L'accès à cette information permet de recueillir des renseignements pouvant mener à des poursuites et de trouver des pistes d'enquête. Certaines autorités gouvernementales peuvent aussi avoir de bonnes raisons de vouloir identifier le propriétaire bénéficiaire d'une entreprise avec laquelle elles font des affaires, à laquelle elles délivrent un permis ou dont elles encadrent les activités.
Rendre publique l'information sur la propriété bénéficiaire contribue à renforcer la bonne gouvernance et la confiance. Toutes les entreprises peuvent ainsi vérifier avec qui elles font des affaires en consultant le registre des fournisseurs et des clients potentiels, et les entreprises assujetties à la réglementation contre le blanchiment d'argent peuvent consulter le registre afin d'exercer la diligence requise.
Les registres et la transparence qui en découle ont aussi un effet dissuasif sur les acteurs illicites. Lorsqu'on resserre les exigences en matière de divulgation à l'égard d'un secteur, d'un produit ou d'un service en particulier, les criminels potentiels changeront de tactique ou trouveront d'autres moyens de blanchir de l'argent. En privant les propriétaires de leur anonymat, les registres feront du Canada un pays moins attrayant pour ceux qui veulent commettre des crimes financiers, ce qui les obligera à employer des méthodes criminelles plus risquées ou d'aller tout simplement ailleurs.
De façon générale, il est évident que le projet de loi améliorerait considérablement la capacité du Canada de lutter contre les crimes financiers. Il aiderait les autorités publiques à faire des vérifications à l'égard des propriétaires à tous les échelons de l'entreprise, il aiderait les entreprises à mieux valider l'identité de leurs partenaires commerciaux, de lutter contre le blanchiment d'argent, de lutter contre l'évasion fiscale, et de rendre plus difficile l'utilisation des entreprises à des fins illicites. J'espère que tous les députés se joindront à nous pour faciliter l'adoption du projet de loi.
:
Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi . Nous sommes de plus en plus conscientisés par rapport à cette question très importante. Il y a quelques années, on entendait rarement parler du genre de situation dont nous débattons aujourd'hui à la Chambre.
Nous sommes très conscients de choses telles que les Paradise Papers et les questions entourant les sociétés, le blanchiment d'argent et j'en passe. Le Canada et d'autres pays cherchent des moyens de gérer la question de la propriété effective et son incidence. Nous envisageons de créer un registre et tentons d'améliorer le système.
À entendre les observations des députés d'en face et des députés du caucus libéral aujourd'hui, on constate que le projet de loi jouit d'un appui assez généralisé. Cela dit, je respecte le fait que les députés de l'opposition et d'autres ont des questions à propos du projet de loi. J'imagine que son étude en comité donnera l'occasion d'examiner les possibilités de le renforcer.
Jusqu'à présent, je trouve le débat au sujet du projet de loi encourageant. J'ai eu l'occasion de poser quelques questions, et j'aimerais exprimer, de manière générale, quelques-unes de mes préoccupations.
J'aimerais revenir sur quelques points qui ressortent du débat d'aujourd'hui. En particulier, le NPD a parlé d'équité fiscale et de perte de revenus. À mon avis, si l'on posait la question aux Canadiens, on constaterait qu'ils sont partants pour payer des impôts, pourvu que ces derniers soient équitables.
Les gens sont prêts à payer leur juste part. Voilà pourquoi, depuis qu'il est au pouvoir, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour améliorer le système de manière à ce qu'il fonctionne mieux pour tout le monde, comme s'y attendent les Canadiens. Je ne sais pas combien de fois j'ai eu l'occasion de parler des premières mesures que nous avons prises à titre de gouvernement.
J'aimerais commencer par un élément en particulier, c'est-à-dire que, peu de temps après avoir été porté au pouvoir, le gouvernement a pris de nombreuses mesures, notamment fiscales, afin de valoriser et de soutenir la classe moyenne canadienne.
J'aimerais en dire davantage sur quelques-unes de ces mesures. La première qui me vient en tête, c'est, évidemment, la réduction d'impôt pour la classe moyenne que nous avons proposée au début de notre mandat. C'était une mesure législative ouvertement destinée à rendre le régime fiscal plus équitable en donnant un répit à la classe moyenne.
Au même moment, on s'en souviendra, il y a eu une augmentation des impôts du 1 % le plus riche du Canada. C'est une question d'équité fiscale. Il y a aussi eu d'autres mesures budgétaires.
J'ai parlé de l'évitement fiscal et de ceux qui font tout leur possible pour payer leur dû. À mon avis, il s'agit d'un enjeu d'équité fiscale. Par contre, pour tenir notre promesse, il faut donner à l'Agence du revenu du Canada les ressources nécessaires pour retracer les personnes, les groupes et les sociétés qui emploient des pratiques douteuses pour éviter de payer de l'impôt.
Des sommes importantes ont été allouées à l'agence dans quelques budgets. Avant la pandémie, il y avait eu un investissement supplémentaire de centaines de millions de dollars. Il ne faudrait pas citer le chiffre que je vais donner, mais je crois que, si on combine tous les investissements du gouvernement fédéral dans l'Agence du revenu du Canada pour l'aider à épingler les personnes et les sociétés qui tentent d'éviter de payer leur dû, on doit dépasser le milliard de dollars. On s'attend de l'agence qu'elle trouve des façons de récupérer l'argent des impôts impayés.
La dernière fois que j'ai vérifié, le nombre de vérifications en cours dépassait de loin 1 000 dossiers. Avant 2015, ce nombre était peut-être moins de 100. Ainsi, nous savons que l'Agence du revenu du Canada est en fait plus proactive aujourd'hui que par le passé. Encore une fois, de mon point de vue, il s'agit de chercher des façons d'accroître le sentiment d'équité fiscale chez les Canadiens.
Le récent budget donne cette impression, compte tenu des impôts exigés des banques et des compagnies d'assurance qui font des profits démesurément élevés. Nous constatons que des impôts sont exigés de ces secteurs dans les budgets les plus récents, encore une fois, dans le but de faire en sorte que les Canadiens aient un plus grand sentiment d'équité fiscale.
Le député d' a également parlé de l'impôt des sociétés. J'ai remarqué qu'il a essayé de mettre les libéraux et les conservateurs dans le même panier en disant que les libéraux et les conservateurs considèrent qu'il faut accorder des allégements fiscaux aux entreprises. C'est vrai que des allégements fiscaux ont été accordés aux entreprises. Je ne fais pas partie de ceux qui croient à la théorie du ruissellement des allégements fiscaux pour les entreprises, mais je dirais au député que lorsque le NPD a eu l'occasion de gouverner, en particulier dans ma province, le Manitoba, lorsque j'étais dans l'opposition sous l'administration du premier ministre néo-démocrate Gary Doer, les entreprises ont bénéficié d'allégements fiscaux. Des partis politiques de toutes tendances ont consenti de tels allégements. Cependant, les Canadiens sont très inquiets lorsqu'ils entendent parler de telles mesures, surtout quand ils doivent payer leurs impôts dans un contexte de multiples pressions inflationnistes.
Ainsi, à la lumière des commentaires que je viens de formuler, le projet de loi répond à un besoin.
Le projet de loi est une tentative du gouvernement de faire un certain nombre de choses. Il ne s'agit pas seulement de garantir l'équité fiscale, mais aussi de renforcer la transparence et la responsabilité.
Comme cela a été souligné, le blanchiment d'argent est un problème très grave au Canada, dans certaines provinces plus que dans d'autres. Il cause de nombreuses difficultés. L'exemple le plus parlant est probablement celui que cite le député d'en face en ce qui concerne le logement.
Des spéculateurs et des personnes qui veulent blanchir de l'argent se servent du logement comme instrument. Tous ceux qui investissent dans le logement au Canada ne blanchissent pas nécessairement de l'argent. Je n'essaie pas de dire cela, mais nous savons qu'il y a du blanchiment d'argent qui se fait au pays dans le marché résidentiel et dans la construction des condominiums.
Le député a fait référence à Vancouver et à la Colombie-Britannique. Nous savons que le problème dépasse largement le cadre d'une seule province. Il y a du blanchiment et de la spéculation aussi à Toronto. Cela fait grimper le coût du logement.
Avec les mesures budgétaires que nous avons prises dans le passé et les projets de loi d'exécution du budget antérieurs, nous avons tenté d'adopter certaines restrictions pour empêcher ce type de propriété étrangère ou même imposer les propriétaires qui ne sont pas des occupants ou des résidents du Canada, dans le but qu'ils paient leur juste part d'impôt.
La question de la transparence et de la reddition de comptes des entreprises entre ici en jeu. Au bout du compte, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les sociétés par actions, il s'agit de la moderniser pour faire en sorte qu'il y ait une plus grande transparence et une plus grande reddition de comptes de la part des entreprises.
À mon avis, l'outil principal sera le registre ouvert et public où il sera possible de faire des recherches dans les renseignements sur la propriété ou la propriété effective. Je pense que cet outil changera considérablement les choses.
Pour ce qui est de ce que la Loi canadienne sur les sociétés par actions prévoit, elle permet notamment la production de certificats de conformité. Si une entreprise ne respectait pas la loi, nous aurions un outil pour faire en sorte qu'elle n'obtienne pas un tel certificat, ce qui peut avoir de profondes répercussions sur elle. Sans un certificat de conformité, elle aurait plus de difficultés à obtenir des prêts ou à faire affaire avec des fournisseurs.
Au final, je pense que l'adoption de ce projet de loi et la création d'un registre public et consultable des propriétaires bénéficiaires permettraient de retracer beaucoup plus de fonds, et donc de réduire le blanchiment d'argent et l'utilisation de fonds à des fins illégales. À mon avis, c'est un aspect de cette mesure législative dont nous devons être conscients.
Le gouvernement s'est engagé à créer un régime rigoureux et efficace de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme afin d'améliorer la confiance du public envers les entreprises. Il ne faut pas grand-chose pour qu'une entreprise fasse du blanchiment d'argent, ce qui a une incidence sur tout le milieu des affaires. La grande majorité des entreprises sont honnêtes et apportent beaucoup à la société. En effet, elles créent des emplois et font d'autres contributions, notamment dans le développement des collectivités. L'existence de quelques brebis galeuses entache la réputation de l'ensemble des entreprises.
Par conséquent, la grande majorité des entreprises ne s'opposent aucunement à l'adoption d'une mesure législative visant à lutter contre le blanchiment d'argent ainsi qu'à améliorer l'obligation de rendre des comptes et la transparence. Les consultations qui ont eu lieu remontent à 2020 et se sont poursuivies jusqu'en 2022. Un grand nombre d'acteurs du domaine et de groupes d'intérêt ont été consultés. On a même consulté d'autres pays.
Nous voulons bien faire les choses. Nous sommes conscients des enjeux en matière de protection des renseignements personnels, et ces enjeux ont été soulevés à la Chambre. En ce qui concerne ce qui s'était passé en Europe, les tribunaux ont rendu une décision sur la question de la protection des renseignements personnels, alors avançons à pas mesurés sur cette question. Cependant, il est absolument essentiel que nous continuions à faire progresser cette mesure législative, parce qu'elle changera la donne.
Certaines provinces sont allées plus loin que d'autres. Le Québec a adopté un projet de loi, et je crois qu'il est déjà en vigueur. Je n'en suis pas tout à fait sûr. Comme il existe des questions relatives aux compétences dans un système fédéral, il faut être conscients que certaines provinces ont beaucoup plus à faire que d'autres. Adopter une approche pancanadienne sera donc fort utile pour trouver des pratiques exemplaires et nous assurer que, en plus des sociétés sous réglementation fédérale enregistrées aux termes de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, les sociétés de compétence provinciale ou territoriale aient également une obligation accrue de transparence et de reddition de comptes.
En examinant la mesure législative et en écoutant les interventions, je pense maintenant bien comprendre bon nombre d'observations qui ont été faites aujourd'hui. J'encouragerais les députés à tenir compte de l'engagement qui a été pris de tenter de faire adopter le projet de loi avant la fin de l'année, ce qui est plus tôt que nous l'avions indiqué initialement. Toutefois, pour y parvenir, les partis de l’opposition doivent appuyer provisoirement le principe du projet de loi, comme ils ont laissé entendre qu'ils le feraient aujourd'hui, puis accepter le renvoi de la mesure au comité. Je crois que ce serait quelque chose de bénéfique, étant donné que tous les partis semblent l'appuyer en principe.
C'est ce que j'encourage les députés à faire, car je sais qu'ils se préoccupent du problème de blanchiment d'argent et qu'ils tiennent à assurer une plus grande reddition de comptes et transparence au sein d'un secteur névralgique, dans le but d'améliorer l'équité fiscale. Je le répète, à mon avis, c'est la raison d'être de ce projet de loi. Les Canadiens ne voient pas d'objection à payer leur juste part d'impôts. Ils sont donc très contrariés quand ils entendent parler de blanchiment d'argent, ou de particuliers et d'entreprises qui, eux, ne veulent pas payer leur juste part.