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Monsieur le Président, j'espère que le projet de loi marque le début d'un changement à la Loi sur les langues officielles, ou LLO, et à la politique linguistique fédérale qui a sans doute été le principal facteur d'anglicisation du Québec. C'est au Québec que se trouvent 90 % des francophones au Canada. Le Québec était aussi appelé le foyer de la francophonie nord-américaine.
J'ose espérer que c'est un signe du début d'une prise de conscience au Canada anglais et la reprise d'un mouvement d'affirmation des communautés francophones et acadiennes et de libération nationale au Québec. Pour assurer l'avenir de notre langue, de notre culture et de ce qui fait de nous un peuple unique, il faut nous libérer de notre subordination à une politique fédérale qui nous empêche de faire du français la langue officielle et commune et d'exercer notre droit à l'autodétermination.
Pour comprendre le présent, il faut connaître le passé. Pour s'orienter dans l'avenir, il faut aussi connaître notre histoire. C'est pourquoi je vais d'abord parler un peu de la Loi sur les langues officielles pour ensuite passer au projet de loi C‑13 et à ce qui va nous rester à accomplir dans l'avenir si on veut réellement assurer l'avenir et contrer le déclin du français.
Le poète et politicien québécois Gérald Godin, qu'un de mes collègues du NPD a cité récemment, a dit ceci en 1983:
La politique linguistique fédérale à l'égard de la langue française au Canada tient en gros dans les principes suivants: renforcer le français là où il est au stade terminal; rester passif là où il a des chances réelles de s'affirmer et l'affaiblir là où il est fort. »
Malheureusement, cela reste encore d'actualité aujourd'hui.
Après qu'une majorité de francophones à l'extérieur du Québec a été assimilée par des mesures prises dans toutes les provinces canadiennes, par des lois et des règlements qui interdisaient l'enseignement du français dans les écoles et son utilisation dans les Parlements provinciaux, le gouvernement de la majorité canadienne a adopté une loi qui visait à renforcer l'anglais au Québec et à appuyer les communautés francophones et acadiennes trop faiblement pour contrer leur anglicisation progressive.
D'une part, la Loi sur les langues officielles a visé essentiellement à appuyer l'anglais au Québec parce que Pierre Elliott Trudeau a décidé que le gouvernement fédéral appuierait les minorités de langue officielle par province; comme par hasard, au Québec, c'est les anglophones. Il a refusé d'appuyer André Laurendeau, qui proposait un statut particulier pour le Québec. Pour M. Laurendeau, c'était essentiel. Il s'inspirait des modèles belge ou suisse qui sont fondés sur le principe de la territorialité, mais M. Trudeau a rejeté cette proposition en vertu de son idéologie antinationaliste.
L'approche fondée sur la territorialité correspond à un des deux grands modèles de politique linguistique dans le monde. Il vise à établir une langue officielle et commune sur un territoire donné. La Loi sur les langues officielles est plutôt fondée sur le principe de personnalité, c'est-à-dire une politique de bilinguisme institutionnel qui vise à donner le choix de l'anglais ou du français à l'individu. C'est pourquoi on dit que ce type de politique favorise le choix de la langue majoritaire, c'est-à-dire en vertu du principe de personnalité.
Le professeur en droit linguistique du Québec Guillaume Rousseau a affirmé que « [...] selon pratiquement tous les spécialistes des politiques linguistiques de partout dans le monde, seule une approche fondée sur la territorialité peut assurer la survie et l'épanouissement d'une langue minoritaire. » En se basant sur le principe de la personnalité, la Loi sur les langues officielles vise à imposer l'anglais comme langue officielle au Québec.
L'autre grand fondement de la Loi sur les langues officielles est la symétrie ou l'équivalence présumée entre les anglophones au Québec et les communautés francophones et acadiennes. Cette symétrie était aberrante dès le départ. Elle contredisait les observations scientifiques de la commission Laurendeau-Dunton, qui a établi que, même au Québec, les francophones étaient défavorisés tant sur le plan économique que sur le plan institutionnel.
Le revenu des travailleurs d'origine française se situait au 12e rang sur 14 groupes linguistiques. Par la suite, le statut économique des francophones au Québec a progressé, a connu un rattrapage marqué, néanmoins partiel. Selon les données de Statistique Canada, en 2016, le revenu moyen de l'ensemble des travailleurs à temps plein de langue maternelle française est de 7 820 $ de moins que celui des anglophones.
Il y a toutes sortes de débats, mais quand on prend des indicateurs qui sont moins sensibles aux disparités des revenus et qui incluent, par exemple, une grande proportion des immigrants, c'est sûr qu'on arrive à des résultats différents. Il reste que les membres de la communauté historique anglophone occupent encore une place très largement favorable.
Bien que les lois interdisant les écoles françaises n'ont pas eu cours au Québec, l'enseignement du français y a longtemps été sous-financé et fortement restreint dans des régions comme le Pontiac. Il est particulièrement aberrant que, à cette époque, la Loi sur les langues officielles et son programme d'enseignement en langue officielle aient visé à soutenir pratiquement exclusivement l'anglais au Québec. L'injustice a été encore beaucoup plus flagrante pour les communautés francophones et acadiennes qui avaient subi cette interdiction des écoles françaises.
Une étude de la Commission nationale des parents francophones a montré que de 1970 à 1988 les anglophones du Québec avaient reçu 47 %, c'est-à-dire 1,1 milliard de dollars, du financement total du programme de langue officielle du gouvernement canadien pour les établissements d'éducation anglophone. Il y a eu 9,5 % pour l'enseignement de l'anglais langue seconde au Québec, 14,5 % pour les écoles d'immersion hors Québec. La Commission nationale des parents francophones a indiqué avoir trouvé vraiment frappant que 71,5 % des fonds aient été finalement versés à la majorité. Seulement 28,5 % du financement a été alloué à l'enseignement du français hors Québec dans la langue maternelle. Pendant ce temps, comme il est noté dans le rapport de la Commission, dans toutes les provinces hormis le Québec, des nombres importants de francophones n'avaient toujours pas accès à une éducation dans leur langue et se faisaient assimiler à toute allure.
Dans sa déclaration sur les langues officielles, Pierre Elliott Trudeau disait que « [l]es Canadiens francophones n'habitant pas le Québec doivent jouir des mêmes droits que les anglophones du Québec. » En fait, son programme d'enseignement en langue officielle a fait tout le contraire. Il a renforcé la situation privilégiée des anglophones du Québec et laissé les institutions d'enseignement francophone hors Québec être largement défavorisées.
Aujourd'hui, le financement fédéral est mieux réparti par province, mais la majorité des subventions continue d'être consacrée aux écoles d'immersion hors Québec; au Québec, le financement continue d'être alloué pratiquement exclusivement à l'anglais.
En se basant sur des données de recensement, on observe que les anglophones du Québec présentent davantage les caractéristiques d'une majorité que d'une minorité en ce qui a trait à leur vitalité linguistique. Alors que les anglophones de langue maternelle représentent 8,8 % de la population au Québec en 2021, 43,3 % des substitutions linguistiques des allophones se font vers l'anglais. La part de l'anglais dans les gains globaux par voie d'assimilation est de 50,8 %.
Avec un peu moins de la moitié des substitutions linguistiques en 2021, la proportion de francophones poursuit nécessairement son déclin au Québec, comme dans l'ensemble du Canada. Cela prend environ 90 % des substitutions linguistiques chez les citoyens issus de l'immigration pour simplement maintenir le poids démographique des francophones au Québec. Cela correspond au poids relatif démographique des francophones et des anglophones.
Ce n'est pas surprenant que l'ensemble des études de projection qui ont été faites pointent toutes dans la même direction, c'est-à-dire le déclin du français. En 2021, non seulement Statistique Canada a confirmé cette tendance, mais les résultats montrent aussi qu'on a sous-estimé le déclin du français au Québec.
Rappelons les fondements de la Loi sur les langues officielles. J'ai parlé tantôt d'un des fondements, soit le principe du statut minoritaire des anglophones, qui ne tient pas compte des données scientifiques. On constate de prime abord que ce principe est complètement aberrant en termes de pouvoir politique et juridique. En effet, tant que le Québec sera à l'intérieur du Canada, il sera soumis à la volonté de la majorité canadienne, qui est anglophone et qui élit le gouvernement fédéral avec son pouvoir prédominant de légiférer et de dépenser. C'est ce qu'on voit ici.
D'ailleurs, le gouvernement fédéral et les provinces anglophones ont imposé, en 1982, une Constitution qui n'a jamais été entérinée par aucun gouvernement du Québec et en vertu de laquelle la Charte de la langue française a été affaiblie dans la plupart de ses mesures d'application les plus importantes. On se rappelle que 74 députés du Québec sur 75 étaient libéraux et qu'ils ont tous voté en faveur de cela, sauf un député. Cela en dit long sur l'objectif du Parti libéral à ce moment-là.
D'ailleurs, dans un avis sollicité par des intervenants sur la langue de l'affichage commercial au Québec, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a affirmé en 1993 que les citoyens canadiens anglophones ne pouvaient pas être considérés comme une minorité linguistique, puisqu'ils font partie de la majorité canadienne.
J'ai fait une compilation des données à partir des comptes publics du Canada. Cela démontre hors de tout doute que l'immense majorité des fonds qui sont alloués au Québec contribuent à l'anglicisation et viennet renforcer ladite minorité anglophone. Plus de 95 % de ce financement est alloué à l'anglais au Québec. Depuis 1969, c'est plus de 3,4 milliards de dollars qui ont été consacrés à l'anglais au Québec, alors que la communauté anglophone partait d'une situation privilégiée avec des institutions surfinancées. Cela n'a fait qu'augmenter cet avantage.
Dans plusieurs domaines comme l'enseignement postsecondaire, la santé et les services sociaux, les établissements anglophones bénéficient d'un surfinancement important aussi du gouvernement québécois. En plus des programmes d'appui aux langues officielles, le gouvernement fédéral surfinance massivement les établissements anglophones, que ce soit les universités ou les établissements de santé, par ses projets d'infrastructure et ses fonds de recherche.
Comme le mentionne Frédéric Lacroix, le réseau institutionnel est un jeu à somme nulle. Les réseaux anglophones et francophones servent la même population et sont financés à partir du même budget. Ce qu'un groupe obtient, l'autre doit s'en priver. Plusieurs groupes de pression anglophones disent que ce n'est pas un jeu à somme nulle, mais si on essaie de toucher à leur budget, tout à coup, cela devient un jeu à somme nulle et les réactions sont très agressives.
En 2017, près de 40 % du financement fédéral des universités a été consacré aux universités anglophones. Cette surcomplétude institutionnelle des établissements anglophones contribue puissamment à l'anglicisation des nouveaux arrivants, des allophones et de plus en plus de francophones au Québec.
La politique linguistique fédérale, on peut dire que c'est l'angle mort du débat linguistique au Québec. Plutôt que d'affronter directement le gouvernement du Québec en s'opposant constamment à ses efforts pour faire du français la langue publique commune, le gouvernement fédéral a choisi d'encourager la formation de groupes de pression anglophones. Il a choisi de les façonner et de les financer. Ces organismes sont intervenus pour affaiblir la Charte de la langue française par des contestations judiciaires financées par le Programme de contestation judiciaire fédéral qui a été établi, comme par hasard, en 1978, après l'établissement de la loi 101.
Ces organismes ont un impact très important. Il ne faut surtout pas minimiser cela. Par exemple, ils favorisent constamment les services en anglais, le bilinguisme institutionnel, et cela devient vraiment une entrave au gouvernement du Québec pour faire du français la langue commune et officielle.
Par exemple, en appui à l'affichage en français, René Lévesque affirmait que, à sa manière, chaque affiche bilingue dit à l'immigrant qu'il y a deux langues au Québec, le français et l'anglais, et que l'on choisit celle que l'on veut. Elle dit à l'anglophone qu'il n'a pas besoin d'apprendre le français, car tout est traduit. On l'a vu avec le plan d'action sur les langues officielles, cela se poursuit.
Il faut vraiment remanier ce financement. On l'a vu avec l'appui des instances fédérales qui définissent les anglophones à partir du critère de la première langue officielle parlée, ce qui inclut 33 % des immigrants. Ces organismes travaillent, avec l'appui du gouvernement fédéral, à la minorisation des francophones. On sait aussi que le Quebec Community Groups Network, ou le QCGN, et la quarantaine d'organismes qui lui sont directement affiliés utilisent souvent un discours de culpabilisation des francophones et de victimisation des anglophones, ce que Josée Legault a appelé un « discours xénophobiste » qui est très efficace pour influencer l'opinion publique anglophone de la majorité canadienne ou à l'étranger.
On a vu de nombreux exemples de cela dans la contestation de la loi 96 et, ici, dans les débats portant sur le projet de loi C‑13. On a vu le député de arriver avec des positions qui reprenaient essentiellement celles du QCGN. Cet ancien président d'Alliance Québec présente les services en anglais pour les gens issus de l'immigration d'expression anglophone comme un droit fondamental. On a aussi vu une autre reprendre la désinformation du QCGN, qui disait que la loi 96 vient interdire les services de santé en anglais, ce qui est totalement faux.
Il reste qu'il y a des aspects positifs au projet de loi , qui a quand même reconnu « que la Charte de la langue française du Québec dispose que le français est la langue officielle du Québec » et «[...] qu'elle vise à protéger, à renforcer et à promouvoir cette langue ». En outre, il y a eu tous les amendements de dernière minute, à la suite d'un compromis entre le gouvernement du Québec et celui du Canada pour modifier la nouvelle loi sur l'usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, qui comportait des changements significatifs en faveur de l'asymétrie entre le français et l'anglais.
Ces amendements intègrent à la loi fédérale un certain nombre de dispositions inspirées de la Charte de la langue française, comme généraliser l'usage du français à tous les niveaux d'une entreprise. Il y a d'autres articles qui visent à protéger le droit de travailler en français au Québec. Il s'agit d'une mesure asymétrique qui s'applique au Québec et dans les régions où il y a une forte concentration de francophones, ce qui correspond au modèle territorial sur lequel la loi 101 était basée. Cela pourrait aussi s'appliquer à d'autres régions de façon mixte avec des modèles d'aménagement linguistique pour les francophones hors Québec.
Comme la culture et la langue française sont au cœur de ce qui fait du Québec une nation, le Bloc québécois travaille très fort de façon pragmatique pour obtenir tous les gains possibles. La reconnaissance de la Charte de la langue française et les éléments asymétriques insérés dans le projet de loi C‑13 sont les avancées que nous considérons être les plus accessibles pour l'instant. C'est pourquoi le Bloc québécois va voter pour le projet de loi C‑13.
Il reste que la Loi sur les langues officielles va continuer à être un facteur d'anglicisation du Québec. Nous allons continuer à travailler pour modifier la Loi sur les langues officielles de façon à ce qu'elle ne s'applique plus au Québec pour que nous puissions vraiment réussir à faire du français la langue commune et officielle. Nous allons sortir la Loi sur les langues officielles de l'angle mort du débat public au Québec.
Je pense que les gens vont devoir constater ceci: soit on arrive à des résultats très rapidement, soit la seule solution est de faire du Québec un pays.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, je me lève à la Chambre pour intervenir au nom du NPD à l'étape de la troisième lecture du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les langues officielles. Je veux partager notre appui sans équivoque à ce projet de loi.
Aujourd'hui est un jour historique. On n'avait pas modifié la Loi sur les langues officielles depuis 30 ans, mais on a finalement réussi à le faire. Le travail a parfois été dur, mais il était important pour la francophonie, le Québec, l'Acadie, les Franco-Manitobains et toutes les communautés francophones d'un bout à l'autre du pays.
Sur le plan personnel, c'est important pour moi, pour mes enfants, pour tous nos enfants, pour notre avenir. Je suis une fière francophile. Je suis née à Thompson, au Nord du Manitoba. Je suis la fille de parents immigrants. Ma langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français, mais le grec. Je comprends à quel point je suis chanceuse. Mes parents ont compris l'importance de parler les deux langues officielles du Canada, et c'est grâce à la lutte menée par des francophones de partout au pays, les éducateurs et les alliés, que j'ai eu la possibilité d'étudier le français, notamment en immersion.
Au Manitoba, plusieurs francophones se sont battus pour leurs droits et pour des investissements publics en éducation française. Dans les années 1980, un gouvernement néo-démocrate manitobain duquel faisait partie mon père, Steve Ashton, s'est battu contre la discrimination et a défendu les droits linguistiques des francophones dans les services et dans la loi.
J'ai su dès un jeune âge qu'on ne peut rien tenir pour acquis. Il faut se battre pour avancer. Je sais aussi que des générations de jeunes Canadiens peuvent communiquer dans nos deux langues officielles grâce au dévouement et surtout à la passion pour le français de nos enseignants, de nos écoles et de nos communautés.
Lors de mon dernier discours, j'ai tenu à rendre hommage à presque chaque enseignant que ma génération d'étudiants et moi-même, à Thompson, avons eu à notre école d'immersion, l'École Riverside. C'est grâce à des enseignants, particulièrement lors de mon expérience en immersion, que nous avons appris non seulement le français, mais également la culture francophone. Nous avons maintenant une compréhension unique et enrichie de notre pays et de notre monde.
Je veux la même chose pour mes deux enfants, Stefanos et Leonidas. Ils ont maintenant 5 ans et demi. Ils sont à la maternelle, à l'École La Voie du Nord, une école francophone de la Division scolaire franco-manitobaine, ou DSFM, à Thompson. Mes enfants font partie de la prochaine génération, une génération pour laquelle le monde est devenu plus petit, mais où le français est en déclin au Canada. Il faut mettre fin à ce déclin et se battre pour cette prochaine génération.
Je veux souligner que le travail que nous avons fait en comité était un travail historique. Je suis fière de ce que nous avons pu faire au sein de ce comité. Je veux mentionner quelques changements essentiels que nous avons apportés au projet de loi pour le rendre plus fort et pour pouvoir mieux s'attaquer au déclin du français dans notre pays.
En premier, il faut reconnaître que des changements ont été insérés dans le projet de loi en ce qui a trait à l'immigration. Nous devons nous assurer d'avoir des cibles ambitieuses reconnaissant qu'il faut accueillir des immigrants francophones, des familles francophones pour pouvoir enrichir nos communautés partout au pays et s'attaquer au déclin du français.
Je reconnais qu'il s'agit aussi d'une priorité dans le plan d'action du gouvernement. À ce sujet, rappelons-nous qu'il n'est pas suffisant d'avoir des cibles ambitieuses. Il faut aussi investir dans les services consulaires, particulièrement en Afrique subsaharienne, investir dans les services d'établissement ici, au Canada, et s'assurer d'avoir un système bien organisé et bien ciblé pour pouvoir recruter les gens dont nous avons besoin. Je veux particulièrement mettre l'accent sur le recrutement d'éducateurs de la petite enfance jusqu'aux études primaires, secondaires et postsecondaires.
La réalité, c'est qu'il y a une grande pénurie de main-d'œuvre dans le domaine de l'éducation en français, que ce soit en immersion et dans le réseau francophone hors Québec. Il faut pouvoir agir pour trouver des solutions à cette pénurie de main-d'œuvre. Il faut reconnaître que l'Association canadienne des professionnels de l'immersion a dit que 10 000 enseignants supplémentaires étaient nécessaires pour répondre à la demande actuelle en immersion française et en français langue seconde.
Comment allons-nous pouvoir résoudre ces pénuries d'enseignants et attirer les professionnels nécessaires pour maintenir les services publics des écoles et des garderies en français et en immersion? Il faut viser les cibles ambitieuses du projet de loi C‑13 avec des investissements ciblés et avec un vrai plan pour accueillir les gens dont nous avons besoin pour pouvoir éduquer la prochaine génération d'enfants et de jeunes en français partout au pays.
Il faut dire que cette question me touche personnellement. J'ai déjà mentionné à plusieurs reprises au comité que mes propres enfants avaient été sur une liste d'attente pendant plus d'un an pour obtenir une place à la garderie en français de ma communauté en raison de la pénurie de main-d'œuvre. Plusieurs efforts ont été déployés pour régler ce problème. On a notamment tenté de faire venir au Canada des personnes qui avaient une expérience dans le domaine de la petite enfance. Malgré tous ces efforts, on n'a pas réussi à régler le problème. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n'a pas apporté une aide adéquate. Le résultat est que plusieurs enfants, dont les miens, n'ont pas pu aller à la garderie en français.
Il faut pouvoir faire ces investissements essentiels dans le domaine de l'éducation pour qu'on puisse éduquer la prochaine génération en français.
Cette avancée dans le projet de loi est aussi reliée à un des autres changements que nous avons pu apporter au projet de loi, et dont je suis très fière. C'est le NPD qui a fait des pressions pour qu'on inclue la négociation des clauses linguistiques obligatoires dans les ententes entre les provinces et le fédéral. Notre objectif est que chaque entente entre le fédéral et les provinces comporte des clauses linguistiques afin qu'un financement soit accordé aux communautés francophones et anglophones en situation minoritaire et qu'elles obtiennent leur juste part. Que ce soit en matière de santé, de services d'aide à l'emploi ou de services de garde, il est indéniable qu'il faut inclure des clauses linguistiques dans nos accords entre le fédéral et le provincial pour veiller à ce que les communautés francophones ou anglophones en situation minoritaire aient accès à des services et à des possibilités adéquates.
Je veux aussi souligner que nous avons pu apporter des changements pour accorder plus de pouvoirs au Conseil du Trésor quant à l'application du projet de loi C‑13. Nous avons aussi pu donner plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles. Nous avons pu apporter des changements qui étaient demandés par plusieurs intervenants, notamment en ce qui a trait à l'accès à la justice. Je veux mentionner que les juristes francophones du Manitoba ont indiqué clairement qu'il fallait que le projet de loi C‑13 traite de l'importance de l'accès à la justice en français et qu'il veille à ce que les francophones du Manitoba puissent aller en cour en français. Bien sûr, le même droit s'appliquera aux communautés anglophones en situation minoritaire. Avec tous nos collègues autour de la table, nous avons pu nous assurer que les gens auront accès à la justice en français hors Québec dans des provinces comme le Manitoba.
J'aimerais aussi parler d'un autre changement que nous avons apporté. Nous avons insisté sur la question de l'accès aux terres fédérales pour les districts scolaires francophones.
C'est quelque chose de très important pour plusieurs commissions scolaires qui doivent croître à cause de la demande croissante et qui n'ont pas de place pour le faire. Le projet de loi offre cette occasion.
Enfin, je suis très fière du travail que nous avons pu faire. Je veux reconnaître encore une fois les organismes comme la Fédération des communautés francophones et acadienne, ou FCFA, et sa présidente Liane Roy. La FCFA est la voix nationale de 2,8 millions de Canadiens et de Canadiennes d'expression française vivant dans neuf provinces et trois territoires. Elle représente la voix des francophones partout au Canada. Elle a joué un rôle clé. C'est grâce à elle que le président du Conseil du Trésor va avoir une plus grande responsabilité par rapport à l'application du projet de loi C‑13, que l'immigration francophone sera soutenue. C'est aussi grâce à elle qu'on a plus poussé sur la question des clauses linguistiques et qu'on a réussi à donner plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles.
Je veux aussi reconnaître le travail des organismes qui font partie de la FCFA et qui sont sur le terrain, comme ici au Manitoba. Ce sont les vrais défenseurs de la langue française. Je veux les saluer pour leur travail acharné sur le projet de loi C‑13.
La dernière réforme majeure de la Loi sur les langues officielles remonte à 1988. C'était clair qu'il y avait des trous dans cette loi: la difficulté de trouver un parcours éducatif complet pour nos jeunes, de la petite enfance aux études postsecondaires, le manque de personnel francophone, les difficultés d'accéder à la justice en français ainsi que l'incapacité de communiquer en français dans une situation d'urgence et d'accéder à des informations sur la santé ou la sécurité publique.
Je crois que le projet de loi C‑13 est un grand pas dans la bonne direction. Je veux reconnaître l'esprit de collaboration qui a animé notre travail en comité. Je veux remercier tous les membres du comité qui ont apporté des amendements au projet de loi. Je sais que nous n'étions pas toujours d'accord, mais nous avions tous le même but de protéger la langue française au Canada et de défendre les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada. Les amendements qui ont été adoptés en comité sont essentiels. Nous espérons que le Sénat va les respecter.
La réalité est que ce projet de loi changera l'approche du gouvernement fédéral en reconnaissant que le français est une langue minoritaire partout au Canada, en Amérique du Nord, et que les mesures prises par le gouvernement devront le refléter.
Il faut reconnaître que le déclin majeur des francophones au Canada est une situation sérieuse et qu'il faut agir de toute façon. On connaît tous les statistiques. La langue française est en déclin partout dans notre pays. En 1971, le poids démographique des francophones était de 25,5 %. Aujourd'hui, il est de moins de 23 %. Si on ne défend pas nos services et nos institutions, si on ne défend pas l'éducation en français, dans les écoles françaises et d'immersion, le déclin continuera.
Aujourd'hui, on avance avec un projet national, un projet enraciné dans la reconnaissance des premiers peuples et des langues autochtones. C'est un projet qui reconnaît nos deux langues officielles et le fait qu'il faut travailler pour protéger le français au Canada. C'est un projet qui reconnaît la diversité de notre pays, le multiculturalisme de notre pays. C'est un projet qui reconnaît le fait qu'il y a plusieurs Canadiens et Canadiennes, comme moi, dont les parents sont venus d'ailleurs et qui veulent pouvoir élever leur famille, contribuer à notre pays dans nos deux langues officielles, peut-être même dans leur langue maternelle, et ainsi contribuer à un pays bilingue, à un pays multiculturel, à un pays qui respecte les premiers peuples du Canada.
J'encourage fortement tous mes collègues à la Chambre à voter en faveur du projet de loi historique pour continuer à faire le travail qu'il faut pour défendre le français et soutenir les communautés de langue officielle en situation minoritaire.