propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, c'est un grand privilège pour moi de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , Loi sur l’eau propre des Premières Nations.
Lorsque le projet de loi a été présenté à la Chambre, le 11 décembre 2023, la cheffe Logan de la Première Nation des Lheidli T'enneh a déclaré qu'il changeait la donne et que la nation qu'elle dirige voyait la lumière au bout du tunnel. Ce jour-là, des partenaires des Premières Nations et des collègues fédéraux se sont joints à moi pour présenter un projet de loi qui reflète une vision d'avenir collective pour l'eau potable dans les communautés des Premières Nations, un travail qui a commencé par un engagement du gouvernement en 2015.
Aujourd'hui, nous franchissons une étape importante en vue d'alimenter toutes les communautés autochtones en eau potable, des générations durant. Ce projet de loi donne suite à notre engagement, non seulement envers les Premières Nations, mais aussi envers tous les autres Canadiens. Il nous rapprocherait de notre objectif, c'est-à-dire rendre l'eau potable aussi accessible dans les communautés autochtones que dans le reste du pays, et il permettrait aux Premières Nations d'être maîtres de leurs ressources en eau et de leur avenir.
D'abord, un récapitulatif: l'an dernier, le gouvernement a officiellement abrogé la Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations de 2013, comme les Premières Nations partout au pays l'avaient réclamé avant même la présentation du projet de loi. Pourquoi? C'est parce que, au moment de la rédaction de la mesure législative, les députés du gouvernement Harper n'avaient jamais cherché à obtenir les points de vue des Premières Nations pour en tenir compte. Pour eux, c'était un problème à résoudre, un dossier à gérer.
Le projet de loi des conservateurs avait établi de rigoureuses normes de qualité de l'eau pour les communautés des Premières Nations, mais il avait aussi laissé le gouvernement Harper négliger systématiquement les réseaux d'aqueduc pendant une décennie, sous-financement chronique à la clé. Dans ce contexte, le gouvernement conservateur de Stephen Harper, y compris l'actuel du Parti conservateur, a pu jeter le blâme sur les Premières Nations en leur reprochant de ne pas avoir respecté une promesse qu'elles n'avaient pourtant jamais faite. Ce type de racisme contre les Autochtones fait partie intégrante de nos institutions depuis leur établissement. Les Premières Nations avaient pleinement conscience de la nature profonde de la mesure législative de l'ère Harper: c'était de la poudre aux yeux, une manœuvre opportuniste et futile.
L'approche a changé au cours de la campagne en 2015: nous avons alors promis aux Premières Nations et aux autres Canadiens que nous ferions les choses différemment. Nous nous sommes engagés à abroger et à remplacer la loi sur l'eau des conservateurs, une mesure législative que les Premières Nations détestaient au point où des partenaires avaient demandé son abrogation avant son adoption. Nous nous sommes engagés à créer une nouvelle loi pour protéger l'eau au bénéfice des Premières Nations, dans un véritable partenariat de nation à nation.
À partir de 2015, nous nous sommes longuement entretenus avec les dirigeants et les communautés des Premières Nations. Nous avons pris connaissance de leurs préoccupations et de leurs priorités, en collaboration avec des partenaires, des parties à des recours collectifs, des titulaires de droits et des communautés autochtones d'un océan à l'autre. Selon l'Assemblée des Premières Nations, le projet de loi C-61 est le premier du genre à être présenté depuis l'adoption de la Loi sur la Déclaration des Nations unies. L'article 19 de la Déclaration exige que les États se concertent et coopèrent avec les peuples autochtones avant d'adopter des mesures législatives les concernant. Nous devons donc faire les choses différemment et réfléchir profondément à ce que la concertation et la coopération signifient réellement.
Pour rédiger ce projet de loi et répondre aux principales priorités définies par les Premières Nations, des centaines de consultations ont été menées auprès des partenaires et des communautés. À compter de 2018, nous avons misé sur diverses approches à cet effet. Cette mobilisation en bonne et due forme a permis d'abattre l'énorme travail que reflète le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, comme en témoignent certains commentaires, comme ceux des chefs de la Confédération des Pieds-Noirs et des Premières Nations visées par le Traité no 7, qui ont récemment déclaré ceci: « Le gouvernement a de toute évidence tenu compte des préoccupations exprimées par les nations des Pieds-Noirs au cours des dernières consultations sur la mesure législative, puisqu'il a apporté des changements importants [au projet de loi] [...] C'est pour cette raison que nos nations appuient [...] le projet de loi . »
[Français]
Comme le rappellent régulièrement les aînés, les gardiens du savoir, et de nombreuses personnes de partout au pays, l’eau, c’est la vie. C’est la base du mieux-être et de la santé communautaire. Comme nous le savons tous, nous devons tous en faire plus pour protéger les sources d’eau des Premières Nations.
[Traduction]
Certains partenaires m'ont dit que le fait de voir que leurs paroles et leurs opinions influencent la voie que nous entendons suivre avait un puissant effet. Le jour où le projet de loi a été présenté, la cheffe Erica Beaudin, de la Première Nation de Cowessess, a dit: « Je crois qu'aujourd'hui est un jour historique non seulement parce que le projet de loi a été présenté, mais aussi parce que c'est le début d'une époque où nos enfants naîtront avec les règlements nécessaires. » Il s'agit véritablement d'un moment historique pour l'élaboration des lois au Canada.
Dans le cadre de cette consultation et de mes visites parmi les Premières Nations, j'ai entendu parler des nombreuses souffrances dont elles ont été victimes et qui ont été causées par une loi qui leur a été imposée au détriment de leur sécurité, de leur culture et de leurs liens avec la terre et l'eau, ainsi que de la grande tristesse et des profonds dommages que cela a causés à leurs ancêtres et à leurs enfants. Le Canada s'est toutefois engagé à faire mieux et à être un meilleur partenaire dans la protection de la terre, de l'eau et du pays dans son ensemble. C'est en travaillant ainsi ensemble que nous faisons progresser les lois et que nous rétablissons le pouvoir, l'autodétermination et les outils de l'équité. C'est ainsi que la guérison se produira et que le véritable potentiel de tous les peuples de cette terre se réalisera. Grâce à l'adoption récente de la loi sur la déclaration des Nations unies, il y aura à l'avenir beaucoup d'autres occasions d'avoir recours à la collaboration dans l'élaboration de lois et d'améliorer cette approche.
L'Assemblée des Premières Nations a été la première à demander l'abandon du projet de loi présenté par le gouvernement Harper et, au terme d'un long travail, elle a désigné cinq éléments clés à inclure dans toute nouvelle mesure législative. Voici ces éléments: affirmer le droit inhérent des Premières Nations de gérer leurs réseaux d'approvisionnement en eau; créer les outils dont les Premières Nations ont besoin pour protéger leurs sources d'eau; exiger que les gouvernements fournissent le financement nécessaire pour bâtir l'infrastructure d'approvisionnement en eau; mettre conjointement au point les normes minimales pour l'eau potable; soutenir la création d'un organisme chargé de l'eau, dirigé par les Premières Nations. Chacun de ces éléments est pris en compte de façon substantielle dans le projet de loi, et l'Assemblée des Premières Nations se dit actuellement convaincue qu'il permettra de répondre à l'une des priorités les plus cruciales des Premières Nations, soit assurer un approvisionnement sûr en eau potable et un système adéquat de traitement des eaux usées.
Le projet de loi reconnaît et affirme le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale qui comprend notamment la compétence en matière d'eau, de sources d'eau, d'eau potable, d'eaux usées et d'infrastructures connexes sur et sous les terres des Premières Nations. La mesure législative ouvre également la voie à une protection réglementaire fondée sur des droits en ce qui concerne l'eau et les sources d'eau adjacentes aux terres des Premières Nations. Cette protection des sources d'eau potable qui coulent sur les terres des Premières Nations serait établie en consultation et en collaboration avec les Premières Nations, d'autres ministères fédéraux, les provinces et les territoires. Le gouvernement fédéral devrait s'engager à travailler avec les Premières Nations pour qu'elles aient les outils nécessaires pour protéger les lacs et les rivières qui alimentent les réseaux d'approvisionnement en eau.
[Français]
Le projet de loi soutiendrait la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, entre autres en appliquant le principe de consentement libre, préalable et éclairé.
[Traduction]
Le projet de loi renforcera les engagements visant à financer adéquatement et durablement les services d'approvisionnement en eau sur les territoires des Premières Nations afin de rendre ces services équivalents à ceux qui sont offerts ailleurs au pays. Il prévoit des normes nationales minimales pour l'eau potable et le traitement des eaux usées sur les territoires des Premières Nations fondées sur les choix exprimés par les Premières Nations elles-mêmes. Il garantit que les Premières Nations auront un accès comparable à ce qui est offert ailleurs au Canada à l'eau potable et au traitement des eaux usées. Il fait aussi en sorte que les Premières Nations prennent part aux décisions liées à leur eau potable et à leurs services de traitement des eaux usées. Le gouvernement sera ainsi tenu de consulter les Premières Nations et de collaborer avec elles lors de l'attribution du financement et de l'élaboration de règlements fédéraux.
[Français]
Des règlements fédéraux concernant l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations garantiraient que toutes les Premières Nations ont une réglementation efficace concernant leur eau potable.
[Traduction]
De plus, le projet de loi aidera les Premières Nations à faire valoir leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale en faisant en sorte que les lois des Premières Nations l'emportent sur toute autre loi, à la discrétion des Premières Nations. Le projet de loi facilitera aussi la conclusion d'accords sur l'eau, y compris d'accords de protection interrégionale des sources d'eau et d'accords de financement bilatéraux entre les Premières Nations et le Canada visant à appuyer l'exercice des compétences des Premières Nations sur leurs terres. Le projet de loi exige également du Canada qu'il soit un partenaire actif dans la création d'une commission des eaux des Premières Nations, qui aidera les Premières Nations à régir les services d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées sur leurs terres.
Bref, le projet de loi fera passer les Premières Nations en premier lors de la prise de décisions sur l'eau potable. Les Premières Nations ont toujours su à quel point il est important de protéger les lacs et les rivières qui assurent notre survie. Ce sont elles qui devraient prendre les règlements importants pour protéger l'eau qui approvisionne leurs collectivités. Elles devraient avoir l'autorité d'établir leurs propres normes concernant l'eau potable et elles devraient avoir le financement et les outils nécessaires pour faire ce travail.
Ce n'est pas une seule chose qui protégera l'eau pour les générations à venir, mais plusieurs. Ce projet de loi aborde les éléments clés dont les Premières Nations ont besoin pour effectuer ce travail. C'est également la raison pour laquelle l'Atlantic First Nations Water Authority soutient la présentation du projet de loi. Comme l'a dit le chef Wilbert Marshall, il s'agit d'une occasion unique pour les Premières Nations de contrôler leur service, qui est essentiel au bien-être socio-économique et environnemental de leurs communautés.
En harmonie avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ce projet de loi a été élaboré grâce à des engagements qui ont placé les voix des Premières Nations au centre des préoccupations. D'ailleurs, nous avons distribué deux versions préliminaires du projet de loi à toutes les communautés du pays afin de recueillir leurs commentaires. Nous avons également mis en ligne le projet de loi. Grâce aux nombreux commentaires reçus de diverses sources, ce sont les voix des Premières Nations qui ont mené le processus et poussé le gouvernement fédéral à s'interroger sur lui-même et sur ses méthodes afin d'évoluer vers un véritable partenariat dans la création de lois.
[Français]
C'est une première à Services aux Autochtones Canada. J'aimerais remercier tous ceux qui ont examiné le projet de loi, qui ont fourni des commentaires et qui nous ont aidés à élaborer et à renforcer ce projet de loi.
[Traduction]
Même si de nombreux partenaires des Premières Nations ont exprimé leur appui à l'égard du projet de loi , le processus législatif visant à l'examiner et à en débattre est important afin de nous assurer qu'il est aussi solide que possible et de concrétiser l'objectif d'accès à l'eau potable pour des générations à venir. Nous allons donc débattre du projet de loi et entendre les voix des Premières Nations à l'étape de l'étude en comité, où nous serons ouverts aux amendements guidés avant tout par les voix et l'expérience de nos partenaires des Premières Nations.
C'est dans cet esprit que j'espère que tous les députés débattront du projet de loi: en l'examinant sous l'angle de l'autodétermination et en tenant compte des promesses trop souvent rompues du Canada à l'égard des membres et des collectivités des Premières Nations. À l'heure actuelle, les Premières Nations n'ont ni le pouvoir ni les ressources voulus pour protéger ou surveiller les eaux qui coulent dans leur territoire, et cette situation qui perdure depuis des générations entraîne des pertes, des dommages, des maladies, de la souffrance, et même des décès.
L'an dernier, je suis allée rencontrer la Nation des Cris de Tataskweyak dans le Nord du Manitoba. Des aînés, des éducateurs et des membres de la nation m'ont parlé de leur amour pour le lac Split, une étendue d'eau qui entoure presque entièrement la communauté. Ils m'ont parlé de l'époque où ils s'amusaient dans le lac, où ils en profitaient et où ils buvaient son eau, puis de la colère et de la profonde douleur qu'ils ressentent à cause de la contamination de l'eau du lac par des décennies de pollution industrielle. L'eau est tellement polluée qu'il est maintenant impossible de s'y baigner ou d'y nager, et encore moins de la boire. La communauté voit régulièrement des animaux morts dans le lac, ce qui ajoute à la douleur et à la détresse de vivre si près d'une étendue d'eau autrefois vivante et limpide.
Nous avons travaillé fort avec la communauté afin de trouver une autre source d'eau, un lac des environs. Pour avoir accès à cette source d'eau propre la plus rapprochée, il a fallu bâtir une canalisation d'eau de 44 kilomètres. Malgré cette nouvelle source, les gens de la communauté hésitent à croire que l'eau est bien potable. Ils craignent aussi que des contaminants se propagent parmi les animaux sauvages de la région, qui forment une part importante de leur alimentation et font partie du cercle de la vie. Personne ne devrait avoir de telles craintes par rapport à son approvisionnement en eau ni vivre une telle douleur parce qu'il a perdu l'accès à une source d'eau, l'élément le plus essentiel à la vie.
[Français]
Bien que les provinces et les territoires aient des lois et des règlements qui appuient l'approvisionnement en eau potable, il n'existe pas de règlements semblables pour les Premières Nations sur les terres des Premières Nations.
[Traduction]
Quand le Parti libéral fédéral est arrivé au pouvoir en 2015, il y avait 105 avis à long terme de faire bouillir l'eau en vigueur. Malheureusement, compte tenu de la décennie de négligence sous les conservateurs de Stephen Harper, ce n’était pas surprenant. En effet, le financement des opérations était alors nettement inférieur à celui accordé par les gouvernements provinciaux, ce qui rendait difficiles la formation et la rétention d'opérateurs d'installation de traitement de l'eau.
Depuis, le gouvernement libéral fédéral a augmenté de 150 % le financement des infrastructures d'approvisionnement en eau, et le nombre d'avis à long terme de faire bouillir l'eau a diminué de 73 %. Nous avons également collaboré avec les communautés pour éviter que des centaines d'avis à court terme ne deviennent des avis à long terme. Aujourd'hui, 96 % des communautés des Premières Nations ne sont pas visées par un avis d'ébullition à long terme.
N'empêche que, comme le chef Moonias de Neskantaga me l'a dit récemment, rares sont ceux qui ont confiance en la salubrité de l'eau quand ils ont vécu toute leur vie dans la méfiance. Nous devons poursuivre nos efforts afin d'améliorer l'accès à long terme à l'eau potable pour les Premières Nations. Nous pouvons apercevoir la lumière au bout du tunnel, alors que la majorité des avis à long terme sont manifestement en voie d'être levés.
Il est impossible de revenir à un système où la protection de l’eau des Premières Nations est arbitraire et obscure. Comme nous tous, les Premières Nations ont un droit inhérent à de l’eau salubre, et ce projet de loi vient consacrer les outils nécessaires au gouvernement canadien pour honorer ses engagements en tant que véritable partenaire dans la protection de l’eau potable pour les générations à venir. C’est la première mesure législative nationale à être élaborée en collaboration avec les Premières Nations. Je crois sincèrement que l’inclusion des peuples autochtones dans le processus législatif se traduira par de meilleurs résultats pour tous les Canadiens.
J’attends avec impatience le fruit de la réflexion des députés sur la façon d’approfondir cette inclusion dans le cadre de notre débat sur ce projet de loi. J’invite tous les partis à se joindre à moi pour faire avancer le projet de loi sur l’eau propre des Premières Nations, car, comme l’a dit la cheffe Beaudin: « Les Autochtones, les enfants autochtones, méritent de boire de l’eau potable, de leur conception à leur trépas. »
:
Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi , Loi concernant l’eau, les sources d’eau, l’eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations, que j'appellerai ci-après la Loi sur l’eau propre des Premières Nations.
Je tiens d'abord à commenter ce que la vient de dire. Elle aime proférer des insultes, mais elle fait partie d'un gouvernement qui a refusé de rencontrer 133 chefs de l'Ontario, dont beaucoup se trouvent dans sa propre circonscription, pour parler de l'allégement de la taxe sur le carbone. C'est notamment à cause de ce refus que les chefs ont dû intenter une poursuite en justice. L'attitude du gouvernement illustre parfaitement l'approche paternaliste d'Ottawa. Comme je l'ai dit, la ministre refuse de rencontrer 133 chefs, dont bon nombre se trouvent dans sa propre circonscription, et c'est pourquoi ces derniers ont intenté une poursuite en justice. C'est le comble du colonialisme, et la ministre devrait avoir honte de son comportement.
Avant de prononcer mon discours sur le projet de loi , j’aimerais prendre un bref moment pour reconnaître la contribution de mon collègue, le député de , qui a récemment quitté ses fonctions de ministre du cabinet fantôme en matière de services aux Autochtones. Nous savons tous qui est ce député et à quel point il voit grand en ce qui concerne les enjeux liés à ce dossier. Il ne cache pas ses émotions et il croit profondément à la réconciliation avec les peuples autochtones au Canada. Nous connaissons tous son attitude discrète, son sens de l’humour et ses opinions réfléchies et bien formulées sur les enjeux autochtones. C’est quelqu’un que l’on a envie d’écouter lorsqu’il parle de ce dossier.
J’ai beaucoup appris du député. Je sais qu’il a vraiment pris ce dossier à cœur. Il m’a dit qu’il allait continuer à rencontrer les intervenants. Il accorde une grande valeur aux informations et aux connaissances qu’il a acquises grâce à la sagesse de ces intervenants et à la richesse des expériences vécues en lien avec ce dossier. Il affirme qu’il n’oubliera jamais les apprentissages de cette période de sa vie.
Je m’en voudrais aussi de passer sous silence le travail accompli par les collaborateurs du député. Dion travaille dans le bureau de circonscription, mais il intervient aussi beaucoup dans ce dossier, à Ottawa. Emalie et Linnae s’investissent également beaucoup dans ce dossier qui leur tient vraiment à cœur. Je ne leur dirai jamais assez combien j’ai été heureuse de travailler avec eux et avec le député.
Passons maintenant au projet de loi . Le Canada a la chance d’avoir d’abondantes ressources d’eau potable. Notre pays abrite 20 % des réserves mondiales d’eau douce et 7 % des réserves mondiales d’eau renouvelable. Et pourtant, un grand nombre de nos communautés autochtones n’ont pas accès à de l’eau potable. Depuis de nombreuses années, le Canada n'arrive pas à mettre fin aux avis temporaire ou permanent de faire bouillir l’eau.
Je ne vise pas en particulier un gouvernement ou un autre. Il est évident qu’aujourd’hui, tous les gouvernements ont leur part de responsabilité dans ce fiasco. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas consenti quelques efforts de bonne foi, mais nous savons que ce sont des efforts qui continuent de reposer sur le principe archaïque et paternaliste selon lequel Ottawa sait mieux que personne ce qu’il faut faire. Voilà le fond du problème.
Ce fiasco nous concerne tous, et la pire idée serait de continuer à compter exclusivement sur des fonctionnaires, qui sont souvent à des milliers de kilomètres du problème, pour trouver les solutions. J’espère sincèrement que le comité aura l’occasion d’examiner le projet de loi sous cet angle en particulier. Nous voulons que les solutions viennent des Autochtones eux-mêmes, en partenariat avec les communautés avoisinantes et avec tous les pouvoirs publics, afin que, une fois pour toutes, les communautés autochtones puissent avoir accès à de l’eau potable.
Ce n’est qu’avec la tragédie de Walkerton et la contamination des eaux de North Battleford, en Saskatchewan, qu’on a commencé à s’intéresser au problème de l’accès à l’eau potable des communautés autochtones, même si ce problème existait déjà depuis longtemps. C’est en 2001 que le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, comme on l’appelait à l’époque, a commencé à inspecter les systèmes d'alimentation en eau potable et de traitement des eaux usées dans les communautés autochtones du Canada, dans le but de constituer une base de données sur les infrastructures d'alimentation en eau potable. L’inspection a porté sur 740 systèmes d’alimentation en eau potable desservant 691 communautés de Premières Nations. Elle a révélé que près de 30 % de ces systèmes présentaient des dangers potentiels pour la santé et la sécurité, que 46 % nécessitaient des « réparations » et qu’un quart seulement représentait des « risques faibles » et avait subi seulement quelques incidents « mineurs » n’ayant pas posé de problèmes véritables.
À l'époque, on estimait que corriger les problèmes coûterait environ 1,6 milliard de dollars. En réponse aux résultats de l'enquête, en 2003, le gouvernement du Canada a annoncé l'adoption de la Stratégie de gestion de l'eau des Premières Nations. Il s'agissait du premier plan détaillé visant à régler le problème des systèmes d'alimentation en eau potable dans les communautés des Premières Nations. Le plan prévoyait 1,6 milliard de dollars de 2003 à 2008 sur sept volets clés: mise à niveau des infrastructures; amélioration de la surveillance et de la production de rapports; amélioration du fonctionnement et de l'entretien; amélioration des programmes de formation; nouveaux protocoles de gestion de l'eau; sensibilisation accrue du public; série de normes, de politiques et de protocoles.
Bien qu'un rapport produit en 2009 par Santé Canada eût indiqué que la stratégie avait mené à une meilleure compréhension des problèmes qui accablent les communautés autochtones et eût donné lieu à des mesures plus rapides et mieux coordonnées concernant les problèmes d'alimentation en eau potable qui survenaient, la commissaire à l'environnement et au développement durable a estimé, dans un rapport de 2005, que la stratégie ne protégeait pas aussi bien les systèmes d'alimentation en eau potable des réserves que les autres systèmes du pays. Pour endiguer la crise de l'alimentation en eau potable, il fallait résoudre des problèmes comme l'absence d'un régime réglementaire concernant les communautés autochtones, l'absence d'échantillonnage de l'eau et le manque de soutien technique pour la conception, la construction, le fonctionnement et l'entretien des systèmes d'alimentation en eau potable.
En 2006, le gouvernement du Canada a lancé le Plan d'action concernant l'eau potable dans les Premières Nations. Ce plan d'action s'appuyait sur la Stratégie de gestion de l'eau des Premières Nations et prévoyait une enveloppe supplémentaire de 60 millions de dollars de 2006 à 2008 pour donner suite aux conclusions du rapport de 2005 de la commissaire. Il prévoyait aussi la création d'un groupe d'experts, qui a constaté qu'un certain nombre d'aspects n'avaient pas encore été abordés par le gouvernement fédéral, et notamment que « pour être en mesure d’assurer la salubrité de l’eau potable, il était plus important d’avoir les ressources adéquates pour financer [...] la formation [...] ainsi que le fonctionnement et l’entretien, que de compter uniquement sur une réglementation ». Le groupe d'experts a constaté aussi qu'il existait un écart « entre les estimations de coûts du gouvernement fédéral et le montant réel nécessaire pour mettre les systèmes d'alimentation en eau potable des Premières Nations [...] aux normes ».
L'étape suivante a eu lieu en 2008, avec le lancement du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations [...]. Un montant supplémentaire de 330 millions de dollars a été débloqué pour mettre en œuvre le plan d'action, qui visait à renforcer le plan de 2006 tout en y ajoutant de nouveaux objectifs, notamment un engagement à consulter les communautés autochtones sur de nouvelles mesures législatives, ainsi que la réalisation d'une évaluation technique nationale de l'état des systèmes d'alimentation en eau potable des Premières Nations dans l'ensemble du pays.
Le rapport qui en a découlé, et qui a été publié en 2011, a démontré que même si le Canada comprenait désormais beaucoup mieux les problèmes d'alimentation en eau potable dans les communautés autochtones, seuls des progrès limités avaient été accomplis depuis 1995.
En 2013, le gouvernement a créé la Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations afin de permettre l'élaboration de règlements fédéraux visant à favoriser l'accès des Premières Nations à une source fiable d'eau potable ainsi que le traitement efficace des eaux usées.
Selon le Bureau du vérificateur général, « [e]ntre 1995 et 2003, le gouvernement fédéral a dépensé environ 1,9 milliard de dollars pour aider les collectivités des Premières Nations à fournir des services d'approvisionnement en eau potable et des services d'égout. » Six cents millions de dollars supplémentaires étaient prévus dans le budget de 2003 dans le but de soutenir le plan [...] Entre 2006 et 2014, le gouvernement fédéral « a investi environ 3 milliards de dollars dans l'infrastructure d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées et dans les activités connexes en matière de santé publique afin d'appuyer les collectivités des Premières Nations dans la gestion de leurs réseaux d'aqueduc et d'égout. » Depuis 2015, le gouvernement fédéral a investi plus de 5,7 milliards de dollars « pour construire et réparer au moins 123 nouvelles usines de traitement de l'eau et des eaux usées, réparer ou mettre à niveau 658 autres usines, et soutenir la gestion et l'entretien efficaces des systèmes d'eau. »
Comme je l'ai dit plus tôt, ce dossier a été la responsabilité de plusieurs gouvernements successifs provenant des deux côtés de la Chambre. Manifestement, le problème ne réside pas dans l'absence de financement, car ces gouvernements successifs ont dépensé plus de 11 milliards de dollars pour régler le problème. Comme j'y ai fait allusion plus tôt dans mon discours, il faut se pencher sur la manière qui a été utilisée pour régler le problème. Il est temps d'adopter une nouvelle approche.
Je passe maintenant au projet de loi . Nous devrions nous demander si c’est la nouvelle approche dont nous avons besoin. Je peux assurer aux députés que, pour que le projet de loi soit adopté, les dirigeants autochtones devront répondre par l'affirmative à cette question fondamentale au cours des travaux du comité. Au moyen du projet de loi , on cherche à réaliser un certain nombre de choses, notamment affirmer et reconnaître « le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui comprend notamment la compétence des Premières Nations en matière d’eau, de sources d’eau, d’eau potable, d’eaux usées et d’infrastructures connexes sur et sous les terres des Premières Nations » et établir des principes et des dispositions pour régler les problèmes liés à l’approvisionnement des Premières Nations en eau potable sûre et propre ainsi qu'au traitement et à l’évacuation efficaces de leurs eaux usées.
Le projet de loi vise également à créer comme promis la commission des eaux des Premières Nations, qui surveillerait l'eau potable dans les communautés, les aiderait à obtenir des avis juridiques et formulerait, le cas échéant, des recommandations à l’intention des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. En outre, sous réserve des décisions prises par l’organisme de gouvernance des Premières Nations, la qualité de l'eau potable et le traitement des eaux usées devraient être à tout le moins conformes aux lignes directrices et à la réglementation fédérale, sinon aux normes de la province ou du territoire où se trouvent les terres de la communauté des Premières Nations concernée. Afin de favoriser la protection, la gestion et la conservation des sources d'eau, les Premières Nations, les provinces et les territoires devraient créer conjointement des zones de protection de l'eau.
En 2019, un recours collectif a été intenté contre le Canada au nom des Premières Nations et de leurs membres résidant dans des réserves qui ont été soumis à un avis faire bouillir l’eau pendant au moins un an depuis 1995. Le 22 décembre 2021, la Cour fédérale et la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ont rendu une décision conjointe approuvant une entente de règlement du recours collectif.
Les conditions de l'entente de règlement ont été annoncées le 30 juillet 2021 et comprennent ce qui suit: une indemnisation de 1,5 milliard de dollars des personnes privées d'eau potable; la création d'un fonds de 400 millions de dollars pour la relance économique et culturelle des Premières Nations; le renouvellement de l'engagement à l'égard du Plan d'action du Canada visant à lever tous les avis à long terme concernant la qualité de l'eau potable; la création d'un comité consultatif des Premières Nations sur l'eau potable; un appui accordé aux Premières Nations afin qu'elles élaborent leurs propres règlements et initiatives en matière d'eau potable; un engagement d'au moins 6 milliards de dollars en vue de l'accès à une source fiable d'eau potable dans les réserves. Une modernisation de la législation canadienne concernant l'eau potable des Premières Nations est également prévue dans l’entente.
Le projet de loi exige expressément du gouvernement du Canada qu'il fournisse un financement suffisant pour payer les dépenses prévues dans l'entente de règlement de 2021. Ce financement s’élève à 6 milliards de dollars, et l'argent doit être dépensé entre le 20 juin 2021 et le 31 mars 2030 pour corriger la situation donnant lieu à des avis temporaires ou permanents de faire bouillir l’eau. En mai 2023, un total de 31 avis permanents de faire bouillir l'eau concernant 27 communautés autochtones étaient en vigueur au Canada. Bien entendu, ce nombre a fluctué au fil des ans. Certains avis ont été levés, puis ont été remis en vigueur peu de temps après.
L’une des lacunes les plus flagrantes de l’approche du Canada à l’égard de la salubrité de l’eau dans les communautés autochtones a toujours été l’incapacité de bien cerner et saisir l’ensemble de la situation en ce qui concerne les sources d’eau non salubres dans ces communautés. Le problème découle en partie de l’exclusion des systèmes publics d'approvisionnement en eau qui n'ont pas été financés par le gouvernement fédéral. L’approche ne tient pas compte non plus des avis à long terme dans les territoires. Une comptabilisation complète, tenant compte de ces omissions dans les chiffres officiels, porte à 55 le total actuel des avis au Canada. L’absence de collecte de données cohérentes et transparentes sur les avis concernant la qualité de l’eau potable rend presque impossible l’obtention d’un portrait précis de l’ampleur du problème à l’échelle du pays.
Pour ceux qui nous écoutent et qui ne comprennent peut-être pas ce qu’est un avis concernant la qualité de l’eau potable et pourquoi il est si important pour la santé des communautés, un avis peut être émis par une administration locale, une Première Nation ou une autorité de santé publique quand la qualité de l’eau potable a été ou a pu être compromise au point où sa consommation pose un risque pour la santé publique. La qualité de l’eau peut être affectée négativement par un certain nombre de facteurs, y compris des conditions comme la contamination des eaux souterraines ou des aquifères qui alimentent des puits, la présence de bactéries comme E. coli, des concentrations inacceptables de produits chimiques ou de pesticides nocifs, des problèmes de filtration ou de mauvais fonctionnement de l’équipement, ou de non-respect des lignes directrices sur la qualité de l’eau potable au Canada.
Les chiffres peuvent être trompeurs et, comme je l'ai mentionné il y a quelques instants, de nombreuses communautés continuent d'être visées sporadiquement par des avis de faire bouillir l'eau. Par exemple, 5 des 90 communautés des Premières Nations qui n'étaient plus sous le coup d'un avis à long terme concernant la qualité de l'eau potable depuis 2015 sont visées par de nouveaux avis à long terme depuis 2019. Deux de ces communautés avaient fait l'objet d'avis pendant plus de 15 ans. En outre, il y a 12 autres avis à long terme concernant la qualité de l'eau potable en vigueur en Saskatchewan, en Ontario et au Nouveau‑Brunswick pour des réseaux d'aqueduc des Premières Nations non subventionnés par le gouvernement fédéral, de même que 10 avis à long terme en Colombie‑Britannique. Il ne faut pas non plus oublier le Nord, où les Territoires du Nord‑Ouest et le Nunavut sont tous les deux visés par un avis à long terme.
Pour assurer la réussite du projet de loi , il faudra un examen complet et une refonte de la façon dont on tient compte des avis concernant la qualité de l’eau. L’une des autres préoccupations au sujet du projet de loi C‑61 qui doit être examinée par le Comité est l’approche adoptée par le gouvernement en matière de consultation sur cette mesure législative.
De nombreux dirigeants des Premières Nations, y compris l’Assemblée des Premières Nations, ont participé au processus d’élaboration du projet de loi et ils l’appuieront. Je crois qu’il s’est fait longtemps attendre, mais ce ne sont pas tous les dirigeants des Premières Nations qui sont favorables à cette mesure. Ceux qui s'y opposent semblent de plus en plus nombreux au sein des communautés des Premières Nations, et ils affirment principalement que cette mesure n’a pas été élaborée conjointement avec eux ou qu’ils ne l'appuient pas. Il sera important d’entendre les opinions de ces dirigeants et de répondre à leurs préoccupations au sujet du projet de loi .
De plus, il y a un certain nombre d’autres questions qui doivent être examinées par le Comité, notamment le fait que certaines communautés font face à d’importants obstacles à l’accès à long terme à de l’eau potable, obstacles que l'argent seul ne suffit malheureusement pas à vaincre.
Quels sont ces obstacles et comment pouvons-nous travailler en partenariat avec les communautés autochtones pour les surmonter? Compte tenu du lien spirituel et historique étroit avec la terre, la relocalisation est-elle une option pour les communautés se trouvant dans des conditions extrêmes où l’argent ne suffira pas à offrir une solution à long terme? Si c’est une option, à quoi ressemblera-t-elle pour une communauté autochtone? Comment pouvons-nous assurer la transparence et nous assurer que les données sont à jour et pertinentes pour qu’elles fournissent un portrait réel de la situation en ce qui concerne l'approvisionnement en eau?
L'exploitation et l'entretien à long terme continuent de faire obstacle à l'accès à de l'eau potable. En région éloignée, le nombre limité ou, dans certains cas, l'absence de personnel qualifié nous poussent à nous demander comment résoudre les graves problèmes de main-d'œuvre. Peut-être qu'on pourrait envisager des solutions régionales ou des systèmes conjoints de traitement des eaux pour partager le personnel et les ressources.
Il faut aussi examiner les facteurs aggravants ou atténuants qui limitent l'accès à de l'eau potable, comme l'éloignement, le surpeuplement des communautés et l'accès insuffisant, voire inexistant, à de l'eau dans certaines régions. Il faut être conscient qu'une solution ne convient pas toujours à toutes les situations.
Enfin, quel rôle les technologies peuvent-elles jouer? Les usines opérées à distance sont-elles une option envisageable? Disposons-nous de ce type de technologie ou d'infrastructure au Canada? Nous devons entendre des témoins qui peuvent nous parler de ces solutions potentielles.
Les conservateurs sont d'accord pour dire que l'eau potable est un besoin essentiel. Nous devons travailler avec les provinces, les territoires, les municipalités et les communautés autochtones pour mettre au point une véritable solution assortie d'un échéancier afin de donner accès à de l'eau potable à l'ensemble des communautés.
:
Madame la Présidente, c'est avec une profonde humilité et un grand sens des responsabilités que je m'engage aujourd'hui à porter le flambeau du dossier des relations avec les Autochtones et du développement du Nord et de ses régions au sein du Bloc québécois.
D'abord, je tiens à reconnaître mon honorable collègue de en saluant son engagement exceptionnel et son travail acharné en faveur des nations autochtones du Québec et du Canada au fil des années.
Je suis déterminé à collaborer étroitement avec les communautés autochtones dans les années à venir en progressant dans le renforcement de leurs droits et de leur autonomie tout en favorisant des relations de nation à nation équitables et à m'inscrire dans la continuité de ma collègue de Manicouagan.
Avant de parler du projet de loi en main, je tiens également à saluer les participants de la deuxième édition de l'Expédition Premières Nations, qui sont, au moment où l'on se parle, sur le point de partir de Témiscaming ou de Kebaowek. Les participants parcourront en total 3 250 kilomètres en motoneiges, se rendant jusqu'à Wendake en passant par Mashteuiatsh, Rouyn‑Noranda — c'était avant-hier —, Maniwaki, Saint‑Michel‑des‑Saints, et j'en passe.
Hier, je suis allé les rejoindre du côté de Témiscaming. Toute la classe politique, si on me permet l'expression, du Témiscamingue était également présente pour saluer le courage des participants de cette deuxième édition. Ceux‑ci ont été sélectionnés en fonction de leur sensibilité accrue aux causes autochtones soutenues par l'expédition ainsi que de leur soif et de leur curiosité de connaître davantage les nations autochtones.
C'est l'idée de deux hommes, je veux le souligner. Il y a d'abord l'Atikamekw nommé Christian Flamand, qui nous a livré un vibrant plaidoyer hier sur son engagement et la profondeur de ses convictions. Il y a aussi le Naskapi nommé Derek Jeremy Einish. Ils sont motivés par des principes de réconciliation, de fraternité, de respect, de solidarité et de courage.
Le but de cette tournée est de rendre hommage aux enfants des pensionnats autochtones, aux femmes autochtones assassinées et disparues, à Joyce Echaquan, qui a été nommée à plusieurs reprises, ainsi qu'aux enfants qui ont été enlevés de leur famille à la naissance.
Pour faire la transition vers le projet de loi, je me permets de saluer un représentant de la nation naskapie Kawawachikamach, M. Billy Shecanapish, que j'ai rencontré hier et qui m'a dit qu'il a passé sa vie à faire la promotion de l'eau et à travailler avec l'eau dans les nations. Je pense qu'il y a là une transition intéressante. Je salue Billy ainsi que tous les participants de l'Expédition Premières Nations.
Chez les nations autochtones, l'eau n'est pas simplement une question d'hydratation. Elle n'est pas non plus qu'une simple marchandise ou une ressource. L'eau est considérée comme sacrée, parce qu'elle est une source de vie, de connaissances et de droit. L'eau est considérée comme une entité vivante, ayant son propre esprit. C'est la responsabilité de l'être humain de la protéger et de prendre soin de cette sève vitale de la Terre mère. Bref, l'eau est un symbole de souveraineté autochtone.
C'est pour cette raison que je me lève aujourd'hui à la Chambre pour parler du projet de loi . À la suite de la première lecture de ce projet de loi, il m'apparaît trop tôt pour me prononcer sur ce projet de loi alors que les Premières Nations ne parlent pas d'une seule voix. De nombreuses interrogations persistent sur les consultations menées auprès des Premières Nations et sur de nombreuses dispositions présentes dans ce projet de loi.
L'amalgame de tout cela risque de ne pas avoir l'effet escompté au départ. À titre d'observation, cette notion de codéveloppement, alors que le principal partenaire ne dit pas la même chose, en dit long sur le processus en cours. En tout respect, c'est quelque chose qu'on vient de vivre aussi avec le projet de loi , comme quoi il y a peut-être un mécanisme à réviser au sein du gouvernement lorsqu'il parle avec les Premières Nations pour être véritablement inclusif et avoir un véritable dialogue.
Le projet de loi C‑61représente peut-être en apparence une réponse tant espérée à l'égalité persistante en matière d'accès à l'eau vécue par les peuples autochtones au Canada et au Québec, mais le diable est dans les détails.
Parlons des fondements du droit à l'eau potable. L'accès à une source d'eau potable sûre et propre est fondamental pour la vie. Malheureusement, de nombreuses communautés des Premières Nations au pays sont confrontées à d'importants obstacles pour obtenir de l'eau potable. Depuis 1977, le gouvernement s'est engagé à fournir aux réserves des services d'eau et d'assainissement comparables à ceux de la majorité des communautés allochtones similaires. Cependant, ces promesses ont souvent été vaines.
Les Premières Nations continuent de supporter de manière disproportionnée les conséquences de la mauvaise gestion de l'eau, de l'insécurité hydrique et du déficit de l'accès à une eau potable de qualité, une situation considérée inacceptable pour tout individu vivant en dehors des réserves. C'est une situation même inimaginable pour la majorité de nous tous, ceux et celles vivant dans un pays du G7.
On s'entend sur le fait que je n'ai pas besoin d'expliciter les conséquences d'une insécurité hydrique, mais en cette année 2024 où nous nous tenons toujours à la Chambre pour débattre d'une loi sur l'eau, je vais me permettre de parler du lien entre l'insécurité hydrique et le taux de suicide élevé dans de nombreuses communautés autochtones. Dans les récentes années, de nombreuses recherches démontrent ce fait, notant que l'insécurité hydrique et la perte de pratiques traditionnelles liées à l'eau contribuent à des sentiments d'anxiété, de dépression et à une perte d'identité culturelle. Ces éléments peuvent à leur tour avoir des répercussions importantes sur le risque de suicide. Bref, l'accès à l'eau potable sûre et propre est fondamental à non seulement la santé physique de nations autochtones, mais aussi à leur santé mentale et à leur vitalité culturelle.
D'ailleurs, une des manifestations les plus flagrantes de cette inégalité persistante réside dans la persistance des avis sur la qualité de l'eau potable dans les réserves des Premières Nations. Malgré les engagements fiduciaires du Canada à fournir de l'eau potable aux Premières Nations, ses promesses répétées d'éliminer ces avis et ses obligations internationales reconnaissant le droit humain à l'eau potable et à l'assainissement de l'eau, ces avis demeurent en vigueur depuis des décennies.
Pourtant, il est anormal que le Canada, pays dont l'eau est une ressource abondante et facile d'accès, soit encore incapable d'offrir des infrastructures adéquates en matière d'accès à l'eau potable et à la gestion des eaux usées. Contrairement aux pays en voie de développement, le Canada ne fait pas face à une pénurie d'eau, alors que près de 20 % des réserves mondiales d'eau douce sont situées sur son territoire. Il n'est pas confronté à une situation précaire en termes de ressources et il n'est pas soumis à l'instabilité d'un État illégitime ou dictatorial. La responsabilité de la situation actuelle doit être imputée aux gouvernements canadiens successifs et à leur négligence persistante envers les nations autochtones. Le désintérêt manifesté par le gouvernement fédéral envers les Premières Nations est évident lorsqu'on examine la situation limitante et discriminatoire imposée à ces communautés qui les maintient en constante précarité sanitaire.
Des interrogations persistent. Compte tenu de ces réalités, le projet de loi représente un premier pas dans la bonne direction.
Le texte affirme le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui comprend notamment la compétence des Premières Nations en matière d’eau [...] Il énonce également des principes, notamment le principe de l’égalité réelle, visant à guider l’approvisionnement des Premières Nations en eau potable sûre et propre et le traitement et l’évacuation efficaces des eaux usées sur les terres des Premières Nations. Il prévoit en outre des normes minimales pour la quantité d’eau, la qualité de l’eau et les effluents des eaux usées. Enfin, le texte ouvre la voie à une protection facilitée des sources d’eau.
Toutefois, comme je l'ai mentionné tantôt, il ne nous échappe pas que nous débattions d'une telle loi en 2024 pour permettre à des communautés d’avoir un accès décent à de l’eau potable et des infrastructures dignes de ce nom. Si ce projet de loi semble être un pas dans la bonne direction, il est très loin d'être satisfaisant.
Commençons par le fait que le partenaire principal du gouvernement concernant ce projet de loi, c'est-à-dire les Premières Nations elles-mêmes, conteste l'affirmation de la selon laquelle la mesure législative sur laquelle elle travaillait était la plus proche de l'élaboration d'une loi en collaboration avec les Premières Nations.
L'absence de consultation pourrait expliquer la vision du projet de loi sur le consentement libre, préalable et éclairé, tel que défini dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, comme une simple suggestion ou un principe directeur plutôt que comme une exigence stricte applicable à tous les aspects du projet de loi.
Comment les Premières Nations peuvent-elles avoir confiance que le gouvernement les consultera concernant les dispositions de ce projet de loi, si ce gouvernement ne peut même pas les consulter lors de l'élaboration initiale du projet de loi?
D'une part, ce projet de loi confirme que l'eau sur et sous les terres des Premières Nations fait partie des terres de celles-ci, fournissant une barrière solide contre les revendications de propriété provinciales. Le paragraphe 6(1) du projet de loi C‑61 reconnaît fermement que les Premières Nations possèdent un « droit inhérent à l'autonomie gouvernementale reconnu et confirmé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 » en ce qui concerne « l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur et sous les terres des Premières Nations ».
L'utilisation de la terminologie de cette section, faisant référence à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, établit clairement que le droit d'autonomie gouvernementale des Premières Nations sur l'eau des terres de réserve est une reconnaissance d'un droit protégé constitutionnellement, et non simplement une autorité conférée par la loi. De manière significative, l'ajout des termes « eau » et « sources d'eau » signifie que les Premières Nations peuvent exercer un contrôle complet sur tous les aspects liés à l'eau sur leurs terres de réserve.
La sauvegarde des sources d'eau revêt une importance cruciale afin d'assurer aux Premières Nations un approvisionnement en eau de qualité satisfaisant aux exigences en eau potable, propice au développement économique, et préservant les droits autochtones ainsi que les pratiques culturelles. Bien que la protection des sources d'eau soit mentionnée dans le texte de ce projet de loi, il ne contient aucune exigence concrète en matière de protection de ces sources.
Au contraire, le contrôle et la protection des sources d'eau demeurent vulnérables devant les ententes provinciales et fédérales exigées par l'alinéa 6(1)b). Cela ne donne pas l'autorité suffisante aux Premières Nations afin de protéger les sources d'eau. Les Premières Nations auront plutôt une compétence limitée sur l'eau de source étant donné que cette compétence dépend de l'accord du gouvernement fédéral et de la province ou du territoire respectif pour coordonner l'application des lois des Premières Nations. Cela pose particulièrement problème, car la protection de l'eau varie considérablement d'une province à l'autre. D'une part, ce projet de loi pourrait toujours agir comme d'une façon pour le fédéral de se débarrasser de ses responsabilités envers ses partenaires autochtones. En donnant de grands pouvoirs aux Premières Nations, la crainte d'un fédéral quelque peu désengagé persiste.
D'ailleurs, le projet de loi ne reconnaît même pas le droit fondamental de l'être humain à une eau potable propre. En revanche, le projet de loi cite le principe d'égalité réelle à l'alinéa 5(2)a) qui réfère à « la nécessité de répondre aux besoins particuliers des Premières Nations à un accès fiable aux services relatifs à l’eau dans le respect de leurs droits et d’une manière comparable à celle des communautés non autochtones ». L'égalité réelle n'équivaut pas à un droit en soi à de l'eau potable de qualité. En fait, le refus du Canada de reconnaître le droit à une eau potable sûre va à l'encontre de son engagement affirmé en faveur du droit à une eau potable sûre en tant que droit fondamental au sein des Nations unies.
Je vais parler du cas de Kitcisakik, qui se trouve dans la circonscription de ma collègue d'. J'ai envie de parler d'une communauté de ma région, l'Abitibi-Témiscamingue. Pendant des années, cette communauté autochtone n'a pas eu accès à l'eau courante et à l'électricité. Dernièrement, grâce à l'engagement du Québec, la communauté sera finalement branchée à l'électricité au cours des trois prochaines années. Le drame, cependant, c'est que la communauté de Kitcisakik n'aura pas accès à l'eau. En raison d'une nappe phréatique trop haute, il est impossible de creuser sur le site et d'effectuer des travaux d'infrastructure. Il est donc impossible pour eux d'avoir accès à l'eau courante. Seuls le bloc sanitaire ainsi que le bureau du conseil de bande ont accès à ce précieux or bleu.
Qui plus est, depuis 30 ans, Kitcisakik rêve de construire son nouveau village, Wanaki, ce qui, en langue autochtone, signifie « terre de paix ». Cela lui permettrait de finalement se doter d'infrastructures modernes. Cela me permet de souligner un enjeu clé de cette question. Pour créer des infrastructures de gestion des eaux, il faut des sommes importantes, récurrentes et prévisibles. Historiquement, ce ne fut jamais le cas. De 2015 à 2018, le montant pour financer ce type d'infrastructures était de 146 millions de dollars par année. Selon le directeur parlementaire du budget en décembre 2017, il aurait fallu 361 millions de dollars par année pour financer et entretenir les systèmes d'eau potable et de traitement des eaux usées des Premières Nations. Le gouvernement n'a fourni que 40 % des besoins estimés.
Encore une fois, je vais parler de ma région pour démontrer les répercussions. Les coûts d'entretien et de construction sont beaucoup plus élevés en région. Cela a pour effet de forcer des communautés à faire des choix déchirants. En février 2021, la nation abittibiwinni de la réserve de Pikogan, près d'Amos, faisait état de la difficulté de consacrer les sommes nécessaires au fonctionnement des systèmes d'aqueduc et d'égout. Il est difficile pour une communauté de choisir entre entretenir ses infrastructures, ses systèmes d'aqueduc et d'égouts ainsi que les routes en plus de faire du développement économique et social quand les enveloppes n'y sont pas. Il faut rappeler qu'en région éloignée, le coût de chaque réparation est plus élevé, notamment en raison des distances, de la pénurie de la main-d'œuvre et de la concurrence des mines dans le secteur de la construction.
Quand on lit le projet de loi, on sent que ce dernier veut s'attaquer au problème du financement inadéquat. Cependant, le langage utilisé reste superficiel en exigeant seulement « que le financement, au minimum, respecte l'engagement des dépenses prévu dans l'Accord de règlement de 2021 sur l'eau potable pour les Premières Nations ».
Les dispositions de financement inscrites dans ce projet de loi ne vont tout simplement pas assez loin pour garantir des fonds suffisants aux Premières Nations. Selon l'article 26 de cette mesure législative, le gouvernement du Canada se contente de promettre de déployer ses meilleurs efforts pour fournir un financement adéquat aux infrastructures liées à l'eau ainsi que pour pallier les coûts réels encourus par les Premières Nations pour la prestation des services d'eau et d'assainissement.
C'est une porte ouverte à l'inaction. L'expression « meilleurs efforts » est une astuce permettant au gouvernement de se soustraire à sa responsabilité d'assurer un réel accès aux Premières Nations à une eau potable propre et sûre.
Si le ministre peut simplement prétendre avoir fait de son mieux pour assurer l'accès à l'eau à une communauté, et que la communauté se retrouve toujours sans accès à l'eau potable, cela resterait tout à fait légal, selon les termes proposés par cette loi. C'est inacceptable. C'est une faillite de responsabilité envers nos concitoyennes et nos concitoyens autochtones, et nous ne pouvons pas tolérer une telle négligence.
Rappelons aussi que l'enquête menée par l'Institut du journalisme d'enquête de l'Université Concordia a révélé que Services aux Autochtones Canada ne finançait que 33 % des besoins de la communauté de Kebaowek, située dans ma circonscription, alors que la contribution du gouvernement fédéral devait atteindre 80 %. Peu importe les infrastructures, si Ottawa ne fournit pas sa part d'efforts, il est impensable que les Premières Nations soient en mesure de répondre aux attentes.
Le problème d'eau potable touche aussi des communautés allochtones. Prenons l'exemple de la municipalité de Laverlochère‑Angliers, au Témiscamingue. Ses habitants n'ont pas accès à de l'eau potable pour la raison suivante: le coût est simplement trop élevé pour une communauté d'environ 300 personnes.
Tout cela s'ajoute à un contexte où 30 % de la population d'Abitibi—Témiscamingue s'approvisionne en eau potable grâce à des puits privés. Une étude menée par la Direction régionale de santé publique a démontré la présence d'arsenic dans les puits privés. Elle a permis de valider l'hypothèse selon laquelle les puits contaminés étaient associés à un certain type de roche qu'on retrouve souvent près des gisements d'or. Ainsi, la construction de certains puits privés a été faite à même ces gisements; les puits se retrouvent donc avec de l'arsenic dans leur eau. Il est important, tant pour les communautés allochtones qu'autochtones, d'avoir une bonne connaissance géologique de notre région afin de réduire les risques de contamination.
Il faut aussi se rappeler que, selon un sondage de la Direction de santé publique de l'Abitibi—Témiscamingue, quatre personnes sur cinq n'avaient pas fait le nettoyage ou la désinfection de leur puits au cours des cinq dernières années.
Cet état de fait est un autre point important qu'il faut envisager dans ce projet de loi. Comment financer la prévention si les communautés autochtones optent pour la construction de puits? Ce sont des éléments importants de réflexion.
En conclusion, je dirais que nous nous trouvons à un moment crucial où nous devons réfléchir sérieusement à l'avenir de l'accès à l'eau potable pour les communautés autochtones au Québec et au Canada. Le projet de loi représente une tentative, même si elle est imparfaite, de répondre aux inégalités persistantes vécues par les peuples autochtones en matière d'accès à l'eau potable.
Cependant, malgré les bonnes intentions qui sous-tendent ce projet de loi, il reste des préoccupations fondamentales. La question de la consultation véritable et significative des Premières Nations reste en suspens, jetant une ombre sur la légitimité de cette mesure législative. De plus, les lacunes dans les dispositions de financement ne garantissent pas suffisamment de ressources pour répondre adéquatement aux besoins des communautés autochtones.
Nous ne pouvons pas ignorer le fait que, si nous sommes ici en 2024, à débattre encore de la nécessité d'assurer un accès décent à l'eau potable et à des infrastructures dignes, c'est inacceptable. Cela souligne l'échec continu du gouvernement à respecter ses engagements envers les nations autochtones.
En tant que représentants élus, nous avons la responsabilité de faire en sorte que chaque citoyenne et citoyen ait un accès équitable à un élément essentiel de la vie: l'eau potable. Le projet de loi C‑61 offre donc une occasion d'améliorer la situation, mais il doit être renforcé et ajusté pour véritablement répondre aux besoins, aux demandes et aux droits des Premières Nations.
Nous devons agir avec urgence et détermination pour mettre fin à cette situation inacceptable. L'accès à l'eau potable propre et sûre est un droit fondamental, et nous ne pouvons pas tolérer un retard supplémentaire dans sa réalisation. L'engagement de la Chambre envers la réconciliation et envers les peuples autochtones exige que nous agissions avec vigueur pour garantir à chaque communauté autochtone et allochtone un avenir, et qu'elle puisse s'épanouir avec dignité et équité.
:
Uqaqtittiji, j'ai le privilège de représenter le Nunavut à la Chambre. Je regrette de n'avoir pu assister à l'intervention de la , car je siégeais au comité. Nous terminions l'étude du projet de loi sur la mise en œuvre de l'autonomie gouvernementale des Métis. Je suis heureuse de savoir que je pourrai prendre connaissance de ses propos plus tard, ce qui me permettra d'y réagir.
Je suis consciente qu'avant le 1er juillet 1867 les Inuits, les Premières Nations et, plus tard, les Métis, administraient ces territoires. Avant que le Canada ne soit créé, ils étaient dotés de lois régissant la faune, le milieu marin, les terres, les écosystèmes, et l'interaction de ceux-ci. Le projet de loi , Loi concernant l'eau, les sources d'eau, l'eau potable, les eaux usées et les infrastructures connexes sur les terres des Premières Nations est particulièrement important, car il nous rappelle que les Autochtones étaient présents avant l'arrivée des colons. En effet, avant la colonisation, les Autochtones protégeaient leurs terres et leurs ressources en eau, et ils comptaient sur l'environnement pour leur fournir les ressources dont ils avaient besoin, tout en étant conscients de ses limites. Par conséquent, la nécessité de protéger et de préserver l'environnement, notamment l'eau, découlait directement de la dépendance des Autochtones vis-à-vis de celui-ci.
Je profite de cette occasion pour rappeler aux Canadiens que le Canada n’a pas encore abandonné ses activités coloniales visant à « tuer l’Indien dans l’enfant ». Il y a plus d’enfants autochtones en foyer d’accueil qu’il y en avait dans les pensionnats. Il y a plus d’Autochtones qui sont sans abri ou qui vivent dans des logements surpeuplés ou médiocres. On constate les plus grands déficits d’infrastructures chez les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Le NPD a calculé que pour doter les Premières Nations des mêmes infrastructures que les autres, il faudrait investir 350 milliards de dollars. Le gouvernement libéral a réduit le financement du programme des femmes et filles autochtones disparues et assassinées.
Par conséquent, lorsque ce projet de loi a été présenté, j’ai mis mes lunettes de citoyenne opprimée et j’ai cherché en quoi il me concerne. Je me suis demandé pourquoi ce projet de loi ne place pas les droits de la personne et les droits issus de traités sur un pied d’égalité avec les droits des autres Canadiens. Pourquoi ce projet de loi ne respecte-t-il pas les lois internationales sur le droit à l’eau? Pourquoi ne donne-t-il qu’un guide en ce qui concerne la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones?
Avant d’approfondir cette analyse, j’aimerais vous faire part de ce qui se trouve dans le projet de loi , selon le site Web du gouvernement du Canada. Les éléments clés de ce projet de loi comprennent la reconnaissance et l'affirmation du droit inhérent des Premières Nations à l’autodétermination en matière d’eau, d'eau de source, d’eau potable, d'eaux usées et d'infrastructures connexes sur, dans et sous les terres des Premières Nations. Il établirait des voies réglementaires fondées sur les droits pour protéger l’eau et l'eau de source adjacente aux terres des Premières Nations, en consultation et en coopération avec les Premières Nations, d’autres ministres fédéraux, les provinces et les territoires, afin de protéger les sources d’eau potable qui coulent sur les terres des Premières Nations. Il propose aussi des normes nationales minimales pour la prestation de services d'eau potable et d'assainissement des eaux usées sur les terres des Premières Nations, basées sur les choix des Premières Nations.
Parmi les autres éléments clés, mentionnons la promesse du gouvernement fédéral de faire de son mieux pour fournir un financement adéquat et durable des services d'eau sur les terres des Premières Nations qui soient comparables à ceux que reçoivent les collectivités non autochtones. Mentionnons aussi l’obligation de fournir un financement qui, au minimum, respecte les engagements de dépenses énoncés au paragraphe 9.02(2) de l’Accord de règlement. Ce projet de loi exige que toutes les décisions soient prises en respectant le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Il promet aussi d’appuyer la création d’une commission des eaux pour renforcer le contrôle des Premières Nations sur les services d’eau potable et d'assainissement des eaux usées sur leurs terres.
Je reviens à mon analyse des promesses continuellement insuffisantes du gouvernement à l'égard des Premières Nations et de l'incidence de ce manque d'engagement sur les Autochtones. Malheureusement, le projet de loi n'en fait pas assez pour respecter des droits de la personne et les droits des Autochtones. Selon une analyse de JFK Law:
Dans l'ensemble, le projet de loi C‑61 procure aux Premières Nations un fondement solide pour exercer le contrôle sur leurs ressources en eau et exercer le pouvoir sur les eaux situées à l'intérieur de leur territoire. Toutefois, il ne reconnaît pas de manière explicite le droit de la personne à l'eau potable ni ne garantit vraiment l'égalité d'accès à des services d'eau à l'intérieur du territoire des Premières Nations comme à l'extérieur. Surtout, le projet de loi ne contient pas de dispositions relatives à la protection efficace des eaux de source, ce qui est pourtant nécessaire pour qu'il y ait une quantité suffisante d'eau propre sur les terres et les territoires des Premières Nations pour subvenir à leur besoin.
La Fédération des nations autochtones souveraines a déclaré: « [...] la première ébauche publiée par le gouvernement du Canada en février dernier a été rédigée secrètement par Services aux Autochtones Canada sans consultation directe des Premières Nations, un fait qu'ont dénoncé l'Assemblée des Premières Nations et plusieurs organisations régionales des Premières Nations au cours de l'année 2023. » D'autres Premières Nations, notamment celles qui sont visées par les traités nos 6, 7 et 8 ainsi que la Première Nation de Neskantaga déplorent depuis le début le fait que le projet de loi a été rédigé à leur insu et ne leur a été révélé qu'au moment de son dépôt.
Je note qu’en plus d’un autre projet de loi présenté par le gouvernement libéral, le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur les Indiens qui porte sur les nouvelles exigences en matière d’inscription, le projet de loi a été présenté pour donner suite à une poursuite judiciaire. En effet, en novembre 2019, une poursuite a été intentée contre le Canada au nom de l’ensemble des membres des Premières Nations et des membres qui résident dans des réserves ayant fait l’objet d’un avis de faire bouillir l’eau pendant au moins un an à compter de 1995. Les termes de l’entente de règlement ont été annoncés le 30 juillet 2021. Bien que d’autres députés les aient cités, je répète qu’ils comprennent les éléments suivants: une indemnisation de 1,5 milliard de dollars pour les personnes privées d’eau potable; la création d’un fonds de 400 millions de dollars pour la restauration économique et culturelle des Premières Nations; un engagement renouvelé à l’égard du plan d’action du Canada visant à lever tous les avis à long terme de faire bouillir l’eau; la création d’un comité consultatif des Premières Nations sur la salubrité de l’eau potable; un soutien aux Premières Nations destiné à leur permettre d’élaborer leurs propres règlements et initiatives pour la salubrité de l’eau potable; un engagement d’au moins 6 milliards de dollars pour promouvoir un accès fiable à l’eau potable dans les réserves et la modernisation prévue de la législation canadienne sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations.
Nous avons entendu dire que l’élaboration du projet de loi est le fruit d’une collaboration avec les Premières Nations. J’apprécie les efforts déployés par la , mais je sais qu’il aurait été possible de faire davantage. L’Assemblée des Premières Nations est une importante organisation nationale des peuples autochtones. Cependant, elle ne représente pas toutes les Premières Nations. Certaines nations autochtones du Canada ne sont pas représentées par l’Assemblée des Premières Nations. Lors de l'étude en comité, nous devrons veiller à ce que toutes celles qui souhaitent être entendues le soient. En tant que parlementaires, nous devons intégrer les méthodes de collaboration des Autochtones. Nous devons veiller à ce que les membres des Premières Nations qui se sentent ignorés aient la possibilité de s’exprimer sur le projet de loi. C’est ainsi que nous parviendrons à ce que le projet de loi soit amélioré et réellement élaboré conjointement.
En 2018, l'Assemblée des Premières Nations a organisé une consultation sur l'accès à l'eau potable. À ce moment-là, les préoccupations mentionnées comprenaient le manque de financement adéquat, prévisible et durable; le manque de reconnaissance des droits des Autochtones; le risque de violation des droits ancestraux ou issus de traités; le manque de protection des sources d'eau; et une mobilisation insuffisante à l'égard des questions liées à l'eau qui touchent directement les Premières Nations. Lorsque le projet de loi sera renvoyé en comité, il faudra s'efforcer de répondre à toutes ces préoccupations.
Le projet de loi doit faire l'objet d'un examen minutieux, car nous devons veiller à ce qu'il respecte les droits inhérents aux traités et les obligations en matière de droits de la personne. En tant que pays du G7, le Canada doit montrer qu'il traite les premiers habitants avec le plus grand respect.
Des générations de membres des Premières Nations ont grandi sans avoir accès à l'eau du robinet. Elles pensent probablement qu'il est normal de boire de l'eau en bouteille. Certaines Premières Nations pensent probablement qu'il est normal de faire bouillir l'eau avant qu'elle ne soit bonne à boire. Nous sommes en 2024 et nous devons veiller à ce que les Premières Nations ne pensent plus qu'il est normal d'agir ainsi.
Le projet de loi nécessite beaucoup de travail. J'espère que, à titre de parlementaires, nous ferons ce travail en gardant à l'esprit que les Premières Nations ont des droits inhérents issus des traités et des droits de la personne et que nous devons tous faire ce que nous pouvons pour garantir le respect de leurs droits.
:
Madame la Présidente, c’est un plaisir de parler d’un projet de loi aussi important. Plus tôt aujourd’hui, sous la forme d’une question, j’ai parlé des projets de loi importants dont la Chambre est saisie au cours de la présente législature, et j’en ai cité deux. Le premier est celui dont nous débattons en ce moment, le projet de loi et la question de l’eau; et plus tard cet après-midi, nous allons débattre en troisième lecture de la question de l’accord commercial entre le Canada et l’Ukraine. Au cours des prochains jours et des prochaines semaines, nous allons débattre de projets de loi importants qui auront des répercussions majeures dans toutes les régions de notre pays. Nous espérons que les conservateurs verront le projet de loi tel qu’il est et, en fin de compte, qu’ils votent pour ou contre, qu’ils permettront au moins que ce débat ait lieu.
Lorsque j’ai posé une question précise sur le projet de loi au porte-parole conservateur, il a répondu que c’était le gouvernement qui fixait l’ordre du jour et a essayé de renvoyer la balle. Le député a raison de dire que c'est le gouvernement qui présente le projet de loi, mais le gouvernement a besoin de la collaboration des députés de l’opposition pour que le projet soit adopté à l'étape de la deuxième lecture et qu’un débat puisse avoir lieu. L’accord commercial entre le Canada et l’Ukraine en est un bon exemple.
Comme je l’ai dit, j’attends ce débat avec impatience, mais si j’ai posé la question concernant le projet de loi , c’est que j’aimerais également que le Parti conservateur adopte une approche proactive pour que ce projet de loi crucial soit adopté. Il est vraiment important que nous reconnaissions que le temps dont nous disposons pour débattre à la Chambre des communes est très limité, et nous aimerions que ce projet de loi soit renvoyé à un comité.
Il faut comprendre que ce projet de loi a été créé en collaboration. Il a fait l’objet d’un grand nombre de consultations auprès des Premières Nations, et je qualifierais le résultat — comme la ministre l'a fait, d'ailleurs — de projet de loi créé en collaboration. Il aurait une incidence très réelle et tangible sur l’approvisionnement en eau.
Si je n'ai pas d'expérience directe dans le dossier de l'eau, j'ai une certaine expérience indirecte par rapport au lac Shoal. L'eau que Winnipeg reçoit aujourd'hui, qui est pratiquement non traitée, vient du lac Shoal. Les Ojibwés protègent cette source d'eau et l'utilisent depuis des millénaires. De nos jours, la Ville de Winnipeg est responsable d'assurer notre approvisionnement en eau, et elle se tourne vers le lac Shoal. La Première Nation no 40 nous fait profiter de l'eau du lac Shoal, une eau parmi les plus pures du monde. Paradoxalement, des peuples autochtones, dont les Ojibwés, ont été obligés de faire bouillir leur eau à certains moments.
Pensons-y un instant: le lac Shoal fournit de l'eau saine et pure à la ville de Winnipeg, mais les gens qui vivent autour du lac ont parfois été forcés de faire bouillir leur eau. Pendant des décennies, ils ont tenté de faire bâtir l'infrastructure nécessaire. J'ai été très heureux, il y a quelques années, quand l'actuel gouvernement s'est engagé à construire la route Freedom, qui a aidé une collectivité des Premières Nations.
Il faut garder à l'esprit le concept de réconciliation quand on pense à ce projet de loi. Jamais, du moins dans l'histoire récente, a-t-on vu un premier ministre aussi profondément engagé envers la réconciliation. Ce ne sont pas que des mots; on parle de mesures législatives importantes et de vraies sommes d'argent.
Nous pouvons parler de centaines de millions de dollars, de la construction d’infrastructures et du soutien au développement des infrastructures, qu’il s’agisse des infrastructures sociales que sont les soins de santé, les écoles et l’éducation, ou des rues, des ponts et des routes. En tant que gouvernement national, sous l’égide du , nous avons réalisé des investissements authentiques, sincères et tangibles de l’ordre de centaines de millions de dollars pour soutenir les dirigeants autochtones et leurs collectivités. Le leadership est là, il est bien réel et il produit des résultats. Il fait du Canada une nation plus solide. Nous travaillons avec les Premières Nations pour y parvenir.
Ce que j’aime dans le projet de loi , comme je l’ai souligné sous la forme d’une question, c’est que, pour moi, personnellement, il fait deux choses. Premièrement, il traite de l’un des ingrédients de la vie, si je peux m’exprimer ainsi, à savoir l’eau, d’une manière très tangible, pour la réglementer et la protéger à l’avenir. À mon avis, ce sont les Premières Nations qui vont mener le Canada dans ce dossier particulier.
Nous devons les soutenir. C’est pourquoi, pour la première fois, nous disposons d’un projet de loi sur le sujet. Contrairement aux gouvernements précédents, le gouvernement actuel a travaillé de telle sorte qu'on peut dire de ce projet de loi qu'il est coopératif ou coparrainé, si je peux utiliser ce terme.
L’impact que l’Assemblée des Premières Nations et d’autres ont eu, directement ou indirectement, sur ce projet de loi est considérable. Il ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si ces consultations et cette collaboration n’avaient pas eu lieu.
Comme je l’ai dit dans ma question à la députée qui a parlé avant moi, il y aura toujours des préoccupations. Nous en sommes conscients. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai indiqué, au début de mon intervention, que notre souhait est que ce projet de loi soit renvoyé à un comité. Le plus tôt sera le mieux.
Le Parti conservateur devra faire son bout de chemin et collaborer avec le gouvernement et l’opposition pour que ce projet de loi soit renvoyé à un comité afin que nous puissions entendre toutes les parties prenantes. En particulier — et je ne les qualifierais pas de parties prenantes, mais plutôt de partenaires —, nous voulons que les Premières Nations puissent faire part de leurs réflexions et, le cas échéant, apporter leur soutien aux nombreux éléments qui ont été inclus dans le projet de loi à leur demande.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est vraiment important, lorsqu'on examine la mesure législative dans son ensemble, de reconnaître que nous nous consacrons à ce dossier depuis plus de cinq ans. Nous devons maintenant passer à l'étape suivante.
Tous les porte-parole de l'opposition se sont exprimés. Nous avons également entendu l'explication de la . Nous aurons l'occasion, le plus tôt possible j'espère, de conclure le débat et de permettre à cette mesure législative d'être finalement étudiée par le comité...