La Chambre reprend l'étude, interrompue le 12 février, de la motion, ainsi que de l'amendement.
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Monsieur le Président, je suis honoré de prendre la parole aujourd'hui, sur les terres non cédées des Tseshaht et des Hupacasathm, dans l'île de Vancouver, dans le territoire des Nuu-chah-nulth, au sujet du projet de loi , qui vise à prolonger de trois ans, soit jusqu'au 17 mars 2027, l'exclusion temporaire de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement d'une maladie mentale.
Évidemment, si le Parlement n'intervient pas, le régime s'étendra à ces personnes dès le 17 mars 2024, c'est-à-dire dans un mois à peine. Les néo-démocrates approuvent la conclusion majoritaire du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir selon laquelle le Canada n'est pas adéquatement préparé pour assurer la prestation de l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est un trouble mental.
Le projet de loi accorderait plus de temps pour mettre en œuvre les mesures de sauvegarde nécessaires et répondre aux préoccupations en matière de capacité qui devraient découler de l’élargissement de l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical invoqué est une maladie mentale. Cela donnerait aux médecins plus de temps pour se familiariser avec la formation et les mesures de soutien disponibles, tout en donnant à la population le temps de mieux connaître les solides mesures de protection et processus qui sont en place. Je sais que c’est une question très délicate et très personnelle pour beaucoup de gens au pays. Dans ma circonscription, Courtenay—Alberni, en particulier, de nombreuses personnes m’en ont parlé.
Nous devons également nous assurer d’avoir la compréhension et la compassion nécessaires pour respecter le droit d’une personne à la dignité lorsqu’elle souffre profondément, de façon prolongée et continue. J’aimerais parler de cet aspect. La souffrance attribuable à la maladie mentale est extrêmement grave, et elle est aussi réelle que celle qui est associée à une maladie physique. Dans notre système de soins de santé, il est clair que la santé mentale et la santé physique ne sont pas sur un pied d'égalité, et j’en parlerai également.
Nous devons également reconnaître et protéger les personnes les plus vulnérables lorsque nous prenons des décisions sur une mesure législative aussi importante que l’élargissement de l’aide médicale à mourir. Ce délai supplémentaire est nécessaire dès maintenant pour que notre système de soins de santé puisse fournir en toute sécurité l’aide médicale à mourir à ceux dont le seul problème médical invoqué est une maladie mentale.
Nous savons comment nous en sommes arrivés là. Le gouvernement libéral a fait volte-face et pris une décision mal avisée quand il a accepté l’amendement du Sénat au projet de loi pendant la 43e législature. C’est ce qui nous a amenés ici. Le gouvernement a modifié la loi avant qu’un examen exhaustif n’ait été effectué, et nous sommes en mode rattrapage depuis ce moment. Je vais parler du travail important qui doit être fait, et je veux que nous fassions preuve de réflexion dans notre approche visant à élargir l’aide médicale à mourir.
Au NPD, nous prenons très au sérieux les préoccupations et les commentaires des gens. Nous sommes déterminés à trouver la meilleure solution possible pour les Canadiens en ce qui concerne la politique d’aide médicale à mourir afin que celle-ci permette d’atteindre l’objectif qui a toujours été visé. L’une des plus grandes préoccupations des néo-démocrates à l’égard de l’élargissement de l’aide médicale à mourir concerne les obstacles auxquels de nombreux Canadiens font face lorsqu’ils réclament des soins de santé mentale. À cause des libéraux, et des conservateurs avant eux, le sous-financement chronique du système de santé devient de plus en plus évident. C’est le cas maintenant plus que jamais, car on constate la disparité entre la santé mentale et la santé physique et la façon dont les gens sont soignés.
Le a promis de mettre en œuvre un nouveau transfert en santé mentale de 4,5 milliards de dollars sur cinq ans, mais il ne l’a toujours pas fait. Même avec les accords bilatéraux, les libéraux sont loin du compte, et ce ne serait pas encore suffisant. Tout le monde devrait avoir accès à des services de soutien en santé mentale lorsqu’il en a besoin, mais sous le gouvernement libéral, et sous les conservateurs avant lui, ce n'est pas ce qui se passe. C’est la même chose dans toutes les provinces et tous les territoires.
Les néo-démocrates soutiennent sans réserve le report de l'élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est un trouble mental, mais le gouvernement libéral doit mener des consultations adéquates d’ici la date cible, faute de quoi il faudrait reporter encore cette mesure. Le gouvernement doit s’assurer que les personnes seront protégées tout en respectant leur choix personnel.
Les libéraux ne peuvent pas non plus se contenter de reporter l’élargissement. Ils doivent financer des mesures de soutien et des options de traitement adéquates pour les personnes souffrant de maladie mentale. Les députés m’ont entendu dire à maintes reprises qu'il nous faut une voie à suivre, une feuille de route, pour parvenir à mettre la santé mentale et la santé physique sur un pied d'égalité et offrir aux gens l’aide dont ils ont besoin quand ils en ont besoin.
Sept provinces et les trois territoires ont déclaré qu’ils n’étaient pas prêts et ont signé une lettre commune dans ce sens, dont ma province, la Colombie‑Britannique. Cette lettre a été signée par les ministres de la Santé de ces provinces et territoires. Ils demandent une pause indéfinie de l’élargissement aux personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est un trouble mental. C’est ce que ces ministres ont précisé.
Au NPD, nous voulons que le régime d’aide médicale à mourir soit doté de mesures de sauvegarde qui protègent les personnes vulnérables tout en permettant l’autonomie corporelle et les choix de fin de vie. Nous devons nous assurer que les gens ne demandent pas l'aide médicale à mourir parce qu’ils n’ont pas accès à des traitements, à des mesures de soutien et à des services. Cela doit être une règle absolue. Les libéraux doivent veiller à ce que tout le monde ait accès à des services de santé mentale. Cependant, après avoir maintenu pendant neuf ans les coupes budgétaires faites par les conservateurs dans le secteur de la santé, nous en sommes là aujourd’hui dans tout le pays. L’aide est hors de portée pour bien des gens. Il faut que cela change avant qu'on puisse élargir l’aide médicale à mourir.
On ne fait rien pour résoudre les crises du logement, des drogues toxiques et de la santé mentale. Je vois qu’il ne me reste pas beaucoup de temps, mais je veux m’assurer de souligner que le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a entendu de nombreux témoins qui ont mis le Comité en garde contre l’élargissement de l’aide médicale à mourir à des personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale. J’aimerais partager les propos de certains de ces experts.
Le professeur Brian Mishara, qui travaille au Centre de recherche et d’intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie à l’Université du Québec à Montréal, a déclaré: « Dans son rapport, le Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale indique qu'il n'existe pas de critères pour savoir si une maladie mentale est irrémédiable », et qu’il n’y a absolument aucune « preuve que quelqu'un peut déterminer de manière fiable que la situation d'une personne atteinte d'une maladie mentale ne s'améliorera pas. ». Il nous a mis en garde en disant: « quiconque essaierait de déterminer quelles personnes devraient avoir accès à l'aide médicale à mourir ferait un grand nombre d'erreurs, et des personnes qui verraient une amélioration de leurs symptômes et ne souhaiteraient plus mourir mourraient en ayant recours à l'aide médicale à mourir ».
Nous avons entendu de nombreux experts. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a exprimé des préoccupations similaires.
Comme je vois qu’il ne me reste que quelques minutes, j’aimerais parler un peu du système et du manque d’accès. Nous parlons d’une crise qui sévit dans tout le pays, selon un sondage effectué il y a tout juste un an. La Commission de la santé mentale du Canada et le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances ont publié un rapport faisant état de résultats postpandémiques. Selon ce rapport, 35 % des personnes interrogées ont fait état de problèmes de santé mentale modérés ou graves.
Ce constat est alarmant. Tous les parlementaires devraient également s’inquiéter du fait que moins d’une personne sur trois souffrant de problèmes de santé mentale accède à des services. Dans ce rapport, on précise que les principaux obstacles à l’accès aux services sont les contraintes financières et le fait que l’aide n’est pas facilement disponible. Nous savons que nous traversons actuellement une crise financière et je suis sûr que ces chiffres n’ont fait qu’augmenter. Selon le rapport, les revenus et le chômage accompagné de problèmes de santé mentale font partie des principaux facteurs de stress.
Nous devons créer un système de parité entre la santé mentale et la santé physique. Le gouvernement n’a pas présenté de plan, de feuille de route, sur la manière de parvenir à la parité entre la santé physique et la santé mentale. J’espère qu’en plus des accords bilatéraux, ce budget débloquera des fonds directement pour les organismes communautaires dans le cadre des efforts de rétablissement d’urgence post-COVID, parce que nous savons qu’après la pandémie, certaines personnes éprouvent des difficultés financières, mais la plus grande préoccupation à l’heure actuelle et la plus grande épidémie post-COVID, c’est la santé mentale. J’espère que le gouvernement l’entend.
Je vois que j’ai épuisé mon temps de parole. J’ai beaucoup à dire sur ce sujet. C’est avec plaisir que je répondrai aux questions de mes collègues.
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Monsieur le Président, c’est par sens du devoir que je me suis joint à la dernière mouture du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui a été expressément chargé d’étudier la question de savoir si le système de santé est prêt à étendre l’aide médicale à mourir aux cas de maladie mentale grave. Il s’agit d’une question d'une grande importance pour la société canadienne. Un grand nombre d’électeurs préoccupés m'ont écrit pour m'en parler.
Au début, j’ai humblement remis en question mes compétences pour siéger au comité. Je ne suis pas psychiatre. Je ne suis pas médecin. Je n’ai pas d’expertise ni d’expérience dans ce domaine. Cependant, dans une démocratie, tout n’est pas laissé aux experts. Le peuple, par l’intermédiaire de ses représentants élus, fixe des paramètres juridiques dans des domaines d’intérêt public en adoptant des mesures législatives et réglementaires. C’est d’ailleurs ce qui se passe depuis 2016 avec la question de l’aide médicale à mourir.
Cela dit, il est important d’écouter et de consulter attentivement les experts, car il est important de tenir compte des connaissances et des expériences faisant autorité. C’est d'ailleurs tout le contraire de ce que prône le populisme nouveau genre.
Je suis d’accord avec le comité lorsqu'il recommande de reporter indéfiniment l'accès à l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué. L'enjeu central ici est la question du caractère irrémédiable de la maladie, c’est-à-dire la question de savoir s’il est possible de guérir une personne atteinte d’une maladie mentale grave afin d'alléger ses terribles souffrances, qui s'apparentent d'ailleurs à des souffrances physiques.
Selon la loi, pour qu’une personne soit considérée comme admissible à l’aide médicale à mourir, la maladie doit être à la fois grave et irrémédiable. Le problème est qu'il est plus difficile d'établir le caractère irrémédiable d'un trouble psychiatrique que celui d'un trouble somatique, c'est-à-dire un trouble de santé physique. Dans le cas des troubles psychiatriques, il est infiniment plus difficile d'établir un pronostic précis et exact.
Compte tenu de la difficulté d’établir un pronostic raisonnablement certain à propos d'une maladie mentale, le caractère irrémédiable de la maladie devra nécessairement être établi sur la base d'un examen rétrospectif, c’est-à-dire une évaluation de l’étendue des traitements auxquels le patient a déjà participé et de l'absence d'autres options de traitement ayant le potentiel d'alléger ses souffrances. Le problème est que les évaluateurs de l’aide médicale à mourir n’auront probablement pas été impliqués dans les traitements passés, ce qui rend difficile l’évaluation de la qualité de ces traitements. Lorsqu’il s’agit d’établir le caractère irrémédiable d’une maladie mentale, il a été démontré que le taux d'exactitude était de moins de 50 %, c’est-à-dire qu'il vaudrait mieux tirer à pile ou face.
Pour citer le Dr Sonu Gaind, l’un des experts ayant comparu devant le comité, « les données produites un peu partout dans le monde démontrent que le caractère irrémédiable ne peut pas être prédit dans le cas des maladies mentales. Autrement dit, la première mesure de sauvegarde de l’[aide médicale à mourir] serait déjà court-circuitée selon les données qui révèlent que les prédictions sont erronées dans plus de la moitié des cas. »
Il convient de souligner qu’aux termes de la loi sur l’aide médicale à mourir, une certitude clinique du caractère irrémédiable n’est pas réellement requise. Il est important ici de souligner que la définition du caractère irrémédiable diffère selon qu'on l'aborde d'un point de vue juridique ou clinique.
En effet, dans la loi sur l’aide médicale à mourir, l’expression « grave et irrémédiable » n’a pas le même sens qu’en médecine. Elle est définie comme le caractère incurable d’une maladie, le fait de se trouver dans une situation médicale qui « se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités » et qui « cause des souffrances physiques ou psychologiques » intolérables qui ne peuvent être apaisées « dans des conditions [que la personne] juge acceptables ».
En droit, il n’est donc pas nécessaire d’établir le caractère irrémédiable avec un degré de certitude clinique. Le patient et l’évaluateur doivent plutôt parvenir à une compréhension commune fondée notamment sur une analyse de l’historique des traitements par l’évaluateur. Il y a une part de subjectivité, aussi bien du côté du patient que de l’évaluateur. Naturellement, les biais philosophiques, les valeurs et les principes éthiques de l’évaluateur auront aussi une certaine influence dans cet exercice subjectif.
Comme le Dr Gaind l’a suggéré aux membres du comité: « Faites ces contorsions mentales avec vos électeurs. Dites-leur que leur proche atteint de maladie mentale a obtenu l’[aide médicale à mourir], non pas à la suite d’une évaluation clinique fondée sur la médecine ou la science, mais plutôt à la suite d’une décision éthique de l’évaluateur, et essayez ensuite de les convaincre que c’est tout à fait correct. »
Pour déterminer l’admissibilité à l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué, il est important de pouvoir distinguer des idées suicidaires d’une demande réfléchie d’aide médicale à mourir. Il faut garder à l’esprit que les tentatives de suicide ne sont pas toujours des actes irréfléchis et impulsifs découlant d’un état de panique. Cela relève plutôt du stéréotype. Les psychiatres disent que certains suicides ne sont pas commis dans un moment de frénésie, mais qu'ils sont plutôt soigneusement planifiés à l’avance.
Le Dr Tarek Rajji, médecin-chef du Comité médical consultatif au Centre de toxicomanie et de santé mentale, a déclaré au comité: « Il n'y a pas de moyen évident de cerner les idées suicidaires ou une intention suicidaire dans les demandes d'aide médicale à mourir. »
Je cite encore le Dr Gaind:
Les données scientifiques démontrent l'impossibilité de distinguer entre les idéations suicidaires causées par la maladie mentale et les conditions qui conduisent à faire une demande d'AMM pour des motifs psychiatriques. Les caractéristiques en commun dans les deux situations laissent entendre qu'il n'y a peut-être aucune distinction à établir.
Aux Pays‑Bas, l'aide médicale à mourir est conditionnelle à une évaluation faite par un médecin indépendant, et, dans les cas de souffrances psychiatriques, à une troisième évaluation par un psychiatre indépendant, préférablement un spécialiste du trouble qui affecte le patient.
Le problème de la loi canadienne actuelle, c'est qu'elle ne contient aucune obligation qu'un des évaluateurs soit un psychiatre, même si les enjeux de psychiatrie sont extrêmement complexes. Souvent, les patients ont plus d'une maladie. On dit qu'entre 71 et 79 % des patients en psychiatrie qui ont reçu l'aide médicale à mourir aux Pays‑Bas souffraient de plus d'un trouble psychiatrique.
Les êtres humains ne sont pas des atomes rationnels indépendants qui exercent leur autonomie avec une vision parfaitement claire et sans aucune influence. Nous ne sommes pas aussi libres que nous le croyons. Nous naissons et grandissons dans une famille et une communauté et nous sommes influencés par les possibilités qui nous sont offertes et par les contraintes qui nous sont imposées.
Je me demande parfois si nous ne sommes pas en train de transformer l'autonomie personnelle en une sorte d'idéologie. Je dis « je me demande » parce que, en tant que libéral, je n'ai pas reçu le don de l'absolutisme que les idéologues ont reçu.
Les demandes d'aide médicale à mourir peuvent être influencées, et même motivées, par des facteurs externes comme la pauvreté et l'isolement, c'est-à-dire par des facteurs psychosociaux. Selon le Dr Gaind, « les personnes aux prises avec une maladie mentale ont une incidence plus élevée de souffrance psychosociale ».
Cela signifie que les évaluateurs des demandes d'aide médicale à mourir se tromperont plus de la moitié du temps lorsqu'ils prédiront l'irrémédiabilité, qu'ils croiront à tort qu'ils filtrent la tendance suicidaire et qu'au lieu de cela, ils permettront la mort de Canadiens suicidaires marginalisés dont la situation aurait pu s'améliorer.
Archibald Kaiser, professeur à l'École de droit Schulich et au département de psychiatrie de la faculté de médecine de l'Université Dalhousie, a ajouté: « En 1991, la Cour suprême a conclu que les personnes atteintes de maladie mentale ont toujours été victimes de mauvais traitements, de négligence et de discrimination. »
Le Dr Gaind a également souligné que la souffrance est cumulative, et que les épreuves de la vie alimentent malheureusement une grande partie de la souffrance des personnes atteintes de troubles mentaux, et que cette réalité est encore plus marquée chez les populations marginalisées.
Il est en fait possible que la marginalisation fondée sur le sexe puisse influencer les demandes d'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est la seule condition médicale sous-jacente. Nous savons que dans les pays qui autorisent l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement de troubles mentaux graves, le ratio entre les femmes et les hommes qui demandent l'aide médicale à mourir est de deux pour un.
Pour leur part, les représentants autochtones ont exprimé de sérieuses réserves quant à l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de troubles mentaux. Selon le professeur Kaiser:
En février 2021 [...] de nombreux signataires autochtones distingués ont écrit au Parlement pour dire que la consultation [...] n'a pas été suffisante et qu'elle n'a pas tenu compte des disparités existantes en matière de santé [...] que rencontrent les Autochtones par rapport aux personnes non autochtones. Ils affirment que leur peuple est vulnérable à la discrimination et à la contrainte et devrait être protégé des conseils non sollicités.
Nous savons que le racisme systémique existe dans le système de santé. Parlons-en à la famille de Joyce Echaquan. Quelle incidence aurait le racisme systémique sur le taux d'acceptation des demandes d'aide médicale à mourir présentées par des personnes autochtones ou racisées? La question est pertinente.
Voici ce que la Dre Lisa Richardson, chef de file stratégique au Centre for Wise Practices in Indigenous Health du Women’s College Hospital, a déclaré à un comité sénatorial le 3 février 2021:
Dans un environnement où il existe à la fois du racisme systémique et du racisme interpersonnel, je ne crois pas que les Autochtones seront en sécurité. Je ne crois pas que les préjugés et les partis pris contre les Autochtones seront sans effet sur la prise de décisions et sur les conseils relatifs à l’aide médicale à mourir pour les Autochtones, peu importe toute l’éducation qu’on leur offrira sur la question.
Les communautés autochtones, dont bon nombre connaissent des taux de suicides élevés, en particulier chez les jeunes, pourraient craindre que l'aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué n'ait un effet de contagion sur la tendance suicidaire.
Il y a aussi la question élémentaire de la capacité du système de santé du Canada de répondre à l'élargissement de l'aide médicale à mourir. En effet, ses ressources sont déjà utilisées au maximum.
Selon Eleanor Gittens de la Société canadienne de psychologie, notre pays n'a pas encore établi la parité entre les soins physiques et mentaux disponibles. Je la cite: « Les soins et les traitements en santé mentale ne sont pas couverts par l'assurance-maladie et ne sont pas aisément accessibles. »
Comme nous ne savons pas au juste combien de personnes demanderaient l'aide médicale à mourir en cas de trouble mental, nous ignorons s'il y a suffisamment d'évaluateurs qualifiés. Certains estiment que bien au-delà de 2 000 patients par année recevraient l'aide médicale à mourir en cas de trouble mental, et que le nombre de demandes d'admissibilité serait encore plus élevé. Je sais que ce chiffre est contesté.
Le fait que Santé Canada a publié une norme et un module de formation au sujet de l'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué ne signifie pas que le système est prêt. Un édifice construit sur des fondations fragiles n'est pas prêt à être occupé, peu importe le niveau d'achèvement de sa structure. Il n'y a aucune mesure de sauvegarde pour empêcher que des facteurs psychosociaux comme la pauvreté, la précarité du logement ou la solitude, entre autres, mènent à une augmentation du nombre de demandes d'aide médicale à mourir chez les personnes atteintes de maladies mentales.
Voici ce qu'a indiqué le Dr Rajji: « Le document sur les normes, celui préparé par le groupe d'experts, dit que ce ne sont pas des lignes directrices cliniques, et c'est ce qui manque pour assurer la qualité des soins. » En outre, le Dr Gaind a également affirmé ceci: « [C]'est une fiction juridique que l'admissibilité à l'AMM soit déterminée en fonction d'un jugement clinique objectif. En fait, je constate régulièrement que les valeurs des praticiens influencent l'interprétation des critères d'admissibilité à l'AMM et des protections. »
Selon un article paru dans Impact Ethics, « les rares pays qui autorisent l'AMM dans les cas où la maladie mentale [est le seul problème médical invoqué] se sont dotés de mesures de sauvegarde que n'a pas le Canada, comme l'assurance que tous les soins possibles ont été prodigués et qu'il n'y a plus de solution de rechange raisonnable ou la futilité du traitement avant de déterminer si le patient est admissible à l'AMM. »
Au Canada, un patient pourrait être admissible à l'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème invoqué même s’il refuse un traitement. Il arrive souvent qu’un patient ayant des problèmes psychiatriques refuse un traitement supplémentaire en raison de la lassitude qu’il éprouve à l’égard des traitements. Alors que la fatigue thérapeutique a été étudiée dans le contexte du VIH et du diabète de type 1, dans le but d'élaborer des stratégies pour aider à la surmonter, la fatigue thérapeutique n’a pas encore fait l’objet d’une attention particulière dans le domaine de la psychiatrie. Une meilleure compréhension de la fatigue thérapeutique pourrait déboucher sur d’autres possibilités que l’aide médicale à mourir, comme des traitements palliatifs ou axés sur le rétablissement.
Je respecte le Sénat. Je reconnais sa valeur. Les sénateurs apportent plus qu’un simple second examen objectif; ils apportent leur expertise dans des domaines essentiels à l’élaboration de bonnes politiques publiques, mais les sénateurs ne sont pas élus. Ils ne sont pas la voix du peuple. Le gouvernement n’a jamais eu l’intention d’étendre l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale.
Le gouvernement était à court de pistes pour respecter le délai imposé par la cour dans l’arrêt Truchon afin de modifier la loi et de supprimer l'exigence d'une mort raisonnablement prévisible pour l’admissibilité à l’aide médicale à mourir. Il ne pouvait pas se permettre un jeu de ping-pong procédural avec le Sénat au sujet de son amendement de dernière minute visant à supprimer l’exclusion relative aux maladies mentales du projet de loi . Il a dû accepter l’amendement du Sénat pour que le projet de loi soit adopté.
À mon avis, nous ne sommes pas prêts pour l'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué. Nous ne pouvons pas déterminer l’irrémédiabilité avec un degré acceptable de certitude et d’objectivité. Nous ne pouvons pas faire la distinction entre une demande d’aide médicale à mourir pour cause de maladie mentale et des idées suicidaires. Nous ne sommes pas en mesure d’isoler les facteurs psychosociaux qui pourraient être à l’origine de la demande. Nous n’avons pas consulté comme il se doit les collectivités racisées pour tenir compte de leurs points de vue, de leurs préoccupations et de leurs craintes, notamment les communautés autochtones, et nous n’avons pas prévu de mesures de sauvegarde dans la loi.
Nous n’exigeons pas la participation d’un psychiatre à l’évaluation ni qu’une personne dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale ait raisonnablement épuisé les traitements disponibles avant de faire une demande d'aide médicale à mourir. Les quelques autres pays qui autorisent l'aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué ont cette exigence.
Nous n’avons pas étudié et compris la fatigue thérapeutique de manière à pouvoir élaborer des stratégies susceptibles de conduire un patient vers d’autres options thérapeutiques non létales et, enfin, nous avons permis à un organe non élu, le Sénat, de diriger ce dossier.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec ma collègue de .
Encore une fois, je me lève à la Chambre pour parler d'un sujet qui est très délicat, mais essentiel dans nos vies: l'aide médicale à mourir. Je suis personnellement en faveur de l'aide médicale à mourir. Je ne suis pas ici pour défendre mes opinions personnelles. Je suis ici plutôt comme un législateur qui doit prendre en compte toutes les données qui viennent soutenir le feu vert qui peut être donné dans certaines conditions pour l'aide médicale à mourir ou encore le feu rouge nous invitant à ne pas aller de l'avant.
Selon moi, c'est un sujet qui n'appelle à aucune partisanerie. On peut être à gauche, on peut être à droite, on peut être souverainiste, on peut être fédéraliste; ce n'est pas là le point. Il s'agit de savoir comment nous, comme êtres humains, nous sentons par rapport à cette question. Peu importe d'où nous venons, du spectre politique d'où nous sommes, nous sommes d'abord et avant tout des humains. À partir de là, nous devons faire un choix pour les gens qui ont besoin de l'aide médicale à mourir et nous assurer de la façon dont cela est fait dans des balises correctes.
Nous sommes confrontés à cette situation puisque le débat a été ouvert ici, au fédéral, en 2015. Or, il a été ouvert au Québec bien avant. Les circonstances ont fait que j'ai eu à participer tant au plan provincial qu'au plan fédéral aux premiers pas de cette mesure législative qui est au cœur de notre débat d'aujourd'hui.
Je me permets de rappeler que la première province à avoir légiféré là-dessus ne l'a pas fait du jour au lendemain, bien au contraire. C'est après six ans de débats sérieux, studieux, scientifiques et médicaux et d'auditions que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale ont voté en faveur d'une loi qui allait être les premiers pas de l'aide médicale à mourir. Je tiens à mettre l'importance là-dessus. Cela s'est fait pendant six ans, sous trois gouvernements différents, sous trois premiers ministres différents. C'est bien là la preuve que c'est un sujet qui n'est pas partisan. Dans la mesure du possible, nous devons toujours avoir cette approche.
Je me souviendrai toujours, lors du débat final sur l'adoption des premiers pas de l'aide médicale à mourir au Québec, d'un député qui était très engagé contre ce projet de loi. Je le revois se lever à l'Assemblée nationale en disant de ne pas voter en faveur de cela. Il était rouge comme une tomate tellement il était convaincu et tellement il était contre ce projet de loi. Une fois qu'il s'est assis et que le discours a été terminé, je l'ai applaudi. Je ne l'ai pas applaudi parce que j'étais d'accord avec lui; je l'ai applaudi parce qu'on vivait dans une démocratie qui permettait l'expression d'un point de vue qui était contraire au mien. Cela faisait ressortir la beauté de la démocratie. Même si son parti et son gouvernement allaient voter majoritairement en faveur du projet de loi, il était contre et il avait l'occasion de le dire et de l'exprimer avec toute la passion qui l'animait. Voilà comment nous devons mener le débat concernant l'aide médicale à mourir.
Souvenons-nous que ce débat est arrivé sur la scène fédérale en raison de l'arrêt Carter. Sans vouloir refaire l'histoire, rappelons que c'est arrivé en 2015 et que c'était une année électorale. Dans son bon jugement, le chef du gouvernement canadien de l'époque n'est pas allé de l'avant immédiatement, puisqu'on était à la porte d'une campagne électorale. Au risque de le répéter une cinquantième fois aujourd'hui, c'est un sujet qui n'est pas partisan. À sa face même, une campagne électorale est l'épicentre de la partisanerie politique. C'est correct, c'est cela, une campagne électorale. C'est pourquoi, dans son bon jugement, le premier ministre et chef de l'État canadien, le très honorable Stephen Harper, avait décidé de tenir le débat une fois que la campagne électorale serait terminée.
La population s'est prononcée. Un nouveau gouvernement a été élu. Il y a donc eu le débat à ce sujet. C'est à ce moment-là que les premiers pas sur ce projet de loi portant sur l'aide médicale à mourir ont été faits. D'aucuns auront remarqué que ce projet de loi n'était pas parfait, comme tous les projets de loi. Or, cela a quand même mené à des situations particulières.
Personnellement, j'étais pour l'aide médicale à mourir, mais je n'ai pas voté en faveur, parce que je trouvais que le projet de loi était très mal ficelé. Je me souviens très bien de l'honorable David Lametti qui, à l'époque, n'était pas ministre de la Justice. On sait qu'il l'a été plus tard. À la suite de la décision du , il n'est plus ministre de la Justice, aujourd'hui, et il a décidé de servir ailleurs qu'à la Chambre des communes. Je me souviens très bien que M. Lametti avait dit qu'il allait voter contre parce qu'il estimait que cela n'allait pas assez loin. La Loi a ainsi été adoptée, mais d'autres choses sont arrivées et ont fait qu'aujourd'hui on se retrouve devant le débat concernant la santé mentale.
Je rappelle que, de mon côté, je suis pour l'aide médicale à mourir dans la mesure où c'est bien balisé. Je vais donner l'exemple du Québec. En fait, je vais plutôt parler de l'expérience du Québec, car un exemple est quelque chose qu'on doit suivre. Inspirons-nous plutôt de l'expérience du Québec, qui, pendant six ans, a tenu un débat politique sur la question de l'aide médicale à mourir avant de faire ses premiers pas et d'adopter une première loi.
Concernant l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant d'un trouble de santé mentale, après avoir tenu des audiences, mené des consultations et analysé à fond cette question, l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont décidé de ne pas aller de l'avant en ce qui a trait à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical est un trouble de santé mentale. En effet, on estimait qu'il n'y avait pas de consensus sur cette question et que cela ne faisait pas consensus dans le domaine de la science. Il y avait des voix pour et des voix contre.
C'est là que nous sommes actuellement. C'est pour cela que, à mon point de vue, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de consensus scientifique fort, il faudra être prudent. Cela n'enlève absolument rien au fait que je suis personnellement en faveur de l'aide médicale à mourir. Je considère que cela doit être prodigué à ceux qui le désirent dans un cadre bien enchâssé dans les lois. Dans le cas présent, cela ne va pas assez loin.
J'ai un collègue de la Nouvelle‑Écosse, soit le député de , qui est médecin. Hier, j'ai écouté avec attention son propos, parce qu'il sait de quoi il parle lorsqu'il s'exprime au sujet de sa pratique professionnelle. Pendant plus d'un quart de siècle, il a exercé la médecine, qu'il exerce d'ailleurs toujours. Il a soigné des milliers des personnes autour de lui dans sa communauté.
Il a parlé de ce qu'il trouvait le plus dur dans sa pratique et il a donné l'exemple d'une personne qui arrive un samedi soir en proie à une crise suicidaire et qu'il faut traiter. Ce n'est pas un bras cassé, ce n'est pas un cancer qui se développe, ce n'est pas un caillou qu'on a reçu dans l'œil et qu'il faut essayer d'enlever. C'est beaucoup plus compliqué que cela, parce qu'il est impossible de régler cela de façon immédiate.
C'est pourquoi son témoignage avait toute une valeur.
[Traduction]
Il a mis au défi quiconque ne s’est jamais trouvé dans une telle situation de nous dire que c'est facile à vivre.
[Français]
Il a dit que, dans sa pratique, il avait toujours trouvé ces situations très difficiles, et que cela lui prenait du temps pour se remettre d'une telle rencontre. Quiconque a eu à parler à des médecins qui sont confrontés à des patients qui ont des instincts suicidaires va le dire. La santé mentale est difficile à cerner, elle est difficile à traiter. De nouveau, je rappelle l'expérience du Québec, qui, après avoir sérieusement étudié cette question, a décidé de ne pas aller de l'avant concernant l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de problèmes psychiatriques.
La question de l'aide médicale à mourir ne pourra jamais être dissociée de la question des soins palliatifs. Les soins palliatifs sont essentiels dans notre système de santé, et nous devons toujours penser à en faire plus, parce que, malheureusement, nous n'en ferons jamais assez dans ce domaine.
Sans raconter ma vie, je peux dire que, il y a deux ans, j'ai vécu une année particulièrement éprouvante puisque mon père et ma mère sont décédés. Je me souviendrai de mai 2022, lorsque ma mère a passé les derniers jours de sa vie à l'hôpital. Elle était dans une aile où il y avait des chambres, les unes après les autres, de gens qui, comme ma mère, recevaient des soins palliatifs. Puis, il y avait des chambres où il y avait des gens qui avaient demandé l'aide médicale à mourir. Alors, pendant les 15 derniers jours de la riche vie de ma mère, je l'accompagnais à l'hôpital et j'ai rencontré des gens qui avaient demandé l'aide médicale à mourir. Ils l'ont fait dans toute leur conscience avec l'appui, le concours, l'encadrement et, surtout, la présence de leur famille, de la même manière que nous avons accompagné ma mère dans les derniers jours de sa vie.
C'est comme cela qu'il faut voir la chose. C'est le respect des individus dans leur choix, dans la mesure où les balises sont bien établies. C'est vrai pour les personnes qui souhaitent recevoir l'aide médicale à mourir et pour les personnes qui souhaitent recevoir des soins palliatifs.
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Madame la Présidente, c’est toujours un honneur pour moi de prendre la parole au nom des habitants de Kelowna—Lake Country.
Nous devons prendre une décision ayant une signification profonde: reporter l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes qui la demanderaient uniquement à cause d'une maladie mentale. Il faut appuyer ce report, mais, en ma qualité de ministre du cabinet fantôme chargée du dossier de l’emploi, du développement de la main-d’œuvre et de l’inclusion des personnes en situation de handicap, je me dois d’exprimer mon opposition catégorique à cet élargissement.
J’aimerais attirer l'attention de la Chambre sur les conclusions du dernier rapport du comité sur l’aide médicale à mourir, qui a été déposé le 30 janvier 2024. Ce rapport exprime des préoccupations qui sont celles des conservateurs depuis longtemps. Il préconise un moratoire sur tout élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant d'une maladie mentale. L’aide médicale à mourir est irrémédiable. Son élargissement incontrôlé pourrait malheureusement entraîner des décès qu'un traitement et un soutien adéquats auraient évités. C’est la raison pour laquelle nous devrions discuter non pas du report, mais de l’abandon définitif de cette disposition législative.
Les libéraux continuent de faire fi des avis des spécialistes de la santé, des défenseurs des droits et des partis de l’opposition, et ils n’ont pas complètement renoncé à l’idée d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui la demanderaient uniquement à cause d'une maladie mentale. En 2023, le gouvernement a déposé, à la 11e heure, un projet de loi visant à imposer un moratoire sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant d’une maladie mentale. Il ne l’a fait qu’après avoir reçu de nombreux avis de spécialistes qui lui recommandaient de reporter l’élargissement de l’aide médicale à mourir. Le gouvernement n’écoute pas ceux qui réclament l’abandon définitif d'une telle disposition législative.
Si le gouvernement fédéral décide malgré tout d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui la demanderaient uniquement à cause d'une maladie mentale, cela pourrait avoir des conséquences irréversibles. En 2023, les directeurs de la faculté de psychiatrie de 17 écoles de médecine lui ont tous demandé de reporter le projet de loi visant à élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui la demanderaient uniquement à cause d'une maladie mentale. Beaucoup d’entre eux ont dit qu’il était impossible d’affirmer que la maladie mentale d’une personne ne répondrait jamais à aucun traitement.
En qualité de ministre du cabinet fantôme, chargée des personnes en situation de handicap, j’ai constaté que ceux qui défendent ces personnes sont majoritairement contre l’élargissement de l’aide médicale à mourir. En décembre 2022, plus de 50 groupes de défense des droits de la personne en général et des droits des personnes handicapées, dont un certain nombre de ma province, la Colombie-Britannique, ont adressé une lettre conjointe au ministre de la Justice d’alors et aux chefs des partis fédéraux pour exprimer leur opposition catégorique à un élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir. Ils y invoquaient la discrimination, le manque de soutien et la nécessité de protéger les personnes vulnérables.
Beaucoup d’autres personnes ont exprimé leur opposition à la loi du gouvernement libéral et ont dénoncé le manque d’empathie de ce dernier, renforçant ainsi les arguments contre l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant d’une maladie mentale. Il est clair, pour ces groupes de défense des droits de la personne en général et des droits des personnes handicapées, que le report de ce projet de loi n’est pas suffisant et qu’il faut renoncer définitivement à l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant d’une maladie mentale.
Mon argument contre l’élargissement de l’aide médicale à mourir à ceux dont le seul problème de santé est une maladie mentale ne repose pas seulement sur l’opinion d’experts, comme je l’ai souligné. En m’adressant à la Chambre aujourd’hui, je me fais le porte-parole des résidants de Kelowna—Lake Country qui vivent avec un handicap ou une maladie mentale et qui m’ont fait part de leurs graves préoccupations à ce sujet. Un exemple frappant de ces préoccupations se trouve dans une lettre que j’ai reçue d’une jeune femme de ma collectivité qui craint les répercussions humaines de ce genre de mesures législatives. Son témoignage est un rappel important de ce qui est en jeu: accablée par les pensées suicidaires, elle s'est battue contre la maladie mentale. Selon elle, si elle avait eu accès à l’aide médicale à mourir, elle aurait emprunté une voie irréversible. Voilà qui donne à réfléchir sur les dangers potentiels de ce genre de mesures législatives. Son histoire n’est pas seulement un témoignage de lutte, mais aussi un cri du cœur à notre société pour qu’elle devienne source de soutien et d’espoir.
Tout récemment, un résidant de Kelowna m'a fait part d’une expérience pénible qui fait écho à la gravité de notre dilemme actuel. Il m’a dit qu’il s’était assis avec un ami qui a récemment opté pour l’aide médicale à mourir. Il a dit que si nous permettons l’élargissement à des personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale, ces personnes ne seront peut-être pas toujours en mesure de prendre des décisions aussi graves, et nous risquons d’ouvrir la porte à des conséquences irréversibles. Cette histoire nous rappelle cruellement la lourde responsabilité qui nous incombe. Il s’agit d’un appel à l’action qui nous exhorte à repenser et à réévaluer nos politiques en matière de soins de santé et de santé mentale et à accorder la priorité au bien-être et à la dignité des Canadiens.
Après des années passées à se battre contre des problèmes de santé mentale, beaucoup de gens sont souvent sur le point d’abandonner. Le coût de la vie est si élevé que les gens ne peuvent même plus joindre les deux bouts; ce dont ils ont besoin, c’est de soutien et de compréhension, pas d'une solution facile comme celle offerte par le gouvernement. Une politique visant à étendre l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale constitue une trahison.
L’engagement à aider les gens était manifeste dans le projet de loi d’initiative parlementaire des conservateurs, le projet de loi , qui visait à modifier le Code criminel afin qu’une maladie mentale ne soit pas considérée comme un problème de santé grave et irrémédiable à l'égard duquel une personne pourrait recevoir l’aide médicale à mourir. Malheureusement, le projet de loi a été rejeté en octobre 2023, 150 députés ayant voté pour et 167 contre. Voilà qui démontre que le gouvernement libéral veut simplement qu'on traite de la question après les prochaines élections.
Après huit années de gouvernement libéral, de nombreuses personnes ont de plus en plus de mal à gérer la détérioration rapide de leur qualité de vie. De nombreux habitants de Kelowna—Lake Country et des Canadiens de partout ailleurs au pays vivent un stress immense tous les mois parce qu'ils ne savent pas comment ils pourront se loger ou mettre de la nourriture sur la table. Cette situation est aggravée par les tensions économiques et l’intensification des problèmes de santé mentale. Dans un tel contexte, élargir l'admissibilité à l’aide médicale à mourir à la maladie mentale comme seul problème de santé sous-jacent est certes malavisé, mais cela pourrait littéralement mettre des vies en danger.
Nous avons déjà vu des exemples inquiétants de non-assistance aux personnes souffrant d’angoisse mentale quand elles demandent de l'aide. Par exemple, Anciens Combattants Canada a confirmé qu’un de ses gestionnaires de cas a suggéré de son propre chef l’aide médicale à mourir à plusieurs vétérans comme solution à des problèmes tels que le stress post-traumatique. En outre, le comité des ressources humaines a entendu le témoignage de personnes handicapées qui envisageaient de recourir à l’aide médicale à mourir parce qu’elles n’avaient pas les moyens de vivre, et il a été rapporté que des clients des banques alimentaires ont demandé comment faire une demande d’aide médicale à mourir. Ces exemples mettent en évidence le risque que l’aide médicale à mourir devienne une solution malavisée pour des personnes qui ont désespérément besoin de compassion et de soutien.
Dans un tel climat d’anxiété, de problèmes de santé mentale et d’augmentation des taux de toxicomanie dans tout le pays, élargir l'admissibilité à l’aide médicale à mourir à la maladie mentale comme seul problème de santé sous-jacent pourrait être une voie tragique. Je pense que nous devrions concentrer nos efforts sur l’amélioration de l’abordabilité et de la qualité de vie, ainsi que sur l’aide apportée avec compassion. Il ne devrait pas être plus facile d’obtenir l’aide médicale à mourir que d’accéder aux services de santé mentale et d’aide aux toxicomanes.
Avec mes collègues conservateurs, je continuerai à soutenir les nombreux experts, médecins et personnes handicapées qui s’opposent à l'admissibilité à l’aide médicale à mourir quand une maladie mentale est le seul problème de santé sous-jacent. Ils expriment les risques inhérents et les préoccupations liées à la protection des personnes en difficulté et à la protection des plus vulnérables. La proposition d'élargir l’admissibilité à l’aide médicale à mourir aux personnes dont une maladie mentale est le seul problème de santé sous-jacent envoie un message troublant, à savoir que le gouvernement est prêt à abandonner certains des citoyens les plus vulnérables. Il s’agit d’un aveu de défaite, signifiant que nous, en tant que société, reculons devant notre obligation morale de fournir des soins complets et compatissants à ceux qui luttent contre des problèmes de santé mentale.
Au lieu d’adopter des lois comme mon projet de loi d’initiative parlementaire plein de bon sens, le projet de loi , la loi pour mettre fin à la justice prorécidive, qui vise à fournir des évaluations de la santé mentale ainsi que le traitement de la toxicomanie dans les pénitenciers fédéraux, des politiques comme l’élargissement de l'admissibilité à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale constituent vraiment une voie irréversible. Nous devons nous assurer que nous soutenons les soins de santé mentale et les solutions à long terme.
En tant que députés, nous ne devrions pas choisir la voie facile au détriment de la bonne voie. Ce n’est pas le Canada auquel nous aspirons: une nation qui s’enorgueillit de sa compassion et de son soutien. Notre devoir n’est pas seulement de légiférer, mais aussi de protéger, de soutenir et de donner de l’espoir aux Canadiens, en particulier aux plus vulnérables d’entre nous. C’est un devoir que nous devons assumer avec le plus grand sérieux et le plus grand engagement.
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Madame la Présidente, c’est, semble-t-il, mon assistante qui m'appelle pour me dire qu'il est temps de parler. Elle est très efficace.
Comme je le disais, il est proposé dans le projet de loi de prolonger l'exclusion temporaire des personnes atteintes de maladies mentales, de sorte que l’administration de l’aide médicale à mourir sur la seule base d'une maladie mentale resterait interdite jusqu'au 17 mars 2027. Dans mes observations d'aujourd'hui, je parlerai de certaines des préoccupations qui ont été exprimées au sujet de l'autorisation de l'aide médicale à mourir pour cause de maladie mentale et du fait qu’il est important de préparer notre système de soins de santé à cet effet avant de légaliser cette pratique.
Comme les députés le savent, le projet de loi a temporairement exclu l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement d'une maladie mentale jusqu'en mars 2023. Le Parlement a prolongé l'exclusion d'une année supplémentaire après que des organisations comme l'Association of Chairs of Psychiatry in Canada et le Centre de toxicomanie et de santé mentale, se sont dites d’avis qu’il fallait attendre une année de plus. Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir était également en faveur de la prolongation.
D'entrée de jeu, je tiens à souligner que le gouvernement reconnaît que la souffrance mentale peut être aussi grave que la souffrance physique. Nous savons que les personnes atteintes d'une maladie mentale ne sont pas toutes incapables de prendre une décision. La prolongation de l'exclusion temporaire de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir n'est pas fondée sur ces stéréotypes stigmatisants.
Je compatis également avec toute personne au Canada qui souffre de manière intolérable en raison d'un problème de santé. Je suis de tout cœur avec eux.
Bien que le gouvernement fédéral estime que l'admissibilité à l’aide médicale à mourir devrait être élargie aux personnes dont le seul problème de santé est une maladie mentale, ce processus ne peut pas être précipité. Au cours de la dernière année, d'importants progrès ont été réalisés pour préparer l'élargissement de cette pratique, mais les provinces et les territoires sont à des stades différents de préparation. Le gouvernement fédéral a donc écouté ses partenaires et présenté ce projet de loi en réaction directe à leurs préoccupations.
Un cadre prudent, mûrement réfléchi et rigoureux est essentiel pour garantir la prestation sûre de l’aide médicale à mourir demandée pour cause de maladie mentale. Le débat sur les paramètres du régime d'aide médicale à mourir a eu lieu avant la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2015 dans l'affaire Carter, dans laquelle la cour a statué que l'interdiction absolue de l'aide médicale à mourir était inconstitutionnelle. C'est le signe d'une démocratie saine.
Plus récemment, le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a pris acte de la diversité des points de vue et des avis d’experts. Certains témoins, comme le Dr Trudo Lemmens, titulaire de la chaire de droit et de politique de la santé à l'Université de Toronto, se sont dits inquiets que l’aide médicale à mourir soit accordée à quelqu’un dont le seul problème médical invoqué est une maladie mentale. D'autres, notamment les membres de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’aide médicale à mourir, ont estimé que le pays était prêt pour l'échéance actuelle du 17 mars 2024.
D’autres experts ont donné leur appui à l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale, ou ont accepté que cette pratique devienne légale, mais ils ont recommandé un sursis. Cette recommandation a été formulée par le Dr Jitender Sareen, de l’Université du Manitoba, au nom de huit directeurs de départements de psychiatrie au Canada. Ceux-ci ont exposé plusieurs raisons, notamment des préoccupations au sujet de la nécessité d’établir des mesures de sauvegarde supplémentaires et de bien définir le caractère irrémédiable d'une maladie mentale avant d’aller de l’avant.
Je tiens à souligner les précieuses contributions qui ont été faites à ce sujet. Même si tout le monde n’est pas d’accord, il est clair que nous nous soucions tous profondément du bien-être des personnes qui demandent l’aide médicale à mourir et de la protection des personnes vulnérables.
J'aimerais maintenant revenir sur quelques-unes des préoccupations qui ont été soulevées. Les députés se souviendront que certains critères d’admissibilité doivent être respectés pour qu’une personne soit admissible à l’aide médicale à mourir, par exemple avoir un problème de santé grave et irrémédiable qui fait que la personne se trouve dans un stade avancé de déclin irréversible.
Certains médecins, comme le Dr Sonu Gaind, chef de psychiatrie au Centre des sciences de la santé Sunnybrook, ont expliqué qu’il était impossible de prédire quels patients atteints d’une maladie mentale verront leur état s'améliorer; autrement dit, nous ne pouvons pas déterminer si leur maladie est irrémédiable. D’autres experts, notamment des membres du groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale, laissent toutefois entendre que l’évolution de la maladie et la réponse aux interventions antérieures peuvent être utilisées pour évaluer le caractère irrémédiable, comme c’est le cas pour certaines affections physiques, notamment pour la douleur chronique.
Le Dr Sareen et d’autres experts ont également dit qu’il est extrêmement difficile de faire la distinction entre les tendances suicidaires et une demande rationnelle d’aide médicale à mourir lorsque la demande est fondée uniquement sur une maladie mentale, car les tendances suicidaires peuvent être un symptôme de la maladie mentale elle-même. Tout en reconnaissant que cela peut être complexe, la Dre Stefanie Green a ajouté devant le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir que les cliniciens ont le devoir d’évaluer chaque patient pour déterminer s’il est suicidaire. C’est quelque chose que les médecins font couramment en pratique clinique. De plus, les évaluations des demandes d’aide médicale à mourir peuvent recommander des mesures de prévention du suicide, le cas échéant.
Le Dr Tarek Rajji, président du comité consultatif médical du Centre de toxicomanie et de santé mentale, a également fait remarquer qu’il n’y avait pas de consensus au sein de la communauté médicale sur la question de savoir si l’aide médicale à mourir devrait être offerte aux personnes dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental. Selon d’autres experts, dont la Dre Green, l’absence de consensus dans le milieu médical n’est pas propre à l’aide médicale à mourir.
Un dernier point préoccupant que je tiens à soulever, c’est celui des personnes qui demandent l’aide médicale à mourir en raison d’une vulnérabilité structurelle et systémique, comme le manque de revenu et de soutien social. Je tiens à préciser que la loi exige que la souffrance soit attribuable à une maladie ou à un handicap, et non à la pauvreté ou à des besoins non satisfaits.
Notre gouvernement est convaincu que les mesures de sauvegarde actuelles feront en sorte que seules les personnes qui répondent aux critères d’admissibilité pourront recevoir l’aide médicale à mourir. Nous sommes également déterminés à investir dans des programmes sociaux qui peuvent atténuer la souffrance non médicale et renforcer le soutien social. Notre cadre d’aide médicale à mourir contient deux séries de mesures de sauvegarde, l’une pour les cas où la mort naturelle est raisonnablement prévisible et l’autre pour les cas où la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
La deuxième série de mesures de sauvegarde s’appliquerait aux cas où une maladie mentale est à l’origine d’une demande d’aide médicale à mourir. Il s’agit notamment de l’obligation de faire participer à l’évaluation un médecin ou une infirmière praticienne spécialisée dans la maladie, d’une période d’évaluation plus longue, soit de 90 jours, de l’obligation d’informer le patient des moyens qui existent de soulager ses souffrances et de lui proposer des consultations avec des professionnels compétents, et de l’obligation pour les évaluateurs et le patient de convenir que le patient a sérieusement examiné les moyens raisonnables et accessibles de soulager ses souffrances.
Outre ces strictes mesures de sauvegarde, il y a d’autres orientations destinées aux médecins, aux infirmières praticiennes et aux autorités de réglementation, notamment un modèle de norme de pratique. La mise en œuvre de directives réglementaires solides et de ressources supplémentaires est en cours, tout comme l’adoption du programme d’étude bilingue sur l’aide médicale à mourir, agréé au niveau national.
Nous sommes convaincus qu’avec plus de temps, nous pouvons être prêts à garantir la sécurité de l’administration de l’aide médicale à mourir dans les cas où une maladie mentale en justifie la demande. Nous avons fait des avancées importantes, mais il reste du travail à faire pour préparer les systèmes de soins de santé et pour qu’un plus grand nombre de médecins et d’infirmières praticiennes bénéficient de la formation et du soutien offerts.
Notre gouvernement estime que trois ans suffisent pour achever ce travail, afin que notre système de soins de santé soit prêt lorsque l’aide médicale à mourir en cas de maladie mentale sera autorisée. En outre, nous proposons d’ajouter une exigence d’examen parlementaire par un comité mixte des deux chambres du Parlement, qui doit débuter dans les deux ans après que le projet de loi aura obtenu la sanction royale.
Le comité aura six mois pour soumettre un rapport, y compris une déclaration sur toute modification recommandée au Code criminel. L’examen en question éclairera l’action du gouvernement et assurera qu’elle n’ira de l’avant que lorsque les systèmes de soins de santé canadiens seront prêts.
La date d’échéance du 17 mars 2024 approchant à grands pas, j’exhorte tout le monde à collaborer pour que le projet de loi soit adopté avant cette date.
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Madame la Présidente, je suis heureuse de pouvoir prendre la parole à ce sujet. Ayant été présente à la Chambre pendant tous les débats sur la question, j’ai essayé de trouver la meilleure façon d’expliquer aux Canadiens, s’il y a matière à discussion, pourquoi ce n’est pas un débat entre les libéraux et les conservateurs, ou entre les verts et les néo-démocrates ou entre les conservateurs et le Bloc. En fait, depuis le tout début, le Parlement peine à régler une question que nous laissons traîner depuis trop longtemps.
J’ai parlé plus tôt, en tant que députée de Saanich—Gulf Islands, du courage tranquille et extraordinaire d’une femme, Sue Rodriguez, qui a porté la souffrance de sa maladie irrémédiable jusqu’à la Cour suprême du Canada et s’est vu refuser ce qu’on appelle généralement la mort dans la dignité. Elle l’a tout de même obtenue, mais illégalement. Ceux qui étaient avec elle à l’époque auraient été passibles de sanctions pénales également, y compris mon ami Svend Robinson qui, à l’époque, était député d’un autre parti et d’un autre endroit.
C’était une période très difficile, et la question de l’aide médicale à mourir ne cessait de me revenir par l'intermédiaire d’électeurs qui avaient le cœur brisé de voir leurs parents ou leurs proches souffrir. Bien souvent, les gens me demandaient pourquoi, si on ne laissait pas un animal de compagnie vivre ce genre de souffrance, permettait-on à nos mères et à nos pères de souffrir alors qu’il n’y a aucune chance qu’ils se rétablissent?
La Cour suprême du Canada a finalement rendu une décision différente à la suite de l’affaire Carter, en 2015. Dans cette affaire, la Cour suprême a jugé que le fait de refuser à une personne l’option légale de demander l’aide médicale de son médecin dans une situation où sa maladie est en phase terminale constitue une violation des droits garantis par l’article 7 de la Charte. Si j’en parle, c’est uniquement parce qu’il y avait aussi une date limite dans ce cas. Nous devons agir. Nous ne pouvons pas simplement laisser la question de côté. La Cour suprême du Canada a déclaré que cette disposition du Code criminel contrevient à la Charte. Cela veut dire qu’on ne peut plus laisser les choses traîner.
Ce serait beaucoup trop long, et mes collègues seront soulagés d’apprendre que je ne passerai pas cette disposition en revue dans ses moindres détails, mais l’enjeu est difficile, très difficile pour les parlementaires. À l’époque, lorsque nous avons commencé à débattre de la première mesure législative autorisant à mourir dans la dignité, soit le projet de loi , la ministre de la Justice qui a été la première à s’occuper de ce dossier était l'honorable Jody Wilson-Raybould. Ce dossier lui a donné du fil à retordre. La ministre de la Santé de l’époque, l'honorable Jane Philpott, a dû elle aussi s'occuper de ce dossier délicat.
Au fil du débat, il m’est apparu que dans ce dossier nous avions au Canada un conflit essentiellement professionnel. Les avocats voulaient s’assurer du respect de la Charte. Les médecins ont déclaré qu’ils ne voulaient pas avoir à déterminer le sens du terme « irrémédiable » et qu’ils n’étaient pas tout à fait prêts pour cela. Par ailleurs, les révisions du projet de loi se sont succédé, étant donné que dans la première mesure législative pour accorder le droit à l’aide médicale à mourir, nous n’avions pas autorisé les directives anticipées. Par conséquent, il y a eu des poursuites judiciaires parce que des personnes atteintes d’un cancer en phase terminale n’ont pas pu obtenir l'aide médicale à mourir étant donné qu'elles souhaitaient en faire la demande à l'avance, peut-être des mois avant que la mort ne survienne naturellement et des mois avant qu’un médecin ne puisse dire: « D’accord, vous êtes prêt maintenant. Consentez. » Le demandeur devait être capable de signer physiquement le jour même de la procédure; il devait confirmer sa volonté.
Encore une fois, je ne devrais pas refaire l'historique, mais essentiellement, le point de vue professionnel des médecins présenté aux parlementaires l’a emporté sur celui des avocats qui affirmaient qu'il y aurait probablement encore des violations de la Charte. Néanmoins, nous avons estimé qu'il valait mieux écouter les médecins et s’assurer qu’ils soient prêts. Cette situation nous a forcés à revenir sur la question de l’aide médicale à mourir pour la rendre plus humaine, et à tenir compte des préoccupations des Canadiens d’un océan à l’autre qui souhaitaient avoir le droit de donner une directive anticipée dans l’éventualité d’une situation conforme aux critères de l'aide médicale à mourir. Voilà ce qui nous a amenés au projet de loi .
En réponse à certains commentaires formulés dans cette enceinte plus tôt aujourd’hui, je rappelle que le gouvernement et le Parlement étaient soumis au délai imposé par le tribunal, et non par le pouvoir politique. Bref, la Cour suprême du Canada avait statué que, en tant que parlementaires, nous étions tenus de respecter ce que la Charte exigeait. Nous étions confrontés à un délai très serré, puis le Sénat a fait une chose à laquelle personne à la Chambre ne s’attendait, je crois.
Encore une fois, nous avons eu un conflit entre professionnels. Les médecins ont dit qu’ils n’étaient pas prêts à élargir la loi aux personnes dont la maladie mentale serait la seule condition irrémédiable invoquée. Les professionnels de la santé qui s’occupent de toxicomanes et de personnes souffrant de troubles mentaux ont dit qu’ils n’étaient pas prêts. Malgré cela, sur la recommandation pressante de la communauté psychiatrique, le Sénat a décidé que nous devrions élargir l’aide médicale à mourir uniquement aux personnes souffrant — et je ne dis surtout pas cela de façon méprisante — d’une maladie mentale particulièrement douloureuse et débilitante.
C’est une question très délicate, et elle l’est encore plus lorsqu’on se rend compte que ceux qui sont les moins susceptibles de bénéficier de soutiens psychiatriques sont les pauvres et les marginalisés. Qui est le plus susceptible de ne pas vouloir continuer de vivre avec une maladie mentale effroyable? Ce sont encore les marginalisés. La communauté des personnes en situation de handicap a dit clairement qu’il ne fallait pas élargir l’accès à l’aide médicale à mourir, car on était déjà sur un terrain très glissant avec le projet de loi , et maintenant voilà le projet de loi .
Encore une fois, nous sommes confrontés à une date butoir imposée par le tribunal. Il faut que les Canadiens qui nous regardent sachent que les provinces et un grand nombre de médecins et de psychiatres sont tous du même avis. Si nous n’adoptons pas rapidement ce projet de loi et si le Sénat n’en fait pas autant dans les plus brefs délais, pour qu’il reçoive la sanction royale avant le 17 mars, alors l’aide médicale à mourir sera accessible aux personnes dont la maladie mentale sera la seule condition médicale invoquée.
Une maladie mentale est-elle irrémédiable? Les experts nous disent que personne ne peut vraiment répondre à cette question. La communauté psychiatrique estime que les mesures de sauvegarde sont suffisantes et que, si trois psychiatres déterminent que la maladie est irrémédiable, c’est suffisant. Par ailleurs, nous nous posons tous des questions au sujet des mesures de soutien psychiatrique: sont-elles suffisantes, notamment pour les personnes marginalisées?
C’est une question qui m’inquiète tout particulièrement. Beaucoup de gens qui sont venus me voir prennent avec succès de la psilocybine, ce qu’on appelle communément des champignons magiques, pour soulager des troubles mentaux qui, autrement, pourraient être considérés comme irrémédiables. Nous savons que Santé Canada est en train d’accélérer les essais sur la psilocybine. C’est un peu un cercle vicieux parce que d’un côté, le ministère dit qu'il serait dangereux de laisser ces gens-là prendre de la psilocybine alors que leurs médecins pensent que cela pourrait les aider, sinon ils risqueraient de se suicider, et de l’autre, il y a cette date butoir du 17 mars qui leur donnera d’office accès à l’aide médicale à mourir. Il me semble que les risques médicaux liés à la psilocybine ne sont rien en comparaison avec la réalité irréversible de la mort. Comment pouvons-nous laisser cela se produire? Nous ne pouvons pas.
Je crois que la Chambre doit aussi se pencher sur un autre dossier, celui de l'aide sociétale à vivre. On sait à quoi ressemble l'aide médicale à mourir, mais à quoi ressemble l'aide sociétale à vivre? Elle comprend l'élimination de la pauvreté et l'assurance d'un revenu minimum garanti pour tous. Elle comprend un accès à des services de santé mentale partout au pays. Elle comprend une approche compatissante et bienveillante en vertu de laquelle on tend la main à tous les Canadiens, qu'ils s'agisse d'handicapés, d'Autochtones ou de jeunes toxicomanes, afin de ne pas les laisser tomber. Et, peu importe ce que des députés en pensent, cela signifie que nous devons adopter cette mesure législative rapidement.
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Madame la Présidente, les décisions prises ici ont une incidence directe sur la vie des Canadiens, d'autant plus lorsqu’il s’agit d’une question de vie ou de mort, et c’est exactement le cas avec ce projet de loi. En tant que députés, nous avons le devoir de servir au mieux les intérêts des Canadiens, y compris en protégeant les membres les plus vulnérables de la société.
Je précise que je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Le fait d’inclure la maladie mentale dans les motifs pouvant justifier le recours à l’aide médicale à mourir est un acte dangereux et, pour tout dire, irresponsable. En effet, en autorisant cela, nous entraînerons inévitablement la mort de Canadiens qui auraient pu se rétablir. Je ne veux pas dire qu'il faut abandonner les personnes souffrant de maladie mentale à leur triste sort. Le rétablissement est possible, alors nous ne devons pas abandonner ces personnes et leurs proches. Les Canadiens souffrant d’une maladie mentale ont besoin d’être soutenus et traités; ils le méritent. Ils peuvent avoir l’impression que leur situation est désespérée, mais l’antidote, c'est l’espoir, pas la mort. Ils méritent un gouvernement et un système de santé empreints de compassion qui répondent à leurs besoins. Pour remédier aux lacunes ou aux insuffisances éventuelles du système de santé, nous devons en priorité travailler avec nos partenaires provinciaux. Voilà quelle devrait être la priorité, et non l'élargissement du régime d’aide médicale à mourir.
Les experts et les intervenants en santé mentale l'ont dit haut et fort au Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir: l’élargissement prévu de l'aide médical à mourir est dangereux. Le gouvernement libéral actuel a déjà dû présenter un projet de loi à la dernière minute pour retarder d’un an cet élargissement par rapport à la date qu’il avait arbitrairement fixée. Pourtant, nous nous retrouvons aujourd’hui étrangement dans la même situation que l’an dernier. Dans cette redite, le projet de loi ne retarderait que temporairement l’élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale. Les risques et les dangers qui existent aujourd’hui seront toujours présents dans trois ans. Cependant, le gouvernement libéral a l’élargissement dans sa mire.
C'est vraiment effrayant de constater que, malgré le manque évident de mesures de sauvegarde pour protéger les personnes vulnérables, le gouvernement libéral entend élargir encore l’accès l'aide médicale à mourir. L’approche insouciante des libéraux était déjà évidente lorsque le gouvernement libéral a décidé de ne pas interjeter appel de l’arrêt Truchon pour plutôt présenter un projet de loi qui allait beaucoup plus loin que ce que le tribunal y avait exigé.
Le gouvernement libéral actuel a montré à de multiples reprises sa volonté d’offrir l'aide médicale à mourir à des Canadiens de plus en plus nombreux, sans donner la priorité au soutien ou aux traitements. C'est toujours le cas pour les personnes en fin de vie. Pourtant, grâce à la gestion de la douleur et au soutien psychologique, émotionnel et pratique, les soins palliatifs soulagent la douleur, le stress et les symptômes d’une maladie grave. C'est prouvé: les soins palliatifs améliorent la qualité de vie non seulement du patient, mais aussi de sa famille. Or, l’accès à tout cela n’est pas universel au Canada.
Le propre rapport du gouvernement sur l’état des soins palliatifs au Canada, publié en décembre dernier, le confirme d'ailleurs. Lorsque l'aide médicale à mourir est plus accessible que les soins palliatifs, les mesures de sauvegarde ne suffisent pas à protéger les Canadiens vulnérables. Lorsque les Canadiens souffrant d’une maladie grave n’ont pas accès à des soins appropriés, ils peuvent être accablés par le désespoir. Laisser à quelqu'un l'impression de n'avoir qu'une seule option ne cadre pas avec la notion d'autonomie personnelle.
Lorsque le gouvernement libéral actuel a supprimé la disposition relative à la « mort raisonnablement prévisible » du cadre de l’aide médicale à mourir, il a ouvert la porte aux personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie. Les défenseurs des personnes handicapées ont tiré la sonnette d'alarme à la suite de cette décision, et les articles de presse parus ces dernières années ont souligné les risques et le danger de cette décision. Les reportages montrant que c'est la pauvreté, et non la douleur, qui pousse des Canadiens handicapés à envisager l'aide médicale à mourir sont vraiment déchirants.
Pour les personnes handicapées, les pressions liées à la crise du coût de la vie sont encore plus fortes. Leurs frais de subsistance de base sont généralement beaucoup plus élevés. Avec l'augmentation générale des prix, il leur coûte encore plus cher de vivre. Il est donc inacceptable que des personnes handicapées se tournent vers l’aide médicale à mourir à cause de leur situation financière.
Les dépenses et les taxes inflationnistes de ce gouvernement néo-démocrate—libéral aggravent la crise de l'abordabilité dans ce pays, et ce qui est encore plus honteux, c'est que, malgré les souffrances qu'elle cause aux Canadiens, cette coalition coûteuse n'a pas corrigé le tir. Elle a continué à mal gérer l'argent des contribuables. Elle a l'intention de quadrupler la taxe sur le carbone, ce qui augmente le coût de presque tout.
N'oublions pas que pas une seule prestation d'invalidité n'a été versée à ceux qui en ont besoin et qui la réclament. Le projet de loi a été adopté assez rapidement au Parlement, mais les personnes qui ont désespérément besoin d'une aide financière attendent toujours.
La crise de l'abordabilité continue de s'aggraver dans tout le pays, ce qui place les personnes handicapées dans une position encore plus vulnérable. L'aide médicale à mourir ne devrait pas être plus facilement accessible aux personnes handicapées que le soutien ou les aménagements dont elles ont besoin pour mener une vie pleine, saine et digne.
Il a souvent été rapporté que des Canadiens se voient proposer l'aide médicale à mourir sans l'avoir demandée au préalable, ce qui est très inquiétant. Cela laisse entendre que des mesures de sauvegarde n'ont pas été mises en place pour éviter que les personnes vulnérables subissent des pressions pour demander l'aide médicale à mourir ou soient forcées de le faire. Personne ne devrait avoir l'impression que le système de santé, l'infrastructure censée fournir des soins et un soutien, n'accorde aucune valeur à sa vie.
Le cadre actuel de l’aide médicale à mourir et sa capacité de protéger les personnes les plus vulnérables de nos collectivités suscitent de graves préoccupations. Le gouvernement libéral ne répond pas à ces préoccupations qui devraient, en fait, être en tête de ses priorités dans un dossier comme celui de l’aide médicale à mourir. Puisque les risques et les préoccupations liés au cadre actuel sont amplement justifiés, il est impératif que nous prêtions une oreille attentive aux mises en garde claires contre l’élargissement de cette pratique.
Des experts ont dit qu’il était impossible de prédire de façon légitime le caractère irrémédiable de la maladie mentale. Cela veut dire qu’il est possible que des personnes souffrant uniquement d’une maladie mentale se rétablissent et voient leur état s’améliorer. Leur état de santé mentale n’est pas irrémédiable ou sans espoir. Si l’aide médicale à mourir est offerte à des personnes souffrant uniquement de maladie mentale, il est inévitable que des Canadiens vulnérables mourront alors que leur état aurait pu s’améliorer.
De plus, des experts ont clairement indiqué combien il était difficile pour des cliniciens de faire la distinction entre une demande d’aide médicale à mourir rationnelle et une demande motivée par des pensées suicidaires. La prévalence des idées suicidaires et des tentatives de suicide est déjà très forte chez les personnes atteintes de maladie mentale. Le fait d’étendre l’accès à l’aide médicale à mourir à ce groupe de personnes va à l’encontre des efforts de prévention du suicide. La vie de chaque personne a une valeur et une finalité. Il est inacceptable que le gouvernement adopte des politiques qui dévalorisent la vie d’une personne, et l’intention du gouvernement libéral d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir ne respecte pas les personnes atteintes de maladie mentale au Canada.
Qu’il ait lieu en mars de cette année ou dans trois ans, l’élargissement de l’aide médicale à mourir continuera d’être une option dangereuse et imprudente. L’élargissement reporté de l’aide médicale à mourir finira par desservir les Canadiens vulnérables. Le projet de loi ne va pas assez loin pour protéger les personnes atteintes d’une maladie mentale. Le doit immédiatement et de façon permanente renoncer à l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale. Nous ne pouvons pas abandonner les personnes qui souffrent. Nous devons les soutenir et les traiter, pas leur donner la mort.
Les conservateurs pleins de gros bon sens savent que des personnes atteintes de maladie mentale peuvent se rétablir. Nous n’appuyons pas les politiques qui abandonnent les gens dans leur état le plus vulnérable. La mort n’est pas un traitement contre la souffrance. Nous serons à leurs côtés et aux côtés de leurs proches. Lorsqu’il s’agit d’aide médicale à mourir, nous devons, d’abord et avant tout, nous battre pour protéger les plus vulnérables parce que, quand il est question de vie ou de mort, on ne peut pas se permettre la moindre erreur.
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Madame la Présidente, avant d’aborder la question très importante dont nous sommes saisis, j’aimerais dire quelques mots sur la tragédie qui s’est produite dans le sud du Manitoba pendant le week-end et qui a causé la mort de deux jeunes femmes et de trois enfants. En tant que père, je ne saurais imaginer combien la perte d’un enfant doit être lourde à supporter pour les proches et les amis de ce dernier. C’est une tragédie qui aura un impact sur leur vie et sur l’ensemble de la communauté.
Je pense à Carman et à la région environnante, aux amis, aux familles et aux proches des victimes de cette tragédie qui a des conséquences dévastatrices pour une petite collectivité comme celle-là, où tout le monde connaît son voisin et s'entraide. Je prie pour que chaque membre de cette collectivité puisse traverser avec courage cette période sombre et particulièrement difficile.
Pour revenir à la question dont nous sommes saisis, nous sommes à un peu plus d’un mois de l’élargissement, par le gouvernement libéral, de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale. J’estime que c’est une décision inhumaine, irresponsable et immorale. Chaque vie est importante, et personnellement, je ne laisserai jamais tomber ceux qui ont besoin d’aide.
Je n’ai jamais vu un gouvernement gérer aussi mal un dossier de cette importance, et, que cela plaise ou non à mes collègues libéraux, j’estime qu’ils vont avoir des comptes à rendre. Étant donné la gravité de la question, il y a beaucoup de questions qui n’ont toujours pas de réponse. Comment le a-t-il pu laisser les choses en arriver là? Comment le gouvernement a-t-il pu être aussi irresponsable et aussi négligent?
Dès le premier jour, les députés conservateurs ont lancé le signal d’alarme, mais personne ne les a écoutés, et aujourd’hui, nous devons agir dans l’urgence. C’est aberrant qu’il ait fallu une levée de boucliers de la part des professionnels de la santé pour que les libéraux reviennent sur leur décision. Tous les témoins qui ont comparu devant le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir nous ont mis en garde contre les dangers d’un tel plan.
Pourquoi le a-t-il accepté les amendements de dernière minute des sénateurs, qui modifiaient radicalement le cadre législatif de l’aide médicale à mourir? Il n’y a pas eu d’étude parlementaire. Il n’y a pas eu de consultations avec des experts ou des groupes concernés, et rien ne permettait d’affirmer que l’accès des personnes souffrant de maladie mentale à l’aide médicale à mourir pouvait se faire en toute sécurité et de façon appropriée. Lorsque le premier texte des libéraux, le projet de loi , a été présenté aux députés, absolument aucune passerelle n’était prévue pour permettre aux personnes souffrant de maladies mentales d’avoir accès à l’aide médicale à mourir. En fait, le projet de loi excluait catégoriquement cette possibilité.
Dans la proposition initiale d’amendement du Code criminel, il était précisé que « l'aide médicale à mourir n’est pas permise lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée ». Le de l’époque a déclaré que « les experts ne s’entendent pas sur la question de savoir si une personne dont la seule affection est une maladie mentale devrait être admissible à l'aide médicale à mourir, et si oui, comment la demande doit être traitée ». Le ministre a ensuite fait un virage à 180° et s’est fait le défenseur de cette orientation désastreuse. C’est à cause de ses actions et de l’approbation par le des amendements du Sénat que nous en sommes là aujourd’hui.
C’est la deuxième fois que les libéraux doivent retarder la mise en œuvre de leur mesure législative irresponsable. Il n’y aura jamais de consensus parmi les experts en santé mentale sur le fait que le gouvernement devrait élargir l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant d’une maladie mentale. Si les libéraux ne veulent pas m’écouter, je les implore d’écouter leur propre groupe d’experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale, qui a déclaré qu’il était improbable qu’on puisse déterminer si un trouble mental est incurable.
Selon le rapport du groupe d’experts, « les connaissances sur le pronostic à long terme de nombreuses maladies sont limitées et il est difficile, voire impossible, pour les cliniciens de faire des prévisions précises sur l’avenir d’un patient donné ». Les chefs des départements de psychiatrie des 17 facultés de médecine ont repris ces propos et ont demandé aux libéraux d’empêcher la mise en œuvre du plan le 17 mars.
Je suis tout à fait d'accord avec ces experts. Cela dit, il faudrait non seulement suspendre la mise en œuvre de cette disposition législative, il faudrait aussi l'abolir une fois pour toutes. Je tiens à être parfaitement clair. Au lieu de repousser la mise en œuvre, le gouvernement doit présenter un projet de loi pour que la disposition n'entre jamais en vigueur.
Lorsque je me suis présenté pour devenir député, c'était un élément clé de mon programme électoral. Je me suis engagé à faire tout ce que je pouvais pour empêcher les libéraux de mettre en œuvre cette idée dangereuse, et la triste réalité, c'est que le ...
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Madame la Présidente, comme je l’ai dit, la triste réalité, c’est que le ne cherche qu’à retarder la mise en œuvre de la loi. Même la libérale chargée de la santé mentale a déclaré la semaine dernière que, pour le gouvernement, la question n’était pas de savoir si la loi devait être mise en œuvre, mais quand. Ma réponse est: jamais. La loi ne doit en aucun cas être appliquée.
Au lieu des libéraux, qui ne cessent de présenter des mesures législatives pour retarder cette terrible politique, il faudra un nouveau gouvernement conservateur pour résoudre la question une fois pour toutes.
Je tiens à rappeler à tous les députés de la Chambre que nous aurions pu régler la question il n’y a pas si longtemps. Mon collègue conservateur, le député d’, a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire qui aurait mis fin à cela une fois pour toutes. Ce projet de loi aurait permis de régler presque tous les aspects dont nous discutons aujourd’hui. Bien sûr, le et presque tous les députés libéraux ont voté contre.
Quant à mes collègues, qui ne semblent pas préoccupés par l’élargissement de l’aide médicale à mourir, je vais tenter de les faire changer d'avis. Il n’existe aucun moyen raisonnable d’établir un cadre juridique permettant de déterminer quelles maladies mentales sont incurables. Chaque personne est différente et chaque circonstance est unique. Des variables telles que la situation économique des personnes, leur réseau de soutien et leur lieu de résidence ont une incidence.
Malheureusement, dans le Canada rural, l’accès aux services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie est souvent très problématique. Si les gens ont la chance de vivre dans une collectivité qui offre l’accès à des services de santé mentale, ils risquent fort d’être confrontés à une longue attente. Si les gens prennent la décision très difficile de chercher de l’aide, je suis gêné de dire que cela peut prendre des jours, voire des semaines, avant qu’ils n’obtiennent cette aide.
Il est compréhensible que des personnes atteintes d’une maladie mentale, qui ont perdu tout espoir, puissent penser ainsi parce qu’elles n’ont pas accès aux soins et au soutien dont elles ont besoin. Nous connaissons tous quelqu’un de notre entourage qui a éprouvé des difficultés. Nous savons également que cela ne définit pas la personne. Grâce au recul progressif de la stigmatisation, de plus en plus de personnes cherchent enfin l’aide dont elles ont besoin.
L’autre bonne nouvelle, c’est que la recherche et les avancées dans le domaine de la santé mentale ont permis d’améliorer beaucoup le traitement des personnes atteintes d’une maladie mentale. Il faut parfois des années de traitement, voire toute une vie, mais avec le soutien et l’aide appropriés, les gens peuvent reprendre leur vie en main. Je le souligne parce que, conformément à la loi, une personne doit souffrir d’une affection grave et incurable pour être admissible à l’AMM.
En ce qui concerne la première partie, il ne fait aucun doute que les personnes atteintes d’une maladie mentale sont parfois dans un état grave. Si elles ne reçoivent pas l’aide dont elles ont besoin, la situation peut rapidement devenir incontrôlable. Pour ce qui est de la deuxième partie, il n’est pas étonnant que des gens pensent que leur maladie mentale est incurable. S'ils n’ont pas accès à du soutien, à des services et à des traitements en santé mentale, ils doivent avoir l’impression que leur état ne s’améliorera jamais.
Les libéraux adorent parler de compassion. Je vais donc en profiter, en conclusion, pour dire à la Chambre ce que la compassion nous commande de faire.
Premièrement, nous devons suspendre de façon permanente, et non pas retarder, l’aide médicale à mourir pour ceux dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale.
Deuxièmement, nous devons améliorer les services pour les personnes les plus vulnérables de la société. Malheureusement, le gouvernement libéral n'a pas encore tenu sa promesse électorale de mettre en œuvre un transfert aux provinces pour la santé mentale. Au lieu d'améliorer l'accès aux services de santé mentale, tout ce que les gens entendent, c'est que le gouvernement leur facilite l'accès à la mort.
Enfin, les libéraux doivent comprendre qu'il y a une crise du coût de la vie. Bien trop souvent, nous les avons vus faire fi des besoins des Canadiens en difficulté. Il y a même eu des cas où des personnes se sont manifestées pour dire que l’aide médicale à mourir était la seule option qui leur restait parce qu'elles n'avaient plus les moyens de vivre.
À St. Catharines, un homme a déclaré qu'il voulait entamer le processus de demande d’aide médicale à mourir, non pas parce qu'il veut mourir, mais parce qu'il ne peut pas compter sur les mesures d’aide sociale et qu'il craint de ne pas avoir d'autre choix. La directrice générale de la banque alimentaire de Mississauga a déclaré que des personnes viennent dans son établissement pour demander non pas de la nourriture, mais de l'aide pour mettre fin à leurs jours, non pas parce qu'elles sont malades, mais parce qu'elles n'ont pas les moyens de se nourrir.
Je continuerai fièrement à me battre pour les plus vulnérables de notre société et pour faire triompher le bon sens. Aujourd'hui, cela signifie que nous demandons la suspension de l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une maladie mentale.
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Madame la Présidente, les députés conservateurs n’aiment peut-être pas mes propos, mais c’est la vérité, et parfois, la vérité fait mal. Si nous nous reportions aux premiers débats en mai, nous constaterions que beaucoup plus de compassion était exprimée sur le parquet de la Chambre des communes, de tous les côtés. Les députés libéraux, conservateurs, néo-démocrates et autres ont montré très clairement à quel point ce que devait faire le Parlement était difficile afin de respecter la décision de la Cour suprême du Canada concernant l'aide médicale à mourir. Aujourd’hui, dans ce débat, nous avons vu le faire un rappel au Règlement sur un sujet qui n’a rien à voir avec le débat, pour tenter de déposer un document. Pourquoi a-t-il agi ainsi? Il ne pouvait tout simplement pas attendre la période des questions, je suppose, qui commence après les déclarations de députés, qui elles, débutent dans 15 ou 20 minutes.
Nous devrions être attentifs aux thèmes que les conservateurs ont abordés dans leurs interventions. Certains conservateurs, les deux ou trois derniers en particulier, se sont levés et ont donné la fausse impression que le projet de loi équivaudrait à un suicide sur demande. La députée de a déclaré qu’aujourd’hui, une personne déprimée en raison de problèmes de santé mentale pourrait se rendre chez un médecin et prendre rendez-vous pour se suicider vendredi, avec l’aide du gouvernement. Les députés conservateurs propagent de la mésinformation sur un sujet aussi délicat. Ce sont des situations très difficiles avec lesquelles des Canadiens doivent composer tous les jours.
Hier, le député de a parlé de 12 000 ou 13 000 personnes tuées avec beaucoup de désinvolture, laissant entendre que la loi permet simplement de tuer des gens. De mon point de vue, la décision d’obtenir l’AMM n’est pas facile; elle est très difficile à prendre. Les membres de la famille et les personnes concernées vivent des moments très difficiles dans une situation bien concrète. Hier et aujourd’hui, les conservateurs se moquent pratiquement de tout cela et propagent de la mésinformation sur un enjeu aussi important. Qu’est-il advenu de la compassion de 2015, 2016 et même 2017? À l’époque, il semblait y avoir un sentiment dans cette enceinte que, oui, il y aura parfois des désaccords si les députés sont profondément touchés par un enjeu, comme il se doit, mais il y avait aussi un esprit beaucoup plus fort de coopération lorsque les députés racontaient ce que leurs concitoyens avaient vécu.
Le député de a dit que les gens recourent aux banques alimentaires et songent au suicide à cause du coût de la vie. Un certain nombre de qualificatifs me viennent à l'esprit au sujet de la façon dont les députés d'en face font ce genre de déclarations stupides. Franchement, je pense que ces déclarations sont stupides et qu'elles ne contribuent pas de façon positive au débat sur une question très importante que la Chambre doit aborder, ce que ferait une discussion sur les mesures d'aide et les services.
Lors des débats de 2015-2016, nous avons beaucoup entendu parler d’enjeux tels que les soins palliatifs. Nous voulions nous assurer que les dispositions législatives relatives à l’aide médicale à mourir ne seraient en aucun cas invoquées comme résultat direct de l’absence de services et de systèmes appropriés pour fournir des garanties à ces personnes qui se sentaient contraintes de demander l’aide médicale à mourir. C’est le genre d’éléments qui, à mon avis, ont pris une grande importance à l’époque.
Aujourd’hui en revanche, les conservateurs diront: « Qu’en est-il des 4,5 milliards de dollars que le Parti libéral s’est engagé à verser? » Les députés ont raison de dire que le gouvernement avait pris un engagement appréciable à l'égard de la santé mentale, soit celui de verser plusieurs milliards de dollars sur cinq ans. C’est l’une des raisons pour lesquelles les accords sur les soins de santé que nous avons mis en place, dont on a fait grand cas l’an dernier, et qui s’élèvent à un peu moins de 200 milliards de dollars sur 10 ans, visent à financer des soins de santé non seulement aujourd’hui, mais pour les générations futures qui bénéficieront de ce type d’investissement. De plus, le collabore avec les provinces pour conclure des accords dans des domaines comme les services en matière de santé mentale. Nous reconnaissons à quel point il est important de veiller à ce que ces services soient financés.
Contrairement à un certain nombre de députés du Parti conservateur, et je ne veux pas les étiqueter tous, du moins pas à ce stade, le gouvernement a continué à travailler avec les provinces, en particulier, et avec d’autres parties prenantes dans différents forums pour garantir que les personnes qui obtiennent l’aide médicale à mourir sont, en fait, informées de manière très concrète des catégories de services disponibles. Il ne s’agit en aucun cas de dire simplement: « Voici ce que je veux et je l’obtiendrai », puis de l'obtenir deux jours plus tard. Nous pouvons observer l’attention et le débat publics accordés à des enjeux tels que les soins palliatifs depuis l’instauration de l’aide médicale à mourir, soins qui ont été grandement améliorés, à mon avis.
J’aimerais croire que les provinces, qui sont responsables en dernière analyse de l’administration publique des services de soins de santé, ont pris des notes et compris qu’elles ont aussi une responsabilité, car ce sont elles qui offrent les services que les Canadiens attendent. Le gouvernement fédéral l’a reconnu en soutenant des mesures telles que l’encouragement des normes en matière de soins de longue durée et en fournissant des fonds substantiels pour veiller à ce que les provinces soient mieux à même de répondre à la demande de soins de santé. En ce qui concerne ce que j’ai dit plus tôt à propos de la santé mentale, nous continuons à honorer les engagements sérieux que nous avons pris et nous travaillons à les réaliser avec les provinces et les territoires.
Comme je l'ai dit hier, je fais confiance aux professionnels de la santé, aux travailleurs sociaux et aux autres personnes qui possèdent l'expertise nécessaire et je fais confiance aux gens qui pensent que l'aide médicale à mourir pourrait être la voie à suivre pour eux. Des efforts considérables sont déployés dans chaque situation, et j'ai confiance dans le système.
Les députés pourront me corriger si je me trompe, mais je ne me souviens pas d’une province ou d’un premier ministre au Canada qui ait clairement déclaré que l’aide médicale à mourir ne fonctionnait pas. Les provinces demandent un report de trois ans pour un aspect de l’aide médicale à mourir, soit lorsque la santé mentale est la seule raison de la demande. La question d'autoriser la maladie mentale comme unique condition médicale sous-jacente a été ajoutée à la mesure législative initiale sur l’aide médicale à mourir, puis introduite sous forme de projet de loi, ce qui a permis aux provinces et aux autres administrations de disposer d’un délai pour prendre les dispositions nécessaires afin d'offrir des services aux Canadiens.
Nous avons ensuite constaté que les provinces avaient besoin de plus de temps. Un certain nombre de gouvernements provinciaux n’ont pas dit qu’il fallait se débarrasser de l’aide médicale à mourir, mais plutôt qu’ils avaient besoin de plus de temps pour mettre en œuvre cet aspect de la loi. C’est essentiellement la raison pour laquelle nous sommes saisis de ce projet de loi aujourd’hui.
Cependant, si on écoute les députés du Parti conservateur, on constate qu’ils ne laissent nullement entendre qu'ils appuieront le projet de loi . Il sera intéressant de voir comment ils voteront. Logiquement, je croirais qu’ils voteraient en faveur du projet de loi. S’ils votent contre le projet de loi C-62 et que, pour une quelconque raison, le projet de loi n’est pas adopté, le critère selon lequel la maladie mentale peut être l’unique condition médicale sous-jacente entrera en vigueur le 17 mars prochain. Par conséquent, il est important que les députés, quel que soit leur position, votent pour le projet de loi parce qu’il répond directement à ce que demandent au gouvernement du Canada nos partenaires, qui sont, en dernière analyse, responsables de l'application de la loi.
Les députés d’en face essaient souvent de dire qu’il revient au gouvernement de décider. Il est important de souligner ce que j’ai mentionné au tout début: la raison pour laquelle nous avons aujourd’hui un projet de loi sur l’aide médicale à mourir est que, en 2015, dans l’arrêt Carter, la Cour suprême a essentiellement déclaré que nous devions l'instaurer. Nous n’avions pas le choix, si, bien sûr, nous respectons la Charte des droits et libertés. Je vais répéter ce que j’ai dit hier: il y a eu beaucoup de consultations, littéralement des centaines d’heures de réunions de toutes sortes, y compris des comités permanents, des débats à la Chambre, des réunions dans les circonscriptions, des sondages et des pétitions. Bien qu’il y ait eu toutes sortes de mécanismes pour apporter une contribution, en fin de compte, je pense que le projet de loi a atteint un seuil permettant de répondre en grande partie aux préoccupations de la Cour suprême du Canada et de respecter la Charte des droits.
Cela a été suivi d'une décision de la Cour d'appel du Québec qui nous a donné une nouvelle obligation d'améliorer la loi, et c'est exactement ce que nous avons fait.
Nous continuons aujourd'hui à chercher des moyens d'améliorer la loi. Je pense qu'elle tient compte de la Charte canadienne des droits et libertés. Si les membres du caucus conservateur maintiennent qu'ils n'appuient pas la loi sur l'aide médicale à mourir, je me demande s'ils appuient réellement la Charte canadienne des droits et libertés.
J'ajouterai que l'attitude générale du ...